PREMIERE PARTIE
I
AU BAL
— Qui dois-je annoncer ? demanda le valet de pied à un jeune homme qui se présentait, vers onze heures du soir, à l'hôtel de Barnes.
Le jeune homme eut une hésitation.
— Ne me connaissez-vous pas ? murmura-t-il.
— Que monsieur me pardonne, mais je suis ici depuis plus de six mois, et je crois que monsieur ne s'est pes encore présenté à l'hôtel.
Certes, la raison donnée par le laquais était plausible.
Mais il en était une autre plus difficile à expliquer.
En ce moment, les salons de la belle comtesse de Barnes, l'idole du monde parisien, regorgeaient d'invités. On entendait à travers les tentures les accords vibrants d'une valse de Strauss, et on eut dit qu'à travers les murailles filtrât une atmosphère surchauffée de plaisir et de luxe.
Or, pour l'oeil exercé d'un laquais de Paris, la tenue du nouvel arrivant était loin de paraître irréprochable.
D'abord, par dix degrés de froid, on était en plein décembre, il n'était couvert que d'un paletot à peine suffisant pour un doux automne ; de plus, l'habit étriqué avait aux coutures des reflets brillants qui témoignaient d'un long usage ; le linge lui-même, quoique blanc, n'avait point ce glacis délicat, chef-d'oeuvre de nos artistes en blanchissage.
Pour tout dire, les bottines étaient des plus fatiguées.
— Annoncez le baron de Sandras, articula le jeune homme avec impatience.
Le nom sonnait bien. Le laquais s'inclina lé gèrement.
Un instant après, celui qui avait dit s'appeler baron de Sandras pénétrait dans les salons. Son nom s'était perdu dans le bruit général et son entrée avait passé inaperçue.
C'est en vérité un aspect féerique que celui d'une fête organisée par une