Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 351 sur 351

Nombre de pages: 351

Notice complète:

Titre : Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau

Auteur : Société Jean-Jacques Rousseau. Auteur du texte

Éditeur : A. Jullien (Genève)

Date d'édition : 1905

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34462999q

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34462999q/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 9573

Description : 1905

Description : 1905 (T1).

Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique

Description : Collection numérique : Zone géographique : Europe

Description : Collection numérique : Thème : Les droits de l'homme

Description : Collection numérique : Histoire et géographie

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k16123j

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 96%.



ANNALES

DE LA SOCIÉTÉ

JEAN-JACQUES ROUSSEAU




JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Londres 1766 peint par Ramsay Musée d'Edimbourg


ANNALES

DE LA SOCIÉTÉ

JEAN-JACQUES ROUSSEAU TOME PREMIER

1905

A GENÈVE

CHEZ A. JULLIEN, ÉDITEUR

Au BoURG-DE-FûUB, 32


SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'IMPRIMERIE Genève, Pélisserie, t8


SOCIÉTÉ JEAN-JACQUES ROUSSEAU

STATUTS

TITRE PREMIER

Dénomination, Siège, Objet, Durée

ARTICLE PREMIER. Il est formé, entre les personnes qui adhèrent aux présents statuts, une société jouissant de la personnalité civile, conformément à l'article 716 du Code fédéral des Obligations.

Art. 2. Cette société prend le nom de

SOCIËTË JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Elle a son siège à Genève.

Art. 3. Elle a pour but

a) de développer et de coordonner les études relatives à Jean-Jacques Rousseau, à son oeuvre et à son époque

b) de publier une édition critique de ses oeuvres.

Elle se propose d'associer amicalement les personnes qui, dans tous les pays, s'intéressent aux mêmes travaux.

Elle réunit, sous le nom d'Archives Jean-Jacques Rousseau, les manuscrits, imprimés, portraits, médailles, souvenirs et autres documents de toute nature qui se rapportent à cet écrivain. A cet effet, elle reçoit tous dons et prêts.

Elle s'intéresse à la conservation des monuments, édifices et sites pittoresques qui rappellent la mémoire de Jean-Jacques Rousseau. Elle publie un recueil périodique de mémoires et documents, et peut entreprendre ou encourager d'autres publications relatives à son objet. Art. 4. Les dons et legs faits à la Société sont employés conformément aux buts indiqués dans l'article 3. Une destination spéciale peut leur être assignée par les donateurs.

Art. 5. La durée de la Société est indéterminée.

TITRE II

Droits et Obligations des Sociétaires

Art. 6. – Pour faire partie de la Société, il faut être agréé par le Comité et adhérer aux présents statuts, en s'engageant à payer une cotisation annuelle de douze francs, dont les particuliers peuvent se libérer par un versement unique de cent francs au moins.


Art. 7. Les sociétaires peuvent se retirer en tout temps de la Société, moyennant un avertissement donné par écrit au Comité.

Art. 8. Les contributions sont exigibles dans les trois premiers mois de l'exercice, qui commence le premier janvier de chaque année. Les sociétaires qui n'ont pas versé leur cotisation dans le courant de l'année sont considérés comme démissionnaires.

Exceptionnellement, le premier exercice s'étendra jusqu'au 31 décembre 1905.

Art. 9. Les membres de la Société reçoivent gratuitement son recueil périodique. Il leur est accordé, sous réserve du consentement des administrations compétentes des facilités spéciales pour la consultation des Archives. Art. 10. Les sociétaires n'ont individuellement aucun droit sur les biens de la Société. Ils ne sont tenus à aucune responsabilité personnelle quant aux engagements de la Société, lesquels sont uniquement garantis par les biens de celle-ci.

TITRE III

Assemblée G~M~

Art. n. L'Assemblée générale régulièrement constituée représente l'ensemble des sociétaires.

Art. 12. L'Assemblée générale se réunit chaque année, en séance ordinaire, au printemps.

Le Comité peut, en tout temps, convoquer une assemblée générale extraordinaire. Il doit le faire, lorsque la demande lui en est adressée par un dixième des sociétaires ou par les commissaires-vérificateurs. Art. n. La convocation se fait au moins quinze jours à l'avance par une circulaire envoyée à chaque sociétaire.

Art. 14. Chaque sociétaire a droit à une voix. Il peut se faire représenter par un autre sociétaire muni d'un pouvoir écrit toutefois un sociétaire ne peut disposer de plus de trois voix, y compris la sienne. Art. 15. L'Assemblée générale est présidée par le président du Comité ou son remplaçant. Le président désigne le secrétaire et deux scrutateurs. Art. t6. L'Assemblée générale délibère valablement et prend ses décisions à la majorité des voix, quel que soit le nombre des sociétaires présents ou représentés, sous réserve des dispositions de l'article 25 ci-après.


Art. )y. L'Assemblée générale reçoit et approuve les comptes et rapports du Comité et des commissaires-vérificateurs.

Elle nomme les membres du Comité et les commissaires-vérificateurs. Elle délibère sur toutes les propositions qui lui sont faites, après avoir entendu le préavis du Comité.

Le Comité peut renvoyer à l'ordre du jour d'une assemblée subséquente toute proposition individuelle qui ne lui a pas été communiquée au moins huit jours à l'avance.

TITRE IV

Administration, Contrôle

Art. 18. La Société est dirigée et administrée par un Comité de sept à onze membres, élus par l'Assemblée générale parmi les sociétaires; ils sont nommés pour deux ans et immédiatement rééligibles.

Art. IQ. Le Comité choisit parmi ses membres le président de la Société, le vice-président, le secrétaire, le secrétaire-adjoint et le trésorier. Art. 20. Le Comité délibère valablement pourvu que le nombre des membres présents ne soit pas inférieur à trois.

Dans les délibérations, lorsque les avis sont également partagés, la voix du président est prépondérante.

Art. 21. Le Comité donne son préavis sur toutes les propositions soumises à l'Assemblée générale.

Il est autorisé à faire tous les actes qui se rapportent à l'objet de la Société, et a les pouvoirs les plus étendus pour la gestion de ses affaires. Il peut notamment: plaider, transiger et compromettre; représenter la Société vis-à-vis des tiers; accepter ou refuser tous dons et legs; pourvoir au remplacement et au recouvrement des fonds, à l'emploi des capitaux et revenus donner toutes quittances et décharges donner main levée de tous privilèges, hypothèques, saisies et oppositions avant comme après paiement passer et signer tous actes au nom de la Société.

Art. 22. Pour les actes à passer et les signatures à donner, le Comité est valablement représenté par deux de ses membres spécialement délégués. Art. 23. Le Comité rend compte de sa gestion chaque année à l'assemblée générale.

Art. 24. La surveillance et le contrôle de la gestion sont exercés par deux commissaires-vérificateurs, nommés chaque année par l'Assemblée générale et immédiatement rééligibles.


TITRE V

Révision des ~S~M~. Dissolution. Publications

Art. 2;. Toute proposition tendant à la révision partielle ou totale des statuts, ou à la dissolution de la Société, doit être envoyée à chaque sociétaire quinze jours au moins avant l'assemblée générale, par les soins du Comité.

Il ne peut être statué sur une proposition de ce genre qu'à la majorité des deux tiers des voix présentes ou représentées.

Art. 26. En cas de dissolution, l'actif ne sera pas partagé entre les sociétaires il sera remis à la Bibliothèque ou aux autres collections publiques de Genève.

Art. 27. Les notifications de la Société à ses membres et au public sont faites par une missive adressée à chaque sociétaire, et par des insertions dans la « Feuille d'Avis Officielle » du canton de Genève.


LISTE DES MEMBRES

AooR, Gustave, Conseiller national, 8, rue de l'Athénée, Genève, Suisse. ÂLEXEiEFF, Alex.-S., Doyen de la Faculté de droit de l'Université, boulevard Académie des Sciences commer-

ciales, Moscou, Russie. ALTAMIRA, Rafael, professeur à l'Université, Oviedo, Espagne. AUBERT, Hippolyte, directeur de la Bibtiotheque publique, Genève, Suisse. AURENCHE, Louis, receveur de l'Enregistrement, Pierrelatte, Drôme, France. BARBEY, Frédéric, archiviste-paléographe, 32, rue du Luxembourg, Paris, France BARBtER, Paul, professeur de philologie romane à l'Université, Leeds, York, Angleterre. BARDE, Edmond, secrétaire de la Rédaction du Journal de Genève, S-7, rue Général-Dufour, Genève. Suisse. BARRETO, Elisabeth, Mme, Portalegre, Portugal. BASTARD, Charles, it, boulevard des Philosophes, Genève, Suisse. BAUD, Georges, 27, avenue Pictet de Rochemont, Genève, Suisse. BÉDtER, Joseph, docteur ès lettres, professeur au Collège de France, H, rue Soufflot, Paris, France. BENRUBI, J., docteur en philosophie, i62, KarfUrstenstrasse, Berlin, W. Allemagne. VAN BERCHEM, Victor, 60, route de Frontenex, Genève, Suisse. BERNÈs, Henri, professeur au Lycée Lakanal, agrégé des lettres, 127, boulevard St-Miche), Paris, France. BERTHELOT, M., de l'Académie française, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, 3, rue Mazarine,

Paris, France. BERTRAND, Alexis, docteur ès lettres, professeur à l'Université, 56, rue Montbernard, Lyon, France. BIBLIOTHÈQUE NATIONALE SUISSE, Berne, Suisse. BIBLIOTHÈQUE DE L'ECOLE NORMALE SUPÉRIEURE, Paris, France. Dans cette liste, les noms précédés d'un sont ceux des membres perpétuels.


BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE DE LYON, France. BIBLIOTHÈQUE IMPÉRIALE PUBLIQUE, St-Pétersbourg, Russie. BiBUOTHÊQUE ROYALE, Berlin, Allemagne. BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE Baron Carl von Rothschild, Francfort s/M., Allemagne. BRITISH MusEUM, Londres, Angleterre. BIBLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ, Giessen, Allemagne. BiBuoTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ HARVARD, Cambridge, Mass., Etats-Unis. BiBuoTHÈQUE DE LA VILLE, Neuchatei, Suisse. BIBLIOTHÈQUE DE BRYN MAWR COLLEGE, Pensylvanie, Etats-Unis. BiBuoTHÈQUE GRAND-DUCALE, Weimar, Allemagne. BLANC, baron Jules, Sécheron, Genève, Suisse. BmTOH Auguste, 14, secrétaire honoraire de l'Ecole des Beaux-Arts, quai de l'Archevêché, Lyon. France. BLONDEL, Auguste, président de la Société auxiliaire des Sciences et des Arts, 16, rue Sénebier, Genève, Suisse. BopGEAUD, Charles, docteur en philosophie et en droit, professeur à l'Université, Onex, Genève, Suisse. BouviER, Adolphe, ingénieur, 2S, avenue de Noailles, Lyon, France. BOUVIER, Barthélémy, banquier, 4, rue Charles Bonnet, Genève, Suisse. BouviER, Bernard, agrégé de l'Université de Paris, professeur à l'Université, 10, Bourg-de-Four, Genève, Suisse. BOUVIER, Mathilde, Mme, 10, Bourg-de-Four, Genève, Suisse. BovET, Ernest, docteur en philosophie, professeur à l'Université, 29, Bergstrasse, Zurich, V. Suisse. Bov DE LA Toup, Maurice, 12, rue du Pommier, Neuchâtel, Suisse. BRANDÈs, Georg, docteur en philosophie, professeur à l'Université, Copenhague, Danemark. BRËDiF, L.-L., recteur d'Académie honoraire, Bourg-laReine, Seine, France. BRUNEL, Lucien, docteur ès lettres, professeur au Lycée Henri IV, 28, avenue de l'Observatoire, Paris, France. BpUNETiÈRE, Ferdinand, de l'Académie française, directeur de la Revue des Deux J~onde~ 2, rue Bara,

Paris, France. DE BuDÉ, Eugène, homme de lettres, Petit-Saconnex, Genève, Suisse. BUFFENOIR, Hippolyte, homme de lettres, 15, rue des Apennins, Paris, France. CAHEN, Albert, professeur de rhétorique supérieure au Lycée Louis-le-Grand, 53, rue Condorcet, Paris, IX. France.


CARTIER, Alfred, secrétaire générât du Service des Musées et Collections de la Ville de Genève, ii, boulevard des

Philosophes, Genève, Suisse. CARTIER. Julia, Mite, docteur de l'Université de Paris, il, rue Verdaine, Genève, Suisse. CASTELLANT, Auguste, Les Charmettes s/Largny, Aisne, France. CATARGI, Miche), 26, Anlage, Heidelberg, Allemagne. CHAppuis, Henri, directeur d'imprimerie, 18. Pélisserie, Genève, Suisse. CHApmsAT, Edouard, licencié en droit, secrétaire du Conseil administratif, 14, rue Sénebier, Genève. Suisse. CHARAVAY, Noël, 3, rue Furstenberg, Paris, VI. France. CHATELAIN, docteur en médecine, St-Blaise, Neuchâtel, Suisse. CHODAT, Robert, docteur ès sciences, Doyen de la Faculté des Sciences, 26, boulevard des Philosophes, Genève, Suisse. CuoisY, Eugène, pasteur, licencié en théologie, 4, boulevard de la Tour, Genève, Suisse. CHOISY, Frédéric, licencié ès lettres, 1, rue des Chaudronniers, Genève, Suisse. CHRISTEN, Théodore, docteur en médecine, West Seventh Street, Cincinnati, Ohio, Etats-Unis. CHUQUET, Arthur, membre de l'Institut, professeur au Collège de France, Villemomble, Seine, France. CLAPARÉDE, Edouard, docteur en médecine, rédacteur des Archives de psychologie, H, Champel, Genève, Suisse. CLARETIE, Jules, de ['Académie française. Administrateur de la Comédie française, Paris, France. CLARETIE, Léo, docteur ès lettres, 18, avenue Hoche, Paris, France. CoMPAYRÉ, Gabriel, Inspecteur général de l'Instruction publique, Membre correspondant de l'Académie des

Sciences morales et politiques, Paris, France. CouET, Jules, 14, rue Leconte de Lisle, Paris, France. COURTOIS, Louis, licencié ès lettres, Palmers School, Grays (Essex). Angleterre CROcs, Benedetto, directeur de la Critica, 23, Via Atri, Naples, Italie. CROSNIER, Jules, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, 4, place Edouard Claparède, Genève, Suisse. CusTOR, Caroline, Mme, 9, chemin des Cottages, Genève, Suisse. DARIER, Gaston, étudiant en lettres, 6, rue Charles Bonnet, Genève, Suisse.


DARIER-STEINER, Lisi, Mme, 22, promenade St-Antoine, Genève, Suisse. DAVID, Jeanne-E., Mite, 33, rue de Malagnou, Genève, Suisse. DEBARGE, Louis, directeur de la Semaine littéraire, 4, boulevard du Théâtre, Genève, Suisse. DEBRIT, Jean, licencié ès lettres, chemin de la Montagne, Chêne, Genève, Suisse. DEBRIT, Marc, Directeur honoraire du Journal de Genéve, chemin de la Montagne, Chêne, Genève, Suisse. DE CRUE, Francis, docteur ès lettres, professeur à l'Université, président de la Société d'.HMtoM'e et d'Archéologie,

10, rue du Mont-de-Sion, Genève, Suisse. DENIS, Hector, professeur à l'Université, 34, rue de la Croix, Ixelles-Bruxelles, Belgique. DINGER, Hugo-Moritz, docteur en philosophie, professeur à l'Université, 2, Landgrafenweg, lena, Allemagne. DioDATi-PLANTAMOUR, Mme, S, promen. du Pin, Genève, Suisse. DoRET, M., pasteur, professeur à l'Université, chemin de la Montagne, Chêne, Genève, Suisse. DnEYFUS-BR)SAC, ancien rédacteur en chef de la Revue internationale de l'enseignement, 6, rue de Tocqueville,

Paris, France. DROz, Edouard, professeur de littérature française à l'Université, 7, rue Moncey, Besancon, France. DucRos, Louis, docteur ès lettres, Doyen de la Faculté des Lettres, 5, rue Goyraud, Aix, Bouches-du-Rhône, France. DUFOUR, Alfred, homme de lettres, 20, avenue de Lancy, Genève, Suisse. DuroUS, Théophile, directeur honoraire des Archives et de la Bibliothèque publique, Grand-Saconnex, Genève, Suisse. DnpROtx. Paul, Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences sociales, 12, boulevard de la Tour, Genève, Suisse. DuscmNSKY, W., docteur en philosophie, professeur, SI, Kaiserstrasse, Vienne, VII. Autriche. EGGIMANN, Auguste, libraire, i, rue Centrale, Genève, Suisse. EGGIMANN, Charles, éditeur, 18, boulevard Arago, Paris, France. ELIADE, Pompiliu, docteur ès lettres, professeur à l'Université, 41, Strada Fântânii, Bucarest, Roumanie. ELLIOTT, Marshall, professeur à l'Université John Hopkins, Baltimore, Etats-Unis. ELMER, Alice, Mme, 14, rue Muzy, Genève, Suisse.


ESCHER, Hermann, docteur en philosophie, directeur de la Bibliothèque de la Ville, Zurich, Suisse. EsptNAs, Atfred, docteur en droit, professeur à l'Université, 84,rueduRane)agh, Paris, France. FAT;o, Guillaume, banquier, 3, promenade du Pin, Genève. Suisse. FAVRE, Edouard, docteur en philosophie, 12, rue des Granges, Genève, Suisse. FAVRE, Léopold, 6, rue des Granges, Genève, Suisse. FAZY, Georges, avocat, député, Conches, Genève, Suisse. FAZY. Henri, Conseiller d'Etat, Conseiller national, président de l'Institut national genevois, 24, boulevard

Helvétique, Genève, Suisse. FERRIER, Camille, avocat. 8, rue Charles Bonnet, Genève, Suisse. FLAMiM, Francesco, professeur à l'Université, Padoue, Italie. FLEGENHEiMER, Edmond, agrégé de l'Université de Paris, 36, avenue d'Eylau, Paris, France. FLOURNOY, Edmond, 12, quai des Eaux-Vives, Genève, Suisse. FoL, Emma, Mme, 4, chemin de Champel, Genève, Suisse. FOUQUET, Paul, professeur agrégé au Lycée, Constantine, Algérie. FpAN~ois, Alexis, docteur de l'Université de Paris, 20, rue de Candolle, Genève, Suisse. FRiEDWAGNER, docteur en philosophie, professeur à t'Université, Czernowitz, Autriche. GALLAS, Karet-Rudotf, prof. à i'Ecoie militaire, Alkmaar, Hollande. GARDY, Frédéric, conservateur de la Bibliothèque publique, Genève, Suisse. GARR;so~VendeH-Ph., directeur de TAe~Va<toM,208, Broadway, Kew-York, Etats-Unis. GAUDtER, Chartes, professeur agrégé au Lycée, Reims, France. GAUTHtER. Pierre, publiciste, 7, rue Decamps, Paris, France. GAUTtKR, Paul, docteur ès lettres, professeur au Lycée Louisle-Grand, 143, boulevard du Montparnasse, Paris, France. GACTtKR-SARAStN, Mme, 12, rue des Granges, Genève, Suisse. DE GEHR, baron Carl, Consul général de Suède, 24, Matagnou, Genève, Suisse. DE GIRARDIN, comte, 9, place des Ternes, Paris, France. GIRAUD, Victor, agrégé de l'Université de Paris, secrétaire de la Revue des Deux Mondes, Hi, rue de l'Univer-

sité, Paris, France. GODET, Philippe, professeur à l'Académie, Neuchâtel, Suisse.


Gont, Eugen, librairie Asher et C°, i3, Unter den Linden, Berlin, W, 64. Allemagne. GttoVE, Lily, Mlle, étudiante en lettres, Queen Elisabeth's Lodge, Mansfield, Nottingham. Angleterre. GR<iNBEao, I., directeur de t'~r~~ de la Presse suisse, 23, rue du Rhône, Genève, Suisse. GuNNtNG, J.-H., docteur ès lettres, privat-docent de pédagogie à l'Université, 86, van Ecghenstraat, Amsterdam, Hollande. HAAS, Joseph, docteur en philosophie, professeur, 5, Bernhardstrasse, Fribourg e./B., Allemagne. HAGUENtN, Emite, agrégé de l'Université de Paris, professeuràt'Université.S, Hohenzollernplatz, Berlin, W., 13. Allemagne. VAN HAMEL, A.-G., docteur ès lettres, professeur à l'Université, Groningue, Hollande. HAUSKNECHT, Emile, docteur en philosophie, directeur du Reform-Realgymnasium, li, Jahnstrasse, Kiel, Allemagne. HOEFFDING, docteur en philosophie, professeur à l'Université, Strandgaden, C., Copenhague, Danemark. HUNZIKER, Otto, docteur en philosophie, professeur, directeur du Pestalozzianum, Zollikon, Zurich, Suisse. HYDE, James-H., 18, rue Adotphe Yvon, Paris, France. INSTITUT NATIONAL GENEVOIS, Section de littérature, président M. Joseph Duvittard, professeur, 24, Bourg-de-

Four, Genève, Suisse. ISTEL, Edgar, docteur en philosophie, 28, Schonfeidstrasse, Munich, Allemagne. JAHN, Kurt, docteur en philosophie, i4, Eislebenerstrasse, Berlin, Allemagne. JANSEN, Albert, docteur en philosophie, ancien professeur à l'Académie militaire de Berlin, Gries-Bozen, Tyrol, Autriche. JAQUEMET, Francis, 1, rue d'Italie, Genève, Suisse. jAuaÉs, Jean, député, 7, avenue du Chalet, Passy, Paris, France. JovY, Ernest, professeur agrégé au Collège, Vitry-le-François, Marne, France. JULLIEN, Alexandre, libraire, 32, Bourg-de-Four, Genève, Suisse. KocH, Max, docteur en philosophie, professeur à l'Université, 40, Museumsplatz, Breslau, V. Allemagne. KoESTER, Albert, docteur en philosophie, professeur à l'Université, 6, Bismarckstrasse, Gohlis, Leipzig, Allemagne.


KOHLER, Charles, Conservateur, adjoint de la Bibliothèque Ste-Geneviève. Paris, France. Kozi.owsKi, W.-M., docteur en philosophie, privat-docent à l'Université, 7, chemin des Bains, Genève, Suisse. KuBtN, Josef, professeur, Jicin, Bohême. KuNDiG, Henry, libraire, il, Corraterie, Genève, Suisse. LACHE~'AL, Adrien, ancien président de la Confédération suisse, député au Conseil des Etats, 5, quai du Mont-

Blanc, Genève, Suisse. LAMBERT, Jean, 1, rue de la Tour, Genève, Suisse. LAMBERT, Mme, 1. rue de la Tour; Genève, Suisse. L.ANSON, Gustave, docteur ès lettres, professeur à l'Universtté, 282. boulevard Raspail, Paris, France. LARREY, Valentine, Mme, Mont-Boron, Nice, Alpes-Maritimes, France. LE COULTRE, Jules, docteur en philosophie, professeur à l'Académie, 4, avenue de la Gare, Neuchâtei, Suisse. LRFRANc, Abel, professeur au Collège de France et à t'Écote pratique des Hautes-Etudes, 26, rue Monsieur-te-Prince,

Paris, France. DE LESSERT, Gaston, château de Vincy. Gilly, Vaud, Suisse. LONG, Pauline, Miie, 19, chemin Liotard, Genève, Suisse. MACDONAU), Frederika~ Mme, i44 6~, boulevard du Montparnasse, Paris, France. MADSEN, Henrik, directeur de Lycée, 1, Filippavej, Copenhague, Danemark. Ds MANDACH, Conrad, docteur de l'Université de Paris, privat-docent à l'Université, Genève, Suisse. MANGOLD, Wilhelm, docteur en philosophie, professeur au Gymnase Ascanien, 71, Grossbeerenstrasse, Berlin,

S.W.47. Allemagne. MARTINI, Ferdinand, docteur ès lettres, gouverneur de t'Erythrée, député, Rome, Italie. MASSON, Maurice, agrégé de t'Université de Paris, professeur a l'Université, Fribourg, Suisse. MATTHIAS, A., docteur en phitosophie, Conseiller intime sup. au ministère de l'Instruction publique, 39, Luit-

poldstrasse, Berlin, W. 30. Allemagne. MAURER, Alexandre, professeur à l'Université, Boa Vista, Lausanne, Suisse. MAYOR, Frédéric, 7, rue de la Cloche, Genève, Suisse.


MEpctER, Alfred, professeur extraordinaire à l'Université, 9, Demster Terrace, St-Andrews, Ecosse. MERCIER, Henri, privat-docent à l'Université, 49, route de Frontenex, Genève, Suisse. METZGER, Albert, membre de l'Académie de Savoie, 17, rue de Boigne, Chambéry, France. MEYER, Car!, docteur en philosophie, ingénieur, 1, Woehlerstrasse, Ludwigshafen a. Rh., Allemagne. MEYER, Richard-M., docteur en philosophie, professeur à l'Université, 16, Vossstrasse, Berlin, W. 9. Allemagne. MICHELI, Léopold, conservateur des manuscrits de la Bibliothèque publique, Genève, Suisse. MoBBS, Robert, correspondant du Studio, 10, rue du Conseil-Général, Genève, Suisse. McEBtus, docteur en médecine, 1-3, Rosenthalgasse, Leipzig, Allemagne. MONIN, E., docteur en médecine, 7, rue Royale, Paris, France. MONNIER, Philippe, homme de lettres, 2, Puits-St-Pierre. Genève, Suisse. DE MONTET, Albert, Corseaux s/Vevey, Vaud, Suisse. MoNTt, Angelo, journaliste, 18, boul. de la Cluse, Genève, Suisse. MOREL, Louis, professeur, lo, Leonhardshaide, Zurich, Suisse. MoRF. Heinrich, docteur en philosophie, professeur à l'Académie des Sciences commerciales et sociales, 8, Kletten-

bergstrasse, Francfort s/M., Allemagne. MORHARD, Emma, Mlle, professeur, HOOE.McMiiianstreet, Cincinnati, Ohio, Etats-Unis. MoRHARD, Mathias, homme de lettres, 32, avenue Rapp, Paris, France. MORIAUD, Paul, docteur en droit, professeur à l'Université, 4, boulevard de la Tour, Genève, Suisse. MORNET, G., professeur agrégé au Lycée, St-Omer, Pas-deCalais, France. MORTEN, Honnor, Mlle, Ivy Hall, Richmond, Surrey, Angleterre. MOYNIER, Gustave, Président du Comité international de la Croix-Rouge, membre de i'Institut de France, 8, rue de

t'Athènée, Genève, Suisse. MiiNCH, WitheJm, docteur en philosophie, professeur honoraire à l'Université, Conseiller intime, 23, Luitpotd-

strasse, Berlin, W. 30. Allemagne. MUTTERER, Maurice, docteur en médecine, 22, rue de la Sinne, Mulhouse, Allemagne.


NAVILLE, Adrien, professeur à l'Université, 12, rue de l'Athénée, Genève, Suisse. NAviLLE, Louis, 15, cours des Bastions, Genève, Suisse. OoiER, Henri, docteur en philosophie, 4 route de Chêne, Avenue Belmont, villa Florence, Genève Suisse. OLTRAMARE, André, licencié ès-lettres, avenue des Bosquets, Genève, Suisse. OSTROGORSKI, M., publiciste, 23, Ligovka, St Pétersbourg, Russie. OïT-DAENiKER, Gustave, 26, Kreuzbühlstrasse, Zurich, Suisse. voN OvERBECK, baron Alfred, docteur en droit, 13, Schwaighofstrasse, Fribourg e. B. Allemagne. PANTALEONi, Matteo, professeur à l'Université, député, t69,viade)Babuino,Rome, Italie. PASsy, Antoine, chanteur de l'Opéra, 12, Mendelssohnstrasse, Diisseldorf, Allemagne. PÉnssiER, Léon-G., professeur agrégé à l'Université, villa Leyres, Montpellier, France. PELLET, Marcellin, ministre plénipotentiaire, i4, rue StGuillaume, Paris, France. PELUssiER, G., docteur ès lettres, professeur au Lycée Janson de Sailly, 17, rue Davioud, Paris, France. PERRET, Marius, membre de l'Académie de Vaucluse, route de Lyon, Avignon, France. PERROUD, Claude, recteur de l'Université, Toulouse, France. PiCTET, Raoul, Mme, 35, Hildegardstrasse, Wilmersdorf, Berlin, Allemagne. *PtNVERT, Lucien, docteur ès lettres et docteur en droit, 16, boulevard St-Michel, Paris, France. PITTARD, Eugène, docteur ès sciences, privat-docent à l'Université, 30, Florissant, Genève, Suisse. PLAN, P.-P., homme de lettres, 71, rue Caulaincourt, Paris, France. PoNStK, J., architecte, Montmorency, France. PRÉvoT-LEYGONiE, Georges, docteur en droit, professeur à )'Université. 33, rue Renaudot, Poitiers, France. PROZOR, Comte, ministre plénipotentiaire de Russie, Riode-Janeiro, Brésil. RAtsiN, Frédéric, avocat, 8, rue Sénebier, Genève, Suisse. REDARD, Emile, docteur en philosophie, professeur à l'Université, 7, place Edouard-Claparède, Genève, Suisse. REED, Charles-A.-L., président de l'Alliance française, Groton Blq. Seventh and Race Streets, Cincinnati, Ohio, Etats-Unis.


REGis, Emmanuel docteur en médecine. professeur à l'Université, 1S4, rue St-Sernin, Bordeaux, France. REGNAULT, Eugène, ancien consul général, Tanger, Maroc. REIN, Wilhelm, docteur en philosophie, professeur à t'Université, Séminaire pédagogique, Jena, Allemagne. RENARD, Georges, docteur ès lettres, professeur an Conservatoire des Arts et Métiers, 32, rue Meslay, Paris, France. REVERDtN, Auguste, docteur en médecine, professeur à l'Université, 15, rue Général-Dufour, Genève, Suisse. REVILLIOD, Léon, docteur en médecine, professeur honoraire à l'Université, 14, rue du Mont-de-Sion, Genève, Suisse. REY, Rodolphe, avocat à la Cour d'appel, 15, boulevard Bugeaud, Alger, Algérie. DE REYNOLD, Comte G., château de Cressier, Morat, Fribourg, Suisse. RicuARD, Eugène, député au Conseil des Etats, 1, rue Muzy, Genève, Suisse. RtGAUD, Charles, Mme, 16, rue des Granges, Genève, Suisse. RITTER, Eugène, professeur à l'Université, 3, chemin des Cottages, Genève, Suisse. RivoiRE, Emile, notaire, 15, quai de l'Ile, Genève, Suisse. RIVOIRE, Jean, ancien notaire, 33, Montbrillant, Genève, Suisse. Roc, Edouard, 19, rue Erlanger, Passy, Paris, France. ROSIER, Eugène, Petit-Saconnex, Genève, Suisse. ROSSEL, Virgile, docteur en droit, professeur à l'Université, Conseiller national, 18, Sonnenbergstrasse, Berne, Suisse. Rosst, Vittorio, professeur à l'Université, Pavie, Italie. RoussELLE, Gaston, professeur agrégé au Lycée de Beaune, Côte d'Or, France. Roussy, Albert, professeur au Gymnase, 4, Bankovskaïa, Kief, Russie. VONSALLWURK, E., docteur en philosophie, Conseiller aulique et Conseiller scolaire supérieur, 17, Nowacks-

anlage, Cartsruhe, Allemagne. SALOMON, Charles, docteur en droit, 34, quai de Béthune, Paris, France. SAMANiEGO,José, homme de lettres, il, Camino Canillas, Madrid, Espagne. DE SAUSSURE, Adèle, Mme, 2, Tertasse, Genève, Suisse. SAUVEUR, C.-J., professeur, 70, Spoorsingel, Rotterdam, Hollande. SCHMID, J., ancien directeur d'Institution, 10, chemin des Chalets, Genève, Suisse.


ScHMtDT. Erich, docteur en philosophie, professeur à l'Université, membre de l'Académie des Sciences, 21, Dorf-

flingerstrasse, Berlin, W. Allemagne. ScHMt'DT, Henri, pharmacien, Montreux, Vaud, Suisse. ScHNABËL, Karl, 1:38, Potzdamerstrasse, Berlin. Allemagne. ScHULTz-GoRA. Oscar, docteur en philosophie, professeur à l'Université, HinterKragheim. Kmnigsberg, Prusse, AHemagne. SCHWEND, F., docteur en philosophie, professeur au Technicum, 1, Kernerplatz, Stuttgart, Allemagne. SEGRË, Carlo, professeur à l'Université, 16, Via Magenta, Rome, Italie. SEIPPRL, Paul, professeur à t'Eco!e polytechnique fédérale, 86, Hadlaubstrasse, Zurich, Suisse. SuEpHERD, H.-E., A.M.-L. L. D., professeur, ancien surintendant des Ecoles publiques de Baltimore, ancien

Président de Charleston College, Baltimore, ii09,

M' Culloch Str. Etats-Unis. SLonscHZ, Nahum, professeur libre à la Faculté des Lettres de t'Université, 11. rue Guy-de-la-Brosse, Paris, France. STOY, Heinrich, docteur en philosophie, privat-docent à l'Université, Jena, Allemagne. STROEHLIN, P.-Ch., président de la Société suisse de numismatique, S4, route de Chêne, Genève, Suisse. Suisse Universitaire, Société de la. Rédacteur F.-F. Roget, 14. chemin Matombré, Genève Suisse. SupHAN, B., docteur en philosophie, professeur, conseiller aulique, directeur du (?a'(~e und Schiller-Archiv,

Weimar, Allemagne. TEISSIER du CROS, Léon, conseiller du commerce extérieur, Mandiargues, Gard, France. TfssoT, Ernest, homme de lettres, 129, rue du Ranelagh, Paris. TfTTEL. Curt, 26, Peganerstrasse, Connewitz, Leipzig, Allemagne. ToBLHR. Adolf, docteur en philosophie, professeur à l'Université. membre de l'Académie des Sciences, 23, Kur-

furstendammstrasse, Bertin, W. Allemagne. ToLSTOY, Comte Léon, Jasnaïa-Poliana, Tou)a. Russie. TouRNEux, Maurice, homme de lettres, 34, quai de Béthune, Paris, France. TRRMBLRY, Guillaume, 5, promenade du Pin, Genève, Suisse. TREMBLEY, Maurice, homme de lettres, Petit-Saeonnex, Genève, Suisse.


TaoNcaiN, Henry, château de Bessinge, Genève, Suisse. TROUBAT, Jules, bibliothécaire de la Bibliothèque nationale, i 74, rue de Rennes, Paris, France. USTERI, Paul, professeur, Winkelwiese, Zurich, Suisse. VALLETTE, Gaspard, homme de lettres, 5, rue Topffer, Genève, Suisse. DEL VECCHio, Giorgio, professeur de philosophie du droit à l'Université, Ferrara, Italie. VILLEGAS, Baldomero, colonel d'artillerie, 80, Calle de Alcatà, Madrid, Espagne. VINCENT, docteur en médecine, Conseiller d'Etat, Conseiller national, 2, rue des Voirons, Genève, Suisse. VoLLMQELLEN, Carl, docteur en philosophie, professeur, président de la Gesellschaft für romanische Literatur,

9, Wienerstrasse, Dresde, A. Allemagne. VOLMAR, Joseph, professeur à l'Académie de Commerce, Gerhalde i3i3 Langgasse, St-Gall, Suisse. VREELAND, W.-U., docteur ès lettres, professeur à l'Université, Princeton, New-Jersey, Etats-Unis. WAILLE, Victor, docteur ès lettres, professeur à l'Ecole des Lettres, 30, rue Dupuech, Alger, Algérie. WERNER, Charles, licencié ès lettres, 39, Malagnou, Genève, Suisse. WtJAR)N, Louis, professeur à l'Université, avenue de l'Ermitage, Chêne, Genève, Suisse. ZBINDEN, Louis, privat-docent à l'Université, i3, rue GenératDufour, Genève, Suisse. ZuMBtNi, Bonaventura, professeur à l'Université, Portici, Naples, Italie.


LA SOCIÉTÉ

JEAN-JACQUES ROUSSEAU

1

~u temps de la Restauration, M. de Musset, le père du poète Alfred, a publié une édition des œuvres de J. J. Rousseau, une

~j~~ histoire de sa vie et de ses ouvrages, et deux volumes de ses œuvres inédites. Nous, qui reprenons aujourd'hui, après quatre-vingts ans écoulés, cette œuvre d'ensemble à laquelle M. de Musset a travaillé longtemps avec beaucoup de zèle, et non sans succès, nous nous plaisons à rappeler sa mémoire, et à rendre hommage à ce digne prédécesseur.

Mais il n'avait fait qu'ébaucher une tâche qui restait presque tout entière à accomplir; et ceux qui l'ont suivi, il faut le dire, n'y ont travaillé qu'à bâtons rompus. Deux hommes de mérite, M. Ravenel et M. Adert, s'étaient proposé d'être les éditeurs de J. J. Rousseau, et ils avaient su voir que sa correspondance, avant tout, demandait à être complétée et annotée. Mais les travaux consciencieux qu'ils avaient entrepris dans cette vue n'ont pas abouti à une publication, et sont restés à l'état de manuscrits.

Les lettres de Rousseau à son libraire Rey ont été publiées à Amsterdam (i858). M. Georges Streckeisen, arrière-petit-fils de Paul Moultou, l'ami de Jean-Jacques, a puisé dans les manuscrits légués à sa famille la


matière d'un volume d'œuvres inédites (1861), et dans les papiers de la bibliothèque de Neuchâtel celle de deux volumes de lettres (t865). Ces quatre volumes, et quelques morceaux épars, publiés notamment par M. Félix Bovet, bibliothécaire à Neuchâtel, sont tout ce qu'on peut citer pendant une période d'une cinquantaine d'années.

Le centenaire de la mort de J. J. Rousseau, célébré en 1878, fut le point de départ d'une nouvelle série de travaux. Trois érudits genevois, M. Louis DufourVernes, M. Théophile Dufour et celui qui écrit ces lignes, prirent occasion de cette fête pour commencer des recherches qui ont été poursuivies depuis lors avec une persévérance qui n'a pas été lassée par les difficultés. Nous pourrions remplir des pages de l'énumération de nos travaux dispersés; la partie la plus considérable n'en a pas encore été publiée.

Nous avons rencontré des collaborateurs très distingués MM. Albert de Montet et Mugnier, qui se sont partagé la tâche d'écrire la vie de Mme de Warens, si intimement liée à celle de Jean-Jacques; et M. Albert Jansen, qui a excellemment rédigé deux chapitres de la biographie du philosophe de Genève Rousseau musicien et Rousseau botaniste

Cependant nous voyions les années s'écouler sans que nous réussissions à arriver au but que nous nous étions proposé la publication d'une édition soigneusesement annotée des CoK/~M!OMS de J. J. Rousseau, et 1 Albert de Montet..M" de Warens <t le pay~ de Fen< Lausanne, Bridel, 1891. Mugnier. M" de Warens et J. J. Rousseau. Paris, Lévy, 1891.

Albert Jansen. J. J. Rousseau als Musiker. Berlin, Reimer, 1884. J. J. Rousseau als Botaniker. Berlin, Reimer, 1885.


d'une édition complète de sa Correspondance. Aussi, quand l'initiative de M. Bernard Bouvier vint donner le branle à un mouvement qui a abouti à la fondation de la Société Jean-Jacques Rousseau, nul ne s'en est plus réjoui que ceux qui depuis si longtemps travaillaient à t'œuvre même que cette Société doit accomplir. II

« Si vous vous souvenez, dit Pellisson dans son élégante Histoire de l'Académie française, d'avoir lu dans quelque Poète la description d'une République naissante, où les uns sont occupés à faire des lois et à créer des magistrats, les autres à partager les terres et à tracer les plans des maisons; ceux-ci à assembler des matériaux, ceux-là à jeter les fondements des temples ou des murailles: imaginez-vous qu'il en fut à peu près de même en cette première institution de l'Académie. » On aime à suivre Pellisson dans tout le détail qu'il nous donne des premiers jours de cette illustre Académie. Mais il n'y a pas lieu de l'imiter ici, et de raconter par le menu la série des colloques, des délibérations, négociations et correspondances, qui ont abouti à mettre sur pied la Société Jean-Jacques Rousseau. II suffira de dire qu'après deux séances, où les personnes qui s'intésressaient à cette entreprise se sont réunies chez M. Bernard Bouvier, la Commission d'initiative s'est adressée aux autorités municipales de Genève; et les premières ouvertures ayant été bien accueillies, la lettre qui suit a été écrite à M. Piguet-Fages, membre du Conseil administratif de la ville


Genève, le 14 décembre ïgo4.

Monsieur le Conseiller,

Vous avez bien voulu nous inviter à vous exposer par écrit le projet de création d'Archives Jean-Jacques Rousseau, que nous avons eu l'honneur de vous soumettre dans notre entretien du 10 décembre dernier. Nous représentions un groupe de citoyens, dont vous avez entendu les noms. Nous nous empressons de répondre à votre désir, en vous remerciant de l'accueil très encourageant que notre démarche a rencontré auprès de vous. Notre but est de servir l'histoire et la critique des oeuvres de Rousseau et de sa vie. A ceux qui y travaillent, manque une institution centrale où ils trouveraient réunis les documents, en originaux ou en copies, la littérature spéciale, tous les moyens d'information indispensables. C'est à la Ville de Genève à la créer. Elle jetterait ainsi les fondements de grandes entreprises, qu'il appartient aux Genevois d'accomplir une bibliographie et une iconographie de Rousseau; sa biographie authentique et complète, l'édition critique de ses œuvres.

Ces ambitions hautaines représentent une très grande somme d'efforts et de longs travaux. Les premiers, les plus malaisés peutêtre, ont été faits. Depuis une quarantaine d'années, des érudits de la Suisse romande, de la Savoie, en particulier des savants gene~o~tnns beaucoup d'ordre et de lumière dans la biographie de Rousseau. A leurs recherches sont venues s'ajouter, en France, en Allemagne, en Angleterre, de nombreuses enquêtes et d'importantes études. Mais, pour les continuer heureusement, le moment est venu de dresser le bilan des résultats obtenus et associer les forces individuelles. Trop longtemps peut-être nos autorités se sontelles désintéressées de ces travaux, qui préparent le plus solide monument à la gloire du citoyen de Genève et à l'honneur de son pays. Il faut créer à Genève un centre d'études tel, qu'il devienne le rendez-vous de tous ceux qui s'occupent des questions relatives à Rousseau, à son oeuvre et à son temps. Une société sera prochaineme~ondée, qui les unira effectivement. Elle publiera un Bulletin où leurs travaux seront dorénavant rassemblés, et qui doit devenir, auprès du public lettré, l'interprète, entre eux, le messager et le guide, de tant de chercheurs dispersés. Cette société aura son siège à Genève.

Vous avez bien voulu, monsieur le Conseiller, vous déclarer


prêt à seconder ses efforts. La collaboration des autorités municipales lui serait infiniment précieuse. C'est elles qui sont en effet le mieux placées pour créer les ~4/'6'/wes Jean-Jacques RousseaM. Et tandis que les publications dont nous venons d'esquisser le plan ne sauraient être menées à bien que par le zèle, la science et le désintéressement de plus d'une génération d'érudits et d'écrivains, le projet que nous vous présentons aujourd'hui paraît au contraire aisé, simple et peu onéreux.

Il y a encore, à Genève et hors de Genève, beaucoup de ces papiers, documents isolés et ignorés, qui reprendraient, une fois classés dans nos ~'e/tiff~s, une valeur inappréciable. La Société Jean-Jacques Rousseau s'eHorcerait de les connaître et de les recueillir. De bien des familles genevoises, elle obtiendrait des éditions anciennes de Rousseau, reléguées au plus haut rayon des bibliothèques. On répondra volontiers à son appel, en même temps qu'on voudra soutenir la bonne volonté des Conseils de la Ville. Tous les compatriotes de Jean-Jacques Rousseau sentent aujourd'hui et reconnaissent qu'il n'y a, chez nul autre des maîtres de la pensée moderne, plus étroite unité entre l'homme, l'oeuvre et la patrie.

Vous savez, Monsieur le Conseiller, que notre Bibliothèque publique ne possède qu'un petit nombre des éditions de Rousseau, et une partie seulement de la littérature qui le concerne. Ces ouvrages seraient placés dans la salle des /i/'c/wes Jean-Jacques Rousseau, qui s'enrichirait peu à peu des dons et des dépôts de notre Société. Nous offririons notre concours à M. le directeur de la Bibliothèque, pour établir d'abord une bibliographie spéciale de Rousseau. Un crédit annuel de quelques centaines de francs permettrait de la dresser par fiches et de faire les acquisitions indispensables.

Cette salle de travail, seulement ouverte aux personnes qu'y admettrait, d'accord avec notre Société, M. le directeur de la Bibliothèque, pourrait être aménagée dans la dépendance d'une autre salle déjà surveillée. Il ne serait pas nécessaire de lui attribuer un employé spécial.

Tel est, Monsieur le Conseiller, le projet que nous avons été chargés de recommander à vos soins. Sa réalisation ne demande pas de sacrifices importants; nous sommes prêts à la faciliter dans la mesure de nos forces. Rien n'est mieux fait pour l'assurer que l'intérêt éclairé que vous lui avez témoigné dès le premier jour.


Nous vous en sommes sincèrement reconnaissants, et nous vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments de respect et de dévouement.

Bernard BouvjER. Eugène RITTER.

Jean DEBRIT. Emile RivoIRE.

La réponse du Conseil administratif a été de tout point favorable. Assurée ainsi d'un appui officiel, la Commission d'initiative s'est adressée à cent cinquante personnes environ, en Europe et en Amérique, qu'elle estimait sympathiques à son œuvre, leur demandant de s'y associer, et de s'unir pour fonder une association internationale. Cette demande a rencontré un assentiment presque unanime; parmi toutes les lettres que M. Bernard Bouvier a reçues à cette occasion, nous en citerons quatre, qui marquent assez bien les points de vue principaux où se sont placés ceux qui sont entrés ainsi dans la Société Jean-Jacques /?OMMMM Paris, le 19 avril 1004.

Monsieur,

Je joins volontiers ma signature à celle des fondateurs de la Société Jean-Jacques Rousseau je suis l'un de ses admirateurs, et j'ai pu venger sa mémoire d'une tradition calomnieuse de suicide, étant le seul homme de notre temps qui ait examiné et touché respectueusement ses restes, lors de l'ouverture de son cercueil au Panthéon.

Avec haute considération,

M. BERTHELOT,

de l'Académie française,

Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences.

Paris, 14 mai 1904.

Mon cher ami,

Je n'aurais de raison de refuser de faire partie d'une Société Jean-Jacques Rousseau, que s'il était entendu par avance qu'elle n'aura pour objet que la glorification systématique de la personne et des idées du < citoyen de Genève ».

Mais si son dessein est de rassembler des documents; de pré-


parer une édition critique des Œ'M~cs et de la Co/e~oM~ayzce,' d'éclairer une biographie si obscure et si incertaine encore en quelques-unes de ses parties; et si enfin, dans le recueil que vous vous proposez de fonder, il doit y avoir place pour toute étude impartiale, quelles qu'en soient les conclusions, je ne vois pas pourquoi je ne ferais pas partie d'une telle société. Je ne suis pas de ceux, et je crois depuis 3o ans l'avoir dit bien des fois, qui pensent qu'il importe à leur cause d'ignorer ses adversaires, et, au contraire, j'estime qu'on ne saurait trop les étudier, ni trop les connaître, eux et les continuateurs de leurs idées.

Dans ces conditions, mon cher ami, vous comprendrez que j'accepte avec plaisir de faire partie d'une Société Jean-Jacques /?OM.MMM.

F. BRUNETTÈRE.

Frankfurt a. M., 30. I. 1904.

Sehr verehrter Herr Kollege,

Entzuckt bin ich, dass Sie und Genf nun Rousseau energisch anfassen ~«otZ &o/!H/M /aK~<f</M /o/'<a<M/KOMe s!< Das ist eine Ehrenschuld, und ich begluckwunsche Sie zu der Art und Weise wie Sie durch ein Doppelunternehmen ihr gerecht werden! Mit herzlichem Grusse, Ihr ganz ergebener, H. MORF.

Yasnaia Poliana, Toula, 7/20 mars 190 g.

Monsieur,

C'est avec le plus grand plaisir que je me souscris membre de votre Société.

Je fais les voeux les plus sincères pour le succès de votre oeuvre. Rousseau a été mon maître depuis l'âge de quinze ans. Rousseau et l'Evangile ont été les deux grandes et bienfaisantes influences de ma vie.

Rousseau ne vieillit pas. Tout dernièrement, il m'est arrivé de relire quelques-unes de ses œuvres, et j'ai éprouvé le même sentiment d'élévation d'âme et d'admiration, que j'ai éprouvé en le lisant dans ma première jeunesse.

Je vous remercie, Monsieur, pour l'honneur que vous me faites de m'inscrire membre de votre Société, et vous prie d'agréer l'assurance de mes sentiments distingués.

Léon TOLSTOY.


Pendant qu'affluaient les lettres venues de l'étranger, un projet de statuts fut préparé, et soumis aux adhérents qui demeuraient à Genève. Ces préliminaires achevés, une assemblée constitutive fut convoquée, le 6 juin 190~, dans l'Aula de l'Université de Genève, avec cet ordre du jour

Rapport de la Commission d'initiative

Adoption des statuts;

Election des membres du Comité;

Lecture de M. Edouard Rod La condamnation à Genève de DEMELE et du CONTRAT SOCIAL.

Nous donnons le texte de la circulaire de convocation Tous ceux qui s'occupent d'études relatives à Jean-Jacques Rousseau ont reconnu combien les moyens de travail mis à leur disposition sont insuffisants, et quels inconvénients présentent la dispersion des documents publiés et l'absence d'un centre de renseignements.

Il n'existe aujourd'hui ni bibliographie complète et raisonnée, soit de l'œuvre de Rousseau, soit de la littérature dont elle est l'objet; ni biographie authentique du « citoyen de Genève » ni édition exacte de toute sa correspondance; ni édition critique de ses « Confessions » ni enfin une édition de ses œuvres, qui les comprenne toutes et qui réponde aux exigences de la critique moderne.

Ces entreprises considérables et nécessaires ont été préparées, et depuis bien des années, par de nombreuses études particulières, par de savantes enquêtes de détail. Mais, pour les accomplir, il ne suffit pas de quelques travailleurs isolés. Aussi des amis des lettres et de l'histoire se sont-ils réunis pour constituer la Société JeanJacques Rousseau.

Elle a son siège à Genève. Elle se propose d'associer amicalement les personnes qui, dans tous les pays, s'intéressent à l'étude de Jean-Jacques Rousseau, de ses œuvres et de son époque. Grâce au concours de l'administration municipale de la Ville de Genève, un groupe de citoyens genevois a déja créé les Archives Jean-Jacques Rousseau. Elles occuperont une salle de la Bibliothèque publique, et comprendront la collection des éditions


de Rousseau, des ouvrages qui se rapportent à lui, des portraits, estampes et médailles, en un mot des documents de toute nature qui peuvent servir à mieux faire connaître sa personne, ses idées et son temps.

Notre Société publiera, en premier lieu, un recueil périodique de mémoires et documents, qui mettra au jour une série de textes inédits et d'études historiques et critiques. II sera dressé des catalogues de tout ce qui a été publié sur Jean-Jacques Rousseau, dans chaque ordre de recherches. On y trouvera aussi des comptes rendus des ouvrages nouveaux, et une chronique des faits qui intéressent les amis de nos études.

La correspondance de Rousseau, qui dans les éditions courantes est restée en l'état où l'avait mise Musset-Pathay, il y a quatrevingts ans, est un des points essentiels sur lesquels devront se porter nos efforts. Et de même, nous recueillerons tous les renseignements propres à éclairer, en le rectifiant ou en le confirmant, le texte des a Confessicns ». Nous recueillerons ainsi les documents qui nous permettront ensuite d'entreprendre la seconde partie de notre œuvre l'édition critique des œuvres complètes de Rousseau. Tous ceux qui veulent soutenir cette entreprise ou s'y associer sont priés d'envoyer leur adhésion, ou d'assister à l'assemblée constitutive de la Société ./eaK-7a<<7KM Rousseau. III

Avec les membres de la Société, un public nombreux assistait à la séance. M. Bernard Bouvier présenta le rapport de la Commission d'initiative

Messieurs,

Avant de remettre ses pouvoirs à la Société JeanJacques Rousseau, la Commission d'initiative qui avait été chargé de lui préparer les voies, doit vous rendre compte de ce qu'elle a fait.

C'était au plus autorisé de ses membres à vous parler en son nom. Nous aurions voulu que cette assemblée


constitutive fût présidée par ce maître patient, fidèle et désintéressé, par ce guide si bienveillant à tous ceux qui explorent la vie de Jean-Jacques. Si j'occupe sa place, c'est parce qu'il l'a expressément désiré. Mon rapport sera aussi court que possible. Sur l'idée qui a inspiré notre entreprise, sur les circonstances qui la rendaient aujourd'hui nécessaire, sur les moyens qui nous permettront de la réaliser, je n'ai pas a revenir. Vous êtes renseignés par des lettres que les journaux ont reproduites, par des circulaires que la plupart d'entre vous ont reçues, quelques-uns par une communication que j'ai faite récemment aux amis de l'Institut National Genevois, dans sa séance annuelle. Vous avez enfin entre les mains le projet de statuts qui va être soumis à votre approbation. Un mot suffit à résumer notre programme nous voulons préparer, de loin, patiemment et avec la collaboration des forces aujourd'hui dispersées, l'édition de Genève du citoyen de Genève.

Dans une réunion privée, qui eut lieu le 1 er décembre dernier, quelques amis des lettres et de notre histoire nationale reconnurent qu'il y avait immédiatement deux moyens d'action a créer des ~4rc~ et une Société Jean-Jacques Rousseau; et que la Commission d'initiative à qui ils confiaient cette tâche devait faire appel, d'abord à nos autorités et à nos concitoyens, ensuite à ceux qui hors de Genève s'intéressent à la personne et à l'œuvre de Rousseau.

C'est le plan que la Commission d'initiative a suivi. Elle s'adressa en premier lieu aux autorités de la Ville de Genève. Dans une lettre en date du t6 décembre too3, le Conseil administratif lui répondit en témoi-


gnant de l'intérêt sincère qu'il portait à l'entreprise et de son désir de la seconder. Il annonçait qu'une salle serait réservée aux Archives YM~-y~c~M~ Rousseau dans le bàtiment agrandi et nouvellemeut aménagé de la Bibliothèque publique. En attendant, il mettait à notre disposition un subside assurément modeste, mais qui deviendra, nous l'espérons, une allocation régulière, inscrite au budget annuel.

Ainsi nos premières démarches ont trouvé auprès de ceux dont l'appui nous est indispensable, le Conseil administratif de la Ville de Genève et M. le directeur de la Bibliothèque publique, les dispositions les plus favorables et l'accueil le plus encourageant.

Nous avons alors porté notre cause devant la population genevoise. Sa sympathie, bien plus son concours actif, nous sont nécessaires. H fallait que les Archives Jean-Jacques Rotisseau fussent sa création. Ce sont nos concitoyens qui détiennent encore, pour l'oeuvre à entreprendre, les instruments de travail les plus précieux papiers et souvenirs de famille, portraits, estampes, livres et brochures de la seconde moitié du XVIIIe et du commencement du XIXe siècle. Dans les « archives)) d'un Etat, d'une cité, d'une corporation ou d'une famille, on réunit les anciens titres et les documents relatifs à leur histoire. Les Archives V~y~c~M~ /?OKMcaM doivent contenir

1° Tous les papiers MMMMscr~s de Rousseau luimême, ou adressés à lui, ou relatifs à lui, qui ne sont pas encore la propriété de collections publiques


2° Toutes les éditions totales ou partielles de ses ouvrages

3° L'iconographie, c'est-à-dire les portraits de lui ou des gens qu'il a connus, l'image des lieux où il a vécu, aimé et souffert, des paysages qu'il a traversés et décrits

4° Les documents qui intéressent sa personne, ses amis, ses contemporains, en originaux ou en photographie; 5° La littérature relative à Rousseau. Rien n'est indifférent à qui veut établir, comme c'est la tâche de notre Société, une bibliographie raisonnée et complète ni une vieille brochure, ni un volume dépareillé, ni une estampe jaunie, ni une feuille volante. Un manuscrit ou un imprimé, qui paraît d'abord insignifiant, pourra, s'il est rapproché d'autres documents, les éclairer ou recevoir d'eux sa lumière; il peut assurer une date, fournir un nom, confirmer un fait, et du même coup donner à un épisode, à un chapitre entier de la vie de Rousseau, une valeur inattendue. C'est ce que nous avons dit dans une circulaire répandue dans Genève, à quinze cents exemplaires, vers les premiers jours d'avril. Nous le redisons aujourd'hui, nous le répéterons encore. Nos concitoyens l'ont d'ailleurs compris. A l'heure qu'il est, le registre d'entrée des Archives compte une centaine de numéros, dont quelques-uns sont particulièremeut intéressants deux lettres de Jean-Jacques, à De Luc, à Genève, à M. de Bastide, à Paris; une pièce historique, signée par les Commissaires de l'instruction publique, et communiquant leurs instructions aux communes que doit traverser le cortège qui amène au Panthéon les restes du « bon, du vertueux Jean-Jacques Rousseau » (c'est la générosité


de la Société auxiliaire des sciences et des arts, secondée par M. Léopold Favre, qui nous a permis d'acquérir ces documents); le récit inédit de la visite de deux Genevois à Jean-Jacques en 1771 des manuscrits de poèmes et de chansons, qui proviennent de Motiers, au temps où Rousseau y vivait, et du cercle de ses relations familières; un recueil des documents relatifs à sa mort; des papiers relatifs au club révolutionnaire des Amis de Jean-Jacques; la collection des articles, brochures et circulaires qu'a fait naître l'érection de la statue de Pradier, en 1820; enfin, plusieurs éditons originales.

M. Léopold Micheli, Conservateur des manuscrits à la Bibliothèque publique, a photographié quelques manuscrits, et nous espérons, par ce procédé, enrichir notre collection d'originaux de reproductions très utiles aux travailleurs.

En même temps que ces dons et ces acquisitions inauguraient nos ~4rcA~s, nous commencions le travail de bibliographie. M. Eugène Rosier a bien voulu se charger de dresser le catalogue par fiches des œuvres imprimées de Rousseau qui se trouvent dans les bibliothèques suisses. Six cent cinquante fiches sont déjà faites. On continuera en relevant les catalogues de la Bibliothèque nationale à Paris et du British Museum, avant d'entreprendre le catalogue des manuscrits.

A l'heure qu'il est, un fervent de Rousseau qui voudrait entreprendre l'étude personnelle et raisonnée de sa vie, de son œuvre, des origines, de l'histoire et de la


portée de ses idées, n'aurait pas de raison particulière de venir à Genève, à moins qu'il ne soit curieux de voir le pays où Jean-Jacques a passé les seize premières années de sa vie. Après s'être arrêté devant la maison où il n'est point né, dans la rue qui porte son nom, mais qu'il n'a jamais habitée, il irait chercher des émotions pittoresques plus vives aux Charmettes, à Meitlerie, à l'île St-Pierre, à Montmorency, à Ermenonville. Notre Bibliothèque publique lui aurait montré quelques manuscrits de Rousseau très beaux et très précieux, mais il en trouverait chez nos amis de Neuchâtel une collection beaucoup plus nombreuse, et d'autres encore à la bibliothèque de la Chambre des députés, à Paris.

Notre ambition est que dans quelque dix ou vingt ans, ce même fervent de Rousseau ne puisse se dispenser de venir à Genève, et qu'il trouve dans nos Archives toutes les sources d'information. Les Archives G<r~e et Schiller, à Weimar, peuvent nous servir d'exemple. H y a vingt ans, l'idée de la grande-duchesse Sophie, qui les a fondées, faisait sourire; aujourd'hui, grâce à la direction de deux hommes qui se sont inscrits parmi les membres fondateurs de la SociétéJean-Jacques Rousseau, Erich Schmidt et Bernhard Suphan, et grâce au concours du peuple allemand, aucun savant qui étudie quelque chapitre de l'œuvre ou de la vie de Gœthe ou de Schiller, ne saurait se dispenser de passer par Weimar.


Je reprends, Messieurs, l'idée du jeune admirateur ou simplement du jeune curieux de Rousseau. Dans ces Archives, même très riches, il sera obligé de construire lui-même la biographie authentique de l'écrivain.

Des vies de Rousseau qui ont été publiées depuis celle de Musset-Pathay, en 1821, jusqu'à celle de M. Beaudouin, en 891, en français, en allemand et en anglais, aucune ne saurait prétendre à l'autorité d'une histoire authentique. H y a bien des raisons de les récuser. Je n'en dirai qu'une, mais qui est très forte, et qui dégage en partie la responsabilité de leurs auteurs c'est que des deux sources principales d'une biographie de Rousseau, ses Confessions et sa Correspondance, il n'existe point encore d'édition savante. Ses Confessions sont sincères, elles sont même vraies, dans le sens où Rousseau voulait qu'elles fussent vraies, comme l'histoire de ses sentiments, de son âme, le tableau de sa vie intérieure, mais elles n'embrassent pas sa vie tout entière, et puis elles ne sont pas toujours exactes. It faut donc, c'est le vœu de tous les amis des lettres françaises, qu'on publie une édition critique des CoH~M!OMX, et nous souhaitons qu'elle soit faite à Genève. On ne possède point non plus d'édition complète de la Correspondance de Jean-Jacques. Et cette Correspondance, si riche, si variée, c'est le témoin le plus immédiat, c'est le confident irrécusable des émotions, des élans, des espoirs, des illusions, des erreurs, des amertumes


de cette âme toujours vibrante, de cette sensibilité délicate et passionnée, de ce cœur ardent, ombrageux et tendre, toujours prêt à espérer, à craindre et à souffrir. Les premières lettres connues de Rousseau datent de 1732, les dernières de l'année de sa mort. Pour les connaître toutes, il faut la méthode rigoureuse et la précision magistrale d'un autre maître en érudition rousseauiste, M. Théophile Dufour. Mais si les meilleures éditions en donnent une bonne moitié, sans d'ailleurs ni les dater, ni les attribuer, ni les reproduire toujours exactement, il en reste tout autant qui sont disséminées dans des périodiques, difficiles à atteindre, ou même inédites.

Tels sont les travaux préliminaires dont le futur historien de Rousseau ne saurait se passer. Ils sont aussi le fondement nécessaire d'une édition générale de ses œuvres. Notre curieux de Rousseau sera bien surpris d'apprendre que depuis 1823, on n'a point entrepris d'édition complète, digne de ce nom, établie sur la comparaison de tous les manuscrits, et après le contrôle de toutes les éditions contemporaines de l'auteur. Il y faut un grand nombre de recherches préparatoires et de données supplémentaires que l'on ne considérait pas comme indispensables, il y a encore cinquante ans. Mais depuis lors, sans être le tout ni la fin de la critique littéraire, la philologie en est devenue la condition. Elle doit conduire à la connaissance des sources où Rousseau a puisé sa langue et ses idées. L'édition future contiendra, à leur place, les fragments inédits publiés çà et là depuis 1823, le plus souvent sans critique, et dont quel.ques-uns sont fort beaux. En leur assignant leur date exacte et en déterminant les circonstances de leurcom-


position, elle mettra en lumière certains morceaux admirables et à peine connus. Le musicien Rousseau, le botaniste y seront remis en honneur, aussi bien que le moraliste, le pédagogue, le poète, le politique et le philosophe. Elle rendra, entière et lumineuse, l'image de son multiple génie, et le jour où nos petits-fils verront dressé ce monument, plus durable que l'airain, l'effort de deux ou trois générations de maîtres et d'ouvriers recevra sa récompense, et Genève aura acquitté sa dette envers le plus illustre de ses enfants.

Ces ambitions lointaines sont légitimes à condition de s'appuyer sur l'exemple et les travaux de ceux qui, depuis quarante années, en Suisse, en France et en Allemagne, mais surtout à Genève, dans la Suisse romande et en Savoie, ont mis l'esprit critique et le sens historique au service des études rousseauistes. Si nous voyons aujourd'hui plus loin qu'eux, c'est parce que selon un mot fameux nous pouvons monter sur leurs épaules.

Une autre condition est nécessaire c'est d'associer toutes les forces dispersées, c'est d'unir en un faisceau solide, et de maintenir dans un échange constant tous ceux qui, en différents pays, étudient la vie, la pensée et l'action de Jean-Jacques. Le moment est venu d'ajouter au travail individuel l'effort collectif. Nous étions ainsi conduits, après avoir créé à Genève et par nos seules forces les Archives, à fonder la Société JeanJacques Rousseau.


Ce fut la seconde partie de la tâche qu'avait assumée votre Commission d'initiative.

S'il devait suffire à notre entreprise de quelques hommes de bonne volonté, de quelques savants habiles et de quelques hommes riches et généreux, et d'autre part, pour exciter et soutenir leur zèle, de quelques esprits chagrins, défiants et trop attentifs à la médiocrité des individus, Genève l'accomplirait à elle seule. Mais l'œuvre proposée dépasse nos forces, et d'ailleurs, comme Rousseau lui-même, ses idées ont couru le monde et germé partout. On l'a placé à la tête du cosmopolitisme moderne. La Société Jean-Jacques Rousseau doit être cosmopolite.

Nous avons demandé leur nom, leur appui, à tous ceux qui, à notre connaissance, se sont spécialement occupés de Rousseau la plupart d'entre eux nous ont répondu. Et leurs réponses prouvent que la pensée de Rousseau, qu'on la prône ou qu'on la combatte, est plus que jamais vivante.

Elle est presque partout un objet d'études. Parmi les jeunes candidats au doctorat, j'en connais quatre qui préparent des livres dont Rousseau est l'objet. Cette année même, dans quatre des écoles supérieures de la Suisse, c'est sur son œuvre qu'a porté l'enseignement des maîtres de littérature française. Et plus les études de littérature comparée, qui sont l'avenir de ces chaires, prendront de développement, plus il sera aisé de reconnaître la puissante fécondation de l'esprit moderne par


J. J. Rousseau. L'homme excite autant de curiosité que l'écrivain. On dit que sur les tables des directeurs des grands théâtres de Paris, il y a à l'heure qu'il est deux ou trois manuscrits de pièces dont il est le personnage principal.

Des livres importants se préparent. M. Edouard Rod a bien voulu accepter de nous communiquer, dans ce jour de naissance de notre Société, un des chapitres de l'ouvrage sur L'Affaire Jean-Jacques Rousseau, dont il donne la primeur en leçons à l'Université de Lausanne. Nous lui en sommes tous cordialement reconnaissants. Ceux qui ont pu suivre, il y a quelques années, à l'Athénée, les causeries ingénieuses et pour beaucoup très nouvelles, de M. Gaspard Vallette, sur Rousseau et Genève, se réjouissent de penser que notre ami est prêt à les publier. Les lettres inédites, patiemment recueillies par M. Théophile Dufour, verront bientôt le jour, et ce recueil sera un modèle pour les éditeurs futurs.

Aussi dans toutes nos démarches nous sommes-nous sentis portés par l'assentiment et le consentement généreux des lictérateurs et des savants. Vous avez entre les mains la liste de ceux qui ont voulu être les parrains de la Société Jean-Jacques Rousseau. Un berceau royal ne réunirait pas autour de lui plus noble et honorable co mpagnie

Notre ambition est d'accomplir une œuvre de science et de conscience. Cette liste des fondateurs de notre Société, tout ce que nous avons dit et fait jus-


qu'ici, prouve assez que la pensée d'une glorification systématique de Rousseau nous est tout à fait étrangère. Beaucoup d'entre nous sans doute sont convaincus que la recherche patiente et loyale des documents, que les enquêtes d'une critique libre de toute prévention, mettront en lumière la sincérité de Jean-Jacques, sa candeur et ses intentions droites. Il s'est contredit, il s'est trompé, assurément, mais il a voulu, à travers des expériences douloureuses, perfectionner son être moral, ajuster toujours plus étroitement sa parole, sa pensée sa vie à des convictions lentement acquises. Par ignorance ou par malignité, on a souvent faussé sa pensée, on a exploité son éloquence contre lui-même, ou contre des vérités qu'il n'a prétendu ni nier, ni affaiblir, ni desservir. Une goutte de son sang coule dans nos veines à tous, ceux qui l'aiment et ceux qui le condamnent. Or c'est cela qui rend malaisé de parler de lui sans passion. Pourtant quelques-uns des historiens qui ont mis de la lumière dans sa vie souvent incertaine, parfois obscure, ont su se dégager des préventions et de la partialité. Ils demeureront notre exemple. L'œuvre suprême de la critique est d'être juste et pour préparer le jugement équitable qui sera un jour prononcé sur le citoyen de Genève, il nous faut recueillir et établir solidement tous les éléments de la vérité. Genève n'est plus enfermée dans les étroites murailles d'où s'était évadé, à seize ans, le petit apprenti graveur, le fils abandonné d'Isaac Rousseau. C'est une ville ouverte à toutes les idées, à toutes les tentatives de la pensée religieuse, à toutes les hardiesses de la pensée politique, à tous les rêves sociaux. Des représentants de toutes les nations s'y coudoient. Chacun peut y


construire sa chapelle, y fonder son journal, y parler sa langue. Les uns disent en maugréant « C'est une ville cosmopolite; » les autres, avec fierté « C'est une ville européenne ». Et si elle offre vraiment un rendezvous à l'esprit européen, qui devient la patrie de tous ceux qui pensent, n'oublions pas que Rousseau fut l'un des créateurs de cet esprit.

Mais en même temps, il a trop fidèlement gardé, dans ses idées et dans son caractère, l'empreinte de la vieille Genève réformée, comme ses lèvres avaient conservé jusqu'à ses vieux jours l'accent du terroir, pour que nous pensions, en servant sa mémoire, devenir infidèles à notre passé. Il y a deux grands siècles dans notre histoire le XVIe et le XVIIIe. Les promoteurs de la Société Jean-Jacques Rousseau ont attendu, pour réaliser un projet qu'ils portaient dans l'esprit depuis bien des années, que le Musée de la Réformation soit fondé et prospère. En créant les Archives Jean-Jacques Rousseau, ils ont voulu, à leur tour, élever au pied de la colline un rempart de notre esprit national, un trésor idéal de notre passé, où les générations puiseront, en même temps que des connaissances plus exactes, un amour plus ferme et plus éclairé du passé de Genève. Mais, encore une fois, en sauvegardant un de ses plus précieux héritages, la Société Jean-Jacques Rousseau n'entreprend point une o&uvre d'apologie aveugle et maladroite. Elle accueille, elle unit tous ceux qui cherchent loyalement. L'emblème que nous avons choisi pour elle, vous l'avez vu, ce n'est pas le Rousseau de Pradier, solennellement drapé à la romaine, et qui élabore du haut de sa chaise curule, le code de la nature et de la société humaine. Ce n'est pas non plus le philoso-


phe à la mode, poudré, rasé de frais, coquettement vêtu, tel que LaTour l'a présenté dans son fameux portrait au pastel, que possède notre musée Rath; ce n'est pas cet ennemi de la société, au regard inquiet, à la lèvre amère, au front bridé par le soupçon, le cerveau échauffé sous son bonnet d'Arménien, que représente le peintre Ramsay; c'est le promeneur solitaire, c'est Rousseau apaisé et réconcilié, celui qui rêve, la tête découverte sous le ciel, et qui médite, en observant un bouquet de fleurs et d'herbes cueillies au bord du chemin. Celui-là, tous peuvent lui être reconnaissants d'avoir aimé Dieu, l'amour, l'enfant, et la vie libre et simple auprès de la nature.

A la suite de ce discours, s'ouvrit une courte discussion, après laquelle les membres de la Société adoptèrent les Statuts proposés. Il a été entendu que l'article 14 serait interprété en ce sens que les votes pourront être envoyés par écrit.

Le Comité fut nommé ensuite. Ont été élus MM. Bernard BouviER, à Genève.

Alfred CARTIER, à Genève.

Jean DEBRIT, à Genève.

Théophile DUFOUR, à Genève.

Henri FAZY, à Genève.

Philippe GODET, à Neuchâtel.

Albert JANSEN, à Gries-Bozen, en Tyrol.

Lucien PINVERT, à Paris.

Eugène RtTTER, à Genève.

Maurice TREMBLEY, à Genève.

Gaspard VALLETTE, à Genève.


La lecture de M. Edouard Rod a terminé la séance. Le lendemain 7 juin, les membres du Comité se sont réunis, et ont nommé le bureau de la Société, conformément à l'article 19 des Statuts. Ont été élus MM. Bernard BouviER, président;

Eugène RITTER, vice-président;

Maurice TpEMBLEY, secrétaire;

Jean DEBRIT, secrétaire-adjoint;

Alfred CART:ER, trésorier.

Le Comité a aussi nommé MM. RITTER et VALLETTE, membres de la Commission des publications; et MM. Hippolyte AUBERT et CARTIER, membres de la Commission des Archives le président faisant, de droit, partie de chaque commission.

Eugène RITTER



ROUSSEAU

ET LE DOCTEUR TRONCHIN'

SSURÉMENT, depuis l'apparition des Confessions jusqu'à nos jours, il a été souvent question des rapports de Rousseau et du docteur Tronchin. Tout, néanmoins, n'a

pas été dit sur ce sujet, qui a donné lieu à tant d'affirmations contradictoires, et nous avons d'autant moins hésité à y consacrer ce chapitre qu'une correspondance en grande partie inédite met en relief le caractère de ces deux hommes, que la nature avait faits incompatibles et qui représentèrent dans leur patrie les idées les plus opposées.

Entre ces carrières si différentes, il y a cependant plus d'une similitude créée par les circonstances et le hasard. Nés, l'un en 1709, l'autre en 1712, Tronchin et Rousseau quittent Genève dès l'adolescence pour n'y faire, durant un quart de siècle, que de rares et fugitives apparitions parvenus à la maturité de l'âge, déjà célèbres, ils reparaissent dans leur ville natale la même année% Tronchin pour s'y fixer, Jean-Jacques pour se retremper dans « le sentiment national. »

On sait quelle empreinte ineffaçable a laissée dans l'esprit de Rousseau ce séjour de quatre mois, durant Cette étude est extraite d'un ouvrage de M. Henry Tronchin Un médecin du XfJ'.T.f" siècle. Ledocteur ÏVottcAtM, qui doit paraître a Paris. 1754.


lequel il fut, selon son expression, « fêté, caressé dans tous les états. » H se sentit alors si filialement attaché à sa patrie, qu'il voulut rentrer dans la religion de ses pères afin d'être réintégré dans ses droits de citoyen. Il s'éloignait de Genève au moment même où Tronchin y établissait ses pénates. Le médecin et le philosophe, tout porte à le croire, ne se rencontrèrent pas alors et ne s'étaient jamais vus quand, un an plus tard, ils entrèrent en relations épistolaires.

Depuis longtemps Rousseau se disait très malade. De Luc le pressait de consulter Tronchin par correspondance, Jean-Jacques s'y refuse. De Luc revient à la charge et, à sa requête, Tronchin intervient personnellement auprès de Rousseau

Je suppose, Monsieur, que votre ami M. De Luc vous a dit ce que je pense; j'y perdrais trop s'il ne l'a pas fait; l'estime que j'ai pour vous est une dette et c'est de toutes les dettes que je contracterai jamais celle que je voudrais payer avec le plus d'exactitude. Se pourrait-il, Monsieur, qu'avec de tels sentiments, je ne prisse un intérêt bien vif à l'état de votre santé ? Elle intéresse tous les hommes en intéressant la vertu que vous connaissez, que vous aimez et que vous défendez mieux que personne.

Ce n'est point comme médecin que j'y prends part, il n'y a aucun rapport entre le cas que je fais de vous et le besoin que vous pouvez avoir de mon art il y en a encore moins entre ce besoin et mes lumières il me suffit de faire des vœux pour votre santé; je dois laisser à de plus sages que moi le soin d'y pourvoir. On nous a fait espérer, Monsieur, que nous vous verrons à Genève au printemps; ma peine redoublerait si votre santé y portait obstacle, mes vœux redoublent aussi et seront l'expression de l'estime et de la considération avec laquelle je serai toujours, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur*. 1.

On connait le scepticisme de Rousseau à l'égard de la médecine, « art, dit-il, plus pernicieux aux hommes Mss. Tronchin. De Genève, 12 décembre 1755, inédit.


que tous les maux qu'il prétend guérir. M I! avait renoncé aux soins de Morand, de Daran, d'Helvetius, de Malouin et, malgré les instances de ses amis, il décline les services de Tronchin

Par combien de raisons, Monsieur, lui écrit-il, ne devais-je pas vous prévenir, mais je respectais vos travaux et n'osais vous dérober un temps destiné au soulagement ou à l'instruction des hommes. Je suis pénétré de vos bontés et s'il y avait quelque espoir à ma guérison, comme vous êtes le seul de qui je la pourrais attendre, vous êtes aussi celui de qui j'aimerais mieux la recevoir. Mais une mauvaise conformation d'organe apportée dès ma naissance et le long progrès d'un mal déclaré depuis plus de dix ans me font juger que tout accoutumé que vous êtes à faire des miracles celui-ci vous échapperait ou du moins vous prendrait pour l'opérer un temps et des soins dus à des gens plus utiles que moi au monde et à la patrie. Je ne renonce pas pourtant à profiter un jour de l'attention que vous voulez bien donner au détail de ma maladie, mais la description de mes douleurs passées, le sentiment des présentes et l'image de celles qui m'attendent me font tomber la plume des mains et m'ôtent d'autant plus aisément le courage que l'espoir de la guérison ne le soutient plus. Depuis trois ans j'ai renoncé à tous les secours de la médecine, dont une longue expérience m'a montré l'inutilité par rapport à moi. J'ai mis à profit pour jouir de la vie bien des moments que j'aurais assez désagréablement perdus à tenter de la prolonger. Il me semble que je n'ai pas besoin de la vaine illusion qui flatte la plupart des malades et quelque confiance que j'aie en vos lumières, le désir que j'aurais de vivre auprès de vous a bien plus pour objet l'exemple de vos vertus que les secours de votre art.

Les soins de l'amitié me retenaient auprès d'une dame assez dangereusement malade quand je reçus votre lettre, je la lui communiquai et sa lecture augmenta le désir qu'elle a depuis longtemps de vous consulter; quoiqu'elle soit à la fleur de l'âge, son tempérament est si faible que sa famille et ses amis auraient grand besoin de vos soins pour se la conserver. M. de Gauffecourt qui la connaitpeut vous dire si elle en est digne. Je ne doute pas qu'elle vous écrive sitôt que ses forces le lui permettront.

Donnez-lui, Monsieur, les secours que vous daignez m'onrir sa santé n'est point sans ressources, et sa vie est nécessaire à ses enfants, à ses amis et à tous les honnêtes gens qui la connaissent.


Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur*. 1.

ROUSSEAU.

La requête que Jean-Jacques adressait à Tronchin en faveur de Madame d'Epinay fut exaucée deux mois plus tard. Au printemps de iy56, en effet, le docteur se rendait à Paris pour inoculer les enfants du duc d'Orléans. « A son arrivée, écrit Rousseau, il vint me voir avec le chevalier de Jaucourt. Madame d'Epinay souhaitait fort de le consulter en particulier, mais la presse n'était pas facile à percer. Elle eut recours à moi, j'engageai Tronchin à l'aller voir'.)) »

Madame d'Epinay et le docteur se lièrent très vite d'amitié. Tronchin devint à Paris, puis à la Chevrette, le visiteur le plus assidu de l'aimable femme dont il s'était constitué peu à peu le conducteur spirituel. Il eut ainsi l'occasion de rencontrer Rousseau installé au pavillon de l'Hermitage, que Madame d'Epinay lui avait fait aménager aux confins de son parc. Il s'établit entre le médecin et le philosophe la douce habitude d'une affectueuse familiarité. Tous deux, au cours de longues promenades, prenaient plaisir à s'entretenir des sujets qui les intéressaient et piquaient leur curiosité. Ainsi se noue une amitié qui, durant quelques années, tiendra dans le cœur de Rousseau une si grande place. Car Jean-Jacques vénère Tronchin et lui accorde une confiance sans bornes. C'est ainsi qu'il écrit au docteur quatre mois après le retour de ce dernier à Genève Je m'instruis dans vos lettres à Madame d'Epinay; tandis qu'elle combat vos maximes, je tâche d'en faire mon profit et ne réussis pas mieux faute de courage qu'elle faute de volonté. Encore y a-t-il 1 Mss. Tronchin. De Paris, 22 décembre 1755, inédit.

s CoM~stOHï, livre VU1.


cette différence qu'en se livrant sans scrupule à tous les penchants que l'honnêteté justifie, elle est au moins d'accord avec elle-même, au lieu que flottant entre la nature et la raison, je suis dans une contradiction perpétuelle et ne fais rien de ce que je veux. Continuez-nous donc vos sages leçons, /K<xc<e an:KO f! /o/M et .s~'e~KC, ne vous laissez point rebuter par les sophismes du sentiment inspirez à notre commune amie plus de raison et à moi plus de force, nous vous serons tous deux redevables de la sagesse. Voulez-vous remercier mon ami M. Vernes de la lettre qu'il vient de m'écrire; dites-lui que je ne renonce point au projet de finir mes jours dans la Patrie et d'y lier avec vous et lui une société moins d'hommes de lettres que d'hommes bons et droits, qui s'encouragent à la vertu et ne s'instruisent que pour devenir meilleurs. Bonheur, vie et santé pour le bien de la Patrie et du monde à vous que j'honore trop pour vous appeler Monsieur désormais, et que j'estime trop pour me dire votre serviteur

En même temps, Rousseau charge Tronchin d'une délicate mission. H vient d'écrire sous forme de lettre sa réfutation du poème de Voltaire Le Désastre de Lisbonne. Il l'envoie au docteur et c'est sur lui qu'il compte pour la faire tenir au philosophe des Délices. J'ai, lui écrit-il, la même confiance en vos bons offices que l'Europe en vos ordonnances. Voyez donc, je vous supplie, s'il n'y a point, peut-être, trop d'indiscrétion dans le zèle qui m'a dicté cette lettre. Si je suis moins fondé que je n'ai cru l'être, ou que M. de Voltaire soit moins philosophe que je ne le suppose, supprimez la lettre et renvoyez-la moi sans la montrer. S'il peut supporter ma franchise, cachetez ma lettre et la lui donnez en ajoutant tout ce que vous croirez propre à lui bien persuader que jamais l'intention de l'offenser n'entra dans mon cœur

Tronchin s'était montré scandalisé du pessimisme du poème et avait conjuré Voltaire de brûler son œuvre. Aussi il n'hésita pas à remettre à son destinataire la lettre soumise à son appréciation.

Ce fragment a été publié par Gabere!, Rousseau et les Genevois, Genève, 1858, p. 103.

2 Mss. Tronchin. De l'Hermitage, 18 août 1756. Inédit.


J'espère qu'il lira votre belle lettre avec attention, écrit-il à Rousseau en lui rendant compte de son ambassade. Si elle ne produit aucun effet c'est qu'à soixante ans on ne guérit guère des maux qui commencent à dix-huit. 1

Voltaire, on le sait, répondit a Jean-Jacques sur le ton d'une banale courtoisie, prétextant les maladies de sa nièce pour esquiver le débat. Rousseau, qui redoutait quelque coup de griffe, prit, dans sa candeur, l'excuse et les compliments au mot.

J'ai été charmé de la réponse de M. de Voltaire, mande-t-il à Tronchin un homme qui a pu prendre ma lettre comme il a fait mérite le titre de philosophe. 2

Et dans son optimisme, Jean-Jacques brûle de revenir bientôt et pour toujours se fixer dans sa patrie. Votre lettre à M. de Gauffecourt, mon philosophe, lui a fait presqu'autant de bien que vos ordonnances; il a été vivement touché de l'intérêt que vous prenez à lui et il en a été d'autant plus excité à se rapprocher de vous. Il compte partir d'ici le cinq ou le six du mois prochain pour se rendre à Lyon, où on lui a dit que vous deviez aller. Il n'ira point jusqu'à Genève. Ainsi Madame d'Epinay vous prie de ne point lui retenir l'appartement dont elle vous avait parlé. La pauvre femme est dans son lit depuis deux jours. Il semble que l'humeur qu'elle avait sur les jambes soit remontée elle a des douleurs de tête et la fièvre ne la quitte pas. J'espère pourtant que ceci ne sera rien. Elle mérite bien de guérir, non seulement parce qu'elle mérite de vivre pour ses enfants et pour ses amis, mais par sa confiance en vous et sa docilité à suivre tous vos soins.

Que je vous parle aussi de moi. Tenez-vous, s'il vous plait, pour répétée la conversation que nous eûmes dans le parc de la Chevrette. Je ne puis me transplanter tant que la bonne vieille n'aura pas d'asile, sitôt qu'elle en aura un, je charge mon paquet et je Streckeisen-Moultou, J. J. Rousseau, ses amis et ses ennemis. Paris, 1865. t. I. p. 324. 1" novembre 1756.

Mss. Tronchin. De Paris, 25 janvier 1757. V. Sayous, Le dix-huitième siècle à l'étranger, t. I, p. 258.


marche. Mon philosophe, quelle délicieuse vie, je mènerai, près de vous. En attendant il faut vivre d'une manière quelconque. Ditesmoi donc si vous avez parlé à quelque libraire de Genève et s'il veut se charger de mon recueil.

Sitôt que j'aurai votre réponse, je vous enverrai la note de ce qui doit y entrer. Je pourrai bien même quelque beau jour me dérober seul et sans rien dire pour aller m'aboucher avec vous, car il n'y a que ce moyen pour me tirer d'ici sauf à revenir ou à rester selon les convenances.

Au reste, je n'ai rien dit de notre conversation ni de mon projet, pas même à notre amie; gardez-moi le même secret et pour cela ne me répondez point sous son pli, mais tout simplement à LWe/H:<a~e près de Montmorency par Paris. Avec cette adresse mes lettres me parviennent jusque dans mon bois 1. Rousseau n'éprouve plus pour sa retraite, on le sent dans ces lignes, l'enthousiasme des premiers jours. Ii n'avait trouvé à l'Hermitage ni le calme ni la liberté qu'il était venu y chercher. La sollicitude parfois autoritaire dont l'entoure Madame d'Epinay l'importune il est las surtout des tracasseries journalières que suscite dans son ménage la présence de la mère de Thérèse, « femme avide, madrée, voulant tout diriger. » Désireux de soustraire le malheureux philosophe à ce joug dégradant et despotique, Tronchin, du consentement même de Jean-Jacques, s'était adressé, lors de son séjour à Paris, à l'un de ses illustres clients, le cardinal de Soubise, pour obtenir l'admission de la mère Levasseur dans un asile de vieillards.

Je n'ai pas perdu un instant depuis notre dernière conversation, mande le docteur à Rousseau, à la date du i~ novembre 1756. Pensez-vous toujours de même ? Je me flatte que le Cardinal de la Rochefoucauld m'accordera ce que son prédécesseur m'avait promis

1 Mss. Tronchin. De Paris, 25 janvier 1757. Inédit.

Streckeisen-Moultou, loc. cit.


Six mois plus tard, Tronchin revenait à la charge auprès du duc de la Rochefoucauld

Oserais-je, Monsieur, vos bontés me donnent de l'audace, implorer encore une fois la protection de Madame d'Anvitle pour cette bonne femme de Montmorency. Dans une maison où l'on n'entre que pour mourir, il y a souvent des places vides. M'' le Cardinal de Soubise avait eu la bonté de m'en promettre une. Il est mort ma bonne femme n'y perdra rien, si j'ose me flatter de votre protection Tandis que Tronchin poursuivait ses démarches, Thérèse et sa mère, qui avaient en horreur la campagne et redoutaient de passer l'hiver à l'Hermitage, appellent à leur aide les amis de Jean-Jacques pour le déterminer à rentrer à Paris.

Diderot intervient et entreprend, avec sa fougue et son emphase, de démontrer à Rousseau qu'il est criminel de garder une octogénaire loin des secours dont elle pourrait avoir besoin. Jean-Jacques s'irrite, accuse Grimm et Diderot de troubler la paix de son ménage, de détacher de lui tous ceux qu'il aime, et ne veut plus se séparer de la mère de Thérèse.

Ce brusque revirement ne découragea pas Tronchin. Préoccupé de la situation de plus en plus précaire que créaient à Rousseau le désordre, les prodigalités des « Gouverneuses », le docteur déployait toutes les ressources de sa diplomatie pour assurer du moins à son ami quelques modestes ressources, sans blesser sa fierté. Tronchin était au nombre des « directeurs M de la Bibliothèque de Genève'. Dans son désir d'être utile à Mss. Tronchin. Copie de lettres, 21 février 1757, inédit.

s A cette époque les fonctions de Directeur de la bibliothèque, dévolues à des professeurs, équivalaient à celles de membre d'une commission de surveillance. Cette commission se composait des Seigneurs scholarques, du recteur, des directeurs, dont l'un choisi parmi les avocats, l'autre parmi les médecins, et des bibliothécaires. (V. Borgeaud, ~.co~Mtte de Calvin, p. 480-481).


Rousseau et de l'arracher à son fàcheux entourage, il lui avait proposé, d'accord avec quelques membres du Conseil, la place de Bibliothécaire. Jean-Jacques hésita quelque temps, puis, dans la lettre qui va suivre, il explique à Tronchin les motifs de son refus.

Je vous dois beaucoup de remerciements, mon cher philosophe, lui écrit-il, mais je ne vous en fais point, et je trouve cela beaucoup plus convenable entre nous que les louanges que vous me donnez, et je vous laisse à juger là-dessus lequel de nous deux sait le mieux honorer l'autre.

Je ne vous taxais pas d'avoir oublié notre conversation du Parc de la Chevrette, au contraire je répondais à votre précédente lettre qui paraissait m'en taxer moi-même. Ainsi soit dit une fois pour toutes. Il m'est impossible de vous envoyer encore la note en question jusqu'à ce que je sois mieux déterminé sur le choix de ce que j'y dois faire entrer, car j'ai plusieurs choses commencées et j'aurais bien envie d'en finir quelque-unes, mais je ne sais lesquelles ni si j'y pourrai réussir. Ce qui me rend là-dessus d'une si grande paresse, c'est premièrement que je n'ai plus de génie et cela est très certain facit indignatio versus et je n'habite plus la ville. De plus je me suis jeté je ne sais comment dans des a/MKse/Mey:~ d'un genre si différent qu'ils m'ont tout à fait relâché l'esprit sur les choses utiles. 0 que vous me mépriserez, quand vous saurez de quelle sorte d'ouvrage je m'occupe, et qui pis est avec plaisir!

Quoiqu'il en soit, je tâcherai toujours de vous envoyer ma note d'ici à cinq ou six semaines

Quant au projet que vous inspire votre amitié pour moi, je commence par vous déclarer qu'on ne m'en a jamais proposé qui fût autant de mon goût et que. ce que vous imaginez est précisément ce que je choisirais s'il dépendait de moi. Mais où prendrais-je les talents nécessaires pour remplir un tel emploi; je ne connais aucun livre, je n'ai jamais su quelle était la bonne édition d'aucun ouvrage, je ne sais point de grec, très peu de latin et n'ai pas la moindre mémoire ? Ne voilà-t-il pas de quoi faire un illustre Bibliothécaire ? Ajoutez à cela ma mauvaise santé qui me permettrait difficilement d'être exact et jugez si vous avez bonne grâce à comparer vos fonctions à celles que vous me proposez, et si la probité devrait même Mss. Tronchin. De l'Hermitage, 27 février 1757. Inédit.


me permettre de les accepter, quand même elles me seraient offertes, quelque honoré que j'en puisse être

En réalité, Rousseau n'a plus envie de se fixer dans sa patrie, car pour lui, il le comprend maintenant, c'est vivre à côté de Voltaire, dont la gloire éclipserait la sienne. Il ne peut d'ailleurs pardonner à ses concitoyens la froideur avec laquelle sa dédicace du Discours sur J'!Meg' a été accueillie à Genève. Ses amis cependant, Vernes, Tronchin, insistent pour le faire revenir. Madame d'Epinay, de son côté, qui songe depuis longtemps à se rendre auprès de Tronchin, presse JeanJacques de l'accompagner.

Ce ne pourrait guère être, écrit-il au docteur, que pour revenir encore une fbi< Je ne suis point encore bien déterminé. Quant à elle, son cœur et son corps ont grand besoin de ce voyage; la différence est qu'elle sent ses maux physiques et sera docile; mais elle tient aux maximes des beaux philosophes musqués, et je ne crois pas que vous l'en guérissiez facilement. N'est-il pas assez étrange qu'étant femme sensée, bonne amie, excellente mère de famille, aimant la justice et la vertu, et supportant souvent bien des chagrins pour remplir ses devoirs, elle ne veuille pas faire honneur à sa raison de ce qu'elle refuse à ses penchants I Car quoi qu'elle en puisse dire le moyen d'être honnêtes gens sans combattre ?

Il n'y a pas un seul homme au monde qui, s'il faisait tout ce que son cœur lui propose de faire, ne devint en fort peu de temps le dernier des scélérats. Mon cher ami, ce n'est pas à vous qu'il faut apprendre à vaincre ni à vous qu'il convient de l'enseigner, mais quand je parle d'elle je crois lui parler.

Bonjour, mon philosophe, je suis persuadé qu'il ne nous manque pour être de vrais amis que l'habitude de nous voir souvent, et mon cœur brûle de la prendre~.

C'est à l'occasion du départ de Madame d'Epinay pour Genève qu'éclata, on le sait, la brouille de RousMss. Tronchin, 27 février 1757, publ. par Sayous, op. cit., p. 249. MM. Tronchim, 27 février 1757. Inédit.


seau avec Diderot. Ce dernier insiste auprès de JeanJacques pour qu'il soit du voyage. Avec son esprit inquiet, le philosophe croit aussitôt à une ligue formée contre son indépendance et sa dignité. I! refuse de paraître dans sa patrie « comme un valet aux gages d'une fermière générale. » Prêtant l'oreille aux propos d'antichambre de Thérèse, il accuse Madame d'Epinay de se rendre auprès de Tronchin pour cacher une grossesse, et diffame sa bienfaitrice auprès de Diderot. Le docteur savait mieux que personne tout ce que Madame d'Epinay avait mis d'ingénieuse bonté et de délicatesse dans sa conduite envers Rousseau. H ressentit toute l'indignation qu'une pareille ingratitude était de nature à lui inspirer. D'autre part, la sollicitude affectueuse dont Tronchin entoura sa malade dès son arrivée à Genève, l'intimité croissante qui s'établit entre eux, éveillèrent la défiance de Jean-Jacques. Ils commencèrent ainsi sous mes auspices, écrit-il dans les Confessions, des liaisons qu'ils resserrèrent ensuite à mes dépens. Telle a toujours été ma destinée sitôt que j'ai rapproché l'un de l'autre deux amis que j'avais séparément, ils n'ont jamais manqué de s'unir contre moi.

Mais l'heure était encore lointaine où, se laissant aller, au déclin de l'âge, à une imagination que la raison ne domine plus, Rousseau comptera Tronchin au nombre de ses plus implacables ennemis.

Assurément, à partir du séjour de Madame d'Epinay à Genève, les relations entre le docteur et Jean-Jacques se retâchèrent elles demeurèrent toutefois empreintes, sinon de cordialité, du moins de courtoisie. C'est ainsi qu'aussitôt la Lettre sur les spectacles parue, Rousseau s'empresse de l'envoyer à Tronchin,


qu'il savait d'ailleurs fort opposé lui aussi à l'introduction du théâtre à Genève.

Préoccupé de conserver à sa patrie la dignité et l'austérité, le docteur luttait de toutes ses forces contre le goût de plus en plus vif pour la comédie qui se manifestait chez ses concitoyens, depuis l'arrivée de Voltaire. Prêchant d'exemple, Tronchin s'abstenait de paraître aux spectacles de Ferney et de Tournay; il défendait à son fils de se rendre aux représentations que donnait une troupe ambulante, installée aux portes même de la ville, à Carouge, sur territoire sarde.

On s'obstine à prêcher contre ceux qui vont à la comédie, écrit le jeune Tronchin à un ami. Des raisons d'Etat et de je ne sais quelle morale joignent leurs forces. L'effet qui en résulte est que le spectacle est plus goûte que jamais. La privation du plus innocent des plaisirs est bien dure, mais mon père en exige le sacrifice. Je suis une triste victime de cette obstination et de ces préjugés Sur la requête que lui adressa le Magnifique Conseil, le Roi de Sardaigne consentit à révoquer le privilège accordé à la troupe de Carouge. Celle-ci se transporte à Châtelaine, sur terre de France, dans le voisinage immédiat de Genève. Le docteur agit personnellement auprès de Madame de Marsan, sœur du Cardinal de Soubise et gouvernante des Enfants de France Grâce à cette influence toute puissante à Versailles, le théâtre de Châtelaine fut fermé au grand mécontentement de Voltaire.

Aussi Tronchin applaudit de tout son cœur à l'éloquent plaidoyer de Rousseau en faveur de l'antique discipline.

1 Mes. Tronchin. François Tronchin à Guiger, s. d. Inédit. s Mss. Tronchin. Copie de lettres. Tronchin a la Comtesse de Marsan, 21 avril 1759. Publ. par Perey et Maugras, Vie intime de Voltaire, p. 247248.


« J'ai lu votre ouvrage, lui écrit-il, avec d'autant plus de plaisir que j'ai toujours pensé comme vous sur la nature et sur les effets de la comédie*. »

Le docteur, toutefois, fait ses réserves et ne ménage pas ses critiques à l'auteur. II ne saurait en effet reconnaître Genève dans cette République idéale, de mœurs austères, dont le solitaire de Montmorency trace le séduisant tableau. Encore moins peut-il souscrire à l'étrange utopie de Jean-Jacques de remédier au contact de la civilisation en introduisant dans sa patrie l'éducation et les usages de Sparte.

Ne nous y trompons pas, ce qui convenait aux républiques grecques ne convient plus à la nôtre.

L'éducation publique dispensait dans celles-là de l'éducation particulière, ou, pour mieux dire, il n'y avait point d'éducation particulière. Tout se réduisait à la gymnastique et aux exercices qui avaient quelque rapport avec la guerre. Chez nous il ne peut plus y avoir d'éducation publique, elle serait incompatible avec les arts. et les métiers; sur le pied où les choses sont, Genève mourrait de faim.

Rousseau fait l'éloge des cercles, dont il idéalise singulièrement l'objet, en les représentant comme « la sauvegarde des mœurs antiques et des vertus civiques. » Tronchin constate l'action dissolvante de ces institutions sur la vie de famille, et il montre à Jean-Jacques « les enfants laissés à eux-mêmes, se livrant à toutes leurs passions naissantes, couvrant de l'ombre de la nuit des habitudes déréglées, tandis que les pères jouent, boivent et fument dans leurs cercles. » Oh que vous changeriez de ton, si vous voyiez tout ce que je vois, et si de sages pasteurs vous disaient, comme ils me le disent 1 Mss. Tronchin. Copiedelettres. Tronchin à Rousseau, 13 novembre 1758. Publ. par Gaberel, Rousseau et les Genevois, p. 106.


tous les jours que les mœurs de notre peuple dépérissent à vue d'ceil. Genève ne ressemble pas plus à Sparte que les gantelets d'un athlète ne ressemblent aux gants blancs d'une fille de l'Opéra. Tout en convenant que les objections de Tronchin sont très judicieuses, Rousseau ne voulut pas s'y rendre. Dans une lettre bien connue, adressée au docteur', il admet cependant, pour Genève, « une éducation moyenne entre l'éducation publique des républiques grecques et l'éducation domestique des monarchies. » « Tant pis, disait-il, si les enfants restent abandonnés à eux-mêmes, mais pourquoi le sont-ils? Ce n'est pas la faute des cercles. Au contraire, c'est là qu'ils doivent être élevés, les filles par les mères, les garçons par les pères. » Tronchin parle du dépérissement des moeurs « Partout, réplique Rousseau, le riche est toujours le premier corrompu, le pauvre suit, l'état médiocre est atteint le dernier. » Et on sent percer dans ces lignes la sourde rancune de l'auteur du Discours sur /*7Ke~ contre cette aristocratie genevoise, devenue la commensale de Ferney.

C'est Rousseau qui reprend la correspondance, quatre mois plus- tard, en consultant Tronchin pour un bourgeois de Montmorency, « attaqué d'une maladie singulière~. »

Pardon, Monsieur, ajoute-t-il, de mes importunités. Je sais combien votre temps est précieux, mais je sais que c'est pour ces choseslà même que vous estimez votre temps précieux. Vous n'avez plus besoin ni de bien ni de gloire. Que vous reste-t-il à faire dans cette 1 Mss. Tronchin. Rousseau à Tronchin, de Montmorency, 2d novembre 1758. Publ. dans les Oeuvres complètes, éd. Musset-Pathay, t. XIX, p. 52-55. Paris, 1824.

Mss. Tronchin. Rousseau à Tronchin, de Montmorency, 23 mars 1759. Inédit.


vie, sinon de vous livrer aux plaisirs que votre cœur vous demande et dont vous connaissez si bien le prix.

Recevez, Monsieur, les assurances de mon respect.

Tronchin envoie à Rousseau un mémoire pour le bourgeois de Montmorency. II y joint une consultation destinée à Jean-Jacques lui-même. L'auteur de la Lettre sur les spectacles n'a-t-il pas dit dans sa préface qu'il n'a plus d'amis, et qu'en ne voyant plus les hommes, il a presque cessé de haïr les méchants ?

Je soupçonne, mon cher Monsieur, lui écrit Tronchin que votre indifférence, je me sers du terme le plus doux, tient à deux causes: au point du globe où vous vous trouvez et à votre mauvaise santé, car j'estime que nos principes sont les mêmes, mais je me porte bien et je suis ici; l'humeur acqueuse de mon œil et son cristallin transmettent à l'organe immédiat de ma vue les rayons tels qu'ils sont; ils ne reçoivent dans ce trajet aucune teinte qui les altère. Je ne suis donc plus heureux que vous que parce que je me porte bien et que vous n'êtes pas ici

On devine l'agacement de Rousseau à la lecture de cette consultation qu'il n'a point sollicitée. Son humeur soupçonneuse transforme les conseils un peu sentencieux de Tronchin en autant de sanglantes offenses il entrevoit aussitôt d'infâmes trahisons, et le ton de sa réponse, l'amertume profonde de ses réflexions, dénotent une perturbation mentale qui va s'accroître peu à peu.

J'ai reçu, Monsieur, avec votre obligeante lettre du 4. de ce mois, le mémoire que vous avez eu la bonté d'y joindre et dont je ne vous remercie pas, parce que c'est faire injure à un honnête homme de le remercier du bien qu'il fait. L'ordonnance a été remise à celui pour qui elle était destinée il a cru me devoir une visite, durant laquelle j'ai vu qu'il s'était livré à d'autres médecins, qui le traitaient avec du café, du chocolat bien vanillé, de l'équitation, etc. 1 Mss. Tronchia. Copie de lettres. Rousseau à Tronchin, 4 avril 1759. Publ. par Streckeisen-Mouhou, op. cit., p. 327-328.


En sorte qu'un mieux apparent, qu'il croit être l'effet de ce nouveau régime, lui faisant négliger votre ordonnance, je- me la suis fait rendre sans avoir la même maladie, elle me fera plus de bien qu'à lui.

Vous me demandez comment il se peut faire que l'ami de l'humanité ne le soit presque plus des hommes. Vous m'accusez d'avoir pour eux de l'indifférence, et vous appelez cela vous servir du nom le plus doux. Monsieur, pour vous répondre, il faut que je vous demande à mon tour sur quoi vous me jugez ? Votre manière de procéder avec moi ne ressemble pas mal à celle dont on use dans l'interrogatoire des infortunés qu'on défère à l'inquisition. Si j'ai des délateurs secrets, dites-moi quels ils sont et de quoi ils m'accusent alors je pourrai vous répondre. En attendant, de quoi m'accuserai-je moi même?

Si depuis ma naissance j'ai fait le moindre mal à qui que ce soit au monde, que ce mal retombe sur ma tête! Si je refuse à quelqu'un quelque bien que je puissse faire, quelque service que je puisse rendre sans nuire à autrui, que j'éprouve à mon tour le même refus dans mon besoin Plaise à Dieu que la terre se couvre d'ennemis qui puissent, chacun pour soi, faire d'aussi bon cœur la même imprécation. Encore une fois, sur quoi me jugez-vous ? Si c'est sur mes actions, quelque mémoire que vous puissiez avoir, il me paraît toujours fort étrange que vous me condamniez sans m'avoir entendu. Si c'est sur mes écrits, cela me paraît encore plus étrange; je suis bien sûr que le public ne me juge pas si sévèrement que vous, et j'ai tous les jours occasion de croire que les hommes en général et surtout les malheureux ne me regardent pas comme leur ennemi. On n'aimera jamais, dites-vous, des voleurs dignes de la corde; pardonnez-moi, Monsieur, leur père ou leur frère peut les aimer, se tourmenter après eux et leur crier avec colère Quittez ce vil métier, misérables, vous allez tous vous faire pendre. Mais si Timon, qui ne serait pas fâché de les voir pendus, les rencontre, au lieu de les détourner de leur crime, il leur dira d'un air caressant Courage, enfants, voilà qui va fort bien.

Je vous félicite de tout mon cœur de votre bien-être, de votre santé, de vos amis, si je n'ai rien de tout cela, c'est un malheur et non pas un crime. Tel que je suis, je ne me plains ni de mon sort ni de mon séjour. Je suis l'ami du genre humain et l'on trouve partout des hommes. L'ami de la vérité trouve aussi partout des malveillants, et je n'ai pas besoin d'en aller chercher si loin. Si j'ai bien voulu devant le public rendre honneur à ma patrie, je


ne prévoyais que trop que ce qui était vrai ne le serait pas longtemps. Je m'efforçais de retarder ce triste progrès par des considérations utiles, mais tant de causes l'ont accéléré, que le mal est désormais sans remède loin d'aller être témoin de la décadence de nos mœurs, que ne puis-je fuir au loin pour ne pas l'apprendre. J'aime mieux vivre parmi les Français, que d'en aller chercher à Genève. Dans un pays où les beaux esprits sont si fêtés, Jean-Jacques Rousseau ne le serait guère, et quand il le serait, il n'aurait guère à s'en glorifier.

0 respectable Tronchin, restons tous deux où nous sommes Vous pouvez encore honorer votre patrie. Pour moi, il ne me reste qu'à la pleurer. Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur 1. ROUSSEAU.

Tronchin se plaint à son tour, il n'a pas mérité les reproches que lui adresse Rousseau

Moi qui ne vous ai jamais rien dit et qui n'ai jamais rien pensé que d'honnête et de tendre à votre égard, moi qui n'ai jamais ouï de délateurs secrets, ni de mémoires à votre charge, moi qui voudrais adoucir vos maux et partager avec vous l'innocence et la douceur de ma vie, moi qui ai fait tout ce qui était en mon pouvoir et qui suis prêt de le faire encore pour vous attirer dans votre patrie et pour y passer avec vous des jours calmes et sereins. Oh mon cher ami, vous avez blessé mon âme

Et le docteur s'efforce derechef de démontrer à JeanJacques que ses maux physiques ont sur son moral une influence dont il ne se rend pas compte Si vous vous portiez aussi bien que moi, mon bon ami, l'encre dont vous vous servez serait moins noire, les malveillants que vous supposez disparaîtraient, vous ne vous reprocheriez point les éloges que vous avez donnés à votre patrie, vous n'imagineriez point qu'elle n'en est pas digne, vous ne vous feriez pas une si triste idée de ses mœurs, vous ne penseriez pas à fuir pour en perdre le souvenir. Les citoyens qu'elle renferme dans son sein ne sont pas des 1 Mss. Tronchin. Rousseau & Tronchin, 28 avril 1759. Cette lettre a.été publiée en partie et inexactement par Gaberel, op. cit., p. 108-109. s Mss. Tronchin. Copie de lettres. Tronchin a Rousseau, 7 mai 1759. Publ. parGaberel, op. cit., p. 110.


hommes parfaits, mais où en trouve-t-on ? Vous et moi le sommesnous, mon bon ami, et pouvons-nous espérer de l'être? La plus profonde humilité est le seul état qui convient à l'homme. L'orgueil de Rousseau n'était guère fait pour s'accommoder de cette leçon d'humilité. Le philosophe s'échauffe et demande au docteur de préciser ses accusations

Quoi, Monsieur, je vous ai offensé! Ce n'était assurément pas mon intention, et je crois que cela devait se voir dans ma lettre mais vous m'accusez injustement, il faut bien que je me défende. Vous pouviez savoir que je n'ai qu'un ton, même avec les Français, qui donnent tant de valeur aux mots; en changer avec vous n'eûtce pas été véritablement vous offenser ?

Je vous ai dit en termes durs des ehoses honnêtes. Vous aviez fait tout le contraire. Qui de nous avait plus lieu de se plaindre? Vous m'aviez accusé d'indifférence pour les hommes, ajoutant que vous vous serviez du mot le plus doux. Monsieur, si les mots sont doux, le sens ne l'est guère. Cette accusation non motivée m'a fourni la comparaison qui vous a déplu cependant en me la reprochant, vous ne vous en justifiez pas, et il me reste toujours à savoir sur quoi vous fondez la haine dont vous me taxez contre le genre humain. Vous me trouvez la morale d'un malade et à vous celle d'un homme en bonne santé. Cela peut être; mais vous m'écrivez comme à un homme robuste et vous voulez que je vous réponde comme à un infirme. Alors vous n'êtes pas conséquent. Eh t mon cher Monsieur, à quoi nous amusons-nous là ? Laissons les femmes et les jeunes gens épiloguer sur les mots, et tâchons d'être plus sages. Vous pourriez m'écrire des injures et je pourrais vous en répondre d'autres, que je n'en aurais pas moins d'estime pour vous et je n'en compterais pas moins sur celle que vous me devez car je sais qu'il faut juger les hommes sur ce qu'ils font et non pas sur ce qu'ils disent.

Adieu, mon cher Philosophe, je vous aime, je vous honore et vous embrasse de tout mon cœur\ ROUSSEAU. Mis en demeure de s'expliquer, Tronchin s'explique. Il reproche à Rousseau l'orgueilleuse satisfaction qu'il 1 Mss. Tronchin. Rousseau Tronchin, 30 mai 1759. Inédit.


éprouve de s'être insensiblement détaché de tous ses amis, dans ce besoin de solitude propre aux esprits inquiets. I) blâme sa rupture avec Diderot, cet ami qui, de l'aveu même de Jean-Jacques, manque bien plus à son cœur qu'à ses écrits.

C'était votre Aristarque, il était sévère et judicieux, vous ne l'avez plus et n'en voulez plus. Ai-je besoin d'un autre argument pour vous prouver que je n'ai pas tort ? Mais cet ami, me répondrezvous, avait des défauts je vous demanderai à mon tour s'il en est un parfait dans ce monde, si vous, qui vous en plaignez, croyez l'être, si moi qui vous écris, le suis ou le serai ?. Quel qu'il soit vous avez été son juge et sa partie, s'il en appelait à un autre Tribunal, ne pourrait-il pas se défendre, est-il bien sûr que le jugement que vous en portez soit connrmé*?

Tronchin ne peut pardonner à Rousseau son aversion pour cette Genève, naguère objet de son adulation, et prenant à son tour la défense de ses concitoyens, il s'efforce de montrer à l'exilé volontaire que cette patrie est cette année ce qu'elle était l'année passée, « si elle n'a rien gagné, au moins n'a-t-elle rien perdu. Si mon style vous paraît dur, ou si les choses que je vous dis le sont, je vous dirai, mon cher ami, ce que les quakers disaient au roi Jacques Accorde-nous la liberté que tu prends pour toi-même, et je n'en serai pas moins votre véritable ami. »

Rousseau réplique à son tour

Vous me soulagez beaucoup, Monsieur, en m'apprenant sur quoi vous fondez les accusations que vous intentez contre moi; je pense trop bien de votre jugement et je ne trouve pas vos raisons assez solides pour croire que la conclusion que vous en tirez soit sérieuse. Vous me reprochez de m'être détaché de tous mes amis vous vous trompez, Monsieur; il est vrai que je me suis détaché de 1 Mss. Tronchin. Copie de lettres. Tronchin à Rousseau, 6 juin 1759. Publ. en partie par Gaberel, op. cit., p. 112.


quelques personnes, mais très-certainement je n'ai pas perdu un seul ami.

Vous citez en particulier l'Aristarque dont je parle dans la préface de mon dernier écrit. Vous rapportez mon passage et vous demandez si vous avez besoin d'autre argument pour prouver que vous n'avez pas tort, je ne sais pas comment vous l'entendez, mais pour moi je n'en ai pas besoin d'autre pour prouver que vous avez tort.

Car enfin, par quel étrange tour d'esprit pouvez-vous conclure que je hais les hommes du regret que je montre d'être forcé de n'en plus aimer un? A qui tenait-il que vous ne vissiez dans ce passage un cœur aimant et sensible auquel il en coûte quand il est forcé de se détacher ? Pourquoi ne disiez-vous pas il faut que des raisons bien graves le déterminent à combattre ainsi sa propre inclination ? Ce raisonnement est si naturel que tout le monde l'a fait hors vous, et il sera toujours fort singulier que vous ayez tiré le préjugé de ma haine contre les hommes du même écrit qui en a guéri le public. Vous examinez ensuite les raisons que vous supposez m'avoir détaché de cet ami prétendu. Vous me faites dire qu'il avait des défauts eh tant mieux, Monsieur, il était homme, il lui en fallait beaucoup pour me convenir; je ne voudrais pas d'un être parfait pour mon ami, car je veux reconnaître dans mon ami, mon semblable. Vous me reprochez d'avoir été son juge et sa partie; voilà qui est bizarre, et qui voulez-vous donc qui juge si un ami me convient ou ne me convient pas ? Si je l'accusais de quelque crime, ce ne serait pas à moi de le juger, je le sais; mais par ma foi, quant à la convenance des cœurs, il me semble qu'il faut être partie pour être juge. Me voilà donc, selon vous, Monsieur, détaché de tous mes amis. Que s'en suit-il; que je suis détaché des hommes? Tout au contraire, car ce sont presque toujours les préférences qui nuisent à l'humanité trois ou quatre personnes concentrées entre elles ne se soucient guère du reste de l'Univers, et il s'en faut peu qu'on se fasse honneur d'une injustice qui tourne au profit de son ami. Mais un cœur qui s'étend avec plaisir sur ses semblables est moins prompt à former des attachements particuliers et plus modéré dans ses attachements. 0 combien il faut de vertu pour concilier la justice avec l'amitié et savoir être ami sans cesser d'être homme Je suis fâché que vous me fassiez un crime de n'oser pas tant présumer de moi. Tout ce que vous me dites en faveur de mes concitoyens a réjoui mon cœur. Combien j'ai de plaisir de m'être trompé et avec quelle


joie je me reproche mon injustice! Mais, Monsieur, ce n'est pas assez pour m'attirer parmi eux, plus je leur dois d'estime, plus leur bienveillance me serait chère, et plus il me serait dur de n'en pas jouir. Vous ne voudriez pas que je vous crusse un des moins bien disposés pour moi, or, à juger des autres par vous et de vos sentiments par vos lettres, je ne vois pas que j'en doive attendre de personne de fort obligeants dans ma patrie.

Je ne dis pas que j'aie mérité mieux, je dis seulement que cette sévérité, quoique juste, me serait trop dure à supporter. Si tel est mon sort, que j'aie à trouver partout de la haine ou de l'indifférence, je la supporterai plus aisément des étrangers que de mes concitoyens. J'avoue même que je trouve ici plus d'indulgence que je n'en mérite. Je n'ai pas lieu d'en espérer autant à Genève à tout prendre, je trouverai mieux mon compte à être jugé par ceux qui ont vu ma conduite, et il n'en coûte point à un honnête homme de mourir où il a vécu.

Adieu, Monsieur, je vous embrasse de tout mon cœur. Le mot des quakers au roi Jacques est fort bon et m'ira du moins aussi bien qu'à vous. Car c'est, ce me semble, ce que vous me donnez le droit de vous dire, quand vous trouvez mauvais que je me défende des torts que vous m'imputez si injustement'.

C'est ainsi que, dans sa monomanie de la persécution, Rousseau en est arrivé à se convaincre qu'il est détesté à Genève, et il voit des preuves de cette hostilité jusque dans les affectueuses exhortations de Tronchin. Ce dernier ne se laisse pas décourager, il revient à la charge, use de sa dialectique la plus serrée pour rectifier le jugement de Jean-Jacques et faire vibrer les cordes de la raison et du cœur.

Quand on souhaite d'avoir tort, il est bien doux, mon cher Monsieur, d'être condamné. J'avais craint, mais je me suis trompé, que la douceur de l'amitié manquait au bonheur de votre vie. Vous n'imaginez pas combien je suis content de m'être trompé, car je ne crains point pour vous ce qui n'est à redouter que pour le commun des hommes, je suis sûr de vos principes comme des 1 Mss. Tronchin. Rousseau 11. Tronchin, 23 juin 1759. Inédit, ~l'exception du dernier paragraphe, publ. par Gaberel, op. cit., p. 113.


miens. L'affection qu'il nous est permis d'avoir pour quelques individus ne détruira point celle que nous devons à la société dont nous sommes membres, et au genre humain, dont chaque société fait partie.

La douceur légitimement attachée à l'amitié particulière devient pour nous la récompense de la bienveillance générale, et ce n'est qu'à cette condition que nous pouvons dire avec Cicéron que la véritable amitié est de toutes les choses la plus excellente, qui l'est dans toutes les saisons et dans tous les états de la vie et nous en concluons nihil melius homini a </MS immortalibus datum. L'abus donc de l'amitié ne vous effrayera point. Dirions-nous que le vin est un poison parce que ceux qui en boivent trop s'enivrent, ou que la religion est une mauvaise chose, parce que plus d'une fois elle a servi de prétexte à la vengeance ?

Que celui dont les liaisons particulières se forment et s'entretiennent aux dépens de la bienfaisance générale rentre en soimême et s'examine. H découvrira dans son cœur quelque vice secret qui fait que le sentiment le plus doux, le plus naturel et le plus innocent dégénère. Lorsque quatre personnes concentrées se soucieront peu du reste de l'Univers, est-ce à leur amitié qu'il faut s'en prendre? Non sans doute, c'est un vice du cœur et un défaut de principe.

Commençons donc par rectifier notre cœur et par nous faire des principes; ils nous attacheront à cette chaîne invisible qui nous lie à tous nos semblables, et nous n'aimerons point l'individu aux dépens de l'espèce, car le plus grand de nos devoirs est d'aimer tous les hommes. Et qui doute qu'il faille de la vertu pour concilier l'amitié avec la justice, et savoir être ami sans cesser d'être homme. Eh bien, ayons de la vertu, peut-on être bon et heureux sans elle ?

Je suis charmé, mon cher ami, que ce que je vous ai dit de vos concitoyens ait réjoui votre cœur. Il avait besoin de ce lénitif, mais je n'aime pas les conséquences que vous en tirez. Quoi 1 parce qu'ils méritent votre estime, parce que leur bienveillance vous est chère, vous craignez de n'en pas jouir ? Vous les croyez donc bien injustes et s'ils le sont comment pouvez-vous les estimer? Mais vous me dites une chose qui me fait encore plus de peine et qui me prouve bien que vous ne lisez pas mes lettres. Ce n'est pas ce qui m'afflige le plus, elles n'en valent pas la peine et si je vous en parle ce n'est que pour me justifier, je ne vous dirai pas de les relire, on ne conserve pas des lettres qu'on ne lit point. Faites-moi


la grâce de faire attention qu'en jugeant de mes sentiments par mes lettres, vous ne pouvez pas douter que je m'intéresse à vous et que l'amitié la plus vraie me dicte tout ce que je vous dis. D'autres y mettraient peut-être un peu plus de compliments, mais je crois que les compliments ne sont pas faits pour vous. Ils sont d'ailleurs peu conformes à mon caractère, car si je ne suis pas toujours obligé de dire tout ce que je pense, je dois penser tout ce que je dis. Je voudrais partager avec vous la douceur de ma vie cela s'appelle-t-il de la haine ou de l'indifférence ? Jugez-en vous même, mon bon ami

Rousseau, par son silence, coupe court à toute explication, et Tronchin ne tente aucun effort pour renouer une correspondance dont le ton de courtoisie presque affectueuse de part et d'autre, cache mal une mésintelligence qui va s'aggravant.

Assurément, le docteur se sent toujours pris de compassion pour le malheureux philosophe, mais il est las pour lui-même et pour les autres des procédés inexplicables, des inconséquences de Jean-Jacques, sans, peutêtre, se rendre nettement compte que cette susceptibilité qui se froisse et s'irrite de tout est le fait d'un état maladif incurable.

Poussé par cette méfiance instinctive, qui chez lui succède toujours aux premières effusions de l'amitié, Rousseau en est venu à mettre en doute la sincérité du docteur, à suspecter ses intentions. Tronchin n'est-il pas lié avec Madame d'Epinay, avec Grimm, Diderot ? N'est-il pas le médecin de Voltaire ? N'a-t-il pas le tort, plus impardonnable encore, de vivre heureux, comblé d'honneurs, dans cette patrie où Jean-Jacques compte si peu d'amis et d'admirateurs ?

L'apparition de la Nouvelle Héloïse ne fit qu'élargir t Mss. Tronchin. Copie de lettres. Tronchin à Rousseau, 2 juillet 1759. Inédit.


le fossé qui séparait les deux hommes. De l'aveu même de Rousseau, l'ouvrage eut moins de succès à Genève qu'à Paris. Il surprit de la part de l'auteur de la Lettre sur les spectacles. « Ce n'est plus Diogène, c'est Catulle ou Pétrone, )) écrit Bonnet à Tronchin. Le Consistoire jugea le roman dangereux pour la jeunesse et obtint du Conseil « de faire défense aux loueurs et loueuses de livres, de louer ou prêter ce livre. » Il est peu probable que Tronchin fût l'instigateur d'une mesure réclamée par tout le clergé. Rousseau l'affirme cependant et ajoute que le docteur chercha vainement à faire condamner la Nouvelle Héloïse à Genève.

Il est certain du moins que la rupture du philosophe avec Tronchin était alors virtuellement accomplie. Elle se manifeste avec éclat, un an plus tard, à l'occasion de l'Emile et du Contrat.

Il paraît un nouvel ouvrage de Rousseau, écrit Tronchin à son fils. C'est une espèce d'institution politique mais c'est ce qu'il a fait de moins bien. Il vient aussi de publier ses Lettres sur l'Education, mais je ne les ai pas encore lues 1.

L'orage se déchaîne contre le livre. Neuf jours après l'arrêt du Parlement de Paris, le Petit Conseil de Genève, sur le réquisitoire du Procureur général Tronchin, fait brûler à son tour, le 19 juin, le Contrat et l'Emile. Jean-Jacques est décrété de prise de corps. Tronchin mande encore à son fils

Le Contrat social et le livre de l'Education de Rousseau ont été brûlés ici comme à Paris par la main du bourreau. Le voilà fugitif de Montmorency à Yverdun, et d'Yverdun à St-Aubin près de Neuchâtel, en attendant qu'on l'en chasse, car Mrs de Berne ainsi que la France et que nous lui ont défendu leur territoire. Je ne sais pas où on le supportera, car il a employé tout son esprit à rui1 Mss. Tronchin, Lettre du 5 juin 1762, inédite.


ner de fond en comble les constitutions politiques et la religion chrétienne. Les principes qu'il pose sont très dangereux. C'est un fanatique atrabilaire d'autant plus à craindre qu'il écrit on ne peut pas mieux. On a craint pendant plusieurs jours que le jugement du Conseil n'excitât des troubles, car il y a ici bien des fanatiques aussi fanatiques que lui. Il a paru une lettre anonyme en sa faveur, qui a d'abord fait beaucoup d'impression, mais les bons propos des têtes sages l'ont insensiblement effacée. La conduite de Mrs de Berne y a beaucoup contribué. n est bien cruel que l'esprit et l'éloquence de cet homme n'aboutissent qu'à soutenir des paradoxes et à troubler la société 1.

H n'est point surprenant que Tronchin juge les théories politiques et religieuses de Rousseau fausses et dangereuses. Cela devait lui paraître ainsi, à lui qui avait le culte du passé et résumait dans sa personne les idées diverses et les divers sentiments avec lesquels Jean-Jacques entrait en guerre. Le docteur plaçait audessus de tout la religion, il la considérait comme le seul gardien efficace de la civilisation, comme « aussi indispensable à l'éducation de l'enfant que la sève l'est à l'arbre. » Comment n'aurait-il pas été révolté des attaques de Jean-Jacques contre le catéchisme, de sa prétention de laisser son élève jusqu'à l'âge de raison dans l'ignorance de l'existence de Dieu ? Le quatrième livre de l'Emile est aux yeux de Tronchin un code complet de déisme. « Rousseau, dit-il, pourra se vanter d'avoir fait bien du mal et d'avoir poignardé l'humanité en l'embrassant »

Par traditions de famille, par raison, Tronchin aimait la forme de gouvernement républicain qui était celle de sa patrie. Il estimait que Genève était redevable à son régime aristocratique du maintien de son indépenMss. Tronchin. Lettre du 7 juillet 1762, inédite.

Maugras, Voltaire et J. J. Rousseau, p. 189.


dance, de son développement sage et continu et en grande partie de son lustre. Rousseau, à la vérité, propose sa patrie en exemple à l'Europe, mais il conjure en même temps ses concitoyens de se délivrer d'une oligarchie dangereuse, et il veut que le peuple réuni en assemblée plénière use plus fréquemment de sa souveraineté.

« C'est substituer au frein imposant de la constitution civile et religieuse de Calvin le fantôme de la liberté, c'est préparer les voies aux démagogues, » s'écrie le docteur, convaincu que toute modification dans la loi fondamentale du pays entraînerait celui-ci à sa perte. Dès la première heure, Tronchin ne se dissimule pas l'étendue du danger, sachant fort bien que les semences révolutionnaires jetées par Jean-Jacques trouveront un terrain tout préparé pour les recevoir. II prévoit que la Genève dont il se sentait fier, la Genève aux fortes traditions, jalouse de rester telle que l'avait faite la piété des ancêtres, sera désormais « le jouet des sophistes politiques trompant le peuple avec d'autant plus de facilité que ceux qui pourraient l'éclairer sont naturellement l'objet de sa défiance ». « Ce misérable Rousseau, écrit-il à son fils, a porté le poison dans le cœur de nos concitoyens, le poison germera toujours. H a mis sa mèche sur nos barils de poudre. »

Aussi Tronchin fut-il à Genève un ardent partisan de la résistance aux idées de Rousseau. Appelé, deux jours après la condamnation de l'Emile, à prononcer dans la cathédrale « le Discours Académique)) à la cérémonie des Promotions', il saisit cette occasion pour t.'n~ appelle « Promotions » Genève la cérémonie annuelle dans laquelle on décerne les récompenses aux éJèvesducoIlèM. –Les Promotions r~ Bibliographie historiquede Genève au XYIZI^ siècle, t. l, p. 113.


s'élever contre le poison de l'impureté et de l'impiété semé par le moyen de l'imprimerie et qui infecte maintenant les âmes des jeunes gens. « C'est contre cet abus, s'écrie-t-il, que la sagesse mâle des Pères de la Patrie a hier encore pris des précautions. Plût à Dieu que je pusse aujourd'hui, dans ce lieu consacré à la vérité, vous élever un autel, monument de la reconnaissance publique. Recevez mes actions de grâce, gardiens vigilants de la République, Pères de la Patrie'. » Et il écrit à Grimm, à propos de la déclaration de foi que Rousseau avait envoyée de Môtiers au pasteur de Montmollin pour obtenir son admission à la Sainte Cène

Jean-Jacques a fait une espèce de rétractation qui est pitoyable et qui ferme la bouche de ses plus zélés dévots. II prétend n'avoir jamais rien dit contre le christianisme, il soutient qu'il n'a argumenté que contre la religion catholique romaine et qu'il est par conséquent très-bon chrétien. Le plus mauvais tour qu'on put lui jouer serait de publier cette rétractation. Comme il y en a nombre de copies, cela pourrait bien lui arriver

Tronchin redoutait cependant que les amis de Rousseau missent à profit cette déclaration, pour ramener à Genève un homme dont il estimait les doctrines funestes pour ses concitoyens. Ayant appris que Moultou défendait Jean-Jacques dans ses discours, le docteur lui fit insinuer qu'il serait plus sage de se taires. Rien ne prouve toutefois que le docteur fut l'âme du 1 Mss. Tronchin. Registre de consultations. Sermo Academicus. Ce discours, traduit en français, se trouve à la Bibt. nationale, Mss. français 14657: Exposition abrégée de l'Histoire du Gouvernement, des mœurs, usages et lois de la République de Genève, p. 168.

2 Bibl. nation. Mss. français, nouv. acq. 6594. Recueil de lettres adressées de Genève a M. Grimm, 1759-1766. Tronchin a Grimm. 15 septembre 1762. Inédit.

a V. Moultou à Rousseau, 22 septembre 1762, dans Streckeisen-Moultou, op. cit., p. 61.


parti qui poussa les Conseils à sévir contre Rousseau. Jean-Jacques l'en accuse formellement, bien qu'il ne précise aucun fait. A l'entendre, c'est « le polichinelle Voltaire et le compère Tronchin qui, tout doucement, derrière la toile, ont mis en jeu toutes les autres marionnettes de Genève et de Berne. »

Leur activité fut sans exemple, écrit-il dans les Con fessions. il ne tint pas à eux qu'on ne m'ôtât le feu et l'eau dans l'Europe entière, qu'il ne me restât pas une terre pour lit, pas une pierre pour chevet.

Partout il se croit entouré de satellites et d'espions à la solde du « Jongleur. » C'est par ce sobriquet qu'il désigne désormais Tronchin, auquel il a fait allusion en termes désobligeants dans le second livre de l'Emile 1. Quant au docteur, il a perdu toute estime pour un homme dont la vertu déclamatoire contraste si étrangement avec les lacunes, les défaillances de la morale. Il s'exaspère en voyant l'auteur de l'Emile se poser en éducateur, enseigner aux parents leurs devoirs. Car Tronchin était du petit nombre de ceux qui savaient à cette époque que Rousseau avait exposé ses enfants. A entendre même Madame des Roys, grand'mère de Lamartine, la maréchale de Luxembourg, peu de temps avant la naissance du quatrième fils de Jean-Jacques, aurait supplié Tronchin d'obtenir du père qu'il lui connât le nouveau-né, dont elle offrait de prendre soin 1 Après avoir parlé de Marcel « célèbre maître à danser, lequel faisait l'extravagant par ruse et donnait à son art une importance qu'on feignait de trouver ridicule, mais pour laquelle on lui portait au fond le plus grand respect, Rousseau ajoute < Dans un autre art, non moins frivole, on voit encore aujourd'hui un artiste comédien faire ainsi l'important et le fou, et ne réussir pas moins bien. Cette méthode est toujours sûre en France. Le vrai talent, plus simple et moins charlatan, n'y fait point fortune (Emile, livre II, note 22).

Lamartine, Le manuscrit de ma mère. Paris, 1876, p. 121.


Monsieur Tronchin en parla à Rousseau qui parut y donner son consentement. Il le dit aussi à la mère qui fut ivre de joie. Anssitôt qu'elle fut accouchée cette pauvre femme fit avertir Tronchin. H vint; il vit un bel enfant. Il prit l'heure avec la mère pour revenir le lendemain chercher l'enfant. Mais à minuit, Rousseau, vêtu d'un manteau de couleur sombre, s'approcha du lit de l'accouchée et, malgré ses cris, emporta lui-même son fils pour le perdre, sans marque de reconnaissance, dans un hospice. Quoi qu'on puisse penser de ce récit romanesque que rapporte Beaudoin et qui prête par tous les côtés à la critique', Tronchin, du moins, était édifié sur la façon dont Jean-Jacques comprenait les devoirs de la paternité, et il y revient plus d'une fois dans sa correspondance.

Pour moi, écrit-il à son fils, qui ai vécu avec Rousseau et qui le connais, je ne suis ni ne serai jamais sa dupe. C'est grand dommage que cet homme n'ait que l'appareil de la vertu, et c'est ce qui explique comment ayant vécu dans l'impureté et ayant eu plusieurs enfants d'une concubine, il les a tous exposés. Quiconque peut manquer au premier sentiment de la nature tient bien faiblement à tous les autres

Et il mande à Grimm, à propos de l'abdication de Rousseau à ses droits de citoyen

Cet étrange homme, bon chrétien, n'est ni citoyen ni père. Qu'est-il donc ? Le plus malheureux de tous les hommes, qui comptait l'autre jour parmi les charges de sa vie l'entretien de la vieille Levasseur. Il l'a dit très distinctement à son ami M. Moultou, qui le racontait encore hier chez Madame d'Anville. Vous savez ce qui en est. Il a aussi protesté à ce même M. Moultou sur tout ce qu'il y a de plus sacré qu'il n'a jamais eu d'enfants, et que ce qu'on en a dit V. Beaudoin, La vie et ~a'Mt-<-M de J. J. Rousseau. Paris, 1891, t. L p. 202.

Rousseau n'a connu Madame de Luxembourg qu'en 1759. Voir d'ailleurs ce qu'il dit dans les premières pages du livre XII des Confessions sur ses rapports avec Thérèse & cette époque.

3 Mss. Tronchin. Lettre du l"'jui)!et 1763. Publ. par M. E. Ritter dans les.EtrgMKMcAr~tt~ncs. t. XX, p. 211.


est une calomnie. Vous savez aussi ce qui en est. Ohl que cet homme joue un rôle difficile. Encore une fois qu'il est malheureux L'abdication de Rousseau fut, on le sait, le point de départ de graves événements à Genève. Blâmé par ceux mêmes qui lui étaient restés fidèles, Jean-Jacques pour se justifier fit répandre dans la ville des copies de sa Lettre au Conseil. Les esprits s'échauffèrent quarante bourgeois sous la conduite de De Luc adressèrent au Petit Conseil une « Représentation ? fondée sur ce que le Consistoire n'avait pas été consulté avant la condamnation de l'Emile et demandant, en conséquence, que le jugement fût rapporté.

Tronchin écrit encore à son 6!s

Nous avons eu ici un commencement d'orage. Tu sais que Rousseau a abdiqué sa bourgeoisie. C'était le comble de l'orgueil. Non content de cette démarche, pour se venger de sa patrie il a voulu la troubler. II y a formé un parti qu'il a engagé à faire des représentations au Conseil aussi injustes que séditieuses. De Luc, à la tête de ce parti, a séduit le plus grand nombre de ses concitoyens mais le Conseil s'est si bien comporté et a répondu avec tant de sagesse et de force que Rousseau et De Luc sont restés couverts de honte. On a de Rousseau deux lettres écrites le même jour, l'une à Moultou, où il prêche la paix et la concorde, l'autre à Marc Chappuis, où il encourage à l'émeute, et se plaint dc ce qu'on a tant tardé, et puis, fiez-vous aux hommes 1. 2 Le débat s'élargit. Les Représentants ne se bornaient plus à protester contre l'illégalité d'un jugement, ils en vinrent à discuter « le droit de veto a du Gouvernement et à réclamer la convocation d'un Conseil Général, seul juge, à leurs yeux, des points contestés. L'appui que Rousseau prêtait à ces « Représentations », l'agiBiM. nation. Mss. français, nouv. acq. 6594. Recueil de Lettres adressées de Genève à M. Grimm, 20 juin 1763, inédit.

Mss. Tronchin. Lettre du 1" juillet 1763. Publ. par M. E. Ritter dans les .Etf<MKMcA!t<!KKM. t. XX. p. 210-211.


tation qu'il entretenait dans Genève, après s'être « excitoyenné », ne pouvaient qu'accroître l'antipathie de Tronchin pour l'auteur du Contrat.

Nos guerres civiles sont apaisées, mande-t-il à son fils. Le gouvernement est resté maître du champ de bataille. Il s'en est tiré avec dignité; il en a acquis plus de fermeté. Rousseau et ses adhérents en ont été les dupes. Cet homme plus orgueilleux encore qu'éloquent est écrasé sous les ruines de son orgueil et est un des hommes les plus malheureux qui existent. Quelle leçon Cet homme, s'il l'eût voulu, pouvait être le plus heureux. Il perd tout à la foisson repos, sa patrie et ses amis. La réputation qu'il s'est faite pourra-t-il l'en dédommager ? une réputation payée aussi chèrement est un fléau 1 ~ee Cromwell damn' so an ece~as~M~/a/Me.

Les acclamations du peuple n'étouSent point les remords secrets Quant à Rousseau, il s'en prend aux Tronchin de tout ce qui arrive, de sa désastreuse situation, de l'échec des Représentations, des troubles qui règnent dans Genève. Depuis sa rupture avec le docteur, depuis que le Procureur général a requis contre ses ouvrages, Jean-Jacques englobe dans une implacable rancune toute la famille, et s'efforce de la rendre suspecte aux yeux de ses concitoyens, en lui prêtant les pires desseins contre la République. I! écrit à De Luc

Je sais qu'une famille intrigante et rusée, s'étayant d'un grand crédit au dehors, sape à grands coups les fondements de la République et que ses membres, jongleurs adroits, et gens à deux envers, mènent le peuple par l'hypocrisie et les grands par l'irréligion. Mais vous et vos concitoyens devez considérer que c'est vous qui l'avez établie, qu'il est trop tard pour tenter de l'abattre, et qu'en supposant même un succès qui n'est pas à présumer, vous pourriez vous nuire encore plus qu'à elle-même et vous détruire en l'abaissant. Croyez-moi, mes amis, laissez-la faire, elle touche à son terme, et je prédis que sa propre ambition la perdra sans que la bourgeoisie s'en mêle

Mss. Tronchin. Lettre du 2 novembre 1763, inédite.

2 De Môtiers, 7 juillet 1763. Publ. dans les Oeuvres complètes, éd. Musset-Pathay, t. XX, p. 27.


C'était d'ailleurs, entre Représentants et Négatifs, à qui soupçonnerait l'adversaire d'entretenir des intelligences avec l'étranger et c'est à la complaisance des Tronchin pour Voltaire, que la bourgeoisie attribuait en grande partie l'arrêt qui avait frappé Rousseau. Voltaire comptait, il est vrai, un ami dans la personne du Conseiller François Tronchin, mais ses rapports avec le docteur ne laissaient pas d'être fort tendus. Quant à Jean-Robert, le Procureur général, il ne se départit jamais d'une prudente réserve à l'égard du philosophe de Ferney, dont il fit condamner en 1764 le Dictionnaire j?or~~

C'est à Jean-Robert Tronchin que le gouvernement, chaque jour plus menacé depuis la condamnation des ouvrages de Rousseau, confia le soin de défendre ses droits, de justifier sa conduite. Le Procureur général s'en acquitta dans une brochure anonyme intitulée Lettres ccr~M de la c~tKjp~He'. Cette éloquente apologie de la Constitution parut calmer les esprits. « C'est peut-être, écrivait Grimm, le premier exemple de l'empire de la raison sur un peuple échauffé par des cabaleurs. H Mais ce ne fut qu'une courte trêve, car Rousseau riposta aux Lettres de la campagne par ses fameuses Lettres de la montagne, qui mirent le feu aux quatre coins de Genève.

Je ne suis point surpris, écrit le docteur à Madame Necker, que vous n'ayez pas pu lire les lettres de l'incendiaire. Son ton inhumain n'est pas fait pour vous. Il a écrit pour les démons de Milton, qui, après avoir été chassés du ciel maudissaient les dieux. C'est un démon plus démon qu'eux'. a.

1 Les Lettres ecrites de la campagne parurent à la fin de septembre 1763, la 5' dans les derniers jours d'octobre.

s Coff<Mp. litt. 1" décembre 1763.

Archives de Coppet. Lettre du 18 février 1765, inédite.


L'agitation allait croissant à Genève. Le premier dimanche de janvier 1765, lors de l'élection des magistrats, les partisans de Rousseau s'efforcèrent sans y réussir de faire échouer le scrutin. Tronchin, qui accuse Jean-Jacques d'avoir été l'instigateur de cette manœuvre, écrit à son fils

Ce malheureux Rousseau, pour se venger de sa patrie, a failli la renverser. Le jour de l'élection des syndics, nous nous sommes vus sur le point de n'avoir plus de gouvernement. Cinq ou six jours auparavant, il a fait paraître un ouvrage qui l'ébranlait jusque dans ses fondements. Cet ouvrage a tellement échauffé les têtes de plus de six cents bourgeois, que l'Etat a été sur le point de périr. Le coup a manque. Je ne sais pas encore comment tout ceci finira, mais ce que je sais bien, c'est que Rousseau est un scélérat Le Petit Conseil se sentait, suivant ses propres expressions, « découragé, sans force et sans moyens pour continuer ses fonctions. M H adressa un manifeste au peuple et offrit d'abdiquer. Cette proposition, en effrayant la bourgeoisie, qui vit Genève à deux doigts de l'anarchie, eut pour conséquence d'opérer une réaction dans l'opinion publique en faveur des magistrats. Ce misérable Rousseau, écrit Tronchin à son fils, est actuellement l'objet du mépris et de la haine publique. Le corps entier des citoyens a fait de la manière la plus solennelle sa soumission au Conseil, et l'a assuré publiquement de son respect, de son amour et de sa confiance. Le Conseil a publié une déclaration pleine de dignité et de force. Tu l'auras lue dans la Gazette <f~:s~<M, où je l'ai fait insérer'. Il.

A vrai dire, tout en protestant de son attachement au gouvernement, la bourgeoisie faisait certaines réserves et persistait à demander la révision du procès de RousLes Lettres écrites de la montagne s'étaient répandues à Genève dans le courant de décembre 1764.

2 Mss. Tronchin. Lettre du 19 janvier 1765, inédite.

S Mss. Tronchin. Lettre du 15 février 1765, inédite.


seau. Néanmoins, croyant la bataille gagnée, le Petit Conseil n'hésita pas à flétrir dans sa déclaration les Lettres de la Montagne, « ce livre enfanté par le délire et la haine. » Cette flétrissure exaspéra Rousseau, mais un coup autrement douloureux venait de le frapper. Un libelle anonyme Le sentiment des citoyens, l'accusait d'avoir outragé avec fureur la religion chrétienne et ses ministres, de n'être qu'un vil séditieux, et apprenait au monde entier que l'homme qui s'était posé comme le réformateur de l'humanité traînait à sa suite la malheureuse créature dont il avait, « abjurant tous les sentiments de la nature, exposé les enfants à la porte d'un hôpital. »

Cet homme, s'écrie Tronchin, est un grand malheureux. Ce masque de vertu sous lequel il avait caché sa. face catilinaire est arraché. Le méchant se montre à découvert, le méchant est démasqué, ses noirs projets sont au grand jour. Il en sera la dupe, mais en attendant, nos magistrats sont bien à plaindre et tous les honnêtes gens le sont avec eux 1.

Jean-Jacques attribua immédiatement ce libelle au pasteur Vernes avec lequel il s'était brouillé. « M. Vernes s'est justifié, écrit le docteur à Madame Necker, mais Rousseau ne veut rien faire pour effacer sa calomnie. Cela s'appelle maintenir l'unité de son action » Est-il besoin de rappeler que l'auteur du Sentiment des citoyens, c'est Voltaire, Voltaire qui, jetant l'huile sur le feu, pressait le Conseil d'agir contre le livre séditieux de la Montagne « comme on agit contre un perturbateur du repos public », et qui écrivait à Tronchin Esculape était peint avec un serpent à ses pieds. C'était apparemment quelque Jean-Jacques qui voulait lui mordre le talon. Il 1 Mss. Tronchin. Tronchin à son fils, 16 mars 1765, inédit. 1 Archives de Coppet. Lettre du 18 février 1765, inédite.


faut avouer que ce malheureux est un monstre, et cependant, s'il avait besoin de vos secours, vous lui en donneriez. Quelle différence, grand Dieu, d'un Tronchin à un Jean-Jacques Le Sentiment des c~o~K~ vint grossir l'orage que Les Lettres de la montagne avait déchaîné sur JeanJacques. Invectivé en pleine église par le pasteur de Montmollin, naguère son protecteur et son ami, lapidé par la population de Môtiers, expulsé de l'Ile SaintPierre où il s'était réfugié, Rousseau se rendit à Strasbourg. Il gagna de là Paris, puis, ne trouvant plus en France qu'un asile mal assuré, se détermina à passer en Angleterre avec Hume, dont il acceptait l'hospitalité. Jean-Jacques quittait Paris au moment même où Tronchin venait s'y fixer.

Mais la confiante amitié que Rousseau témoignait à Hume devait être de courte durée, et bientôt tout lui paraît fourberie chez son protecteur. I! en vient à accuser celui qu'il appelait le meilleur des hommes de s'être transformé dans le plus noir; le délire de la persécution le hante, réveillé dans son cerveau malade par la présence à Londres de François Tronchin, le fils du docteur.

J'apprends, écrit-il à Malesherbes, que le fils du Jongleur Tronchin, mon plus mortel ennemi, est non seulement un ami de M. Hume, mais qu'il loge avec lui. J'ai logé deux ou trois nuits avec ma gouvernante dans cette même maison chez M. Hume et à l'accueil que nous ont fait ses hôtesses qui sont ses amies, j'ai jugé de la façon dont lui ou cet homme, qu'il dit ne pas ressembler à son père, leur avait parlé d'elle et de moi

Corresp. générale, s. d., 1765, n° 5956.

s DeWootton. 10 Mai 1766. Publ. dans les Oeuvres complètes, éd. Musset-Pathay, t. XXt, p. 120. II est curieux de remarquer que. dans une lettre du 10 juillet 1766, adressée à Hume lui-même, Rousseau répète les mêmes assertions dans des termes presque identiques.


François Tronchin se préparait à la carrière diplomatique en suivant les débats du Parlement. II arrivait de Glasgow, où il avait été l'hôte de Adam Smith, et c'est chez le célèbre économiste qu'il s'était lié avec David Hume.

Je me suis logé à Londres dans la maison où il s'établit toujours lorsqu'il y est, écrit-il à son ami Guiguer. Rousseau est venu ici avec lui. Mon nom lui est odieux et il s'est imaginé que je suis venu ici pour épier sa conduite, le persécuter ou l'assassiner même, si je le pouvais. Il a demandé à David Hume s'il croyait qu'en Angleterre notre famille eût assez de crédit pour lui faire encore du mal. On blâme beaucoup ici sa patrie d'en avoir agi trop durement avec lui'.

Et quelques jours plus tard

Tandis que je t'écris, j'entends distinctement la voix de Rousseau. Il retourne demain à la campagne. Je t'ai parlé de son protecteur, qui serait le protecteur de tous les hommes malheureux parce qu'il est le meilleur des hommes. Personne ne connaît mieux Rousseau, ses fautes, ses ridicules et son génie. On l'a persécuté et on l'a aigri davantage. Quel bien a-t-on fait? David Hume le rend heureux, le gouverne sagement. On le blâme peut-être et on a deux fois tort

Mais, en proie à de perpétuelles hallucinations, JeanJacques, dont la maladie a fait d'effrayants progrès, croit se débattre dans la trame d'un vaste complot ourdi contre lui. Il ne doute plus de la trahison de Hume et en fait part à tous ses amis. « Si David, lui répond Mylord Maréchal*, a fait mystère d'avoir logé chez lui le fils du Jongleur, il l'aura fait pour ne point vous offenser, par une délicatesse mal entendue ». «Si, depuis que vous êtes à Londres, lui mande de son côté 1 Mss. Tronchin. De Londres, 13 février 1766. Inédit.

2 Ibid. 26 février 1766. Inédit.

S De Potsdam, 26 avril 1766. V. Streckeisen-Moultou, op., cit. t. II, p. 145.


Madame de Verdelin, Tronchin avait dit du mal de vous, M. Hume l'aurait plutôt jeté par la fenêtre » C'est en vain que les amis de Rousseau lui démontrent l'inanité de ses soupçons. Repris par son incurable manie, le malheureux philosophe s'enfonce dans ses idées sinistres. Tout concorde pour lui prouver la persécution dont il se croit l'objet. François Tronchin se rend à Berlin, où il accompagne en qualité de secrétaire d'ambassade le chevalier Mitchell Jean-Jacques ne met pas en doute que « le fils du Jongleur » soit porteur d'instructions secrètes qui le concernent Et il mande à d'Ivernois

L'homme dont je vous ai parlé dans ma précédente lettre a placé A. fils chez l'homme de B., qui va près de C. Vous comprenez de quelles commissions ce petit barbouillon peut être chargé, j'en ai prévenu D 3.

D., c'est Mylord Maréchal, qui prévient son ombrageux ami de la nécessité dans laquelle il va se trouver de faire des politesses au « fils du Jongleur », chaudement recommandé par Milady Stanhope4.

Mis au courant des ténébreux desseins que lui prête Rousseau, de l'état d'esprit lamentable dans lequel il se trouve, Tronchin écrit à son fils

Ce que tu me dis de Rousseau ne m'étonne point. Son orgueil et sa défiance le tourmentent. Ce sont deux démons qui le poursuivent et le poursuivront partout. Cet homme, hélas me fait pitié, n'est-il pas assez malheureux ? H a perdu tous ses amis et il a troublé sa patrie. Les remords qui déchirent l'âme le poursuivent et 27 avril 1766. V. Streckeisen-Moultou, op. cit., p. 563.

Rousseau à Madame de Boufflers, de Wootton, 9 avril 1766. Oeuvres comptes, éd. Musset-Pathay, t. XXI, p. 54.

3 De Wootton, 31 mai 1766. Ibid, p. 95.

De Berlin, 25 mai 1766. V. Streckeisen-Moultou, op. cit., t. II, p. 148.


le poursuivront partout. H me craint comme la colère de Dieu, c'est qu'il sait que je le connais, oui, il le sait.

Il nous connaît bien mal s'il croit que nous le poursuivons aussi En apprenant, quelques mois plus tard, la publicité que Jean-Jacques donne à sa rupture avec Hume, les accusations odieuses et extravagantes qu'il dirige contre son bienfaiteur, Tronchin mande de Paris à son cousin Jacob Tronchin

L'aventure de Rousseau avec David Hume a fait ici un bruit prodigieux. Il n'y conserve pas un seul ami, Mesdames de Luxembourg, de Beauvau et de Boufflers, ses bonnes amies, l'ont abandonné. On n'en parle plus que comme d'un méchant coquin. Il n'y a qu'une voix là-dessus. Jamais homme n'a été coulé plus rapidement à fond. J'ai observé le plus grand sang-froid toutes les fois qu'on en a parlé. Ces trois femmes qui étaient hier soir ici, m'avouèrent qu'elles en avaient été étonnées. Voltaire perd aussi beaucoup. L'asile qu'il demande au roi de Prusse indigne les indifférents et fait pitié à ses amis

Et il écrit à son fils

On dirait à en juger par les procédés que Rousseau a eus vis-àvis de David Hume, qu'il veut s'ensevelir sous les ruines de la plus noire ingratitude. Il lui fait un crime de l'amitié qu'il t'a témoignée, parce que tu es, dit-il, le fils de son plus cruel ennemi. Tous mes torts se réduisent pourtant à lui avoir reproché qu'il a exposé ses cinq enfants. Crois-tu que je doive en rougir? Cet homme est un charlatan de vertu et je n'aime point les charlatans Tronchin, à partir de ce moment, ne met plus en doute l'irresponsabilité du malheureux philosophe. « Rousseau, s'écrie-t-il, serait le plus coquin des hommes, s'il n'était le plus fou. » Et à Charles Bonnet il écrit « La manifestation de la folie et de la méchanceté de 1 Mss. Tronchin. Lettre du 1" mai 1766, inédite.

Mss. Tronchin. Lettre du 4 août 1766, inédite.

Mss. Tronchin. Lettre du 8 août 1766, inédite.


Rousseau ne peut que nous être utile. Le mépris de sa personne rejaillira sur ses principes »

A Voltaire lui aussi, l'inconscience de Jean-Jacques paraît évidente

Je tiens toujours, écrit-il au docteur, qu'il faut le montrer à Bartholomew fair pour un schilling, cela devient trop comique et la folie est trop forte pour qu'on s'en fâche. Il est très-physiquement mentis non compos et je parie ce qu'on voudra qu'il sera enfermé à Bedlam avant deux ans

Et quelques jours plus tard

Je ne le crois pas au fond un scélérat, je peux me tromper, mais il me semble que les vices de son âme ainsi que de ses écrits ne sont venus que d'un fond d'orgueil ridicule. L'envie de jouer un rôle a corrompu son cœur; je le tiens à présent un des êtres les plus infortunés qui respirent. Vous êtes un des plus heureux et vous méritez de l'être

Les sentiments de compassion dont se pare Voltaire ne l'empêchent point de décocher sur son vieil ennemi ses traits les plus mordants. C'est ainsi qu'il écrit à Tronchin, à propos de la brochure que Hume venait de faire paraître pour se justifier des accusations de Rousseau «Jean-Jacques doit être content, il est déclaré à la fois un coquin par M. Hume et un calomniateur infâme par tous les Médiateurs*. Son orgueil sera un peu embarrassé de faire une bonne sauce de ces deux ptats\ »

Maugras, Voltaire et .RoMMMM.p. 328. DeViIIers-Cotterets, 21 août 1766. s Mss. Tronchin, 3 septembre 1766. Inédit.

Mss. Tronchin, 16 septembre 1766. Inédit.

< Dans le but de rétablir l'ordre et la paix entre les citoyens, les puissances garantes du Règlement de la médiation de 1738, c'est-à-dire la France et les cantons de Zurich et de Berne, avaient envoyé des ambassadeurs a Genève; ceux-ci venaient de publier, le 25 juillet, une déclaration en faveur des magistrats, dans laquelle ils nétrissaiant les < calomnies atroces contenues dans les Lettres de la Montagne.

Mss. Tronchin. 4 août 1766. Inédit.


Est-il besoin de rappeler que Voltaire avait poussé Hume à publier sa défense et signalé avec une perfidie sans pareille aux Médiateurs le moyen de « dégrader H Jean-Jacques en fouillant dans son passé ? Loin d'user de générosité envers son infortuné adversaire, Voltaire se targue de l'avoir trop ménagé jusqu'ici, l'accable de ses sarcasmes les plus sanglants, accole à son nom les épithètes les plus outrageantes.

Il écrit la Lettre à Hume, afin de prouver que JeanJacques était « le plus méchant coquin qui ait jamais deshonoré la littérature. » Peu de temps après paraissaient, sous le couvert de l'anonyme, les Notes sur la lettre de M. de Voltaire à Hume.

Puisqu'il est permis, conclut Fauteur de ce libelle, à un Diogène subalterne et manqué d'appeler « Jongleur le premier médecin de Monseigneur le duc d'Orléans, un médecin qui a été son ami, qui l'a visité, traité, qui a été au rang de ses bienfaiteurs, il est permis à un ami de M. Tronchin de faire voir ce que c'est que le personnage qui ose l'insulter. On peut sur le fumier où il est couché et où il grince des dents contre le genre humain, lui jeter du pain s'il en a besoin mais il a fallu le faire connaître, et mettre ceux qui peuvent le nourrir à l'abri de ses morsures.

Voltaire désavoua cet « ignoble pamphlet », mais dans une lettre à Damilaville il désigne l'auteur comme « un homme très au fait des événements, habitant Paris, intime ami de Tronchin », et laisse entendre que ce dernier a les preuves en main des menées de Jean-Jacques contre les Délices. Quelles étaient ces preuves ? Tronchin n'y fait aucune allusion dans sa correspondance et demeura étranger, est-il besoin de le dire, à la triste querelle dans laquelle Voltaire prétendait l'entraîner. 1 Corresp. générale, 29 décembre 1766.


Après avoir suivi pas à pas Tronchin dans ses rapports avec Rousseau, on peut apprécier à leur valeur les accusations que Jean-Jacques a formulées contre celui qu'il appela « son bon ami, son vénéré concitoyen, » avant de le compter au nombre de ses plus mortels ennemis. Dès le commencement de leurs relations, le docteur avait voué à Rousseau une affection profonde. H l'entoure de sa tendre sollicitude, s'efforce d'adoucir ses souffrances morales et physiques, puis, comme tant d'autres, il devient l'objet de cette méfiance qui amène fatalement Jean-Jacques à rompre avec tous ses amis. D'ailleurs, aristocrate et croyant, Tronchin devait perdre toute considération pour l'auteur de l'Emile et du Contrat. H voit désormais dans Rousseau un séditieux, un sacrilège, un homme dangereux pour sa patrie, et applaudit hautement aux mesures prises contre lui. On peut s'étonner toutefois que Tronchin se soit rendu compte si tardivement de l'état mental de Jean-Jacques, qu'il n'ait pas, en particulier, discerné plus nettement les symptômes de la folie dans les alarmes perpétuelles qui empoisonnent l'existence du malheureux philosophe. Aussi, bien que gardant malgré tout un fond de compassion pour Jean-Jacques, Tronchin l'a parfois trop sévèrement jugé.

Mais l'auteur des Confessions est le jouet de ses hallucinations lorsqu'il voit le docteur « s'acharner à sa perte avec une rage qui s'accroît de jour en jour. » Rousseau en a agi avec Tronchin comme envers ses autres amis, dont il s'exagère l'hostilité, et auxquels il prête des motifs de haine qui n'existent que dans son imagination.

HENRY TRONCHIN.



MADAME DE CHARRIÈRE ET JEAN-JACQUES ROUSSEAU 1

1

? ix ans avaient passé depuis la mort de

Rousseau; la postérité avait commencé

pour lui; sa personnalité et son œuvre

excitaient cet intérêt curieux qui s'attache toujours au grand homme récemment disparu. L'Académie proposait son éloge pour sujet du prix d'éloquence la seconde partie des Confessions allait paraître et soulevait à l'avance de vives polémiques M"~ de Staël, le Comte de Barruel, d'autres encore, publiaient leurs écrits sur Rousseau. M~ de Charrière, qui parlait souvent de lui avec DuPeyrou, fut tout naturellement amenée à s'occuper, elle aussi, de l'auteur d'Emile. Elle le fit moins encore par goût personnel que pour défendre l'ami de Rousseau, qui était aussi son ami, le plus cher qu'elle eût à Neuchâtel. Sitôt que DuPeyrou fut attaqué, elle se jeta dans la mêlée avec tout l'élan d'une âme vaillante et généreuse. Elle avait pour lui la plus haute estime, recherchait la société de cet homme sûr et bon. Très souvent, DuPeyrou faisait atteler son carrosse et venait passer l'après-midi à Colombier. Presque tous les jours il dictait à son valet de chambre Choppin car sa goutte l'empêchait d'écrire un billet pour son amie; elle lui écrivait aussi journellement de toute cette précieuse 1 Ce morceau forme le chapitre XIV d'un ouvrage qui paraîtra cette année et sera intitulé Madame de CA~'W~-g ses amis.


correspondance, il demeure quatre-vingt-huit lettres et billets de DuPeyrou. On y trouve des choses charmantes de bonhomie et de délicatesse

Je mène, écrit-il, la vie d'un ermite, non d'un mondain. Tout ce que j'ai pu imaginer de mieux, c'est de me jeter dans le passé. Dès que j'ai terminé ma besogne de la journée, qui n'est ni gaie, ni petite, je défais un paquet du temps passé, resté cacheté, étiqueté depuis trente à quarante ans, et dont il ne me reste aucun souvenir. Je les trouve aussi neufs qu'ils pourraient l'être à l'enfant qui vient de naître. Cela me prouve que notre identité ne s'étend pas autant que notre existence. Il m'a fâché beaucoup de brûler des choses charmantes en vérité.

La bienveillance extrême, la douceur de caractère de ce galant homme, nous sont attestées par tous ses amis. Mais on juge surtout les gens par la manière dont ils traitent leurs inférieurs

Ce matin, écrit DuPeyrou à son amie, j'ai l'âme bien inquiète et bien triste. Imaginez que mon lait ne m'a été servi qu'une heure plus tard, et que la cause de ce retard est la disparition de la fille qui a soin de cette partie, fille honnête, active, et qui, depuis maintes années qu'elle sert dans la maison sans reproche, ne s'est pas fait un malveillant. On ne sait quand elle est sortie, ni ce qu'elle est devenue. J'ai bien peur qu'un chagrin secret ne l'ait conduite à quelque mouvement de désespoir. Choppin m'apprend que depuis quelques semaines elle paraissait avoir du chagrin. Il y a trois jours que Mlle DuPeyrou s'étant baignée et cette fille l'ayant servie au bain, me parla le lendemain d'un chagrin qu'elle lui avait avoué ressentir sans s'ouvrir davantage, et j'avais résolu de lui parler à ce sujet la première fois que je la rencontrerais et malheureusement je ne l'ai pas rencontrée, et je me reproche presque de ne l'avoir pas mandée exprès. Tel était l'homme, le maître de maison. Sa religion, qui ressemblait à celle de Rousseau, se teintait d'un optimisme confiant. Le fatalisme un peu amer où s'ar1 DuPeyrou a ordonné par testament la destruction d'une partie de ses papiers. Les lettres de M"" de Charrière ont être brûlées.


rêtait son amie n'était pas fait pour une âme comme la sienne

Pour moi, lui disait-il, j'avoue que s'il me fallait adopter pour mon refuge le sentiment qui vous est salutaire, ce serait la mort la plus prompte qui deviendrait mon asile. Mais, ignorance pour ignorance, je préfère celle qui me persuade que tout est bien ordonné à une fin utile et sage, qui satisfait ma faible intelligence ainsi que mon cœur. Je souffre dans mon corps, parce qu'il est sensible à la douleur comme au plaisir physique. Je souffre dans mon âme parce qu'elle est sensible aussi à la haine comme à l'amour. Cette sensibilité, fallait-il nous en priver parce qu'elle peut nous nuire? Otez le mal, que devient le bien? N'est-ce pas l'ombre et la lumière? Voilà cependant la grande objection contre une cause intelligente

Ainsi causaient ensemble les deux amis. DuPeyrou était le confident littéraire et le critique le plus écouté de l'auteur de Caliste. Non seulement il faisait copier par ses secrétaires les manuscrits qu'elle lui envoyait, traitait avec l'imprimeur–Wite), Fauche ou Spineux, mais il faisait l'office de censeur avec une parfaite sincérité « Monsieur DuPeyrou, écrit-elle, est toujours mon aristarque sévère je me défends quelquefois comme un tigre contre ses critiques d'autres fois, je les adopte avec la douceur d'un mouton. » « Je crois, lui écrit-il, que trop de facilité est un mal, que trop de paresse l'est aussi, que vous êtes atteinte de ces deux maux, dont l'un complète l'autre. Car, sans la paresse, vous corrigeriez avec facilité, et sans la facilité, vous auriez moins à corriger. »

L'admiration pour Rousseau, qui, chez DuPeyrou, était une sorte de culte, fut entr'eux un lien de plus, et sans doute un inépuisable sujet de conversation. Quel dommage que DuPeyrou n'ait pas écrit de souvenirs sur son illustre ami Quel dommage, à défaut, que


M"~ de Charrière n'ait pas noté tout ce qu'il lui racontait Du moins avons-nous les petits ouvrages qu'elle a consacrés à Rousseau et qu'il est temps de feuilleter. Sa générosité naturelle s'indignait contre ceux qui, tout en exaltant Rousseau, en prenaient occasion pour malmener sa pauvre Thérèse. Ainsi venaient de faire M" de Staël et le comte de Barruel.

Dans la sixième de ses L~res sur les ouvrages et le c~rac~re de J. J. Rousseau, M"~ de Staël se montre bien dure pour la veuve du grand écrivain « L'indigne femme qui passait sa vie avec lui avait appris assez à le connaître pour savoir le rendre malheureux. » Et, admettant le suicide de Rousseau, elle l'explique par la trahison de Thérèse « Qui put inspirer à Rousseau un dessein si funeste ? C'est la certitude d'avoir été trompé par la femme qui avait seule conservé sa confiance. Puis, en note: « Peu de jours avant ce triste jour, il s'était aperçu des viles inclinations de sa femme pour M?! homme de l'état le plus bas. »

Quant à Barruel, il avait inséré dans sa Vie de J. J. Rousseau' une lettre où DuPeyrou lui expliquait la part qu'il avait prise à la publication de l'édition de 1782 « Je n'ai, disait-il, concouru qu'en tierce part à la collection des ouvrages de Rousseau, imprimée à Genève, au jpro~~f de sa WMt'c. » « Superbe emploi se récrie le comte de Barruel, s'il n'a pas été motivé par les dernières intentions du philosophe Est-ce ~M'07! est obligé de fournir de la J~Kre aux COM/CM~rM ? A~b~ mais les /Mcr ï're e~ MHC crM~M~/ » On juge si ce ton mélodramatique dut agacer une La T~:e de J. J. Rousseau. précédée de quelques lettres relatives au même sujet, par ]e C'° de Barruel-Beauvert, Londres, 1789, p. 132.


femme aussi spirituelle que M" de Charrière et de quels yeux elle lut la cruelle accusation formulée par M" de Staël, qu'elle ne pouvait souffrir Elle donna libre cours à son ironie dans un petit pamphlet, aujourd'hui à peu près introuvable, intitulé Plainte et défense de Thérèse Le~~sscMr. 1 Nous connaissons la date précise où il fut composé, par cette lettre de DuPeyrou, lequel, semble-t-il, avait d'abord désapprouvé l'idée de son amie

4 décembre 1789. « Vous avez bien raison d'être opiniâtre; cela nous a valu des rires délicieux et jusqu'aux larmes. En recevant hier votre paquet, j'en ai commencé la lecture à basse messe, mes deux cousines étant à travailler près de mon lit et babillant pendant que j'écrivais. Je ris, et je recommence tout haut ma lecture. Il n'y a qu'une voix pour l'impression je fais chercher Fauche, je lui propose le pamphlet, et sur parole il le prend, m'en promet une épreuve ce matin, que j'attends. Je me suis permis de mettre ma patte parmi vos jolis doigts et de changer mes &zeK/a: en bons procédés et le ~'e/a:'<eM/' en honnête et bon. Vous verrez cela, j'espère, dès demain, en beaux caractères d'impression. Fauche part demain pour Besançon et il emportera cela avec lui, mais je vous conseille d'envoyer un exemplaire ou deux à Paris pour ou à un libraire, afin qu'il le réimprime et le fasse courir dans la Capitale, où certainement il prendra. Il est temps qu'on y rie un peu, et le morceau me paraît fait pour cela. Il est très plaisant, piquant et moral.

M"~ de Charrière tint à envoyer la brochure à Thérèse, car nous lisons dans une autre lettre de DuPeyrou « La véritable adresse de Thérèse Levasseur est au Plessis-Belleville, près Dammartin, par Soissons. » Elle écrivait d'autre part à Chambrier d'Olevres':

Plaquette de 12 pages, sans nom de lieu, d'auteur, ni d'imprimeur. 2 Ministre de Prusse à Turin, qui était en correspondance suivie avec M*" de Charrière.


12 <~ece/H&e 1789. « Voici une petite chose qui s'est faite depuis que j'ai eu l'honneur de vous écrire, et qui, grâce à M. DuPeyrou, a été imprimée aussitôt qu'écrite, en sorte que de ma tête elle a passé au public en quatre jours. Vous en aimerez la simplicité, sinon bonhomique il y a pour cela un peu trop de rigoureuse justice, du moins, je ne trouve point de mot. Ce que j'en pense, c'est qu'on y met les choses et les gens à leur place et à leur taux, tout simplement et tranquillement. M. DuPeyrou, à qui je craignais tant soit peu de déplaire avec mon M. N. 0. P. en a au contraire ri de bon cœur et a envoyé tout de suite à Fauche mon barbouillage, qu'il était le maître de jeter au feu. Ne voilà-t-il pas de part et d'autre une belle loyauté ?

D'Oleyres s'empresse de la remercier de cette production, « qui porte tellement les caractères de la réalité », qu'il semble que Thérèse elle-même « a conté ses raisons à son défenseur en le priant de parler pour elle ». Ne dirait-on pas, en effet, qu'on entend la bonne femme se plaindre d'être malmenée dans des livres « Moi qui ne sais seulement pas lire les injures dont on m'accable, et qui ne pourrai ni lire ni signer la défense que je dicte aujourd'hui à une de mes amies, bonne et simple femme comme moi »

On la traite de « femme indigne », de « couleuvre H Avec leurs gros mots et leurs grandes phrases, s'écrie-t-elle, ces Messieurs font souvent tant d'effet sur de pauvres bêtes de gens, qu'on pourrait bien m'assommer un de ces jours par charité. Les femmes de Môtiers ne voulurent-elles pas prouver qu'elles avaient une âme en lapidant M. Rousseau, qui, à ce qu'on leur avait fait croire, prétendait qu'elles n'en avaient point ?

Thérèse se demande aussi, à propos des torts qu'on lui reproche, pourquoi on attend les plus sublimes vertus d'une pauvre fille « qui ne savait ni lire, ni écrire, ni voir l'heure qu'il était sur le cadran », et à qui RousAllusion à ce passage «Qu'importe à MM. G. etC. que ce soit M. N. 0. ou P. qui ait fait imprimer les Cunfessions ?»


seau « a fait l'honneur de donner son linge à bianchir et son potage à cuire ». Pourquoi exige-t-on d'elle bien plus que Rousseau lui-même ne lui demandait ? « On manque à mon égard, non seulement de bonté et de justice, mais d'un certain bon sens commun. le seul que j'aie eu, et sans lequel je doute que j'eusse trouvé grâce devant M. Rousseau. »

Ce « bon sens commun », elle en fournit la preuve dans ce petit discours adressé à M" de Staël « Oui, Madame la baronne, vous manquez de bonté; car vous dites du mal d'une pauvre femme qui ne vous en a point fait, et qui est dans des circonstances moins brillantes que les vôtres. Mon célèbre ami est mort votre célèbre et respectable père est, Dieu merci, plein de vie; vous êtes riche, vous êtes baronne, et ambassadrice, et bel-esprit. Et moi, que suis-je ? Vous manquez aussi de justice; car vous avancez des faits qu'il vous est impossible de prouver, comme à moi de réfuter pleinement, de sorte que je reste chargée à jamais d'une accusation grave et d'un soupçon odieux. Cela est-il juste? Êtes-vous juste? Le serais-je, si, apprenant que vous avez eu le malheur de perdre quelqu'un qui vous est cher, je disais Un <7/Ho~r f~o/o/e /o~ ~c~ rr tourmenté, désespéré. De plus, vous avez manqué de bon sens d'abord, comme tout le monde, en voulant que je fusse une plus admirable personne que je n'avais de vocation à l'être, mais surtout, en imaginant que M. Rousseau s'était donné la mort parce qu'il aurait découvert mon penchant, vrai ou prétendu, pour un homme de la plus basse classe. Que d'absurdités en peu de mots Est-ce la coutume, je vous prie, que les maris se tuent pour ces sortes de choses ? Et si ce n'est pas le parti qu'ils prennent d'ordinaire, fallait-il taxer de cette rare folie un philosophe de 66 ans? '? Certes, pour une personne qui lui veut tant de bien, et à moi si peu, vous me faites bien de l'honneur et à lui bien du tort Mais comme ce n'est pas votre intention, vous diminuez, tant que vous pouvez, l'extravagance supposée de l'un, et aggravez la faute supposée de l'autre c'est/~oM/- Aow/KC </e ~M&- ~a~e ~e que M. Rousseau doit avoir découvert mon penchant. Plaisante aggravation pour la ménagère Plaisante excuse pour le philosophe Selon vous, il se serait donc mieux consolé si j'eusse aimé un prince!


Lui Jean-Jacques Allez, madame, vous ne l'avez pas lu si vous ignorez combien non seulement les classes lui étaient indifférentes, mais combien surtout il honora davantage M""= de Warens que M°"= de Pompadour! Vous êtes jeune, Madame; votre esprit peut mûrir, vous pouvez vous défaire de préjugés qui aussi bien ne sont plus à la mode vous pouvez devenir à la fois plus raisonnable et meilleure et déjà vous avez quelque bon fond, puisque vous aimez tant monsieur votre père. Lisez donc attentivement les ouvrages de M. Rousseau, et pleurez sur cette partie de votre livre qui regarde sa vieille Thérèse.

Barruel est expédié plus rapidement « C'est la mode, s'écrie Thérèse, de me donner des coups de patte il a bien fallu qu'il fît comme les autres et s'il a donné un peu plus lourdement, il y a là-dedans plus de malheur que de malice ».

DuPeyrou lui-même a son tour, et Thérèse lui reproche doucement ses torts « Il en a eu moins que les autres, mais il n'en devait avoir aucun je n'étais accoutumée qu'à ses bons procédés. » Son tort, c'est de n'avoir pas su défendre Thérèse à propos des profits que devait lui assurer la publication des œuvres de Rousseau il aurait dû, dans sa lettre à Barruel, insister moins sur l'honneur que le grand écrivain avait fait à cette femme de lui donner son nom, et beaucoup plus sur les promesses qu'il lui avait réitérées de lui laisser de quoi vivre. Car enfin, ne l'a-t-elle pas servi pendant trente ans, « sinon avec une perfection de roman », du moins de son mieux ? « Ah bon Dieu, s'écrie Thérèse, que de femmes resteraient sans douaire, que de grands seigneurs sans pensions, s'il fallait, pour les obtenir, une conduite irréprochable et des services désintéressés »

Il y a aussi un fort joli morceau d'ironie sur les poulardes qu'on reprochait à Thérèse d'avoir acceptées


de tel ou tel bienfaiteur, à l'insu de Jean-Jacques et, pour finir, elle suggère à DuPeyrou cette réponse aux accusateurs de Thérèse « Enthousiastes stupides ou hypocrites, n'appelez plus Rousseau votre maître, votre modèle, votre Dieu, ou suivez mieux ses leçons et son exemple. I) voulait que les fautes de ses ennemis ne fussent publiées que longtemps après leur mort ne noircissez donc pas, pendant sa vie, une femme qui ne vous offensa jamais »

M" de Charrière écrit à B. Constant, avec qui la correspondance a repris de plus belle « On n'a plus trouvé de Thérèse jLM~!M~/r chez les libraires à Paris il y a déjà longtemps, et cependant il ne m'est pas revenu qu'on en ait beaucoup parié. Les amis de M"~ de Staël auraient-ils jeté au feu tout ce qu'on en avait envoyé ? Cette folie a fort amusé le petit nombre de lecteurs à qui j'ai pris la peine de l'envoyer, et à Neuchâtel elle a eu grande vogue. Elle ne coûtait qu'un batz à la vérité, ou deux tout au plus ». Elle eut aussi l'approbation du fin lettré et du sincère ami qu'était M. de Satgas mais il ne loua qu'avec de justes réserves

~<?/!<~e, ;/8~cc/H~'e;/7~. Thérèse Levasseur a trouvé un fort bon défenseur. Je ne sais si elle le mérite. L'on ne voit rien dans la dernière partie des Confessions qui autorise à le croire, et il est bien difficile de justifier la conduite qu'elle a tenue depuis la mort de son mari. Vous qui plaidez si bien les causes douteuses, ayez la bonté de me dire ce qu'il faut penser du différend qui s'est élevé entre M. DuPeyrou et MM. les libraires Barde et Manget. L'idée avantageuse que j'ai de M. DuPeyrou me fit voir avec peine 1 Le baron de Salgas (de ]a maison de Narbonne-Pe]et) vivait dans le Pays de Yaud, où sa famille s'était réfugiée à l'époque des Dragonnades. II avait été gouverneur du due de Glocester, et le Roi Georges III le tenait en grande estime. C'était un homme fort instruit, d'un caractère simple et droit. H fut de tout temps un des plus fidèles amis de M. et M°" de Charrière. et mourut en 1813.


que toutes les apparences de tort sont de son côte. Si vous défendez bien, vous attaquez mieux encore Intermissa diu y'K/'SKS bella inoves. Parce, precor! /?/'eco/

La fin de cette lettre fait allusion à la querelle où DuPeyrou se trouvait engagé depuis quelques semaines et que nous devons raconter brièvement.

II

La première partie, soit les six premiers livres des Confessions, avait seule paru dans l'édition de :y82, entreprise au profit de la veuve de Rousseau par Messieurs Moultou, de Girardin et DuPeyrou. Ce dernier avait entre les mains outre les originaux des pièces justificatives se rapportant aux Co~/e~'o~s, une copie de la seconde partie, qu'il tenait de Moultou et cette seconde partie, affirmait-il en s'autorisant de « la volonté très expresse M de Rousseau, ne devait « voir le jour qu'au commencement du siècle prochain ». Mais Moultou était mort en tySy. Son fils aîné, Pierre Moultou, dépositaire du manuscrit confié à son père, redoutant quelque publication de contrebande et cédant à l'impatience du public, crut devoir autoriser l'impression de la seconde partie des Mémoires, sous réserve de la suppression de certains noms propres et de quelques jugements sévères de Rousseau. II traita avec les libraires Barde et Manget, de Genève, qui annoncèrent la prochaine apparition de l'ouvrage.

On crut, en général, que cette publication était faite sur l'initiative de DuPeyrou, qui, étant seul nommé dans l'édition de 1782, passait pour être le dépositaire


des Confessions. La délicatesse de ce galant homme s'alarma pouvait-il laisser croire qu'il fût capable de trahir la confiance de Rousseau, en devançant le terme fixé pour la publication des Mémoires ? II envoya donc au Mercure de France une Déclar-atiorz (qui parut dans le n° du 21 novembre 1789), par laquelle il décline toute responsabilité dans l'édition des libraires genevois: « Je suis certain, ajoute-t-il un peu lourdement, que l'ouvrage ne peut avoir été livré ou acquis que par des moyens peu délicats, puisqu'il ne peut être publié aujourd'hui que par la violation de la volonté très expresse de son auteur. »

Cette phrase visait M. de Girardin, qui, à la mort de Rousseau, s'était emparé d'une copie des Confessions que l'auteur avait conservée par devers lui. Mais Barde et Manget, se croyant mis en cause, répondirent par une lettre très vive (27 novembre), adressée à DuPeyrou, qui répliqua le 2 décembre le 5, les libraires signaient leur duplique. Tous ces documents furent réunis en une brochure On y trouve, outre les pièces que nous venons d'indiquer, un garde-à-vous adressé par les éditeurs genevois au public contre l'édition de la suite des Confessions que DuPeyrou avait pris le parti d'annoncer, et que Barde et Manget qualifient à l'avance de conti-efaçon. DuPeyrou, en effet, ayant constaté que les éditeurs genevois avaient fait subir au texte original diverses altérations sous prétexte de faire disparaître « les traits trop amers », s'apprêtait à imprimer chez jPi~cM relatives à la publication de la suite des Confessions de J. J. Rousseau. Voir sur cette anaire les Mémoires de Fauche-Borel I, p. 37-8. Sébastien Mercier, qui avait séjourné à Neuchâtel et fréquenté l'hôtel DuPeyrou, fut un moment soupçonné d'avoir pris copie de la suite des Confessions. M"' de Charrière entretient d'OIeyres de cette histoire (7 juin 1789).


Fauche, à Neuchâtel, le texte authentique de Rousseau. La brochure dont nous parlons contient enfin une lettre signée le D~'o~~re des Mémoires de Rousseau, où Moultou déclare qu'il ignorait, et que son père a toujours ignoré le prétendu délai fixé par Rousseau pour la publication; que Rousseau, en remettant à Moultou une copie des Confessions, l'avait laissé juge du moment où il conviendrait de les donner au public et que le mécontentement manifesté par DuPeyrou provenait de ce qu'en cette affaire il poursuivait un intérêt de lucre. Cette polémique fit le bruit qu'on se peut aisément figurer'. Puis, bientôt, parut à Neuchâtel l'édition de DuPeyrou, qui porte la date de 1790. Elle est « enrichie d'une série de lettres inédites de Rousseau. Au début du premier volume, on trouve quelques échantillons curieux des changements apportés par Moultou au texte original, placé en regard du texte imprimé. Ce ne sont pas de simples suppressions, mais de véritables altérations dont on a souvent peine à comprendre le motif, si bien qu'on se demande de quel côté est la « contrefaçon ». Puis, dans une courte lettre, FaucheBorel fait l'éloge de DuPeyrou et le remercie de lui avoir confié cet ouvrage, qu'il offre au public comme les « prémices » de son imprimerie naissante. Vient ensuite un Discours j?r~:W!;M!re, où DuPeyrou, reprenant DuPeyrou, qui n'était pas toujours adroit, était certainement d'une probité scrupuleuse. Lors des négociations qui préparèrent l'édition de Genève, il faillit déjà se fâcher parce que le prospectus semblait promettre au public la totalité des Confessions, tandis qu'en réalité on ne lui en donnait que les six premiers livres. <t Je vous déclare une fois pour toutes, écrivait-il aux éditeurs genevois le 15 mai 1779, que je romps toute affaire et tout commerce, s'il faut employer des moyens qui me répugnent et qui déshonorent la qualité que nous professons d'être les amis de l'homme le plus vrai. ». (Cette lettre figure dans un curieux dossier que possède la Bibliothèque de Genève, relatif à l'édition générale de 1782).


toute la question qui a fait l'objet de sa querelle avec les libraires genevois, fournit sur tous les points des explications d'une netteté décisive.

Mme de Charrière avait mis la main à tout cela, comme le révèlent ces lignes adressées à Benjamin Constant « Si quelque jour la nouvelle édition des Co?!/eM!'OHs vous parvient, sachez que l'avertissement du libraire est de moi, l'épître à M. DuPeyrou aussi de moi (mais l'idée d'en faire une n'est pas de moi, elle est bien de Louis Fauche-Borel) ensuite vous reconnaîtrez bien encore quelques mots, quelques phrases, mais vous garderez pour vous cette reconnaissance, sans en dire un seul mot. »

Le 26 décembre, DuPeyrou écrit à son amie « Il ne me reste qu'à savourer la douceur d'être défendu par vous avec cent fois plus de talent que je ne puis en mettre à me défendre moi-même. Je suis bien impatient de voir les Ec~c~M~CH/s. Ils doivent être prêts aujourd'hui ». Ces mots font allusion à une brochure que préparait M" de Charrière et où, se posant en témoin impartial et désintéressé, elle saisissait l'opinion de la querelle engagée entre DuPeyrou et ses adversaires. Ce petit écrit Eclaircissements rp/ti fs à la publication des Co~M!0~ de Rousseau, est un de ceux où l'auteur a mis tout son zèle, avec infiniment d'esprit. Elle se présente modestement comme la « mouche du coche », par cette épigraphe

Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles,

Et fait cent sottises pareilles.

Elle a soin d'ajouter qu'elle écrit «moins pour M. DuPeyrou que pour la vérité ». De fait, elle commence par railler l'attitude prise par DuPeyrou, et reproche a


ce modeste de n'avoir pas assez compté sur sa réputation d'honnête homme. H s'est donné, en cherchant à prévenir les soupçons du public, une peine superflue, et ses précautions lui ont attiré des reproches fâcheux. Cette critique adressée à son ami est habile, elle nous prédispose à croire ce qui suit. L'auteur nous raconte que si, à un moment donné, Rousseau se défia de DuPeyrou; que s'il a, sous cette impression, tracé de lui dans ses mémoires le portrait dédaigneux et froid qu'on connaît (et que Moultou avait eu soin de rendre public), sa défiance n'alla pourtant pas jusqu'à redemander à son ami de Neuchâtel les papiers si précieux qu'il lui avait confiés. Mieux encore, Mme de Charrière révèle un fait qu'alors on ignorait à savoir que Moultou lui-même avait un jour perdu la confiance de Rousseau, et qu'elle tient le fait de Moultou, qui était venu la voir à Colombier, lors de ses entrevues avec DuPeyrou. Ce passage des Eclaircissements mérite d'être cité M. Moultou m'a lui-même raconté les soupgons que Rousseau avait pris contre lui, et la scène de raccommodement qu'il y eut entr'eux. Rousseau le dispensa de se justifier, et ils pleurèrent sans que rien eût été éclairci. Je trouvai cela encore plus commode que dramatique, et j'écoutai M. Moultou avec un embarras dont il s'aperçut. Si l'on me demande Qui êtes-vous pour qu'on vous croie? je réponds que, si je ne me nomme pas, je me fais suffisamment deviner, et que ceux qui me devineront ne pourront pas s'empêcher de me croire.

Plus loin, elle discute avec gaîté la défense de Rousseau de publier ses Confessions avant le fin du siècle, et insinue que le grand écrivain ne serait peut-être pas bien fâché de voir ses prescriptions méconnues « Rousseau pouvait-il désirer bien vivement que ceux qu'il accusait d'avoir fait le malheur de sa vie, n'en appris-


sent rien, n'en souffrissent en rien? Qu'on remarque, dans ses Confessions, certains tableaux plaisants, où pas un mot n'est hors de sa place, où le son même des mots concourt avec le sens pour égayer le lecteur; et qu'on se demande si Rousseau n'était pas pressé de leur faire produire cet effet. »

Nous devons à cette brochure, à côté de fins aperçus, bien des renseignements de détail. L'auteur note en passant ce fait, très honorable pour son ami, que « la maison de M. DuPeyrou était le rendez-vous de ceux qui s'occupèrent de Rousseau après sa mort ». Elle nous conte que le prince Henri de Prusse, lors de son passage à Neuchàtel (178~), demanda à DuPeyrou de lui montrer la suite des Confessions, et que celui-ci osa refuser, n'ayant pas reçu la permission expresse de Moultou, de qui il tenait sa copie. DuPeyrou considérait le dépôt comme inviolable, et Moultou en pensait autant. Or voici qu'on annonce à Genève ce livre tenu secret si soigneusement On conçoit la stupeur de DuPeyrou. Qui donc avait trahi la volonté de JeanJacques ? Qui avait livré le manuscrit aux libraires? DuPeyrou, sentant que le soupçon d'indélicatesse pouvait s'égarer sur lui, protesta par précaution « II eut peur, dit Mme de Charrière, d'être soupçonné d'une partie de ce qu'il n'aurait pu pardonner à d'autres cette fois, M. DuPeyrou, que Rousseau trouvait froid et flegmatique, ne l'était peut-être guère plus que Rousseau en pareille occasion ne l'eût été. »

Sur ce trait pénétrant et qui porte, elle constate l'esprit nouveau d'un temps qui ne respecte plus aucun voile. Elle remarque et ceci est d'une certaine portée que la révolution semble inaugurer, à cet égard


aussi, une ère nouvelle. L'opinion se fait juge de toutes choses, et entend tout connaître pour tout juger Il me semble que nous allons vivre sous un régime moral moins lénitif et moins amphigourique que par le passé. On ne pourra plus, tout chargé de soupçons, marcher pourtant tête levée, parce que les soupçons ne se laisseront plus accumuler craintivement sans mot dire; et d'un autre côté, le moindre mot positif de blâme ne tirera plus à une si grande conséquence, parce qu'on ne peut ni intenter chaque jour des procès, ni se battre sans cesse. M. le comte de Mirabeau a déjà montré, à ce qu'on dit, qu'il était de cet avis-là. Mille préjuges ont été détruits, quoi qu'on n'en voulût qu'à quelques-uns, et peut-être qu'il a été détruit plus que des préjugés.

Que résultera-t-il de ce changement des mœurs, si finement noté ? « Le vernis est tombé, dit-elle, mais ce qu'il couvrait s'amendera-t,-il ou sera-t-il seulement plus hideux? Elle ne conclut pas « Ce qu'il y a de bien sûr, c'est que les temps, soit qu'on les trouve meilleurs ou pires, sont autres ». Elle prévoit, au surplus, que le public va devenir toujours plus indiffèrent aux lettres, et que, dans dix ans, on ne se mettra guère en peine de ce que fut Rousseau. Le fils de Moultou aurait donc été fondé à dire « On me presse de publier les Confessions; je cède ». Et DuPeyrou n'aurait eu qu'à y consentir, mais en s'opposant à toute mutilation du manuscrit.

Et ici, Mme de Charrière fait bonne justice de l'argument de Barde et Manget, qui prétendaient n'avoir retranché de leur édition que « des injures grossières, plates et basses, aussi peu glorieuses à leur bilieux auteur qu'inutiles au public ». « II serait trop singulier, s'écrie-t-elle, que Rousseau eût été plat et grossier à point nomme, quand il convenait à ces messieurs de le trouver tel. Rousseau est mort, il se laisse


juger; mais moi qui fais partie du public, je déclare que je n'ai point donné de mission à MM. Barde et Manget pour juger pour moi de ce qui m'est utile ou inutile ». Elle invite, en terminant, M. Moultou le fils à lever le masque, et même lui épargne ce soin, puisqu'elle le met librement en cause, et nomme en toutes lettres cet homme si prudent. Que Moultou écarte donc le voile, d'ailleurs transparent, qui le couvre Alors, content de lui-même, il cessera d'être injuste envers les autres; il avouera franchement que c'était par humeur qu'il accusait M. DuPeyrou d'avoir suivi dans cette affaire les conseils de l'avarice ou de l'avidité. Il sait bien, M. Moultou, qu'il n'en est rien; qu'au défaut qu'a M. DuPeyrou d'être riche (défaut, au reste, peu odieux sans doute, puisqu'on redoute si peu de l'avoir), il ne joint pas le défaut, le véritable défaut, de vouloir à tout prix devenir plus riche.

La fin de la brochure contient quelques particularités à retenir Mme de Charrière nous apprend qu'elle rencontra à Plombières (1781) le baron d'Holbach, qui lui dit « beaucoup de mal de Rousseau » et alla jusqu'à affirmer que Rousseau s'était tué, sur quoi elle fait cette juste remarque que les faux amis, qui, comme d'Holbach, ont contribué à rendre Rousseau malheureux, « devraient chercher plutôt à se persuader qu'il ne le fut pas au point de se donner la mort. » Quant à Diderot, ajoute-t-elle et ceci est un autre souvenir intéressant, je l'ai vu plusieurs fois à la Haye, chez M. le prince de Galitzin. Il ne pleurait pas quand je le questionnais sur Rousseau mais il prenait un air de Tartuffe, parlait de mauvais cœur, d'ingratitude, d'amis indignement trahis, et se taisait du reste, par discrétion, par humanité

Dans une note elle consigne cet autre renseignement: « La conversation sur l'Académie de Dijon me fut rapportée par Diderot comme elle l'est par Rousseau,


sinon qu'il rendait sa réponse plus saillante. « Quel des deux partis me conseillez-vous de prendre ? Belle demande Celui que personne ne prendra. » On sent, à lire cette jolie brochure, éloquente, variée, vigoureuse de pensée, que M"" de Charrière éprouvait pour Rousseau une sympathie sans doute avivée par les récits de DuPeyrou mais elle l'aimait sans aveuglement, avec un peu de compassion et une admiration plus vive pour son génie que pour son caractère. Les Eclaircissements parurent dans les premiers jours de 1790 le 5 janvier, l'auteur les adresse à d'Oleyres en s'excusant de ne lui envoyer point un petit conte qu'elle lui avait promis

La tracasserie faite à M. DuPeyrou est venue à la traverse. Je vous envoie la brochure qu'elle a produite, encore toute mouillée. On prétend qu'elle va m'attirer des ennemis ardents et de désagréables réponses. J'aimerais autant que non; mais A la garde comme on dit à Neuchâte~. Je n'ai pu me résoudre à me cacher mieux que je n'ai fait, et m'étant signée quelquefois la mouche du coche, l'épigraphe est presque une signature". C'est donc par une sorte de pudeur, et non par poltronerie, que je n'ai pas mis mon nom en toutes lettres; cependant, je ne suis pas absolument sûre qu'une réponse bien mordante ne me fasse rien. Je me flatte un peu qu'on n'osera pas, tant je me suis montrée courageuse et méchante. Cette fois, ne prenant pas le masque d'une M"e Levasseur, j'ai écrit de mon mieux. M. DuPeyrou avait trop négligé style et diction dans ce qu'il avait dit en hâte au public.

Mme de Vassy, fille de M. de Girardin, publia aussi sur cette affaire une lettre dont Mme de Charrière ne fut point émue

1 Expression courante à Neuchâtel A la garde t. sous-entendu de Dieu. Mm. de Charrière usait très volontiers des façons de parler de son pays d'adoption.

~°So'us''ignorons à quels opuscules elle peut bien faire allusion ici. s Dans cette lettre, M"'de Vassy proteste contre l'affirmation de M°" de Staël que Rousseau s'était suicidé. Elle parut en 1789 a la suite d'une nouvelle édition de l'ouvrage de M" de Staël.


Je souhaite pour les lettres que Mme de Vassy ne soit jamais que la femme de la lettre, et tous ceux qui ont lu la lettre, et haïssent comme moi le précieux, l'entortillé, le sentimental déplacé, formeront le même vœu que moi. Vraiment, c'est une chose étrange que la peine qu'on prend pour cacher le sens que Dieu donne à la plupart des hommes et des femmes, sous des paroles qui ne signifient rien! Le grand d'Espagne est bien honnête dans son jugement de moi mais, en vérité, si j'ai quelque originalité, ce n'est, je pense, que celle de dire ce que je veux qu'on sache le plus clairement qu'il m'est possible. Je suis bien aise d'y avoir réussi à votre gré et au sien dans le dernier bourdonnement de la mouche. J'ai fort à cœur qu'il donne de M. DuPeyrou et de ses adversaires l'opinion que chacun d'eux mérite. (A d'Oleyres, 29 Janvier 1790). Quant au bon public neuchâtelois, il considérait, semble-t-il, avec ahurissement l'activité fiévreuse de Mme de Charrière. D'OIeyres lui-même, qui avait une vie intellectuelle refusée à tant d'autres, écrivait à son parent Samuel de Chambrier

Cette dame-là compose une incroyable quantité de pièces fugitives sur les affaires de France. C'est un torrent de fécondité ~/c~ Elle imprime plus que jamais. Elle prend à partie les éditeurs des 6'on/e.s'sM~s et défend M. DuPeyrou à outrance contre le marquis de Girardin et Moultou. Je fais lire ses brochures, qu'elle m'envoie dans leur primeur, au Marquis de Serent, gouverneur des fils du comte d'Artois, qui la connaît mieux que vous et moi et m'en a fait le portrait au naturel. Il fait un cas infini du mari. Je trouve dans l'air et même le tour d'esprit de M. de Serent des rapports marqués avec M. de Charrière (Décembre 1789; janvier 1790). Le marquis de Serent ayant lu une des brochures récentes (probablement la « plainte de Thérèse), jugeait ainsi « ce petit écrit de notre amie, » à ce que rapporte d'Oleyres

Son imagination est vive, ardente, et a une originalité qui n'appartient qu'à elle. Je ne sais si elle a un intérêt plus particulier AHusion aux louanges de quelque diplomate, transmises par d'Oleyres. M. et M°" de Charrière l'avaient rencontré à Spa.


dans la cause qu'elle soutient, qu'elle n'en aurait eu à écrire sur toute autre matière. Mais il me semble que c'est son esprit, beaucoup plus qu'une affection profonde, qui a dirigé sa plume. Ce jugement très fin est juste, mais incomplet. C'est sans grand enthousiasme pour Thérèse, on le conçoit, que Mme de Charrière s'est amusée à défendre la pauvre femme mais peut-être l'espoir d'être désagréable à Mme de Staël a-t-il beaucoup contribué à aiguiser sa verve.

La correspondance, toujours active entre Colombier et Turin, touche aussi à Rousseau. Pour donner plus d'intérêt à son édition des Con/c~o?~ DuPeyrou souhaitait d'y faire paraître les portraits des principaux personnages mis en scène. Et comme le début des Co~fessions nous transporte à Turin, Mme de Charrière pria l'ambassadeur de Prusse de l'aider à rassembler les portraits pour cette partie de l'ouvrage il s'agissait du Comte de Gouvon, de son fils l'abbé, de M"" de Breil, que Rousseau dépeint si séduisante, etc. D'Oleyres confie à son cousin Samuel ses perplexités on donnerait à la rigueur ces portraits pour les placer dans un livre d'histoire, mais non dans MH roMMH (c'est ainsi qu'on envisageait donc les mémoires de Rousseau 1) et à Mme de Charrière il répond (21 décembre 1780) On attend ici avec empressement la nouvelle édition que M. DuPeyrou annonce. Je voudrais fort pouvoir contribuer à sa perfection, par l'estampe du comte ou de l'abbé de Gouvon, que j'aurais pu vous envoyer, si les descendants de cette maison avaient agréé que ces estampes parussent dans les Confessions d'un de leurs anciens domestiques. Il y a ici un portrait de M'ie de Breil, petite-fille du comte, et depuis lors comtesse de Verrue, qui répond à l'Idée séduisante que Rousseau en donne; il figurerait à merveille dans son premier volume; mais comment obtenir une gravure de ce portrait d'une dame de la plus haute considération à cette cour, dont les


descendants ne consentiraient guère à un pareil usage de cette estampe si elle devait figurer avec celle de Mmc de Warens? J'ajouterai à cela qu'on ne lit ici les ~o/esst'o/!s de Jean-Jacques qu'en s'en confessant à son confesseur, et la pénitence infligée pour un tel péché n'est pas légère tout au moins promet-on de n'y plus retomber. Voilà qui exclut de ce livre les estampes de la famille Solar. Elle riposte le 5 janvier 1790

Il faut donc renoncer aux Solars, grâce à toutes les sottises de bigotterie et d'orgueil dont s'encroûtent les pauvres hommes Vraiment, j'ai mon espèce en horreur. Je ne vois que sottise et méchanceté. Voyez les complots et les assassinats en France Vos cagots, vos t. (mot illisible) sont de sottes et vilaines bêtes, et il ne me plaît pas seulement de rire de l'aveu ingénu que vous me racontez. La fin de cette lettre contient une commission qu'elle qualifie elle-même de baroque elle prie l'ambassadeur, de la part de DuPeyrou-de chercher à retrouver la pauvre Marion, cette jeune servante mauriennoise que Rousseau accusa, après la mort de M"" de Vercellis, de lui avoir donné un ruban qu'il avait dérobé lui-même « Si Marion vit, elle doit avoir près de 80 ans. On voudrait lui faire du bien; c'est un peu tard sans doute, et je voudrais qu'on y eût pensé il y a 10 ou j5 ans. C'est déjà assez tard ».

Elle écrit encore à d'Oleyres, qui se montrait sévère pour Rousseau

Nous sommes parfaitement du même avis sur Jean-Jacques. Au lieu d'entretenir la postérité de ses remords sur Marion, il aurait dû de son vivant la chercher et réparer sa faute. Il croit avoir pris chez l'abbé Gaime de vraies idées sur la vertu et des sentiments vertueux, et cependant il ne cherche pas Marion, qu'il aurait aisément retrouvée. Après la mort de Claude Anet et la joie de posséder son habit noir, il croit que les larmes que cette vilaine joie fait verser à M""c de Warens, effaceront de son cœur tout sentiment vil de convoitise et de sordide intérêt. Cependant, nous le voyons depuis un peu voleur parfois, souvent menteur, et plus souvent


ingrat. Il se fait les mêmes illusions en se rappelant le passé qu'on a coutume de se faire sur le présent. Chaque époque de sa vie, ou, pour mieux dire, chaque tableau à faire d'une époque ou d'un événement, l'occupe tout entier il ne songe qu'à le rendre plus beau ou plus hideux, selon les cas, et dupe de sa propre éloquence, il prend de ce qu'il peint la même impression qu'il n'avait d'abord que cherché à en donner à d'autres (février ou mars 1790). Les recherches que voulut bien faire le ministre n'eurent aucun succès. Marion resta introuvable, comme le pressentait Mme de Charrière.

Je vous remercie, écrit-elle, de votre complaisance à vous informer de Marion. C'était déjà de ma part un pur acte de complaisance, que cet exercice que je vous ai demandé de la vôtre, car j'étais bien persuadée que cela était fort inutile. A dire vrai, M. DuPeyrou est presque aussi étrange en ceci que Rousseau c'était après la mort de celui-ci qu'il fallait vite chercher Marion; mais les idées viennent quand elles peuvent.

Elle remplit de longues lettres à d'Oleyres de détails sur les fameux portraits elle écrit pour le même objet à vingt personnes si DuPeyrou l'en croyait, il s'adresserait à Thérèse. A Benjamin Constant elle dit J'avais demandé à Mme de la Pottrie le portrait de Mme de Warens « Je ne l'ai pas, je ne sais pas qui l'a ». On demande à M"' de Bottens « Il est entre les mains de M. Gibbon ». J'écris poliment et même flatteusement à M. Gibbon. Il me répond « M. Gibbon est bien faché, etc.. le portrait appartient à la famille Polier, et M. Gibbon, étranger, ne peut se mêler de ces choses-là ». Voyez comme tout cela est obligeant On dit que M. Dennel (?) me fait l'honneur de me haïr. Je l'ai vu trois instants, il y a plusieurs années. Les Lausannois ne m'ont pas pardonné mes Lettres. Le comte de Favria, sollicité aussi par d'Oleyres, avait complètement oublié son ancien laquais J. J. Rousseau. Mme de Charrière ne s'en étonne point La même chose, dit-elle, qui fait la destinée d'un homme, n'est pour un autre qu'un événement de peu d'importance. Nous ne nous


rappelons pas tous les domestiques que nous avons pu voir dans la maison paternelle, ni tout ce que nous avons pu leur dire et ci l'un d'eux, quelques années après, se trouve être un homme considérable, il peut bien se souvenir de nous sans que ce qu'il en dira réveille aucune impression dans notre cerveau. Pour Marion, si elle vit, elle se rappellera Rousseau. Mme Basile, si elle vivait, se le rappellerait aussi, car les scènes que Rousseau a retracées relativement à elle ont eu une égale importance pour elle et pour lui. J'avoue que je n'en suis pas encore au bout de mes étonnements sur cet étrange homme. Je l'admire et me fâche contre lui encore tous les jours à neuf. M. le ministre Chaillet' a dit avec assez de justesse, ce me semble, qu'il aimait les scènes, qu'il grossissait par plaisir les objets pour en faire un tableau frappant dont lui-même était un des personnages M. DuPeyrou se fâcherait, je crois, s'il savait ce que j'ose vous dire; j'aurais beau crier: « C'est M. Chaillet C'est M. Chaillet » Je doute que cela me pût sauver de son courroux. (29 janvier 17~0).

Ces réserves sur le caractère énigmatique de Rousseau ne t'empêchèrent pas d'entreprendre son éloge pour l'Académie française, qui avait mis ce sujet au concours. Cependant, comme, dans l'intervalle, la publication de la fin des Mémoires avait causé quelque scandale, elle eut un doute sur les intentions de l'Académie et s'en informa auprès de Marmontel, qui lui répondit « La sensation produite a été diverse, selon les esprits et les mœurs, mais, en général, nous sommes indulgents pour qui nous donne du plaisir. Rien n'est changé dans les intentions de l'Académie, et Rousseau est traité comme la Madeleine Remittuntui- illi peccata ~M/ quia dilexit multum. »

Elle ne se mit à t'œuvre qu'au dernier moment, à la fin d'avril, ainsi qu'on peut voir dans l'Avis qui précède l'éloge imprimé. Le manuscrit devait être à Paris avant 1 Le pasteur Chaillet, esprit si original et rédacteur fort remarquable du .Tour~a~ helvétique.


le premier juin il y fut. Le bon DuPeyrou l'avait fait copier en hâte par son secrétaire Jeannin et avait luimême soigné l'expédition du paquet. Il était adressé au baron d'Aigalliers, membre de l'Assemblée Nationale, qui devait le remettre à Marmontel, et qui eut aussi la bonté de corriger les épreuves de la brochure et de traiter avec l'éditeur~.

C'est un joli morceau, non pas précisément d'élo~M~c~ mais de critique et d'analyse morale, que ces soixante pages. Le style en est un peu plus orné peut-être que celui des précédents ouvrages de l'auteur une pointe de rhétorique lui donne par instants le ton et l'allure qui conviennent à un éloge académique. La partie la plus originale est celle où M"" de Charrière analyse et décrit la constitution intellectuelle de Rousseau « II naquit avec des organes tout à la fois forts et subtils. Ses sens étaient parfaits, et au moindre éveil, les vives impressions qu'ils avaient confiées à sa mémoire se renouvelaient avec une étonnante netteté. Ne serait-ce point la perfection des sens et celle de la mémoire qui formeraient ensemble une imagination forte et brillante ? » Puis l'auteur montre comment une éducation étrangement décousue agit sur ce fond primitif. La sensibilité extrême de Rousseau, son imagination, se développent sans contrainte, et par là il déconcerte tous ceux avec qui il est appelé à vivre. Aussi devient-il un incompris. Comme homme etcomme Eloge [de [JeCK-JctC~ttM Rousseau, [~Mt a concouru pOMf prix de [l'Académie française. [A Paris, [chez Grégoire, libraire, rue du Coq [Saint-Honoré, [1790. -La brochure fut mise en vente nnjanvierl.791.11en fut tiré 600 exemplaires in-8", et 400 in-12", pour que le format fût assorti à celui des diverses éditions de Rousseau. L'exemplaire se vendait 12 sols. (Lettre du baron d'Aigalliers à M"" de Charrière, 13 octobre 1790).


écrivain, il est le jouet de sa propre imagination, et c'est là le secret de son prestige, de son pouvoir enchanteur. Il y a une page intéressante aussi sur le sens de l'harmonie, qui a exercé sur le génie de Rousseau une action insoupçonnée « J'ai cru toujours que l'oreille de Rousseau avait fait Rousseau ce qu'il a été. » Idée paradoxale, qu'elle développe adroitement. Certes, elle a raison de dire que si Rousseau fut un médiocre musicien, c'est grâce à lui pourtant que « la langue française, qu'il trouva si rebelle à la musique proprement dite, se montrera la plus propre de toutes les langues à cette autre musique, à la musique du style, dont les effets imprévus, innombrables, se sentent en même temps au cœur, à l'esprit, à l'oreille, et au pouvoir de laquelle il est impossible d'échapper. » Voilà une pensée féconde, dont un Bernardin de St-Pierre, un Chateaubriand, allaient bientôt fournir l'illustration éclatante. Mais ce qu'elle admire le plus en Rousseau, ce sont ses rêves Rousseau a appris aux hommes à rêver. Le constater, n'est-ce pas résumer d'un mot la révolution littéraire opérée par Jean-Jacques ? Elle montre en lui le grand rc~Mr. H a introduit jusque dans la sociologie un charme inconnu de ses devanciers « La voix de sirène manquait à l'abbé de St-Pierre. Ce n'est pas o~o!?' rêvé, mais de ne nous avoir pas fait rêver avec lui, qu'il faut lui faire un r~rocAe. Et c'est en cela seul qu'il a différé de Rousseau. Qu'es-tu donc, charme du style, charme puissant et indéfinissable H

Et la voilà célébrant la fraîcheur, la nouveauté du style de Jean-Jacques et cherchant le secret de son


prestige. Elle n'hésite pas, enfin, à le louer de son optimisme consolant elle lui sait gré d'avoir cru à l'âge d'or, qui n'est pas matériellement vrai, mais auquel nous avons besoin de croire, car il nous faut rêver la perfection pour y tendre « Si c'est plus qu'on ne peut faire et obtenir, ce n'est pas plus qu'il ne faut vouloir et tenter. »

Elle met d'ailleurs à nu les défauts de Rousseau, qui lui-même s'est montré sans réserve, et aborde la question de l'abandon de ses enfants on peut discerner dans son œuvre le remords qui l'a torturé, lorsque, ayant évoqué devant ses contemporains un haut idéal moral, il a senti « combien il l'avait peu réalisé luimême. »

Chambrier jugeait assez sainement ce discours dans son journal « C'est peut-être son meilleur ouvrage mais il ne peut guère être couronné, parce qu'il n'est pas proprement fini. L'auteur y parle de ce qui lui vient dans l'idée à propos de Rousseau une pensée la mène à une autre mais malgré la justesse des pensées et la chaleur du style, c'est un ouvrage incomplet. »

Le discours de M' de Charrière ne fut, en effet, pas couronné, et celui de Mme de Staël ne le fut pas davantage. S'il l'eût été, on concevrait mieux que Gaullieur et S~-Beuve aient vu dans cette rivalité une cause de froideur et même de brouille entre ces deux femmes. Nous verrons qu'il n'y eut jamais brouille entre elles, mais que M"~ de Charrière opposa à toutes les avances de Mme de Staël une antipathie irréductible le concours académique n'y était pour rien. Elle écrivait à d'OIeyres, à la fin de 780, en lui renvoyant les Mémoires du


fameux baron de Trenck une lettre où il est question et de ce personnage et de Mme de Staël. La page est intéressante

Quand il n'y aurait, dit-elle du baron prussien, que sa bonne volonté pour mon pays natal, je l'aimerais un peu. A Spa, mon père ne voulait pas qu'il m'entretint de ses malheurs, tant il me nourrissait l'imagination. Je n'ai pas encore oublié sa tête à demichauve, ses yeux un peu égarés et ses grands gestes. On voit qu'il se considère comme une curiosité bien remarquable. Tant mieux, si cela le console de ses longs chagrins.

A propos de remarquable, on écrit à M. DuPeyrou que Mme de Staël s'est rendue si assidue à l'assemblée nationale, y a fait tant de bruit, de gestes, de mines, a tant écrit de billets aux membres de l'assemblée, approuvant, conseillant, etc., que monsieur son père lui a dit d'opter entre cette salle et sa maison, ne voulant plus qu'elle retournât à l'une si elle voulait revenir dans l'autre. A défaut du suffrage de Paris, Mme de Charrière eut celui de son mari, ainsi qu'elle le dit plaisamment à une amie

M. de Charrière, tout M. de Charrière et mari qu'il est, a trouvé le discours fort éloquent, et m'a encouragée à hasarder l'épigraphe que j'avais dans la tête. Elle a tout l'air de vouloir être un vers 7/M words were musick, his ~OM~A~S celestial dreams Cela peint si bien Rousseau, et d'une manière si analogue à celle dont je l'ai peint! M. DuPeyrou a été de l'avis de M. de Charrière, que quand on avait pareille chose dans l'esprit il fallait l'employer; et lui, qui a conservé contre les lettrés de Paris une dent que lui avait donnée Rousseau, s'amuse de l'embarras où ils seront de déterrer la source de cette heureuse épigraphe. Il se fait une fête aussi de publier mon discours pour leur faire honte s'ils ne le couronnent pas. Il faut avouer, pour l'excuse d'une certaine irascibilité et amertume de caractère, que, où il n'y en a point, il n'y a guère de zèle et d'amitié. (A M"~ de Chambrier, 26 mai i 790). PHILIPPE GODET.

Frédéric, baron de Trenck, né en 1726, était devenu l'amant de la princesse Amé)ie. sœur de Frédéric II. Cette liaison ayant été découverte, il fut enfermé pendant de longues années a Magdebourg sa vie aventureuse est contée dans ses Mémoires, qu'il a lui-mème traduits en t'rançais(Paris, 1789). Il mourut sur l'échafaud en 1794, le même jour qu'André Chénier.



QUELQUES DOCUMENTS INÉDITS SUR LA CONDAMNATION ET LA CENSURE DE L'Emile ET SUR LA CONDAMNATION DES Lettres écrites de la Montagne

3S NE partie des documents qui vont suivre

est tirée des Archives Nationales. Le

~L reste provient de la collection Joly de Fleury, qui est à la Bibliothèque Natio-

nale, département des manuscrits (fonds français). Les dossiers auxquels j'emprunte ces derniers sont ceux du Cabinet du Procureur Général qui occupent, rangés par ordre chronologique (avec des interversions çà et là), les 562 premiers volumes de la collection. Ils contiennent les pièces qui ont servi au Procureur Général pour décider sur les affaires. Ils nous font donc assister d'un peu plus près qu'il n'était possible auparavant, à la préparation et comme à la cuisine des arrêts.

L'ÉMILE

L'affaire de !'jE'~n7e est assez connue en ses grandes lignes, pour que je me dispense de la raconter. Je laisse la parole aux documents, qui en éclairent certains côtés.

L'ARRÊT ET LES JUGES.

L'arrêt a été imprimé. On le trouvera dans l'édition de Genève, tome 1 du Supplément. H est donc inutile que je le reproduise. Mais l'arrêt ne donne pas les noms des juges qui composaient la Grand Chambre.


Je les ai trouvés inscrits à la marge des Procès verbaux dans les registres du Parlement. Les Procès verbaux eux-mêmes (il y en a deux, l'un sommaire, l'autre étendu) ne nous apprennent rien de plus que l'arrêt je les omets.

A

Arch. Nat. Conseil secret. XI 8g n, fo 17 v 24. Du mercredy neu f Juin mil sept cent soixante deux. Du matin.

[En marge] M. le Président de Maupeou 1.

Messieurs,

Severt 2.

Fermé s.

Titon

Chaban". b.

Renault °.

Pourcheresse'.

Blondeau

Président depuis le 12 nov, 1743.

s Doyen de la Grand Chambre. Conseiller depuis 1706. Il siégeait le 10 Juin 1734 dans l'affaire des Lettres philosophiques (cf. mon article dans la ~euMede jPan'M. 1904). Sa probité fut soupçonnée en 1755 (cf. plus bas n. 4.). ). s Conseiller depuis 1708. Lorsqu'en déc. 1756 le Parlement démissionna en masse, et qu'il ne resta pour rendre la justice que les dix présidents et 7 conseillers de la Grand Chambre, plus deux paralytiques, et 2 cons. clercs ne pouvant siéger a la Tournelle, sans compter les conseillers d'honneur, (D'Argenson, Journal et Mdm., IX, 387,), Fermé fut avec Chaban et Pellot un des plus ardents démissionnaires de la Grand Chambre. Conseiller depuis 1717. De mœurs légères, il devint grand janséniste, puis retourna à ses maîtresses (Barbier, II. 272 VII, 23; Moreau, Mes souventrs, I, 212). On avait en 1755 soupçonné sa probité, ainsi que celle de Severt et de quelques autres le public les accusait « même avec preuves », d'avoir extorqué « pour eux ou pour leurs maîtresses x de grosses sommes provenant des saisies réelles et des consignations (D'Argenson, IX, 37). Chaban de la Fosse, cons. clerc, depuis 1735.

Regnault d'Yrval, cons. clerc, depuis 1739.

7 Pourcheresse d'Estrabaud. cons. clerc, depuis 1738. L'éditeur du Journal de Barbier imprime à tort Pourcheroise. Sa Compagnie l'avait trouvé faible dans l'affaire de 1756-57 il n'avait pas voulu démissionner, et ses collègues, un moment, refusèrent de travailler avec lui (Barbier VI, 609; VII, 22).

s Conseiller depuis 1730.


La Guillaumie 1.

Leprestre

Renouard

Pellot

On est un peu surpris de ne pas trouver dans cette liste le nom du Conseiller Clerc Lenoir% qui était rapporteur. I! ne siégeait pas, étant clerc, à la Tournelle, où se jugeaient les affaires criminelles. D'ailleurs les conseillers de service à la Tournelle « ne laissent pas néanmoins que d'entrer et de rapporter en la Grand Chambre. les procès dont ils sont rapporteurs6. » II est impossible que le greffier ait omis le nom du rapporteur par inadvertance peut-être était-il malade ou empêché ce jour-là. En tout cas, on procéda en son absence faut-il y voir un indice de la hâte qu'on mit à condamner l'Emile ? Le livre se distribua dans la seconde quinzaine de mai'. La Pentecôte étant le 3o mai, le Parlement fut en vacances depuis le samedi 20 jusqu'au lundi 7 juin ainsi en rendant l'arrêt le o, il n'y eut pas de temps perdu. Je doute que le rapporteur eût été nommé avant les vacances' les amis de Rousseau ne l'auraient pas ignoré, et comment dès lors eût-il pu douter jusqu'au 8 juin qu'on dût le poursuivre ? H faut supposer le rapporteur désigné seulement le 7 ou le 8.

'Conseiller depuis 1725.

2 Leprètre de Lezonnet, conseiller depuis 1720.

3 Conseiller depuis 1715. Cons. honoraire à la Grand Chambre. Président de la Cour des aides.

4 Conseiller depuis 1720.

5 Conseiller depuis 1738.

Almanach royal, 1762, p. 204.

Rousseau fait distribuer le 23 mai les exemplaires qu'il offre. (Lettre du 19 a M°" de Luxembourg).

A la Faculté de Théologie, le livre n'est dénoncé que le 7 juin voyez plus loin.


Il est bien intéressant de regarder les noms des juges. Le Président Maupeou n'était pas pour résister à l'opinion de sa Compagnie, quand il n'y allait pas de ses intérêts à la cour. Le choix d'un clerc pour rapporter l'affaire indique que la condamnation était résolue d'avance la bienséance de son habit lui interdisait l'indulgence, même si sa foi ne le révoltait pas contre le livre. Outre Lenoir, trois conseillers clercs vinrent siéger dans cette matinée du 9 juin l'un d'eux au moins, Chaban, était un ardent défenseur des traditions et des privilèges de sa Compagnie. Des laïcs, comme Fermé et Pellot, étaient aussi redoutables pour l'E~/e que des ecclésiastiques. Même Titon, quoique repassé du jansénisme à la débauche, n'en devait pas être plus complaisant à la philosophie il avait du garder de sa sévérité ce qui ne gênait pas ses mœurs. Severt avait déja condamné les Lettres anglaises. D'ailleurs, comme doyen, il avait droit d'aller, selon son gré, à la Tournelle ou à la Grand Chambre s'il opta ce jour-là pour être juge de l'Emile, il n'est pas téméraire de penser que ce n'était pas dans l'intention de l'absoudre. L'âge des quatre autres Conseillers, leur ancienneté, leurs 32, 3y, 42, 47 ans de services, nous garantissent leurs dispositions ils n'appartenaient pas à des générations empoisonnées par la tolérance philosophique. De tous les juges, aucun La Grand Chambre, outre ses 10 Présidents, comptait 25 cons. laïques, et 12 clercs. Le Premier Président et les 4 présidents plus anciens servaient toujours à la Grand Chambre les cinq autres à la Tournelle. Les cons. clercs ne servaient pas à la Tournelle. Entre les 25 cons. laïques, un roulement était établi de la St-Martin (date de la rentrée) à Pâques, 12 siégeaient à la Tournelle, 12 à la Grand Chambre; et de Pâques au 7 septembre (date des vacances), c'était l'inverse. « Quant au doyen, il va a celui des services qu'il juge à propos. » (Eszcycl. M!~t/M)d., art. Parlement).


n'avait moins de 23 ans, 6 avaient plus de 40 ans d'exercice.

Le petit nombre des juges est remarquable. Aucun des honoraires qui pouvaient défendre, ou absoudre !E~7<? n'était ni le Président Hénault, ni Malesherbes, ni Trudaine de Montigny, ni le comte de Guébrianf, ni Durey de Meynières', ni ce Flesselles qui, quelques années plus tard, voulait faire jouer à sa campagne les Guèbres ou la To/cr~ce Absents aussi, le Premier Président Molé, et les trois présidents à mortier de service avec Maupeou à la Grand Chambre dont la présence n'était pas obligatoire, Guillaume de Lamoignon de Montrevault, Michel Jacques Turgot, Etienne Jacques François d'Aligre. Absent le conseiller de Blair', celui qui avait prédit le sort de l'Esnile « Monsieur, disait-il, voilà un fort beau livre, mais dont il sera parlé dans peu plus qu'il ne serait à désirer par fauteur~. »

Probablement, selon les mœurs et la législation du temps, il était impossible, du moment que l'action judiciaire était entamée, de sauver l'Emile et son auteur. Ce n'était pas un livre à justifier publiquement, officiellement. D'où l'impuissance et l'abstention des amis de Rousseau, Malesherbes, Luxembourg, Conti. D'où aussi, au Parlement, l'absence de tous les magistrats qui pouvaient ne pas désirer une condamnation présents, ils n'auraient, décemment, rien pu, rien osé empêcher.

Sur ses sentimeuts. cf. d'Alembert, lettre à Voltaire, du 9 sept. 1766. s Cf. Voltaire, éd. Moland, t. XXXV, p. 136; t. XLVIIf p. 13. 3 Cf. Voltaire, éd. Moland. t. XLVI, p. 427.

< Conseiller depuis 1709. Soupçonne avec Severt et Titon cf. p. (n. 4. 5 Confessions, 1. XI.


L'Emile fut condamné par onze juges, douze en comptant le seul honoraire qui fût présent. C'était le nombre strictement nécessaire pour que l'arrêt fut valable il fallait un président et dix conseillers présents'. Ce petit nombre n'était évidemment composé que de gens décidés à sévir la « dérobade » des autres prouve à la fois le progrès des opinions tolérantes et la puissance de la tradition d'intolérance.

II. LETTRE DU PREMIER PRÉSIDENT.

Arch. Nat. S25,

A Paris, ce 9 Juin 1762 2

MM. les Gens du Roy, Monsieur, ont dénoncé ce matin à la Grand Chambre un livre imprimé à la Haye qui porte pour titre Traité de l'Education. Ils ont fait à ce sujet un réquisitoire étendu qui contient tous les motifs des conclusions qu'ils ont posées par écrit; conformément à leurs conclusions, il a été rendu un arrêt qui condamne le livre au feu, et qui décrète Jean Jacques Rousseau qui en est l'auteur de prise de corps.

Cet arrêt sera imprimé et on y verra en tête le réquisitoire de MM. les Gens du Roy.

J'ay l'honneur d'être avec un très sincère attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

MoLÉ.

Le destinataire n'est pas indiqué.

Ettc~/c!. Mt~tA. art. Jugement. Cf. aussi Barbier, VI, 605.


III. LETTRE DU PROCUREUR GÉNÉRAL* I

6W/. J. de FI. vol. 373' f

Ecrire à le Chancelier 3

et à M. le Comte de Saint F/o/'c/:<< °

E. le 10 Juin 1762 5.

J'ay l'honneur de vous informer qu'il a été rendu hier à la Grand Chambre un Arrest sur le réquisitoire de mon frère" et sur mes conclusions, qui condamne à être lacéré et bruslé un livre imprimé sans nom d'imprimeur portant pour titre Emile, ou de l'Education par Jean /acyf<es /?OMMpaM citoyende Genève. Le même arrest décrète de Prise de corps le nommé Jean Jacques Rousseau dénommé dans le frontispice de cet ouvrage comme en étant l'auteur.

En conséquence, j'ay envoyé hier [après-midi'] au village de Montmorency un huissier du Parlement pour faire signifier ce décret au dit Rousseau, [et l'amener dans les Prisons de la Conciergerie] et l'huissier est venu me rendre compte ce matin que le dit Rousseau s'était trouvé absent.

Guillaume François Louis Joly de Fleury, né en 1710. procureur général en survivance de son père le 12 déc. 1740, titulaire depuis juillet 1746. Le dossier de l'Emile se compose de huit pièces

1. Mandement de l'Archevêque de Paris (imprimé).

2. Note du 4 Juin 1767 (voir plus loin, p. 135).

3. Note sur les Assemblées de Sorbonne (voir plus loin, p. 110.). 4. Début de conclusions contre l'Emile.

5. Minute de la lettre ci dessus donnée (HI).

6. Arrêt condamnant l'Emile (imprimé).

7. Minute des conclusions contre l'~Mt!~ (utilisant pour les phrases de style un arrêt imprimé du 27 mars 1762 contre un libelle catholique). 8. Remontrance (imprimée) de citoyens et bourgeois représentants de Genève(16 oct. 1767).

Ce sont les pièces 4 et 7 que le libraire Guy put voir sur le bureau du Procureur Général (Confessions. 1. X!).

3 Lamoignon.

< Ministre et secrétaire d'Etat, ayant dans ses attributions la Ville et la Généralité de Paris.

E., c'est-à-dire &;r!t cette annotation est mise, peut-être par le secrétaire, après que la copie de la minute a été expédiée.

e Orner Joly de Fleury, né en 1715. avocat général depuis 1746.

Addition sur la minute.

S Idem.


Aussi l'huissier s'est contenté de dresser un Procès verbal de perquisition, et de donner l'assignation à quinzaine, conformément à l'ordonnance 1.

L'expédition de cette minute se trouve aux Archives Nationales, sans aucune variante, avec addition seulement du mot Mo?M!'CMr en tête, et d'une formule de politesse à la fin 1.

Par la lettre du :o juin, le Procureur Général informe son supérieur le Chancelier, et le ministre de l'intérieur (c'est là en langage moderne ce qu'était Saint Florentin) de ce qui s'est fait au Parlement. C'est à lui, le chef des gens du roi, qu'il appartient de mettre le gouvernement au courant. Qu'est-ce donc que la lettre du Premier Président? A qui dès le 9 annonce-t-il l'arrêt du matin? Cela ne peut être qu'un office d'amitié, un avis transmis à un ami ou protecteur de Rousseau, pour que l'on veille à sa sûreté.

Quel est cet ami ? On pourrait songer au Prince de Conti, qui la veille informait la maréchale de Luxembourg de l'imminence de la condamnation Mais à un prince du sang, le MoKse~-MeMr serait dû. Restent le maréchal de Luxembourg et Malesherbes. Je pencherais pour Malesherbes, en remarquant que Rousseau ne dit nulle part que le maréchal ait reçu avant sa fuite une notification officieuse de l'arrêt il serait étonnant que la lettre de Molé ne fût pas arrivée avant 4 heures du soir, si elle avait été directement adressée à M. de Luxembourg. Si le destinataire est Malesherbes, on 1 Voyez l'arrêt au tome 1 du supplément de l'édition de Genève, ou t. XXV, p. 322, de l'éd. de Kehl in-12.

s Arch. Nation., M. 825.

s Con fessions, L XI.


s'explique que Rousseau n'en ait rien su avant son départ.

Tous ces documents aident, me semble-t-il, à comprendre le récit des CoM/6~o~. Rousseau y parle d'un co~/of c'est la part de la folie, lorsqu'il écrit et coordonne ses souvenirs. I) est visible qu'il n'a rien compris à la situation il ne s'est pas rendu compte de l'état des mœurs, de la législation et des esprits qui paralysait MM. de Malesherbes et de Luxembourg, et même le prince de Conti, et ne leur permettait pas de résister ouvertement au parti reHgieux

Rousseau vit plus tard du mystère à des choses qui s'expliquent très simplement. «On me reprochait d'avoir mis mon nom à l'Emile, comme si je ne l'avais pas mis à tous mes autres écrits, auxquels on n'avait rien dit'.)) » I[ crut à tort que ce grief était un artifice insincère. H s'imaginait qu'il savait « en pareil cas comment les choses se passent, et que l'usage est de sévir contre les libraires en ménageant les auteurs.')) Ceci n'était vrai que lorsque les auteurs ne se nommaient pas. Mais se nommer passait pour imprudence et bravade, non pas, comme croyait Rousseau, pour une noble franchise. C'était une circonstance aggravante. L'anonymat était du moins un aveu du caractère ifiicite de l'ouvrage. Rappelons-nous ce considérant de l'arrêt du o Juin « Je ne voyois pas comment on pouvoit s'y prendre pour les écarteret venir jusqu'à moi.» (Confessions, XI). Mes remarques sur le nombre des juges le font comprendre. Voir aussi les lettres de Rousseau (notamment celle du 7 Juin à Moultou il avait un peu plus de crainte et de trouble qu'il ne s'est souvenu d'en avoir eu en écrivant ses confessions. -On disait dans Paris qu'il était parti, << )e prince [de Conti] lui ayant fait entendre qu'il y allait non seulement de la prison, mais encore du bûcher ». (Bacbaumont, Mémoires secrets, 1, 94). Le prince, certainement, qui voyait bien les choses, eut grand peur pour Rousseau.

Confessions, I. XI.

s Ibid.


Que l'auteur de ce livre n'ayant point craint de se nommer luy-même, ne sc<XH/'o!7<~re ~'o/? ~o/K/?<e/?:e/:</?OM/'SM!W, qu'il est luy-même, ne sçauroit être trop promptement justice se qu'il est important, puisqu'il s'est fait connoître, que la justice se mette à portée de faire un exemple, tant sur l'auteur que sur ceux que l'on pourra découvrir avoir concouru soit à l'impression, soit à la distribution d'un pareil ouvrage, digne, comme eux, de tant de sévérité.

Ce paragraphe, et les mots ne SMMro~e~'e trop ~ro~tentent poursuivi, répondent directement aux réflexions de Rousseau sur l'invraisemblance qu'un décret de prise de corps fût rendu de prime abord. « Je savois que le Parlement était attentif aux formes, et que c'était toutes les enfreindre que de commencer en cette occasion par un décret de prise de corps, avant de savoir juridiquement si j'avouois le livre, et si réellement j'en étois l'auteur'. » I! se trompait, on le voit, totalement, et avait tort de penser que l'avis qui lui venait là-dessus était « de fabrique holbachique », pour l'effrayer.

En même temps, un autre point s'éclaire. Rousseau, qui n'a pas cru au péril avant, me semble ne pas s'en rendre encore compte après le décret de prise de corps. Son récit donne, en certains endroits, l'impression qu'on a voulu l'effrayer, lui enlever sa tranquillité, la douceur du séjour à Montmorency, le réduire à la fuite, que ses amis et protecteurs l'ont trop aisément lâché, n'ont pas fait ce qu'ils ont pu, enfin que l'on ne tenait pas à le prendre. Il se croit décrété à 7 h. du matin, il attend les huissiers à 10 heures; et il part à h. du soir. Et il est persuadé d'avoir rencontré les huissiers du Parlement en s'en allant ils l'ont reconnu, salué, et Ibid.


laissé passer. Beaudouin recueille l'impression de Rousseau et la transforme en une affirmation nette sa relation du départ de Jean-Jacques tend à démontrer qu'on voulait seulement effrayer Rousseau, le faire partir*. II cite pour nous persuader « de la tolérance de l'administration en ce qui concerne les livres interdits comme dangereux, H l'offre faite par Malesherbes de recevoir chez lui les papiers et cartons de Diderot, lorsque l'Encyclopédie fut arrêtée. Mais c'est tout confondre que de raisonner ainsi. II ne s'agit pas de la tolérance de l'administration, mais de la rigueur de la justice. Et si Malesherbes se fait le recéleur de Diderot, c'est parce qu'il ne pourrait rien pour arrêter le cours de la justice. De même, ici, lorsque le Parlement agit, toute protection ouverte cesse pour Rousseau'. Tout ce qu'on peut faire pour lui, Molé le fait en se hâtant d'écrire, Conti et Luxembourg en le faisant filer. Il serait déraisonnable de douter que le péril fût sérieux. L'effacement momentané de tous les protecteurs de Rousseau, l'absence de tous les magistrats notoirement libéraux ou philosophes, au jour de l'arrêt, la rapidité de la procédure, tout prouve que -l'on ne faisait pas un simulacre de poursuite. On pouvait, certes, rendre contre l'auteur un ajournement personnel à huitaine, le faire comparaître pour lui faire avouer que le T. I, p. 514. Beaudouin se trompe en disant que R. s'attendait à être arrêté a 7 h. C'est a 10 heures que dit Rousseau 7 h. est l'heure ou R. croit d'abord que le décret a dû être rendu.

Ibid. page 576. Gaston Maugras a bien mieux vu ('Foutre et .ROMMMM, p. 192).

3 De là la démarche de Malesherbes, fort vraisemblable, par laquelle il a retiré ses lettres des mains de Rousseau, après l'achèvement de l'impression de l'Emile (Confessions, L Xt). H ne fallait pas qu'une perquisition envisagée dès lors comme possible compromît ce haut magistrat, dont la complaisance aidait a éluder une législation absurde.


livre condamné était réellement de lui, faire des perquisitions à son domicile, et seulement ensuite convertir l'ajournement en décret de prise de corps. Rousseau avait tort de croire que cela se passerait nécessairement ainsi mais il avait raison de croire que cela eût pû se passer ainsi. Le Parlement brûla toutes les étapes intermédiaires, à l'aide du considérant que j'ai cité, et décida tout de suite la prise de corps.

Mit-on quelque lenteur dans l'exécution, après avoir apporté tant de hâte à la décision ? Les documents nous permettent d'écarter les conjectures de Rousseau et de Beaudouin.

Disons d'abord qu'il est fort possible que Jean-Jacques ait rencontré, comme il l'a cru, les huissiers du Parlement, entre Deuil et Montmorency, un peu après heures 1. C'est en enet dans l'après-midi du 9 qu'ils sont venus pour le prendre la lettre du Procureur Général nous le fait savoir. Mais les huissiers l'ont-ils salué? ont-ils souri, s'ils l'ont salué? l'ont-il reconnu, s'ils ont souri ? Cela, nous n'en savons rien. Rousseau a peut-être cru lire dans leur attitude, dans leur politesse ce qu'ils n'y mettaient pas. Après tout ces huissiers pouvaient ne pas connaître Jean-Jacques et s'ils ont salué, ils saluaient peut-être moins le voyageur inconnu que la chaise de poste, le postillon, l'équipage de marque qu'ils rencontraient sur la route. Il est faux qu'ils soient venus si tard pour lui laisser le temps de partir. Rousseau s'est trompé sur l'heure où l'arrêt fut donné. Il l'a cru d'abord rendu à 7 heures et il attendait les huissiers à 10 heures'. Il a été Confessions, 1. XI.

Jttd.


surpris de rencontrer les huissiers après heures, et on lui a dit plus tard que le Parlement ne l'avait décrété qu'à midi Tout cela est inexact. Le procès verbal et les lettres que j'apporte font foi que l'arrêt a été rendu le matin. C'en est assez pour que nous puissions préciser l'heure. La Grand Chambre avait une petite audience à y heures mais ce n'était pas pour les causes du genre de celle de 1' La grande audience avait lieu, en cette saison, de 8 h. à i o h., c'est là qu'on jugea le livre de Rousseau". Les gens du roi entraient pour faire leurs réquisitions l'avocat général parlait, lecture était donnée des conclusions du Procureur Général. Puis les gens du roi se retiraient pour que la cour délibérât. Ce n'était donc qu'après la séance que l'arrêt était transmis au Cabinet du Procureur Généra! donc après 10 heures. I! fallait mander les huissiers, leur donner des ordres. Les huissiers ne se mettaient pas en route sans formalités, sans papiers il leur fallait une commission, une expédition de l'arrêt. Ils ne pouvaient évidemment pas sortir avant le commencement de l'après-midi. Et l'on ne doit pas s'étonner que, partant du Palais, leur carrosse de remise n'atteignît Montmorency qu'après 4 heures. II n'y eut pas de temps perdu, et l'on ne peut trouver dans tout cela une bonne raison de mettre en doute le désir du Procureur Général de s'assurer de la personne de Rousseau.

L'Emile ne fut pas seulement condamné par le Parlement la Faculté de Théologie le censura. 7Md.

Encycl. méthod. Art. Parlement. ~~aKac~ t-oy~,1762, p. 201.


Cette censure fut imprimée je n'en parle donc pas. Le syndic de !a Faculté, Gervaise, avait te 7 juin dénoncé l'E~/c à t'assemblée des DcpM~s ordinaires. Après avoir entendu !a lecture par lui faite de plusieurs passages du livre', les députés décidèrent de porter l'affaire à l'assemblée générale. Voici quelques détails sur ce qui se passa dans les réunions de la Faculté. IV. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX

DES ASSEMBLÉES DE LA SORBONNE.

~7vA. 7V~. ~M'. 258

Coizelusiones ~[acra?] 7~'CK~a<MjPay'MM~sM, <M/!0

~759 ~778, P. 57.

Assemblée générale ordinaire du i" Juillet 1762. ~/?/:o Do/H: ~762 ~'e /O~M ~~M~' post MMSC: 6~M SC/!C~ u/'o /Mo/'e ce/e~a~/K /<a& SM/!< M af<~ /K<o/ CoMe~'t 6'o/o/!<? co/K~t'a s. /ac!<~a<~ ~e/:cr<x~, ea~f<e or~M<2/'M, M <7K:6M&

8° <;0/!S:7M DD De/?M<a<0/'M/K O/Ma/'t'Oy'H/y: ~/M/'</7!<3' re<M~ !'<K Dz~. D. ~yn~eKS C'C6[ M/'M/T! CM! ~t~M~MS Emile ou de l'Education.

OKt&MS D/'0/'OS:7M e/ <Me/'a~'0/!e/K /?!MM M. N. ~OSe/?Ao XaM~! /?M~:S<0/'M/K a~<2M<K/! a/M!'0/'e,

~'acy'<: ~:CH/<a~ ~°.

70 ~o~n'~ M< <</M~ /?e/e< ad ~M/M CM! ~M~/s Emile ou de l'Education /-e/e/e<M/' sM&se~Me/t<! co/tc~MS!'o/:e /!e !'S<M~' M<?JO<j!'M/M :7ay-<M NCMSM/K ~a/-MS ~M<y-~KC/-e<Mr :'M coM/Ke/r/M.

Censure de ~aetthd de r~~o~te de P~Ws coKt)-e Hore qui a pour i~re l'Emile ou de l'Education. ~L ParM chez 1,6 Pft<Mf, 1762, in-8. Dans l'exemplaire de ia Bibliothèque nationale, (Inv., D, 29513) & la fin du volume est ajouté ie jBre~ dtt Pape CM~eKt XjT~7 (26 octobre 1763), Paris, 1764, remerciant la Sorbonne de l'envoi des censures du P. Berruyer et de Rousseau.

s B~<~tts des y~t~M de fttcM~ederAeo~M en tête de la Césure imprimée. des question dans la ces extraits que de la séance du 7 juin, et de ceUe du 1" Juillet, et dans derniëre, sans aucun séance uniquement de celle du 1" Juillet. et de cette dernière, sans aucun détail, uniquement pour encadrer les discours du syndic Gervaise.

Gervaise.


Ainsi rapport du syndic Gervaise, délibération et renvoi à la prochaine assemblée pour ne pas morceler la discussion d'une si importante affaire, et l'éparpiller dans les procès-verbaux.

P. 58.

Assemblées des lundi 2, mardi 3 et mercredi 4 août. –4° Retulit SMMMa~?! S. M. N. Adam <yMi'<~<j' /?/'a?~7K/K est a SS. Af. /!OS~M 07'~i/tN/M 6~0K~S, ~e/?H<a~yKe pro ce/t~K/'a libri CM: titulus de l'Esprit', pro adornanda cens<<2 ~&<e<! Emile ou de l'Education.

<~M<6MS CH~M et in deliberationem /MMSM S. Af. N. C/<e/-e< ~a~M/y-orM/M a~K/M a/M!'o/-e,

6'ac/'<~ /'acK~cN ~o.

3° Grates retulit amplissimas S Af. ~4<~a/7! ob $Ka/K relationem exiinianz eo/'M/M <jr«a? a SS Af.Vy:os<M<~6yK<a<MN/'K'/<~ SM/<< in negotio ce/Mra? libri CK!'<<M~KS, Emile ou de l'Education.

yKM!'< ut ~M!f~K~ paratum et elaboratum /K/K a D< D. ~t'co <K/K a SS ~~f nostris deputatis circa ce/MK/'a/M libri de l'Education <yKO~yMe o/?!A:e lectum /?<!< alla voce et distincta a S. M. ~V. /)a<re Bonhomnze in co/M:M <e/'M/?2 et 3~ ~e/?o~e/'e<H/- in a?~!&M~ S. Facultatis lit penes esset «/tM/?!yMe~yKe /Ma!~M<K/M illilm perpendere et nasute dis<Me/'e.

Sur cette assemblée de trois jours j'ai de plus une note anonyme adressée au Procureur Général, qui complète le Procès verbal.

Ainsi aux députés ordinaires, pour rédiger la censure de t'BtKt~, on a adjoint les commissaires qui jadis avaient fait l'examen du livre d'Helvetius. Il n'était donc pas mort, comme dit Quérard, le 9 septembre 1759. Ce gMt~Mtd paratum est le discours dont il est parlé dans la note en français qui suit, et qui fut en effet imprimée en tête de la censure (p. 4-14). Ce discours contient une violente invective contre Rousseau, et un portrait satirique tout à fait analogue à celui qui fut remarqué dans le Mandement de l'Archevêque de Paris.


V. NOTE SUR LES ASSEMBLÉES

DE LA SORBONNE.

Coll. 7. de F. Vol. 373, 209.

A Monsieur

Monsieur le Procureur Général du Parlement,

rue Saint Guillaume,

à Paris.

Assemblée de la Faculté de Théologie du prima-mensis d'aoust 1762. Tenue le lundi 2 et continuée les mardi et mercredi 3 et 4. Gueret, curé de Saint Pol, président Xaupi, premier opintant

Dans cette assemblée de trois jours, il n'a presque été question que d'un projet de censure contre le livre de l'.Ea!HC<o/! de M. Rousseau de Genève, dressé par les commissaires, et d'un beau discours que M. le syndic' a composé pour lui servir de préface. Le tout a été lu et fort goûté, et on a fixé une assemblée au lundi 9 du mois pour terminer cette affaire.

4 des commissaires ont principalement travaillé au projet de censure, savoir M. Hockey professeur de la maison de Sorbonne, 1 Comme le plus ancien des docteurs présents.

S Par droit d'ancienneté. C'était surtout un érudit. Voyez ses publications dans Quérard (X. 543).

L'abbé Gervaise qui, l'année suivante, écrivit en faveur de la censure contre les critiques du rédacteur des Nouvelles Ecclésiastiques. Cf. Quérard (VII, 211 et 505).

4 Auteur des P)':KCtp:et religionis KafMf~Hs, fece~at~ et c~~oHcœ in usum ~cŒdemt~j'MBetttMtts, 1754, in-12. M. Hook ne devait pas être disposé a fermer les yeux sur les « impiétés x et « erreurs de la Profession de foi du Vicaire savoyard. C'était lui qui avait donné le visa a la thèse de l'abbé de Prades, et qui, sans la relire dans l'imprimé, avait présidé la soutenance. Il avait eu beau se déclarer ensuite coupable d'inadvertance, de négligence, et s'élever vigoureusement contre la thèse qu'il avait acceptée. Cette affaire lui avait coûté sa chaire de professeur; on l'avait chassé de la maison de Sorbonne. H avait été rétabti en 1754 dans ses privilèges de docteur de Scrbonne il venait en 1762 de l'être dans sa chaire par le Parlement, malgré l'Archevêque de Paris (cf. Lettre de M. l'abbé Hook à Mgr l'arch. (le Paris, 1763, in-12). Il avait besoin de signaler son zèle.


le P. Bonhomme corde(r)her,' et Mrs Le Grand et de Nance, docteurs sulpitiens.

Ainsi rapport sur le travail des commissaires; députés ordinaires et rédacteurs de la censure de l'Fs~r~ lecture du projet de censure par le P. Bonhomme dépôt de ce projet à la Sorbonne pour permettre à tous les docteurs qui voudront de l'examiner à fond. On a dit que la censure de la Sorbonne avait été rédigée par t'abbé Le Grand'. On voit qu'il faut faire une part aux trois docteurs Hook, Bonhomme, et Denans. Si l'on s'attachait au fait que le P. Bonhomme a été chargé de lire le projet à l'assemblée, on en conclurait qu'il a été le principal rédacteur mais i[ n'a peut-être dû cette mission qu'à la vigueur de ses poumons.

Je reviens aux procès-verbaux.

P. 59.

Assemblée du lundi 9 août 1762. Présidence de Gueret, doyen des docteurs présents discussion sur r~Vc. 1° DMc'MSsa; <~e/<~i!o/-M~ po~ xM~e/' libro c/«'<~K~/s Emile ou de l'Education.

1 Bibliothécaire des Cordeliers, qui attaqua l'Encyclopédie et critiqua le déisme de Voltaire.

Il prit grande part encore à la censure de l'foM-e du Peuple de Dieu de Berruyer et à celle du ZMts<tu'<! de Marmontet cf. la notice de bl. Bertrand, Bibliothèque sulpicienne t. 1., page 361-394.

3 Je ne trouve point de De Nance dans la Bibliothèque sulpicienne. Il s'agit sans nut doute de Fabbé Denans (1717-1733) qui venait d'être placé à la tête du petit séminaire d'Issy (t. 1. page 413).

Quérard, à l'article Le Grand et à l'article Rousseau (t. VIII, p. 211) Picot, Af~tK. pour servir à l'Hist. Ecclés. pendant le s., t. IV, p. 111. n. 1. Bertrand, .Bt& sK~pte. t. I, p. 378-3~0, écrit « Dans cette assemblée qui se tint le 1" juillet suivant, on résolut de travailler sans délai à une censure motivée de l'ouvrage, et M. Le Grand fut chargé d'en rédiger le projet ». Rien de pareil, comme on voit, n'est dans les procès-verbaux. La suite n'est pas non plus tout à fait exacte « Il la fit avec tant de zèle et d'activité que son travail fut en état d'être soumis vers le milieu du mois d'août suivant à l'examen de la Faculté qui l'approuva par une délibération du 20 août 1762 et en ordonna aussitôt la publication. » (P. 379).


Assemblée du mardi 17 août. Die /Kay'<s ~7" aug. 1762, S. ~Cf~~S, P[/-a'S~e] S. M, N. Xc:K/ /K~S~-0/'K7K adstantium antiquiore, SKa habuit comitia ~C/:er<~Mi eaque e~aor~Ma/'M, yMa? /?/'o/'o~<a: sunt in diem Veneris 30" /)/-aese/!<s/Me~~M ut in iis <e/:SK/'a? libri CM! titulus deFEducation manus ultima a~M~e/'e~Mr conclusum :<e/'ea dictam ce/~M/-a/M latine s:/y!M~e< gallice esse publicandam et étiam S. .$'. /!OS<M distribuendam.

C'est à dire renvoi au 20 pour mettre la dernière main à la censure décision de l'imprimer en latin et en français et de la distribuer à tous les docteurs.

Assemblée du vendredi 20 août 1762. Die Veneris aM~. j'762, S. Facultas sua /t~M:<co/M:'<Mj~e/Me~Mee.y<y'ao7-dinaria, in <jfK!'&Ms, P. S. M. Gueret /M~M<ro/'K/K adstan<M/K <7/!<t'7K/0/'e, post lectam et CO/Z/HC~/K ~XCe~7!<i;'M/7! comitiorum CO~f~KSMne~, placuit sacro ordini ut quid<7K~ spectat ?'ej!/?:e/: ~o~'<!CM/M in cey:&'M/ libri CM: ~<M~M Emile ou de l'Education a deputatis ~~or/ta<a eo/!<a/te7'<~My, /o<M/7!~Ke illud ~~7-OMey'e~My' de monitis :H/~<MS:M: BosSHC~'t ad Protestantes datis; 2° ut De~Mj!a<07-K/M opus in c~ey'Ma se/o~a~H/M latine simul e~aH:ee exaratum sinet mora ~M~C<M'e<M/

La Faculté décida que toute la partie politique de la censure de l'Emile serait resserrée, et qu'on en tirerait toute la doctrine des Avertissements de BosSM~ aux Protestants. Elle approuvait le reste de l'ouvrage des Députés, et voulait qu'on le publiât sans retard en latin et en français. En effet, dans la Censure imprimée, toute critique personnelle des rédacteurs sur les idées politiques de Rousseau a disparu, et l'on s'est contenté de citer deux passages de Bossuet*.

1 Censure etc., p. 319-328 et 329-330.


P. 61-62*. 1.

Assemblée générale ordinaire du Dimanche 4 novembre 1762. Le syndic demande que la censure soit tenue pour authentique sans être transcrite dans le registre des Procès-verbaux, et rappelle un précédent qui permet de se contenter d'en déposer un exemplaire signé du Doyen, du syndic et du greffier. 6° C~peya? pretium /M<M/'f</K arbitrari se dixit Dig D. ~t<~{CU.S si ad summum .PoM~Ce/M CSTMM/'a? a sacra Facul~ea<~oyvïa<as /K:~eA'e/M/ scribereturque epistola, pro hac ~ee non a co/K~M generalibus ob a/!gKS<M/K temporis, sed a <~DM<a<M probata ordinariis.

Ces deux propositions, mises en délibération sous la présidence de l'abbé Grégoire, sont adoptées.

P. 64-65.

Assemblée générale ordinaire du 4 Janvier 1763. Le syndic donne lecture des lettres qui lui ont été adressées par les Cardinaux de Luynes et de Bernis, et par les évêques de Carcassonne et de Nevers, pour remercier la Faculté de l'envoi des censures des ouvrages du P. Berruyer et de Rousseau. Le greffier a annexé ces quatre lettres au Procès verbal.

Je me borne à transcrire celle de Bernis.

LETTRE DE SON EMINENCE

M. LE CARDINAL DE BERNIS

Au Plessis, le 31 X' 17 6z

J'ai reçu, Monsieur, l'exemplaire de la première partie de la censure que la Faculté de Théologie a fait de l'ouvrage du P. Berruyer, que vous avez bien voulu m'adresser de sa part. Je vous prie de rendre à la Faculté de la manière la plus sensible les témoignages de ma reconnaissance pour une attention si flatteuse, et de lui témoigner en même tems la haute estime que j'ai pour elle, et l'approbation entière que je donne au zèle qui la porte à 1 Je me contente ici d'analyser, en citant le passage principal. 2 C. a. d. celle du P. Berruyer avec celle de l'Emile. Le pape accusa réception par un bref (cf. plus haut. p. 108. n. 1).

S Armand Bazin de Bezons, et Jean Antoine Tinseau.

< L'histoire du peMp~ de Dieu qui occupa très longtemps la Sorbonne, ainsi que diverses dissertations du même auteur.


deffendre la Religion. Il me semble que l'esprit de nouveauté, d'erreur, d'indépendance et d'impiété qui se manifeste dans plusieurs ouvrages de notre tems, force nécessairement la Faculté de Théologie à le poursuivre et à le confondre l'autorité de la Sorbonne est très grande dans le monde chrétien, et le monde sçavant est accoutumé depuis des siècles à respecter ses décisions: ainsi les censures de la Faculté me paraissent être un des meilleurs remèdes qu'on puisse employer contre le poison dont plusieurs livres nouveaux sont infectés. Tels sont mes sentiments; je vous prie, M., d'en rendre compte à la Faculté et d'être persuadé, etc.

Le Cardinal de Bernis

II n'est pas question de Rousseau dans cette lettre, et c'est ce silence qui la rend piquante. Le cardinal répond à l'envoi des deux censures, qui s'est fait en vertu de la délibération du 17 août. Tandis que les trois autres prélats nomment Rousseau et Berruyer, que l'évêque de Nevers les appelle « deux auteurs pernicieux, mais dans des genres différents M, que le cardinal de Luynes développe ses sentiments de réprobation à l'égard de l'Emile, Bernis lui, ne parle que de Berruyer, et il se jette dans les plaintes générales sur l'esprit de nouveauté, d'erreur, d'indépendance et d'impiété, sur le poison des livres nouveaux, dans l'éloge général de la Faculté si respectée du monde chrétien et du monde sçavant, et dans l'admiration de l'utilité de ses censures. C'était un homme d'esprit que ce cardinal de Bernis, qui peutêtre écrivait à Voltaire le même jour qu'au syndic Gervaise

Ces quatre remerciements sont les seuls qui soient mentionnés dans les procès verbaux. J'espère pour la Faculté de théologie qu'elle en reçut d'autres. Mais 1 Voltaire lui écrivit le 7 octobre 1762 et le 25 février 1763: entre les deux lettres se plaça une réponse de Bernis.


probablement ceux-ci furent les seuls que le syndic jugea assez flatteurs pour être lus à l'assemblée. Enfin les procès verbaux nous permettent de rectifier les dates erronées qu'on a données pour la publication de la CcM~Mrc.Beaudouindità à tort qu'elle est du 1er juillet*. On a dit aussi inexactement qu'elle avait paru le même jour que le M~K~MëH~ de l'archevêque de Paris, le 20 août. En réalité, elle ne fut prête que pour le commencement de Novembre; la distribution en est postérieure au 4.

LETTRES ÉCRITES DE LA MONTAGNE II. LETTRE DU

PROCUREUR GÉNÉRAL.

Coll. J. de Fl. t. 397, fo ~6

Ecrire à M. le vice-chancelier 2

et à M. le Comte de Saint-Florentin

E. le 19 mars 1765

J'ay l'honneur de vous informer qu'il y a eu ce matin une assemblée de Chambres.

On a commencé par y prendre une délibération qui a continué à la huitaine celle qui avait été remise à aujourd'huy au sujet du Parlement de Bretagne.

Il a été ensuite rendu deux arrêts séparés.

Le i"' ordonne que deux Imprimés ayant pour titre l'un Dictionnaire philosophique portatif et l'autre Lettres écrites de la Afo/!<a~/M~)a/ea/! Jacques 7?o~MeaM seront lacérés et bruslés par l'exécuteur de la haute justice.

Le second arrest prononce la même condamnation contre trois autres imprimés intitulés l'un Avis important adressé à /VoMei;T. II. p. 160.

Cette charge avait été créée en 1763 en faveur de M. de Maupeou le père, ancien premier Président du Parlement.


~7!6M/'s les Cardinaux, <2y'c~e~6y?/es et évêques, etc., l'autre Lettre d'un Cosmopolite, etc., et le 3" Réflexions i!M~<x/M~es d'un ~'aMcaz's papiste et royaliste, etc.

C'est une lettre officielle où le Procureur Général rend compte à ses chefs de ce qui s'est passé le matin au Parlement.

Rien à remarquer sur cette notification elle-même. En la rapprochant de celle de l'arrêt du g Juin 1762, envoyée seulement le lendemain, tandis que celle-ci date du jour même, on peut se demander pourquoi en 1762, le Procureur Général a attendu d'avoir été instruit du résultat négatif de l'expédition de l'huissier, pour informer le ministère de l'arrêt ? A-t-il voulu simplement s'épargner une lettre ? ou plutôt n'est-ce pas que, pour le P. G., l'arrêt et la prise de corps de Rousseau étaient inséparables et que le décret sans l'exécution n'était rien pour lui ? Il rend compte des opérations de la journée du o, lorsque tout est fini nouvel indice qu'il ne s'agissait pas d'une vaine démonstration. En 1765, les arrêts se suffisent à eux-mêmes, les auteurs étant absents ou inconnus.

VIII. L'ARRÊT ET LES JUGES.

Arch. Nat. XI A 8529

Conseil secret y. H. f° 443

(Obmission du 19 mars !765~)

« Du Mardy dix-neuf mars 1765

Du matin

Toutes les Chambres assemblées »

Dans cette séance furent rendus deux arrêts, l'un contre le Dictionnaire philosophique de Voltaire et les Ce procès verbal n'est pas à sa place dans le registre.


Lettres écrites de la MoM~~e de Rousseau, l'autre contre trois libelles en faveur des jésuites et de l'épiscopat l'Avis z~or~H~ Nosseigneurs les Car~KaM~etc., 1765; jLe~rc~'MM cosmopolite, etc., 764; les Réflexions !ar~ etc., 1764. Ces deux arrêts ayant été imprimés, je ne les reproduis pas.

Je donnerai comme pour t'-E'7e, les noms des juges. Mais parce qu'ils sont fort nombreux cette fois, je ne suivrai pas l'ordre d'inscription du registre qui ne distingue que les conseillers de la Grand Chambre en les mettant à la marge et confond toutes les autres chambres. Pour plus de clarté, et pour qu'il soit plus aisé de se rendre compte de la composition du tribunal et des manquants, je suivrai l'ordre de l'Almanach royal. Etaient donc présents

GRAND CHAMBRE

Présidents.

iy63*M~. René Nicole Charles Augustin de Maupeou, chevalier, p. 2

ty52 M. Etienne François d'Aligre.

!y55 M. Louis François Paul Le Fèvre d'Ormesson. jySS M. Jean Baptiste Gaspard Bochard de Saron. !y58 M. Chrétien François de Lamoignon. !y58 M. Anne Louis Pinon.

1763 M. Armand Guillaume François de Gourges. 1764 M. Michel Etienne Lepeletier de Saint Fargeau s. Cette date est celle de l'entrée en charge donc pour les présidents, la date de leur élévation à la présidence; pour les conseillers, la date de leur réception au Parlement.

P = premier (président).

Ce sont les Présidents a mortier. Il y en a un d'absent, René Ange Augustin de Maupeou, et il y a une vacance.


Tous les présidents à mortier honoraires, manquent, ainsi que les conseillers d'honneur.

CoHM!ers

1706 Severt, doyen.

1708 Fermé.

1717 Titon.

1720 Mayneaud de la Tour.

!72o Barré.

1720 Le Prêtre de Lezonnet.

1725 Berger de Ressye.

1726 Roland de Juvigny.

1728 Poitevin.

!73o Blondeau.

1731 De Gars de Fremainville.

!733 Goislard.

1735 Robert de Monneville.

:735 Tudert, clerc.

!736 Terray, c/.

1737 De Sahuguet d'Espagnac, c/.

1738 Lenoir, c/.

1738 Farjonel d'Hauterive, cl.

1738 Chauvelin, c/.

t73Q Regnault d'Yrvat. c/.

1730 Sauveur, c/.

Douze conseillers sont absents.

Pres~M~ AoKor~!rM des Enquêtes et Requêtes ayant séance à la Grand C~M~rc

1739 Gaultier de Bésigny, ci-devant Président de la lIe des Requêtes.

Des 17 présidents honoraires, c'est le seul qui soit


là. Manquent notamment Hénault, Durey de Meynières, le comte de Guébriant.

Conseillers honoraires à la Grand C/M~~rc

1715 Renouard, Président de la cour des Aydes. C'est le même qui a siégé dans l'affaire de t'E~c. 1720 Aubry.

1732 Jacquier de Vieismaisons.

1738 Moron de Marnav.

Manquent 46 honoraires.

CoH~7/~ AoKor~r~ aux ~'?~Me/M et requétes t 749 Le Mairat, Président de la Chambre des Comptes. 1752 De Flesselles, Maître des Requêtes, Intendant à Rennes.

1758 Paris de la Brosse Président de la Chambre des Comptes.

Dix absents.

PREMIÈRE CHAMBRE DES ENQUÊTES

Président

1751 Bourrée de Corberon.

Manque le président de Chavaudon.

Conseillers

J737 Dubcdsd'Anisy,~o~M.

1737 Noblet de Romery.

1740 Héron.

1740 Pommyer, cl.

'743 Berthelot de Versigny.

1745 Nigon de Berty.

1745 De Glatigny.

1747 Dubois de Courval.


1747 Tubeuf.

1749 De Malezieu, clerc.

1749 D'Abos de Binanville.

tybo Cochin.

1751 Chabenat de la Malmaison'.

1752 Jullien.

1753 Lambert de Saint Omer.

iy5g Bourgogne, cl.

1760 Amelot.

1760 Maynaud.

1760 Michau de Montblin.

ty6i Débonnaire de Forges.

1762 Anjorrant.

!y62 Talon.

Manquent 8 conseillers.

DEUXIÈME CHAMBRE DES ENQUÊTES

Président.

1764 Charlet.

Absent le Président de Boulainvilliers.

Conseillers.

1736 Chavannes, doyen.

tySy De Goujon de Thuisy.

1730 Brisson.

1739 Roland de Challerange.

1740 Clément de Feillet.

:743 Bragelongne.

174.3 Bory, clerc.

Ferrand

A moins que ce ne soit Chabenat de Bonœil de la 2'. Le grefûer n'inscrit que le nom de Chabenat.

s [I y avait deux Ferrand m<or et mener b cette 2* chambre, reçus en 1746 et 55 j'ignore lequel des deux était présent.


1747 De Chavaudon de Saint Maure.

!747 Fredy.

1747 Roualle.

1747 Anjorrant de Tracy.

1748 Du Puis.

1748 Lambert.

t75i Terre de Barnay, c/.

1751 1 Le Roy de Roulé.

1758 Pasquier

de la Guillaumye*.

1759 Gayet de Sansale, cl.

176! Du Pré de Saint Maur.

Huit absents.

TROISIÈME CHAMBRE DES ENQUÊTES

Présidents.

1758 De Murard.

1758 Angran.

Conseillers.

1736 Brochant du Breuil, doyen.

1738 De Bèze de la Belouze.

1739 Roussel de la Tour.

1739 Boula de Montgodefroy.

1739 Duport.

!74o Le Febvre d'Ammecourt.

1740 De Manneville de Belledalle.

1740 Nau.

1740 Le Rebours.

1742 Pinterel de Neufchàtel.

it'~ de la Guillaumye à la même chambre, reçus en 1758 et en 1760. On ne peut savoir lequel est ici désigné.


ty~.6 Louvel de Repainville.

!74.8 Robert de Saint Vincent.

ty~8 Nouet.

17 Si Le Maistre de Saint Peravy.

1761 Gueau de Reverseaux.

1761 De Gars.

1762 Radix.

Dix absents.

PREMIÈRE CHAMBRE DES REQUESTES DU PALAIS ~re~~H~.

1~58 Boutin.

!y6o Rolland.

Co?zse!cr~.

1743 Peirenc de Saint Priest, doyen.

i~5! Le Duc.

ty62 De Chavaudon de Montmagny.

!y62 Aubin de Plancy.

1762 Caze de la Bove.

!y63 Bruant des Carrières.

iy63 Lambert Deschamps de Morel.

!y63 Bourgerin de Moligny.

!763 Guerier de Bezance.

1763 De Ricouart d'Herouville.

1764 Camus de Pontcarré de Viarmes 1.

1~65 Serre de Saint Roman.

Trois absents.

1 A moins que ce ne soit le Conseiller d'Etat, conseiller honoraire à la Grand Chambre (reçu en 1721).


SECONDE CHAMBRE DES REQUÊTES DU PALAIS Président.

1768 Hocquart.

Absent le Président Le Moyne.

Conseillers.

1743 Laurès du Meux, doyen.

!746 Drouyn de Vandeuil.

lySi Nouveau de Chenevières.

!75o Gaultier de Chailly.

!763 Masson de Meslay.

1763 De Dompierre d'Hornov'.

1763 Hocquart de Mouy.

1764 A)bert

764 Freteau.

1765 De Vin.

1765 De Bretignières.

Trois absents.

H y avait donc :24 magistrats présents, sur 16g présidents et conseillers et 86 honoraires (présidents ou conseillers) je ne compte pas les conseillers d'honneur. C'est donc par la moitié environ du Parlement, par les trois quarts environ des membres actifs que les Lettres écrites de la Mo/~a~e sont condamnées. Ce nombre imposant de 124 juges contraste avec les onze qui ont décidé de brûler i'.E~7c. Mais ce C'est le petit neveu de Voltaire, fils de Madame de Fontaine. ~n))~ ~i un court pamphlet CoU Probablement celui contre lequel fut écrit y rappelle un court pamphlet (Coll. Joly de Fleury, vol. 1683, fo 396). On y rappelle à ce serviteur de la politique de la cour son ancienne liberté et les «liaisons d'intimité qui avaient été entre lui et MM. de Chavannes, de Bretignières et Robert, c. a. d. avec les plus grands frondeurs de ce qu'on appelle ici despotisme. »


n'est pas en l'honneur des Lettres de Rousseau, ni même du Dictionnaire philosophique de Voltaire que )e Parlement délibère « toutes les chambres assemblées. » Cette procédure extraordinaire' intervient parce qu'il s'agit de défendre les droits de la Compagnie et c'est pour lutter contre les évêques et les jésuites, et tout leur parti, que la Grand Chambre a décidé ou accordé la réunion de toutes les chambres. Elle a donc lieu à cause des libelles religieux, et non à cause des écrits philosophiques. Et l'on peut en conclure que l'affaire principale du jour est bien la condamnation des trois brochures catholiques, non pas la condamnation des deux ouvrages de Voltaire et Rousseau.

Les trois libelles religieux condamnés par le second arrêt du 19 mars me paraissent contenir quelques passages qui éclairent les intentions du Parlement dans ses rigueurs contre les écrits philosophiques. C'est ce qui m'engage, quoiqu'ils soient imprimés, à en signaler quelques lignes.

IX et X. EXTRAITS DES LIBELLES RELIGIEUX

CONDAMNÉS LE Ig MARS 1765.

Lettre <n! cos~ojpo/~e sur le réquisitoire de M. Joly de Fleury et sur l'arrest du Parlement de Paris du Janvier qui condamne au feu l'Instruction pastorale de M. l'archevêque de Paris du .2~ octobre 77~.

Paris iy65

On y reproche au Parlement

cet esprit de tolérance qui embrasse le Juif et le Gentil, le deiste et le matérialiste, toutes les sectes, toutes les erreurs'. 1 Cf. Encycl. méthodique. art. Assemblée.

P. 23.


Et en note

Paris est inondé de livres impies, le Parlement en a condamné quelques uns; mais il est de notoriété publique qu'il ne fait point faire des recherches chez les libraires et qu'il ne servit (sévit) point contre ceux qui continuent de les débiter.

On oppose à cette faiblesse l'activité des poursuites contre les libelles religieux la police a pénétré jusque dans les couvents de filles pour rechercher l'Instruction pastorale. Enfin la lettre essaie d'attribuer au Procureur Général Joly de Fleury des sentiments et une conduite de philosophe

Avis n~or~K~ adressé à ~VoxM~eMrs les Cardinaux. Bruxelles 1765.

Même reproche de tolérance pour les libelles qui menacent le trône et l'autel.

Que si quelqu'un de ces premiers écrivains eût été traité selon la rigueur des loix du royaume, on n'eût pas été forcé de les faire tomber sur un étranger' qui, à ce titre, les méritait moins que beaucoup d'autres 2. S'il se fût défendu autrement que par la fuite, s'il s'était présenté devant le Tribunal respectable qui l'a décrété, il eût pu reprocher aux Evêques leur silence, aux Magistrats leur inaction, à la Cour son indifférence.

Il eût pu dire à tous.

~o«s, Magistrats, qui vous êtes contentés de SMDD/Me/' ou lacérer des livres quand vous auriez </M faire lacérer les auteurs' vous, Intendant de la librairie, qui, avec vos per/KMSMMS tacites, avez tout laissé imprimer, excepté ce qui M. Jean Jacques Rousseau de Genève. (Note du libelle).

2 Ceci est l'argument même sur lequel Rousseau se reposait, Conf., XI; Lettre du 7 juin 62). Mais on l'invoque moins en sa faveur que contre les philosophes français, Voltaire, Helvetius et autres.

° Ceci est à rapprocher des Con fessions (XI), à propos de la condamnation de l'Emile « On entendait dire tout ouvertement aux Parlementaires qu'on n'avançait rien à bruler les livres, et qu'il fallait brûler les auteurs. La première fois que ces propos, plus dignes d'un inquisiteur de Goa que d'un sénateur me revinrent, je ne doutai point que ce ne fut une invention des holbachiens pour tâcher de m'effrayer et de m'exciter & fuir. x On voit que les holbachiens étaient bien innocents en cette circonstance.


CO~Ca!< ~e utile, vous ministres 6~ Roi, qui, 0!~HSa/!< de votre c/'e~ avez /HM dans des emplois ceux ~K'!7 /aKo: mettre dans des cachots J'ai eu tort ~'ecr~e mon Emile, mais avant cela j'avais écrit contre les spectacles, et n'en avois eu ni applaudissement ni récompense un aM<CM/' écrit en laveur des spec<ae~e. et on lui donne une pension. « Le Parlement de Paris, écrivait Rousseau à Moultou le y Juin 1762, pour justifier son zèle contre les Jésuites, veut, dit-on, persécuter aussi ceux qui ne pensent pas comme eux ». On voit, par les extraits que je donne, la pression qu'il subissait.

Le Parlement se portait, je crois, de lui-même à sévir contre les livres des philosophes son jansénisme nous répond de son intolérance. Pourtant il est vrai qu'il agissait avec plus de suite et de passion contre les écrits jésuitiques et épiscopaux il y allait, dans cette lutte, de ses privilèges; et de tout temps aussi les sectes d'une même Eglise se haïssent plus qu'elles ne haïssent l'adversaire commun le Parlement gallican et janséniste en voulait sinon plus, du moins plus chaudement à certains catholiques qu'aux philosophes. Mais des libelles, comme ceux que je viens de citer, le réveillaient, l'aiguillonnaient, lui réclamaient des preuves de zèle religieux, c'est-à-dire d'intolérance ils l'obligeaient, en frappant les uns, de bien penser à ne pas ménager les autres de là les deux arrêts couplés du ig mars. Si le second arrêt condamnait les libelles religieux, le premier arrêt les réfutait sur le reproche qu'ils faisaient au Parlement.

Malgré tout, il ne faudrait pas exagérer, et s'imaginer que le Parlement et son Procureur Général se soient portés mollement à sévir contre les philosophes. Après les deux arrêts du i g mars, l'information fut


poussée activement contre les auteurs, éditeurs et colporteurs des libelles condamnés. La collection Joly de Fleury en contient les traces Les notes du Procureur Général, ses lettres au Lieutenant de police, au Procureur du Roi à Lyon, au Vice-chancelier et à SaintFlorentin, les notes du premier président Maupeou, les bordereaux divers qui donnent l'état de la procé1 Dans les deux dossiers des volumes 397 (f° 98 et suiv.) et 1683 (fo 354 et suiv.). Le volume 397 contient.: 1, 2, 3 trois arrêts (imprimés) des Parlements d'Aix et de Toulouse contre des brochures religieuses, parmi lesquelles les trois du second arrêt du 19 mars 4° la lettre du P. G. donnée ici p. 115. 5° Copie manuscrite des conclusions contre les deux écrits de Voltaire et de Rousseau. 6° Note du P. G. pour le classement des pièces. 7° Note des colporteurs des libelles philosophiques (ici p. 130). 8° Minute de lettre du P. G. au vice-chancelier et à Saint-Florentin, 26 mars 1765. 9" Note du Président Maupeou. 10° Lettre du lieutenant de police. 23 mars (ici, p. 129). 11° Note du lieutenant de police sur le cocher Bordel, 23 mars. 12° Billet de Maupeou au P. G. sur des témoins à assigner. 13° Note sur le cocher Bordel, sur le nommé Bouvet, et autre note sur le MctMK/tcure philosophique (ici p. 129). 14° Arrêt du 19 mars sur les trois libelles religieux (imprimé). 15° Lettre du lieutenant de police, 21 mars, envoyant des noms de témoins a assigner A cette lettre était annexée la pièce 13. Les pièces 7 et 11 étaient annexées à la lettre du 23 (pièce 10). le" Lettre d'tfM cosmopolite (imprimé). 17° Avis important (imprimé). 18° Début des conclusions sur les trois libelles religieux.

Le volume 1683 contient 1, 2. 4, trois bordereaux relatifs à l'état de la procédure, avec énumération de pièces (postérieurs au 7 août 1767) 3° Note sur la suite à donner à l'affaire. 5, 6° Deux bordereaux de l'état de dinérentes affaires en 1767 celle des libelles y est comprise. 7° Lettre du P. G. au Procureur du Roi en la senéchaussée de Lyon, 1" août 1767. 8' Réponse du Procureur du Roi, 8 août 176S. 9~ Minute de arrêt du 5 juin 65 contre Constant, témoin qui a fait défaut. 10° Arrêt du 19 mars contre les trois libelles religieux (Imprimé). 11° Note relative a l'affaire du CosnMpoHts. 12° Expédition pour Lyon de l'arrêt du 26 mars 1765, ordonnant l'interrogatoire du nommé Berger à Lyon. 13° Préparation de conclusions pour un arrêt (postérieur a celui du 19 avril 1765). 14° Réponse du Procureur du Roi à Lyon sur l'interrogatoire de Berger, 10 avril 1765. 15° Minute d'une lettre du P. G. au vice-Chancelier et à Saint Florentin. 19 avril 1765. 16° Note du P. G. sur la procédure et le rôle des magistrats de Lyon. 17° Note sur deux témoins. 18° Minute d'une lettre du P. G. au vice-chancelier et à St Florentin, 24 avril 1765. les informant du nouvel arrêt rendu le matin. 19° Minute d'une lettre du P. G. au lieutenant depolice. 6 mai 1765. 20° Réponse de M. de Sartjne. 10 mai. 21° Lettre du P. G. au Procureur du roi, Lyon 2 juillet 1765. 22° Accusé de réception du Procureur du Roi, 8 juillet 1765.


dure, tout prouve l'ardeur des magistrats. En 1767, l'affaire n'était pas encore classée.

Il est vrai que la plupart des pièces se rapportent aux trois libelles religieux. De ce côté, on trouva vite une piste, et même deux. On saisit le 20 mars des Lettres d'un Cosmopolite et des Avis w~or~ïM~. Le nommé Bordel, cocher du coche de Strasbourg, le nommé Bouvet courrier de la malle de Lyon, le commissionnaire de Lyon, Berger, le nommé David qui avait signé la lettre de voiture d'une caisse expédiée de Lyon, le quincailler Lemoine qui l'avait reçue à Paris, l'étudiant en médecine Constant qui avait reçu un paquet de Strasbourg, un « quidam » qui avait réclamé des paquets suspects, d'autres encore furent compromis, ajournés à comparaître, parfois decretés de prise de corps. L'étudiant, le «quidams et David se dérobèrent à toutes les recherches.

Toutes ces procédures ont rapport au Cosmopolite et à l'Avis important. Il n'en faudrait pas conclure trop vite que la justice ne recherchait pas les écrits philosophiques. On sait combien de pareilles recherches sont difficiles, et combien il entre de hasard dans leur succès. Les magistrats réussirent moins dans l'affaire des libelles philosophiques que dans l'affaire des libelles religieux. Ils ne paraissent pas y avoir apporté moins de zèle.

Sans cesse dans les dossiers, dans les lettres du P. G. il est question conjointement « des différents libelles supprimés par les deux arrêts du 10 du mois dernier'a » et non des seuls libelles catholiques. David était 1 Lettre du P. G. du 19 avril; lettre du Procureur du Roi &. Lyon, du 10 avril.


recherché, décrète de prise de corps, non pour la Cosmopolite uniquement, mais «en raison du débit des différents libelles condamnés par les deux arrêts du 10 du mois dernier* M.

M. de Sartine, avec sa lettre du 21 mars, envoyait au Procureur Général une note sur l'ouvrage de Voltaire. XI. NOTE DU LIEUTENANT

DE POLICE.

CoK. Joly de Fleury, 397, ~5.

Dictionnaire philosophique portatif.

On n'a point connaissance qu'il en soit entré aucun ballot dans Paris.

Il en a été fait une édition à Francfort sur le Mein Il en est entré quelques exemplaires par Strasbourg, qui ont été apportés par différents officiers ou particuliers.

On prétend que le S'' Télinge, directeur des vivres, Rue et près le petit Saint Antoine, a eu connaissance de cette édition. <II-XIIL LETTRE ET NOTE

DU LIEUTENANT DE POLICE.

Coll. J. de FI., 397, j~.2.

Ce 23 Mars 1765

J'ai l'honneur, Monsieur, de vous envoyer une note de quelques personnes que je pense qui peuvent êtte entendues dans l'information que le Parlement a ordonnée sur la distribution de quelques ouvrages dangereux, notamment le Dictionnaire philosophique et les Lettres de la Montagne.

Je suis avec respect, Monsieur, v. t. h. e. t. o. s.

De Sartine'.

M. Joly de Fleury, Procureur Général.

Lettre du P. G. du 24 avril 1765.

Le Dict. phil. fut imprimé à Genève sous la rubrique Londres. Bengesco ne connaît pas d'édition faite à Francfort.

3 Lieutenant de police. La signature seule est autographe.


Cette lettre était accompagnée de la note suivante Coll. 7. de Fl. < 397, fb j!09

Dictionnaire ~/t!7o~0/?/< t<y~e

Le nommé Huguet, m1 de livres demeurant au Temple, au bâtiment neuf, dans l'allée du Billard.

Le nommé Pierre, Relieur, rue des Amandiers, chés le Teller, Relieur.

La femme de Léger, relieur, rue Chartière, chès Bataille, Relieur. Lettres de la Mo/!<<!g7:e

La femme Lécuyer 1, fruitière, au Marché Neuf.

Le nommé Garnier' colporteur, Rue des Cordeliers, vis à vis le Gros Raisin.

Les dossiers de la collection Joly de Fleury sont muets sur les suites données à ces indications. tt est probable qu'on ne trouva rien. Peut-être le colporteur Garnier y perdit-il sa médaille. La justice du ParleMarie Suisse, femme Lécuyer, paraît s'en être tirée cette fois. L'arrêt du 28 septembre 1768 (affaire du Christianisme douane, de ~Sbntwe aux 40 ec!M et d'Ericie ou la Vestale) la condamna OK carcan pendant trois jours consécutifs (le 3 octobre, au quai des Augustins, le 4 sur la place des Barnabites vis-à-vis le Palais le 5, en place de Grève), de midi a 2 heures, et a être renfermée pendant cinq ans dans la Maison de Force de ~Hdptta~ Général.

a Les registres provenant des archives de la Chambre syndicale de l'imprimerie et de la librairie, qui sont a la Bibliothèque nationale (fonds français), contiennent des listes de colporteurs et des collections de commissions (Reg. 21845-54~. Le Reg. 21854 contient la liste des 120 colporteurs autorisés en 1761, et leurs commissions sur lesquelles ont été mentionnées les changements de titulaires jusqu'en 1789.-Un Charles Garnier fils, demeurant rue Jean de l'Epine chez M. Morin marchand épicier, reçut une plaque, le 19 Juillet 1740. Il a un signalement pittoresque <t Natif de Paris, âgé de 33 ans très petit cheveux crépus noirs barbe, sourcils et yeux de même le nez long, et un peu louche. est très suspect et ne vend que de )KŒMvais livres. <; Ce dernier trait conviendrait fort bien au personnage signalé par Sartine. Par malheur, après 1756, ce Charles Garnier fils disparait des registres. Il n'a certainement pas de plaque en 1765 (cf. sur lui les reg. 21846. et 21851 et pour son absence de la liste de 1761 et années suivantes, le reg. 21854). Il y a en 1765 un colporteur en exercice, Laurent Garnier, qui a reçu la plaque le 26 Juillet 1758; il demeurait en 1760, rue Mauconseil chez M. Fillon, épicier. Le 14 Juin 1766 sa place fut donnée à Ch. Louis Camus (Reg. 21852 21853 2)854. 139). Comme le registre indique ceux qui sont morts, il faut supposer qu'il a quitté, ou qu'on l'a chassé ce fut peut-être le résultat de l'information de 1765.


ment retrouva la femme Lécuyer trois ans après. On a tout lieu de croire que, si le Parlement eût trouvé des preuves suffisantes contre les pauvres diables que le lieutenant de police lui désignait en 1765, il leur eût fait le même traitement qu'aux vendeurs de brochures philosophiques de 1768, au garçon épicier Josserand, au brocanteur Lecuyer et à sa femme pour tous l'exposition publique au carcan, pour les hommes la marque et les galères, pour la femme, l'hôpital général.

Le zèle du Procureur Général en particulier et de son frère l'Avocat Général contre les mauvais livres de toute espèce ne peut être soupçonné. On le voit s'exercer en dehors de toute préoccupation de la lutte contre les jésuites. J'en donnerai pour preuve trois documents très différents qui, bien que ne se rapportant pas à Rousseau, nous permettent d'apprécier plus exactement le sérieux des mesures qui se décidaient contre lui et contre ses livres, et les dispositions des deux Joly de Fleury.

tV. NOTE SUR CANDIDE

Dès l'arrivée des premiers exemplaires de C~M~c, Omer, l'Avocat Général, s'émeut il envoie cette note à son frère, pour le prier d'écrire au lieutenant de potice Coll. J. de Fleury, ~6&3,

M. frère P. G. 1

Ecr. à M. le lieutenant de police.

Il se répand depuis quelques jours dans le public une brochure intitulée Candide ou l'optimisme, traduit de l'allemand par 1 « Mon frère le Procureur Général. Indication pour le secrétaire ou commis qui expédiera la note.


le Doc<eM/- Ralph. Cette brochure dont je n'ai pu encore que parcourir rapidement quelques chapitres, m'a paru contenir des traits et des allégories également contraires à la Religion et aux bonnes mœurs', et je sçay d'ailleurs que dans le monde on est révolté des impiétés et des indécences qu'elle renferme. Il est bien surprenant que l'on s'obstine à vouloir inonder le public d'ouvrages aussi pernicieux, surtout après l'Arrêt solennel que le Parlement a rendu récemment sur de semblables ouvrages Aussi je crois que vous ne pourrez pas prendre des précautions trop promptes et trop efficaces pour arrêter le débit d'une brochure aussi scandaleuse.

La note est copiée sans un changement, mais sur cette copie datée le Procureur Général ajoute après les mots pour arrêter le délit d'une brochure aussi scandaleuse, cette précision significative

Ec/< 24 février 1759. Ibid. 330. et en découvrir les auteurs. Je vous prie de n'y pas perdre de temps, et, si vous trouviez des témoins en état de déposer sur les auteurs et distributeurs, de m'en aviser afin que je puisse les faire entendre.

C'était donc bien aux auteurs qu'on en voulait, et non pas seulement aux pauvres diables de distributeurs et de colporteurs.

1 En 1759, ou peu près, une note de police montre le P. G. fréquentant chez Mlle Saron, danseuse (Manuel, La Police de Paris dévoilée, t. II, p. 93). 2L'arrêt du 6 février 1759 condamnant le livre de l'Esprit, avec 6 autres ouvrages philosophiques, et suspendant le débit de l'Encyclopédie. Dans son premier projet de conclusion, outre les huit ouvrages marqués dans l'arrêt le P. G. impliquait la Lettre sur les aveugles, la Lettre sur les sourds-muets, les Pensées sur l'interprétation de la nature de Diderot, le Traité des sensations de Condillac, les Choses comme on doit les voir deM.de Bastide, et la Pucelle d'Orléans, éd. 1757, de Voltaire. Les titres des six ouvrages furent ensuite biffés. (Joly de Fleury, vol. 352, sous la cote 3807). Tout le dossier qui est réuni sous cette cote témoigne de la vigueur du P. G. ainsi une note virulente sur le Journal Encyclopédique, cet ouvrage pernicieux dont en bonne police on ne devrait pas permettre le débit en France. »


,TV. LETTRE SUR LE COLPORTAGE

DES MAUVAIS LIVRES.

Coll. 7o~ Fleury, vol. 2423, 328.

Copie d'une lettre écrite au Procureur fiscal de Montoire (Bas Vendomois) le 5 Juin 768

Je suis informé que des colporteurs vendent et débitent publiquement dans les marchés de votre ville de mauvais livres, entre autres le Petit Albert, la Magie et sec/'e~ magiques, et autres de pareille espèce. Si le fait est vrai, vous ne pouvez vous dispenser de faire arrêter et constituer prisonniers les colporteurs que vous trouverez débitans ces mauvais livres. Et de vous transporter avec le juge de votre justice dans les boutiques publics(sic) de votre justice où ces colporteurs vous déclareront les avoir achetés, à l'effet de les saisir; mais dans ce dernier cas vous obtiendrez une ordonnance du juge pour vous autoriser à les faire saisir et porter à votre greffe, et du tout le juge dressera procès verbal dont vous m'enverrez copie.

Cette pièce qui nous montre le P. G. s'inquiétant de quelques livres populaires vendus dans les marchés d'une petite ville de province, nous atteste sa vigilance et sa sévérité.

TI. PRINCIPES DU

PROCUREUR GÉNÉRAL

SUR LA CENSURE.

A la fin de 1768, le Chancelier envoya au Procureur Général « la feuille imprimée des Censeurs » en la retournant le 18 décembre, celui-ci y joignit des notes secrètes sur les censeurs et sur leur bon ou mauvais Cette pièce figure au t. X de la partie de la collection classée sous le titre Dt'0t< et administration, sous la rubrique Livres prohibés. Copie en a été gardée, et elle a été placée sous cette rubrique comme indiquant les principes et la conduite à suivre sur la matière touchée dans la lettre.


esprit. La pièce est curieuse je n'en veux détacher aujourd'hui que les principes généraux formulés par le Procureur Général relativement à la censure des livres.

Coll. Joly de Fleury, vol. ~93, 195 e< ~96

Ecrire à M. le Chancelier

E[critJ le 18 Déc. 1768.

Il est fort difficile de connaître exactement et le caractère de la pluspart de ceux employés sur la liste, et par conséquent le degré de confiance que l'on peut avoir dans leur exactitude. Il paraist qu'il y a en matière de censure des livres cinq choses [add. marginale principales] dont il faut se garantir de la part des auteurs.

Les choses qui vont au détriment de la religion, et, 2 "Les choses qui vont au détriment de l'autorité du Roy. 3° Les choses qui favorisent la corruption des mœurs. 4° Les philosophes [en ~K/'cAay~e systèmes], qui favorisant l'indépendance en tout, tendent de la manière la plus sensible à déprimer la religion, l'autorité du prince, et les principes des bonnes mœurs, d'où par une [a~M. inévitable] suite (se) coupent les liens de la société entre les hommes.

g" Ceux des points controversés parmi les ministres de l'Eglise en matière de religion, qui peuvent troubler la paix et la tranquillité, et sur lesquelles le Roy a imposé silence.

Ce ne sont là que cinq choses priracipales Joly de Fleury en apercevait encore d'autres Cependant avec le seul article 4, il n'était aucune pensée libre qu'on ne pût arrêter.

Mais revenons à J. J. Rousseau.


VII. NOTE DE POLICE

SUR LE SÉJOUR DE ROUSSEAU

A AMIENS EN 1767.

CoH. Joly de Fleury, vol. 373, /°208

On a eu avis que Jean-Jacques Rousseau était parti d'Angleterre pour revenir en France on dit qu'il y a quelques jours il est arrivé à Amiens que les officiers municipaux avoient délibéré de lui offrir les vins de ville qu'une personne remarquable de la ville leur a fait faire attention que ce Particulier étant décrété de prise de corps, cette démarche les exposerait à une réprimande sur quoy on dit que l'on s'est contenté de luy donner un grand repas, etqu'iiaétéfesté".

On ne sait de quel costé il prendra sa route quelques uns disent qu'il est entré dans le royaume à la faveur d'un passeport sous un faux nom, et qu'il va à Venise.

4 Juin 1767.

On voit que ce n'est pas, comme l'a dit Beaudouin g pour respecter l'incognito de Rousseau que la municipalité a renoncé a lui offrir les vins d'honneur, mais bien par prudence. Le décret de prise de corps menace toujours Jean-Jacques. J'ignore d'ailleurs qui est la jpërsoMHe re?Kar~M<c de la ville dont parle la « mouche » auteur du rapport.

I! est clair que ce rapport justifie les appréhensions dont est pleine la correspondance du Prince de Conti à l'occasion du retour de Rousseau, et le conseil qu'il lui donne instamment de ne pas rester dans le Il avait quitté Calais le 23 mai, et quitta Amiens le 3 Juin (Corr. de J. R., Lettres du 22 mai et du 2 Juin 1767).

2 Comparez les termes de la note de Bachaumont du 7 Juin 1767 (Mdmoires secrets, t. fil. p. 191). On a lieu de croire qu'elle dérive de la note du 4 juin adressée au Procureur Général, ou bien que toutes les deux proviennent de la même source.

3 Il, p. 429.


ressort du Parlement de Paris. Le Procureur Général a l'œil sur le décrété du a juin 1762 on le tient au courant de ses démarches.

Voilà la preuve aussi que tout n'était pas idée folle et manie de la persécution dans la persuasion où était Jean Jacques d'être partout espionné. «Je sais, lui écrit le prince de Conti en 1769, que le lieutenant de police de Grenoble vous fait pour ainsi dire garder à vue')). Avant d'être espionné en Dauphiné, il était espionné en Picardie. Faut-il s'étonner que cette sensation d'être entouré de mouchards ait aSolé un homme déjà malade ?

De tous ces documents, il ne sort sans doute aucune nouveauté grave. Mais ils précisent ou éclairent certains points de l'histoire de la condamnation des livres de Rousseau au Parlement de Paris sur celle des Lèpres de la Montagne, les Confessions étaient muettes, et jusqu'ici à peu près sans contrôle sur celle de l'Emile. Je ne crois pas m'abuser en pensant que les documents que j'ai tirés des Archives et de la collection Joly de Fleury nous font voir d'un peu plus près la manière dont les choses se sont passées dans ces deux affaires. Gustave LANSON.

Streekeiseti-Moultou, J. J..RoMsjMM, ses <t)Mts et ses gM~Mt:s, t. H, p. 24.


APPENDICE

Nous donnons en appendice aux recherches de M. G. Lanson, et avec son bienveillant assentiment, quelques documents qui s'y peuvent aisément rattacher.

A

II fait allusion (p. 108, n. i) au bref dans lequel le pape Clément XIII a félicité la Sorbonne, après la condamnation de l'Emile. M. Hippolyte Buffenoir nous avait communiqué des extraits de cette solennelle approbation de Rome, d'après le .SM/e des Papes ~7"o/KfM secundus continens /?o/:<~ea<K~ Clementis XIII annum tertium ad sextum. /?o~a°, p.y<~o~A:'<x Reveren<~a? ca/~e/'a? <~os<o~'cœ, 1837, p. 419). On verra que la réponse du Saint-Père associait, comme la Sorbonne l'avait fait dans ses procès-verbaux, les doctrines de Berruyer et l'ouvrage de Rousseau. Dat. die 26 Oct. ~763 (anno F~

Dilecti /?~'< Socielatis ~'oy'&o~ca? 77:eo~o~ et Mabistris, Clemens P. P. XIII.

Dilecti salutem

et apostolicam benedictionem.

§ i – Bina jampridem cum ~'«e/'M ~M~M volumina aeee~t'/KMs, yKo/'K/~ a/<erH/M vestram ce/MMy'a/M continet libri, qui inscribitur Emilius, <7~e/'M/?! sententias PM<a$ complectitur, quibus ~e7'Mye/'<<~OC<M<2/?:CO/?~'M<M.

§ 2 –– Quod attinet ad censuram in .E/~<7<M/M, sive librum de educatione, ~e~H/M ~e/e/:<~e/a? c~M/M~a? Religionis s<M<~t'M/M ~c/M/Me/:<e/' ~K~/?!M~. De ~es~o e/a Nos obsequio, et /:<a'~c ~c/'a/M B. Petri Sedem pietate ac ~ra''c:pua devotione, satis antea ~e<~M<M~y'a?c~<z documenta, et


~«.'f~C/~M/Y! a~/iKC vos ~a~<OS nzodo CO/?/M:H?M, CK/?! vesit-is ~os<o~'ca/?! ~e~e/H officiis occas:'o/tPM ~a?&e/t< ~a~MS!?!a? :'7t/H/<P, <7McB /!Mnf; 7y~.f:/?!<? in <M/M, ab /!0/7!M:KS 'Po/:i'~ct'cB a;Kc~o/<; /MS<a? M/ensM~t'/K:~ co/M/~My'. Dc/:t<y~c a Deo Patre ~K/~</tK/?:/?/'ec'a/:<es, !<< !e/!MfM<7-a, /?e~M/ et divino c'K~Mt consecrata, se/K~e/' divina ~Mce sua CoHMS<e/, M/ï~e/'sa <'i'06-e<< ccs~'a?, fo6:'&-</Me st~f~M, jD:7e<F!7i:'t'e/v!a?, </Ma ~os/)/'<pc:?<o~/?/7K: Nostri sensu co/?!c'<?!K/ charitatis /xj/!M& ~os<o~'t:c/?! benedictionem ~<?/'C!a/!<< <?/)e/7!M/

D<7~?: in arce Cas<< Ga/i! Albanensis Dta'f.'MM SM~ 7i/M~ Piscatoris die XX VI Oc~O~M ~DCCLX/7/Pon<M'< TVoS~'t anno SP~/O.

B

Les livres condamnés au feu n'étaient pas toujours brûlés. Pour obéir à la sentence du Parlement ou de l'Inquisition, l'exécuteur des hautes œuvres se contentait de quelque gros bouquin, honnête et dédaigné, dont la fumée montait au ciel tandis que l'officier de justice, après avoir présidé la cérémonie, rangeait amoureusement dans sa bibliothèque l'ouvrage interdit. On en trouve un témoignage, à propos de l'E/K:7e condamné en Espagne, dans une lettre de François Grasset, ce libraire de Lausanne que la correspondance de Voltaire malmène si fort. La lettre est adressée à JeanJacques Rousseau, et datée de Lausanne, le 8 avril 1765. C'est M. Eugène Ritter qui l'a publiée dans la F/Mne de (~enèce du 24. octobre 1884. On y lit ceci & Pourrais-je un moment égayer vos douleurs ? Ne sourirez-vous pas, mon très honoré compatriote, lorsque vous apprendrez que j'ai vu brûler à Madrid, dans l'église principale des Dominicains, un dimanche, à l'issue de la grand' messe, en présence d'un très grand nombre d'imbéciles, et excathedra, votre .Ë/K!~ sous la figure d'un volurne :K<x/'<o ce qui engagea précisément plusieurs seigneurs espagnols et les ambassadeurs des cours étrangères à se le procurer à tout prix et à le faire venir par la poste. s. Et M. Ritter d'ajouter en note « J'ai souligné une phrase incidente, qui a besoin de quelque explication pour qu'on en comprenne le sel. Le libraire et l'auteur s'entendaient à demi-mot, et je les vois sourire, chacun dans son coin; ils connaissaient leurs petites affaires, et savaient que l'jE/M:~ n'avait eu que des éditions in-8° et in-i2 en sorte que ce volume in-4",


que les bonnes âmes de Madrid avaient vu brûler avec édification, n'était qu'un ouvrage quelconque et sans intérêt, substitué par un malin au livre nouveau et recherché du philosophe genevois. )) C

Au chapitre des condamnations des ouvrages de Rousseau, il faut ajouter celle que prononca le Saint-Office en Espagne. Un de nos confrères espagnols, M. José Samaniego, a offert aux Archives Jean-Jacques /?oy<A'se<XM un exemplaire du catalogue des livres que les Inquisiteurs apostoliques, en l'année 1789, déclarent prohibés ou soumis à l'expurgation. Rousseau y est nommé deux fois, et dans la première catégorie. Dans l'article r, qui concerne un ouvrage intitulé Discursos Literarios, Politicos y ~/o/'a~, Hobbes, Spinoza, Helvetius, Voltaire et Rousseau sont qualifiés, en bloc et pour l'ensemble de leurs doctrines, de « monstres d'impiété et d'irréligion, n L'article ç du catalogue vise en particulier les Con fessions, qui auraient pu paraître, aux yeux d'un fidèle mal informé, et parce qu'elles ne rentrent pas dans le système philosophique de leur auteur, échapper à sa condamnation générale. Voici le titre de la déclaration du Saint-Office, et les deux passages relatifs à Rousseau

NOS LOS //V~Z)(3~E.'i' APOSTOLICOS

contra la /<e/'e<:ea~y'<ïfe~a~y apostasia etc.

A todas, y ~K<~M~M:e/' personas de ~Kc~MMy estado, ~Va~O, condicion, ~ee/K!M7!CM, 0 dignidad que sean. salud en nuestro 6e/0y Jesuchristo. Sabed, que a /:KMtra noticia ha llegado, haberse escrito, impreso, y ~'fM~a~o varios Libros, Tratados, y Papeles, los quales ~MM~a/Hos /?/'o/<<t/' o e~'y<a/' respectivamente, conze aqui se expresa, y son los ~HMy!~M

~0/t!OS.

.f. Discursos Literarios, Politicos y Morales, nueva obra dedicada à la humanidad.Poy'<7Me, sobre usar de un lenguage obscuro, y capcioso, propio de los :e/-e~K~os y libertinos; (cuyas obras se <e/! à corromper las cos~</?!&7'es, y desterrar del corazon de los Fieles la Religion y &Me~a /H07'a~ contienen /'es~ec<{~<x/7!e/:<e principios y doctrinas anti-evangélicas, ecey's~as de <o~ Religion, ~g~g~~g injuriosas n las supremas Potestades temporales, y que reproducen el fatal


sistema de Hobbes, Espinosa y Helvecio, de cuyas obras, como tambien de las de ~o~e/ ~Kso y o~os semejantes /KO/!s~'Mos<~e impiedad y de :e~o/

9. La Obra en Francés dividida en dos tomos en oe~~o, intitulada Les Confessions de J. J. Rousseau, impresa en Londres ano de 1782; se prohibe, por contener proposiciones ey/'o/teas, impias, escandalosas, é injuriosas à la /?e~gion Catholica, sapientes haeresim, y /o/M~Me/!<e Ae/'e~tc~s. /~0/' mandado del Santo Officio.

[B. B.]


LA PARTITION ORIGINALE DU PYGMALION DE J. J. ROUSSEAU'

S~E ~ST un fait avéré que Rousseau, aussitôt

après avoir achevé le poème de Pygmalion

(écrit à Môtiers dans l'été ou l'automne de

1762) songea à composer la musique qui

devait s'y adapter. Nous avons de ce fait un témoignage probant dans une lettre de Mademoiselle de Bondeli. Julie de Bondeli est cette amie de Sophie de la Roche qui, la première, fit connaître à Goethe Pygmalion. Ayant appris que, le 17 novembre 1762, Rousseau avait lu sa nouvelle œuvre à un jeune Suisse du nom de Nicolas-Anton Kirchberger', voici ce qu'elle écrivait, le 21 janvier 1763, au docteur Zimmermann 3 Rousseau a lu à M. Kirchberger une pièce admirable, c'est un drame, un seul acte, un seul personnage, qui est Pygmalion' Il voulait envoyer cela en forme de lettre à Métastase Pendant la lecture, M. Kirchberger, transporté, dit tout haut « Ici, l'orchestre, ah, Monsieur, n'écoutez [c. à. d. n'entendez-vous] pas l'orchestre ?

Dans les pages qui suivent, traduites de l'original en français par M"' J. Cartier, membre de la Société J. J. R., M. E. Istel a résumé ses études sur la question controversée de Pygmalion. Cf. Jean-Jacques Rousseau <tb ~OtKjMMMt seiner lyrischen Scene <P~)M<!Hott' von Edgar Istel, Leipzig, Breitkopf und Hxrtel, 1901.

a Cf. Musset-Pathay, Oeuvres inédites de 7!o!MM<!M. Paris 1825, I' Supplément, p. 482.

3 Cf. Ed. Bodemann, Julie de Bondeli, etc. Hanovre 1874, p. 249. 4 Suit le compte-rendu de l'action.

Ce manuscrit, qui a le format d'une lettre, ne fut jamais envoyé. Selon M. A. Jansen, qui l'eut entre les mains, il se trouve, sous le n° 7851, à la Bibliothèque de Neuchâtel. Cf. A Jansen, J.-J. Rousseau als .Must&ef, Berlin,1884, p. 296.


Une chose ressort de cette lettre avec une certitude absolue Rousseau, déjà à cette époque, devait avoir parlé à Kirchberger de la musique de P~~M/!OH sans doute à Môtiers, dans l'automne de 1762. On sait les pérégrinations de Rousseau durant les années qui suivirent. En avril 770, il avait l'intention de regagner Paris. Mais, en chemin, il s'arrêta à Lyon, où il demeura jusqu'au 18 juin environ, puis à Dijon, avant de reprendre enfin sa route.

Rousseau aimait le séjour de Lyon. II s'y trouvait entouré d'amis bienveillants. Il yavait reçu, cette fois, un accueil hospitalier auprès de son amie, Mme Boy de la Tour, et auprès de M. de la Tourette, avec lequel il se trouvait du reste en communion de goûts M. de la Tourette était un fervent botaniste. Et ce fut à Lyon qu'on donna la «première)) dejP~~M<2/!OH, avec Mme de la Tourette dans le rôle de Galathée.

C'est ici que commencent les difficultés. Sur la musique de .P/g-HM//OM, Rousseau garde le plus énigmatique, le plus étrange silence. Nous ne possédons à ce sujet qu'un seul témoignage de sa propre main. Et encore ce témoignage, d'ailleurs fortuit, est-il aussi incertain et aussi peu clair que possible. Voici, en effet, les dernières phrases d'une de ses lettres à M. de la Tourette (28 septembre 1770)

On a représenté Pygmalion à Montigny je n'y étais pas, ainsi je n'en puis parler. Jamais le souvenir de ma première Galathée ne me laissera le désir d'en voir une autre.

C'est tout ce que Rousseau lui-même nous apprend au sujet de la représentation de Lyon. Par contre, on Avec accompagnement de musique ? f


en parla à Paris. Grimm, le premier, en rendit compte fort inexactement dans sa Corr~~o~~Hcc'. Il semble tenir ses informations d'un spectateur. Le i5 5 mai 1770, il mentionne le séjour de Rousseau à Lyon et ajoute

Il a traité le sujet de .Py~M~b/p dans un acte d'opéra-comique, moitié chanté, moitié parlé suivant les us barbares de la nouvelle cuisine française. Ce qui me paraît mal vu, c'est d'avoir traité ce sujet dans la forme ambiguë de nos opéras-comiques, où on parle et chante alternativement. Une pièce dans laquelle s'opère un miracle exige l'imitation la plus éloignée possible de notre manière d'être. Et le 7 juillet 1770, Bachaumont écrivait à son tour: On parle beaucoup de son opéra de .P</j~!a~b/ ouvrage d'un genre unique, en un acte et une scène et n'ayant qu'un acteur. Il est en prose, sans musique vocale. C'est une déclamation forte et prononcée, dans le goût des drames anciens, soutenue d'un accompagnement de symphonie. Il a fait essayer sur le théâtre de Lyon cette nouveauté qui a eu du succès. On désirerait fort la voir dans ce pays, mais on croit qu'elle sera d'abord réservée pour la fête de M. le comte de Provence 8.

Bachaumont s'exprime avec plus de réserve que Grimm au sujet de la musique. II avait bien entendu !e7~-MM/!o~ authentique, mais il ne s'était évidemment pas fait une idée juste du caractère de cette composition musicale. Le premier qui en parla avec quelques défaits est de nouveau Grimm, qui rectifia, huit mois plus tard, le :5 janvier 1770, ce qu'il y avait d'erroné dans ses premières informations

Depuis environ six mois que J. J. Rousseau a eu la permission de venir paisiblement à Paris, on a parlé quelquefois de son petit opéra de P~/Ma~b/ joué sur le théâtre de Lyon à son passage 1 Correspondance littéraire, t. IX, p. 22.

a Grimm. qui ignorait totalement ce nouveau genre, n'a pas compris ici son correspoudaut.

Mémoires secrets, Paris 1874. p. 420.


par cette ville et essayé ici sur quelques théâtres de société. Je n'ai pas entendu parler de l'effet qu'il produit au théâtre. Vous êtes déjà prévenu que Pygmalion ne chante point, mais qu'il parle et récite, et que la musique n'est employée que pour couper par différentes ritournelles le discours de l'acteur et pour exprimer son action ainsi que les divers mouvements dont il est agité. 1 Ce dernier passage est de la plus haute importance. Il explique clairement en quoi consistait la musique de Pygmalion.

Nous pouvons être certains que Grimm tenait ses informations de ceux qui avaient assisté à la représentation de Pygmalion, à Lyon peut-être, plus vraisemblablement à Paris. Est-il admissible, en effet, qu'on ait, dans cette dernière ville, donné sans musique une œuvre dont l'originalité était tout entière dans la hardiesse avec laquelle était traitée sa musique ?

D'après les documents dispersés de côté et d'autre, nous pouvons nous faire une idée de ce que devait être cette partition. La grande préoccupation de Rousseau était d'augmenter par une musique expressive l'effet de la mimique de l'acteur. C'est ce qu'il expliquait déjà dans son Dictionnaire de ~MS~Me, à l'article acteur. Et plus loin, à l'article récitatif obligé, il insiste encore sur cette idée qu'on obtiendrait les effets scéniques les plus impressionnants, si l'acteur coupait ses paroles de longs silences pendant lesquels la musique traduirait avec puissance ses sentiments.

Mais Rousseau pense évidemment ici au drame et à l'opéra. Il en fut autrement lorsque, dans sa sensationnelle Lettre sur la musique française (:7&3), il déclara le français impropre à soutenir le chant et proclama l'ita1 Correspondance littéraire, t. IX, p. 238.


lien langue du chant. « Je crois, dit-il dans sa préface, et c'en est là l'idée essentielle notre langue peu propre à la poésie et point du tout à la musique. )) Si cette opinion plutôt négative ne jette pas grand jour sur notre cas particulier, voici un passage qui se rapporte bien, lui, directement à ce Pygmalion auquel Rousseau songeait alors

Je pourrais vous montrer comment surtout quand on veut donner à la passion le temps de déployer tous ses mouvements on peut, à l'aide d'une symphonie habilement ménagée, faire exprimer à l'orchestre par des chants pathétiques et variés ce que l'acteur ne doit que réciter.

Et voici en quels termes il critiquera plus tard le monologue de l'Armide, de Lulli

Les réticences, les transitions intellectuelles que le poète offrait au musicien, n'ont pas été une fois saisies par celui-ci. Lorsqu'on connaît les théories émises dans le Dictionnaire et dans la Lettre sur la musique ~r~c~ Pygmalion s'explique il est la réalisation de ces théories.

Dans les Observations sur l'Alceste de M. Gluck, que Rousseau écrivait pendant l'hiver 177~-1776, on trouve un passage significatif. Je le relève intégralement, malgré sa longueur, parce qu'il peut nous apporter quelque lumière

Enfin, quand la violence de la passion fait entrecouper la parole par des propos commencés et interrompus, tant à cause de la force des sentiments qui ne trouvent point de termes suffisants pour s'exprimer, qu'à cause de leur impétuosité qui les fait succéder en tumulte les uns aux autres, avec une rapidité sans suite et sans ordre, je crois que le mélange alternatif de la parole et de la symphonie peut seul exprimer une pareille situation. L'acteur livré tout entier à sa passion n'en doit trouver que l'accent. La mélodie, trop peu appropriée à l'accent de la langue, et le rythme musical,


qui ne s'y prête point du tout, affaibliraient, énerveraient toute l'expression en s'y mêlant cependant ce rythme et cette mélodie ont un grand charme pour l'oreille, et par elle une grande force sur le cœur. Que faire alors pour employer à la fois toutes ces espèces de force ? Faire exactement ce qu'on fait dans le récitatif obligé donner à la parole tout l'accent possible et convenable à ce qu'elle exprime, et jeter dans les ritournelles de symphonie toute la mélodie, toute la cadence et le rythme qui peuvent venir à l'appui. Le silence de l'acteur dit alors plus que ses paroles; et ces réticences bien placées, bien ménagées, et remplies d'un côté par la voix de l'orchestre, et d'un autre par le jeu muet d'un acteur qui sent et ce qu'il dit et ce qu'il ne peut dire, ces réticences, dis-je, font un effet supérieur à celui même de la déclamation, et l'on ne peut les ôter sans lui ôter la plus grande partie de sa force. Il n'y a point de bon acteur qui, dans ces moments violents, ne fasse de longues pauses; et ces pauses, remplies d'une expression analogue par une ritournelle mélodieuse et bien ménagée, ne doivent-elles pas devenir encore plus intéressantes que lorsqu'il y règne un silence absolu ? Je n'en veux pour preuve que l'effet étonnant que ne manque jamais de produire tout récitatif obligé, bien placé et bien traité.

Persuadé que la langue française, destituée de tout accent, n'est nullement propre à la musique et principalement au récitatif, j'ai imaginé un genre de drame, dans lequel les paroles et la musique, au lieu de marcher ensemble, se font entendre successivement, et où la phrase parlée est en quelque sorte annoncée et préparée par la phrase musicale. La scène de Pygmalion est un exemple de ce genre qui n'a pas eu d'imitateur. En perfectionnant cette méthode, on réunirait le double avantage de soulager l'acteur par de fréquents repos, et d'offrir au spectateur français l'espèce de mélodrame le plus convenable à sa langue. Cette réunion de l'art déclamatoire avec l'art musical ne produira qu'imparfaitement tous les effets du vrai récitatif, et les oreilles délicates s'apercevront toujour s désagréablement du contraste qui règne entre le langage de l'acteur et celui de l'orchestre qui l'accompagne mais un acteur sensib le et intelligent, en rapprochant le ton de sa voix et l'accent de sa déclamation de ce qu'exprime le trait musical, mêle ces couleurs étrangères avec tant d'art, que le spectateur n'en peut discerner les nuances. Ainsi cette espèce d'ouvrage pourrait constituer un genre moyen entre la simple déclamation et le véritable mélodrame (= opéra) dont il n'atteindra jamais la beauté.


Il est très important de constater que tous les comptesrendus que nous avons cités sont d'accord sur un point à la façon dont ils parlent de la musique de Pygmalion, ils semblent en considérer Rousseau comme l'auteur. Le Mercure de France va même, quelques mois plus tard, jusqu'à une affirmation positive

Le passage que nous citions dans la Lettre ~M~~c française démontre bien que Rousseau avait dessein d'écrire une musique qui accompagnât le jeu des acteurs, comme celle de Pygmalion. On mentionne un ouvrage analogue qu'il composa en 1867 sur un livret de Mme d'Epinay. Et la conversation avec Kirchberger, à Môtiers, prouve indubitablement que Rousseau, lorsqu'il écrivait les paroles de P~o,, songeait à y adapter une musique. Il se pourrait qu'il s'en fùt alors déjà occupé. Tous les témoignages allégués confirment également qu'une composition musicale de ce genre, dont Rousseau était fauteur, fut jouée à Lyon. Mais ce qui ressort avec le plus d'évidence du passage des O~ qu'on vient de lire, c'est que cette musique composée par Rousseau !ui-même (pour la représentation de Lyon ou à une époque postérieure, peu importe) existait dans l'hiver 1774-1775. Dans son compte-rendu du 15 janvier 1771, Grimm disait, on s'en souvient « Pygmalion parle et récite, et la musique n'est employée que pour couper par différentes ritournelles le discours de l'acteur, et pour exprimer son action ainsi que les divers mouvements dont il est agité. » Il n'est pas difficile de comprendre ce qu'il entend par là, si l'on jette un coup d'oeil sur le poème tel que le donnent les éditions ordinaires. 1 Cf. Mercure de France, novembre 1770. p. 124.


Entre les diverses parties, sont intercalées de minutieuses descriptions du jeu par lequel l'acteur doit exprimer ses sentiments.

Mais, en outre, nous possédons une édition très curieuse de Pygmalion elle date de cette même année 1771 dans laquelle Grimm écrivait son compte-rendu. Elle fut imprimée à Vienne. Non seulement elle donne parfois beaucoup plus d'indications scéniques que toutes les autres, mais encore elle nous renseigne plus exactement sur la musique.

Son histoire est tout à fait singulière. La première impression connue de Pygmalion avait paru, sans doute, peu après la représentation de Lyon elle portait comme titre Pygmalion, scène lyrique représentée en société à Z~oH. Par M. J. J. Rousseau, sans indication d'année, ni de lieu, ni de nom d'imprimeur. C'est le seul texte qui ait été publié séparément en France entre la première représentation de Lyon et la première de Paris (1775). Il fut réimprimé souvent.

La première et rarissime édition de Vienne lui est postérieure, sans aucun doute, mais parut peu de temps après, en 1771, si l'on en croit Barbier, à Vienne chez Jos. Kurzbock. Elle contient, en supplément, une traduction allemande, supprimée dans la réimpression de l'année suivante (1772). Le critique musical Georges Becker, de Genève, possédait un exemplaire de cette curieuse édition. En 1878, il la fit tirer à cent exemplaires et l'accompagna d'une substantielle préface.

Pygmalion fut donné à Vienne les 19 et 22 février :772, dans la traduction de Landes, avec la musique maintenant introuvable d'un compositeur nommé Franz


Aspelmayer, qui devait avoir des relations à Lyon, puisque c'est là que parut son op. I.

L'édition de Vienne est remarquable par le grand nombre des indications qu'elle donne, et ces indications sont bien de Rousseau lui-même quiconque est familier avec sa manière d'écrire s'en convaincra. C'est, en effet, dans les observations concernant la musique que Rousseau montre le plus de cette minutieuse exactitude qui, déjà frappante dans le Devin du village, ira s'exagérant encore dans les partitions des dernières années de sa vie. Or, ici, chaque page est divisée en trois parties, chaque partie placée sous une rubrique spéciate

MUSIQUE SCÈNE

Description Durée Indications scéniques des ritournelles des ritournelles et texte

Ainsi, au début, après la description du décor, on lit: « L'ouverture précède d'une demi-minute le lever du rideau. » Puis viennent les indications scéniques: « Pygmalion, assis et accoudé, rêve dans l'attitude d'un homme inquiet et triste H etc. auxquelles Rousseau ajoute cette remarque: « Le premier morceau qui suit l'ouverture et s'y lie, peint comme elle l'accablement, l'inquiétude, le chagrin et le découragement. Durée deux minutes. M Et ainsi de suite. Chaque indication scénique (celles aussi que donnent les éditions ordinaires) ou peu s'en faut, est accompagnée d'un morceau de musique numéroté dont le texte précise le caractère et 1 Ceci existe dans toutes les éditions.


la durée, souvent à une minute près. L'opuscule renferme vingt-neuf de ces numéros, indépendamment de l'ouverture qui n'est pas numérotée.

Au point où nous en sommes, nous avons établi qu'une « première M de Pygmalion fut donnée à Lyon avec accompagnement de musique. Le fait est certifié par des témoignages unanimes et de sources différentes. J'ai également insisté sur le rapport que présentent, d'une part, les vues exposées par Jean-Jacques dans ses écrits postérieurs ou antérieurs à la représentation de Lyon et le dernier compte rendu de Grimm, d'autre part, les indications du texte de Vienne qui remontent bien à Rousseau lui-même.

Nous nous étonnions du silence de Rousseau sur cette représentation. Ce qui peut surprendre davantage, c'est un compte-rendu très minutieux que nous possédons d'autre source et qui jette sur toute l'affaire un jour bien singulier.

En 1770 vivait à Lyon un ancien dessinateur de modèles pour étoffes, devenu plus tard marchand de broderies. Il s'appelait Horace Coignet 1. Coignet était aussi, à ses heures, compositeur et violoniste. H fit faillite et n'eut d'autre ressource que de gagner sa vie en donnant des leçons de violon, à Paris. La duchesse d'Aumont s'intéressa à lui, et lui confia l'instruction musicale de ses deux fils, puis le recueillit chez elle lorsque la Révolution l'eut privé de son gagne-pain. Coignet mourut à Paris le 29 août 1821, à l'âge respectable de quatre1 Cf. Fétis, article Coignet. Castil Blaze, Molière musicien, Paris, 1852, t. II, p. 423, en fait un riche négociant, mais son allégation ne repose sur aucun fondement sérieux. Le mieux informé sur Coignet est A. Mahul (cf. Annuaire M~cfo~tgtte, 2°" année, Paris 1822, art. Coignet, p. 122 et suiv.). Mahul cite un article de la Gazette universelle de Lyon du 26 octobre 1821, qui semble être la source de ses propres renseignements.


vingt cinq ans. Ses ceuvres musicales passèrent dans la bibliothèque du prince Florestan de Monaco, fils de la duchesse. d'Aumont. I[ a laissé sur le séjour de Rousseau à Lyon des souvenirs qu'il avait écrits pour l'académicien Charles Pougens, et qui ne furent publiés qu'un an après sa mort par A. Mahul, lequel tenait le manuscrit de Pougens. Ils parurent ensuite à Lyon dans les Tablettes historiques et littéraires du 28 décembre 1822, puis dans le troisième volume des Oeuvres :cJ. J. Rousseau, publiées par Musset-Pathay (Paris !825,p.~6i et suiv.) qui avait eu, en 1821, l'original sous les yeux, et enfin dans la collection de Lyon ou de Fourvières (i833, p. 53o) sous le titre de JeanIacques Rousseau à Lyon.

Voici ce que raconte Coignet

Après le dîner, il me communiqua son Pygmalion etme proposa de le mettre en musique, dans le genre de la mélopée des Grecs. Chargé de sa scène lyrique, pénétré de son sujet, je composai de suite l'ouverture que je lui apportai le lendemain il fut étonné de ma facilité. Enfin je terminai cet ouvrage à sa satisfaction. Il me demanda de lui laisser faire l'andante, entre l'ouverture et le presto, de même que la ritournelle des coups de marteau, pour qu'il y eût quelque chose de lui dans cette musique.

M. de la Verpilière, prévôt des marchands, et son épouse, femme très spirituelle, chez qui Rousseau allait souvent, voulurent donner à M. et Madame de Trudaine, qui passaient à Lyon, le plaisir de voir les premiers exécuter Pygmalion, sur un petit théâtre qu'ils avaient fait construire à l'Hôtel-de-Ville, où ils logeaient. Madame de Fleurieux remplissait le rôle de Galathée, M. le Texier celui de Pygmalion. On compléta la soirée par le Devin du village, où Madame de Fleurieux jouait Colette, M. le Texier, Colin, et moi, le Devin. Les pièces furent bien rendues et Pygmalion, qu'on entendait pour la première fois, fit le plus grand effet. Après la représentation, Rousseau vint m'embrasser dans le grand salon, où la société s'était rendue, en me disant « Mon ami, votre musique m'arracha des larmes. »


A son arrivée à Paris, Jean-Jacques écrivit à Madame de La Verpilière, en la priant de me demander la musique de son Pygmalion pour la lui faire passer. Je témoignai à cette dame ma surprise de ce qu'il ne s'adressait pas directement à moi en répondant, elle inséra dans sa lettre ma réflexion. Jean-Jacques lui répondit que je ne devais pas en être étonné, attendu que je lui avais rendu sa lanterne son imagination en était tellement frappée, qu'il y avait sept à huit lanternes dans sa lettre, ce que fit rire la société de Madame de La Verpilière, où elle fut lue.

Peu de temps après, je lui écrivis son humeur était dissipée je lui exprimais tout mon attachement. Il me répondit sur le même ton, en m'encourageant à cultiver les talents que la nature m'avait donnés (ce fut son expression).

On représenta chez Madame de Brionnée, à Paris, la scène de Pygmalion Rousseau était présent; il reçut des compliments sur les paroles et sur la musique.

Il parut une note dans le Afe/'CM/'e de France, dans laquelle on disait qu'un Anglais, passant à Lyon, y avait entendu la scène lyrique de Pygmalion, dont les paroles et la musique étaient également sublimes, étant <~K /?~/Me auteur 1. Je laissai s'écouler deux mois, comptant que Rousseau relèverait cette erreur; ce fut inutilement. Alors j'écrivis à Lacombe, rédacteur du Mercure, que la musique de Pygmalion n'était pas de Rousseau, mais que j'en devais le SKCcès aux conseils de ce grand homme, dont la présence /M'M~a:'<. $

Je me décidai ensuite à la faire graver, en donnant à Rousseau ce que lui appartenait. Il n'en fallut pas davantage pour le refroidir à mon égard. Un an après, des négociants de Lyon qui le virent à Paris, me dirent qu'il leur avait parlé de moi avec intérêt, et qu'il avait dit qu'il espérait me voir dans cette ville. Tout ce narré est de la plus exacte vérité.

Une légère part faite à l'exagération, je tiens ce récit pour parfaitement vraisemblable et, dans mon livre', je me suis longuement expliqué à ce sujet avec M. A. Les mots soulignés se retrouventpresque textuellement au passage indiqué Mercure de France, novembre 1770, p. 124.

s Cette intéressante lettre se trouve dans le Mercure de France, janvier 1771, p. 198 et suiv. Lettre sur le Pygmalion de M. J.-J..RoMSMaM. s Cf. plus haut, p. 141, n. 1.


Jansen, dont les préventions vis-à-vis de Coignet ne me paraissent pas justinées Ce n'est pas ici le lieu de revenir sur cette polémique. Mais une objection se présente non seulement aucun des comptes-rendus publiés à Paris ne mentionne Coignet, mais encore il n'est nulle part question d'un autre compositeur que Rousseau. Or, est-il vraisemblable que Grimm et ses confrères, qui n'étaient pas précisément parmi les amis de JeanJacques, lui aient attribué une musique qui ne lui appartenait pas? Et les correspondants parisiens ne sont pas les seuls à regarder Rousseau comme l'unique compositeur de .P~~OH. L'auteur anonyme du Traité du mélodrame (automne 1770 ou hiver 1770-7!) en fait autant. Et cet Anglais, cité par le McrcMrc France (novembre 1770), qui rendit compte, dans l'Observateur ~Kc~ à Londres, de la représentation de Lyon, déclare formellement que paroles et musique sont du même auteur.

Et cependant, il est hors de doute qu'à l'exception des deux andantes', la musique jouée à Lyon est bien de Coignet. II doit donc y avoir ici un point sur lequel Coignet, pour des raisons faciles à comprendre, ne s'explique pas. Ou bien la musique a été jouée sous le nom de Rousseau avec l'assentiment de Coignet, ou bien, ce qui est plus vraisemblable, on ne mentionna sur le programme que le nom glorieux de Rousseau en laissant dans l'ombre l'auteur de la musique. Et tout le monde supposa que Rousseau avait composé texte et musique, comme dans le Devin du village, qu'on représentait le même jour.

1 Cf. A. Jansen, Rousseau als A~M~'Agr, p. 301 et suiv.

2 Cf. la musique donnée plus loin en appendice, n" 1 et 2, p. 173 et 175.


Il se peut que Coignet ait pensé obtenir, sous le patronage d'un grand homme, un succès auquel il eût difficilement atteint seul et dont il comptait se faire gloire auprès de ses compatriotes. Et l'on comprendrait ainsi que la société parisienne ait considéré Rousseau comme le poète-compositeur de Pygmalion, et que notre Anglais ait partagé cette erreur. Le silence de Rousseau lui-même est singulier, je l'admets, mais cependant point inexplicable, étant donné son caractère. Peut-être estimait-il, en toute sincérité, pouvoir s'attribuer seul la gloire de la composition, puisque l'idée de cet original emploi de la musique était sienne et que Coignet l'avait simplement mise en œuvre. La correspondance entre Coignet, Mme de la Verpilière et Rousseau ne rend pas l'affaire plus claire'. Rousseau ne semble-t-il pas considérer la partition comme sa propriété, puisqu'il la réclame à Coignet par l'intermédiaire de Mme de la Verpilière? Et cela peut-être à la suite d'une baroque association d'idées Coignet n'a pas accepté la lanterne en souvenir, par conséquent, il doit restituer la musique de Pyg~OM.

M. A. Jansen reproche à Coignet de ne produire, dans l'original, aucune des lettres que Jean-Jacques lui aurait adressées. Il est cependant certain, à en croire Mahul, qu'il en a possédé plusieurs mais elles furent anéanties avec toute sa fortune lors du siège de Lyon. Il semble néanmoins singulier qu'il n'ait pas répondu à l'invitation amicale de Rousseau à laquelle il faisait 1 « Je n'en ai jamais attribué le succès, déclare Coignet lui-même dans sa correspondance, qu'au genre neuf et distingué de ce spectacle, a la supériorité avec laquelle ce grand homme a traité ce sujet, x etc. Dans ses souvenirs, il s'exprime plus clairement encore < J'en devais le succès aux conseils de ce grand homme dont la présence m'inspirait *(cf. plus haut).


allusion en dernier lieu. En tout cas, lorsqu'il publia la lettre du 22 novembre 1770, Rousseau, qui vivait encore, avait une excellente occasion de s'expliquer enfin au sujet de P~w~'oy!. Rousseau se tut. Pas un mot, pas une ligne. Il continua même de se taire en face de l'énorme succès que T~~H~/zo~ avec la musique de Coignet remporta le 3o octobre 1775 à la Comédie française. A la vérité, les acteurs lui ayant demandé auparavant la permission de jouer la pièce, il aurait répondu (Grimm relate l'anecdote comme un on dit) qu'il ne le permettait pas, mais qu'il ne les empêcherait point de poursuivre leur dessein. Voilà qui est étrange. La Harpe donne une version plus vraisemblable. Selon lui, Rousseau se montra fort irrité de ce que Larive attendît le moment où la pièce fut annoncée pour lui demander, au nom des acteurs, l'autorisation de jouer:

C'est s'y prendre un peu tard et Rousseau n'avait pas besoin de ce juste sujet de plainte pour recevoir mal l'envoyé de la Comédie. Il lui a parlé à travers la porte, qu'il n'a pas voulu ouvrir; il n'a ni accordé ni refusé la permission qu'on demandait « Faites comme il vous plaira, a-t-il dit, au surplus il y a une sottise dans l'ouvrage je ne la corrigerai pas. »

J'ai sous les yeux quatre comptes-rendus de la représentation, tous quatre fort peu élogieux pour la musique. Voici ce qu'écrit Grimm

La musique qui accompagne la scène de Pygmalion a paru agréable mais elle est loin de ce qu'elle pouvait être. Il est peu de sujets, ce me semble, plus dignes d'exercer les talents d'un grand compositeur. Il faudrait cependant que cette musique ne fût point trop forte pour ne pas couvrir les paroles il faudrait qu'elle fût plus chantante, plus expressive qu'harmonieuse et savante il faudrait enfin que le musicien sût sacrifier adroitement les ressources ordinaires de l'art à la marche du poème et à l'effet théâtral. La


musique qu'on a exécutée à Paris est d'un amateur, de M. Coignet, négociant de Lyon, à l'exception pourtant de deux ou trois petits airs qui sont de Jean-Jacques.

Et Laharpe, avec beaucoup de finesse, met le doigt sur la plaie

La musique que l'on entend dans les intervalles du récit est d'un particulier de Lyon, elle est médiocre; mais, quand elle eût été meilleure, on l'eût à peine écoutée. Rien n'est plus mal imaginé que de vouloir répéter avec des instruments ce que la déclamation vient d'exprimer: la répétition sera toujours faible. L'harmonie ne peut accompagner que le chant; ils s'entr'aident l'un l'autre en exprimant les différentes expressions d'un objet; mais personne ne se soucie d'entendre des instruments quand un acteur vient de parler c'est placer un effet vague et éloigné après un effet sûr et immédiat.

Bachaumont va jusqu'à estimer qu'il y a complet désaccord entre la poésie et la musique

C'est un morceau de quelques minutes de lecture seulement mais au moyen de la musique qui y est jointe, de l'ouverture et des accompagnements remplissant les silences et les repos de ce soliloque, il dure une petite demi-heure. Par une bizarrerie bien digne de l'auteur, il n'a point fait toute la musique de ce petit drame la seule ouverture est de lui le reste des symphonies est d'un M. Coignet, négociant de Lyon et amateur. Il est dommage que l'énergie de celle-ci ne répond pas à celle du dialogue, à la situation violente de Pygmalion.

De même, dans la Correspondance littéraire secret Il y avait de la musique jointe à la prose de la scène, c'està-dire que, lorsque l'acteur finissait son couplet, la musique achevait en quelque sorte ce que l'expression avait énoncé je crois que c'est ainsi que les anciens représentaient ces drames immortels, admirés de nos jours. Cette musique est bien inférieure à la prose de M. Rousseau; elle est l'ouvrage d'un Lyonnais; il n'y a que deux morceaux lyriques qui appartiennent à l'auteur de la pièce. Coignet avait donc pourtant obtenu d'être enfin regardé comme le compositeur de la musique. Les juge-


ments que nous rapportons montrent son succès auprès de la critique.

Nous nous étonnions, tout à l'heure, de l'attitude bizarre de Rousseau vis-à-vis des acteurs, qui s'étaient adressés à lui. Plus étrange encore est l'assertion qu'il devait placer un jour dans la bouche de son altei- ego' On vient de mettre à Paris Pygmalion, malgré lui, sur la scène, tout exprès pour exciter ce risible scandale qui n'a fait rire personne et dont nul n'a senti la comique absurdité. I[ n'est pas facile de comprendre ce qu'il veut dire. Son jugement porte-t-il, ainsi que le veut M.A. Jansen, sur la partition de Coignet ? Ce serait, dans ce cas, la plus dure condamnation qui ait jamais été prononcée contre le négociant artiste. Mais il me semble que Rousseau se serait alors exprimé de façon moins ambiguë. La musique de Coignet existe dans deux éditions gravées, in-z).°, qui contiennent chacune sept parties d'orchestre et n'offrent de différence que dans le titre. J'en connais trois exemplaires: deux de la première et un de la seconde édition. L'une des éditions est certainement antérieure à l'autre, car elle porte encore le nom d'un libraire lyonnais. En voici le titre exact « Pygmalion de M. Rousseau. Monologue mis en musique par M. Coignet, gravé par Madame Oger. Prix 6 livres. Se vend à Lyon chez Cassaud, libraire, et à Paris chez M. Dauvin, receveur des dit~°, port St-Paul, aux adresses ordinaires de musique. » C'est Castil-Blaze qui, le premier, a indiqué le titre de cette édition, à vrai dire très inexactement et sans parler de la musique. Edmond Vanderstrseten, l'érudit belge dont les recher1 Rousseau juge de Jean-Jacques, éd. Hachette, t. IX, p. 307.


ches sur l'histoire de la musique dans les Pays-Bas sont bien connues des spécialistes, a donné, dans la Nourelle Plume de Bruges, du 24 novembre 1872, une communication intéressante et détaillée à propos d'un exemplaire de cette même édition qui lui était tombé entre les mains. Le second fait partie de la bibliothèque du prince de Monaco et vient de l'héritage de Coignet lui-même. L'autre édition fut certainement publiée après que Coignet se fut atté établir à Paris. Il n'en subsiste, à ma connaissance, qu'un seul exemplaire qui se trouve à la Bibliothèque royale de Berlin; on n'en peut, malheureusement, déterminer l'origine. Le titre porte PygMM/MH de M. Rousseau. Monologue mis en musique par M. Coignet. Prix 6 francs. A Paris chez M. Lobry, rue du Roule, à la Clé d'or, n° 34 (in-4°).

J'ai transcrit les parties d'orchestre et je donne comme exempte de la musique les deux andantes Qu'on étudie de près le premier morceau, ce petit andante de quarante-deux mesures. Quelle simplicité dans les moyens d'expression et cependant quelle justesse de sentiment sous une forme à la fois exacte et libre Les harmonies ne sauraient être plus simples, et pourtant la basse est variée! Toute l'expression est dans la mélodie, car Rousseau n'estimait point qu'elle pût être dans l'accompagnement. En cela il était conséquent avec sa prédilection pour la musique italienne et la chanson populaire n'est-ce point lui qui a trouvé ce terme d'unité de mélodie qu'il opposait aux savantes complexités du contre-point ?

Déjà la notation si minutieuse des nuances et de la mesure est caractéristique, au plus haut degré, des 1 Voyez à l'appendice, p. 173 et 175.


compositions du philosophe genevois. Ces singuliers accents, ces alternances perpétuelles de rz'br; de p~~o et de poco ~br~, ces quarts de soupirs au commencement de la mesure, sont d'une signification éloquente ce sont les douloureuses plaintes, les gémissements, les soupirs, les sanglots d'un cœur profondément blessé.

Coignet lui-même, dans sa lettre, explique que le deuxième andante est une page descriptive, qui évoque le travail de sculpteur de Pygmalion plus tard dans ses souvenirs, il l'appellera « la ritournelle des coups de marteau. »

Ce petit morceau donne bien en effet et la chose n'était pas aisée, dans un quatuor d'instruments à cordes la sensation de coups de marteaux frappés sur un bloc de pierre qu'on examine de près les treizième et quatorzième mesures, avec leurs syncopes accentuées encore, comme le ferait Beethoven, par les indications des~M~o et des~/br/c. H est, en outre, évident que les six dernières mesures, où l'on ne retrouve plus le motif des «coups de marteau H se rapportent au nouveau jeu indiqué pour l'acteur « II se recule et regarde d'un air mécontent et découragé », de même que le s~or~~o de- l'avant dernière mesure. Rousseau essaye donc ici de résoudre ce problème malaisé rendre par la musique et suivant un programme un événement extérieur.

H ne vaudrait guère la peine d'examiner ici de plus près la musique de Coignet constatons simplement qu'elle ne s'accorde pas le moins du monde avec les indications que donne Rousseau dans la fameuse édition de Vienne, et qu'au surplus sa valeur artistique


est nuile. Tout ceci dit, il est une question que nous n'avons pas encore résolue Rousseau a-t-il oui ou non exécuté son idée jprcw!'èrc qui était d'écrire lui-même toute la jt7ar~OM de P~jg-MM~'OK ?

C'est à Lyon que commence le mystère. Les événements les plus importants se succèdent. Jean-Jacques garde le silence. Mais un fait demeure hors de doute: il fut, à Lyon, en relations avec Coignet et lui a donné les deux andantes d'après lesquels l'autre composa le reste, pour la première représentation. En janvier 1771, Coignet, dans une lettre au Mercure de .France, cherche à sauvegarder ses droits de compositeur et, plus tard, dans les Mémoires parus après sa mort, il reproche à Rousseau de s'être laissé considérer par la société parisienne comme l'auteur de la musique. En fait, Rousseau semblait bien, à un certain point de vue, considérer cette musique comme sa propriété intellectuelle n'est-ce pas lui qui avait eu cette idée originale d'en faire un accompagnement, non des paroles, mais du jeu de l'acteur, pour qu'elle en renforçât l'expression ? Et Coignet, si mal qu'il y ait réussi la plupart du temps, avait sans nul doute écrit la partition d'après les données de son glorieux collaborateur. Mais Rousseau se tut. Pas un mot de protestation. Pourtant, en des cas analogues, qui se présentaient fréquemment pour lui, il avait un moyen de défense peu banal il écrivait une musique supérieure à celle qu'on l'accusait de s'être appropriée, démontrant par là qu'il était assez riche de son propre fonds pour ne point emprunter à autrui. Il composa, par exemple, six airs complétement nouveaux pour prouver qu'il était bien l'auteur du Devin du Village, ou bien, il lui arriva


de se faire donner par des gens de la haute société des textes sur chacun desquels il faisait plusieurs mélodies différentes. Je n'insiste point sur toutes ces fantaisies que seul explique l'esprit singulièrement irritable de Rousseau pendant les dernières années de sa vie Mais je crois que Rousseau fit pour Pygmalion ce qu'il avait fait pour le Devin du Village il composa une musique qui valait mieux que celle qu'il avait écrite en collaboration avec Coignet, et dont il exposa le caractère en détail dans ces observations imprimées à Vienne, qu'Aspelmeyer s'est procurées, directement ou indirectement, j'ignore de quelle manière. Il est à remarquer que Jean-Jacques désapprouva la représentation de Paris où fut jouée la musique de Coignet et qu'il la traita de « comique absurdité)). Le passage des Observations que j'ai cité textuellement plus haut, et qui date de 177~-75, est en outre très significatif. Cest la première et l'unique fois que Rousseau parle avec détails de Pygmalion et qu'il discute, en le rapportant à cette œuvre, le problème théàtral qu'il cherchait à résoudre. «La scène de Pygmalion, dit-il, est un exemple de ce genre de composition qui n'a pas eu d'imitateur. Cette phrase ne saurait se rapporter qu'à une musique dont il serait l'auteur il est hors de doute qu'il ne parle point ici de celle de Coignet, qui ne s'accorde pas plus avec les remarques des Observations qu'avec les remarques de l'édition de Vienne. En 177~-75, Rousseau faisait donc allusion à une musique de Pygmalion qu'il avait composée pour illustrer ses théories.

1 Sur toutes ces tracasseries au sujet de ses plagiaires, cf. Rousseaic jK~e de Jean-Jacques, surtout le 2" dialogue.


J'étais déjà fort avancé dans mes investigations lorsque, dans le catalogue publié par Georges Thouret, de la collection de musique de la Bibliothèque royale particulière, au château de Berlin, je trouvai désignée sous la cote M 48gg une partition manuscrite, qui serait le Pygmalion, scène /rr~Me de Rousseau. Je fis des recherches sur place. En voici le résultat. La partition se compose de vingt-quatre feuilles in-fol., épaisses et non réglées. Le texte du poème, tel qu'on le trouve dans les éditions habituelles, est coupé par les morceaux de musique. Les indications scéniques manquent. L'ouvrage a une somptueuse reliure de cuir rouge, les lettres et la tranche sont dorés. La couverture et le dos portent le titre de 7~7Ka/o?!. A l'intérieur, on trouve une mince feuille de papier à écrire qu'y a jointe un relieur, et sur cette feuille, le faux titre

Pigmalion

Scène lyrique

Par Jean-Jacques Rousseau

Argument

Pigmalion, fameux sculpteur, aime tellement une statue de Galathée qu'il avait faite, qu'il demanda aux dieux que cette statue fût animée. Il l'obtint, alors il épousa l'objet de son amour. Le manuscrit n'est pas, comme on pourrait au premier abord être tenté de le croire, de la main de Rousseau lui-même. H est t'œuvre de deux copistes dont l'un fut chargé de la musique, l'autre du texte, et dont l'écriture n'offre pas la moindre analogie avec celle de Rousseau. Du reste, des fautes nombreuses et absurdes dans la partie musicale (le premier accord, en bémol majeur, a un fa à la base !) prouvent que le copiste était fort ignorant.


Mais si nous avons de bonnes raisons pour récuser toute participation matérielle de Rousseau à l'élaboration du manuscrit de Berlin, nous en avons de meilleures encore pour affirmer que nous avons affaire, cette fois, à un Pygmalion qui est bien, paroles et musique j'oeuvre de Jean-Jacques.

H s'est agi, d'abord, de déterminer à quelle année remontait la partition. Ce n'était point chose très malaisée la reliure et le papier me fournissaient des indices. Etant donné l'endroit où fut trouvé le manuscrit, il est certain, à ce que m'affirme l'éminent classificateur de la collection royale, M. le Professeur Thouret, qu'il a appartenu à Frédéric Guillaume II. La reliure en fait également foi. Elle a été, sans aucun doute, fabriquée en Allemagne, par le relieur de la cour de Prusse, à un moment qu'il est facile de déterminer, si on la compare avec celle des autres partitions de la collection de Frédéric Guillaume II. Parmi ces dernières, j'ai mis la main sur un exemplaire dont la couverture intérieure est en papier de Chine fantaisie, exactement comme celle du manuscrit de Pygmalion, et qui renferme, lui aussi, une feuille de papier à écrire ajoutée par le relieur. Cette feuille porte le filigrane J. Houg et Zoonen, avec un lis, qui est également le filigrane de la feuille ajoutée à la partition de Pygma/MM. Les dates sont, dès lors, faciles à déterminer. Le second manuscrit, le seul de toute la collection qui ait des analogies aussi grandes avec celui qui nous intéresse, est une petite cantate Les FcpMA- de ~r/M, poème de Blainville, comédien royal, musique d'Agricola, maitre de Chapelle de la cour (élève de J. Sébastien Bach). II fut offert à Frédéric Guillaume II et à la


reine, à l'occasion de la naissance du prince Frédéric Guillaume (le futur Frédéric Guillaume III). Frédéric Guillaume III est né le 3 août 1770, et comme Blainville a écrit de sa propre main le titre et la dédicace, on peut tenir pour assuré que le papier muni du filigrane en question date bien de la même époque. Ces conclusions ne sont-elles pas surprenantes pour qui se souvient que la « première de Pygmalion eut lieu à Lyon au printemps de 1770 ? Et ne pourrait-on objecter que notre argumentation repose sur des données bien incertaines les deux feuilles, pour être identiques, ont-elles été nécessairement ajoutées au même moment ? Le relieur a fort bien pu employer ce papier pendant nombre d'années. Mais ici, heureusement, on peut fixer deux limites.

Le manuscrit n'est pas tombé entre les mains du roi avant août 1770 les faits que nous avons exposés le démontrent.

Il n'est pas arrivé à Berlin après 1778. Voici pourquoi de la collection de Frédéric Guillaume II provient également le fait nous a été confirmé par M. le conservateur Kopfermann une partition de l'Antoine et Cléopâtre de Cana\ Or cette partition présente, elle aussi, une feuille ajoutée dont le papier est identique à celui de la feuille de Pygmalion, mais qui porte comme filigrane un lis et les simples initiales J. H. et L. La fabrique de papier jugeait donc l'abréviation suffisante à cette époque, c'est-à-dire en 1779 ou même un peu auparavant, car .4~0! Cléopâtre ayant été joué à Berlin en 1779, il est à supposer que le roi avait reçu 1 Bibliothèque Royale publique de Berlin.


déjà, avant la représentation, la partition avec dédicace. N'y aurait-il pas moyen de déterminer d'une manière plus précise encore, la date à laquelle fut écrit le manuscrit de Pygmalion et celle où il entra en la possession de Frédéric Guillaume 1er?

Sur ledernier point, je n'ai pas de documents (peut-être en existe-t-il dans les archives de la Maison royale, malheureusement inaccessibles au public). Mais je suis arrivé, pour la première question, à des conclusions quasi certaines.

Rousseau a donné lui-même, peu avant sa mort, la liste exacte des œuvres musicales (compositions ou copies) qu'il a écrites depuis le i" avril 1772'. I[ n'y mentionne pas ~a/zo~. Mais, dans son avant-propos, il déclare n'avoir pas indiqué les partitions écrites entre le i~ septembre 1770 et le rer avril 1772 parce qu'il n'en avait pas relevé le compte exact. Or c'est précisément à cette époque que semble remonter l'origine du manuscrit de Berlin, puisque la lettre dans laquelle Coignet revendique ses droits d'auteur parut en janvier 1771, et que Rousseau, selon son habituelle tactique de défense se mit certainement peu après à la nouvelle partition. S'il ne la cite point dans la liste à laquelle nous faisons allusion, c'est qu'elle s'était sans doute égarée dans l'intervalle, le cas n'était pas rare alors a. Un agent de la légation prussienne ou toute autre personne qui connaissait la prédilection du roi pour la musique et la littérature françaises, en aura fait faire une copie à laquelle les nombreuses fautes monCette liste a été reproduite, en partie, pour la première fois par M. A. Jansen (p. 474 et suiv.).

Cf. Oeuvres, éd. Hachette, t. IX, p. 136.


trent que Rousseau n'eut aucune part. Il est certain qu'à cette époque l'enthousiasme pour Rousseau était grand, et qu'en envoyant à Frédéric Guillaume une de ses partitions, on pouvait s'attirer quelque faveur'. Ces explications données, si nous en venons à la musique elle-même, nous nous trouvons en face d'un fait important cette musique suit, ~'K~M6 ~~s les plus petits détails les indications publiées ~t!S /OM F!e?:ne de 777-7~. Je vois là une nouvelle preuve à la fois de son authenticité et de la justesse des conclusions auxquelles je suis arrivé à propos de la date de son origine. Qu'on se souvienne que ces représentations en allemand, avec la musique d'Aspelmeyer, eurent lieu en février 1771 et que, selon toute apparence, des représentations en français avaient été néanmoins données en tyyi à Vienne, où, par conséquent, l'on connaissait dé)à les indications qui devaient être jointes à la fameuse édition.

Mais le manuscrit de Berlin ne serait-il point, par hasard, la partition perdue d'Aspelmeyer ou celle de Schweizer?

Une telle hypothèse ne résiste pas à un examen attentif de la musique. C'est bien là le caractère et la technique d'un musicien ~r~KcaM. Et ce Français ne saurait être que Rousseau. Le manuscrit, en effet, ne porte que son nom. Si la musique était d'un autre compositeur, pourquoi ne l'eût-on pas indiqué Et tout autre compositeur du temps, par égard pour le grand écrivain, eût conservé dans la nouvelle composition, 1 Cf. Ludwig Geiger, ~)'Hn. 7S~S :fS40, Geschichte des geistigen .M'eKsderp)'e!<M!'scA<')t .Hai<p<s<<M!t, Berlin, 1S93, t. I. p. 508 et suiv. On trouvera là d'autres détails survie culte voué a]ors & Rousseau.


comme l'a fait Baudron, les deux andantes qui se trouvaient déjà intercalés dans la musique de Coignet. La manie de Rousseau, que nous rappelions plus haut, explique seule qu'il ait refait les morceaux en question. Enfin et c'est à mon avis la preuve la plus irréfutable la facture de cette musique ressemble de manière frappante à celle des œuvres que Jean-Jacques composa dans les dernières années de sa vie. Et comment un autre eût-il réussi à créer une partition qui s'adapte aussi parfaitement au poème ?

Les compositions qui datent de la dernière période de Rousseau témoignent toutes, parfois encore à un plus haut degré, de cette singulière recherche de la mélodie caractéristique, que nous relevions dans les deux andantes. On n'a, pour s'en assurer, qu'à parcourir quelques pages des six MOM~MM~c airs de cette idylle de D~HM Chloé qui demeura à l'état d'ébauche, ou bien du recueil de chansons posthumes, qui parut sous le titre Consolations des M~cres de ma vie. L'expression, et surtout le mouvement, sont notés avec une finesse de sentiment presque unique à cette époque. C'est à peine si l'on en trouverait l'équivalent chez Gluck, dont Rousseau, les dernières annnées de sa vie, appréciait tant les œuvres. Les procédés sont les mêmes dans la musique du manuscrit de Berlin. On y retrouve les alternances si caractéristiques de p~MO et de forte, les syncopes, toutes les particularités que nous avons signalées. Et ceux à qui sont familières les œuvres musicales de la dernière période de Jean-Jacques, ne s'étonneront point si l'harmonie et l'instrumentation de jP~-M!o~ marquent un progrès considérable sur celles du Dc~'H ~M Village, pas plus qu'il ne


seront surpris de singularités instrumentales qu'ils auront déjà rencontrées ailleurs. L'emploi de deux altos, qui dut sembler frappant, se retrouve dans Daphnis et Chloé, surtout dans le remarquable larghetto où deux altos et une basse accompagnent, en la mineur, le chant du ténor, tandis que les haut-bois, la clarinette et les violons ne se joignent à eux que plus tard, pour la modulation en la majeur, trait d'une remarquable finesse

Mais il est un autre point, plus important encore. Voici ce qu'écrit Rousseau, dans son D!'c<!o;!?M!re, à l'article MKr~'Ke

La sourdine, en affaiblissant les sons, change leur timbre et leur donne un caractère extrêmement attendrissant et triste. Les musiciens français, qui pensent qu'un jeu doux produit le même effet que la sourdine et qui n'aiment pas l'embarras de la placer et déplacer ne s'en servent point; mais on en fait usage avec un grand effet dans tous les orchestres de l'Italie et c'est parce qu'on trouve souvent ce mot sordini dans les symphonies que j'en ai d& faire un article.

Rousseau connaissait et appréciait donc l'effet particulier de la sourdine, mais il savait aussi que les musiciens français « ne s'en servent point. M Malgré cela, il ne craignit pas de l'indiquer expressément dans deux morceaux de sa dernière période. Dans Daphnis et Chloé (page 35) se trouve un a~~?!~ ~-r~'oso, où la voix du chanteur est accompagnée par les violons et les altos « avec la sourdine et l'archet, par les instruments qui jouent la basse « pincé, sans sourdine, effet ravissant et nouveau à cette époque. Un arrangement semblable existe dans le délicieux petit duo entre Colin et Colette, dans les Nouveaux airs (p. 3:). Mais l'emploi de la sourdine était si peu goûté alors en France que,


lorsqu'on donna ce duo pour la première fois à l'Opéra, après la mort de Rousseau, le 20 avril 1770, on ne tint nul compte des indications du compositeur, on joua sans sourdine à aucun instrument et, qui pis est, /br/o

Or, sur les vingt-quatre morceaux de la partition de Berlin, il n'y en a pas moins de sept (parmi lesquels l'ouverture 2) qui portent l'indication expresse « sourdine. M Voilà une chose que nul autre compositeur n'eût alors osée et qui se justifie ici, car l'accompagnement sauf dans les éclats de passion ne devait pas s'imposer, mais soutenir discrètement l'acteur. C'est précisément sur ce point que Coignet, de l'avis même des contemporains, avait échoué. On se souvient de la remarque de Grimm « II faudrait que cette musique ne fût point trop forte pour ne point couvrir les paroles. o H n'en fallait pas davantage pour que Rousseau, désireux d'échapper à un tel reproche, adoucît l'accompagnement par cet emploi de la sourdine qui était dans ses habitudes.

Mais la comparaison entre la musique de Coignet et la partition de Berlin est encore intéressante à d'autres égards. Coignet a la manie de terminer tous ses morceaux par des accords dissonants, qu'il va jusqu'à amener par des modulations fort inutiles; ou bien il finit sur l'accord de dominante. C'est chez lui une bizarrerie cherchée il évite d'achever sur des résolutions satisfaisantes pour l'oreille. Je crois que la raison de cet étrange procédé est simplement dans une indication de Rousseau mal saisie. C'est ce que confirmerait la parCf. l'avant-propos de l'éditeur.

Cf. l'exemple n° 3 de l'appendice, p. 176.


tition de Berlin. Pas un seul de ses vingt-quatre morceaux ne se termine d'une manière aussi absurde que ceux de Coignet, mais il en est dix-sept, c'est-à-dire plus des deux tiers qui finissent sur la dominante. C'est là, me semble-t-il, un fait concluant. Si l'on veut s'assurer que Rousseau ne partage point les manies barbares de Coignet, il suffit de jeter un coup d'oeil sur le dernier morceau (n° 23) qui, bien que suivi d'un discours de l'acteur, s'achève sur la tonique. En outre, chez Coignet, les changements de tonalités se succèdent de la façon la plus extravagante, tandis que, dans la partition de Rousseau, les morceaux, fussentils même séparés par une longue déclamation, sont toujours liés par la tonalité. Je renvoie à mon livre pour l'analyse détaillée de cette partition, aussi bien que de celle de Coignet. Il suffit ici de remarquer que, d'une manière générale, elle s'adapte avec la plus grande fidélité, parfois même avec une finesse surprenante, aux indications scéniques. Là où elle s'en écarte, c'est par suite des nécessités pratiques de l'exécution ou de l'impossibilité d'exprimer, avec les moyens qu'un compositeur avait alors à sa disposition, l'enthousiasme et la fougue poétique de Pygmalion. Mais au reste, de très rares passages exceptés, la musique peint d'une manière vivante et directe les situations et l'emporte en tous cas de beaucoup sur celle de Coignet. Là où cette dernière est bonne, celle de Rousseau offre, sinon quelque chose de mieux, du moins une conception nouvelle de la situation.

Je doute que la partition du manuscrit de Berlin ait jamais été exécutée; il n'y a pas à cet égard de témoignages certains, mais l'exemplaire de la Bibliothèque


royale n'a servi en tout cas qu'à l'usage particulier du roi la richesse de sa reliure en fait foi, sans compter qu'un chef d'orchestre qui aurait eu à diriger d'après un tel manuscrit eût, sans aucun doute, commencé par corriger les nombreuses fautes de copie.

L'intention de Rousseau, en composant Pygmalion, était de montrer qu'en passant du simple récitatif sans accompagnement au récitatif accompagné d'accords soutenus, on pouvait, au moment du paroxysme de la passion, se servir du récitatif obligé, souligné par le jeu expressif des acteurs. Mais il professait ce singulier préjugé que la langue française n'est pas apte au chant, et c'est ainsi qu'il en vint à l'idée d'alterner les paroles et la musique instrumentale.

Nous avons vu clairement, en comparant la partition de Berlin aux remarques de l'édition de Vienne, comment Jean-Jacques chercha à résoudre le problème. Mais il dut s'avouer que la tentative n'était guère heureuse il remarqua lui-même quel contraste désagréable produisait la musique d'un orchestre succédant à la simple parole de l'acteur.

Une bizarrerie du sort a voulu que les idées de Rousseau se trouvassent précisément exposées dans ces O~r~/oKs $Mr l'Alceste M. le chevalier Gluck qu'il écrivit, à la prière de Gluck lui-même, dans l'hiver 177~-76, mais qui ne parurent qu'après sa mort. Et Gluck était l'homme qui, tandis qu'il réduisait à néant les préventions injustifiées contre l'emploi du français, allait réaliser les théories du « citoyen de Genève)) sur la musique dramatique, et en particulier sur le récitatif obligé.

Et c'est ainsi que la pensée qui avait germé dans


Pygmalion se développa dans les œuvres théâtrales d'un grand compositeur allemand, devint familière aux successeurs de Gluck et contribua peut-être à la naissance du drame musical le plus intensément expressif, de celui que nous donna Richard Wagner. Edgar ISTEL.


APPENDICE







TEXTES ET DOCUMENTS

PAGES INÉDITES

DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU

EPUIS l'édition que Musset-Pathay a donnée

S des Œuvres de Rousseau,' on a publié,

de 1826 à go5, un certain nombre de morceaux plus ou moins achevés, de fragments,

de pensées et de notes, tirés pour la plupart de ses manuscrits conservés à Neuchâtel et à Genève. En regrettant l'absence « d'un dépouillement régulier et méthodique des papiers du philosophe, Sainte-Beuve' rappelait, en ;86!, que des parties du «trésor de Neuchâtel avaient été mises au jour et « disséminées cà et là, » mais que « cet ~~7 fuyait, en quelque sorte, de toutes parts et ne se rassemblait pas. » Près d'un demisiècle s'est écoulé et l'observation de l'excellent critique est toujours vraie, puisque la publication de G. Streckeisen,' dont il rendait compte, ne saurait être considérée comme définitive et qu'elle est, du reste, fort 1 Paris, 1823-1826. 23 vol. in-8°, auxquels il faut joindre le t. 1 des ~u- -L'édition Hachette (1865, 13 vol. pet. jn-8°), laide et compacte, que l'on cite volontiers, parce que c'est celle qui se trouve le plus aisément en librairie, suit le texte de l'édition Musset-Pathay, mais n'en est cependant point la reproduction pure et simple. La table analytique très inférieure à celle de Musset.Pathay.

2 Causeries du lundi, 3- édit., t. XV, p. 223; 15 juillet 1861. .=~ inédites de J.-J. Rousseau, publiées par G. Streckeisen-Moultou. Paris, 1861, in-8°.


incomplète. Comme il faudra nécessairement réunir un jour, dans une nouvelle édition, ces pièces éparses, j'ai essayé d'en dresser la liste suivante, en laissant toutefois de côté les lettres missives elles forment une catégorie distincte, sur laquelle j'aurai à revenir ailleurs. i. « Pensées d'un esprit droit et sentimens d'un cœur vertueux. » Recueil de 77 pensées, publ. par Villenave, d'après le ms. autographe,' Paris, 1826. Cf. A. Jansen, ~cAerc~M,' p. 58.

2. Deux fragments, dictés à Mme Le Vasseur. '–G.-A. Matile, Musée historique de Neuchâtel et ~~f~ t. II, 1843, p. 107, 108. Ils ont été de nouveau publiés,~ comme inédits, par J. Sandoz, sous la rubrique inexacte « De l'honneur», Bibliothèque M~rselle, octobre 1861, p. 206, 257. L'un d'eux'était peut-être destiné au Discours sur les scienceset les arts. 3. Discours sur les richesses, adressé à « Chrysophile. » Félix Bovet, Revue suisse, t. XVI, i853, 1 Ce ms de 10 ff. m-4°. a passé dans les ventes Villenave, 1850, n° 941, et Duplessis, 1855, 874 (39 fr.).

~Pt:S/~ inédits. Recherches biographiques et littéraires, par Albert Jansen. Paris, etc., Sec~n lui a~ attri~M2 sa fille, comme l'a dit Matile. G. Streckeisen lui a aussi attribué (p. 232) d'autres feuillets des mss. de Neuchâtel. Ce n'est qu'une légende. Si l'or thographe de M- Le Vasseur et celle de Thérèse sont également fantaisistes, l'écriture de l'une dinère trop de celle de l'autre pour qu'on ~s~Ies confondre. Rousseau dit formellement (Confessions, 1. VIII) ~'en ~~îl il dictait de son lit M°" Le Vasseur le « travail de la nuit et qu'il a Jl~ng~s suivi cette pratique.. Il résulte de cette constatation que les dictées qui subsistent sont antérieures au mois de décembre 1757, époque à laquelle Jean-Jacques se sépara de M"" Le Vasseur. < Avec quelques erreurs de lecture, par ex. « et asservissent lisez e/Mm:~t- « des gens réunis lisez dM~< humain. Comparer, par exemple « Le goût des lettres nait de l'oisiveté et la nourri-< Quant aux arts mécaniques. ils énervent le corps, efféminent les âmes » avec ces phrases du Discours « Nées dans l'oisiveté, elles [nos sciences] la nourrissent à leur tour. « Tous ces métiers tranquilles et sédentaires qui, en affaissant et corrompant le corps, énervent sitôt la vigueur de l'âme. » (Edit. Musset-Pathay, t. I, p. 28, 35.)


p. !82-ig8; le tirage à part est augmenté d'un facsimilé. Reprod. par A. de Bougy,* p. 23-44. 4- Fragments. A. de Bougy, p. 49-64. Cf. plus !oin, p. i85, n° 19; p. 196 et tgy, lettres A, E; p. 199. 5. « Le petit Savoyard, ou la vie de Claude Noyer. » E.-H. Gaullieur, Le /~r6~M~~7/ Almanach de /a~ns~ca~, année, i856, Genève, p. 9!-95. Reprod., peu exactement, par G. Streckeisen, p. 274-279.

6. Histoire de Genève, fragments. J. Sandoz, Revue suisse, t. XXIV, 1861, p. 38-44, 144-149, 459474, 512-520; tirage à part, in-8° de 40 p.' 7- Prière. A. Sayous, Le dix-huitième siècle à l'étranger, Paris, 1861, t. I, p. 236-239 (incomplète). On trouvera ci-après, n° VIII, le texte entier de cette pièce.

8. Projet de constitution pour la Corse. G. Streckeisen, p. 59-127. Cf. V. Grandjean, Notice s~r quelques fi-agments inédits de J.-J. Rousseau, dans le Supplément au Jozsrnal de Genève du 23 avril 1893. 9. Lettre sur la vertu.' G. Streckeisen, p. 133J.-J. Rousseau. Fragments inédits, suivis des Résidences de JeanJacques, par Alfred de Bougy. Paris, 1853, in-12.

s Dès le début, dans la phrase < Après la destruction de l'empire romain, les Allobroges, dont Genève faisoit partie. on relève une lourde faute l'imprimeur, ou l'éditeur, a remplacé les Allobroges par les abbayes. a Le commencement (jusqu'à « on l'aime aussitôt qu'on la » p. 134, 1. 14) et la fin (depuis « d'autre sécurité x p. 140.1. 26; de cette lettre sont seuls en minute autographe et forment les if. 7 et 22 du ms. fr. 228 de la BtbL de Genève. Ils sont accompagnés, ff. 8-15 (les ff. 16-21 sont blancs), d'une copie intégrale de la pièce, probablement faite par Guillaume Moultou. Que sont devenus les 7 ou 8 S. intermédiaires, écrits par Jean-Jacques G. Moultou les a-t-il donnés à des parents ou à des amis. à des collectionneurs d'autographes, en ne conservant que le premier et le dernier feuillets pour authentiquer, en quelque sorte, sa transcription? Si tel est le cas, on peut admettre qu'ils se retrouveront un jour. M. Roger de Blonay, à Paris, possède un feuillet ms. in-8°, qui avait été


141. -M. Jansen, 7.-Y. Rousseau als .Bo~n/fer, p. 169, n. 2, a proposé, pour cette lettre, un rapprochement qui est contestable.

10. Trois lettres [II, III, IV] à Sophie [d'Houdetot] sur la vertu et le bonheur. G. Streckeisen, p. 141165. Cf. plus loin, p. 186, n° 28.

:i. Allégorie sur la Révélation. Ibid., p. 171185. Reprod., d'après le ms. original, par M. Ernest Naville, dans Le C~rc/z'CM évangélique, revue religieuse de la Suisse romande, Lausanne, 1862, p. 214-222, avec deux variantes biffées. Dès 1858, J. Gaberel avait donné environ le tiers de ce morceau, avec son inexactitude habituelle Particularités z~z'~s sur le caractère et les croyances de J.-J. Rousseau, dans le Compte-rendu des Séances [24 et 31 juillet 1858] et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, donné son grand-père, M. Louis Dufour, t 1869, et qui provient également des papiers Moultou. Au recto, Jean Jacques a écrit la minute d'un billet à Mm- d'Epinay (« Voilà, Madame, les prémices de votre hermitage. » Edit. Musset-Pathay, t. XVIH, p. 338), assez différente du texte imprimé, et il s'est servi du verso pour la rédaction d'un paragraphe de la Lettre sur~eertM (« Vous me parlerez, je le prévois, et pour tout. ce qui lui échappe. P. 137, 138) C'est un premier brouillon, avec de nombreuses ratures et des passages supprimés son aspect extérieur n'est pas le même que celui des ff. 7 et 22 du ms. fr. 228.

Le Traité élémentaire de sphère et le Fragment biographique (G. Streckeisen, p. 191-212, 335-342), qui faisaient partie des mss. Moultou, ne sont pas entrés a la Bibl. de Genève en 1882. Existent-ils encore quelque part! î 1 Pourquoi Sainte-Beuve dit-il, en 1861 (op. Ctt., p. 224) « que l'on connaissait déjà les quatre Lettres sur la vertu et le bonheur. Il n'a pas pu faire allusion aux très courts passages, misérablement mutilés, que Gaberel en a donnés dans ses trois opuscules de 1858 (voy. n° 11), ni confondre ces lettres avec deux autres, également adressées à Sophie [d'Houdetot] et publiées, la première par Musset-Pathay, ~Mt. de la vie et des ouvrages de J.-J. Rousseau, 1822, t. II, p. 545-553, la seconde par J. Ravenel, dans la Bibliographie universelle, journal du libraire et de l'amateur de livres, 2'année, 1848, I" part., p. 3-5. En supposant qu'il « connut » les trois autres Lettres sur la vertu et le bonheur (n° 28), il n'en aurait vu, en tout cas, qu'une copie ms., provenant sans doute des papiers Ravenel. Son assertion repose donc sur une méprise inexplicable.


t. XLV, p. 411-6; Rousseau et les Genevois, 1 p. 93-98. Selon M. Ernest Naville,' l'Allégorie daterait «de la dernière année de la vie de Rousseau, » 1777-1778. Louis Thomas, encore plus précis, pense qu'elle fut composée « à Ermenonville, dans le mois de juin 1778. » Ce système ne me paraît pas soutenable l'Allégorie doit être contemporaine de la Parabole [voy. ci-après, p. 187] et toutes deux peuvent se placer vers 1750-1753. Un excellent juge, M. Eugène Ritter, s'est prononcé depuis longtemps dans le même sens.

12. Traité élémentaire de sphère. G. Streckeisen, p. 191-212.

i3. Trois fragments, dont l'un est une préface. 7~ p. 2)7, 221-222, 3~.5-346.

i4- Des conditions du bonheur d'un peuple. « Des lois. » « [Histoire] des mœurs. » « De l'honneur. » Sur le luxe, le commerce et les arts. De la richesse. De l'influence des climats relativement à la civilisation. Ibid., p. 223-269. L'éditeur a réuni ces morceaux sous le titre général de « Fragments des Institutions politiques », mais leur attribution à cet ouvrage projeté par Rousseau est fort douteuse. 1 Ce volume est un tirage à part du Journal de Genève, où il a paru, en 25 feuilletons, du 5 août au 9 septembre 1858. Cf. du même auteur, Les sentiments religieux de J.-J. Rousseau, dans la Bibliothèque universelle, 20 juillet 1858, p. 378-381.

Nouvelle étude sur la religion de Jean-Jacques Rousseau. (Le Chrétien <;cŒttSf~H~M~, 1862, p. 334).

S La dernière phase de la pensée religieuse de J.-J. Rousseau, ou son Fragment allégorique sur la Révélation. (Revue de théologie et de philoMp/ne, Lausanne, 1902, p. 212, 485, 488. – Tirage à part, 1903. p. 36, 123, 126). c r r

4 Journal de Genève du 15 août 1883. jr,a famille et la jeunesse de J.-J. Rousseau, 1896, p. 278, note.


Cf. E. Dreyfus-Brisac,' p. v; J.-L. Windenberger,' 4 p. 66. Le premier morceau doit évidemment être rapproché de la question mise au concours par la Société économique de Berne « Quel peuple a jamais été le plus heureux? » Tout en déclarant qu'il n'entend pas concourir, Rousseau observe (lettre du 29 avril 1762) que cette question lui « plaît beaucoup et qu'elle le tenterait, s'il avait à écrire. » On peut donc supposer qu'il rédigea ces quatre ou cinq pages dans les semaines qui suivirent, et que son départ de Montmorency(g juin) vint bientôt arrêter sa plume, en changeant le cours de ses idées. Il faut, en particulier, remarquer la phrase par laquelle commence le morceau « Si l'on demande quel peuple a jamais été le plus heureux. » Non seulement elle dénote une réponse à une question posée, mais encore elle reproduit fidèlement les termes qu'emploie le programme de la Société bernoise. G. Streckeisen a, d'ailleurs, modifié ce début, qui, dans le ms., se présente sous cette forme, encore plus probante « Vous ~e~K~, MëM!eMrs, quel peuple. » J'ai trouvé à Neuchâtel quelques fragments inédits se rattachant au même sujet.

:5. « Les amours de Claire et de Marcellin. » G. Streckeisen, p. 265-2y3.

16. De la langue française. Ibid., p. 2o5-3oo. jy. Notes sur l'abbé de Saint-Pierre. Ibid., p. 3oy-3ti.

J.-J. Rousseau. Du contrat social. Edition comprenant, avec le texte dénnitif, les versions primitives de l'ouvrage, une introduction et des notes, par Edmond Dreyfus-Brisac. Paris, 1896, in-8".

Essai sur le système de politique étrangère de J.-J..RoMMe<Mt..Lot république coM/M~ttue des petits Etats. Thèse pour le doctorat, présentée à la Faculté des lettres de Lyon, par J.-L. Windenberger. Paris, 1899, in-8".


i8. Préface d'une réplique projetée à M. Borde. [t753]. p. 317-322.

19. Pensées détachées. Ibid., p. 35:-367, 374. Sur ces 44. ou 45 fragments, quatre, p. 364-367, avaient déjà été donnés par A. de Bougy, p. 5o, 52, 53, et douze se rapportent, selon Jansen, Recherches, p. 33, 5g, àAfo~jpor~~ou aux Confessions.

20. « Des lois. » « De l'honneur. »- J. Sandoz, Bibliothèque universelle, octobre 1861, p. 253-257.–Ces fragments (pour les deux derniers, p. 256, 257, voy. ci-dessus, p. 180, 2) sont autres que ceux publiés par G. Streckeisen, p. 228-232, 237-239, sous les mêmes titres.

21 « Histoire de Lacédémone. » Préface et début. A. Jansen, Recherches, p. !i-i5.

22. « Romance. »-Alf. Bougeault, Etude ~Mr/'<~ mental de J.-J. Rousseau et sa mort à Ermenonville, 1883, p. 168, !6g. Le ms. de cette pièce, conservé en Russie, provient des papiers de la famille de Girardin.

23. « Idée de la méthode dans la composition d'un livre. » C"' Gaston de Villeneuve-Guibert, Le portefeuille de Madame Dupin,1 1884, p. 415-425. 24. La musique dramatique en Italie et en France, lettre à Grimm. A. Jansen, J.-J. Rousseau als Mus~fer,~ 1884, p. 455-463.

1 L'an dernier, la librairie Calmann Lévy a mis un nouveau titre aux exemplaires qui lui restaient de ce volume M. B. Faulquier, en lui consacrant un article dans le Bulletin critique du 25 octobre 1904, p. 586-588, a cru que c'était une publication récente et il félicite M. de Villeneuve-Guibert, sans se douter que celui-ci est décédé il y a dix ans (décembre 1895). Dans la préface de son Jean-Jacques Rousseau musicien, Paris, 1901, M. Arthur Pougin se vante de n'avoir « jamais ni vu ni lu le livre de M. Jansen. La déclaration est d'autant plus amusante que cette lecture eût évité à M. Pougin bien des erreurs.


25. Fragments sur la musique. Ibid., p. 464473.1

26. L'objet de la botanique. A. Jansen, J.-J. Rousseau ~/s ~o/aH~r, i885, p. 275-277.

27. Notes tirées d'un herbier de J.-J. Rousseau, en 11 vol. in-4", conservé au Musée botanique de Berlin. p. 277-292.

28. Trois lettres [I, V, VI] à Sophie [d'Houdetot] sur la vertu et le bonheur, complétant celles qui ont été indiquées plus haut, n° 10. Publ. par M. Eug. Ritter, dans les FcrA<K~-<?;! <~r~M?:MHf~'eMS!g'~K Versammlung <~M~c/~r Philologen und Schulmaenner in ZHr!'c/! (:887), Leipzig, 1888, in-4°, p. 324-335. II en existe un tirage à part. De nombreux passages des lettres V et VI se retrouvent « à peu près textuellement dans la Profession de foi du Vicaire savoyard, » et un morceau sur la pudeur (p. 331) a été utilisé dans la Lettre à d'Alembert sur les spectacles.

~g. « Que l'état de guerre naît de l'état social. » E. Dreyfus-Brisac, p. 3o4-3i6; J.-L. Windenberger, avec un fac-similé et quelques corrections, p. 2893oi.

3o. Douze fragments sur les droits de la guerre, etc. E. Dreyfus-Brisac, p. i, 3i6-33o; J.-L. Windenberger, p. 279, 281-287.

31. De la patrie. Eug. Ritter, dans La Montagne, revue SMMM littérature, Genève, février t898, p. 23-25.

1 A la suite, p. 474-479, M. Jansen a donné le début et la fin d'un ms. de Rousseau, appartenant à M. le marquis de Girardin et intitulé « Registre de mes copies de musique, » 1772-1777. Cette pièce intéressante, qui mériterait d'être imprimée en entier, n'a pas été portée dans la liste ci-dessus, parce qu'elle devrait faire partie d'une autre série, celle des < Documents biographiques. »


32. Parallèle entre les deux républiques de Sparte et de Rome. J.-L. Windenberger, p. 274-270, avec un fac-similé.

33. Vingt-et-un fragments ou notes sur diverses théories politiques, etc. Ibid., p. 280-283, 286-288, 302, 3o3.

34. – Deux pièces de 10 et 9 vers [Venise, 1743 ou ~744]- Aug. de Montaigu, Démêlés du comte de Mo/z~~M, <~M~.M<~Mr ~H~c et de son secrétaire Jean-Jacques Rousseau, 1904, p. 27, 28.

35. « Institutions chimiques. » Table des seize chapitres, répartis en quatre livres; fragments du chap. i, livre I, et des chapitres 1, 4, livre II. Th. Dufour, Les Institutions chimiques de J.-J. Rousseau, Genève, janvier !go5, p. o-io, 14-22. Extrait, avec des additions et un fac-similé, de La Semaine littéraire du 17 décembre 1004, p. 607-600.

La Parabole, qui fait partie des prétendus « Mémoires » de Mme d'Epinay,~ peut être jointe à tous ces morceaux. Elle s'en distingue en ce qu'elle n'a pas été publiée d'après une minute ou une copie autographe. Un amateur anonyme l'a réimprimée~ en :8y8, en lui donnant, d'après Paul Boiteau, la date de 1751, qui est approximative. Le roman épistolaire de M"~ d'Epinay ne saurait inspirer qu'une confiance très limiDont trois pouvaient déjà se lire sur le fac-similé placé en tête du volume de M. Dreyfus-Brisac.

2 Edit. J.-Ch. Brunet, 1818, t. II, p. 77-83; édit. Paul Boiteau. 1865, t. I, p. 395-400. Musset-Pathay s'est abstenu prudemment d'introduire la Parabole dans son édition des Œuvres de Rousseau.

s Bordeaux, Feret et fils, libr.-édit., in-8" de 14 p. Tire a 100 exemplaires. Le titre porte Edition princeps. On a voulu dire Première édition séparée.


tée. Il faut espérer pourtant que l'amie de Melchior Grimm a transcrit cette pièce avec fidélité, s'il est vrai que Rousseau lui en avait remis le texte écrit. En revanche il convient d'écarter le prétendu Testament littéraire, imprimé en 1772, signalé par M. Jansen et que M. 0. Schultz-Gora a cru devoir rééditer en 1897. Quinze ans auparavant, j'avais eu l'occasion de montrer qu'il n'y a là qu'une vulgaire imposture et depuis lors la même conclusion a été souvent formulée. a

Viennent ensuite une série d'ébauches, de variantes et de premières rédactions, se rapportant à des œuvres déjà connues et qui ont été rejetées lors de l'élaboration définitive. Dans une édition critique, ces textes ne devraient pas être réunis à ceux que je viens d'énumérer, mais il faudrait les donner en note ou en appendice, à la suite de chacun des ouvrages qu'ils concernent. On aura également à tenir compte de quelques modifications indiquées par Rousseau au moment de l'impression de ses livres ou peu après.

1 Recherches, 1882, p. 68-70.

S Dans une séance de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève. Voy. La Tribune d<<?en<-oe du 18 avril 1882.

M.Tourneur,jRecMeeWttgMf. 1883,1, p.511.512;–Eug. Ritter, Archiv /?<' das StMdttfMt der neueren Sprachen und ~.ttteratMfeK. 1897, t. XCIX, p. 223-225, et Zeitschrift für /?'an~j)sMc~e Sprache und Litteratur, 1898, t. XX, Referate und RMeKSMKeK. p. 50, 51 ;–I.e Temps du 4 juin 1897; Raoul Rosières, Revue critique, 1898, I, p. 337, 338. Ces deux derniers articles sont un peu moins affirmatifs que les précédents.


Mémoire sur l'éducation de M. de Sainte-Marie. Une rédaction différente et plus développée que celle qui figure, depuis 1782, dans toutes les éditions des ŒM~rgs, a été publiée par G. de Villeneuve-Guibert, Le portefeuille de Madame DKjp!~ p. 36t-4.– Cf. Léon Fontaine, TVb/e sur M?! opuscule ~0!-<~M~ inédit de J.-J. Rousseau, dans I'~4M;!Ma!'re de la Faculté des lettres de Lyon, 2" année, :88~ p. 189-200.

Discours sur les sciences et les arts.

Voy. ci-dessus, p. 180, n° 2.

Lettre sur la musique française.

Un changement, que Jean-Jacques a noté sur son exemplaire de l'édition originale (iy53), a été signalé par A.-P. Malassis, La querelle des ~OM~o~, 1876, p. I I Voy. encore p. a3, n. 6.

Discours sur l'inégalité.

Les lettres à Rey (p. 4, n. 2; 6, n. 1 y, n. 3 a, n. 2; 14; 18, n. i, !K fourniraient quelques menues variantes ou corrections. Mais Bosscha s'est mépris 1 Lettres inédites de Jean Jacques Rousseau ci Marc Michel Rey, t Z.SttfM tK~ttM Amsterdam .RoMSM<Mt Ct JM<!?'C AttcA~~ facpM~HeM par J..Basset. Amsterdam et Paris, 1858, in-8°, avec deux fac- similés.

s M. Ferd. Brunetière, dans son édition projetée, puis abandonnée, des Œuvres de Rousseau, comptait rétablir la tournure elliptique en trouventils, qui est ici indiquée.


au sujet de l'édition à laquelle se réfèrent toutes les observations faites par Rousseau à son imprimeur. Le volume de 1755, avec la désignation (f A Amsterdam, chez Marc Michel Rey, » que le savant hollandais a eu sous les yeux doit être une contrefaçon ce n'est pas l'édition originale, comme il l'a cru mal à propos, ce qui l'a entraîné à formuler des suppositions sans fondement. En outre, il a quelquefois cherché dans le texte des passages qui faisaient partie de l'épître dédicatoire. La moitié de ses notes (p. y, n. 2; g, n. 3-5; ic, 12; :4, n. 2 i6, n. 2; 17, n. 2 18, n. 3; ta, 22, 23) se trouve ainsi fautive.

Bosscha n'a pas non plus remarqué une particularité intéressante les éditions modernes (p. ex. Musset-Pathay, t. I, p. 332) offrent un morceau intercalé, qui n'existait ni dans l'édition originale de ty55, ni dans les éditions des Œ'M~'r~ diverses publiées du vivant de l'auteur, telles que Paris 1756, Amsterdam :y6o et 1762, Neuchâtel [Paris] jyë~ Amsterdam 1772, Neuchâtel 1775. Il a pris place dans la neuvième note finale, qui débute par « Un auteur célèbre. », et il commence aux mots c Mais n'est-il pas mille cas. », en se terminant à ceux-ci « eux-mêmes exempts d'inconvéniens. » On le voit apparaître, sans aucune explication, dans l'édition de Genève, donnée par Du Peyrou, 1.1, 1782, in-4", p. 146, 147.

Lettre à d'Alembert sur les spectacles. Voy. les lettres à Rey, p. 40, n. i; 5 i, n. t; 54, n. 4; 70, n. 2-4. L'omission du mot donc (ibid., p. 56, n. 3) dans toutes les éditions a été relevée par


M. Eug. Ritter, Revue critique, 1898, II, p. 289. Cf. ci-dessus, p. )86,n°28.

Nouvelle Héloïse.

Des variantes et des morceaux supprimés, tirés de deux brouillons différents' conservés à Paris, dans la Biblidthèque de la Chambre des députés, ont été publiés par M. Adolphe Badin, La Nouvelle Revue, 15 novembre 1888, p. 405-412. M. Félix Chambon en a donné quelques autres dans Z/Mr ~M/o~-r~M, !5 juin 1902, p. n3-7,' avec un fac-similé ils sont extraits de trois fragments' (en tout 12 feuillets) provenant de la collection d'autographes réunie par Victor Cousin et qui appartient aujourd'hui à l'Université de Paris. « Un chapitre inédit de J.-J. Rousseau », que M. Paul Bonnardot a communiqué à la Revue des revues, i5 janvier 1899, p. i~t-t~S, sans identification, ni indication de provenance, est encore un fragment de la Nouvelle Héloïse, partie V, lettre II, d'après l'une des minutes du Palais-Bourbon. Voy. aussi les lettres à Rey, p. 78 (et 86), 74, 87.

On avait déjà emprunté quelques variantes à l'une de ces minutes, notamment un alinéa pour la première préface (Edit. Didot le jeune, m' in-4-, t. I!, 1793. p. 12; etc.) et, à la fin de la V partie, une lettre de M'"dOrbeasanHe, que l'édition Hachette, t IV, p. 446, a eu tort de placer dans le texte, au lieu de la laisser en note, comme l'ont fait d'autres éditions.

2 P. 114, 1. 5, comme ce philosophe, lisez homme <'< philosophe. Le premier de ces fragments (lettre de M*" d'Orbe à M"' de Wolmar sur le caractère des habitants de Genève, partie VI. lettre V) avait passé, après la vente J. L[amoureux], de Nancy, 25-31 janvier 1855 (n° 838, 20 fr.), dans la vente Félix Solar, 2' partie, 1861. n° 3425, 36 fr.

H a été reproduit dans le Journal de Genève du 30 janvier 1899. Mais avec des fautes de copie ainsi, au lieu de x l'industrie de la langue, » il faut lire sans doute « l'industrie de la &7-M< La signature « Jean-Jacques Rousseau », ajoutée au bas de l'article, n'existe naturellement pas dans le ms.


Contrat social.

Le texte primitif des livres I, II, III, ch. i, IV, ch. 8, contenu dans le ms. fr. 225 de la Bibliothèque de Genève, a été mis au jour par M. Alexeieff dans ses Etudes [en russe] sur J.-J. Rousseau, 1887, t. II, p. v-Lxxxiv; puis par M. Edmond Dreyfus-Brisac, p. 245-3o3, avec trois fac-similés et beaucoup d'expressions ou de phrases que Jean-Jacques a biffées après les avoir écrites. Précédemment M. Eug. Ritter en avait publié un court fragment dans le Supplément au Journal de Genève du 14 avril 1882 et M. Charles Borgeaud en avait donné un chapitre dans sa thèse de doctorat (V.-Y. jRoMMMM's~e~'oH~!7oso~!e, i883, p. i28-:4i~,qui paraît avoir échappé aux éditeurs et commentateurs de ce texte. M. J.-L. Windenberger a aussi reproduit, p. 256-267, quelques extraits du ms. de Genève. Cf. Alexis Bertrand, Le ~~ë~r~M Contrat social, dans le Compte-rendu des Séances et ~M~MJC l'Académie des sciences morales et politiques, t. CXXXV, p. 85o-884. Le tirage à part, i8gi, Sy p., ne reproduit pas les observations présentées par M. Ch. Waddington (p. 884-886), après la lecture de ce mémoire. J. Izoulet, De J.-J. Russeo (J.-J. Rousseau), utrum Misopolis ~Mer~ ~H Plzilopolis, ex Genavensi codice, CM~M ceteris Russei operibus collato, ~Maer!<Mr~ 1894, in-8°. (Thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris.)


Emile.

Bailly de Lalonde,l t. I, p. 478-486, a transcrit quelques variantes d'un brouillon conservé à la Bibliothèque de la Chambre des députés, et Victor Cousin dans ses articles' du Journal des savants, septembre et novembre 1848, p. 524-628, 660-67:, en a donné d'autres, plus importantes. La plupart concernent la Proy~o/b~M~ca/reMyq~r~; quelques-unes seulement se rapportent au livre III d'E'w!7c et au reste du livre IV. Plus récemment, le passage' qui comprend l'apostrophe à Helvétius (a Ame abjecte, c'est ta triste philosophie. ») a fait l'objet d'une nouvelle étude, très minutieuse, due à M. Charles Comte Notes sur MHe page de Jean-Jacques Rousseau, Paris, 1896, in-8° de 17 p., avec deux fac-similés.

Le Léman, ou voyage pittoresque, historique et littéraire à Genève et dans le canton de Vaud. Paris, 1842, 2 vol. in-8"

2 D'anciennes éditions l'avaient déjà utilisé. Celle de 1793 (Didot le jeune), gr. in-4< en a tiré plus de trente variantes, qu'elle a réunies ala fin du second volume. En 1801. on eut l'idée absurde d'emprunter à ce ms. un certain nombre de leçons et de les substituer, dans le texte même à la rédaction définitive et authentique de 1762. G. Petitain, en 1820, et MussetPathay en H)23. ont replacé au bas des pages les variantes dont ils ont fait choix. Ce dernier en imprime vingt-cinq pour les cinq livres d'Emile il n y en a plus que seize dans l'édition Hachette, et elle a oublié de dire que cinq notes (t. U p. 12, 214, 320. 440.484) figurent seulement dans le r~7~ P~ dès lors, que ces notes font partie de 1 édition de 1762, ou des additions insérées plus tard dans le texte orignal tandis qu'au contraire Rousseau les a volontairement écartées de la copie destinée à l'impression.

Sauf une ou deux. les variantes recueillies dans les éditions Petitain, Musset-Pathay, Hachette, ne sont pas les mêmes que celles de Bailly de Lalonde et de Victor Cousin. j "c

P. de la 3. édit. de sa Philosophie populaire, Paris, 1&4M. ainsi que dans ses Fragments et souvenirs, 3' édit., Paris, 1857 p. 489-534. Cf. Ant. Albaiat. Le travail style enseigné par les corrections tKœM~tt~ des grands écrivains, Paris, 1903, p. 141-150. < « est donc vrai que l'homme est le roi de la terre. et sans bénir Ja main qui m'y a placé. » Edit. originale, 1762, in-12, t. III, p. 65-66.


Une note et des variantes du ms. fr. 224 de la Bibliothèque de Genève, contenant la Pro/e~OM de foi envoyée à Moultou, ont été publiées, la première par M. Eug. Ritter, ,SM~< au JoMr?M/ Genève du 14 avril 1882, les autres par M. Charles Borgeaud, p. 19 et suiv.

Cf. ci-dessus, p. 186, n° 28.

Lettre à l'archevêque de Paris.

Voy. les lettres à Rey, p. 180, i8i, 185-187.–L'édition de 1763, « A Amsterdam, chez Marc Michel Rey, » à laquelle Bosscha renvoie, n'est pas l'édition originale et les passages qu'il vise se lisent, dans celle-ci, aux p. 102, 48, 5o, et non aux p. 90, 43, 44. Il n'a donc vu qu'une contrefaçon.

Lettres écrites de la Montagne.

Variantes tirées du brouillon de la sixième lettre. E. Dreyfus-Brisac, p. 397-400.

Voy. aussi les lettres à Rey, p. 217, 218, 221 (et 225). Ici encore Bosscha s'est servi d'une contrefaçon, portant le nom de Marc-Michel Rey, mais qui n'est, ni l'édition originale in-8", ni l'édition originale in-12, en sorte que cinq de ses notes (p. 2i7,n. 1; 219; 238, n. 2; 24t; 242, n. i) sont inexactes.

Confessions.

A. « Mon portrait. » Publ. par Jules Ravenel, Revue r~ros~ec~c, série, t. V, 1834, p. 470-477; s par G. Streckeisen, p. 285-290; par Jules San-


doz,2?~'o~Mg?//n~r.e, octobre 1861, p. 2z).5-253. Ces trois éditions, dues à des transcriptions indépendantes l'une de l'autre, diffèrent entre elles par l'ordre adopté et par des lectures incorrectes. 1 La dernière donne une douzaine de lignes qui manquent dans la première, et cinquante lignes de plus que la deuxième. Ravenel et Sandoz ont séparé, avec raison, par un blanc, chacun des 28 fragments qui composent le morceau, tandis que Streckeisen a eu l'idée fàcheuse de les placer bout à bout, comme s'ils formaient un texte suivi; dans un seul alinéa, il en a réuni plusieurs, qui n'offrent entre eux aucune corrélation. Le classement de ces matériaux isolés n'est d'ailleurs pas définitif et nécessiterait un travail spécial. Sept autres fragments figurent, sous une rubrique différente, dans le volume de G. Streckeisen, p. 35), 352, 35~ 366; l'un Par exemple Ravenel, p. 470, 1. 4 connais », lisez conçois p. 47t. 1. 14 e le monde soit o, lisez les autres soient; p. 475, 1. 6 < livres », lisez soins; etc.

Streckeisen, p. 285, L 15 « A présent », lisez .Hf~M/– 1. 16: « refermer », lisez t'eMfrt'er; p. 286, 1. 17, 18 J'ajuste », lisez Je couds; I. 29 Vous pensez que », lisez Une preuve que; p. 287. 1. 8 « point », lisez jamais;- 1. 25 « je joins )a lisez se~'otKt )Ks ;–p. 288, 1. 8 avoir lisez g)'rg7'; 11 [et Sandoz, p. 252, 1. 25] f rincé », lisez recru; 1. 16: après « ne me flattent plus ajoutez en santé; p. 289, 12: m'en remettre a lisez me reposer sur; 1. 18 dise lisez parle; etc. Sainte-Beuve, dans son article du 22 juillet 1861 (Causeries du ~f~<H, 3* édit., t. XV, p. 245). avait déjà relevé, p. 287, 1. 5 et 19, fond au lieu de fard, <; la prise au lieu de le prix, et il ajoutait sagement <t De telles fautes ne sont pas faites pour rassurer sur l'ensemble d'un texte. Cf. Eugène Ritter, La famille et la jeunesse de J.-J. RoMsseau, p. 29, où il faut supprimer la En de la note.

Sandoz, p. 246, 11, 12: « lumières lisez louanges; -1. 16 a pense ». lisez parle; p. 247, 1. 8 tenu caché », lisez tant cherché; p. 248, 15 :« Je conviens » lisez J'sNOMe:–p. 250,). 12. 13 « le premier. le second », lisez le second. le premier; p. 251, I. 20: a le onzième », lisez lepremier; p. 252, 1. 22 « employer lisez errer; 1. 23 « du pays », lisez de Paris; etc.

On peut citer, en particulier, le paragraphe <t Je n'aime pas même à demander. » (G. Streckeisen. p. 288), qui comprend trois fragments absolument distincts, dont le deuxième commence par Cette maison contient. » et le dernier par « Les lectures que j'ai faites. »


d'eux avait déjà été mis au jour par A. de Bougy, p. 52. M. Jansen en a retrouvé encore trois, Recherches, p. 33. B. Introduction, ou préface, de la première rédaction [1764-1765] des Confessions, livres 1-III et commencement du livre IV, ms. 7841 de la Bib!. de Neuchâtel. Publ., avec trois passages de ce ms., par Félix Bovet, Revue suisse, t. XIII, i85o, p. 639-648; tirage à part, p. 5-:4; reprod. (sans les trois passages) par A. de Bougy, p. 6-ig, et, précédemment, dans le journal Z/Et'cH~e~, 10 et 20 juin 1851. Trois fragments, que M. V. Grandjean (Supplément ~M VoMr~ de G~H~ du 23 avril 1893) a copiés, peu fidèlement, dans le ms. fr. 229 (t. II, fol. 10 v°) de la Bibl. de Genève, doivent être rapprochés du commencement de cette Introduction.

C. Ebauches, au nombre d'une quinzaine, destinées à l'histoire de la jeunesse de Rousseau, jusqu'en 1742. Publ. par M. Jansen, Recherches, 1882, p. 40-42, et J.-J. Rousseau ~jBo~H:&er, 1885, p. 157, 158, 274-275 puis par M. Eug. Ritter, dans le BM/~nz des travaux de l'Université de Lyon, 2e année, t889, p. 588, 589, dans la Revue ~~rHa~'OK~/e ~K~M! 15 avril 1891, p. 328, 348, et dans La famille et la jeunesse de J.-J. Rousseau, 1896, p. i49-t5o, 2o3204, 293-296. Les deux éditeurs avaient copié ces fragments, chacun de son côté; leurs lectures, qui se complètent, offrent quelques différences et la compa1 Placée en 1765 par M. Jansen (Recherches, p. 36, 39, 44), qui pense que Rousseau s'est trompé de date dans cette note, pourtant formelle, ajoutée plus tard [1766] au texte de la préface « J'écrivais ceci en 1764, âgé déjà de cinquante-deux ans, et bien éloigné de prévoir le sort qui m'attendoit à cet âge t [c'est-à-dire la publication du Sentiment des citoyens, 27 décembre 1764J. L'erreur ne me parait pas suffisamment démontrée.


raison montre que la préférence doit être donnée au texte de M. Ritter.

D. Fragment biographique, se rapportant aux années 1752-1754. G. Streckeisen, p. 335-342. Cf. A. Jansen, T~c~crc~, p. 59'

E.- Vingt-cinq ébauches, ou notes, pour la seconde partie des Confessions. Quatorze ont été données par Villenave, p. 63 et suiv., sous le titre « Mœurs et caractère )); trois, par A. de Bougy, p. 5o, 53, 54; cinq, par G. Streckeisen, parmi les « Pensées détachées », p. 35~, 357, 364, 366; deux, par Fritz Berthoud, J.-J. Rousseau tZM Val de T1-avers, 188:, p. 363; enfin une, 1 par M. Jansen, J.-J. Rousseau als .So&xynA'er, p. 23g. L'attribution de ces 25 fragments aux Confessions est parfois délicate et peut laisser quelques doutes. F. Avant-propos (ms. 7914 de la Bibt. de Neuchâtel). Pubt., avec une note tirée du ms. 7015, par par Félix Bovet, Revue suisse, !85o, p. 638, 640; tirage à part, p. 4, 15 reprod. par A. de Bougy, p. 5, 20, et par Marc Monnier, Préface des Confessions, édit. Jouaust, Paris, 1881, t. I, p. xxix.

1 Au lieu de « vient – « Cruyenne – « du Vicaire Savoyard », lisez vint Guyenne du Vicaire.

s Les mss. 7914 (livres 1-VI) et 7915 (livres VII-XII) sont des copies du ms. Moultou, qui, depuis 1882, appartient à la Bibl. de Genève, où il porte le n° fr. 227. Félix Bovet prétend (p. 638) que le ms. 7914 « est une copie que Rousseau avait fait faire et qu'il avait revue et corrigée lui-même avec soin, avant de la remettre à Du Peyrou. Cette assertion, émise par un bibliothécaire de Neuchâtel, a été répétée avec confiance. Elle est cependant inexacte. A la fin de sa vie, Jean-Jacques n'avait pas l'habitude de faire transcrire ses manuscrits par d'autres personnes et jamais il n'aurait confié à un copiste la première moitié de ses Confessions. Quelques corrections se remarquent dans le volume, à propos de fautes ou d'omissions, mais elles ne sont pas de la main de Rousseau, et nous n'avons là qu'une copie postérieure à sa mort, exécutée, d'après le ms. Moultou, pour Du Peyrou, qui le déclare catégoriquement. Voy. sa lettre du 27 octobre 1789, dans le Mercure de France, 21 novembre 1789, n° 47, et aussi en tête des Pièces relatives d publication de la suite des Confessions de J.-J. Rousseau, [Genève, décembre 1789], in-4° de 12 p.


G. Trois mots biffés (livres III, XII) du ms. de Paris (Bibl. de la Chambre des députés). Bailly de Lalonde, qui les donne, t. I, p. 4&2, 465, 404, a ignoré que l'éditeur de 1801 avait cru devoir, à tort, prendre pour base de son texte ce premier ms., antérieur et par conséquent inférieur au ms. Moultou. Les autres variantes rapportées par Bailly de Lalonde, p. 436, 437, 445, 466, n'éta *nt donc pas inédites en :842.– En rétablissant les .eçons du second ms., Petitain et, après lui, Musset-Pathay, ont indiqué en note un bon nombre de variantes empruntées à l'édition de iSoi. Victor Cousin' observe qu'ils « ont eu tort de ne pas mettre religieusement, au bas des pages, toutes les différences que pouvait fournir le manuscrit de Paris, car ces différences sont autant de leçons de goût. Les plus petites sont encore précieuses à recueillir; et il y en a de très considérables, qui répandent de vives lumières sur l'âme de Rousseau, sur l'artifice de sa composition et de son style. »

H. Discours préparé pour servir d'exorde à la première lecture [fin 1770] de la 2" partie des Confessions. G. Streckeisen, p. 327-320. M. Jansen, T~c~rches, p. 63, affirme que ce discours fut répété par JeanJacques lors des deux autres lectures. Mais Dusaulx assista à la seconde le discours qu'il y entendit n'était pas le même, si l'analyse qu'il en publie (De mes r~ports avec J.-J. Rousseau, 1798, p. 66) est vraie, et 1 Petitain, plus de 150; Musset-Pathay, environ 135. L'édition Hachette, t. VIII, p. 205, 311, 353, n'en a conservé que trois les deux dernières sont des notes, dont elle s'est abstenue d'indiquer la provenance, en sorte que le lecteur ne peut pas savoir qu'elles sont tirées du ms. du Palais-Bourbon et qu'elles manquent dans la dernière rédaction, représentée par le ms. Moultou.

Journal des savants, 1848, p. 521.


elle semble l'être. On peut même aller plus loin. Les mss. de Neuchâtel contiennent des minutes de lettres qui n'ont jamais été recopiées ni envoyées aux destinataires. Le Discours conservé dans les papiers Moultou est aussi un brouillon raturé rien ne prouve, en somme, que Rousseau se soit décidé à le mettre au net et qu'il en ait réellement donné lecture. Dialogues.

Notes et additions tirées du ms. de la Bibliothèque du Palais-Bourbon. G.-H. Morin, Essai sur la vie et le Mr~c~re de J.-J. Rousseau, 1851, p. 599-602. Deux notes du ms. fr. 162 d de la Bibliothèque de Genève ont été publiées par M. Eug. Ritter, Supplément au yoMr?M/ Genève du 14 avril 1882. Cf. Ad. Badin, article cité, p. 4.18.

Rêveries du promeneur solitaire.

Sous le titre « Fragments des Rêveries », A. de Bougy, p. 49-54, a imprimé treize notes, dont la preAyant vu, en 1887, cette minute, qui n'a point de titre, j'ai noté quelques corrections à apporter au texte de G. Streckeisen. Au 2, I. 4. supprimez les mots « du moins x. qui n'existent pas dans l'autographe; 1. 12, 13, « et il ne reste d'autres moyens sûrs pour conserver », lisez « et il [ne] me reste d'autre moyen sûr de conserver ». Jean-Jacques a tellement remanié les douze dernières lignes du 3 qu'il a fini par les biffer, en les récrivant à la suite.- Au § 4, qui a été ajouté après coup, 7, « fidèle », lisez « sincère ». Dans ie~ 3, après les mots « jusqu'à mon départ de Montmorency x, l'auteur avait d'abord inséré ceux-ci « il y a huit ans », date qui concorde exactement avec l'époque de la composition du Discours. Quant à la phrase par laquelle débute te § 2, « J'entrepris, il y a dix ans, d'écrire mes confessions », elle ne doit pas être prise au pied de la lettre, Rousseau a pu. sur les suggestions de Rey, former dès 1760, et même avant (Confessions, 1. X), le projet, encore assez vague, d'une autobiographie, mais il ne commença à s'en occuper que plus tard.

Plusieurs années après avoir rédigé la minute du Discours, il a utilisé la quatrième page, demeurée blanche, pour le brouillon de lettre à M. de Malesherbes (17 janvier 1777), que G. Streckeisen a publié, p. 467.


mière concerne effectivement cet ouvrage. Pour d'autres, l'attribution est moins certaine. Cf. ci-dessus, p. ig6 et 197, lettres A, E.

Je viens, à mon tour, donner dix morceaux de JeanJacques, dont un seul, 1 jusqu'ici, a été en partie mis au jour.

Les six premiers, tout en demeurant, au point de vue littéraire, des essais informes, offrent cependant de l'intérêt pour l'histoire de leur auteur pendant les années qu'il passa à Chambéry. On y voit comment il mettait à profit ses lectures très diverses et à quels sujets il s'est successivement appliqué, « l'inconstance de son esprit )) ne lui permettant pas de rien achever. D'autres fragments de la même époque, sauvés de la destruction par un hasard identique et recueillis en 1776, ont été depuis lors réimprimés au moins quarante fois. Ces épaves abandonnées en Savoie entr'ouvrent pour nous la porte du « cher cabinet » de travail," a où, tout en rêvant à des projets vaguement esquissés, Rousseau exerçait sa plume et agrandissait peu à peu le champ de ses connaissances, sans prévoir les lointains résultats auxquels devaient aboutir un jour ses efforts solitaires.

Les nos 1 à V, VII, VIII, sont tirés du recueil de pièces autographes que M. Th. de Saussure a signalé* 4 1 ? VIII. Vingt lignes du n" X ont aussi été imprimées et il existe un fac-simDé de la première page du n° V.

Voy., ci-après, n" VI, p. 214.

Confessions, 1. VI, in fine.

<J.-J.~OMSMŒ!< à Venise, 1743-1744. Notes et documents f~CMet~M par Victor Ceresole, pM&H~_par r/t~odo~e de Saussure, 1885, p. 159,160.


et qu'il m'avait très obligeamment prêté pendant plusieurs années'. Depuis sa mort (igo3), cette précieuse collection est la propriété de son neveu, M. Ferdinand de Saussure, professeur à l'Université de Genève il possède aussi la pièce VI, que j'avais transcrite en 1883, lorsqu'elle appartenait à son père, M. Henri de Saussure, décédé en igo5. Avec une extrême bienveillance, il a bien voulu m'accorder ou me renouveler l'autorisation de mettre au jour ces documents. La date du n" 1 (lySS) et des n°' II, III (vers 1735) paraît certaine. Celle des n°' IV et V demeure indéterminée, sans s'éloigner beaucoup de 1735. Le n° VI se place vers 1737. Quant aux deux prières (n°~ VII et VIII), qui, à juste titre, arrêteront davantage l'attention, elles sont probablement de 1738 ou 1739.

Le Prologue de l'opéra-tragédie La découverte du Tvo~MM MoH~c (n° IX) complète un ouvrage déjà connu, composé à Lyon en 1740 ou 174.

A la suite de ces morceaux, premiers balbutiements d'un grand écrivain, je publie (n° X) une Note d'une tout autre époque (avril 1768), document curieux pour l'étude du séjour à Trye, pendant lequel l'hôte du prince de Conti eut parfois l'esprit troublé. Théophile DupouR.

1 Ce recueil se compose d'un exemplaire imprimé du Verger de .M"' la baronne de Warens, édition rarissime de 1739; b) de deux cahiers mss. distincts, l'un de 19 fi., l'autre de 17 ff.; c) de 46 autres fi.. dont 1 f. simple, 14 fi. doubles, et 17 ff. formant trois cahiers de 5, 6 et 6 ff. En décembre 1897, il a été relié en un volume in-folio, dans lequel on a exactement conservé l'ordre antérieur de toutes les pièces et dont j'ai folioté le contenu de 1 à 101. Ce total comprend 11 S'. blancs, ainsi que 11 ff. arrachés, dont il ne reste que de petits fragments.


I.

[Sur les femmes.] 1

Un autre sujet d'admiration pour moi, c'est l'air de confiance avec lequel nous faisons la brillante énumération de tous les grands hommes que l'histoire a célébrez, pour les mettre en parallèle avec le petit nombre d'héroïnes dont elle a daigné se souvenir, et nous croyons bien trouver notre compte à cette comparaison. Eh Messieurs, laissez venir aux femmes la fantaisie de transmettre leurs fastes à la postérité, et vous verrez à quel rang on vous y pourra mettre 3 et si elles ne s'adjugeront pointa peut-être sur de plus justes raisons, la prééminence que vous usurpez avec tant d'orgueil. Et après tout, si nous entrions équitablement dans le détail de toutes les belles actions que les temps ont fait éclorre et que nous examinassions les véritables raisons qui ont pu en augmenter ou en diminuer le nombre, je ne doute point que nous n'y trouvassions beaucoup plus de proportion que nous n'en trouvons d'abord et que la balance ne restât à peu près dans l'équilibre. 1 Ms. de Saussure, fol. U, 12 r"; minute raturée. Ce morceau date du milieu de l'année 1735. Dans le cahier original de 19 ff., qui correspond aujourd'hui aux ff. 9-27 du ms., il vient immédiatement après la minute (f. 10) de la lettre du 26 juin 1735 a Isaac Rousseau. En outre, à la page suivante (f. 12 v°), Jean-Jacques a écrit cette note, annulée ensuite au moyen d'un trait transversal Le juillet [l'indication du jour manque], j'ai livré 17 livres 10 s. a M. Conti pour la moitié de l'année courante 1735 des Mercures de France. Ledit, livré a. M. Dumas, 5 livres. » Dans les notes de la présente pièce, ainsi que des n" II, IV, V, VIII, X, on trouvera, en caractères italiques, la plupart des passages ou des termes que l'auteur a enacés.

un peu.

Peut-être vous mettront-elles avec raison d la place que vous leur <!(M avec tM)'MS:Me.

avec quelque raison.


Considérons d'abord les femmes privées de leur liberté par la tyrannie des hommes et ceux-ci maîtres de toutes choses, 1 car les couronnes, les charges, les emplois, le commandement des armées, tout' est entre leurs mains ils s'en sont emparez, dès les premiers temps, par je ne sais quel droit naturel, que je n'ai jamais bien pu comprendre et qui pourroit bien n'avoir d'autre fondement que la force majeure. Considérons aussi le caractère de l'esprit humain, qui ne veut que du brillant, qui n'admire la vertu qu'au milieu des grandeurs et de la majesté, qui méprise' tout ce que peuvent faire de plus' grand et de plus admirable dans leur état des personnes soumises et dépendantes. Après avoir spéculé sur tout cela, entrons dans le détail de la comparaison et mettons, par exemple, en parallèle Mithridate avec Zénobie, Romulus avec Didon, Caton d'Utique avec Lucrèce, dont l'un' se donna la mort pour la perte de sa liberté et l'autre pour celle de son honneur, le comte de Dunois avec Jeanne d'Arc, enfin Cornélie, Arrie, Artémise,' Fulvie, Elisabeth, la comtesse de T-ekeli, et tant d'autres héroïnes de tous les temps avec les plus grands hommes." Nous trouverons à la vérité que le nombre de ceux-ci 1 les sceptres.

été.

tOMte belle action dans.

brillant.

eoKdt<tOM.

~poMr vertus militaires et civiles, Alexandre [remplacé ensuite par Pomp~] avec Zénobie.

7 tMOMfMt.

S Socrate avec Cornélie.

CAfts<t?:e.

Hélène Zrinyi, veuve de François Rakoczy, femme en 1682 du chef hongrois Emer.c Thokoty. Pendant trois ans, elle soutint le siège de la place de Munkacs et ne capitula que vaincue par la famine, en janvier 1688. E< nous verrons que les femmes ont donné.


l'emporte infiniment, mais en récompense nous verrons dans l'autre sexe des modèles aussi parfaits dans tous les genres de vertus civiles et morales. Si les femmes avoient eu autant de part que nous au maniement des affaires et aux gouvernemens des empires, peut-être auroient-elles poussé plus loin l'héroïsme et la grandeur de courage et s'y seroient [-elles] signalées en plus grand nombre. Peu de* celles qui ont eu le bonheur de' régir des Etats et de commander des armées sont restées dans la médiocrité elles se sont presque toutes distinguées par quelque endroit brillant qui leur a mérité notre admiration.' II s'en faut bien qu'on en puisse dire autant de tant de monarques qui ont gouverné les nations combien y en a-t-il, comme dit encore 8 Voltaire, dont le nom ne mérite de se trouver ailleurs que dans les tables chronologiques, où ils ne sont que pour servir d'époque?" Je le répète, toutes proportions gardées, les femmes auroient" pu donner de plus grands exemples de grandeur d'âme et d'amour de la vertu, et en plus grand nombre, que les hommes n'ont jamais fait, si notre injustice ne leur eût ravi, e~t:!e part au.

2 Etats.

8 toutes.

posséder.

ce que Fo~tcKt'e appelle la médiocrité.

:t a mérité de les sauver de l'oubli.

tmndts que tant de monarques sont restes.

Cf. note 5.

« « De tant d'empereurs de Rome, d'Allemagne, de Moscovie, de tant de sultans, de califes, de papes, de rois, combien y en a-t-il dont !e nom ne mérite de se trouver ailleurs que dans les tables chronologiques, où ils ne sont que pour servir d'époque? » Voltaire, Discours sur l'histoire de Charles XII [paru en 1731] (EMo-es, édit. Beuchot, t. XXIV, p. 13. to Mais ne poussons [remplacé ensuite par poMfSMtcoM~] pas plus loin notre co!Kpaf<tMOK .'j'CM c:et:droMpeMt-etre ~'MsgM'd ~O!t!o!r ~oMSjM'oMcef que toutes proportions.

11 poussé [remplacé ensuite par porté] plus loin que nous la grandeur.


avec leur liberté, toutes les occasions de les manifester aux yeux du monde.

Je réserve à vous pader* une autre fois des femmes qui ont eu part dans la république des lettres et qui l'ont décorée par leurs ouvrages ingénieux et pleins de délicatesse.

II.

[Sur l'éloquence.] t

Vous demandez pourquoi en certains temps l'éloquence tombe dans la corruption et comment il arrive que les esprits se jettent dans le mauvais goût, pourquoi, par exemple, les figures hardies et outrées plaisent quelquefois, et que, en d'autres temps, on aime les discours brusques et équivoques, qui laissent plus à entendre qu'ils ne disent. pourquoi il s s'est vu des temps où l'on ne se faisoit aucune honte de commettre des injustices.

Telle a été la vie d'un homme, tels a ont été ses discours.

De même que les actions de chacun se peignent dans ses discours, ainsi il arrive quelquefois que le goût oratoire se rapporte aux mœurs présentes.

1 dans une autre lettre. Cette expression a sans doute été modifiée à cause des mots la « république des lettres ». Il n'est guère probable que nous ayons ici le fragment d'une missive le substantif biffé indiquerait peut-être que Rousseau se proposait d'intituler son travail Lettres sur les femmes. Ms. de Saussure, fol. 19 v minute, avec peu de ratures comme elle fait partie du même cahier que le n° I, on peut la placer vers 1735. s est des.

est.

6 sont.


Si la discipline d'un Etat s'énerve et dégénère en délices, c'est un argument pour croire que l'éloquence y contractera bientôt ce goût mol et efféminé. L'esprit ne peut pas être teint différemment que le cœur. Quand l'esprit s'accoutume à mépriser les choses qui sont en usage et à les regarder comme basses et viles, il prend aussi le goût du nouveau dans le discours.

Et ce n'est pas un si grand défaut dans le discours d'employer des paroles puériles ou mauvaises, et plus libres que la modestie ne le permet, que de se servir d'un style trop fleuri et trop doux, si d'ailleurs il ne signifie rien et ne peut produire aucun effet que le son même des paroles.

III.

[Un ménage de la rue Saint-Denis.] 3

La femme fait plus de bruit, l'homme fait plus de mal.

En voici un exemple, tiré de la lie du peuple, [qui] n'en est pas moins concluant. Les hommes se manifestent partout plus ils sont d'un bas étage et moins la nature est déguisée.

J'ai vu à Paris une femme qui étoit bien la plus mé< et tftOtttZes.

)K<~ adaptes.

2 mal adaptées.

s Ms. de Saussure, fol. 27 v minute, avec fort peu de ratures, terminant le cahier qui contient les nO' 1 et II vers 1735.

Jean-Jacques avait passé quelques semaines a Paris au printemps de 1731. Peut-être logeait-il alors dans la rue St-Denis, ou dans le voisinage. Il était entré dans la capitale par le faubourg Saint-Marceau. x (Confessions, livre IV.)


chante bégueule de toute la rue St-Denis et dont le mari passoit pour le saint du quartier. Quand ils avoient quelque querelle ensemble, ce qui arrivoit assez fréquemment, la femme vomissoit des torrens d'injures contre son mari, avec des cris effroyables, et ce fracas duroit des deux, trois heures et plus. Mais admirez, s'il vous plaît, la débonnaireté du badaud, qui ne s'émouvoit non plus qu'une roche et écoutoit d'un bout à l'autre toute cette belle litanie avec une patience angélique. H est vrai que, quand sa chère moitié trouvoit à propos de finir, il prenoit froidement un bâton, la rouoit de coups, la laissoit pour morte sur le carreau et s'en alloit tranquillement boire avec ses amis, accablé d'injures et de lassitude.

IV

[Sur Dieu.]' 1

Nous croyons tous d'être persuadez de l'existence d'un Dieu:" il est cependant inconcevable d'accorder cette persuasion avec' les principes sur lesquels nous réglons notre conduite dans cette vie. L'idée de Dieu est inséparable des idées d'éterne),~ d'infini en 6 intelligence, en sagesse, en justice et en s pouvoir. I! seroit Ms. de Saussure, fol. 82; minute raturée, qui, d'après l'écriture, analogue a celle du n" III, pourrait être de 1735 environ.

c'est cependant la chose la plus inconcevable.

3 la manière dont nous nous conduisons. Supposons [ici une ligne, soigneusement enacée, qu'on ne peut pas lire] dans toutes les )t:rM de l'humanité.

de juste.

connoissance.

6 puissance.


plus aisé d'anéantir en soi* !e sentiment de la divinité que de concevoir un Dieu sans lui reconnoître ces attributs, dont l'assemblage forme la seule manière dont il puisse se représenter à notre esprit. Or, par une conséquence nécessaire de sa puissance infinie, il faut qu'elle s'étende sur nous, et, si elle s'étend sur nous, comme il est la source de toute sagesse, il prétend que nous nous gouvernions suivant les principes de sagesse qu'il a mis dans notre esprit. Il a donc pu nous y contraindre et nous mettre dans la nécessité de suivre l'ordre de ses décrets, qui sont les fondemens de la vertu et de la religion. Mais en jetant les yeux sur la manière dont les hommes se conduisent ici bas, nous sommes bientôt convaincus qu'ils ne suivent point du tout cet ordre, dont les principes sont gravez dans le fond de leurs cœurs. Il faut donc que Dieu n'ait pas employé sa puissance infinie pour les y" forcer, car il seroit absurde d'imaginer' qu'ils eussent pu s'y soustraire en aucune manière. Maintenant si nous examinons ce qu'il s'ensuit de là, nous allons découvrir la source immense de[s] bienfaits qu'il a plu à Dieu de verser sur les hommes et des moyens qu'il leur a mis en main pour pouvoir devenir heureux.

Puisque nous ne [nous] sommes pas donné l'être' & nous-mêmes, nous devons être l'ouvrage d'autrui; c'est' 5 un raisonnement simple et clair par lui, au lieu qu'il nous" seroit impossible de concevoir comment quelque chose pourroit être produit par le néant. rM~e.

s eoK<)'<MKf~'e.

</Me nous eMssMKS pu nous y soustraire e< les éluder. Maintenant. de.

une idée.

est.

roifCfOi~dM K~ŒKt.


v

Essai sur les événemens importants' 1

dont les femmes ont été la cause secrète. a Je ne prétends pas parler ici de toutes les affaires que les femmes ont' maniées par elles-mêmes, soit en vertu de leur naissance, soit même en vertu des postes où leur mérite et leurs talents les avoient élevées c'est une matière qui désormais, à force d'avoir été rebattue, commence à devenir usée. Je me bornerai seulement à donner quelque idée des événemens mémorables dont les peuples ont attribué la production aux causes les plus' sublimes et qui 6 cependant n'ont dû leur origine qu'aux impulsions secrètes des femmes. C'est ce que mon titre annonce et c'est simplement à quoi je me bornerai, bien content de donner quelques vues générales sur un sujet tout neuf, que l'abondance et les 1 Ms. de Saussure, fol. 90-92 minute raturée, écrite au recto des trois premiers ff. d'un cahier m-4". qui en comprend six les trois derniers ff. (93-95) sont demeurés blancs, ainsi que le verso des ff. 91 et 92. Un fac-similé de la première page (f. 90 r"~ a été joint par M. Th. de Saussure à sa publication de 1885 (J.-J. Rousseau d Venise).

que les femmes ont oec<MtOMM~.

s Dans l'espace qui sépare le titre et le commencement du texte, l'auteur a mis ce renvoi < Hist. Rom. Catr[ou] et Rouillé. T. 4 p. 169. » 11 se rapporte l'épisode [Tite Live, VI, 34], d'ailleurs douteux, de Fabia, fille deM. Fabius Ambustus, lequel aurait amené les lois ;iciniennes en particulier ~érection d'un consulat plébéien, que Rousseau mentionne plus loin [p. 212]. Les deux jésuites auxquels on doit cette Histoire romaine font une réflexion que Jean-Jacques se sera empressé de noter « Il semble qu'il étoit de la destinée de Rome que les grands événemens commençassent toujours par des femmes. (Edit. in-4", t. IV, 1725, p. 169.) MM/eMMMt.

~f~M.

e ont dû leur origine aux intrigues, d politique, d l'ambition ou au. 7 seulement.


agrémens de la matière' engageront sans doute quelqu'un, dans la suite, à pousser plus loin.

'Je suis même fâché de bonne foi de n'avoir pas été prévenu et qu'il n'ait pas pris fantaisie à quelque plume délicate de traiter le sujet que j'entreprends; on en auroit' fait un livre séduisant pour tout lecteur qui n'est pas un sot. Quant à moi, j'avoue franchement que je n'ai justement de génie que ce qu'il en faut pour sentir parfaitement tous les agrémens que ma matière fourniroit entre les mains d'un homme d'esprit. "On fait trop d'honneur aux hommes, ou peut-être quelquefois pas assez, de mettre uniquement sur le compte de leur ambition, de leur courage, de leur amour pour la gloire, de leur vengeance, ou de leur générosité, la pluspart des actions éclatantes qui font bruit dans l'histoire et qui souvent n'ont d'autres principes que des passions, qui, pour être moins bruyantes à l'extérieur, n'en produisent que mieux à-coup' sur les effets les plus prodigieux et que le vulgaire ne soupçonne assurément pas avoir autant d'ascendant sur les grands hommes qu'elles en ont en effet.

Il est aisé de" comprendre à quoi j'en veux venir. 1 pourront engager dans la suite.

Les huit lignes qui suivent sont écrites au f. 91 r'. Un signe de renvoi montre qu'elles doivent se placer avant le (fol. 90 r°) On fait trop d* lonneur.

3 dont je m'avise.

4 Ms. avoit.

En regard de cet alinéa, le ms. offre la note <: bonne <, avec un trait vertical servant d'accolade.

phMMt.

Dans leur Dictionnaire ~~r~ de la langue française, MM. Hatzfeld, Darmesteter et Thomas ne citent aucun exemple de ce mot, qu'ils quali&e~t de néologisme.

)M~tM6.

sent:


Je ferai naître ['idée. Ce sera la faute des particuliers, peut-être celle du public, si personne n'entreprend de l'exécuter. Au reste, il ne faut pas croire que de l'esprit suffise pour bien remplir un tel plan. J'ose dire que la science même, jointe à l'esprit, ne suffit pas. Combien de gens qui s'imaginent d'être bien au fait des intrigues des cours, des projets des princes, des motifs qui les font agir, en un mot de l'histoire, de la politique et des négociations, et qui n'en savent guères plus que ce qu'ils lisent dans la gazette 1 Il en est de même' pour les temps passés. Je voudrois bien qu'on me dît si les trois quarts et demi de nos historiens ont été suffisamment instruits pour* remplir ta tâche qu'ils se sont imposée. Quels postes ont-ils remplis? Quelles négociations ont-ils maniées? Quelles maîtresses ont-ils eues, qui leur dévoilassent ces grands mystères, ces ressorts* primitifs, toujours cachés, quelquefois bien frivoles, qui sont les mobiles de presque toutes les démarches des grands et par conséquent des événemens qui en dépendent, et dans le cercle desquels se borne à peu près toute l'histoire du théâtre humain? Il est si peu vrai qu'il suffise d'être homme de lettres, homme d'esprit, savant, pour être en état de bien écrire l'histoire, comme je la conçois, qu'un premier ministre même ne seroit quelquefois pas trop bon pour y réussir. Mais qu'un favori, retiré de la Cours et qui a resté longtemps en place,' occupe son t peut-être quelque autre l'exécutera, etc.

2des temps passés.

écrire ce ~!('t~ ont en<reprM.

secret.

M'! peu importants.

<0)</ou)'x.

g M disgracié.

);ta:s qui.

e?np~o:e.


loisir à écrire ce qu'il a vu et les affaires de son temps achetez ses mémoires,* faites-les refondre par une habile main, qui sache les mettre en ordre et en remplir les vuides par le détail des événemens qu'on n'a pas daigné y insérer, parce qu'ils étoient trop communs, voilà une histoire.

Mais ils ne se proposent que d'écrire l'histoire de ce qui est venu à la connoissance du public. Qu'on ne vante donc plus les avantages de l'histoire et qu'on avoue que ce n'est qu'une histoire de prétextes et d'apparences spécieuses dont on éblouit le public. s Les événemens publics dont je ne veux pas faire ici mention La prise de Troie. L'incendie du palais de Persépolis. Etablissement de la République romaine. Délivrance de Rome par la mère de Coriolan. Changement de l'Angleterre sous Henri VIII. Etc. < Division de l'ouvrage en trois livres". Le contiendra les grands événemens, dans l'histoire ancienne, causés par les femmes, l'érection d'un consulat plébéien, etc. Le 2", dans l'histoire moderne Charles VII recouvre la France, etc. Le 3e, quelques observations sur les grands hommes qui se sont laissé gouverner par des femmes Thémistocle, Antoine, etc. Fulvie, femme d'Antoine, excite la guerre pour n'avoir pu être aimée de César.

refondez-les avec.

s Ce est accompagné de la note marginale A corriger. Les cinq lignes qui suivent occupent, seules, le milieu du f. 90 v. 4 F. 92 r".

Rousseau, qui songeait a un ouvrage en trois livres, n'a probablement rédige que ce préambule de deux pages.


VI.

Chronologie universelle, ou Histoire générale des temps, depuis la création du monde jusques à présent, composée et dressée par Rousseau pour son usage. 1

AVANT-PROPOS.

Le titre de cet ouvrage annonce qu'il n'est pas destiné à voir le jour c'est un recueil que j'ai fait pour mon seul usage. II paroîtroit donc ridicule que je fisse ici un long détail du dessein que je me suis proposé en le composant, du plan que j'ai suivi et des auteurs que j'ai pris pour guide dans cette route épineuse. Deux raisons, cependant, m'engagent à m'en rendre à moiMs. in-4° de 24 p., comprenant le titre et 9 p. écrites, suivies de 14 p. blanches, appartenant à M. Ferdinand de Saussure par suite d'une ancienne erreur de classement dans les archives de la famille, il est inventorié parmi les papiers d'un quadrisaïeul, le professeur Ami Lullin, t 1756, dont Rousseau avait fait la connaissance en 1754, a Genève, mais il doit avoir la même provenance que la collection citée p. 200, 201. C'est une transcription, sans ratures, exécutée par Jean-Jacques d'après son brouillon; il s'est arrêté au milieu d'une phrase.

Parlant de ses études à Chambéry, Rousseau dit (Con fessions, 1. VI) «Je voulus étudier le P. Petau, et je m'enfonçai dans les ténèbres de la chronologie mais je me dégoûtai de la partie critique, qui n'a ni fond ni rive, et je m'anectionnai par préférence à l'exacte mesure des temps et à la marche des corps célestes.* Le présent travail serait donc antérieur au mémoire du 20 septembre 1738 sur la sphéricité de la terre et on peut le dater < vers 1737.* » puisqu'il cite [voy. p. 21S, n. 3] un volume paru en t73ë. Denis Petau (1583-1652), jésuite, est l'auteur du De doctrina temporum, 1627, 2 vol. in-fot., et du Rationarium temporum, 1633, très souvent réédité avec des suites. Jean-Jacques a dû certainement en tirer une compilation plus étendue que ses neuf pages recopiées autrement il n'aurait pas conservé, trente ans plus tard, le souvenir de ces recherches. S'il s'est ensuite occupé d'astronomie, ce fut peut-être a. l'imitation du même chronologiste, qui a laissé une collection de textes et de dissertations intitulée C'fttKO~tOM, StM System~ tXtftOfMtM authorum qui de SpA~r<t ac sideribus eorumque motibus yra*eecoM)MeMt<:<tSM?t<, 1630, 2 part. in-fol.


même une espèce de compte abrégé dans cet avantpropos. La première et la principale est que, m'étant proposé un but particulier qui pourroit peut-être changer dans la suite par diverses circonstances que je ne prévois pas, de manière que la fin de ce recueil n'eût pas le rapport nécessaire avec le commencement, ce qui feroit un assemblage monstrueux, j'ai cru qu'en couchant sur le papier mes vues dans l'entreprise de cet ouvrage par un petit abrégé que j'en ferois au commencement et en m'imposant la nécessité de les suivre dans la suite, je donnerois à mes yeux de quoi prévenir l'inconstance de mon esprit, et me mettrois dans l'heureuse obligation de faire un recueil uniforme et de me gêner dans l'exécution d'une longue et difficile entreprise. Ma seconde raison est que, n'étant pas assuré si, dans la suite, je n'aurois point quelque occasion de faire plaisir à un ami en lui communiquant mon travail, je serois bien aise de le mettre au fait, dès l'entrée, des dispositions d'esprit-qui me l'ont fait entreprendre, afin que, d'une part, si ses vues ne répondoient pas aux miennes, il ne perdît pas inutilement son temps à le parcourir, et que, de l'autre, en le lisant et le trouvant traité d'une forme un peu extraordinaire, il se conformât toujours à mes idées et ne prît pas le change dans les endroits où je m'éloigne de la méthode de ceux qui travaillent pour le public.

L'histoire doit faire une des principales parties de l'étude d'un honnête homme cela est fondé sur deux raisonnemens aussi simples que judicieux. Nous sommes tous frères; notre prochain doit nous être aussi cher que nous-mêmes. « J'aime le genre humain plus que ma patrie, disoit l'illustre M~. de Fénelon, « ma


patrie plus que ma famille et ma famille plus que moimême. » Des sentimens si pleins d'humanité devroient être communs à tous les hommes. Mais nous est-il permis d'ignorer les choses qui nous intéressent, nous ou nos familles? Ne devons-nous pas être au fait de nos affaires, et y a-t-il un homme de bon sens qui veuille ne prendre aucune part à ce qui se passe chez lui ? L'univers est une grande famille dont nous sommes tous membres; nous sommes donc obligez d'en connoître aussi la situation et les intérêts. Quelque peu loin que s'étende la puissance d'un particulier, il est toujours en état de se rendre utile par quelque endroit au grand corps dont il fait partie. S'il le peut, il le doit indispensablement; et s'il le doit, comment le fera-t-il, tant qu'il ne saura rien de ce qui s'est passé et de ce qui se passe actuellement, et qu'ainsi il ne connoîtra ni où ses services sont le plus nécessaires, ni de quelle espèce ils doivent être, ni comment il les doit employer pour les rendre plus avantageux aux autres et à soi-même. Mais l'utilité de l'histoire est sans comparaison plus générale par rapport à l'esprit et au cœur, et d'une plus grande influence dans la société.

L'histoire, dit Monsieur Rollin, 1 en faisant passer comme en revue devant nous les royaumes et les empires de l'univers, et en même temps tous les grands hommes qui s'y sont distinguez de quelque manière que ce soit, nous instruit, par des leçons et par des exemples, sur tout ce qui regarde l'art de régner, la science de la guerre, les principes du gouvernement, les règles de la politi1 L'Histoire ancienne de Charles Rolli n par ut de 1730 à 1738, Paris, 13 vol. in-12, et fut aussitôt reimprimée Amsterdam, 1730-1739, 13 vol. in-12; Paris, 1734-1740.7 vol. in-4" etc. Par les pages auxquelles Rousseau renvoie, on constate qu'il a dû probablement avotr sous les yeux l'édition in-12 d& Paris. Dans sa citation, il a supprimé quatre lignes, d'ailleurs inutiles, et fait quelques autres changements.


que, les maximes de la société civile et de la conduite de la vie pour tous les âges et pour toutes les conditions.

On y apprend aussi, continue le même auteur, comment les sciences et les arts ont été inventez, cultivez, perfectionnez; on y reconnoît et l'on y suit, comme de l'œil, leur origine et leur progrès, et l'on voit avec admiration que plus on s'approche des lieux où les enfans de Noé ont vécu, plus on y trouve les sciences et les arts dans leur perfection, au lieu qu'ils paroissent oubliez ou négligez à proportion que les peuples en ont été dans un plus grand éloignement, de sorte que, quand on a voulu les rétablir, il a fallu remonter à l'origine d'où ils étoient partis.

Mais un autre objet infiniment plus intéressant doit attirer notre attention. Car quoique l'histoire profane ne nous parle que de peuples abandonnez à toutes les folies d'un culte superstitieux et livrez à tous les déréglemens dont la nature humaine depuis la chute du premier homme est devenue capable, elle annonce partout la grandeur de Dieu, sa puissance et la sagesse admirable avec laquelle sa providence conduit tout l'univers.

Si l'intime conviction de cette dernière vérité élevoit, selon la remarque de Cicéron (De arusp. resp., n° 19),' le peuple romain au dessus de tous les peuples de la terre, on peut assurer de même que rien ne relève plus l'histoire au dessus de beaucoup de connoissances que d'y trouver, empreintes presque à chaque page, des traces précieuses et des preuves éclatantes de cette grande vérité que Dieu dispose de tout en maître souverain, que c'est lui qui fixe le sort des princes et la durée des empires, et qu'il transporte les royaumes d'un peuple à un autre pour punir les injustices et les violences qui s'y commettent. (j6ec~[esM~CMs], 10, 8). Voilà comment parle Mr. Rollin dans la belle préface (p. n et :n) de son Histoire aMC!eMHe. Le savant Père Lami expose la même chose dans un jour différent 1 Ms. sa.

Les six références bibliographiques que je place entre parenthèses ont été mises par Rousseau dans les marges de son ms. Pour l'Oratio de a~M!picum responsis, au lieu de XIX. lisez IX; l'erreur vient de Rollin. a Jean-Jacques avait une prédilection pour les ouvrages du P. Bernard Lamy (1640-1715), oratorien. < U me tomba, dit-il, dans les mains un livre du P. Lamy, intitulé Entretiens sur les sciences. C'étoit une espèce d'introduction a la connoissance des livres qui en traitent. Je le lus et relus cent fois; je résolus d'en faire mon guide. Et plus loin Je préférai la G~oMt«r:e du P. Lamy, qui dès lors devint un de mes auteurs favoris, et dont je relis encore [il écrivait ceci en ;<767-~7<?S] avec plaisir les ouvrages.


I! y a, dit-il (~E/ sHy les sciences, p. ii2~),desveues générales que tout homme doit avoir, qui servent merveilleusement à former l'esprit. Il n'y a rien à quoi l'on doive plus travailler qu'à se connoistre. Or nostre esprit est comme l'œit qui voit tout et qui ne se voit point, si ce n'est par réflexion, lorsqu'il se regarde dans un miroir. Le secret pour se connoistre et pour bien juger de nous, c'est de nous voir dans les autres. L'histoire est un grand miroir où l'on se voit tout entier. Un homme ne fait rien qu'un autre ne fasse ou ne puisse faire. En faisant donc attention aux grands exemples de cruautez, de déréglemens, d'impudicitez, et de semblables crimes, nous appercevons où nous peut porter la corruption de nostre cœur quand nous ne travaillons pas à la guérir. La pratique du monde enseigne l'art de vivre ceux-là y excellent qui ont voyagé et qui ont eu commerce avec des personnes de différents pays et de différente humeur. L'histoire supplée à cette pratique du monde, à ces pénibles voyages que peu de personnes peuvent faire. On y voit de quelle manière les hommes ont tousjours vécu. On apprend à supporter les accidents de la vie, à n'en estre pas surpris, à ne se plaindre point de son siècle, comme si nos plaintes pouvoient empescher des maux dont aucun âge n'a esté exempt. On reconnoist la malignité et la misère des hommes, leur vanité, quel mépris il faut faire des richesses, que les grandes fortunes ont souvent de terribles catastrophes. De sorte que, l'étude de l'histoire estant bien faite, c'est une philosophie qui fait d'autant plus d'impression qu'elle nous parle par des exemples sensibles, dont il est bon de tenir registre, afin de [se] les représenter et à soi et aux autres dans les occasions.

L'algèbre suivoit, et ce fut toujours le P. Lamy que je pris pour guide. » (Confessions, 1. VI.) Dans une lettre, sans date et sans nom du destinataire, que les éditions ont placée en 1743, mais que je crois de 1737 et adressée au libraire Barillot, Rousseau indique les Eléments des ntathématiques, du même auteur, au nombre des livres dont il désire faire l'acquisition. Ailleurs (Projet pour l'éducation de Af. de Sainte-Marie), il recommande son Art de parler, qu'il cite encore dans l'Essai sur ~'0!tMe des langues. Les « Entretiens sur les sciences, dans lesquels on apprend comme l'on doit étudier les sciences et s'en servir pour se faire l'esprit juste et le cœur droit,, ont paru à Lyon en I6S4 et y ont été réimprimés en 1706(in-12, 3' édit.; la citation de Rousseau se trouve p. 112). Il ne faut pas confondre ce livre, dont le titre est caractéristique, avec Les premiers eMntCtts des sciences (Paris, 1706, in-12), d'un homonyme, le P. François Lamy, bénédictin, t 1711; la Nouvelle biographie ~enera~e (Didot). qui a passé sous silence tant de personnages, a consacré à celui-ci deux articles diSérents (t. XXXIX, col. 294, 298-300). D'autre part, les Tables générales des éditions Musset-Pathay (cf. t. X[V. p. 3ël. note) et Hachette lui attribuent Z.<t rhétorique ou l'art de parler, qui est du P. Bernard Lamy.


Je vais terminer toutes ces longues citations par un passage du Tra~~s /'ojpnno7!' (t. I, p. p.p. 248), qui servira comme de récapitulation à tout ce que je viens de dire sur ce sujet

Etudier l'histoire, c'est étudier les opinions, les motifs, les passions des hommes, et le fruit en doit être d'apprendre à se connoître soi-même en connoissant les autres, de se corriger par les exemples, d'acquérir de l'expérience sans danger.

Voilà donc l'utilité de l'histoire établie; elle a de plus l'agrément, qui n'est pas d'un moindre prix aux yeux de la pluspart des hommes.

L'une des premières passions de l'homme (Hist. des e/?~. et des /'ccK& dise. prélim., p. i) est de chercher à connoître ce qui est autour de lui. La capacité de son esprit est trop vaste pour Traité de l'opinion, ou tKe)?tOM*es pour servir <! l'histoire de l'esprit humain, par Gilbert-Charles Le Gendre, marquis de St-Aubin-sur-Loire; 2° édit., augmentée. Paris, Briasson, 1735, 6 vol. in-12.La première édition (1733) est anonyme et c'est sans doute celle que Rousseau avait à sa disposition, puisqu'il n'indique pas le nom de l'auteur.

Dans le Verger de 1739, il cite, au nombre de ses auteurs favoris, Claville et Saint-Aubin. Villemain (T~MffMf de la littérature au X~7J* siècle, t. Il) fait du premier, Ch.-F.-N. Le Maître, sieur de Claville, qui occupait a Rouen un poste dans les finances, un « abbé Laville », et, à propos de son « insipide livre, il sourit des < erreurs du goût provincial, qui admire parfois des ouvrages mort-nés à Paris. » En réalité, le Traité du vrai mérite de l'homme, considéré dans tOMt- les âges et dans toutes les conditions, avec des principes d'éducation propres à former les jeunes gens à la certM [encore un titre qui devait plaire a Rousseau eut, lors de son apparition (1734, 2 vol. in-12), un succès qu'ont attesté huit éditions, se succédant en moins de dix années.

Quant au Traité de l'opinion, Villemain prétend qu'on < y trouve la plupart des objections de Rousseau contre la culture des lettres. « Ce rapprochement aurait besoin d'être vériSë. M. G. KrUger, ~e~deCedaiMteM in J. Y..RoMSseaiMS erstem Discours (Archiv fizr das Studium der neueren Sprachen und Litteraturen, 1891, t. LXXXVI, p. 259-276; tirage a part, in-8° de 21 p.). qui l'a ignoré, ne mentionne pas Saint-Aubin parmi les auteurs auxquels selon lui -Rousseau aurait fait des emprunts. Première partie, c'est-à-dire livre 1 (p. 249 de l'édit. de 1735.) Histoire des eMptfes et des républiques, depuis le de!My<yMS{j'M'<iyesMSChrist, par l'abbé Guyon. Paris, 1736-1741, 12 vol. in-12.-Barbier (Dict. des ŒnoKyntes, 3° édit., tome I!. col. 749) dit que les quatre premiers volumes ont été publiés sans le nom de l'auteur. Cela expliquerait pourquoi ce nom a été omis par Rousseau, quand il cite le tome 1 (1736). Mais on a du imprimer ensuite de nouveaux titres, car, dans l'exemplaire que j'ai vu, les douze volumes portent tous le nom de l'abbé Guyon.


se contenter [de] soi-même. Il souffre de se voir resserré dans les bornes étroites du temps, des lieux et des personnes avec lesquelles il passe le court espace de sa vie; il cherche continuellement à prendre son essor dans une région plus étendue il n'embrasse pas moins, par ses désirs, que la connoissance de tous les hommes, de tous les règnes, de tous les lieux et de tous les temps; et c'est l'unique voie par laquelle il puisse sortir de cette espèce d'enfance, où il ignore, comme ces âmes encore enveloppées, tout ce qui s'est fait avant lui et tout ce qui se passe hors de lui. Quel charme donc, pour un homme de goût et d'esprit, de pouvoir, par le moyen de l'histoire, se rendre présens tous les événemens mémorables qui remplissent les temps qui se sont écoulés et les faire, pour ainsi dire, arriver encore une fois devant lui pour jouir de ce majestueux spectacle! Qu'il voie, d'une part, commencer et finir les empires par les catastrophes les plus surprenantes; qu'il en suive les ressorts secrets, ouvrages quelquefois de la plus mystérieuse politique et souvent aussi des principes les plus ridicules; qu'il entre dans l'intérieur le plus caché de tant de grands hommes qui ont joué les principaux rôles sur cet important théàtre; qu'il examine les vrais motifs qui les ont fait agir; qu'il juge par là de la solidité de leur mérite; d'[un] autre côté, qu'il jette les yeux sur l'histoire de l'esprit humain, sur l'invention et les progrès des arts et des sciences, qu'il t'es considère sortans d'un petit coin de terre, encore informes et grossiers, s'accroître et se perfectionner dans les différentes régions, suivant la nécessité, le goût ou la commodité des habitans en Egypte, la géométrie, pour la division des terres, nécessaire après les inondations du Nil; en Chaldée, l'astronomie, par la facilité des observations, à cause de leurs vastes plaines; en Phénicie, la navigation, si propre à enrichir une nation située le plus heureusement pour


la commodité du commerce; en Asie (je parle de l'Asie mineure), la peinture, l'architecture et les autres arts, destinés à flatter la mollesse et le luxe asiatiques; en Grèce, l'éloquence, toute puissante dans la pluspart de ses républiques, et la poésie, digne par sa majesté de chanter les louanges des dieux et des héros, fréquens dans la mythologie grecque enfin qu'il considère les différens rapports dans les événemens, la diversité des mœurs, celle des goûts, des inclinations, la variété dans les opinions des hommes, la conformité dans leurs passions, les moyens, toujours ingénieux, souvent criminels, qu'ils emploient pour les satisfaire, les routes secrètes, mais infaillibles, dont la Providence se sert pour leur faire exécuter ses décrets, sans même qu'ils pensent le faire voilà certainement de quoi procurer des momens bien délicieux à tout homme qui sait penser et qui a quelque goût pour le vrai beau. Je pourrois autoriser ce que je dis des agrémens de l'histoire par les exemples de ces guérisons fameuses, telles que celles d'Alphonse de Castille, de Laurent de Médicis et d'autres, à qui la lecture de l'histoire fut capable de rendre une santé désespérée par les médecins.

Enfin je pourrois traiter ici en particulier de la nécessité de cette étude pour les rois, les princes, les généraux d'armées, les magistrats, et généralement pour toutes les personnes constituées en dignité ou chargées de quelque emploi public, mais j'ai été devancé sur ce dernier article par plusieurs grands hommes, qui ont constaté et prouvé cela beaucoup mieux que je ne.


VII.

Prière. i

Nous nous prosternons en votre présence divine, grand Dieu, créateur et conservateur de l'univers, pour vous rendre les hommages que nous vous devons, pour vous remercier de tous les bienfaits que nous avons reçus de vous et pour vous adresser nos humbles prières.

Notre Père, etc.

1 Musset-Pathay, ŒMefMt~dttes de J.-J. Rousseau, 1825, t. I, p. 7, a publié une « Prière composée par Jean-Jacques à la demande de Mme de Warens, » d'après une copie faite par M. Jacob Kolb, homme de lettres, c qui en avait vu l'autographe. Cette pièce, reproduite dans l'édition Hachette, t. XII, p. 359, est amsi conçue

< Souveraine puissance de l'univers, Etre des êtres, sois-moi propice, jette sur moi un oeil de commisération vois mon cœur il est pur, il est sans crime. Je mets toute ma connance en ta bonté infinie, tous mes soins a m'occuper de ton immensité, de ta grandeur, de ton éternité. J'attends sans crainte l'arrêt qui me séparera des humains. Prononce; termine ma vie et je suis prête a paroitre aux marches de ton trône, pour y recevoir la destinée que tu m'as promise en me donnant la vie et que je veux mériter en faisant le bien, en accomplissant ta loi. »

J'ignore si Gérard Jacob, dit Jacob-Kolb, antiquaire et numismate, 1829, était en état de reconnaître un autographe de Rousseau. Jusqu'à preuve du contraire, j'incline à croire qu'il n'avait vu, en réalité, qu'une copie ms. d'une écriture quelconque. En effet, Musset-Pathay ne s'est pas aperçu que cette même prière, avec une ou deux variantes, avait déjà paru, quarante ans auparavant (1786), dans les prétendus Mémoires de Claude Anet, qui accompagnent les mémoires, tout aussi apocryphes, de Mme de Warens. Elle y est également annoncée comme rédigée par J.-J. Rousseau pour sa bienfaitrice et écrite par lui sur un parchemin. » En l'insérant dans le Voyage <i .Er)MeKOMCt«e(1788), Le Tourneur n'a fait sans doute que la prendre dans le volume de Doppet, mais il la présente comme étant, cette fois, « la demande journalière que Rousseau adressoit à Dieu. » Elle n'est donc plus à l'usage d'une femme, et « je suis prête y devient « je suis prêt ». MussetPathay en place la composition avant 1735 et F. Mugnier (Madame de WaretM et J.-J. Rousseau, p. 199) en 1739 ou 1740. Au contraire, Louis Thomas (p. 97, note) estime que c'est la prière de Rousseau < a Ermenonville, » celle < d'un vieillard solitaire, » et il pense que René de Girardin l'aura communiquée à Le Tourneur du moins cela est < très probable. » Appréciations fantaisistes Avant de discuter les dates, il faudrait savoir si


Nous vous présentons, ô mon Dieu, nos hommages et nos adorations daignez les agréer. Nous ne sommes que poudre et que cendre devant vous, et ce n'est qu'en tremblant que nous devrions nous mettre en votre redoutable présence, mais vous avez encore plus de miséricorde que de majesté; nous nous confions en votre clémence infinie. Vous êtes notre créateur, nous sommes l'ouvrage de votre bonté; vous êtes notre Père, nous sommes vos enfans; recevez donc favorablement, ô mon Dieu, nos vœux, nos prières et nos actions de grâces.

Nous vous remercions de toutes les grâces et de tous les biens dont vous comblez les hommes, et en particulier de tous ceux que nous avons reçus de vous dès notre naissance; nous vous remercions de nous avoir créez, de nous avoir douez d'une âme raisonnable, de nous avoir donné la connoissance de votre divinité, d'avoir pourvu, par votre sainte providence, aux besoins de notre misère et au soulagement de nos infirmitez, et enfin de nous avoir unis l'un à l'autre.

cette oraison est authentique le livre oh elle a paru pour la première fois permet d'en douter.

La prière, toute différente, que je donne ici a été conservée par une copie soignée, sans aucune rature. Rousseau l'a écrite sur les pages 1 et 2 d un double feuillet in-4" (ms. de Saussure, fol. 86, 87), autrefois plié en quatre; l'un des côtés est moins propre, comme si ce papier avait longtemps séjourné dans une poche.

Deux allusions a < l'union de M°* de Warens et de Jean-Jacques prouvent suffisamment que celui-ci est l'auteur de la pièce et qu'il n'a pas du la tirer d'un livre, ou la demander a l'un des jésuites dont il fréquentait la maison.

On peut admettre que ce morceau ainsi que le suivant ont été composés aux Charmettes, en 1738 ou 1739, et il est à peine besoin de rappeler le passage, si souvent cité, du livre VI des Confessions < Je me levois tous les matins avant le soleil. Je montois par un verger voisin dans un très joli chemin, qui étoit au dessus de la vigne et suivoit la cote jusqu'à Chambéry. Là, tout en me promenant, je faisois ma prière, qui ne consistoit pas en un vain balbutiement de lèvres, mais dans une sincère élévation de cœur a l'auteur de cette aimable nature dont les beautés étoient sous mes yeux. Je n'ai jamais aimé à prier dans la chambre. » etc.


Continuez-nous toutes ces grâces, Dieu tout puissant, mais ne permettez pas que nous en abusions jamais donnez-nous les lumières et la volonté de vous servir de la manière qui vous est la plus agréable; conduisez-nous toujours dans le chemin de la vertu; ne permettez pas que nous nous en égarions jamais. Ne permettez pas, ô mon Dieu, que nous soyons jamais assez malheureux pour douter un seul moment de votre divine existence; excitez dans nos cœurs l'amour que nous devons à votre tendresse paternelle et à tous vos bienfaits, le respect et la vénération que nous devons à votre immense majesté et à votre puissance redoutable, et la charité que nous devons à notre prochain. Que votre parole soit dans notre bouche et votre loi dans notre cœur; répandez votre sainte bénédiction sur notre union; qu'elle serve à nous exciter mutuellement à vous servir. En un mot, ô mon Dieu, donnez-nous tout ce que vous voyez qui nous est nécessaire pour contribuer à votre gloire et pour travailler à notre salut. .PoMr le soir.

Donnez-nous aussi une nuit douce et tranquille nous recommandons nos esprits et nos corps à votre divine protection.

Pour le matin.

Bénissez aussi notre travail de cette journée et nous garantissez, par votre divine providence, de tout ce qui nous pourroit nuire et principalement de vous offenser.


vin.

[Prière.]' 1

Dieu tout puissant, Père éternel, mon cœur s'élève en votre présence, pour vous y offrir les hommages et les adorations qu'il vous doit; mon âme, pénétrée de votre immense majesté, de votre puissance redoutable et de votre grandeur infinie, s'humilie devant vous, avec les sentimens de la plus profonde vénération et du plus respectueux abaissement. 0 mon Dieu, je vous adore de toute l'étendue de mes forces, je vous reconnois pour le créateur, le conservateur, le maître et le souverain absolu de tout ce qui existe, pour l'Etre absolu et indépendant qui n'a besoin que [de] soi-même pour exister, qui a tout créé par sa puissance et sans le soutien duquel tous les êtres rentreroient aussitôt dans le néant. Je reconnois que votre divine providence soutient et gouverne le monde entier, sans que ces soins, 1 Ms. de Saussure, fol. 96, 97, 98 r°, copie autographe, avec quelques ratures, écrite sur deux doubles feuillets in-4° (dont trois pages, fol. 98 v, 99, sont demeurées blanches), et qui a été pliée, comme le n<* VII. A trois reprises, au lieu de l'interjection <), Jean-Jacques avait d'abord écrit au, puis il s'est corrigé. Faut-il ne voir la qu'une distraction, ou bien son brouillon lui a-t-il été lu par un ami, qui, ensuite, aurait fait trois corrections (voy. la note suivante) dans la dictée i

Cette pièce, d'une allure superbe, n'est que partiellement inédite. André Sayous (Le dix-huitième siècle à l'étranger, 1861, t. 1, p. 236-239) en a publié les trois cinquièmes, d'après le même ms., savoir le § 1, deux lignes du § 2 (« 0 sublime bienfaiteur. le Père des humains )*), le commencement (<Ma conscience me dit. je les remplirai avec attention ») et la fin (« Je me préparerai. avec humilité et ferveur ») du § 3, et le § 4. Il est difficile de comprendre comment F. Mugnier (p. 201) a pu « constater la reconnaissance des principaux dogmes catholiques dans les quelques passages tronqués qu'il a empruntés au texte de Sayous.

S tous les êtres, expression remplacée ensuite par cet univers, puis par « le monde entier ». Ces trois derniers mots, ainsi que les deux mots biSés cet univers, sont d'une main étrangère, (qui ne semble pas être celle de M" de Warens) plus loin, elle a aussi ajouté en interligne, « daignez détruire en moi et remplacé du prochain par < d'autrui


pleins de bonté, soient capables d'altérer le moins du monde votre auguste tranquillité. Enfin, quelque magnificence qui règne dans la construction de ce vaste univers, je conçois qu'il n'a fallu, pour le sortir du néant dans toute sa perfection, qu'un instant de votre volonté et que, bien loin d'être le dernier effort de votre puissance, toute la vigueur de l'esprit humain n'est pas seulement capable de concevoir combien vous pourriez étendre au delà les effets de votre pouvoir infini. J'adore tant de grandeur et de majesté, et puisque la foiblesse de mes lumières ne me permet pas de concevoir toute l'étendue de vos perfections divines, mon âme, pleine de soumission et de respect, en révère l'auguste et immense profondeur, se reconnoissant incapable de la pénétrer.

Mais, ô Dieu du ciel, si votre puissance est infinie, votre divine bonté ne l'est pas moins. 0 mon Père, mon cœur se plaît à méditer sur la grandeur de vos bienfaits; il y trouve mille sources intarissables de zèle et de bénédictions. Quelle bouche pourroit faire dignement l'énumération de tous les biens que j'ai reçus de vous? Vous m'avez tiré du néant, vous m'avez donné l'existence, vous m'avez doué d'une âme raisonnable, vous avez gravé dans le fond de mon cœur des loix à l'exécution desquelles vous avez attaché le prix d'un bonheur éternel, loix pleines de justice et de douceur et dont la pratique tend à me rendre heureux, même dès cette vie. Vous avez attaché des douceurs à mon sort sur cette terre, et en exposant devant mes yeux le spectacle touchant et magnifique de ce vaste univers, vous n'avez pas dédaigné d'en destiner une grande partie à ma commodité et à mes plaisirs. 0 sublime bienfaiteur,


vos bienfaits sont infinis comme vous vous êtes le Roi de la nature, mais vous êtes le Père des humains. Quels cœurs s'enflammeront assez pour vous témoigner un amour et une reconnoissance dignes de vos bontés? Mes hommages et mon zèle, tout foibles qu'ils sont, oseront-ils se présenter à vous pour satisfaire à ma gratitude ? Oui, mon Dieu, vous daignez les agréer, en considération de ma foiblesse vous acceptez des sentimens bien indignes de vous, à la vérité, mais qui sont cependant le fruit de tous les efforts de mon cœur ma reconnoissance, mon zèle et mon amour, tout foibles qu'ils sont, ne sont pas dédaignez de votre divine bonté. 0 mon créateur, mon cœur s'excite, par la contemplation de toutes vos grâces et de tous vos bienfaits, à vous offrir des actions de grâces et des remercîmens proportionnez agréez-le[s] dans la plénitude de votre miséricorde.

0 mon Dieu, pardonnez tous les péchez que j'ai commis jusqu'à ce jour, tous les égaremens où je suis tombé daignez avoir pitié de mes foiblesses,* daignez* détruire en moi tous les vices où elles m'ont entraîné. Ma conscience me dit combien je suis coupable je sens que tous les plaisirs que mes passions m'avoient représentez dans l'abandon de la sagesse sont devenus pour moi pires que l'illusion et qu'ils se sont changez en d'odieuses amertumes; je sens qu'il n'y a de vrais plaisirs que ceux qu'on goûte dans l'exercice de la vertu et dans la pratique de ses devoirs. Je suis pénétré de regret d'avoir fait un si mauvais usage d'une vie et je fais fM~'OMrd'AMt la ferme résolution de.

et de tous les vices.

Voy. p. 224, note 2.


d'une liberté que vous ne m'aviez accordées que pour me donner les moyens de me rendre digne de l'éternelle félicité. Agréez mon repentir, ô mon Dieu! Honteux de mes fautes passées, je fais une ferme résolution de les réparer par une conduite pleine de droiture et de sagesse. Je rapporterai désormais toutes mes actions à vous, je vous méditerai, je vous bénirai, je vous servirai, je vous craindrai j'aurai toujours votre loi dans mon cœur et toutes mes actions en seront la pratique j'aimerai mon prochain comme moi-même je le servirai en tout ce qui dépendra de moi, tant par rapport au corps que par rapport à l'âme je me souviendrai toujours que vous ne voulez pas moins son bonheur que le mien propre j'aurai pitié des malheureux et je les secourrai de toutes mes forces je tâcherai de bien connoître tous les devoirs de mon état et je les remplirai avec attention. Je me souviendrai que vous êtes témoin de toutes mes actions et je tâcherai de ne rien faire d'indigne de votre auguste présence. Je serai indulgent aux autres et sévère à moi-même, je résisterai aux tentations, je vivrai dans la pureté, je serai tempérant, modéré en tout, et je ne me permettrai jamais que les plaisirs autorisez par la vertu. Surtout je réprimerai ma colère et mon impatience, et je tâcherai de me rendre doux à l'égard de tout le monde je ne dirai du mal de personne, je ne me permettrai ni jugemens téméraires, ni mauvaises conjectures sur la conduite 'd'autrui; je me détacherai, autant qu'il me sera possible, du goût du monde, des aises et des commoditez de la vie, pour m'occuper uniquement de vous et de fausses.

du prochain. Voy. p. 224, note 2.


vos perfections infinies. Je pardonnerai toujours du fond de mon cœur à tous ceux qui pourroient m'offenser, comme je pardonne, dès à présent et sans réserve, à tous ceux qui peuvent m'avoir fait quelque offense je vous prie, ô mon Dieu, de leur pardonner de même et de leur accorder votre grâce. J'éviterai avec soin de jamais offenser personne et, si j'avois ce malheur, je ne rougirai point de leur faire les réparations les plus satisfaisantes. Je serai toujours parfaitement soumis à tout ce qu'il plaira à votre divine providence d'ordonner de moi, et je recevrai toujours avec une 1 résignation parfaite à votre suprême volonté tous les biens ou les maux qu'il vous plaira de m'envoyer. Je me préparerai à la mort, comme au jour où je devrai vous rendre compte de toutes mes actions, et je l'attendrai sans effroi,' comme l'instant qui doit me délivrer de l'assujétissement au corps et me rejoindre à vous pour jamais. En un mot, ô mon souverain maître, j'emploierai ma vie à vous servir, à obéir à vos loix et à remplir mes devoirs j'implore vos bénédictions sur ces résolutions, que je forme de tout mon cœur et avec un ferme propos de les exécuter, sachant par une triste expérience que, sans les secours de votre grâce, les plus fermes projets s'évanouissent, mais que vous ne la refusez jamais à ceux qui vous la demandent du cœur et avec humilité et ferveur.

J'implore les mêmes grâces, ô mon Dieu, sur ma chère maman, sur ma chère bienfaitrice, et sur mon cher père. Accordez-leur, Père des miséricordes, tous les soumission et une.

Sayous omis sans effroi ». Trois ou quatre menues inexactitudes de sa. transcription ne valent pas la peine d'être relevées.


secours dont ils ont besoin, pardonnez-leur tout le mal qu'ils ont fait, inspirez-leur le bien qu'ils doivent faire, et leur donnez la force de remplir et les devoirs de leur état et ceux que vous exigez d'eux. Souvenez-vous généralement de tous mes bienfaiteurs faites retomber sur leurs têtes tous les biens qu'ils m'ont faits accordez de même l'assistance de vos bénédictions divines à tous mes amis, à ma patrie et à tout le genre humain en généra! souvenez-vous, ô mon Dieu, que vous êtes le Père commun de tous les hommes, et ayez pitié de nous tous dans la plénitude de vos miséricordes.

IX.

La découverte du Nouveau Monde. f

[OpËRA-]TRAGÉD:E.

Acteurs du Prologue.

PROLOGUE.

Le théâtre représente les avenues du Palais de la Gloire, dont le frontispice paroît dans l'enfoncement.

1 « J'a' ois fait Chambëry, dit Rousseau ~Con/~Mton~, livre VII), un opératragédie intitulé Iphis et Anaxarète, que j'avois eu le bon sens de jeter au feu. J'en avois fait Lyon un autre intitulé la Découverte du nouveau monde, dont, après l'avoir lu à M. Borde, à l'abbé de Mably, à l'abbé Trublet et à d'autres, j'avois tini par faire !e même usage, quoique j'eusse déjà fait la musique du prologue et du premier acte, et que David m'eût dit, en voyant cette musique, qu'il y avoit des morceaux dignes du Buononcini. » L'affirmation de Jean-Jacques doit être exacte, puisque ni les paroles ni la musique de la Découverte du nouveau monde n'existent dans ses papiers.

L'EUROPE.

LA FRANCE.

MINERVE.

LE DESTIN.

au .~roto~Ke.

UN FRANÇOIS.

UNE FRANÇOISE.

PEUPLES FRANÇOIS.


SCÈNE I.

L'EUROPE.

Palais de la Gloire immortelle,

Séjour des héros et des dieux,

Je viens fixer en ces beaux lieux

Ma demeure éternelle.

Rien ne partage plus la gloire qui me suit; De deux jalouses sœurs, aujourd'hui mes égales, L'éclat s'est dissipé dans une affreuse nuit. L'Europe a vu tomber ces superbes rivales Mais la destruction de cet opéra, tout au moins celle des paroles, n'eut lieu que longtemps après l'époque où il la place dans son récit, et elle ne devait pas être définitive, grâce à la conservation fortuite d'un autre exemplaire ms. Le tome VIII des Œtteres de J.-J. Rousseau, publiées de 1774 a 1783. en 12 vol. in-4", sous la rubrique Londres, et imprimées en réalité à Bruxelles, renferme un lot de papiers trouvés chez M°" de Warens (1762), ou gardés par quelque ami savoyard. On y remarque vingt-deux lettres de Jean-Jacques, et leur importance est capitale pour la chronologie, encore obscure, des dix années qui ont précédé son établissement a Paris. Parmi les autres morceaux figurent quelques fragments d'Iphis et Anaxarète et les trois actes de la Découverte du nouveau monde, dont une minute ou une copie était restée a Chambéry. C'est ainsi qu'ils ont pu passer dans toutes les réimpressions.

Rousseau a connu l'existence de cette édition de Londres [Bruxelles]. Il en parle dans le troisième Dialogue, rédigé en 1774 ou 1775, et il raconte qu'on lui avait offert d'en corriger les épreuves, mais qu'ayant refusé de s'en occuper, « on a pris le parti de se passer de lui et d'aller en avant comme s'il participoit à l'entreprise. L'édition se fait par souscription et s'imprime, dit-on, à Bruxelles, en beau papier, beau caractère, belles estampes. On n'épargnera rien pour la prôner dans toute l'Europe. » A-t-il eu plus tard sous les yeux le tome VIII, daté de 1776, on a-t-il entendu parler de son contenu A-t-il su que ses anciennes lettres à M°" de Warens, dont le nom était alors inconnu en dehors de Chambéry, parvenaient à la connaissance du public g

Avant de brûler le texte ms. de la Découverte du nouveau monde qu'il avait emporté à Paris, Rousseau le prêta à François Coindet, qui le transcrivit avec d'autres opuscules, tels que le Persifleur, la lettre a Voltaire sur l'optimisme, du 18 août 1756, la Reine fantasque, etc. Les copies de Coindet se sont conservées (Bibl. de Genève, ms. fr. 204) et celle de la Découverte du nouveau monde contient le Prologue, qu'on ne connaissait pas jusqu'ici, parce qu'il manquait dans le volume de 1776. Quand on réimprimera les trois actes, il faudra d'ailleurs utiliser la transcription de Coindet exécutée d'après un ms. meilleur, elle offre des variantes préférables et comble une ou deux lacunes. Ainsi, acte II, scène I,


Leur lustre est effacé, leur pouvoir est détruit. Palais de la Gloire etc.

Mais hélas mon bonheur n'en est pas mieux comblé, Par cette gloire si brillante

Contre mes ennemis en vain son lustre augmente, Par mes enfans il est troublé.

Enivrez d'un poison soufflé par la discorde,

Les cruels dans mon sein veulent se déchirer. Dieux! Est-ce ainsi que le Destin m'accorde Les biens qu'il m'a fait espérer ?

(On entend une symphonie AarntOMtettM.~

Mais qu'annoncent ces sons ?. Quelle lueur nouvelle Brille de toutes parts dans le séjour des dieux? Que vois-je ?. Quoi! ta France. Ah! ma fille. c'est [elle:

Minerve et le Destin l'amènent en ces lieux.

SCÈNE II.

[L'EUROPE, LE DESTIN, MINERVE, LA FRANCE.]

Le Destin et Minerve descendent dans un char; la France paroît au milieu d'eux.

vers 19 et 22, au lieu de yeux lisez jeux ». Acte I, se. I, v. 17, au lieu de c momens funestes lisez momens d'alarmes et ajoutez, avant le v. 19

Vos mépris fout couler mes larmes.

Est-il encor des manx à redouter poar moi P

Même scène, après le vers

Mon amonr et mes pleurs excitent ton courroux.

ajoutez celui-ci

Henreuse Digizé, qn'tm récit de mes larmes

Ce vers existe d'ailleurs dans les éditions de H76 [Bruxelles] et 1779 (Supplément aux ŒMcfM de J.-J. Rousseau, Amsterdam et Lausanne, Fr. Grasset et Comp., in-8") les autres, toutes celles du moins que j'ai pu examiner, l'ont omis.


MINERVE et LE DESTIN.

Tes vœux sont entendus, ne verse plus de larmes Tu vas voir succéder la paix au bruit des armes. Mars prétend vainement prolonger tes malheurs; Ta fille prendra soin d'enchaîner ses fureurs. C *J<s hMpr~<nt<t!< la France.)

L'EUROPE.

Ne me flattez-vous point d'un espoir téméraire? La France tant de fois a fait couler mes pleurs. MINERVE.

La France à ton repos ne fut jamais contraire, Et quand ses ennemis, vaincus dans cent combats, Eprouvoient sa juste colère,

Son cœur pleuroit le sang que répandoit son bras. France, étends tes bienfaits sur la terre et sur l'onde. Apprends à l'univers, par tes soins généreux, Qu'il est moins glorieux de conquérir le monde Qu'il n'est doux de le rendre heureux.

C'est assez, désormais, briller par la victoire. Brillez, peuple charmant, en des combats plus doux Les arts et les plaisirs vous offrent une gloire Que rien ne partage avec vous.

LE DESTIN.

Goûte en paix les faveurs que le ciel te prépare Ton sort est remis en ses mains.*

En montrant la France.)


L'autre,

L'EUROPE. Et vos tendres bienfaits, ces doux liens des [coeurs,

LA FRANCE. Et le tendre désir de calmer vos douleurs Attachent mon au vôtre.

mon bonheur au vôtre.

Attache e mon bonheur au votre.

1 En note La Corse.

S'il reste en tes climats quelque peuple barbare', Elle ira le dompter, et, par un soin plus rare, Porter ses douces moeurs dans leurs cœurs inhumains. Ses soins, à tes désirs propices,

Vont rendre ton bonheur certain.

Elle marche sous les auspices

De la Sagesse et du Destin.

(Le Destin et Minerve remontent dans le ciel.)

L'EUROPE.

Viens, ma n!!e! 0 douceur extrême! 1

Que mon sort est heureux

LA FRANCE.

Votre bonheur toujours fit l'objet de mes vœux. L'EUROPE.

Dieux que tous mes enfans ne pensent-ils de même ENSEMBLE.

Ce jour va finir mes malheurs.

vos

Par les nœuds les plus chers nous sommes l'une à rt't~~


LA FRANCE.

Vous qu'un heureux destin rassembla sous mes loix, Venez, peuple[s] françois, qu'une aimable allégresse Excite ici vos danses et vos voix 1

A vos jeux séduisans l'Europe s'intéresse Justifiez son choix.

Mais ne vous montrez pas sous ces formes terribles Qui l'ont si souvent fait trembler,

Quand ses enfans, unis pour m'accabler,

Tomboient sous vos coups invincibles.

D'un plus doux appareil empruntez l'ornement Montrez-vous tels qu'auprès des belles

Vous séduisez les plus cruelles,

Quand le héros guerrier s'y change en tendre amant.

SCÈNE III.

L'EUROPE, LA FRANCE, [UN FRANÇOIS, UNE FRANÇOISE,] PEUPLES FRANÇOIS.

Les François et les Françoises forment des danses caractérisées, qui expriment la galanterie et la légèreté de cette nation. Après quoi un François chante l'air suivant

UN FRANÇOIS.

Amans heureux, amans volages,

L'inconstance fixe nos cœurs,

Et l'on voit finir nos hommages

Où commencent les faveurs.


Soins charmans, doux art de plaire,

Votre règne est parmi nous;

Mais l'amour n'y sauroit faire

Des cœurs constans, ni des jaloux.

Amans, etc.

(On danse.)

UNE FRANÇOISE.

Jeunes François, quand l'amour vous engage, Vous rompez bientôt vos sermens;

Mais ce dieu nous en dédommage

Par les vœux de nouveaux amans.

Pour former des chaînes parfaites,

On pousseroit de vains soupirs;

Par le nombre de nos conquêtes,

Nous assurons mieux nos plaisirs.

Jeunes, etc.

(On danse.)

CHŒUR.

Domptez nos domptez les coeurs rebelles!

Domptons ~4 tes coeurs rebe!!es! Domptons domptons

Courez (

Courons P~~ heureux hasards,

Couron ,s

Et remportez autant de myrtes près des belles Et remportons autant de myrtes pres des belles Et remportons P'" Que de lauriers aux champs de Mars!

(On danse.)

L'EUROPE.

Je vois briller vos jeux avec reconnoissance.


LA FRANCE, à ses sujets

Pour les rendre plus parfaits,

Présentons-leur de plus nobles objets.

Rendons-les, s'il se peut, dignes de sa présence. (A l'Europe :)

Vos enfans, autrefois, d'un beau zèle animez, Aux climats étrangers étendant votre empire, Vous épargnoient les maux dont votre cœur soupire. Retraçons-leur ces temps si renommez

Où, conquérans d'un nouveau monde,

Vainqueurs de la terre et de l'onde,

Pour la première fois au bout de l'univers

Ils portèrent vos fers.

Mais allons en ces lieux rappeler la mémoire De triomphes si beaux.

C'est dans le Palais de la Gloire

Qu'il faut célébrer les héros.

~L'EMfope << la France entrent dans Ze Palais de la Gloire pendant que le c~eBMf chante.)

CHŒUR.

Dure à jamais

Le nœud qui vous assemble

Régnez toujours ensemble,

Vivez toujours en paix 1


X.

Note' mémorative'

sur la maladie et la mort de M. Deschamps. [Avril :768.]

M. Deschamps,' depuis son arrivée à Trye et le premier jour même, s'est toujours plaint qu'il souffroit beaucoup, parlant sans cesse à tout le monde de se tuer, de se jeter par les fenêtres, etc. Ce langage même me rendoit suspecte la bonne foi d'un hydropique prétendu, dont je ne voyois pas enfler les jambes, ni changer le visage. Quoiqu'il consultât beaucoup de gens, fît beaucoup de drogues, et qu'il m'eût consulté moi-même comme si j'eusse été médecin, sur quoi je le renvoyai fort sèchement, je le voyois peu ou point.

Cependant il cessa de sortir. Bientôt on le dit en danger. Enfin, sur la proposition que lui en fit M. Manoury,* il consulta M. Laubel, médecin de Gisors, qui, le Bibl. de Neuchâtel, n° 7872, in-4* de 4 p., copie autogr. soignée, avec six ou sept ratures.–A. Sayous (Le dix-huitième siècle à l'étranger, 1861, t. I, p. 462) a cité vingt lignes de ce morceau, d'après une copie (cf. ibid., p. 279, note) que J. Ravenel avait faite a Neuchâtel vers 1834. Et non commémorative comme imprime Sayous.

a L'un des serviteurs ou employés du prince de Conti, au château de Trye. Rousseau le nomme dans ses lettres du 1" septembre 1767 à Coindet (G. Streckeisen, p. 460) et du 3 mars 1768 à Du Peyrou c'est aussi lui, apparemment, qu'il appelle < M. le concierge x ('t&M., p. 457).

< Lieutenant des chasses de M. le prince de Conti, au château de Trye (Lettre à Du Peyrou, 21 juin 1767).

6 La Correspondance contient cinq lettres datées du 24 mars 1768 dans quatre d'entre elles (cf. plus loin. p. 244, n. 2), Rousseau dit qu'il est attendu à Gisors, où il va dîner. On peut présumer qu'il avait accepté une invitation du médecin Laubel, ou De Laubel, car il le vit ce même jour et lui donna un livre de Th.-Fr. Dalibard, intitulé F~ora* parisiensis prodromus, ou catalogue des plantes qui naissent dans les environs de Paris ( 1749, in-12, ng.), sur les pages duquel il avait écrit


trouvant fort mal en effet, jugea la ponction indispensable et me le dit. Comme je ne pouvois revenir de mon préjugé, je lui dis que, malgré l'extrême peine que j'avois à soutenir de pareils spectacles, je désirois assister à cette opération. Bientôt après, M. Laubel n'insista plus sur la ponction, la jugeant déjà trop tardive et désormais inutile pour la guérison du malade, qui d'ailleurs la craignoit beaucoup. M. Laubel en parloit si décidément comme d'un malade sans ressource et près de la mort, pressant même qu'on lui administrât incessamment les sacremens, qu'enfin son ton affirmatif m'ébranla, et je désirai voir par moi-même l'état du malade. J'y fus avec M. Laubel le jeudi matin 17 mars, pour la première fois depuis très longtemps. Pour le coup, je le trouvai aussi mal qu'on l'avoit dit. Grandes douleurs au côté, enflure et tension considérable dans le bas ventre, de la fièvre, et le visage fort changé. J'eus regret que mon incrédulité m'eût empêché si longtemps de remplir envers un si proche voisin les devoirs de l'humanité, et dès lors je l'allai voir tous les jours, au moins deux fois.

Dans cette visite et dans la suivante, M. Laubel insista de nouveau sur les sacremens et détermina enfin le malade à les recevoir. Je lui offris tout ce qui dépendoit de moi pour son soulagement et, deux ou trois quelques noms de plantes, à l'encre et au crayon. Cet exemplaire, que A.-P. Malassis (La querelle des &o:t~'om, p. 7 et suiv.) et M. Jansen (Recherches, p. 18, 19) n'ont pas signalé parmi les rares ouvrages de la bibliothèque du philosophe qui se sont conservés jusqu'à nos jours, porte une note ainsi conçue 24 Mars 1768. Reçu ce livre de Monsieur Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genece, qui en a fait présent d M. Delaubel, Mted. Il a passé dans une vente faite par M. A. Claudin, 8-13 mai 1865, n' 465, et dans la vente L. de M., 27-29 janvier 1876, A. Voisin, libraire, n' 316, 75 fr.; les deux catalogues ont annoncé qu'il contenait encore des plantes desséchées, collectionnées par l'auteur d'Emile, < mais elles peuvent tout aussi bien provenir de De Laubel, ou d'un autre possesseur du volume.


jours après, je lui envoyai deux bouteilles de vin de Bourgogne, cachetées encore et empaillées, telles qu'elles étoient venues de Rouen. J'y joignis un pot d'épine-vinette confite, dont j'avois deux, et j'en gardai un pour moi. Ce vin, dont je lui recommandai de ne boire de temps en temps que quelques cuillerées pour le ranimer, a été bu chez lui, tant par lui que par d'autres j'en ai bu moi-même, j'ai de même mangé de son pot d'épine-vinette. Sa fille en a mangé aussi. Ni le vin ni la confiture n'ont fait de mal à personne. Le malade empiroit sensiblement; la bile le gagnoit il jaunissoit; les points à la rate augmentoient et devenoient insupportables. II reçut le viatique le mercredi saint 3o mars. Le même jour, parlant du choix de ses alimens, il me dit qu'il aimoit beaucoup le poisson, que j'ai toujours regardé comme une nourriture fort saine, et je le lui dis il me répondit qu'il ne savoit où en acheter et qu'il n'en avoit pas goûté depuis son arrivée; en quoi il mentoit, car M. Manoury, tout en paroissant brouillé avec lui, avoit soin de l'en pourvoir en secret, ainsi que de gibier. Le lendemain matin, M. Manoury m'envoya un brocheton, que ma sœur* mit au bleu pour notre dîné. En me mettant à table, je pensai qu'un peu de ce poisson feroit grand plaisir à mon voisin et je lui en envoyai sur le champ, par ma sœur, un morceau tout sec et sans sauce. Quoique le morceau fût petit, il dit à sa servante qu'il ne le mangeroit pas tout sans elle, M. le Prince de Conti avait obtenu de ma trop facile obéissance que je changerois de nom. et que j'appellerois ma gouvernante ma soeur, mais ce ne fut qu après mon retour d'Angleterre car, a Calais, on me fit écrire mon nom j écrivis Rousseau et je gardai !e nom de Rousseau à Amiens et durant toute la route, ne voulant pas avoir l'air d'un homme qui se cachoit. (Note d'une autre encre, ajoutée plus tarden marge du ms., dans le sens de la longueur. )


et en effet elle dit ensuite à ma sœur qu'elle en avoit mangé et l'avoit trouvé excellent. Lui de même, mais, au lieu de le manger sec comme je lui avois envoyé, il l'assaisonna avec des ciboulettes et du vinaigre. Il n'eut pourtant aucun mal à l'estomac, ni colique d'entrailles; mais son point le reprit dans la journée, et il a continué d'avoir de courts relâches et d'empirer, toujours persuadé, comme il l'a témoigné à moi et à d'autres par mille marques, qu'il ne mouroit pas d'hydropisie, mais de ce poisson, et sans même se souvenir qu'il avoit reçu le viatique la veille.

Six ou sept jours après, savoir le 6 avril au matin, il reçut l'extrême-onction, et la ponction, à laquelle, se sentant étouffer, il consentit enfin, se fit une heure après. On lui tira cinq ou six pintes d'une eau rousse et bilieuse, que M. Manoury trouva très extraordinaire. Il eut quelque soulagement quant à la respiration, mais la fièvre augmenta, les vomissemens bilieux vinrent, et enfin il mourut le lendemain matin y avril. Tout ce que je vis et entendis durant le cours de cette journée, les propos équivoques et insidieux de M. Manoury, du frotteur, du perruquier, ceux qui se répandoient sourdement dans le voisinage, la contenance qu'avoit eue le défunt vis-à-vis de moi les derniers jours, tout me disoit que j'étois accusé de l'avoir empoisonné.~ Alors je pris enfin mon parti. J'écrivis, le 8 au matin, à M. Manoury, pour lui proposer l'ouverA rapprocher de ce qui s'était passé lors de la maladie de Du Peyrou, a Trye. Voy. les lettres des 19, 26 et 27 novembre 1767, publ. par J.-H. Bonhôte, Etrennes neuchâteloises, 8' année, 1863, p. 112-139, et par F. Berthoud, J.-J. Rousseau au Val de Travers, 1881, p. 329-349. Dès 1861, A. Sayous, 1.1, p. 459-462, avait donné quelques fragments de la première lettre, d'après les papiers Ravenel.


ture du cadavre, offrant d'en payer les frais, et pour le prier de me fournir sur le champ un exprès pour l'IsleAdam, conformément aux ordres qu'il avoit reçus ici de S. A.

H vint, promit de faire faire l'ouverture. Il me dit « Je prendrai Mrs Laubel père et fils. » Je lui répondis Et d'autres; ceux qui se trouveront les premiers. A l'égard de l'exprès, il refusa de me le donner avant que l'ouverture fût faite, prétendant que je ne pouvois rien avoir à dire au Prince avant ce temps-là. Cela me fut dit en tout autant de termes, et confirmé, sur ce que je l'assurai qu'il n'étoit point question de cette ouverture dans ce que j'avois à écrire à S. A. De sorte que, grâce aux lanterneries de M. Manoury et à l'obstination de ne vouloir prendre que Mrs Laubel, l'ouverture ne se fit que le lendemain et je ne pus obtenir aucun exprès pour ce jour-là.

Sur ce refus net et décidé, je pris le parti de m'adresser au fermier. La tettre' dont je le chargeai pour S. A. S. contenoit une déclaration que je voulois aller purger mon décret à Paris, une prière de m'y faire conduire dès le lendemain, très sûr que si je me mettois en devoir d'y aller de moi-même, les gens à qui j'avois à faire ne manqueroient pas de m'accuser de vouloir m'évader, 1 Lettre inconnue (8 avril). Le prince de Conti, qui résidait alors à l'IsleAdam, répondit le même jour par un billet qui, sur l'original, est daM ~/?~ "P~ ~Mta~e ra~~n protêt de a manière la plus amicale, lui annonçait sa visite pourlesur~ protégé de la manière la plus amicale, lui annonçait sa visite pour le surlen- demam et l'adjurait de ne < rien dire ni faire avant son arrivée. (G. Streckeisen, J..J Rousseau, ses amis et ses ennemis, t. H. p. 15 16 n" XII). lettre XIII du prince de Conti, dont l'orignal porte seulement 'Ce samedi après midi et que G. Streckeisen a placée au 9 avril elle doit être en réahte du 23 avril, ainsi que le prouve une lettre de Manoury, du 22 avril, conservée à Neuchâtel. L'entrevue dont il s'agit ici eut donc lieu à Sandricourt le lundi et ne doit pas être confondue avec celle de Trye, du 10 avril.


et enfin une résolution de ma part, si je n'avois nulles nouvelles le samedi, de me consigner le dimanche dans la prison de Trye, pour y rester jusqu'à ce qu'il plût à S. A. S. de me faire conduire à mes juges.

Je représentois encore qu'il m'eût paru convenable de s'assurer aussi de la servante de M. Deschamps, pour constater plus aisément la vérité des faits. M. Manoury envoya le frotteur à Gisors chercher M~ de Laubel père et fils il ne les trouva ni l'un ni l'autre, mais il laissa un avertissement. Deux ou trois heures après, le garçon chirurgien vint et voulut me parler on le renvoya à M. Manoury le maître vint ensuite et voulut me parler on le renvoya de même. Le médecin n'étant point arrivé ce jour-là, l'ouverture fut renvoyée au lendemain.

Le samedi matin, M. Laubel le médecin vint encore pour me demander ce qu'il falloit faire et au nom de qui? Je lui dis que M. Manoury seul étoit chargé de tout, même du payement, et que je [ne] me mêlerois d'autre chose que de lui rembourser les frais. M"~ Deschamps,t t Trois semaines plus tard. le 25 avril. M"- Euphrasie Deschamps, alors a Paris, eimrimait~.M. Reuoult.. c'est-à-dire à Rousseau, sa reconnaissance au sujet d'une lettre [t~-o~e] qu'il avait écrite à M. Richard, em.ployé dans les b~eaM du prince de Conti. Elle espérait la réussite des démarches te~ée~ sa faveur, Son Altesse faisant c travailler ~~ran~gemens convenables.. L'orpheline remercie son correspondant de ses gemeas et de ses elle lui dit c je vous connois si bon. Il ~~u~i~ére s~d-~ose~~ témoignages~. F. Berthoud, op. c~T~ épithètes furieuses de Diderot, pour ne citer que les siennes faux, cruel, hypocrite, méchant, forcené, monstre, etc.

La lettre de Mil. Deschamps étant restée pendant quelques jours sur la table du destinataire, une autre main a protité des blancs de la quatrième page celle de la suscription. pour y écrire la note qui suit~ 'Marescot de ~arc soldat au régiment de Bourbonnois, compagnie de Montfort, en garnison à Arras. Jean-Jacques a ajouté au crayon Vériner l'adresse, et si ledit sieur Marescot sera à son corps et y restera tout le mois prochain de ~uin.ÏEncoMun service, sans doute, qu'il rendait a quelque modeste solliciteur.


qui étoit dans l'autre chambre, put entendre ce court entretien, qui se fit à haute voix, à porte ouverte, et M. Laubel, que je ne fis pas même asseoir, sortit une demi-minute après être entré.

Enfin l'on procéda à l'ouverture, le troisième jour après la mort. M. Manoury mit des gardes à l'entrée de la salle ce n'étoit pas pour le peuple, puisque l'opération devoit être et fut publique ce ne devoit pas, non plus, être pour moi, puisqu'au lieu de m'empêcher d'être spectateur d'une opération que je faisois faire, on auroit dû en bonne règ!e' m'y inviter.

H est à remarquer que, quoique nul autre que moi n'ait parlé d'ouverture jusqu'au moment où le corps étoit prêt à être inhumé, et malgré ma lettre très positive, M. Manoury a fait toute sorte de manège pour insinuer que c'étoit M'" Deschamps qui demandoit l'ouverture du corps de son père, et pour l'engager à parler sur le même ton. Quand il a été question de savoir au nom de qui seroit dressé le rapport, Made Manoury a dit à son mari qu'elle ne voutoit point qu'il se trouvât mêlé dans pareilles affaires, ni que le rapport fût dressé en son nom. Ensuite elle a demandé quel si grand seigneur j'étois donc pour que le rapport fût dressé au mien ? La conclusion a été de s'adresser à M'" Deschamps, pour savoir si elle vouloit qu'il fût dressé au sien, à quoi elle ne s'est pas opposée. Si cet arrangement a lieu, il sera plaisant que le rapport de l'ouverture se fasse au nom d'une personne qui n'a pas même songé à la demander, et qu'il n'y soit pas fait mention de celui qui l'a demandée et qui la paye. Voilà ce que c'est que m'inviter d'y être présent.


de n'être pas assez grand seigneur au gré de Made de Manoury.

Autre remarque. M. et Made Manoury, changeant de ton tout à coup sur la servante de M. Deschamps, ont commencé à l'attirer chez eux et ont fort vanté 1 son grand mérite, quoique, ci-devant, l'un et l'autre en ayent cent fois parlé, à tout le monde et à moi-même, comme d'une coquine, d'une ivrognesse, et de la dernière des salopes. Au reste, M. et Made Manoury ne font tout cela qu'avec t <i .M"' Deschamps. c

La visite du « patron de la case » Trye, le dimanche 10 avril, mitfin à l'agitation de Rousseau, qui avait commencé le 7, après la mort de Deschamps. M est vraisemblable que la Note mémorative fut rédigée le 9, jour de l'autopsie, et recopiée aussitôt, ou le lendemain dans la matinée, pour être soumise au prince. “),“

Peu de temps auparavant, le malheureux solitaire avait eu déj& un accès d'hypocondrie. Ecrivant le 24 mars 1768 à Lenieps, sorti de la Bastille, il exprimait le regret de ne pas être captif et tranquille, « à couvert des emb~hes des mécnans.. Un passage intéressant de sa lettre, du même jour, à D'Ivernois manque dans toutes les éditions, parce que Du Peyrou a eu soin de le supprimer dans celle de 1782 (In.4. t. XII, p. 611). Le voici, d'anrës l'original ms., où il prend place avant 1 alinéa final Je n'ai point voulu, mon bon ami, vous parler de moi durant vos troubles vous aviez assez de vos propres maux sans songer aux miens. Je ne vous en parlerai pas non plus présent, parce que je ne sais qu'en penser mo~memee~-aimea me flatter que je ne suis plus dans mon bon sens. Je vois des complots si noirs, des gens si abominables, que, pour Honneur de l'humanité, j'aime mieux croire quej'extravague; ainsi je me tais. Je vaisdtner a Gisors, où je suis attendu, et je compte y porter moi-même cette lettre a la poste. S'il arrivoit que vous n'eussiez plus de mes nouvelles lettre d Du P~OK, mars], je ne vous dis pas, comme vous Ne pensez plus « moi, mais je vous dis au contraire: Souvenez-vous toujours de notre amitié. Je vous embrasse de tout mon cœur. » Cependant Rousseau ne tarda pas à se calmer. Le 27 mars, il envoya au du~de Choiseul une importante missive, et le lendemain, se souvenant de ce qu'il avait mandé à D'lvernois, il reprit la plume son adresse <Je ne me pardonnerois pas, mon ami, de vous laisser 1 inquiétude qu'a a pu vous donner ma précédente lettre sur les idées dont j'étois frappé en l'écrivant. Je fis ma promenade agréablement, je revins heureusement; je reçus des nouvelles qui me firent plaisir; et voyant que rien de tout ce que j'avois imaginé n'est arrivé, je commence craindre, après tant de malheurs réels, d'en voir quelquefois d'imaginaires, qui peuvent agir sur mon cerveau. Ce que je sais bien certainement, c'est que, quelque altération qui survienne ma tête, mon cœur restera toujours le même et quil vous aimera toujours.


des intentions pieuses, puisqu'il y a deux jours qu'ils ont fait leurs Pâques et qu'ils le disent à tout le monde, afin qu'on prenne confiance en eux.

Comme ces explications se réfèrent au paragraphe omis du 24 mars, elles demeuraient nécesssairement obscures pour les lecteurs de la Correspondance.

Sur le même sujet, il faut noter que la lettre de rupture écrite a Coindet n'est pas du 18 mars, comme l'a imprimé G. Streckeisen, p. 274, et comme on l'a souvent répète depuis lors, mais du 18 mai.


LES FÊTES DE RAMIRE

u livre VII des Confessions, Rousseau parle des Fêtes de Ramire. Ce ballet est une espèce d'abrégé de la ~r~c~M de

~B~ ~Va~arrc, pièce en trois actes, que Voltaire

avait composée pour les fêtes du premier mariage du dauphin, et qui avait été représentée le z3 février 1745. Quelques mois après, on eut l'idée, à la cour de Versailles, de faire resserrer les trois actes en un seul, qui ne serait plus qu'un cadre pour les danses et les chants. Voltaire, qui traitait sa pièce de « farce de la foire », ne fit pas difficulté de la sabrer pour la raccourcir mais il ne se donna pas la peine d'achever ce travail.

Le duc de Richelieu, dit-il dans la lettre que citent les Confessions, m'ordonna de faire une esquisse de quelques scènes qui devaient s'ajuster à des divertissements. J'obéis je fis très vite et très mal; j'envoyai ce croquis à M. de Richelieu.

Le nom des personnages, l'intrigue, la marche de la pièce, tout était changé; mais plus de quatre-vingts vers des Fêtes de Ramire, c'est-à-dire la moitié de ce libretto, sont pris à la Princesse de Tva~rrë nous les avons marqués d'un astérisque. Le reste est aussi l'oeuvre de Voltaire, presque entièrement. Rousseau n'a eu que quelques raccords à y faire, comme il le dit luimême dans les Confessions

Le nouveau sujet demandait plusieurs changements aux divertissements de l'ancien, tant dans les vers que dans la musique. Voltaire, alors en Lorraine, et Rameau, tous deux occupés à l'opéra


du Temple de la Gloire,' ne pouvant donner leurs soins à celui-là, M. de Richelieu me fit proposer de m'en charger. Ma besogne se borna, quant aux vers, à très peu de chose.

La Bibliothèque nationale, à Paris, possède un exemplaire de l'édition originale des Fêtes de Ramire. C'est d'après cet unique exemplaire conservé, que nous reproduisons cette pièce. Si insignifiante et insipide qu'elle soit en elle-même, c'est un document qu'on ne saurait négliger, puisque c'est à l'occasion des Fêtes de Ramire que se sont noués les premiers rapports entre Voltaire et Rousseau.

E. R.

Le Temple de la Gloire fut représenté le 27 novembre 1745, un mois avant les Fétes de Ramire, quinze jours avant les lettres échangées entre Rousseau et Voltaire, en date des 11 et 15 décembre 1745.


(Bibliothèque nationale. Y 6060 F. i. = Inventaire Y f. 889 Y f. 89o.) feuillet 1

feuillet 2 r" BALLETS EXÉCUTES A VERSAILLES, ) Le 22 Décembre 1745. DE L'IMPRIMERIE DE JEAN-BAPTISTE-CHRISTOPHE BALLARD,

feuillet 3 ro ACTEURS ET ACTRICES,

feuillet 8 v Les Ballets sont du Sieur LAVAL, compositeur 1 des Ballets du ROI.

(blanc)

Doyen des Imprimeurs du Roi, seul pour la Musique. M.DCCXLV.

1 Par exprès Commandement de Sa Majesté.

DU COTE DU Roy; DU cOTÉ DE LA REINE;

Les Demoiselles

DHK,

Tulou,

Delorge,

Fa/'OMM,

Dallemand-C.,

Larcher,

Delastre,

jRtf:e/'e.

chantans dans tous les <7Aa°M/'s.

Les Sieurs

2)M7t,

~'e7'on,

De ~erre,

G/'a~'T!,

St-Martin,

Le Mesle,

Chabou,

ZLe~MSCKr.

Belot,

LoM<0/

Forestier,

Therasse,

Dugay,

Le .Be~Ke,

Cordelet,

Rhone.

Les Demoiselles C'<<OK,

Monville,

.L<~7'<f!~ .A/<MS07t,

Rollet,

Des~y'<st/M,

Gondré,

!~e7'y:eM!?.

Les Sieurs

TLe/ë~fye,

~rcc~<,

Albert,

Le P~e-C., 1 Z<aM&er<!e,

Le Breton,

Lamarre,

Fel,

Bourque,

Houbeau,

Bornet,

Cuvillier,

Gallard,

Z)McAe7:e~,

Orban,

Rochette.


!let 4 r" LES FESTES 1 DE RAMRE, j 1 BALLET 1 DONNÉ A VERSAILLES, Le 22 Décembre 1745. DE L'IMPRIMERIE DE JEANBApriSTE-CHRiSTOPHE BALLARD. Doyen des Imprimeurs du Roi, seul pour la musique. M.DCC.XLV. Par exprès Commandement de sa Majesté.

let 5 r° ACTEURS CHANTANS.

Le Sr Poirier.

La D"e Romainville. LaDUeJaquet.

Le Sr Jelyotte.

Le Sr Le Page.

Le Sr de Chassé.

RAMIRE, fils d'Alphonse Roi de Castille, FATIME, Princesse de Grenade,

ISBÉ, con fidente de Fatime,

UN GUERRIER,

AUTRE GUERRIER,

Troupe de Guerriers,

UN DEVIN,

Troupe de Devins, de Devineresses, de Bohemiens et de Bohemiennes.

Fel.

LES GRACES, e Les D"M Coupée. Gondré.

Troupe d'Amours, de Plaisirs et de Jeux. Gondré.

SUIVANT Le S'' Albert.

ET de Ramire 1 La Sr Bourbonnois.

SUIVANTE La DMc Bourbonnois.

Troupe de suivants de Ramire de ~ë/-M~ caractères.


feuillet 5 v" PREMIER DIVERTISSEMENT.

GUERRIERS.

Le Sr Pitro;

Les S~ Matignon, Malter-C., Monservin, De Vice, Dumay, Dupré,

Feuillade, Levoir.

SECOND DIVERTISSEMENT.

BOHEMIENS ET BOHEMIENNES.

La D"" Camargo;

Les S~ F-Dumoulin, P-Dumoulin, Hamoche, Dangeville

Les D"~ Thiery, Puvignée, Grognet, Lyonnois-C.

TROISIÈME DIVERTISSEMENT.

JEUX ET PLAISIRS.

La Dlle Sallé;

Le Sr Laval, La Die Puvignée

Les S" Dumay, Dupré, Malter-C., Matignon, Gherardi, Caillez;

Les D"~ Erny, Lyonnois-L., Courcelle, St Germain,

Petit, Beaufort.

QUATRIÈME DIVERTISSEMENT.

SUIVANS DE RAMIRE.

Les S~JaviIlier L., Monservin, Javillier-C.;

Les D"M Rabon, Carville, Rosalie;

Et les Acteurs du Divertissement précédent.


LES FESTES ) DE RAMIRE.

Le Théâtre représente une prison.

SCENE PREMIERE.

FATIME, IssË, confidente de FATIME.

FATIME.

0 Mort, viens terminer les douleurs de ma vie.

J'ai vu tomber mon trône et ma patrie,

Mon pere est descendu dans la nuit du trépas,

Les Vainqueurs avec barbarie,

En ces lieux ont traîné mes pas.

0 Mort, viens terminer les douleurs de ma vie.

ISBÉ.

Alphonse est un cruel vainqueur;

Mais Ramire son fils, a toute sa valeur,

Sans avoir sa fierté barbare;

Souvent dans ses bontés, le juste Ciel répare

Les maux qu'il fit dans sa fureur.

FATIME.

Du sang dont il est né, la haine est implacable,

Tu connois notre inimitié,

Non, n'attendons pas de pitié

De cette race inexorable.

On entend un bruit de <rô/K/?e«es. Le Théatre change et représente un lieu agréable.

Que vois-je Quel prodige a changé ce séjour?

0 ciel Quel Dieu nous favorise?

ISBÉ.

Fatime est belle, et Fatime est surprise ? P

Ah Ce Dieu sans doute est l'Amour.


P. 3. SCÈNE II.

FATIME, ISBÉ, CHŒURS, ET TROUPES DE GUERRIERS.

UN GUERRIER, A FAT!ME.

Jeune beauté, cessez de vous plaindre,

Bannissez vos terreurs

C'est vous qu'il faut craindre,

Régnez sur nos cœurs.

LE CHŒUR.

Jeune beauté, etc.

On danse.

LE GUERRIER.

Lorsque Venus vient embellir la terre,

C'est dans nos champs qu'elle établit sa cour.

Le terrible Dieu de la guerre,

Désarme dans ses bras, sourit au tendre Amour.

Toujours la beauté dispose

Des invincibles guerriers,

*Et Je charmant Amour est sur un lit de rose,

A l'ombre des lauriers.

Lorsque Venus, etc.

p. 4. LE CHŒUR.

*Jeune Beauté, cessez de vous plaindre,

Bannissez vos terreurs

C'est vous qu'il faut craindre,

Regnez sur nos cœurs.

On danse.

UN AUTRE GUERRIER.

Si quelque tiran vous oprime,

Il va tomber la victime

De l'Amour et de la valeur,

Il va tomber sous le glaive vengeur.


SCÈNE III.

Qu'ai-je vu 1 Quels objets ont enchanté mes yeux 1

Quoi, du séjour affreux d'une prison profonde,

C'est le brave Ramire, ou le Maître du monde,

SCÈNE IV.

CHŒUR et Troupe de Bohemiens, de Bohemiennes, de Devins et de Devineresses, qui entre en dansant.

Nous enchaînons le temps, le plaisir suit nos pas,

Nous portons dans les cœurs la flateuse espérance,

LE PREMIER GUERRIER.

A votre présence

Tout doit s'enflamer

Pour votre défense,

Tout doit s'armer.

LE CHOEUR.

*A votre présence,

Tout doit s'enflamer

Pour votre défense,

Tout doit s'armer.

Les Guerriers dansent et se retirent.

FATIME, ISBÉ.

FATIME.

On nous transporte dans les Cieux 1

ISBÉ.

Qui pour vous embellit ces lieux.

FATIME, ISBÉ.

UN DEVIN.


Nous leur donnons la jouissance

Des biens même qu'ils n'ont pas

Le présent fuit, il nous entraîne,

Le passé n'est plus rien;

Charme de l'avenir, vous êtes le seul bien

Qui reste à la foiblesse humaine.

On danse.

LE DEVIN.

L'Astre éclatant et doux de la fille de l'onde, Qui devance ou qui suit le jour,

Pour vous recommençoit son tour

Mars a voulu s'unir pour le bonheur du monde, A la Planette de l'Amour.

Mais quand les faveurs célestes

Sur nos jours précieux alloient se rassembler, Des Dieux inhumains et funestes

Se plaisent à les troubler.

Toute cette Troupe se retire en dansant.

ScÈNEV.

FATIME, ISBË.

!SBÉ

Pouvez-vous bien douter encore

Que ce Heros soit soumis à vos loix 1

Ces jeux, ces danses et ces voix,

Tout vous a dit qu'il vous adore.

FATIME.

Ah, que Ramire est dangereux 1

Et que sa Captive est à plaindre

Je bravois le Heros, et je commence à craindre L'Amant soumis et généreux.


ISBÉ.

Le voici.

FATIME.

Sa présence augmente mes allarmes.

p.8. SCÈNE VI.

RAMIRE, FATIME, ISBÉ.

RAMIRE.

M'Est-i! permis de paroître à vos yeux?

Et de rendre hommage à des charmes,

Plus puissans, plus victorieux,

Et plus respectés que nos armes ?

FATIME.

Le sort et la valeur m'ont soumis à vos loix.

Mon ame est interdite,

Des maux, où par vos mains le sort me précipite,

Et des prodiges que je vois.

RAMRE.

Je ramène à vos pieds votre suite fidèle,

Vos Sujets empressez viennent vous obéir.

Que j'envierai leur sort, en égalant leur zele 1

Qu'ils sont heureux de vous servir 1

Une troupe paroit au fond du Théatre, sous la forme des Graces, des ~/MOM/-s, des Plaisirs et des Jeux.

9. RAMTRE,

à cette troupe.

Graces, Plaisirs, Amours, hatez-vous de paroître,

Brillez par ses appas.


s'adessant à FATIME.

Ce sont là vos Sujets, vous devez les connoître

Ont-ils jamais quitté vos pas ?

SCÈNE DERNIERE.

CHŒUR ET TROUPE DE LA SUITE DE FATIME,

Sous la forme des Graces, des Amours et des Plaisirs Et les Acteurs de la Scene précédente.

LES TROIS GRACES, A FATIME.

La Nature en vous formant,

*Près de vous, nous fit naître;

Loin de vos yeux nous ne pouvions paraître

Nous vous servons fidélement;

Mais le charmant Amour est notre premier maître.

On danse.

p. 10. UNE DES GRACES.

Eco, voix errante,

Légère habitante

De ce séjour,

Eco, fille de l'Amour,

Doux Rossignol, bois épais, onde pure,

Répétez avec moi ce que dit la nature

II faut aimer à son tour.

On danse.

LA MÊME GRACE.

Vents furieux, tristes tempêtes,

Fuyez de nos climats

Beaux jours, levez-vous sur nos têtes.

Fleurs, naissez sur nos pas.

On danse.


LA MÊME.

Non, le plus grand empire

Ne peut remplir un cœur.

Charmant vainqueur,

Dieu séducteur,

C'est ton délire

Qui fait le bonheur.

On danse.

UNE AUTRE GRACE.

Beauté fière, objet charmant,

Pardonne, fais grace,

Pardonne à l'audace

Du plus tendre amant.

Toi seule es cause

De ce qu'il ose,

*Toi seule allumas ses feux,

Quel crime est plus pardonnable?

C'est celui de tes beaux yeux,

En les voyant, tout mortel est coupable.

Beauté fière, etc.

LE CHŒUR.

Beauté fière, etc.

RAMIRE, A FATIME.

Le pardonnerés vous cet amour qui m'enchaîne ?

Nos criminels ayeux se sont toujours hais,

L'amour, dont mon cœur est épris,

Est cent fois plus fort que leur haine.

FATIME.

Ah 1 N'est-ce pas assés des maux que j'ai soufferts ?

Mes peuples sont vaincus par votre effort suprême;

Faut-il encor triompher de moi-même,

Et me donner de nouveaux fers.


P' FATIME donne la main à RAMIRE;

Une nouvelle troupe des suivans de RAMIRE, vient se joindre aux autres troupes.

On danse.

DEUX SUIVANS DE RAMIRE,

Alternativement avec le CA<a?My.

Amour, Dieu charmant, ta puissance

A formé ce nouveau séjour,

Tout ressent ici ta présence,

Et le monde entier est ta cour.

Tes favoris

Les plus chéris,

Sont les enfans de la victoire

C'est par tes feux

Qu'ils sont heureux.

Tes biens sont le prix de leur gloire.

On danse.

RAMIRE,

Alternativement avec le C%o?Mr.

Mars, Amour, sont nos Dieux

p~ ~3~ *Nous les servons tous deux.

p.. Accourez après tant d'allarmes,

Volez plaisirs, enfants des Cieux,

Au cri de Mars, au bruit des armes;

Mêlez vos sons harmonieux,

A tant d'exploits victorieux,

Plaisirs, mesurez tous vos charmes.

Mars, Amour, sont nos Dieux

Nous les servons tous deux.

On danse.

LE CHŒUR.

La Gloire toujours nous appelle,

Nous marchons sous ses étendars,

Brûlant de l'ardeur la plus belle,


14.

Pour elle,

Pour l'Amour et Mars.

LES DEUX SUIVANS.

Charmans plaisirs, nobles hazards,

Partagez toujours notre zèle

On danse.

RA.MOŒ, ET UN GUERRIER,

A jamais sans partage

Unissons nos droits

Unissez vos droits

Que le même courage

Triomphe sous les mêmes loix.

On danse.

RAMIRE.

Ces beaux nœuds,

Peuples heureux,

Mettront le comble à votre gloire,

Ces beaux nœuds

Peuples heureux,

Mettront le comble à tous vos vœux.

Le Dieu Mars

Dans les hazards,

Nous vit disputer la victoire,

Et l'Amour

En ce beau jour,

Voit vos cœurs unis à sa cour.

FiN.


UNE VISITE A ROUSSEAU EN 1771

Pierre Picot (174.6-1822), pasteur, et professeur de théologie à l'Académie de Genève, a écrit à la fin de sa vie des Souvenirs, qui sont restés manuscrits Nous en publions une page intéressante qui nous a été communiquée par M. le Dr Constant Picot.

Dans le récit de son voyage à Paris en 1771, Pierre Picot raconte une visite qu'il a faite a J. J. Rousseau, avec son ami Jean-Daniel Turrettini

Jean-Jacques Rousseau était alors à Paris, où il copiait de la musique et gagnait quelque argent par ce petit travail entrepris par lui par affectation d'indépendance. C'était le seul moyen d'être admis auprès de lui, que de lui demander des feuilles copiées de sa main. Nous en prontâmes.

Le jour que nous avions choisi pour cela, nous dînions dans l'Hôtel de la Paix, et nous parlions entre nous de cette visite, quand un officier français qui nous entendit, nous dit qu'il avait le même dessein, et qu'il nous priait de l'adjoindre à nous. Nous le fîmes, vu sa bonne mine et la politesse de ses manières, sans difficulté.

Arrivés rue Platrière, au 3e étage de la maison où logeait notre Jean-Jacques avec sa gouvernante Le Vasseur qu'il avait déjà épousée, nous heurtons à la porte. Ce fut elle qui vint ouvrir. Elle jette sur nous un regard farouche, et nous introduit cependant dans une petite chambre assez propre à côté de la cuisine, où J. J. était en frac gris, des feuilles de musique à la main. Nous l'avions salué, quand tout-à-coup la gouvernante entre comme une furie. c Mon mari, dit-elle, ce Mr en uniforme que tu vois est <t celui à qui je refusai hier ta porte. Il t'a écrit des bêtises sur le 1 Un volume de Sermons de Pierre Picot, publié dans l'année qui suivit sa mort, est précédé d'une notice biographique.


« ménage. C'est lui-même. Je ne l'ai pas d'abord reconnu. Com<! ment ose-t-il revenir ? s Là-dessus Rousseau épouse à l'instant le courroux de Vachine (nom que lui donne Voltaire dans son poème sur la guerre civile de Genève). a Messieurs les < officiers, dit-il en s'adressant à notre compagnon, vous êtes faits « pour forcer les portes des villes, mais non pour forcer les por« tes des maisons », et il se complait tellement dans cette apostrophe, qu'il la répète du ton le plus animé jusqu'à trois fois. L'officier ne s'émeut pas de cette incartade, pour ne pas faire une scène; répond seulement quelques mots pour se justifier, rejetant sur la célébrité de celui qu'il vient voir le motif de cette seconde visite, et reste néanmoins.

« Voilà des chaises, dit ensuite Rousseau, asseyez-vous si cela « vous convient que voulez-vous de moi ? Turretin dit qu'il venait reprendre et payer les feuilles de musique qu'il avait envoyées pour que Rousseau les copiât. Celui-ci les cherche dans son bureau, en dit le prix et le reçoit. On ne dit ensuite que quelques mots sur des choses générales, et l'on sortit.

Je fus frappé de l'extrême vivacité des petits yeux noirs du personnage. Ceux de Voltaire, que j'avais déjà vus, et que je revis depuis, ne m'ont pas autant frappé. Le teint de Rousseau était bilieux et fort brun. Sa taille était médiocre. il était maigre et sec.

Le père de mon ami le pasteur Romilly m'avait promis de me faire dîner avec lui, et m'invita, disant que nous ne serions que nous trois. Il ne vint pas, et je dînai en tête à tête avec Romilly, homme d'esprit, qui me montra sur un baromètre de sa façon des inventions curieuses pour faire écrire par ce baromètre lui-même la route descendante ou montante de la colonne de mercure. Les Con fessions de J. J. n'avaient pas encore été imprimées. Il en avait lu chez M"" Necker le manuscrit, qui avait fort diverti l'assemblée où cette lecture s'était faite.


LA SÉPULTURE DE

J. J. ROUSSEAU AU PANTHÉON

S!~ IVERSES demandes de renseignements et

diverses communications étant parvenues

à la commission des publications au sujet

S c de la sépulture de J. J. Rousseau au

Panthéon, nous avons jugé utile d'établir brièvement la vérité sur ce point en nous adressant à l'homme le mieux qualifié pour la connaître et la préciser, M. M. Berthelot, sénateur et membre de l'Académie française. L'illustre savant a bien voulu nous répondre par la lettre suivante adressée au président de la Société Jean-Jacques Rousseau

Paris, le 23 Janvier 1905.

Monsieur,

Les cercueils de Voltaire et de Rousseau au Panthéon, ont été ouverts le ï8 décembre 1897 en présence d'une Commission, qui m'avait prié d'assister à cette cérémonie.

J'ai consigné les résultats constatés publiquement par mes observations dans un Rapport, publié à l'époque, et qui est reproduit dans mon ouvrage intitulé « Science et éducation imprimé par la Société française d'Imprimerie et de Librairie (ancienne Librairie Lecène), rue de Cluny 15 à Paris, in-i2, 1901, pages 321 à 339. L'examen du cercueil de Rousseau est décrit p. 324. et suivantes. Ce cercueil en renfermait deux autres, emboîtés, l'un de chêne, l'autre de plomb, dont aucun n'avait été ouvert depuis l'époque de la sépulture. Il portait l'inscription

Hic jacent ossa Johannis Jacobi Rousseau 1778.

Le squelette de Rousseau gisait au fond, dans un bon état de conservation. Le crâne avait été scié en vue de l'autopsie. J'ai


pris les deux morceaux séparés dans mes mains, en présence d'une douzaine de personnes, et j'ai constaté, avec la certitude que présentent mes connaissances anatomiques, qu'il ne portait aucune mutilation, perforation, fracture ou lésion anormale. H était parfaitement sain.

Vous trouverez dans l'article indiqué divers autres détails sur l'état du squelette et les conditions de sa conservation, et les témoignages authentiques historiques relatifs à la conservation des cercueils de Voltaire et de Rousseau pendant la Révolution, la Restauration et le règne du roi Louis-Philippe, jusqu'en 1897. Depuis cette époque, malgré plusieurs interpellations que j'ai faites au Sénat et les assurances des ministères qui se sont succédé, rien n'a été changé à l'état des choses constaté en 1897, et il n'a pas été érigé à Voltaire et Rousseau des monuments dignes de ces grands hommes. Je compte renouveler mes efforts, lors de la discussion du budget annuel, le mois prochain, au Sénat. Veuillez, Monsieur, agréer l'assurance de ma haute considération.

M. BERTHELOT.

En remerciant ici M. Berthelot des précieuses indications contenues dans cette lettre, nous jugeons utile de les compléter par les détails suivants que nous empruntons au rapport officiel présenté, à la suite de la cérémonie du 18 décembre 1897, par le même savant'.

Sur l'état du squelette et les conditions de sa conservation, le rapport de M. Berthelot s'exprimait ainsi « I! n'y avait ni sciure de bois, ni matière analogue, accumulée dans le cercueil.

Les chairs et téguments avaient disparu ce qui coïncide avec l'absence d'agents conservateurs ou antit Voir Journal des Savants, février 1898. M. Auguste Castellant, l'un des promoteurs de la statue élevée à Rousseau, en 1878, sur la place du Panthéon à Paris, et qui fit partie, en 1897, de la Commission chargée par le gouvernement français d'ouvrir les cercueils de Voltaire et de Rousseau, a écrit un récit détaillé de cette cérémonie, J«Mt-J<tcgMM Rousseau au P<~<<oM. On le trouvera dans la Tribune de Genève des 2, 3 et 4 février 1905.


septiques à action durable. Il n'y avait non plus aucun liquide, mais seulement, au fond de la bière, une couche brun-rougeâtre, de quelques millimètres d'épaisseur, sur laquelle reposaient les ossements, ceux-ci de couleur jaunâtre et gras au toucher.

La disparition des portions aqueuses du cadavre, par évaporation ou évacuation, aussi bien que celle des chairs et téguments, sous forme de gaz et produits volatils, développés par les effets réunis de la fermentation et des oxydations, montre que la clôture du cercueil de plomb n'était pas demeurée parfaite. En raison des variations incessantes de la pression atmosphérique et de celle des gaz intérieurs, il s'est produit, à travers les fissures du métal, une circulation et des échanges progressifs avec l'atmosphère les gaz intérieurs s'échappant, tandis que les gaz atmosphériques, l'oxygène surtout, pénétraient et exerçaient des réactions destructives bien connues. Il est remarquable que ces actions lentes aient suffi en l'espace de cent vingt ans pour réduire le cadavre presque entièrement à l'état de squelette au sein d'un espace clos, tel qu'un cercueil de plomb, suspendu dans l'air et où le corps était maintenu à la fois à l'abri du contact de la terre et des insectes. »

Dans la seconde partie de son rapport M. Berthelot examine jusqu'à quel point les constatations précédentes concordent avec les témoignages écrits, relatifs à la sépulture de Rousseau et aux transports multiples dont ses restes ont été l'objet. Résumons les faits. Le 20 vendémiaire an III (i octobre 1704), le cercueil de Rousseau fut transféré d'Ermenonville au


Panthéon' et placé sous un sarcophage de bois qui portait cette inscription

« Ici repose l'homme de la nature et de la vérité. » Ce cercueil de plomb n'avait jamais été rouvert et les trois gerçures signalées à l'endroit de la soudure doivent être attribuées, selon M. Berthelot, « la pression des gaz intérieurs, comme il arrive souvent pour les cercueils de plomb, au bout de quelques jours. » Les cercueils de Voltaire et de Rousseau demeurèrent au Panthéon, sous leurs sarcophages provisoires de bois, pendant toute la durée de la Révolution et de t Ginguené, qui faisait partie, à titre de membre adjoint, de la commission exécutive de l'Instruction publique, a rédigé un rapport sur la translation des restes de Rousseau, d'Ermenonville au Panthéon. Ce rapport a été publié par M. Antoine Guillois, en appendice a son ouvrage Le salon de Madame Helvétius, Paris, 1894, Calmann-Lévy, in-12.

Nous reproduisons ici une pièce intéressante, dont l'original nous a été communiqué, et qui fait assez voir la sollicitude des commissaires de la République pour le cercueil de Rousseau et l'appareil du convoi. Liberté. Egalité.

COMMISSION EX'" DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

Paris 12 Vendémiaire, an 3' de

la Rép.' F" une et indivisible.

Les commissaires et adjoints de la commission Ex. d'instruction p.t"' aux administrateurs du District de Franciade [S' Denis].

Vous savés, citoyens Administrateurs, que la translation des cendres de J. J. Rousseau au Panthéon, vient d'être fixée au Décadi 20 de ce Mois, le cortège qui doit se rendre à Ermenonville pour y recueillir ses restes précieux passera par votre district le 18 au matin. Ce cortège sera composé d'environ cinquante ou soixante personnes nous vous invitons donc à étendre vos soins sur un approvisionnement extraordinaire de pain et d'objets de première nécessité, à fin de ne laisser, autant qu'il sera possible, rien a désirer a ceux de nos frères qui accompagneront cette intéressante cérémonie. Nous pensons aussi qu'il est utile que vous préveniés celles de vos communes sur le territoire des quelles passera le cortège, à fin qu'elles s'empressent, châcune dans leur arrondissement seulement a faire régner l'ordre et la décence, et de contribuer par tous les moyens qui seront en leur pouvoir à embellir la marche triomphale du bon, du vertueux J. J. Rousseau.

Salut et fraternité.

[signé] CRJÉMIEUX GiNGUENË

adj.' t adj.t


l'Empire, sans que personne s'occupât des monuments définitifs. Quand le Panthéon fut, sous la Restauration, rendu au culte sous son nom primitif d'église de SainteGeneviève, un mouvement d'opinion décida le gouvernement à faire transporter les restes de Rousseau et de Voltaire, hors des locaux consacrés, « dans les deux caveaux d'une salle voûtée, qui se trouve à l'extrémité de la principale galerie souterraine, sous le grand porche ». L'opération fut exécutée le 29 décembre j82i. Le procès-verbal, conservé aux Archives nationales, a été publié dans l'Intermédiaire du i~ avril 1864, n° 5y. Il mentionne le cercueil de plomb, l'inscription latine en lettres moulées citée dans la lettre de M. Berthelot, et l'intégrité du cercueil de plomb, à l'exception des trois gerçures accidentelles indiquées plus haut. Le cercueil ne fut pas ouvert, mais le sarcophage de bois fut démonté, puis remonté dans l'emplacement désigné. Le cercueil fut mis sous scellés, scellés qui subsistaient encore, avec leurs bandes de toile, en t83o. En 1897, M. Berthelot a retrouvé les sceaux de cire fleurdelisés, les bandes de toile ayant disparu, sans doute par vétusté.

Le 28 mars 1822, M. Stanislas Girardin ayant interpelé à la Chambre des députés au sujet de ce déplacement, le ministre de l'intérieur répondit « que ces deux hommes avaient été déposés dans les caveaux de l'église Sainte-Geneviève et qu'ils y étaient encore)). Cette réponse, expression exacte de la vérité, ne calma pas l'inquiétude des partis. Le 4 septembre 183o, nouvelles constatations et replacement des restes et des sarcophages de Rousseau et de Voltaire aux lieux où ils étaient avant 1822. On constate alors que le cercueil


en plomb renfermant les cendres (sic) de Rousseau est parfaitement soudé, sans aucune effraction, à l'exception d'une légère crevasse, et que le sarcophage de bois seul, déposé en un lieu humide, est en partie moisi. De 183o i8gy, sarcophage et cercueil sont demeurés en place, sans aucun changement. Les constatations faites alors mettent à néant les légendes, répandues dès 1826, sur la prétendue profanation des restes de Voltaire et de Rousseau, et établissent sur ce point, et d'une manière définitive, la vérité historique. G. V.


ACTE DE DÉCÈS DE

MARIE-THERESE LE VASSEUR

M. Ponsin, architecte à Montmorency, nous communique l'acte de décès de Thérèse Le Vasseur (12 juillet 1801).

Extrait du registre des Actes de décès de la commune de Plessis-Belleville (Oise) pour l'an neu f de la République française

Du vingt-trois messidor an neuf de la République Française, une et indivisible.

Acte de décès de MARiE-TnËRËZE LEVASSEUR, veuve de JeanJacques Rousseau, décédée aujourd'hui, sur les quatre heures de relevée, âgée d'environ quatre-vingts ans née en la commune d'Orléans, le vingt et un septembre mil sept cent vingt-un sur la déclaration à nous faite par le C'=° Jean-Henri Bally, homme de confiance de la dite Marie-Thérèze Levasseur, domicilié en cette dite commune; assisté des C"" Pierre Desporte, domicilié en cette dite commune et md boulanger, et Pierre Gibert, notaire public, aussi domicilié en cette dite commune, lesquels ont signé le présent acte les dits jours et an que dessus; constaté par nous EtienneAmbroise Lavaux, maire de cette dite commune du PlessisBelleville, faisant les fonctions d'officier public de l'état-civil, soussigné.

Ont signé au Registre Bally, Desporte, Gibert, et Lavaux, maire.


LE PORTRAIT

DE MADAME DE WARENS

J. J. Rousseau rapporte' que l'évêque de Genève, Mgr de Bernex, qui « a continué constamment à prendre intérêt dans tout ce qui regardait madame de Warens, fit faire le portrait de cette dame, disant qu'il souhaitait qu'il restât dans sa famille, comme un monument honorable d'un de ses plus heureux travaux. » Après la mort de l'évêque (23 avril 1734) comme sa famille ne tenait guère, à ce qu'il semble, à conserver ce portrait, il parait qu'il fut déposé au couvent de la Visitation d'Annecy, où madame de Warens avait demeuré à l'époque de sa conversion, au mois de septembre 1726. C'est là qu'il était encore à la Révolution, quand en 1792 l'armée française s'empara de la Savoie, et que l'année suivante, l'autorité civile mit la main sur les biens des couvents.

On fit un inventaire des biens du monastère de la Visitation d'Annecy; ce registre porte, à la date du 12 juin lyoS

« Nous commissaires. nous sommes transportés dans la grande chambre de l'infirmerie, où l'on nous a représenté les effets mentionnés au dit inventaire, à l'exception d'un tableau représentant la bienfaitrice de Jean-Jacques, qui a été remis au citoyen Héraut, repré1 Mémoire remis le 19 avril 1742. à M. Boudet, Antonin, qui travaille à l'histoire de feu M. de Bernex, évéque de Genève.


sentant du peuple français 1. M Hérault de Séchelles avait été envoyé en mission en Savoie par la Convention.

L'année suivante, Hérault de Séchelles mourut sur l'échafaud (5 avril 1794). Quinze jours après, dans une séance du Comité d'instruction publique de la Convention, le i~ floréal au II (20 avril 1794), « un membre, dit le procès-verbal', observe que feu Hérault, représentant du peuple, était possesseur des manuscrits de l'Emile et de l'Héloïse de J. J. Rousseau, écrits de la main de cet écrivain célèbre, et qu'il serait intéressant de veiller à leur conservation; il propose qu'il soit arrêté que la commission des arts se transportera chez feu Hérault pour recueillir les dits manuscrits, ainsi que le portrait de M°*° de Warens, et les transporter à la Bibliothèque nationale et en tirer récépissé. Cette proposition est adoptée. »

D'après le procès-verbal de la Commission des arts*, du 5 prairial an II (24 mai 1794) c'est à la bibliothèque du Comité d'instruction publique que furent transportés les deux manuscrits et le portrait de madame de Warens.

On sait que les manuscrits d'.EM!/e et de la Nouvelle Héloïse sont conservés à la bibliothèque de la Chambre des Députés, qui était appelée, sous le Consulat et le premier Empire, bibliothèque du Corps législatif. Il existe une gravure qui porte cette inscription Louise-Eléonore Delatour Depil, Dme de Warens, née en 1699 et morte en 176 5. Grandeur de l'original qui est à la Bibliothèque du Corps législatif.

Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 novembre 1881, colonne 675. Metzger, les Pensées de .M"' de Warens, Lyon, 1888, page 267. L'Amateur d'Autographes, juillet 1902, page 143.


« Le mot Confessions, inscrit au-dessus de l'ovale, m'écrit M. Maurice Tourneux, ferait supposer que cette médiocre planche anonyme faisait partie d'une suite, et non d'une édition ».

Quoiqu'il en soit, on voit qu'au commencement du XIX* siècle, le portrait authentique de madame de Warens existait encore dans le même dépôt que les manuscrits d'Emile et de la Nouvelle Héloïse. Aujourd'hui, et depuis longtemps, il a disparu; mais on en possède la gravure sus-mentionnée, qui représente une femme à mi-genoux, assise, jouant sur un instrument qui ressemble à un orgue On peut espérer que l'original se retrouvera un jour.

Eugène RITTER.

1 Metzger. Les Pensées de M" de Warens, page 269. <?<M<!Me des beaux-arts, septembre 1903, page 240.


NOTES INÉDITES DE VOLTAIRE SUR LA PROFESSION DE FOI DU VICAIRE SAVOYARD'

~OLTAIRE lut l'Emile, aux Délices, au mois de juin 1762, exactement entre le 4 et le

14 juin. Le 4 juin, il avait écrit à Damila-

ville, en parlant de Rousseau « Je n'ai

point encore cette Education. je l'aurai incessamment. » II lui mande dix jours plus tard « J'ai eu son Education, c'est un fatras d'une sotte nourrice en quatre tomes. )) Voilà un jugement sommaire, mais nous connaissons parle détail tes impressions qu'éprouva Voltaire, au moins en lisant la Profession de foi. It les a consignées lui-même, en des notes marginales, sur l'exemptaire qui avait servi à sa lecture et qui a été conservé. Cet exemplaire appartient aujourd'hui aux Archives Jean-Jacques Rousseau, à qui il a été donné par Madame Charles Rigaud, en mémoire de son mari, M. le colonel Rigaud, un descendant de la famille de Constant. On peut supposer que l'ouvrage avait été prêté à Voltaire par sa belle voisine des Délices, Charlotte de Constant, la fille du professeur Pictet de St-Jean, à moins que le philosophe ne lui en ait fait présent 1 Ces notes de Voltaire ne sont pas tout à fait inédites. M. J. Gaberel, dans son livre Rousseau et les Genevois, Genève et Paris, 1858, p. 70 et suiv., en a reproduit quelques unes. Mais il l'a fait incomplètement – il en donne huit sur quarante-et-une – et inexactement.


après lecture Chacun de ces quatre tomes de l'Emile porte un ex /~r~ aux armes des de Constant-Rebecque. Ils étaient encore brochés quand Voltaire les maniait et annotait à la plume. Quelques-unes de ses remarques ont été rognées par le relieur. La lecture en est néanmoins fort aisée, autant que l'authenticité de l'écriture de Voltaire est indéniable. Elles sont au nombre de quarante et une, et se trouvent toutes comprises entre les pages 3i et 3o du tome troisième'. Nous les reproduisons fidèlement, et sans commentaire inutile". Elles font assez voir les motifs de vanité et de rivalité mis à part l'origine véritable de la guerre cruelle et déloyale que Voltaire fit à Jean-Jacques. Sans doute, la 1 Cf. Perey et Maugras, La vie intime de Voltaire aux Délices et à Ferney, Paris, 1885, p. 83; p. 189 et suiv.

On croit savoir qu'Emile ou de /KeattOtt parut à la fin de mai 1762 en deux éditions, in~8' et in-12, imprimées à Paris, par les soins de Duchesne, mais publiées avec le nom de libraire de Jean Néaulme et le nom de ville de La .H<~<. pour l'édition in-8, d'Amsterdam pour l'édition in-12. (Voir les lettres de Rousseau à Duchesne en mars 1762). Toute la question des premières éditions de l'Emile est d'ailleurs loin d'être claire. Cest 1 une de celles que les Annales devront élucider. L'exemplaire que Voltaire eut entre les mains ne porte pas le nom de Néaulme. Il semble bien que ce soit l'édition in-12 de Paris, mais avec des feuillets de titre diSérents EMILE )j OU ~) DE L'EDUCATION )) PAR J. J. RoussEAu, N CITOYEN DE GENÈVE. Sanabilibus asgrotamus malis; ipsaque nos in rectum ~emtosnatura.siemendarivelimus.juvat.HSEN.deirâ LU c. 13 H TOME PREMIER) A LEIPSICK, )) Chez les Hérit. de M. G. WElDM~N Il A REICH. fjM.DCC.LXII. JJAVEC PRIVILEGE. Les Archives Jean-Jacques Rousseau possèdent deux autres exemplaires de cette édition de Leipzig. Néaulme avait-il cédé aux héritiers de M. G. Weidmann et Reich un certain nombre d'exemplaires de son édition, avec le droit de les publier a Leipzig sous un titre spécial ? i'

3 Les connaisseurs de Voltaire rapprocheront ces notes sur l'Emile de celles qu'il avait écrites sur un exemplaire du Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité et sur un exemplaire du Contrat social. Elles sont reproduites au tome XXXII, pp. 268 et 274, de l'édition Moland de ses Oeuvres complètes. La manière et le ton du commentateur, moins mesurés que quand il critique officiellement Corneille, sont tout a fait les mêmes dans les trois sénés de notes sur Rousseau. Jean-Jacques a le don de le mettre en colère. Il l'interpelle dans le même style Fou que tu es Singe de Diogène, comme tu te condamnes toi même ou bien très &<-ŒM misérable déclamation galimatias obscur et faux, etc.


Lettre sur les spectacles avait suscité au châtelain des Délices et de Ferney, et surtout au poète dramatique, à l'amateur de représentations théâtrales, un renouvellement de mauvaise humeur et de difficultés de la part des ministres et des Conseils de Genève; mais c'est dans la Nouvelle Héloïse et dans l'Emile que Rousseau, après avoir rompu avec les philosophes, les attaquait ouvertement voilà son crime capital aux yeux de Voltaire. « Sans doute il faut se réjouir que JeanJacques ait osé dire ce que tous les honnêtes gens pensent, et ce qu'ils devraient dire tous les jours mais ce misérable n'en est que plus coupable d'avoir insulté ses amis, ses bienfaiteurs. Sa conduite fait honte à la philosophiez (lettre à d'Alembert, 12 juillet 1762). « 0 comme nous aurions chéri ce fou, s'il n'avait pas été faux-frère ) et qu'il a été un grand sot d'injurier les seuls hommes qui pouvaient lui pardonner 1 » (lettre a Damilaville, 3i juillet 1762). Ces confidences du chef du parti philosophique, au lendemain de la publication de l'Emile, résument les remarques qu'il avait faites en le lisant.

La PROFESSION DE roi DU VICAIRE SAVOYARD commence au milieu de la page 19 de notre exemplaire. Je compte les paragraphes à partir de la Profession « Mon enfant, n'attendez de moi ni des discours savants, ni de profonds raisonnements. z La première remarque de Voltaire, qu'il a inscrite au bas de la page 21, se rapporte au § 4 « Dès ma jeunesse j'ai respecté le mariage. » La voici que m'importe que ce vicaire ait eu ou non des ~OKKCS~br~MH~.

§ to « Comment peut-on être sceptique par systême et de bonne foi?. » Voltaire trace en marge un


signe qui renvoie au bas de la page, où il écrit inutile, on est sceptique sur mille choses qu'on ne COK?M~Jt7~S. A partir de là, il note ses réflexions tantôt en marge, tantôt au bas des pages, quelquefois entre les lignes du texte. Je les reproduis, sans indiquer où elles se trouvent exactement, en regard des passages qui les ont provoquées.

§ n Ce qui redoublait mon embarras, était qu'étant né dans une Eglise qui décide tout, qui ne permet aucun doute, un seul point rejetté me faisait rejetter tout le reste.. 1 § 12 Je consultai les Philosophes, je feuilletai leurs livres, j'examinai leurs diverses opinions; je les trouvai tous fiers, affirmatifs, dogmatiques, même dans leurscepti- cisme prétendu, n'ignorant rien, ne prouvant l, rien, se moquant les uns des autres § 13 Je conçus que l'insuffisance de l'esprit humain est la première cause de cette prodigieuse diversité de sentiments, et que l'orgueil est la seconde. des mystères impénétrables nous environnent de toutes parts; ils sont au-dessus de la région sensible; pour les percer nous croyons avoir de l'intelligence et nous n'avons que de d l'imagination.

§ 14 Où est le Philosophe, qui, pour sa gloire, ne tromperait pas volontiers le genre humain? Où est celui, qui dans le secret de son cœur, se propose un autre objet que de se distinguer? Pourvu qu'il s'élève au-dessus du vulgaire, pourvu qu'il efface l'éclat de ses concurrens, que demandet-il de plus? L'essentiel est de penser autrement que les autres. Chez les croyans il est c' athée, chez les athées il seroit croyant.

bon

faux

lise; Loke

déclamation trop coMtttMe

c'est le portrait du peintre.


§ 17 Imaginez tous vos Philosophes anciens et modernes, ayant d'abord épuisé leurs bizarres systèmes de forces, de chances, de fatalité, de nécessité, d'atomes, de monde animé, de matière vivante, de matérialisme de toute espèce et après eux tous l'illustre Clarke éclairant le monde, annonçant enfin l'Être des êtres et le dispensateur des choses. Avec quelle universelle admira- tion, avec quel applaudissement unanime n'eût point été reçu ce nouveau système. § 20 J'existe, et j'ai des sens par lesquels je suis affecté, voilà la première vérité qui me frappe, et à laquelle je suis forcé d'acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes c, sensations ? § z6 Ces idées comparatives, plus grand, plus petit, de même que les idées numériques d'un, de deux, etc., ne sont certainement pas des sensations, quoique mon esprit ne les produise qu'à l'occasion de mes sensations. F (Note de Rousseau.) Les relations de M. de la Condamine nous parlent d'un peuple qui ne savoit compter que jusqu'à trois. Cependant les hommes qui composaient ce peuple ayant des mains, avoient souvent apperçu leurs doigts, sans savoir compter << jusqu'à cinq.

§ 29 Pourquoi donc est-ce que je me trompe sur le rapport de ces deux bâtons, o surtout s'ils ne sont pas paralleles ? Pourquoi dis-je, par exemple, que le petit bâton est le tiers du grand, tandis qu'il n'en est que le quart ·

il a raison sur le volume de Clark, le

second est ridicule,

comme le sujet.

ce K'~tŒtt pas la peine de dire des choses

tant rebatues.

pourquoy non P

la condamine a mal compté

obscur et faux

1 Samuel Clarke (1675-1729), le métaphysicien anglais, auteur de A Demonstration of the being and attributes o/' God, Londres 1705, trad. par Ricottier, Amsterdam, 1727, 3 vol.


Cette dernière remarque se trouve à la page 3g. H faut attendre, pour que Voltaire reprenne la plume, jusqu'à la page t3~. On dirait qu'il a seulement feuilleté la longue démonstration que fait le vicaire du « théisme ou de la religion naturelle. » Car, à la lire de près, l'auteur du poème sur Le désastre de Lisbonne y aurait sans doute trouvé à redire. Rousseau y reprend plusieurs des arguments qu'il lui avait opposés dans sa Lettre sur la Providence, et l'hommage enthousiaste que le vicaire rend à la conscience, interprète de la loi morale et guide de notre conduite plus éclairé que la raison même, semblait fait pour exciter la mauvaise humeur, tout au moins les railleries de Voltaire. Mais il a passé sans mot dire sur tout cela, et ses remarques prochaines nous le montrent dans une heureuse humeur. Le vicaire vient d'entreprendre le procès de la Révélation, appuyée par des témoignages inspirés ou par des miracles. Voltaire encourage cette critique faite au nom de l'ordre immuable et divin de l'univers créé.

§ go Ajoutez à cela une réflexion qui vous frappera, je m'assure, quand vous y aurez pensé c'est que si nous étions purement passifs dans l'usage de nos sens, il n'y aurait entre eux aucune communication. § 32 Je ne suis donc pas simplement un être sensitif et passif, mais un être actif et intelligent, et quoi qu'en dise la philosophie, j'oserai prétendre à l'honneur de penser. 33 M'étant, pour ainsi dire, assuré de moi-même, je commence à regarder hors de moi, et je me considère avec une sorte de frémissement, jetté, perdu dans ce vaste univers, et comme noyé dans l'immensité des êtres, sans rien savoir de ce qu'ils sont, ni entre eux, ni par rapport à moi.

pourquoy

pourquoy ea<o!MK:ef les philosophes

imité des p<!KS~Md'e pascal


Je compte de nouveau à partir du paragraphe « Supposons que la Majesté divine daigne s'abaisser assez pour rendre un homme l'organe de ses volontés sacrées. qui est en réalité te cent-vingt-et-unième de la Pro/CM!'on, en lui attribuant un nouveau n° i

§ 1 (i2i) C'est l'ordre inaltérable de la nature qui montre le mieux l'Être suprême; s'il arrivoit beaucoup d'exceptions, je ne saurois plus qu'en penser et pour moi, je crois trop en Dieu pour croire à tant de miracles si peu dignes de lui.

§ 2 Qu'un homme vienne vous tenir ce langage: Mortels, je vous annonce la volonté du très-Haut: reconnaissez à ma voix celui qui m'envoie. J'ordonne au soleil de changer sa course, aux étoiles de former un autre arrangement, aux montagnes de s'aplanir, aux flots de s'élever, à la terre de prendre un autre aspect à ces merveilles, qui ne reconnaîtra pas à l'instant le maître de la nature ?.

§ 3 et puisque les magiciens de Pharaon osoient, en présence même de Moïse, faire les mêmes signes qu'il faisoit par l'ordre exprès de Dieu, pourquoi dans son absence n'eussent-ils pas, aux mêmes titres, pretendu la même autorité ?.

[note 12, relative à ce même paragraphe ]. quand donc les Païens mettoient â mort les apôtres leur annonçant un Dieu étranger, et prouvant leur mission par des prédictions et des miracles, je ne vois pas ce qu'on avoit a leur objecter de solide, qu'ils ne pussent à l'instant retorquer contre nous.

§ 4 Celui qui commence par se choisir un seul peuple et proscrire le reste du genre humain, n'est pas le père commun des hommes.

excellen t

et moy je reconaitrois le mauvais principe l'arimane qui viendrait gater louvrage d'OrOKa~e.

bon

bon

très bon K


Après le dialogue supposé de t'M're et du RaisonMCMr, et le discours que le vicaire prête à un adversaire de la Révélation chrétienne, Rousseau continue [§ 142] « Non seulement ce discours me pareil raisonnable, mais je soutiens que tout homme sensé doit, en pareil cas, parler ainsi, et renvoyer bien loin le missionnaire, qui, avant la vérification des preuves, veut se dépêcher de l'instruire et de le baptiser. » Et Voltaire d'écrire au bas de la page tout ce discours se trouve mot à mot dans le poème de la re/OM naturelle et dans l'épitre a Uranie.

Ce touchant accord entre le vicaire savoyard et le philosophe des Délices ne devait pas durer longtemps. Comment l'impatience de Voltaire n'eût-elle pas été éveillée par l'éloge de l'Evangile, et son irritation par l'hommage magnifique rendu au fondateur du christianisme « Se peut-il qu'un livre, à la fois si sublime et si simple, soit l'ouvrage des hommes ? Se peut-il que celui dont il fait l'histoire ne soit qu'un homme lui-même?)). Le ton, comme l'écriture des annotations va changer. Elles prennent quelque chose d'emporté, d'agressif, sous la forme d'interruptions brusques, d'interpellations. Quand le vicaire s'écrie « Où est l'homme, où est le sage qui sait agir, souffrir et mourir sans faiblesse et sans ostention? » Voltaire, en soulignant le mot « faiblesse )), jette cette question en marge et sa sueur de sang? Tout ce qui distingue, chez les deux grands écrivains, la manière de sentir, le tempérament, plus encore que la pensée, ressort de ces quelques exclamations que fait jaillir la rencontre de leurs esprits.

§ 27 .Il [Socrate] inventa, dit-on, la

morale qui jamais a dit cela?


Mais où Jésus avait-il pris chez les siens cette morale élevée et pure, dont lui seul a donné lesleçons et l'exemple? Oui, si la vie et la mort de Socrate sont d'un Sage, la vie et la mort de Jésus sont 5 d'un Dieu. Dirons-nous que l'histoire de l'Evangile est inventée à plaisir? Mon ami, ce n'est pas ainsi qu'on invente, et les faits de Socrate, dont personne ne doute, sont moins attestés que ceux de Jésus-Christ. L'Evangile a des

caractères de vérité si grands si frappans, si parfaitement inimitables, que l'inventeur en serait plus étonnant que le héros. t Que faire au milieu de toutes ces contradictions ? Etre toujours modeste, respecter en silence ce qu'on ne saurait ni rejetter, ni comprendre.

§ 28. Depuis mes nouveaux principes, je la célèbre [la messe] avec plus de véné- y ration Quand j'approche du moment de la consécration, je me recueille pour la faire avec toutes les dispositions qu'exige l'Eglise et la i grandeur du sacrement § 29. Je prêcherai toujours la vertu aux hommes, je les exhorterai toujours à bien faire t quoi qu'il arrive, je ne blasphêmerai point contre la justice Divine, et ne mentirai point contre le Saint-Esprit. § 33 Vous sentirez que, dans l'incertitude où nous sommes, c'est une inexcusable 2 présomption de professer une autre religion que celle où l'on est né.

§ 35 Fuyez ceux. dont le scepticisme apparent est cent fois plus affirmatif et plus dogmatique que le ton décidé de leurs adversaires.

et Epictete pot'~ttfe COM/M(~~ pttNtyOfg

tant d'autres

quesce que la )KO<'( d'un dieu 1

faux

pitoyable

Si tu ne comprend,

rejette

ridicule car tu ne crois pas t<t messe.

impertinent

bon cela

que veux tu dire?

poM)*~Moypfo/<Merdes sottises ? il n'y a qua

se taire et ne rien

professer 1

eh pauvre homme nest ce pas la ton carac-

tère ?


[note 17, relative à ce paragraphe]. Baile a très bien prouvé que le Fanatisme est plus pernicieux que l'Athéisme, et cela est incontestable; mais ce qu'il n'a eu garde de dire, et qui n'est pas moins vrai, c'est que le Fanatisme, quoique sanguinaire et cruel est pourtant une passion grande et forte qui élève le cœur de l'homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux au lieu que l'irréligion et en général l'esprit raisonneur et philosophique attache à la vie, efféminé, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l'intérêt < particulier, dans l'abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondemens de toute société. Nos gouvernements modernes doivent incontestablement au Christianisme leur plus solide autorité, et leurs révolutions moins fréquentes il les a rendu eux mêmes moins sanguinaires cela se prouve par le fait en les comparant aux gouvernements anciens. La religion mieux connue écartant le fanatisme a donné plus de douceurs aux mœurs chrétiennes · Philosophe, tes lois morales sont fort belles, mais montre m'en, de grace, la sanction. Cesse un moment de battre la campagne, et dis moi nettement ce que tu mets à la place du Potcl-Serrho c [le pont de l'Enfer dans les croyances persanes, comme Rousseau l'a expliqué plus haut d'après un passage de Chardin].

La Profession de foi du vicaire est achevée. En regard des derniers préceptes qu'il donne à son jeune auditeur « Restez toujours ferme dans la voie de la vérité, ou de ce qui vous paraîtra l'être dans la simplicité de votre cceur. xVottaire écrit les fanatiques en disent autant. Puis, en parcourant les pages qui suivent, il n'a plus jeté en marge que quelques observations sur le style, ou quelque exclamation irritée ou grossière. Rousseau ayant écrit, en parlant d'Emile (p. !8o) « En développant le naturel, nous avons donné le change à sa sensibilité naissante », le commentateur souligne les mots « le change et ajoute en marge phrases ridicules. II souligne dans la même intention (p. 3o i ) les mots « comme qu'on s'y prenne)),

Jaques pourquoy insultes-tu tes freres

et toy tt!~tK~.

quoy tu /a:s lhypocrite tu 0:t!'<MS lesguerres

contre les ariens con-

tre les albige[ois] ~M-

theriens calvinistes

anabapstes, etc., le

meurtre de Charles

7", de Henri 3 de

henri 4 la conspira-

(tOMt!espo!tdres~a:

St Barthelemi les

massacres dirlandes

les cévenes les calas?

ce que tu y mets miserable qui te contre-

dit sans cesse.


dans cette phrase « Tout ce qu'on fait par autrui se fait mal, comme qu'on s'y prenne )). Voilà pour le puriste. Voici pour l'auteur du 7)zc~oMa!'re~7oso~/z~Ke.Page 22- Il est impossible d'imaginer un :<{MMtM voliba 1 qui

is uaiicoiw qwc

qui ont un v d'ane et

gMtdecA–co~me

des chevaux

quelle plate indécence 1 tu n'as de lesprit que

contre le c/t)'ts<t<

nisme

~MeMe sottise citée et sottement contredite

quelle 6<<ttse d'impri-

mer ces fadaises 1

1 Cf. B~fc~. XXIII, 11, 20. Voltaire écrit Voliba, ou peut être Doliba, comme dans la traduction latine. Le vrai nom du personnage symbolique hébreu est Oholiba.

langage plus modeste que celui de la Bible, précisément parce que tout y est dit avec naïveté.

Page 26: Montaigne dit qu'il demandait un jour au Seigneur de Langey combien de fois, dans ses négociations d'Allemagne, il s'étoit enivré pour le service du Roi. Je < demanderois volontiers au gouverneur de certain jeune homme combien de fois il est entré dans un mauvais lieu pour le service de son élève.

Page 268 Je n'ai jamais vu d'homme ayant de la fierté dans l'âme en montrer dans son maintien. Je lis dans un livre, qu'un étranger se présentant un jour dans la salle du fameux Marcel, celui-ci lui demanda de quel pays il étoit. Je suis ~g~s, répond l'étranger. Vous /l~a:'s.~ réplique le danseur, vous se/'t'M de cette Isle OM les C~<?//e/M ont part à l'administration publique, et sont M~e ~o/'<M?: de la ~f<:&sance souveraine (2:). Non, Monsieur. ce fi'ont &aM~e, ce /'e~'ay'c~ timide, cette ~e/Ma/'cAe !ce/'<a:e ne m'annoncent <yKe l'esclave ~'<e d"M/t Electeur [note 21J Comme s'il y avait des Citoyens qui ne fussent pas membre de la Cité, et qui n'eussent pas, comme tels, part à l'autorité souveraine mais les François ayant jugé à propos d'usurper ce respectable nom de Citoyens, du jadis aux membres des Cités Gauloises, en ont dénaturé l'idée, au point qu'on n'y conçoit plus rien. Un homme qui vient de m'écrire beaucoup de bêtises contre la nouvelle HéJo'fse, a orné sa signature du titre de Citoyen de f6n?K6œM/ et a cru me faire une excellente plaisanterie.


-L

<

<)

~h

M < <~ t < M o o < tt-M t: ::J ::J V x V CM'" V -QJ I ::J c: Q j s ë 5 -ë-~ S g ~<~ s s~ ~'1! 5 ë ~TL~ -'S H S § QJ N v>JQJ c:: N >QJ-CV> w O ~r~i~~ C ~.ë~ ~s~ -ë~ë-E~ës~ <. ë-S~ ë~~ ~-ë ct7 Ci V i. po V') 4. c~ O `N ~n V'J \of) E >=~ë~oï"ss<s v ''e~*°~ o's"c'c-~ ~jë~J~ iS CJ == ::J C O p 0. v ..» QJ.S t-, ê- S_ ë-S-§~ C -S ë-JS .3~§~ -~ë-~js ~ssë-~ s~~s~ o = ~J'§.~ II! E'<=~~S w., 'n.St~ AJ E ~'E ~S

L, w^. N

!1! s §j § s = o ~o5 `' ~-s y~ -0 ë j v '~> <U-~ E~~ 0 -0 E -S > .-0-Q'0'-='Q~ ~n)0~ CS~E~ "~E~> "-ë~~ ë- s 'E G: Cl s~ .s-~ c/~ S .g-5 S.~ s~ s N 5 § ëJ~ ~JS~ ë ~°~°~ ~~s- -g 5 § s ~°ë~ ~c~ r~ OMtU a~ ~<L')cj.S<o~<s ~-o-aë~ ~~g -0 c > p. u o y o --0 0~0'~3S~*OOm=! u 'c c~ cr'-< <-)'~<y)o.o" -ooOe~CL.

w

Pagesl80etl81dutomeIHdeI'.Emt~'(aLeipsiek.chez!esHërit. de M. G. Weidmann et Reich, 1762), et paragraphes 153 et 155 de la Pro/Msion de foi du vicaire Savoyard annotée par Voltaire, dans l'exemplaire appartenant aux Archives Jean-Jacques Rousseau.


Voltaire n'a pas poussé plus loin son commentaire. Tout entier accaparé par la lutte contre l'infâme, il ne saisit point la nouveauté des idées de Rousseau et n'en prévoit point l'action sociale. Un philosophe qu'a-t-il à faire d'histoires de nourrice ? Les théories d'éducation l'ennuient. Il parcourt à la hâte et, semble-t-il, d'un œil distrait le roman d'Emile, et s'acquitte envers son précepteur par un mot qui dit tout c'est la dernière note que j'aie à citer, elle se trouve à la page 189 Tout le texte des quatre volunzes ~~br< plat 1.

B. B.

Il est plaisant de rapprocher les notes que nous venons de reproduire des lettres que Voltaire écrit dans la même année 1762, à Damilaville, a d'Alembert, à la grande duchesse de Saxe-Gotha. Elles s'expliquent et se complètent. Voir, par exemple, sa lettre à DamilaviIIe, du 14 juin, que j'ai citée plus haut « J'ai eu son Ethtc~tOK. C'est un fatras d'une sotte nourrice en quatre tomes, avec une quarantaine de pages contre le christianisme, des plus hardies qu'on ait jamais écrites. !a duchesse de Saxe-Gotha, le 2 août « Ce livre d'Emile est méprisé généralement. Mais il y a une cinquantaine de pages au troisième volume, contre la religion chrétienne, qui ont fait rechercher l'ouvrage et bannir l'auteur. à d'Alembert, le 15 septembre en parlant de Jean-Jacques « Je me suis moqué de son Emile, qui est assurément un plat personnage; son livre m'a ennuyé mais il y a cinquante pages que je veux faire relier en maroquin » et encore à la duchesse de Saxe-Gotha, le 19 juillet 1763 « .les infâmes superstitions que le Vicaire savoyard semble avoir détruites dans l'Emile de ce pauvre Rousseau. L'article de ce Vicaire vaut mieux sans doute que tout le reste du livre. »

Si l'Emile a fait bailler Voltaire, il est certain qu'il a puisé dans cette cinquantaine de pages, celles qu'il a annotées à la plume, un renouveau de verve, d'ardeur combative. Tout en déplorant la défection de Jean-Jacques, il redouble les exhortations aux fidèles, aux « frères ». Il multiplie les pamphlets, les satires, comme l'Extrait des sentiments de Jean Meslier, Le Catéchisme de l'honnéte homme. «C'est un ouvrage qui fait beaucoup de bien, écrit-il à d'Alembert, à propos de ce Catéchisme, le 28 septembre 1763. Il faut que ce soit le curé du Vicaire Mooyafd qui en soit l'auteur. Le vicaire savoyard ravalé au personnage d'une sorte de curé Meslier Ironie ou méchanceté assez pauvre, et qui retombe sur son auteur.


BIBLIOGRAPHIE

ous n'avons pas pensé entreprendre, dans

~eS~~S ce premier volume de nos ~4MM<x/M, une

bibliographie générale et systématique des

œuvres de Rousseau ou de la littérature relative à lui. Avant de l'établir, il faut en réunir les matériaux. Et c'est là l'une des tâches les plus importantes de notre association. Elle ne saurait la réaliser que par une série d'essais partiels, qui portent tantôt sur un chapitre, tantôt sur un autre de ce sujet vaste et compliqué. Les éléments que nous possédons, par exemple, de la question des premières éditions de la Nouvelle Héloïse ou de /E~e, ou bien d'une bibliographie des articles parus dans des périodiques, sont encore trop incomplets ou mal assurés pour que nous puissions les publier. On nous a suggéré quelques idées heureuses, qui méritent un examen attentif. C'est ainsi que M. Georges Renard nous écrivait « Pourquoi la Commission des publications ne préparerait-elle pas une Bibliographie des auteurs qui oM~jMr/e de J. J. Rousseau ? Je n'entends pas une bibliographie sèche, qui se bornerait à indiquer le nom des auteurs et le titre de leurs ouvrages; non, je voudrais que chaque indication contînt un résumé rapide, mais précis, de ce que dit sur JeanJacques le livre, l'article ou le passage cité. » C'est en effet la règle que nous nous sommes efforcés de suivre dans nos comptes rendus analyser exactement et briè-


vement, plutôt que discuter et juger. On pourra l'appliquer aux principaux écrivains qui se sont occupés de Rousseau. H importe aussi de constituer des chapitres de la bibliographie générale par nationalités éditions, traductions, biographies et critiques de Rousseau parues en Allemagne, en Angleterre, en France, en Italie, en Suisse ou dans tel autre pays.

Mais, encore une fois, nous n'attendons pas pour aborder l'un ou l'autre de ces points, que nous ayons la certitude d'être complets ou définitifs. Il faudra sans doute s'y reprendre à plusieurs fois, et attendre quelques temps encore avant d'avoir acquis, dans chaque grand centre intellectuel, un correspondant régulier. Nous procéderons donc sans nous asservir à un plan trop rigoureusement établi. Les corrections, les informations complémentaires de nos confrères seront les bienvenues. Qu'ils veuillent bien contrôler leurs renseignements sur les pièces originales, toute autre forme de données bibliographiques n'ayant qu'une valeur provisoire. Nous ordonnerons tous ces renseignements, tandis que s'accroîtra dans nos Archives la collection des éditions de Rousseau. Peu à peu ces matériaux divers se grouperont naturellement et, de leur ensemble, surgira un système de construction définitive.

Nous publions cette année, à titre d'exemple et d'essai, la bibliographie tchèque de Rousseau, telle qu'elle a été dressée par notre confrère, M. Joseph Kubin, professeur à Jicin (Bohême), et un tableau aussi complet que possible de la bibliographie générale pour l'année 1904.


J. J. ROUSSEAU DANS LA LITTÉRATURE TCHÈQUE CONTEMPORAINE

I. TRADUCTIONS.

Smlouva spotecenskà[Z<c contrat social), trad. par Karel Adàmek, Roudnice, tS?!. éd. Aug. Svagrovsky (Sbtrka prostulych politickych spisu I). Collection de célèbres écrits politiques.

Rousseau o vychovàni nârodnim [Rousseau sur l'éducation nationate], par Josef Novàcek (Extrait des Considérations sur le yoHMr/:e/Me/:< de Pologne) Pseda~ogium 1880, 2°" année, gr. 8", n'' 9, p. 4; 6-419 réd. D'Gusta~-AdoIfLindner, éd. Frantisek A. Urbânek, Praha. Emil [I'M/~], trad. par Antonfn Krecar. Prcrov, 188g. Éd. Frantisek Bayer (Bayerova Bibliotéka pœdas'og'ickych klassiku, IX~ volume.) La préface (p. I-XXXIV) de cette traduction contient une notice biographique sur Rousseau et l'appréciation de son œuvre littéraire.

Ukàzkyz z Rousseau-ova E m i 1 a [Quelques extraits de l'JF.m~e de Rousseau], trad. par Dora Hanusova. Ceskâ skola VI, f. 8°, éd. V. Neubert, Smichov i884, n° 28, p. 435-438 a~, p. 45o-45i n" 30, p. 4?4.

Le D'' Antonfn Krecar a traduit aussi des pages choisies du traité de pédagogie de Rousseau

Obraz dokonaléko ditëte do 12 roku [Portrait d'un enfant accompli à l'â~e de douze ans]. Beseda ucitelskâ 1887, t9" année, gr. 8°, n<' 49. p. 649-65s, et n" 5o, p. 666-668 réd. Karel Butir, éd. Beseda ucitelskâ.

Oâtësti zlatébo mtâdf [Sur le bonheurde ta jeunesse dorée], ibid. t888, 20~ année, n" i3, p. !y3-!75.

Obraz dokonalého chlapce i5 Ietého[Portraitd'uns'arçon accompli à l'âge de i5 ans], ibid. 1889, ai" année, n" 10, p. t29-!3o.

Jiskry vychovateiské [Pensées sur l'éducation]. -Posel z z Budce t89o, XXI, f. 8", réd. Ludvik Strahl, éd. Urbânek. Praha.


I!. ETUDES BIOGRAPHIQUES OU LITTÉRAIRES.

J. J. Rousseau. Zlatâ Praha, i864, Ire année, gr. 4°, n° 20, p. 236-23~; n" 21, p. 246-248; n° 22,?. 261-262 (auteur anonyme).

Rousseau v Montmorency [Rousseau à Montmorency], par Karel Adàmek. – Kvëty 1880, 2me année, gr. 8°, n" 8, p. 243-25i n" o, p. 3:5-321 n° 10, p. 425-434, réd. Svatopluk Cech a Servac Heller éd. Vladimir Cech.

Rousseau a jeho zâsad vychovatelské [Rousseau et ses théories sur l'éducation], par A. Krecar. Psedagoglum, 1880 (cit.), 2°"' année, n" 2, p. 53-62; n° 3, p. i25-t3i; n" 4, p. 178-183; n° 5, p. 206-214; n° 6, p. 258-267.

Rousseau a Pestalozzi v promëru svém ke Komenskému [Rapports entre Rousseau, Pestalozzi et Komensky], par Petr Durdtk, 1888. Urbànkova bibliothéka pœdagogickà, vol. 36, gr. 8°, Praha. La première partie de ce discours (p. t3-5a)qul traite de l'éducation de la première jeunesse d après l'Informatorium de Komensky, 1 Emile de Rousseau et le Livre des mères de Pestalozzi, avait déjà paru dans le Pœdag'og'Ium (cit.) i884, p. 5oo-529. La deuxième partie (p. 53-84), expose l'Influence de la doctrine et des préceptes de Komensky, de Rousseau et de Pestalozzi sur l'éducation et l'enseignement de la jeunesse.

0 nékterych shodâch a neshodâch Komenského s Rousseau-em [Des analogies et des différences entre Komensky et Rousseau], par L. Pammrovà. Komensky 1888, 16"° année, gr. 8", n" 32, p. 497-499 et n° 36, p. 53?539. Ed. Frantisek Slamëmk, Olomùc.

Soud Rousseau-uv o pëstovàni studii klassichych [La pensée de Rousseau sur la culture classique], par A. Krecar. Krok 1889, 3me année, gr. 8°, p. 3i8-3ao et p. 36a-364. Réd. et éd. Frantisek-Xav. Prusik, professeur à Praha. 0 cviceni smyslu zviâstë na zàkladè Rousseau-a a Komenského [Comment il faut exercer les sens, d'après Rousseau et Komensky], par Antonin Svoboda. Beseda uôltetskà (cit.) 1889, 2i~ année, n° 42, p. 545-54~ et n" 43, p. 56o-562.


Rousseau o détskèm kriku a placi i [Des idées de Rousseau sur les enfants qui crient et pleurent], par Antonin Krecar, Pœdae~og~ické rozhledy i88g, 2me année, gr. 8". p. 323 seq. Réd Josef Klika, Praha.

Vychovatelstvi a vëda tékarskà [L'éducation et la médecine], par A. Krecar. Ceskà skola 1887, g"~ année, g'r. 8°, p. 45Q-462. Réd. Alois Vàvra. Ed. V. Neubert. Smichov.

0 vychovanf zen [De l'éducation des femmes, d'après Rousseau], par A. Krecar. –Pose! z Budce 1890, 2l"année, g'r. 8", n. i, p. 5-7 et n" 2. p. 23-a5. Réd. Ludvik Strahl. Ed. Fr.-A. Urbânek, Praha.

Rozprava o Rousseau-ovô Emilu [Discours sur l'Emile de Rousseau], par K. Tamele, 1891.

F. Dupanloup a J. J. Rousseau o nàrodnfm vychovf'tnf Í [Les idées de Dupanloup et de Rousseau sur l'éducation nationale], par Josef Kremen. Beseda ucitelskà(cit) 1894, 26" année, n" 4, p, 48-49.

Rousseau o citech spolecenskych [Les idées de Rousseau sur les sentiments sociaux], par A. Svoboda. Uciteiské noviny 1894, i2°"* année, gr. 4*\ n° 23, p. 229-230. Réd. éd. Josef Krâl, Praha.

Rousseau-uv nàzor svétovy [Comment Rousseau envisas'e le monde], par Fr. Krcek. Pœdagogické rozhledy (cit.) 1901, n° 6, p. 244-260; n" 7, p. 292-297; n°8, p. 33o344. Réd. Jan Mrazik.

Osudy Emila [Le sortd'EmUe], par Antouin Bobrovsky. Komensky (cit.) 1893, 21°'~ année, n° 3y, p. 547-55i. Pour être complet, il faut mentionner les articles de Frantisek Groh

Zàstuhy Rousseau-ovy o paedag'og'iku [En quoi Rousseau a bien mérité de la science de l'éducation], Sbornik pœdag'ogického seminàre, !886, f. 8°, p. jo3-io5. Praha, éd. Alois Wiesner et de F. S. dans le Skolnik k ~e.

Voici les ouvrages tchèques qui, sans être consacrés au « citoyen de Genève )), font une place plus ou moins importante à son œuvre, pédagogique ou littéraire.


Le D~ Gustav-Adolf Lindner, qui compte parmi les meilleurs pédagogues tchèques, s'occupe des théories de Rousseau dans plusieurs écrits relatifs à l'éducation

Pœdagoglka na zaklade nauky o vyvoji prirozeném, k u 11 u r n ) m a m r a v n i m [La pédagogie basée sur la doctrine de l'évolution naturelle, civilisatrice et morale]. Ed. A. Mareà, Roudnice, 1888, 8". On parle sur Rousseau, p. 4, 19, 20, i,a3, 48. 68, 88, 89, iog.

Cteni didakticka. a methodickà [Conférences de didactique et de méthodique]. Paedagogické rozhledy 1891, 4" année, n" 2, p. 49-53; n" 3, p. 80-91 n" 4, p. :3oi33 n" 6, p. 208-212 n" 9, p. 36:-366, etc.

Enfin on peut citer

Dêjiny vychovatelstvi [Histoire de i'éducation], par Fr. Simek, 1875, 8°, Praha, éd. Fr.-A. Urbânek (XVIH°~ vol. de Bibl. pédag'.). p. i8o-t85.

Dèjiny titeratury vseobecné(it).) [Histoire de la littérature universelle], par Vaclav Petru, 1881, gr. 8°, I~voL, p. 5o4-5o9. Le tombeau de Rousseau, gravure, p. 5o4. Ed. Vendetm Steinhauser, Plzen.

Dèjiny reci a literatury francouzské [Histoire de la langue et de la littérature française], par Richard Branzovsky. Tâbor, i885, 8°, éd. Arn. Pesl, p. 55, 62, 69, :33, i35, i4i. Lanson, Dèjiny novodobé titeratury francouzské trad. par O. Sykora, 1900, ~r. 8°, éd. Jan Laichter, Krat. Vinohrahy. vol., p. 96-1)9.

R. Quick.Vychovatetsti reformatorI[Lesréformateursde l'éducation], trad. par Brestislav Foustka, 1897, gr. 8°, éd. Jan Laichter, Kràt. Vinohrahy.

Ideaty vychovy [Idéais d'éducation], par Frantisek Drtina. Kmhovnicka Casu, 1900, pt. 8°, n" 2. Ed. le Cas. Praha. Mysteakovy vyvoj lidstva [L'évolution des idées en Europe], par Fr. Drtina, 1902, gr. 8", éd. Jan Laichter, KrâL Vinohrahy.

M. le Dr A. Krecar prend l'Ernile et Rousseau pour sujet des articles qu'il a pubhésdans te Strucny slovnfk pœdagogicky [Encyclopédie pédagogique tchèque], réd. Klika et Sokol,


1891-1895, gr. 8". Praha, éd. Ustr. spolek jednot ucitelskych v Cechach.

De même, les grandes encyclopédies Rieger (éd. Kober, Praha, VU" vol. 1868) et Otto (éd. Jan Otto, Praha, XXI~ vol. igo4) contiennent des articles relatifs à J. J. Rousseau.

Récemment Jaroslav Novâk a étudié en détail la littérature contemporaine relative à J. J. Rousseau (John Morley, R. Mahrenholtz, H. HôH'ding, C. Compayré, H. Beaudouin, Joly, Chatelain, A. Bougeault, R.J. Mobius. Th. Davidson, F. Mugnier, E. Ritter, Chuquet, A. Espinas, G. Rodella) dans la revue philosophique tchèque Ceskâ Mysl [Pensée tchèque], VI~ année, mars 1906, n" 2, gr. 8- Praha, réd. Fr. Càda. Fr. Drtina, Fr. Krejct. Ed. Jan Laichter, Krâ!. Vinohrahy.

I!f. COURS ET CONFÉRENCES.

Il faut rappeler enfin qu'à l'Université tchèque de Prague, on a fait beaucoup de conférences sur l'œuvre de J. J. Rousseau. L'extension universitaire tchèque s'est activement employée aussi à faire connaître l'auteur et la doctrine de l'MX'/e. Je me contente de citer M. Drtina, professeur à l'Université de Prague, dont les séries de leçons (évolution des théories pédagogiques, l'histoire de l'éducation, chapitres choisis d'histoire de l'éducation moderne, etc.) font toutes une place d'honneur à Rousseau.

Je souhaite en terminant, dans l'intérêt des études rousseauistes, que les Annales publient la biographie d'autres nations slaves p&ur ce qui concerne l'œuvre du grand écrivain, fils de Genève. Nos littératures slaves seraient reconnaissantes d'être associées à l'entreprise scientifique de la Société Jean-Jacques Rousseau. Josef KuBiN.

ALLEMAGNE

Emst HARTMANN, ./e<Z/a~MM (sic) /?OM~e<9~S Z?!MM <a'M/ Ernst HARTMANN, Jean-Jaques (sic) de doctorat, Uaiversitë Joachim Heinrich Campe (Thèse de doctorat, Université d'Erlangen), Neuenburg Wpr., 1904, in-8,p. 127.

A côté de Basedow, le fondateur du fameux Philanthropinon de Dessau, J. H. Campe, qui fut son disciple et son collaborateur pendant deux ans, occupe une place importante parmi les « philanthropes » allemands du dix-huitième siècle. C'est dire qu'il ap-


partient à cette phalange de pédagogues qui entreprit alors de réaliser en grand le programme de l'Enzile. M. H. s'est précisément donné pour tâche de déterminer quelle avait été la part de Rousseau dans l'œuvre de celui qu'on a surnommé le « Berquin allemand M. Il a vu là un moyen d'observer ce que deviennent les théories du philosophe genevois mises à l'épreuve de la pratique. Sa dissertation est divisée en deux parties. Dans la première, il donne un consciencieux résumé de la doctrine de l'E/K!7e. Dans la seconde, il expose les idées de Campe en les comparant à celles de Rousseau. En gros, la ressemblance est frappante. Même point de départ l'homme est bon, mais corrompu par la société; il faut s'attacher à développer en lui la nature, et cela le plus tôt possible; d'où la nécessité de l'éducation. Mêmes principes également en ce qui concerne le triple développement physique, moral et intellectuel de l'enfant culture du corps, endurcissement physique, emploi de la douceur et de la persuasion au lieu de la contrainte et de la terreur, familiarité du maître avec l'élève, souci d'éviter à l'enfant tout effort intellectuel inutile, l'observation directe de la nature substituée à la mémorisation, l'étude rendue attrayante, travail manuel, etc. Les points principaux sur lesquels il y a divergence, sont les suivants éducation dans une école ou institut public (et non à l'écart des autres enfants), recours à l'émulation, éveil de l'amour-propre et de l'ambition, goût de la lecture développé dès l'enfance par des ouvrages conçus dans l'esprit général de l'enseignement moralisateur, instructif et attrayant, enfin l'instruction religieuse donnée de bonne heure à l'enfant. Ces idées de Campe ont trouvé leur expression la plus complète dans son grand ouvrage j4~e/Ke:e Revision des gesamt ~c/<M~- und Erst'e/tK/~s~ese/M in einer Gese~e/< praktischer /?/3:'eA< qui n'est qu'une paraphrase ou, si l'on préfère, un vaste commentaire de l'Emile par un pédagogue intelligent et expérimenté. A. F.

Die ~e:s~r der Fadagogik ~eA ihrem Leben, ihren tfey-e~ und :Are/- Bedeutung, kurz vorgefuhrt von Hofrat Dr C. SPIELMANN. IV, Jean-Jacques Rousseau, Neuwied u. Leipzig, Heusers Verlag, In-8, 36 p.

Des vingt-huit pages que compte cette brochure, dix seulement sont consacrées à l'analyse de l'Emile et au jugement qu'il faut porter sur les idées pédagogiques de Rousseau. L'analyse est séchement exacte; le jugement a le tort, au lieu de s'en tenir au sys-


tème éducatif, de faire le procès à l'homme derrière l'auteur. Il est inutile et injuste de réfuter l'Emile par les inconséquences et les fautes de la vie de Rousseau, puisqu'il a voulu en quelque sorte, par ce livre, les racheter.

Avant d'aborder l'M:7e, M. Spielmann a décrit, en une série de courts chapitres, les conditions politiques et sociales, puis les écoles et l'enseignement, en France, au temps da Rousseau puis sa vie, puis ses idées principales dans les Discours et le Co/:<a< social. Il y a bien des erreurs dans ces quelques pages. La Genève dont Rousseau est né citoyen ne faisait pas partie de la confédération des cantons suisses M. Spielmann avance d'un siècle sur l'histoire. Il se trompe, quand il place en 1770 le mariage de JeanJacques quand il lui fait porter l'habit d'Arménien à Ermenonville; quand il parle de la maison qu'il habitait à Wooton, comme d'une propriété de Hume; quand il attribue à l'année 1889, et surtout à une intention des Genevois de commémorer l'anniversaire de la Révolution française, l'érection de la statue du <f plus grand de ses citoyens dans l'ite Rousseau. H se trompe plus gravement, quand il dit que le second Discours reçut, comme le premier, le prix de l'Académie de Dijon. Il paraît ignorer le sens exact du mot « humanités H et les créations scolaires de la Convention. C'est mal connaître l\4/oe~Me de Boileau que d'y voir un code de la langue française ( « das klassische Regelbuch der franzôsischen Sprache. s) On devrait éviter ces erreurs de faits dans un ouvrage qui a la prétention de ne dire que l'essentiel de l'Emile et de son auteur. Elles me paraissent moins fâcheuses cependant que la tendance générale des appréciations de M. Spielmann. C'est l'intelligence pénétrante et sympathique de Rousseau qui lui manque, de son caractère, des phases successives de ses idées, des progrès constants de ses intentions. Comment enfin, un historien allemand de la pédagogie, qui n'ignore pas l'action profonde que le < citoyen de Genève a exercée sur les plus grands esprits de l'Allemagne, peut-il se contenter d'une conclusion aussi étroite « Pour les 7~-a/!MM, Rousseau restera toujours un grand homme. Par ses procédés d'écrivain et son style tantôt passionnés et entraînants, tantôt spirituels et piquants, il répond au naturel français )? ? B.B.

Eduard ENGEL. /~c/<o~e der /<2/<MMC/<e/! Z~e/'a~M/ 4~ durchgesehene Aufl., Berlin, Leonhard Simian Nfr., 1904, in-8, IV-243 S.

Voir pp. 152-162 .Tea/ï-ac~HM Rousseau.


Theobald ZIEGLER. Geschichte der ~'a~ag'o~ mit besonderer Rücksicht auf das hohere Unterrichtswesen. 2"= durchgesehene und ergânzte Aufl., München, C. H. Beck, 1904, in-8, x-394 S. Voir page 98 Rousseau.

/~Me alsacienne !'HHS<y'ee (Strasbourg), 6°*= année, 2 avril 1904, pp. 63-67 D~ M. MuTTERER, ./ea;AM<yf<es ~ofMse~K à ~<ras&of<r~.

Rousseau, après avoir quitté l'Ile de Saint-Pierre, séjourna quelques semaines à Strasbourg (du 2 novembre au 9 décembre 1765), où il reçut des autorités et de la population l'accueil le plus cordial. L'article n'apporte rien de nouveau sur cet épisode des pérégrinations de Rousseau, mais il groupe d'une façon intéressante tout ce qui a pu être recueilli sur les incidents de ce séjour, dans la correspondance et dans les écrits des biographes dignes de foi. Reproduction du portrait de J. J. /?oKsseaM en 6'os<ft/Me d'Arménien, peint à l'huile par Ramsay, et conservé à la National Gallery d'Edimbourg. L. P. J.-J. KINDT. /?of<Meaf<s Stellung ~/K A~ey'M'/M/HKS. [Thèse de doctorat] Breslau, 1904, in-8, 16 S

Lec~t/'es pédagogiques. Herausgegeben von Professor Dr J. WYCHGRAM, Direktor der Konigl. Augustaschule und des Konigl. Lehrerinnen-Seminars zu Berlin.

Rousseau, Emile, Livre II. B-Ausgabe, 151. Bielefeld u. Leipzig, 1904, Velhagen u. Klasing.

Voltaire, Diderot, Rousseau. ~o/'ceaH~- choisis. In Auszügen, mit Anmerkungen zum Schulgebrauch herausgegeben von Professor P. VOELKEL, Oberlehrer am Konigl. franzôsischen Gymnasium zu Berlin.

B-Ausgabe, 138 (Prosateurs français). Bielefeld u. Leipzig, 1904, Velhagen u. Klasing.

Th. KLEIN. ~e~ und /?OMMea~. La seconde partie de ce travail a paru dans: ~<H~:e/! .SK/' fe7'~e!C~e/eK Z-~e/'a<M/esc/t!'6'e, herausg. von Prof. D'-MaxKoch, IV.Bd., 1904 1 Les notes qui suivent ont été fournies aux Annales par M. CurtTittel, à Leipzig.


(4 Jahrgang) pp. 129-174. La première partie avait paru, en 1903, dans la même revue [III. Bd. S. 425-480], après avoir été présentée, comme thèse de doctorat, à l'Université de Munich [Munchen, 1903, in-8].

A. SCHLENKER.De/=!67~y~M~A'<2<= der ~Va<M/e/KMMAe/< bei 6o/Ke/s 7?o/paf/, dans 6~/Ken/Ks--S~e//«/- Fo/My: Weidmann, Berlin, Bd. XII, 1904 (pp. 36-48).

STÔRLING. Die ~l/~67«2Hf~~eM ~O~Sea/M und Pestalozzis von der <S'/c~M~ der Religion in der ~M/«< dans Ze!7scA/~ /M/- den c~a~e~c/ie/ï ~c~'My:~Ky?/c/'7-M7~, herausg. von F. Fauth und J. Kôster, Berlin, bei Reuther u. Reichard, 1904, ig Jahrg. Heft 3 (pp. 197-215).

W. KoHLSCHMiDT. /?oMMeaM Ga?~e, dans Ze:<.7;y'~ /«/' den ~eM~c~en <y/c/ herausg. von Prof. Dr Otto Lyon, Leipzig und Berlin, B. G. Teubner, II Heft, 1904.

Le supplément de M~e/K~e Z eitung, 1904, n° 87, a publié un article étendu sur le Y. 7. /~OMMMM de P.-J. Môbius, dont le i" volume [.4~e~7~e Mc/ 1 Bd.xxiv.3i2 S., J.-A. Barth, Leipzig] a paru en 1903.

ANGLETERRE' 1

George SAINTSBURY..4 /~o/ o/' 6~M-M/~ and Z.e/-ay-y ?MS<e in ~'K/-o~e, /o/?! the .Ëa/7Ms< ?e.r~ <o the Present Day. Edinburgh and London, William Blackwood and Sons, 1900-1904, 3 vol. in-4.

3'"<- volume (Modern Criticism), chap. IV Diderot and the French Transition. Il n'y a pas de critique littéraire proprement dite dans l'oeuvre de Rousseau; mais il a eu une influence sur la critique ultérieure, parce qu'il a modifié l'esprit littéraire européen (pp. 99-101). Mme de Staël tient de Rousseau son énergique proLes notes qui suivent ont été fournies aux Annales par M. L.-J. Courtois, licencié ès-lettres, & Londres.


testation contre toute fidélité pédantesque à des définitions, à une terminologie scolastiques (p. 108).

Ibid., chap. VI: The ~M~y o/'L:'<<?yai!K/'e. Au point de vue littéraire pur, Rousseau est une formidable force impulsive plutôt qu'un commencement (p. 178).

Leslie STEPHEN. English Literature and Society in the .E'tteenth Ce/t~K/'y. Ford Lectures. 1903. London, Duckworth and C°, 1904, in-8.

Chap. III. La théorie rousseauiste du culte de la nature est en germe dans le poème de Thomson Liberty. Mais elle ne devient vraiment révolutionnaire qu'avec Rousseau, misanthropique qu'avec Byron (p. 131).

Chap. V. La Révolution fut une surprise pour les Anglais, si l'on en excepte quelques observateurs avisés et quelques rares disciples de Rousseau (p. 190). C'est l'utopique idéal de Rousseau que Crabbe condamne dans la « Nature » des œuvres de Goldsmith (p. 207)..

William BARRY. T/c/'aMs o/efo~. Studies in Modern Literature and Dogma. London, Hodder and Stoughton, 1904, in-4. Chap. III. Carlyle. La mesure de la moralité est la même chez Victor Hugo que chez Rousseau. Carlyle, plein de pitié dès qu'il réfléchit, devient comme Rousseau, défiant et malheureux sous le coup des événements (p. 94).

Chap. VI. The /Mo<~e/ French Novel. Le roman moderne s'attache à peindre le milieu, qui devient conscient dans la vie intérieure, dans l'âme. Le x père », l' « éponyme » de cette littérature dramatique en prose est Rousseau. Dans la Nouvelle Héloïse, Clarisse Harlove a trouvé sa forme française. A ce moment il y a eu un tournant littéraire, que faisaient prévoir le style de Saint-Simon, de La Bruyère, les cyniques plaisanteries de Candide. L'inventeur de la mélancolie, du « mal du siècle », ce n'est pas Chateaubriand mais Rousseau. Rousseau, « le prophète affolé de Genève », a sondé des abîmes que « M. Arouet Junior » n'a fait que longer en ricanant. C'est à Rousseau, le « serpent venimeux », que les Français sont redevables du Romantisme.

George Eliot est peut-être le type du génie féminin tel que Rousseau l'a dessiné, dans la mesure où sa nature anglaise permettait l'adaptation. George Sand prit Rousseau pour directeur spirituel dans ses expériences de « femme incomprise (p. 177).


Il est facile de prouver que l'influence de Rousseau sur le roman français moderne a été toute puissante il a en effet substitué le sentiment à la raison, la poursuite du bonheur à l'accomplissement du devoir; il a donné le premier exemple d'un monstrueux développement du moi (p. 193).

M. William Barry, docteur en théologie, juge les « Hérauts de la Révolte o (Carlyle, Amiel, Loti, Heine, G. Eliot, V. Hugo, etc.) au point de vue romain. Leurs diverses théories pourraient toutes se ramener au <t monisme B, qui est, aux yeux de l'auteur, l'ennemi à détruire. Cet ouvrage, muni d'un bon index, est formé d'une collection d'articles parus dans la Z)K& /~e~'en'.

The A'a~o/ New-York, directeur W. Ph. Garrison, a publié dans son numéro du 14 janvier [904 (pp. 36-37) un compte rendu du livre de M. W. H. HuosoN, professeur à l'Université de Londres Rousseau and /:a<M/M/M M /</e and //<OK~7~, Edimbourg, 1903, Clark, in-8, 272 p.

77te ~a/e/ Review, Vol. 109, Janvier 1904: M. KAUFMANN, Que J)'c<2M-/e – Rousseau a pris Montaigne pour modèle aussi bien en écrivant les Confessions qu'en élaborant l'Emile (p. 171).

The Gentleman's ~a~zMe, Vol. 296, Fév. 1904: T.E. CLARK.E, Dr Johnson's Landlord (p. :g8), cite ce passage de Boswell (Li fe o/o/so/ <t J'avais grandement satisfait ma curiosité en dînant avec Jean-Jacques Rousseau, lorsqu'il vivait dans les solitudes de Neufchâtel. J'avais une tout aussi grande curiosité de dîner avec le Dr Samuel Johnson dans l'obscure recoin d'une cour de Fleet Street.

The Edinburgh Review, Vol. 200; n°4.o9, Juitlet 1904: ~/a<i'Ae~ Arnold and 7/K~

Distinction entre le ~e~ germanique et l'e&?y'z'< français. L'e~ a moins de chaleur, d'imagination; sa grande affaire est d'éclaircir et de classifier. Exemple chez le Français, la liberté est une notion extérieure; elle ne procède pas de son être intime, mais résulte des systèmes. Rousseau tui-même, le sentimental Rousseau, invente une théorie. Noter que bon nombre des représen-


tants éminents de l'esprit Rousseau, Joubert, Sainte-Beuve M. Boutmy sont des pédagogues (p. 138).

The ~Vt/M~~A Cc/!<H/-y and .-i/ Vol. 56, Août 1904.: Prince KROPOTKIN, The ~/i!< Need o/ the Present Day. Par sa religion rationaliste, Rousseau devient l'intermédiaire entre les matérialistes et les « intuitionistes ». Discutant hardiment les problèmes sociaux de son temps, il fut le plus écouté des écrivains (p. 211).

Blackwood's Z~j~ ~a~e. Vol. 176, Août 1904: Charles WHIBLEY, T~'o Ce/!<f/:a7-es. [George Sand et Nathaniel Hawthorne.] George Sand reconnaît la suprématie de Rousseau et de Byron (p. 255). ·

Tite gentlenzan's /y!~a.z:/M, Vol. 297, Septembre 1904 Herbert W. TOMPKINS, Charles Lamb once /KO?'e.

« Trop souvent dans le domaine littéraire, quand par exemple nous pensons à Rousseau ou à Byron, à Walpole ou à Pope nous sentons que nous aimons les écrits plutôt que l'écrivain. Il n'en est pas ainsi quand nous pensons à Charles Lamb o (p. 272). 77<e Fo/-<A<~ Review, Vol. 76, Novembre 1904 Havelock ELUS, ln tlte /oo<s<e/M o/?oMMeaM.

Caractéristique du caractère genevois raideur, indépendance, amour-propre exagéré, etc. Famille de Rousseau très genevoise, très bourgeoise. Les deux grands facteurs éducatifs dans la vie et l'oeuvre de Rousseau sont: l'influence d'une femme cultivée et intelligente, Mme de Warens; l'influence de la Savoie nature inspiratrice et moralement fortifiante. Un troisième facteur: la maladie dont Rousseau souffrit à 24 ans, lui présentant la mort comme proche, lui donna le calme et l'ennoblit. Les Charmettes encore animées par le souvenir du délicieux tête-à-tête. Aujourd'hui Rousseau nous est un peu dérobé par l'éclat de ses disciples, Mme de Staël, Byron, Shelley; il reste un grand nom dans l'histoire de la sentimentalité européenne.

The English 7yM<o/-z'c~ Review, Vol. XIX, 1904, pp. 404-5. · Revue bibliographique. Analyse critique de l'appendice ajouté à l'ouvrage duD'-J.-L.Windenberger: La ~K&~Me Co/t/e~cy-a~e des Petits Etats. Essai sur le sys<è/7!e de oo~'</f<e e~a/~è/'e de 7ea/t-/<:e'~Mes Rousseau. Paris, Picard, 1900.


FRANCE

Lucien LAMBEAU. Z//<o/~c~ des <M/!<6'-</OM~&' </M /a~<OM/ Saint-Antoine, ~674-~903, communication présentée à la Commission du Vieux-Paris. Annexe au procès-verbal de la séance du 10 décembre 1903, pp. 319 à 376, in-4 à deux colonnes, avec trois planches [1904.].

Dans cette monographie, M. Lambeau a esquissé l'histoire de la maison des Enfants-Trouvés.

Nous y remarquons un acte notarié, en date du 13 janvier 1780, par lequel Thérèse Le Vasseur cédait à M. Pierre-Antoine Benoit, ancien contrôleur général des domaines et bois de la Génélité de Toulouse, les manuscrits de musique qui furent publiés sous le titre de Les Consolations des misères de ma vie, Paris, 1781, in-folio; « et ce, dit cet acte, pour, par le dit sieur Benoit disposer les dits manuscrits comme il avisera bon être, en conséquence les faire publier en telle forme et de la manière qu'il lui plaira, pour l'honneur de la mémoire de l'auteur dont il était l'ami. » Après avoir donné le texte de cet acte intéressant, M. Lambeau continue en ces termes

« Ce fut alors que M. Benoit et la veuve de Jean-Jacques Rousseau décidèrent de verser le produit de la souscription (ait vo/M/Ke ~M! allait ~a'/w7/'<~ à l'hôpital des Enfants-Trouvés. L'initiative de cet acte charitable revient donc à ces deux personnes, et non à Rousseau lui-même, ainsi que la chose a été quelquefois écrite. L'ancien contrôleur des domaines de Toulouse ne manquait pas, d'ailleurs, de le dire dans le compte de la souscription qu'il adressa aux administrateurs des Enfants-Trouvés, le 3 décembre 1781. On y lit, en effet, qu'il ne céda aux instances de Thérèse LeVasseur que « dans l'espérance de procurer à l'hôpital des « Enfants-Trouvés de Paris tout le bénétice qui aurait pu en <t résulter (de la soKSfy't/~o~ et contribuer par ce moyen à « une bonne œuvre, digne de M. Rousseau, »

A qui a appartenu l'idée de réserver aux Enfants-Trouvés le bénéfice de cette entreprise de librairie? Tout est là. M. Lambeau dit fort bien que Rousseau a été étranger à cette idée. Mais les textes qu'il a copiés ne nous montrent pas quelle part Thérèse a pu y prendre. On eût aimé que M. Lambeau citât en propres termes ce qu'il a résumé dans ces mots céda <!H.y instances de y/~e/'èse L<?!~<7MCH/ E. R.


y. Rousseau, ses amis et ennemis. Correspondance publiée par STRECKEISEN-MOULTOU, in-8, Paris, Calmann-Lëvy[i904]. Solde de l'édition de l'ouvrage publié en 1865, présenté dans un format légèrement réduit et avec une couverture dISérente, destiné à le faire figurer dans une collection nouvelle (WoMce~e collection ~M/O/Me. 1

(Tome) i [avec] Introduction générale par M. Jules Levallois.) IV-LII-515 p.

(Tome) 2 ([avec] Etude sur Madame de Verdelin, [née] MarieLouise-Madeleine de Bremond d'Ars, par M. [Charles-Augustin] de Sainte-Beuve.) iv-xLvm-g84 p.

ALENGRY, Franck, docteur en droit, docteur ès-lettres, ancien professeur agrégé de philosophie au lycée de Pau, Inspecteur d'académie de la Haute-Vienne. Condorcet, guide de la Réfo~<o/: /a/!caMe, </teoy':c!'e/t dit droit constitutionnel et /)/'ecM/'se/ de la Science sociale. Paris, Giard et Brière, 1904, in-8, xxiv-898 p.

Influence de Rousseau sur Condorcet quant à la conception du gouvernement. Rousseau voulait le gouvernement direct. Mais « on sait, disait Condorcet, que jamais les difficultés d'exécution n'arrêtaient la marche de ses idées.!) Condorcet se prononce pour le gouvernement représentatif, tel que l'avaient défendu Montesquieu et d'autres, mais en introduisant dans ce gouvernement tout ce qui peut être conservé de l'exercice direct de la souveraineté par le peuple, conformément aux idées du 6~o/!<a< social (pp. 479-480, 486-498). Comme moraliste, Condorcet présente quelques affinités avec Rousseau, en tant qu'il se montre personnellement partisan de la c morale du sentiments, c'est-à-dire de la morale fondée sur un instinct naturel, et en tant qu'il procède des moralistes écossais, comme Hutcheson, par exemple, sur qui l'influence de Rousseau a été directe et profonde (pp. 729-731). En sociologie, Condorcet n'est pas le continuateur de Rousseau, dont il se sépare très nettement, contrairement à une opinion qui semble avoir quelquefois obtenu créance (voir le livre de M. Henry MICHEL sur l'Idée de l'Etat, p. 45). S'il emploie les mots: état de nature, contrat social, ce sont là des formules courantes à son époque, et qu'il prend dans un autre sens que Rousseau. 1 Les notes et comptes rendus qui suivent ont été fournis aux Annales par M. Lucien Pinvert, docteur ès lettres, & Paris.


Optimiste, partisan de la théorie du progrès, convaincu que de l'avancement des sciences et des arts dépend la réalisation d'une plus grande somme de bonheur pour l'humanité, il voit dans la civilisation non une déchéance et la perte du paradis, mais un acheminement vers la terre promise d'une perfection idéale et toujours plus proche (pp. 794-796, 820-821).

Albert BAYET et François ALBERT. Les jE'c/wa<Hs politiques du Xf~7//s siècle; extraits avec une introduction et des notes, Paris, Arm. Colin, 1904, in-iz, 1.11-446 pp. xxxm-xxxvu (de l'Introduction) Les démocrates Af~~y et J. J. /~of<sseau. Pp. 231-233 notice sur Rousseau. Pp. 233-302 pages de Rousseau, réunies sous les rubriques I. De ~'M~a~e dans la Société humaine. II. L'origine de l'égalité et /aMe/'<epo~MMe.–III. Conséquences pratiques. Henry BORDEAUX. Vies intimes, Paris [1904], Alb. Fontemoing, In-t8, écu, 364 p.

Pp. 47-73 Madame de ~a/'e/tA- ('?/'ès de nouveaux ~ocK/Me/t~).–Chap. daté: juin 1900 et mai 1904, composé avec deux articles de revue, publiés, je crois dans la Revue bleue. L'auteur collige, dans les différents ouvrages inspirés, en ces dernières années, par Mme de Warens, ce qui concerne le caractère de celle-ci et les lieux qui furent témoins de sa liaison avec Rousseau (4 §§. I. La Conversion de de M~a/'e/M. II. Les Charmettes et Annecy. III. Correspondance de A~ de Warens. IV. ~yac~ère de de ~a/-e/ M. Bordeaux voit surtout dans Mme de Warens « un homme d'affaires ». La bibliographie, mise en tête du chapitre, pourrait être complétée. Outre sa brochure, qui est citée, sur l'Habitation de Mme de Warens à Annecy, M. J. SËRAND a encore publié A~M~esK~- documents sur Madame de PFa/'e/!s. Annecy (1901), in-8. Mais surtout, M. Bordeaux, qui discute la communication faite à la Société Florimontane d'Annecy relativement à l'habitation d'Annecy, a eu tort d'ignorer l'étude de M. Th. DUFOUR, Jean-Jacques Rousseau et Madame de tVa/'e/ts. Notes surleur séjour à Annecy d'après des pièces inédites. Annecy, 1878 (avec un extrait du plan cadastral d'Annecy, exécuté en 1730). Paul BouRGET et Michel SALOMON. Bonald. Bloud, in-i6, XL-332 p., 1905.

Ce sont des pages de Bonald annotées par les auteurs et présen-


tées didactiquement par eux en un certain nombre de chapitres précédés d'<?!e/ Il est question de Rousseau à diverses reprises. P. 13: comme Hobbes, comme d'autres, J. J. R. méconnaît la distinction de l'état civil et de l'état /M<M/ p. 1g: il est le « romancier de l'état sauvage s p. 63 sa boutade, que « la parole lui paraît avoir été fort nécessaire pour inventer la parole, vient au secours de Bonald pour sa théorie du langage –pp. 74-77: Comme Montesquieu, J.J. R. s'est hâte de faire des théories avant que le temps lui eût révélé un assez grand nombre de faits, et a il a surtout manqué à leur instruction le plus décisif de tous les événements, la Révolution française x p. iog: Bonald combat le Co/:<a:< social avec la méthode historique, le raisonnement et le bon sens pp. 143, 220-22: contradictions de Rousseau sur la « volonté générale comme Montesquieu, J. J. R. a cru que l'agitation, chez un peuple, était un signe de liberté. Vicomte de BROC. Paysages poétiques et littéraires. Paris, too~. Plon-Nourrit & Cie, in-i6, 300 p. Pp. 136-151, chap. VI, Z.?Me/!ce de Voltaire et de J. J. Rousseau. Les pp. 14.2-igt sont consacrées spécialement à Rousseau, considéré comme éducateur et comme sociologue. Compilation superficielle.

Emile FAGUET. Propos ~:«c/'o'<M, 2me Série, Paris, Société française d'Imprimerie et de Librairie, 1904, in-i8 Jésus. Pp. 363-387 La (( Sophie )) de Rousseau. Coup d'œil sur la pédagogie féminine de Rousseau, l'antiféministe par excellence. Leçons de vertu, apprentissage de la docilité et de la douceur, arts d'agrément, voilà tout son plan d'éducation pour les jeunes filles. Sophie sera « agréable D et ignorante. Contraste complet avec la pédagogie féminine de Fénelon, qui veut une culture très étendue et méprise, au point de les proscrire ou autant dire, les arts d'agrément. Raison de cette différence Rousseau n'a songé qu'au mari, Fénelon qu'à la famille. Sophie est un traité éloquent d'amour conjugal; l'.E<~Kc<~<o/: des filles est un programme de bonne éducation domestique. Et c'est encore en se conformant aux préceptes de Fénelon que la femme saura le mieux se faire aimer de son mari.

Mélanges de philologie offerts à FERDINAND BRUNOT, professeur d'histoire de la langue française à l'Université de Paris, à l'occasion de sa vingtième année de professorat dans l'enseignement


supérieur, par ses élèves français et étrangers, Paris, 1904, in-8, (Société nouvelle de librairie et d'édition achevé d'imprimer le 24 décembre 1904).

Pp. 115-137: article de M. Paul FouQUET, J. J. /?oMsseaM et la .Y!/H/Ma/7'e philosophique.

Un philosophe du XVIII' siècle ne pouvait se désintéresser des questions grammaticales, ni un contemporain et un ami de Condillac rester indifférent au problème des rapports du langage et de la pensée. Quelle fut l'opinion de Jean-Jacques sur les langues, leurs origines, leurs développements, leurs caractères, sur ce qu'elles sont et ce qu'elles devraient être ? C'est ce que l'auteur de l'article a demandé aux divers textes où Rousseau, à des dates différentes, a touché à ces discussions le Z)M(;oM/ .s;< /'o/e et les fondements de /&7c parmi les hommes (1754) l'~ssa: sur l'origine des ~t~MM (date inconnue mais postérieure) quelques pages d'un Essai SK/' les langues entrepris et inachevé (date inconnue mais encore postérieure) quelques pages de la Lettre SK/' la nzusique ~ay:caMe (1753). Sur la question capitale de l'origine du langage, Rousseau a varié. Presque convaincu d'abord, en présence des difficultés du problème, de la nécessité d'admettre une révélation, il exposa plus tard un système romanesque d'après lequel il faudrait distinguer entre les langues du Nord, qui seraient nées des besoins, et celles du Midi, où le cœur et le sentiment les auraient créées. Le premier mot (ce sont ses expressions) eût été ici a~ez-MO: et là aM~KO!. Et de là le caractère dinférent des idiômes selon les climats, les uns voulant < faire sentir », les autres « faire entendre ». Quant à l'humanité actuelle, le langage, suivant les philosophes contemporains de Rousseau, doit y être au service de la raison pour Rousseau, il répond d'autant mieux à sa fonction qu'il sait mieux, en faveur sans doute de la raison, émouvoir d'abord le cœur, l'imagination et les sens. Cela étant, quelles qualités Rousseau a-t-il, par l'effet de son goût naturel, recherché toujours pour son propre style ? Clarté, harmonie et cadence, et aussi, en second ordre, correction et pureté de style. Et quel rôle l'auteur d'Emile attribue-t'il à la science grammaticale dans la formation de l'esprit ? Ici, Rousseau se sépare nettement de Condillac en ce qu'il ne partage pas cette tendance nominaliste, pour parler comme Stuart Mill, qui avait amené le grammairien-philosophe à exagérer si démesurément les services rendus par le langage à la pensée. Non, la grammaire et la logique ne peuvent


pas remplacer l'expérience et l'observation, et Rousseau ne fera pas de l'étude de la grammaire le fondement de l'éducation, et s'il est une science dont on ne puisse pas dire qu'elle n'est qu'une <t langue bien faite », c'est assurément la science de la vie; et Emile, à la différence du Prince de Parme s de Condillac, apprendra à penser dans le grand livre du monde. On sait la place que cette question a occupée dans les controverses pédagogiques du temps, et que finalement les conceptions de Condillac devaient rencontrer une sanction pratique, puisque bientôt le Comité d'Instruction publique devait substituer, dans les Ecoles, à la chaire de philosophie une chaire de grammaire générale. Le plus curieux, c'est que Rousseau, en 1740, fut appelé à instruire, selon ses principes opposés à ceux de Condillac, M. de Ste Marie, qui était le propre neveu de Condillac, alors occupé, dit Rousseau, à x se mûrir en silence » 1

P. 103 dans l'article de M. F. GAIFFE Un ~a/ne SK/' les « /'e/Mplaçantes » en :~i La « t~'<M'e TMè/'e de Moissy ». Innuence de Rousseau sur l'auteur de ce drame, quant aux idées générales, et quant à la pièce elle-même. L'auteur, Moustier de Moissy, imagine de donner une forme dramatique aux éloquentes pages de Jean-Jacques sur l'allaitement maternel.

P. 337-350: article de M. Armand WElL, Sur K/!e /te/'&oy'M~M/: de y<?a/y~f<yKM ~o~sMaH.

Ce n'est pas, comme le titre pourrait le faire croire, une étude botanique. L'auteur prend un texte de Rousseau, le récit de la promenade et du côté de la Robaila » [aujourd'hui Robellaz, près de Neuchâtel /?efe/'tes du ~o/Me~eMy so~a:e, Septiéme jo/'o/Ke/M<~e], au cours de laquelle Rousseau, se croyant dans une solitude profonde, découvre une manufacture de bas et dit luimême sa déconvenue. L'auteur examine attentivement, au point de vue de la critique philologique, ce texte assez court, dont il étudie successivement le foc<x&~a:e, la syntaxe, le style et l'e~semble. La manufacture de bas a-t-elle existé, ou ne fut-elle, comme M. Fritz Berthoud inclinait à le penser (J. J. Rousseau au Val~e-y/'ape/'s, p. 194) que le métier d'un artisan? Peu importe la part de l'imagination; la scène est jolie, et M. Weil en rapproche spirituellement, comme exemple d'un désapointement cruel pour un ami de la nature, une page de l'Itinéraire et un passage des ~e/KOtres ~'of<<e-<e'/K6e.


Aug. de MONTAIGU, Démêlés dit comte de ~/o/!<a~M, ambassa~M/' à Venise, et de son ~ec/'e~e ~ea/ya<KeN Rousseau (1743-1749), Paris, 1904, in-8, XVI-c;6 p. (Typographie Plon-Nourrit & C".)

L'auteur de ce travail est un descendant de l'officier de grenadiers que la protection de Barjac, valet de chambre du cardinal de Fleury, avait transformé en diplomate. Au moyen des Archives du ministère des affaires étrangères et de ses papiers de famille, il a essayé de prendre la défense de l'ex-capitaine, si malmené dans les Con fessions et si sévèrement jugé par Prosper Faugère. L'intention était louable et nous applaudirions à des efforts aussi méritoires si M. Aug. de Montaigu avait montré quelque impartialité. Malheureusement il a dépassé le but, en rapportant ou en imaginant des accusations très invraisemblables. Nous ne citerons que les deux principales.

Dans une lettre postérieure de trois ans au départ de Rousseau et tout en s'abstenant de le nommer, l'ambassadeur prétend (p. 46) l'avoir renvoyé parce qu'il « faisait de la contrebande B. Alors pourquoi n'a-t-il pas formulé ce reproche dans sa lettre à l'abbé Alary, écrite huit jours après la scène du 6 août 1744 et où il énumère violemment, avec une exagération manifeste, tous les griefs qu'il avait contre son secrétaire ? Personne ne prendra au sérieux cette inculpation tardive et ridicule, qui va de pair avec les autres espionnage, vente ou altération (p. 90) du chiffre, etc. Renchérissant sur son ancêtre, M. Aug. de M. reproduit le certificat du 10 avril 1744, déjà donné en fac-similé par Victor Ceresole, et il affirme, sans hésiter, que la a falsification très habile de cette pièce est due à Jean-Jacques. <: Les ministres étrangers, expliquet-il, étaient exempts de payer des droits pour les denrées destinées à leur usage. Elles devaient être, à leur entrée, accompagnées simplement de deux certificats, dont l'un portait la mention manuscrite ~M/?~ca<a et suivait les marchandises, tandis que l'autre restait aux mains de la douane et faisait foi de l'admission en franchise. En effaçant le mot duplicata, on pouvait constituer un nouveau certificat original et doubler ainsi la quantité exempte des droits. Rousseau, qui avait les laissez-passer à sa disposition, ne résista pas à la tentation de grossir ses appointements en employant cette 1 Appointements que son chef ne se décida à lui payer qu'au bout de cinq ans, en 1749 M. Aug. de M. a négligé de mentionner ce retard incroyable.


méthode aussi simple que peu scrupuleuse. Au lieu de gratter le mot duplicata, ce qui eût laissé une trace sur les vergeures et les pontuseaux, il a mouillé le papier, puis légèrement frotté la surface humide, pour n'enlever que les caractères de l'écriture. » Il conviendrait pourtant de réfléchir un peu. L'irrégularité de ce certificat du 10 avril ayant été constatée au bureau de douane de Moranzano, un procès-verbal de saisie (p. 4.7 ) fut dressé le 4 juin, et, le lendemain, Rousseau présentait, <: aux portes de l'ExceIIentissime Collège, s un mémoire de M. de Montaigu relatif à cet abus, déjà signalé auparavant, mais sur lequel le fonctionnaire compétent avait jusque-là fermé les yeux par courtoisie ( Ceresole, p. 22, iog.) Cette date du 4 juin suffit seule, croyons-nous, à innocenter Rousseau, car pour tromper le fisc vénitien, avec l'aide nécessaire de complices qui pouvaient le dénoncer, il n'aurait eu qu'à faire signer par l'ambassadeur, vers la fin de mai, deux certificats réguliers destinés à l'envoi qu'on voulait introduire en fraude. Le comte de Montaigu ne se souciait pas, sans doute, de contrôler ces menus détails d'administration domestique et il se bornait à apposer sa signature sur les pièces préparées par son secrétaire. C'est ailleurs qu'il faut chercher le coupable, et il est beaucoup plus naturel de penser que le passavant du 10 avril, utilisé le 4 juin, avait été conservé et altéré par le conducteur des marchandises ou par un subalterne quelconque, assez ignorant pour ne pas comprendre que l'autre exemplaire, déposé à la douane depuis plusieurs semaines, permettrait aussitôt de découvrir la supercherie. En somme, M. Aug. de M. n'a émis sur cette affaire qu'une hypothèse toute personnelle et gratuite il n'est nullement fondé à proclamer que le document modifié par un inconnu constitue « une preuve irréfutable de a l'indélicatesse s de Rousseau et de <t ses malversations, s

On doit regretter ces imputations, et d'autres. Lancées à la légère, elles déparent un opuscule qui contient des renseignements nouveaux, p. ex. un billet inédit de Jean-Jacques, sans date, que l'auteur croit avoir été écrit à M. de Chavigny. La dernière phrase établit qu'il était adressé au comte de Lautrec, plénipotentiaire du roi de France lors de la médiation genevoise de i737-!738, et sa date, g octobre 1743, n'est pas difficile à déterminer: elle résulte de la lettre du même jour à Mme de Warens. Th. D. 1 L'ambassadeur avait déjà congédié, pour contrebande. deux gondoliers et un gentilhomme de sa maison. Un document du 12 mai 1744 rappelle il disordine che correva a suoi certificati. ( Ceresole, p. 81. )


F. MUGNIER. ~/<!</a/Me de Warens et J. Y. /?o~MeaH. Etude historique et critique, avec un portrait de Madame de Warens, une vue des Charmettes et deux fac-similés, Calmann-Lévy, in-8, vm-444 pp. (1904).

Solde de l'édition de l'ouvrage publié en 1891, présenté dans un format légèrement réduit et avec une couverture différente, destinés à le faire figurer dans la Nouvelle collection historique. Cette étude, due, on le sait, à l'inspiration de MM. Eugène Ritter et Albert de Montet, et qui doit être rapprochée des articles par eux donnés à la Bibliothèque universelle et à la Revue internationale de Rome (cf. aussi Mme de P~re~ le pays de Vaud, par M. Albert de Montet, Lausanne, 1891), n'appartient donc à notre Chronique de 1904 que, pour ainsi dire, à titre de rappel. Nous ne devons ni l'analyser, ni la passer sous silence.

S'il est, dans l'entourage de Rousseau, une figure qui ne saurait laisser indifférents les rousseauistes, c'est bien celle de FrançoiseLouise de la Tour de Chailly, baronne de Warens. Personnellement, elle est assez insignifiante. Mais elle fut l'amie inoubliable des jours de passion, et elle a toujours conservé une place dans la pensée du philosophe. Eloigné, il la tient au courant de ce qu'il fait il la met en garde contre les fripons et contre son esprit d'entreprise il la secourt de sa bourse. Il va la voir avec Thérèse Le Vasseur et s'apitoie sur sa détresse. Morte, il la pleure éloquemment dans les Co/t/MSM/M. Et les dernières pages de sa dernière œuvre, laissée inachevée par la maladie, la Xe Promenade des Rêveries sont consacrées à Mme de Warens. On pense à Mérimée écrivant à Jenny Dacquin peu d'instants avant de mourir. En tête du livre, un portrait de Mme de Warens, d'après un médaillon donné au musée de Cluny par le professeur J. Cloquet, et provenant de la famille Jurine, de Genève. Sur la garantie de la tradition conservée dans cette famille, M. Mugnier refuse de voir Mme de Warens dans le Largillière du Musée Arlaud de Lausanne, comme dans le Largillière d'une collection particulière de Boston (tous deux dissemblables, du reste !) Hors texte, une vue des Charmettes, état actuel le fac-similé d'une page de musique écrite par Rousseau le fac-similé d'une lettre de Mme de Warens. Les manuscrits musicaux de Rousseau sont moins rares que ne semble croire l'auteur. Il demande l'indulgence (p. vn) pour l'orthographe de Mme de Warens et (p. 316) pour celle de Thérèse Le Vasseur, dont il cite une lettre de seconde main. Pour celle-ci, il aurait pu


trouver de curieux éléments de comparaison, et peu connus, dans le tome II (1843) du Musée historique de Neuchâtel et Valaiz~M, pp. 106-109.

Edmond PILON. Portraits /rancaM (Paris, Sansot, 1904, pp. 247258) Les amants de Montmorency.

Le couple chanté par A. de Vigny était-il venu à Montmorency attiré par le souvenir de Rousseau? En quelques pages élégantes, M. P. évoque les origines de ce pélerinage sentimental, la vie à l'Hermitage et à la Chevrette, l'attrait que le peintre de la Nouce~e Heloïse et des Con fessions a de tout temps exercé sur la jeunesse, témoin la visite que lui fit Robespierre, témoin les promenades au ~o/:<Ë/M!7e sous la Révolution, témoin encore les vagabondages de Gérard de Nerval avec Sylvie à travers la campagne d'Ermenonville.

A. F.

Aug. REY. Le CAa~fMM de la Chevrette et Madame d'Epinay, Paris, Plon-Nourrit & Cie, in-16. Avec un portrait.

Une grande porte et sa grille, des communs, un pavillon incorporé à des bâtiments modernes, cachés par des massifs de verdure, voilà tout ce qui subsiste d'un château à jamais fameux dans l'histoire littéraire, tout ce qui rappelle aujourd'hui (au hameau de La Barre, près de Montmorency) la mémoire de Madame d'Epinay. C'est là qu'elle passa dix années de sa vie (1751-1761), là qu'elle connut Rousseau, bientôt installé par ses soins au voisin Hermitage. Le nom a survécu on dit encore La Chevrette. M. Aug. Rey a entrepris d'écrire une minutieuse histoire de ce domaine, depuis ses premiers possesseurs au XVI~ siècle jusqu'à son morcellement au milieu du siècle dernier. Mais un nom comme celui de la mère d'Emilie attire forcément tout l'intérêt dans la monographie la plus consciencieuse, et l'auteur semble en avoir jugé ainsi lui-même, d'après le titre qu'il donne à son ouvrage il s'agit, en réalité, d'une nouvelle biographie de Madame d'Epinay, pour laquelle il se flatte n'est-ce pas un peu une illusion de sa part? d'ajouter quelque chose aux travaux de ses devanciers, MM. Pérey et Maugras. En dépit donc de la division adoptée par l'auteur (cinq chapitres subdivisés eux-mêmes en paragraphes), le livre a pour nous trois parties avant Mme d'Epinay, de son temps, après elle, et c'est la période intermédiaire qui réclame toute notre attention. On peut regretter que l'auteur se soit plus appliqué à accumuler les détails qu'à animer sous nos yeux les grandes figu-


res évoquées par sa plume récit intéressant, non vivant. Sur Rousseau, il est très bref Ici se place l'époque de Rousseau, qui avait plu d'abord à tout le monde en composant de la musique pour les fêtes de la Chevrette. Puis vient le temps de la grande amitié que lui voue Mme d'Epinay, du vif amour qu'il ressent pour Mme d'Houdetot, de l'ombrage qu'il donne à Grimm et à Saint-Lambert, de ces mesquines intrigues où s'engagent de grands noms, de ces misérables querelles où retentissent de grands mots. Je n'ai point à me lancer dans l'imbroglio des Confessions et des Mémoires c'est assez de deux dates ici pour rappeler la durée de l'idylle de l'Hermitage: installé au printemps de 1756, Rousseau en fut renvoyé au mois de décembre 1757. Est-ce assez pour un si grand souvenir ? Je signale à M. Aug. Rey les sentiments que la vue de ces lieux inspirait à un contemporain de Rousseau, dont il fut l'ennemi acharné « Nous faisions assez fréquemment des promenades solitaires, et le but de ces promenades était communément cette châtaigneraie de Montmorency que Rousseau a rendue célèbre. C'est ici, disois-je à ma femme, qu'il a rêvé ce roman d'Héloïse, dans lequel il a mis tant d'art et d'éloquence à farder le vice d'une couleur d'honnêteté et d'une teinte de vertu. (MARMONTEL, Afe/KO!M, X).

Le livre est précédé d'un portrait de Mme d'Epinay, reproduction d'un dessin de Carmontelle (Musée Condé à Chantilly). Combien ce profil idéalisé a moins d'expression que le pastel de Liotard au Musée Rath, à Genève

Ern. ZvROMSKJ, professeur à l'Université de Toulouse. Z/oy'~Me!? humain, Paris, libr. Armand Colin, 1904, in-i8.

Ch. VI. Jean-Jacques Rousseau et André Chénier. i~ partie (pp. 285-306), ~'(9eM~e de Jean-Jacques Rousseau. Dans sa thèse de doctorat ès lettres, La~<i:te/?oè<e lyrique, Paris, i8ç7, M. Zyromski avait consacré plusieurs pages à l'influence de Rousseau sur le poète moderne. (Tout le monde sait qu'un passage d'une lettre de Saint-Preux semble traduit à dessein par un passage du Lac). Nous retrouvons Rousseau dans L'orgueil humain. Certes, une place lui revenait de droit dans cette esquisse d'un système philosophique qui inscrit parmi ses propositions fondamentales « Tout ce qui, dans l'homme, vient de la nature est bon. Tout ce qui, dans l'homme, vient de l'homme, est une déformation souvent funeste, toujours inquiétante, de la nature. Ce n'est pas que M. Zyromski n'ait que des éloges pour


Rousseau, tant s'en faut. Jean-Jacques Rousseau a dénoncé le mal, proclamé les méfaits des hommes, démontré la banqueroute de la civilisation par l'évidence de nos malheurs et de nos désordres L'Emile, son livre essentiel, nous apporte un enseignement solide en nous donnant la nature comme guide souverain. Voilà le principe trouvé. Pourquoi Rousseau l'abandonne-t-il ? Parce qu'il suit non la nature, mais une méthode abstraite, imposée par les préjugés de sa pensée, par la dialectique de ses contemporains, par son défaut de science historique. Savoir insuffisant, fausse conception de la nature, pédagogie qui dégénère en satire, tels sont les défauts du gouverneur d'Emile, parce que le gouverneur d'Emile, c'est Rousseau. Et voici que le Co/!<a< social est le désavœu de l'.E'/K!7s. II détache la cité du lien qui doit la rattacher à la nature. Il ne demande plus à la nature, mais à l'homme, de déterminer la loi de l'homme. C'est un échec complet Jean-Jacques renie JeanJacques Il rejette d'abord, il prolonge ensuite l'erreur humaniste il oublie ou désavoue la révélation qu'il apportait aux hommes. Dans la Revue latine (zg mai 1904, p. 267), M. Em. FAGUET reproche à l'auteur d'avoir trop écourté son développement sur Rousseau, et M. Zyromski (25 juin 1904, p. 323) reconnaît que le chapitre de son ouvrage est, en effet, < insuffisamment explicite. »

Bulletin de la Société de r~M<o!g du Protestantisme /ra/:c~M, janvier-février 1904, pp. 36-39 Eug. RiTTER, Encore un mot SM/' Didier Rousseau (avec un tableau généalogique). Une tradition conservée dans une famille vaudoise voudrait que celle-ci fût de la parenté de Rousseau, comme se rattachant à Didier Rousseau, quartaïeul de Jean-Jacques. Deux érudits, M. Emile du Plessis-Gouret et M. Eugène Ritter, que ne pouvait laisser indifférent un problème de filiation rousseauiste, ont voulu vérifier cette tradition, et de patientes recherches leur ont fait connaître qu'elle n'est pas fondée. Les personnes qui s'en prévalent descendent en réalité de deux réfugiés français, établis dans le pays de Vaud aux environs de 1700, tous deux appelés Rousseau. Mais, chose curieuse, l'un d'eux était originaire de Linas (Seine et Oise), pays tout voisin de Montlhéry, d'où était originaire Didier Rousseau. S'il ne descendait pas de Didier, qui depuis longtemps avait fait souche à Genève, ne se peut-il qu'il ait été son parent et qu'il y ait eu, daus cette contrée, une race Rousseau, comme disent les généalogistes ?.


Revue latine, 25 mars 1904 Emile FAGUET, Jean-Jacques Rousseau scolaire.

M. Georges Beauvalon, professeur de philosophie au lycée de Caen, a publié en 1903 (Paris, Société nouvelle de librairie et d'édition) une édition du Co/t<a< social, avec une introduction. M. Emile Faguet fait la critique de cette introduction, des tendances sociologiques qu'elle révèle ou reflète dans lesquelles il voit la doctrine officielle et classique, scolaire et à l'usage des classes eni904' et notamment des efforts tentés par l'auteur pour concilier les textes du Contrat social où Rousseau apparaît comme libéral et ceux où il professe le despotisme absolu et fondamental de la majorité des votants.

Revue Me~e, 19 novembre 1904, pp. 666-672 Edm. PILON, DeuxSavoisiennes passionnées de de Chantal à A~ de M a/'e/:s.

Savoisiennes d'adoption, car la première est née à Dijon, la seconde à Vevey. Toutes deux cependant, selon l'auteur, appartiennent à la Savoie, puisque toutes deux ont choisi, « pour vivre dans la retraite et l'éloignement du monde, ce pays de lacs et de montagnes, ces douces vallées, ces villes anciennes peuplées de béguinages et de palais. » (Béguinages est impropre pour cette région, mais il n'importe). Et toutes deux reposent en Savoie, la première au couvent de la Visitation d'Annecy, la seconde au petit cimetière de Lémenc, près de Chambéry. C'est peut-être là le trait le plus saillant du parallèle que l'auteur trace d'une manière nécessairement un peu large, entre la pieuse abbesse, gagnée à la vie religieuse par l'onction de François de Sales, et la bourgeoise libertine, gagnée par Rousseau non à des joies terrestres qu'elle eût connues sans lui, mais à l'immortalité littéraire.

HOLLANDE

Cd Busken HUET, Oude Romans [i* édition, 1879], 2" édition, Haarlem, Tjeenk Willink, 1904.

Dans son livre Oude Romans (Vieux Romans), Busken Huet, le célèbre essayste néerlandais, mort en 1886, consacre un assez long article à la Nouvelle Héloïse. Il commence par constater


l'oubli presque complet dans lequel est tombé ce roman, oubli qu'il explique par la longueur de plusieurs tirades, par la forme épistolaire et par le changement dans le goût du public. Pourtant Busken Huet est loin de nier la réelle valeur du roman et cite avec admiration quelques parties, entre autres, la lettre que Saint-Preux écrit à Julie après avoir reçu son portrait, et celles qu'il écrit de Paris, qui sont des chefs-d'œuvres d'observation. Au reste, pour comprendre le succès que ce roman a eu lors de son apparition, il ne faut pas oublier que Rousseau le premier a fait parler la voix de la nature et de la passion dans ce siècle sec et artificiel.

Avant d'étudier les différents caractères, le critique s'arrête au titre, qu'il ne comprend pas. Rousseau aurait-il voulu avertir les jeunes filles de ne pas lire son livre, comme il le dit lui-même ? C'est peu probable, car la véritable Héloïse inspire plus de pitié que d'horreur, et puis la Nouvelle Héloïse n'est pas un livre immoral c'est un tableau du bonheur le plus pur dans un mariage légitime. Il faut tout de même être paradoxal comme Rousseau pour donner comme base à cet amour idéal une liaison entre la jeune fille et son précepteur. Entre Heloïse et Julie il n'y a d'ailleurs de ressemblance que leur chute; le reste de leur vie offre de tels contrastes, que Busken Huet se demande si Rousseau n'a pas voulu écrire une anti-Héloïse et montrer que Julie a mieux compris la vie qu'Héloïse (voir la lettre que Claire écrit à Julie, IVe partie, lettre XIII « Cousine tu fus amante comme Héloïse; te voilà dévote comme elle. Plaise à Dieu que ce soit avec plus de succès ~). En tout cas, il règne plus de paix dans le cœur de Julie que dans celui de l'abbesse du Paraclet. Celle-ci lui étaitelle pour cela inférieure? et n'était-ce pas une tâche plus difficile de donner un exemple d'activité et de piété avec une telle blessure au cœur ? La réponse ne peut-être douteuse. Julie est bien éloignée de l'idéal de chasteté, et dans sa piété il y a plus d'amourpropre que d'humilité. Rousseau a essayé en vain de faire disparaître les dissonances dans la vie de son héroïne même comme enfant de la nature elle ne peut plaire qu'à demi, car elle reste toujours une prêcheuse en outre elle est beaucoup trop précoce pour une jeune fille.

Busken Huet n'aime ni le caractère de Wolmar, ni celui de Claire. Un homme de cinquante ans qui épouse de la main gauche une jeune et belle femme de vingt ans, sous le prétexte généreux de la réhabiliter, fait sur lui une impression étrange. Il reproche à Claire d'être trop l'ombre de Julie. Sa gaîté paraît forcée. Quant à


St-Preux, il trouve son caractère mieux peint et plus conséquent que les autres. St-Preux montre partout une grande fermeté d'âme (en particulier dans sa lettre à lord Bomston sur le suicide). Ne demandant ni argent, ni dignités, il n'a qu'une passion, son amour pour Julie, et on peut comprendre que la vie n'ait plus de valeur pour lui, lorsqu'il l'a perdue pour toujours pourtant il résiste à la tentation de se suicider. Ce qu'il devient, l'histoire ne nous l'apprend pas, mais sans doute il n'aura pas passé le reste de sa vie dans l'oisiveté et la tristesse. Il laisse l'impression d'un être extraordinaire, trop sensible et trop exalté pour la vie de tous les jours, d'un héros de roman parfois un peu ridicule, mais en qui éclatent cependant le désintéressement et la foi dans la poésie de la vie. Marie ENKLAAR.

RUSSIE

OeM~e.! fo/M~/c~es de J. J. 7?OM~seaM, traduites en russe sous la direction de N. Berdiaëff, Kïeff, Fuchs, 1904, t. I.

SUISSE

G. DE REYNOLD. J. Rousseau et ses contradicteurs du premier < discours s à l'Inégalité, 1750-1755. Extrait de la Revue de ~~OHr~, Fribourg, Imprimerie de l'œuvre de Saint-Paul, broch. 40 p. in-8, 1904.

M. G. de Reynold étudie et expose dans cet opuscule les controverses soulevées par le Discours de J. J. Rousseau sur le progrès des sciences et des arts, composé en 1749, couronné à Dijon et publié en 1750, depuis la critique publiée en février 1751 parles Mémoires de TVepoK.r jusqu'à la lettre de Voltaire à J. J. Rousseau, de 1755, qui sert de préface à l'Orphelin de la Chine et où, sous prétexte d'accuser réception du second discours, Voltaire répond au premier. Critiques, réfutations, ripostes, tentatives de conciliation, rien n'a échappé à la consciencieuse investigation de l'auteur, qui a rendu encore un vrai service aux chercheurs en dressant, à la fin de son opuscule, le répertoire chronologique et bibliographique complet des faits de la cause. G. V.


La Semaine littéraire (Genève), nos des 9 et 16 janvier 1904: Gaspard VALLETTE, J. J. Rousseau CM de l'Institut, analyse et jugement de l'ouvrage de J.-F. Nourrisson, Rousseau et le /?OKMe<:MM/Me (1903).

Bibliothèque ~M~e/'se~e et Revue suisse, t. XXXVI, octobre 1904, pp. 107-125: Hippolyte BuFFENOiR, Jean-Jacques Rousseau jugé par G/'C<M.

Réflexions et anecdotes extraites des ~Mo:es de Grétry. L'auteur de Guillaume Tell a fait la connaissance de Rousseau le soir de la première de la Fausse /?M~e (1775). Admirateur enthousiaste de l'écrivain, il juge avec indulgence l'homme et sa misanthropie, se porte garant de l'authenticité du Devin du Vil~~e, et à ce propos reconna~ un bon amateur dans le musicien. Cela ne l'empêche pas de discuter ses idées sur la musique et la langue française, idées fausses auxquelles il oppose le propre témoignage des œuvres du philosophe. L'article met en lumière plusieurs traits du Jean-Jacques des dernières années, en insistant sur son bon naturel, sa fierté et son désintéressement.

La Semaine ~'Me/'a!e [Genève], 17 décembre 1904. Théophile DUFOUR, Jean-Jacques Rousseau chimiste.

Description et extraits du manuscrit des Institutions chimiques, donné à la Bibliothèque publique de Genève en décembre 1904. M. Théophile Dufour place dans les années 1746 à 1748 cet ouvrage de Rousseau, jusqu'ici ignoré.

A. F.


CHRONIQUE

EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DU COMITÉ. Séance du 7 juin ~904. Le comité élu par l'assemblée constitutive du 6 juin 1904 se constitue comme suit M. Bernard Bouvier, président M. Eugène Ritter, vice-président M. Maurice Trembley, secrétaire M. Jean Debrit, secrétaire-adjoint M. Alfred Cartier, trésorier. MM. Théophile Dufour, Henri Fazy, Gaspard Vallette, à Genève. MM. Philippe Godet, à Neuchâtel; Albert Jansen, à Gries-Bozen (Tyrol) Lucien Pinvert, à Paris. La Commission des publications est composée de MM. Eug. Ritter, G. Vallette et du président. La Commission des archives est composée de MM. Alfred Cartier, Hippolyte Aubert et du président. Le comité décide de souscrire pour la somme de cinquante francs à l'érection du buste de J. J. Rousseau dans l'Ile de St-Pierre; et pour la somme de cent francs à l'achat des Charmettes. Séance du ~9 ~o~/M~e 1904. Consulté sur l'inscription à graver sur une plaque qui doit être placée à la Grand'Rue, sur l'emplacement où se trouvait la maison natale de Jean-Jacques, le Comité se prononce en faveur de la rédaction suivante <: Ici s'élevait la maison où Jean-Jacques Rousseau est né le 28 juin i 712. o –Les commissions rendent compte de l'état de leurs travaux. La Commission des publications adresssera aux membres de la Société une circulaire pour les inviter à collaborer aux Annales. Séance du j~O <~ece/M~y'e ~904. Le Comité est informé que M. Lucien Pinvert a bien voulu se charger de copier les fiches de la Bibliothèque nationale (Paris) qui se rapportent à J. J. Rousseau. A propos d'une lettre autographe de Rousseau, en vente chez Madame Vve Charavay à Paris, et dont le Comité décide de faire l'acquisition, M. Théophile Dufour donne d'intéressantes indications sur les lettres de Rousseau qui sont encore en circulation et que l'on voit apparaître de temps en temps dans les ventes d'autographes. La Commission des publications rapporte sur les devis et propositions qu'ont présentés divers éditeurs et imprimeurs. Elle conclut au choix de M. Alexandre Jullien, libraire à Genève, et de la Société générale d'Imprimerie, à Genève, comme éditeur et impri-


meur des Annales J. J. R. Le Comité adopte ces conclusions et charge son président de signer le contrat d'édition avec M. Alexandre JuUien.

Séance du 3 juin 1905. Le président annonce qu'il a reçu de Madame Jean Lambert, en souvenir de Monsieur Mara, son père, un don de mille francs pour la Société J. J. R.

Le Comité décide qu'il n'y aura pas d'assemblée générale en 1905, puisque le premier exercice s'étend jusqu'à la fin de l'année. La première assemblée générale aura lieu au printemps de l'année 1906. Elle nommera des vérificateurs des comptes pour l'exercice écoulé et pour le nouveau.

Le Comité entend le rapport de la Commission des archives et approuve ses achats. H décide qu'une circulaire sera envoyée aux membres de la Société, pour les informer des décisions prises et leur annoncer le premier volume des Annales J. J. R.

Nous devons à la complaisance empressée de M. Wendell Ph. Garrison, directeur du journal The Nation, à New-York, l'épreuve au charbon d'après laquelle a été reproduit le portrait de J. J. Rousseau placé en tête de ce volume. L'original, peint par Ramsay, en 1766, à Londres, est conservé, comme on sait, à la Galerie d'Edimbourg.

La carte de a membre annuel de la Société J. J. R., pour le premier exercice 1904-1905, est la reproduction du pastel de La Tour qui se trouve au Musée d'Art et d'Histoire de la Ville de Genève. Chaque année, nos « membres annuels recevront de la même manière un portrait de Rousseau ou une estampe intéressante. Quant aux « membres perpétuels », leur diplôme est orné d'un fac-similé de la gravure de Ficquet d'après La Tour. L'original a été obligeamment mis à notre disposition par M. le Dr H. Maillart-Gosse, à Genève.

La Bibliothèque publique de la Ville de Genève a reçu récemment de M"*= Nicole Du Pan, le manuscrit des Institutions chimiques de J. J. Rousseau. Ce document provient de Paul Moultou, l'ami de Rousseau, dont M"<= Nicole Du Pan est l'arrière petite-fille il est divisé en quatre livres, comprenant 1203 pages, d'une écriture régulière, très facile à lire.


Si cet important travail de Rousseau a passé jusqu'à présent entièrement inaperçu, ce dont on peut s'étonner à juste titre, c'est qu'il a été considéré comme un extrait de cours et non pas comme une œuvre originale. M. Théophile Dufour, qui, le premier, a consulté le manuscrit, a montré qu'il s'agit bien d'un travail personnel, fait d'après un brouillon, et que l'hypothèse de notes de cours doit très probablement être écartée.

Le premier volume des Annales devait contenir quelques fragments du 2~ livre des Institutions chimiques, que je m'étais chargé de choisir sur la demande de la Commission des publications mais, en étudiant le manuscrit, j'ai constaté que la plus grande partie du ze livre est une traduction libre des Elementa C/M/HM' de Boerhave. II est donc permis de supposer que les autres chapitres sont empruntés eux aussi à des ouvrages scientifiques du XVIII~ siècle. Le manuscrit des Institutions chimiques ne pourra par conséquent être publié en entier, ou même par fragments, que lorsque le texte de Rousseau aura été comparé à celui des nombreux ouvrages qu'il cite.

Quant aux deux feuillets séparés traitant du cuivre qui accompagnent le document, et qui probablement sont un fragment d'un 5< livre, j'en ai retrouvé partiellement le texte dans le Conspectus cAe/K!cë ~eo/'e<!co-/?7-ae<ea° de D. Johann Juncker, Magdebourg 1744, tome I, pp. 903-904. [M. GAUTIER].

Le manuscrit dont il est question dans la note précédente due à M. Maurice Gautier, docteur ès sciences, a été découvert par M. Théophile Dufour dans les papiers de la famille Moultou qui se trouvent à Trélex, près de Nyon (Canton de Vaud). M. Dufour en a publié deux descriptions, l'une dans la Semaine littéraire de Genève, n° du 17 décembre 1904, l'autre dans une brochure plus détaillée et munie d'un fac-similé Les Institutions chimiques de J. 7. Rousseau, Genève, Imprimerie du Journal de Genéve, janvier 1905, 23 p. in-8°.

Le nouvel ouvrage de M. H. Buffenoir, La Comtesse d'Houdetot, sa famille, ses amis, qui vient de paraître chez Leclerc, à Paris, est destiné à mettre en valeur un lot de dix-huit lettres inédites adressées par Rousseau à Mme d'Houdetot, d'octobre 1757 à mars 1758. Elles ont été communiquées à M. Buffenoir par M. le comte Foy, arrière petit-fils de la comtesse, qui en est le propriétaire. Dans une conférence-lecture faite en février dernier à l'Uni-


versité de Genève, le savant éditeur a bien voulu donner aux compatriotes du philosophe la primeur de quelques fragments remarquables de ces lettres. Les Annales de igo6 auront l'occasion de revenir avec plus de détails sur l'ouvrage de M. Buffenoir. M. Edouard Rod a écrit, dans le /~a/'o du 8 juillet 1904, un article intitulé Z/c/:i~7Mc de Rousseau. La Semaine lit~e/t'e de Genève des 7, 14, 21, 28 janvier, 4 et 1 février 1905, le Journal de Ge/tècg des 19 décembre 1904 et i~ janvier 1905, la /?ec/<e historique de septembre-octobre 1905, ont publiés des extraits détachés en bonnes feuilles du prochain ouvrage du même écrivain sur Jean Yac~e. Rousseau et les affaires de Ge/:è~e. L'extrait de la Semaine littéraire est intitulé Rousseau et les Genevois avant le « Co/!<a< M'cM~)) celui du Journal de Ge/!èfe L'Abdication (de Rousseau comme citoyen de Genève) celui de la ~e~e historique La Condanznation (de l'Emile et du Cc'/t<y'a< social).

Le Siècle du 7 février 1904 (6ge année, n° 24, 881) a publié en feuilleton un article de M. Marcellin Pellet Les /Ma/!Hsc/s de J. J. Rousseau au .P<~aM-BoM/'6o/ où il rappelle comment la veuve de Rousseau vint offrir à la Convention Nationale l'exemplaire manuscrit des Con fessions que Jean Jacques avait signé à son usage et porté jusqu'à sa mort, cousu dans la doublure de son habit. M. M. Pellet donne en outre quelques détails sur les manuscrits de Rousseau qui se trouvent aujourd'hui à la Bibliothèque de la Chambre des Députés.

Le journal américain The ~<?/j Post, de New-York, dans son numéro du 9 avril 1904, a publié un article de M. Albert Schinz intitulé 77;e T/'Mf Likeness o/'7?OKMeaM. Le Temps du ig mars 1904 a publié un article de M. François Ponsard intitulé Lesy~M de l'Histoire. Deux ans de la vie de Jean-Jacques. Z/aM&e/e de la « Fontaine ~'o/'H. Il y est question du séjour de Rousseau à Bourgoin, de son mariage en cette ville, de Thérèse Levasseur, le tout d'après les souvenirs curieux et rares d'un contemporain.

Le Journal des Débats du 28 avril 1904 a publié un article signé Fernand Bournon sur Les souvenirs de Y. Y. ~RoMsseau à Montmorency. Il y est traité de l'état actuel de l'Hermitage,


de l'état actuel de la maison de Mont-Louis, et surtout du petit musée fondé par quelques admirateurs de Rousseau dans une maison de Montmorency, d'ailleurs arbitrairement choisie. Les conférences et cours suivants relatifs à Rousseau ont été donnés en 1903-1904

Université de Genève, 1903-1904: M. Bernard Bouvier, professeur de langue et littérature françaises, un cours sur l'~M~e et la Vie de J. J. Rousseau.

Académie de Neuchâtel, 1903-1904. M. Philippe Godet, professeur de littérature française, un cours sur J. J. Rousseau. Ecole polytechnique fédérale de Zurich, 1903-1904: M. P. Seippel, professeur de langue et littérature françaises, un cours sur JeanJacques Rousseau.

Université d'Aix-Marseille, 1903-1904 M. J. Ducros, doyen de la faculté des Lettres, un cours sur J. J. Rousseau. Université de Bonn, semestre d'été 1904 M. Gauffinez, professeur extraordinaire de littérature française, un cours sur 7. J. Rousseau.

Université d'Iéna, semestre d'hiver 1904-1905: M. Heinr. Stoy, privat-docent, un cours sur I'.Ë'/Kt7e de Rousseau.

« Freies Deutsches Hochstift a à Frankfort s. M., semestre d'hiver i903-!9o4 M. H. Morf, professeur à l'Académie des Sciences sociales et commerciales, cinq conférences sur J. 7\ Rousseau (vie et principaux ouvrages).

M. Benrubi, doct. en philos., de Berlin, a fait au Congrès de philosophie qui s'est tenu à Genève du 4 au 8 septembre 1904, une communication intitulée J. J. /?oMsseaH's -Fb/er{/F der 7?MC~eA/' .ZM7' Natur (v. 7/< Congrès international de philosophie, rapports et comptes rendus, Genève, 1905, pp. 264-281). Cette communication contenait la substance d'un livre que M. Benrubi a publié depuis sous ce titre J. TPoKMeaM's ethisches Ideal (Langensalza, 1905). Le second volume des Annales, dans la bibliographie de l'année 1905, donnera une analyse de cet ouvrage fort intéressant.

M. Louis Thomas, docteur en théologie, que notre Société a perdu le 21 août 1904, avait été un de nos membres fondateurs les plus dévoués au principe de notre association et les plus con-


vaincus de son utilité. Venu tard aux études rousseauistes, après une longue carrière de pasteur et de professeur, M. Louis Thomas s'était adonné, avec toute la ferveur de sa nature optimiste et enthousiaste, à diverses recherches biographiques et critiques sur Rousseau. Il en a publié le résultat dans une série d'articles du Journal de 6'e/:è~e, articles réunis plus tard en quatre brochures dont voici les titres G/Y:/M'e-Ca/M~ et J. J. /?OMMeaM, Genève, 1901; ~e/tèce, 7?oKsse<< et Voltaire, 1755-1778, notes et considérations générales, Genève, 1902 La réhabilitation /)M~'<yHe de J. J. Rousseau, Genève, Imprimerie du Journal de Genève, 1903 La <~e/'7t:e/'e phase de la pensée religieuse de J. 7. Rousseau ou son Fragment allégorique sur la Révélation, Lausanne, G. Bridel et Paris, Fischbacher éditeurs, 1903. Il y aurait bien des réserves à faire et même des objections critiques à présenter sur plusieurs points de la première étude et de la quatrième, mais nous devons nous borner à constater ici la patience et la ferveur presque enthousiaste du partisan et de l'admirateur de Rousseau que fut, dans les dernières années de sa vie, ce docte représentant du protestantisme le plus orthodoxe. [G. V.] M. François Mugnier, Conseiller à la Cour d'appel de Chambéry, est mort le 22 mars 1904, à l'âge de 72 ans. Il a présidé longtemps la Société savoisienne d'histoire, dans les Mémoires de laquelle il a publié toute une série d'intéressantes études historiques et biographiques.

Son livre Madame de Ma/'e/M et J. J. /?oMsseaK' est un des meilleurs ouvrages parmi ceux qui doivent figurer dans la bibliothèque des amis du philosophe genevois. Magistrat judicieux et expérimenté, versé dans la connaissance des choses de Savoie, M. Mugnier a retracé avec beaucoup de fidélité et de soin la seconde moitié de la vie de madame de Warens, si intimement liée à celle du jeune homme dont elle a été la protectrice pendant douze ans. [E. R.]

Le 2 6 juin 1904 a été inauguré dans l'Ile de Saint-Pierre un buste de Rousseau, redroduction de l'original de Houdon. Le Dr Arnold Bovet avait pris l'initiative de la souscription; les fonds 1 Paris, lib. Lévy, 1891, VIII et 443 pages in-8. Cet ouvrage est pour ainsi dire la suite et le complément du livre de M. Albert de Montet Madame de Warens et le pays de Vaud. Lausanne, 1891.


avaient été recueillis par la Revue jurassienne. La cérémonie d'inauguration, sans caractère officiel, groupa, avec des personnes venues de Neuveville et des villes voisines, les délégués de quelques sociétés littéraires, parmi lesquelles figurait la Société Jean Jacques Rousseau. Elle fut suivie d'un banquet. M. Philippe Godet prononça un discours que la Semaine littéraire de Genève du 2 juillet 1904 a reproduit, à la suite d'un article de M. Philippe Monnier, témoin de la fête.

Le 25 septembre 1904 a été inauguré dans la propriété de M. Auguste Castellant, les Charmettes s/Largny (Aisne), un buste de J. J. Rousseau, œuvre, en partie du moins, de M. Castellant luimême. Le Réveil Soissonnais du 27 septembre 1904 a rendu compte de la cérémonie, au cours de laquelle a été signalée la fondation de notre Société.

Au sujet de la statue de J. J. Rousseau qu'il est question d'élever à Montmorency, nous avons reçu de M. J. Ponsin, architecte à Montmorency, la communication suivante

« Le premier monument qui fut élevé en France à J. J. Rousseau, en 1791, était à Montmorency, et ce monument, détruit sous la Restauration, n'a jamais été remplacé. La nouvelle Municipalité, décidée à réparer cet oubli, a ouvert une souscription internationale dont le président d'honneur est le savant M. Berthelot. La statue en bronze, d'après la charmante maquette de Carrier-Belleuse, sera érigée sur le Rond-point. De ce rond-point partent plusieurs avenues et on se demande déjà de quel côté sera placée sa figure. Jean-Jacques tournera-t-il le dos à la Chevrette, quittera-t-il l'Hermitage pour se diriger vers Eaubonne, ou bien ira-t-il vers MontLouis et vers le parc du maréchal de Luxembourg ? On se souvient que le 21 décembre 1897, M. Emest Hamel déposait sur la tribune du Sénat un projet de résolution tendant à faire exécuter en marbre les mausolées de Voltaire et de Rousseau au Panthéon. Une commission fut nommée dont faisaient partie MM. M. Berthelot président et J. Fabre rapporteur. Le 8 mars 1898, sur son rapport favorable, le Sénat adoptait la proposition Hamel par 232 voix contre 28. Depuis lors, il n'y a pas été donné suite. Par lettre datée du 20 mars 1904, M. Hippolyte Buffenoir, l'infatigable historien de Rousseau, a rappelé ce vote au ministre en


faisant valoir les raisons qui militent en faveur d'une prompte exécution. (Cf. Les ~o/M~eaH.r de J?of;sseaM et de Voltaire au Panthéon, lettre adressée à M. Chaumié, sénateur, ministre de l'Instruction publique, par Hippolyte Buffenoir, Paris, chez l'auteur, 1904, 8 p. in-8.) M. Buffenoir nous fait savoir que sa lettre n'aura pas été inutile. Le gouvernement français, en effet, s'est occupé de la question du tombeau des deux philosophes, et bientôt les travaux nécessaires commenceront au Panthéon.

Grâce à l'active campagne dirigée par M. Antoine Perrier, sénateur de la Savoie, les Charmettes ne seront pas vendues au premier venu, comme on l'avait pu craindie un moment. Sur la proposition du Sous-Secrétaire d'Etat des Beaux-Arts, le ministre de l'Instruction publique a en effet décidé d'accorder une subvention de 2 g. ooo francs à la ville de Chambéry pour l'aider à acquérir la maison de Mme de Warens, la ville s'engageant de son côté à parfaire la somme de go.ooo francs, convenue pour l'achat définitif. Le ministre a en même temps prononcé le classement dans la liste des Monuments historiques. M. Perrier, aux efforts duquel nous sommes heureux de pouvoir rendre publiquement hommage, a bien voulu communiquer lui-même cette bonne nouvelle au président de la Société J. J. Rousseau, par lettre datée du t2 mars 1905. Il y a joint le texte du message à lui adressé par le Sous-Secrétaire d'Etat, et que nous reproduisons à titre de document.

Ministère

de l'Instruction publique des Beaux-Arts

et des Cultes

Sous-Secrétariat d'Etat

des

Beaux-Arts

Monuments historiques

Le Sous-Secrétaire d'Etat des Beaux-Arts

à Monsieur Perrier, Sénateur de la Savoie.

Monsieur le Sénateur.

J'ai l'honneur de vous faire connaître que M. le Ministre vient d'accorder, sur ma proposition, une subvention de zg.ooo francs

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Palais-Royal, le 10 mars 1905


à la ville de Chambéry, pour l'aider à acquérir la maison des Charmettes, au prix convenu de 5o.ooo francs.

M. le Ministre a, en même temps, prononcé le classement parmi les Monuments historiques de cet immeuble, qui bénéficiera ainsi désormais de la protection de la loi du 30 mars 1887. Je suis heureux, Monsieur le Sénateur, qu'il m'ait été possible dans cette circonstance de tenir compte du vif désir que vous m'avez exprimé, et je vous prie d'agréer l'assurance de ma considération la plus distinguée et mes meilleures amitiés. Le Sous-Secrétaire d'Etat des Beaux-Arts,

(Signé) Dujardin-Beaumetz.

On sait qu'en 179 3, les autorités genevoises, voulant honorer la mémoire de l'auteur d'Emile, avaient ordonné que la rue de Chevelu, « qu'on présume celle dit le registre de l'époque –dans laquelle était située la maison où il naquit, changeât de nom, et fût appelée rue Jean-Jacques Rousseau.

On sait aussi qu'en 184.9, M. Théophile Heyer a montré l'inanité de cette « présomption les pages judicieuses qu'il a écrites à ce sujet se lisent au tome IX des Mémoires de la Société genevoise d'histoire.

L'automne dernier, l'Association des Intérêts de Genève a fait rectifier l'inscription placée à la rue Rousseau. Cette mestjfe vient d'être complétée par la pose d'une plaque épigraphique sur la façade du n° 40 de la Grand'Rue.

Placée au-dessous du médaillon en bronze de Jean-Jacques, cette plaque porte le texte suivant

1712–1778

Ici

s'élevait la maison

Jean-Jacques

Rousseau

est né

le 28 juin 1712 z

Cette maison avait été achetée par son bisaïeul, Egrège-François Machard, praticien et notaire, bourgeois de Genève, pour le prix de 5553 florins. Le contrat de « subhastation », mentionné dans l'inventaire des biens d'Egrège Machard, était daté du 6 juillet 1644.


Dans le partage de son hoirie, cet immeuble fut attribué à sa fille cadette, Anne-Marie Maehard, qui venait d'épouser (29 juillet 1672) Jacque Bernard, maitre horloger.

La fille de ces deux époux, Suzanne Bernard, fut la mère de Jean Jacques Rousseau. Elle vécut dans la maison dont nous parlons, elle y mourut. Après sa mort, son mari vendit cette maison, qui fut ensuite démolie et reconstruite.


TABLE DES MATIERES

Pages

Statuts. i Liste des membres v La Société Jean-Jacques Rousseau, par EUGÈNE RITTER. i Rousseau et le docteur Tronchin, par HENRY TpONCHiN. 25 Madame de Charrière et Jean-Jacques Rousseau, par PmLIPPE GODET 67 7 Quelques documents inédits sur la condamnation et la censure de l'Emile et sur la condamnation des Lettres écrites de la Montagne, par GUSTAVE LANSON og I. Extrait des registres du Parlement noms des ma-

gistrats qui condamnèrent l'Emile (p. 96)

II. Lettre du Premier Président Molé (sans doute à un

ami de Rousseau) (p. 100).

III. Lettre du Procureur Général au Chancelier et au

comte de Saint Florentin (p. ioi).

IV. Extraits des Procès verbaux des Assemblées de la

Sorbonne (en latin) (p. 108).

V. Note sur les Assemblées de la Sorbonne adressée au

P. G. (en français) (p. no).

VI. Lettre du Cardinal de Bernis sur les censures de la

Sorbonne (p. :l~).

VII. Lettre du Procureur Général notifiant au Vice-Chan-

celier et au Comte de Saint-Florentin les deux

arrêts du 19 mars 176; (p. 115).

VIII. Extraits des registres du Parlement. Noms des juges qui condamnérent les Lettres &r!<M la MoM-

~ne(p.n6).

IX et X. Extraits des libelles religieux condamnés le 19 mars (p.!24).


P'ge*

XI. Note du lieutenant de police sur le Dictionnaire Pages

~Mojo~M~M de Voltaire (condamné le ig mars,

(p. 129).

XII et XIII. Lettre et note du lieutenant de police concernant le Dictionnaire philosophique et les Lettres écrites de la

MoM/a~Ke (p. 129).

XIV. Note de l'Avocat Général et du Procureur Général surCandide <!7;9) (p. 13!).

XV. Lettre du Procureur Général sur le colportage des

mauvais livres (1768) (p. 133).

XVI. Principes du Procureur Général sur la censure des Livres (1768) (p. 133).

XVII. Note de police sur le séjour de Rousseau à Amiens en 1767 (p. 13;).

Appendice par BERNARD] B[ouviER] 137 A. Extrait du bref du Pape Clément XIII, du 26 octobre 1763 (P. i37)-

B. Extrait d'une lettre de Fr. Grasset à J. J. Rousseau, du 8 avril 176; (p. 138).

C. Extrait du catalogue des livres condamnés par l'Inquisition, en 1789 (p. 139).

La partition originale du .PM,'7Ka~o/! de J.J. Rousseau par EDGAR ISTEL 141 Appendice. Extraits de la partition de .Py~TMa~M/t 172 z n8 i, andantino (p. 173) n' 2 (p. 17;) 3, andante (p. 176). TEXTES ET DOCUMENTS

Pages inédites de Jean-Jacques Rousseau. Première série, par THÉOPHILE DUFOUR 170 g I. 'Sur les femmes] (p. 202).

II, Sur l'éloquence') (p. 205).

III. Un ménage de la rue Saint-Denis] (p. 206).

IV. Sur DieuJ (p. 207)

V. Essai sur les événements importants dont les femmes ont été la cause secrète (p. 209).

VI. Chronologie universelle, ou Histoire générale des temps, depuis la création du monde jusqu'à présent, composée

et dressée par Rousseau pour son usage (p.213).

VU. Prière (p. 221).

VIII. [Prière] (p. 224).

IX. La découverte du Nouveau Monde (p. 229).

X. Note mémorative sur la maladie et la mort de M. Deschamps (p. 237).

Les Fêtes de Ramire, par E[uGÈNE] R[iTTER] 246 Une visite à Rousseau en 1771 260 La sépulture de Jean-Jacques Rousseau au Panthéon, par G[ASPARD] V[ALLETTE] 262 2


Pages

Acte de décès de Marie-Thérèse Le Vasseur. 268 Le portrait de M"<= de Warens, par EUGÈNE RITTER 269 Notes inédites de Voltaire sur la Pro fession de foi vicaire safoya/ par BERNARD] B[ouvŒR] 272 a BIBLIOGRAPHIE

Introduction ~g~ J. J. Rousseau dans la littérature tchèque contemporaine, par losEF ~BiN 287 ALLEMAGNE, par A[LEX!S] F[RANÇOIS], BfERNARD] BfoUVtER), L[UCIEN]P[IHVERT],CURTT!TTEL 201 ANGLETERRE, par L.-J. CoupTOts 295 FRANCE, par E[uGÈNE] R[mrER], THÉOPHILE] D[upouR], A[LEXIS F[RANÇOIS] LUCIEN PINVERT 299 HOLLANDE, par MARIE ENKLAAR ? t RUSSIE SUISSE, par G[ASPARBJ V[AH.ETTEJ, A[LEXIS] F[RAMÇO!S] CHRONIQUE

Extrait des procès-verbaux du Comité de la Société Jean-Jacques Rousseau qn 5 Chronique générate. ?i6