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Notice complète:

Titre : Bulletin de l'Association française contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1879

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb44397056q

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb44397056q/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 1879

Description : 1879 (A11,N1)- (A11,N4).

Description : Note : 11e année porte par erreur 10e année.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k122157w

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, T36-18

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 11/03/2008

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BULLETIN

DB

L'ASSOCIATION FRANÇAISE

CONTRE L'ABUS DU TABAC ET DES

BOISSONS ALCOOLIQUES

ONZIÈME ANNÉE. 1879

PARIS

AU SIÉGHE DE L'ASSOCIATION 44, rue de Rennes, M

BÔTEL DE LA SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT

1879

N^WtORÎSÉÉ'^S 11 JUILLET 1868 ET 10 JUIN 1872. :trTORISEE~~11 JiIILLET lBÛÔ ET 1U JIJIN 1ô7~,

îtens sana in corporc sano.


L'Association française contre l'ABus Du TABAC a été autorisée par décision de M. le Préfet de police en date du 11 juillet 1868. Le 6 janvier 1872, par suite d'une résolution du Conseil d'administration, l'Association a ajouté à son titre l'Abus des Boissons alcooliques.

Cette modification a été approuvée par décision de M. le Préfet de police en date du 10 juin de la même année.


^£ili3^t ASSOCIATION FRANÇAISE

CONTRE L'ABUS DU TABAC ET

DES BOISSONS ALCOOLIQUES

1. –Février 1879.

CONSEIL D'ADMINISTRATION

Dans sa séance mensuelle du 4 janvier 1879, le Conseil d'administration a procédé, ainsi qu'il suit, au renouvellement du tiers de ses membres dont les fonctions sont expirées, et à l'élection de son bureau pour l'année courante.

Ont été réélus membres du Conseil pour 1879, 1880 et 1881 MM. L. CRIVELLI marquis de Gisestous Em. Levasseur, de l'Institut Sextius MICHEL maire du XVe arrondissement; Petibon docteur RICHARD (du Cantal). Il sera pourvu aux autres vacances existantes dans le Conseil.

Le Bureau, pour 1879, est composé ainsi qu'il suit Président: M. FRÉDÉRIC PASSY, de l'Institut.

Vice-présidents MM. L. CRIVELLI, Chaix, RICHARD (du Cantal), docteur A. RIANT.

Secrétaire général. M. Germowd DE LAVIGNE.

Secrétaires des séances. MM. L. Fontaine et COLLAUX. Trésorier archiviste M. PETIBON.

Comités

Composés chacun de cinq membres, plus le président et le secrétaire général, qui en font partie de droit.

BULLETIN

DE


Publications. M. Chaix, président; MM. Crivelli, Levasseur, Riant, Collaux. Finances. M. Richard (du Cantal) président MM. Collaux, Gayrard, de Monnecove, Petitbon.

Contentieux. M. Riant, président MM. Fontaine, de Ginestous, Guerrier, Sextius Michel.

Récmnpenses. M. Crivelli, président MM. Collaux, de Ginestous, Dr Riant, Gayrard.

Les membres composant le Conseil d'administration se trouvent répartis ainsi qu'il suit, pour le renouvellement par tiers prescrit par l'article 4 des statuts

Tiers sortant en 1879.

MM. Collaux. Léon Fontaine, avoué. Germond de Lavigne, $î, homme de lettres, corresp. de l'Académie espagnole. Gustave Nadaud, compositeur. Frédéric Passy, ||, membre de l'Institut. Dr A. Riant. –Le Sergeant de Monnecove, ^0. fif, ancien député. –N.

Tiers sortant en 4880.

MM. le Dr Cazalas, C. sénateur. Chaix, $fs, $£, imprimeuréditeur. A. Millet, If, ancien inspecteur des forêts. –Marquis de Queux de Saint-Hilaire. Dr Aug. Rigal, $s, médecin des Hôpitaux. N.

Tiers sortant en 4878.

SIM. L. Crivelli, 0. y ancien inspecteur d'académie. -Marquis de Ginestous, 0. – Em. Levasseur, #, 0. ||, membre de l'Institut. Sextius Michel, maire du XVe arrondissement, à Vaugirard. J. Petibon, membre du Conseil municipal de Boulogne-sur-Seine. Richard (du Cantal), ancien directeur de l'école des haras. N. Président» d'Honneur

M. le Dr Jolly, 0. de l'Académie de médecine; M. le I)r Jules Guérin, 0. de l'Académie de médecine.

Membres honoraires

MM. le Dr Brierre de Boismont, président honoraire. Le Dr Bouisson, membre de l'Assemblée nationale. –


A. Gréard, 0. inspecteur général de l'instruction pu^ blique, Guerrier, avocat à la Cour d'appel. Ch. Reynolds, secrétaire de la Société anglaise contre le Tabac. ̃̃'̃̃̃ Mcmlii-es donateurs

MM. le Dr H. Blatin, Caron, architecte Chaix, Decroix, Driesens (Mme Veuve), Driésens, Dubail, le Dr J. Guérin, L. Kœnigswarter, Frédéric Pérault, Mmo Petibon, J. Petibon, Reuille, Thomassin, OEschger, Tourasse.

membres qui ont racheté leur cotisation

Mmes Il. Blatin, Driesens.

MM. le Dr Bourdin, Chouet, Dinet, Driesens, Dubail, Fontaine (Léon), Gayrard, de Monnecove, de Queux de SaintHilaire, OEschger, des Rosiers, Thomassin Tourasse, Yerrié.

ADMISSIONS NOUVELLES

Séances mensuelles des 4 janvier et 1er février 4819.

Noms des Sociétaires Présentés par MM. 1-IERPIN, professeur à l'Association philotcchnique de Boulogne-sur-Seine (1466). M. Petibon. Souchay, négociant à Paris (146"). id. DEFODON, rédacteur en chef du Manuel gé-

néral de l'Instruction primaire (1468). Le Président. Gasset (Félix), rentier (1469). id. Ménieii, député (1470). id. Persiij (G.), propriétaire (1471). id. ROGER (Dr Henri), membre de l'Académie

de médecine (1472). id. Rancï (Mm0 la vicomtesse de) (1473). id. Richard (G.), négociant en grains (1474). id. Rivière (A.), propriétaire (1475). id. Robert (Mme), rentière (1476). id. Rousseau (Ch.-Albert), propriétaire (1477). id. Schlossmacher fils, propriétaire (1478). id. Roussel (Dr Théophile), sénateur (1479). id.


Noms des Sociétaires Présentés par MM. Gkahjjfond, instituteur (1480). Secrétairegénér. GRATECAP (E.), instituteur (1481). M. Rotgès. Du VICEL d'Aigremoht, propriétaire (1482). Le Président. Alexandre jeune, négociant (1483).. id. Barthélémy SAINT-HILAIRE, sénateur (1484). id. Barthomieux, architecte (1483). id. BEAUFOUR, propriétaire (1486). id. BERTEIL (Antoine), fabricant de chaussures (1 481) id. BILLY (Charles DE), conseiller référendaire à la

Cour des comptes (1488). id. Btxio (Maurice), conseiller municipal (1489). id. Blaise (des Vosges), publiciste (1490). id. BLANC (Edmond), négociant (1491). id. Bouchereau (le Dr), médecin de l'Asile Sainte-

Anne (1492). id. Boudin (Charles) (1493). id. BOURUET-AUBERTOT (Hector), négociant (1494). id. Bhiasçon (Jules) (1495). id. Brye (DE), capitaine d'état-major (1496). id. Bulteau (1497). id. CALLA père (1498). id. CAMPBELL (le Dr) (1499). id. Combes (Alph.) (1500). id. Combes (Charles) (1S01). id. Cusset, conseiller municipal (1302). id. Dbake DEL CASTILLO (Emmanuel) (1503) id. Dhake DEL CASTILLO (Jacques) (1504). id. Duvehdy (Gaston) (ISOo). id. Gastê (DE), conseiller général (1606). id. CHABOT (le comte Guy DE) (1507). id. Haentjens, député (1308). id. Hoocn frères, fabricants de papier peint (1509). id. MENDiOLAGomA(donVicente), étudiant en méde-

cine, Madrid (1S10). M. Gayrard.


ASSEMBLÉE GÉNÉBALE ANNUELLE DU 25 JANVIER 1879.

L'Association s'est réunie en assemblée générale annuelle, le samedi 25 janvier 1879, à huit heures du soir, dans la Salle de la Société nationale d'encouragement, place Saint-Germaindes-Prés.

Le bureau était occupé par M. Frédéric Passy, membre de l'Institut, président, assisté de MM. Crivelli et Richard (du Cantal), vice-présidents, et du secrétaire général. Sur l'estrade siégeaient MM. le marquis de Ginestous, E. Levasseur, membre de l'Institut Petibon, trésorier, et Collaux, secrétaire des séances. L'ordre du jour comprenait:

Un discours du président;

Le compte rendu annuel présenté par le secrétaire général; Le rapport du Comité des récompenses, lu par MM. Crivelli et' Germond de Lavigne

La distribution des récompenses.

M. le président a ouvert la séance à 8 heures un quart. Discours de M. Frédéric Passy. Président de l'Association.

Mesdames et Messieurs,

C'est le devoir de tout président de faire respecter l'ordre du jour; à plus forte raison de le respecter lui-même. Or, on lit en tête de l'ordre du jour de ce soir, tel qu'il a été arrêté par notre Conseil d'administration Discours de M. le Président. Je suis donc tenu de vous faire un discours. D'autre part, c'est aussi le rôle d'un bon président de donner la parole et de ne guère la prendre, encore moins de la garder. La première qualité que l'on demande, dit-on, chez nos voisins d'Angleterre, à l'homme chargé de diriger les débats de la Chambre des Communes, c'est de savoir se taire. On l'appelle, il est vrai (est-ce par antiphrase ?) l'orateur de la Chambre (the spealcer); mais il est entendu qu'il ne doit jamais intervenir pour son compte dans les discussions. Mon poste semble donc me commander de garder le silence, ou


de ne le rompre que pour délier la langue de ceux de nos collègues que nous avons à entendre.

Il est difficile de concilier ces deux, devoirs, et c'est au second, sans nul doute, et pour beaucoup de raisons, que j'aimerais à donner la préférence, si je n'avais, avant toute chose et pardessus toute chose, une douloureuse et impérieuse obligation à remplir. J'ai à rendre, en votre nom à tous, un public hommage au regretté collègue auquel j'ai succédé à cette place; à celui qui devait se retrouver cette année, et bien des années peut-être, à notre tête, et dont la mort prématurée est venue, à la dernière heure, rompre les dispositions prises avec lui pour notre assemblée annuelle. Lui-même en avait fixé la date au 21 décembre. C'est le 6 qu'il nous a été enlevé.

Je tiens d'autant plus à ne pas manquer à cette tâche sacrée, qu'averti, comme bien d'autres, tardivement de cette perte inattendue, et de plus empêché moi-même, à ce moment, par ma santé, j'ai eu le vif regret de ne pouvoir me joindre au dernier cortége de notre digne chef.

Je ne vous ferai cependant pas une oraison funèbre il faut être sobre, même dans la louange la mieux méritée; mais le plus simple sommaire de la vie de M. Kœnigswarter suffit à indiquer quelle est l'étendue de la perte que nous avons faite. M. Louis-Jean Kœnigswarter, devenu Français par son libre choix, et Français très-français, était, comme son nom l'indique, d'origine étrangère. Né à Amsterdam, en 4814, d'une ancienne famille de banquiers, il semblait destiné, conformément à un usage trop négligé chez nous, à continuer la profession, je pourrais presque dire la dynastie de ses ancêtres. Mais la nature de son esprit le portait plus vers l'étude que vers la finance. Il obtint de son père la permission de quitter le comptoir pour les bancs de la faculté, et il se faisait dès 1835 (à l'âge de 21 ans) recevoir docteur en droit à l'université de Leyde. Après quoi, il suivit pendant quelque temps le barreau à Amsterdam.

Appelé en France, en 1838, par de nouveaux liens, il se fixa à Paris; et, mettant à profit sa science déjà solide de juriste et sa connaissance approfondie des idiomes anglo-saxons, il consacra les loisirs que lui faisait sa fortune à de fortes et savantes recherches sur les origines germaniques du droit français et sur certaines parties encore imparfaitement explorées de ce droit. Il publia ainsi dans la Revue de législation (où il devint le collaborateur des


Wolowski, des Laboulaye, des Faustin Hélie) de nombreux articles qui contribuèrent au grand mouvement scientifique dont ce recueil était alors l'un des plus actifs organes. Des ouvrages plus étendus achevèrent d'asseoir sa réputation. Je ne puis les citer tous, encore moins les apprécier mais vous aurez une idée de leur importance par les titres de quelques-uns seulement Études sur le développement de la société humaine; Sources du droit français antérieures au XVe siècle; Histoire de l'organisation de la famille en France, etc. Ce dernier ouvrage fut, en 1831 couronné par l'Institut (Académie des sciences morales et politiques). A cette distinction, toujours si précieuse, la savante compagnie en devait ajouter plus tard une autre, beaucoup plus rare et plus enviable, en s'attachant l'auteur, comme l'un de ses correspondants, sur la proposition de sa section de législation. C'est à l'Académie, où il venait assidûment; que j'ai eu pour ma part l'honneur de rencontrer M. Kœnigswarter et c'est laque, toujours préoccupé des œuvres auxquelles il avait une fois donné son adhésion, il m'a recruté pour le Conseil de V Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques,- je n'en étais jusqu'alors que simple souscripteur. Il avait déjà recruté de même mon savant confrère et ami M. Levasseur, et il ne cessait d'en recruter d'autres. Il ne se doutait guère assurément, et je me doutais bien moins encore, le voyant si actif et en apparence si vigoureux, que ce fût un successeur (je ne puis dire un remplaçant) qu'il amenât à ses collègues.

Les sociétés philanthropiques, comme celle au sein de laquelle nous avons été trop peu de mois réunis, étaient, depuis longtemps déjà, avec les études scientifiques, qu'il n'avait pas délaissées, la principale occupation de M. Koenigswarter. Quoique naturalisé Français en 1848, et pouvant, par sa position sociale, aspirer à la vie publique, il s'était senti, pendant les années qui précédèrent la terrible crise de 1870, médiocrement attiré vers l'arène politique, où il n'entrevoyait pas de satisfactions suffisantes pour un esprit sagement mais fermement libéral comme l'était le sien. Après la catastrophe, ce fut vers ces œuvres de soulagement, de réparation et de préservation que, plus que jamais, il porta son activité. Membre du Conseil supérieur de la Société des blessés militaires, et l'un des principaux patrons de l'Association philotechnique, il s'était, dans ces dernières années, tout spécialement attaché à l'Association française contre l'Abus


du Tabac et des Boissons alcooliques. Il complétait ainsi, en s'attaquant au mal sous ses diverses formes, la réalisation des trois termes de sa belle devise « Secourir l'homme dans sa misère; le défendre contre ses vices; le relever par l'instruction. »

On dira ailleurs (ou on l'a déjà dit) ce que M. Kœnigswarter a fait ailleurs. Vous savez, vous, mes chers collègues, ce qu'il a fait parmi nous avec quelle bonne grâce, et avec quelle fermeté en même temps, il dirigeait nos débats intérieurs avec quel sens pratique, mêlé de (conciliation jet de décision, il faisait, quand il y avait lieu, face aux difficultés et comment, sous sa direction à la fois douce et forte, nous poursuivions modestement, mais sûrement, notre marche en avant. Vous savez aussi combien, par ses grandes et nombreuses relations, il nous était utile au dehors quelles adhésions il était à même de nous apporter, et quelle réponse était son nom aux railleries ou aux attaques dont ne sont malheureusement jamais exemptes des œuvres telles que la nôtre.

Le vide qu'il laisse parmi nous est donc grand, très-grand; et celui que votre Conseil a appelé à occuper momentanément sa place n'a pas la prétention de le combler. Il ne peut que vous apporter, avec de la bonne volonté, un sentiment profond de l'importance de la double tâche qui nous est confiée, je veux dire de la redoutable gravité du double fléau que nous avons entrepris de combattre. v

Ce qu'est ce double fléau, considéré sous l'un de ses aspects seulement (on ne peut tout dire en un jour), l'un de nous, M. le D' Riant, devait vous le rappeler, dans un instant, avec son incontestable autorité de médecin et son talent éprouvé de conférencier, en traduisant rapidement le tabac et l'alcool à la barre de l'hygiène. Déjà, dans une autre enceinte (i), quelques-uns de vous s'en souviennent, notre savant collègue a, de concert avec celui qui vous parle en ce moment, fait le procès au monstre. Pour aujourd'hui, malheureusement, sa bonne volonté se. trouve impuissante. La brutalité de la saison lui a, à la dernière heure, enlevé la voix. Mais ce n'est que partie remise, et il reprendra sa campagne. Ou pour mieux dire nous la reprendrons tous, Mesdames et Messieurs, selon nos forces et selon les occasions, (1| Au Trocadéro.


médecins, instituteurs, moralistes, économistes, pères et mères de famille, chefsd'ateliers, patrons ou commerçants, par quelque côté que nous envisagions la conservation et le développement des forces physiques intellectuelles et morales de l'homme et le bon emploi du temps de ce temps qui est, nous dit Franklin, « l'étoffe dont la vie est faite ». Car c'est par tous les côtés à la fois que l'abus du tabac et l'abus de l'alcool, tantôt isolés, tantôt et plus souvent réunis, attaquent l'homme en tant qu'individu et en tant que membre d'une collectivité plus ou moins étendue, en tant qu'être pensant et en tant qu'agent de production. C'est son activité, son énergie, son initiative, son attention, sa mémoire, sa volonté, que peu à peu ils minent et pervertissent; c'est sa bourse qu'ils vident ou qu'ils empêchent de s'emplir; ce sont ses relations d'affaires, de famille, d'étude, de société qu'ils relâchent ou détruisent, pour y substituer, avec l'indifférence et l'égoïsme, l'hébétude de l'isolement ou la tyrannie des compagnies avilissantes. C'est la sécurité publique et privée qu'ils compromettent par le développement progressif des aliénations mentales, des imprudences, des incendies et des crimes. C'est l'essor de la richesse commune qu'ils paralysent en prélevant au profit de la consommation improductive, ce n'est pas assez dire, au profit de la consommation destructive et malsaine, un budget avec lequel on pourrait aisément combler la majeure partie des gouffres de l'ignorance et de la misère. C'est le meilleur de la sève même d'une partie de l'humanité, en un mot, qu'ils détournent et qu'ils empoisonnent jusque dans sa source. Ici, comme on le dit chaque soir, en ce moment même, sur la scène, aux applaudissements des vrais ouvriers, l'ignoble assommoir jette au ruisseau la lie du peuple là, comme il faut avoir le courage de le dire, l'oisiveté élégante et le vice doré font monter à la surface une écume qui ne vaut pas, quoi qu'elle en pense, mieux que la lie. Écume et lie, si nous n'y prenons garde, peuvent pénétrer, et avec le temps aigrir, de proche en proche, les couches pures et saines qui les séparent. Mais écume et lie, aussi, ne l'oublions pas, peuvent être peu à peu purifiées et assainies. Car il y a, Dieu merci, une contagion du bien comme il y a une contagion du mal et le dernier mot, en toutes choses, reste à ceux qui savent vouloir et à ceux qui savent agir.

C'est à vouloir et à agir avec nous, Mesdames et Messieurs, que nous vous convions, si vous n'êtes pas encore des nôtres et


c'est de vouloir mieux et d'agir davantage que nous vous adjurons, si vous en êtes déjà. On vous dira peut-être (on ne s'en fait pas faute) qu'autant vaudrait essayer d'épuiser la mer avec une coquille de noix que de guérir les hommes de leurs défauts; et que nous passerons tous, et nous et bien d'autres, avant que les fumeurs aient jeté leur dernier cigare, et que les buveurs aient renversé leur dernier petit verre. Nous n'en disconvenons pas et nous ne prétendons pas, d'ailleurs, en gens pratiques et sages que nous voulons être et que nous sommes, exiger de tous, et dès ce soir, la totale abstinence dont se glorifient peut-être un peu imprudemment; quelques-uns de nos confrères d'outre-Manche. Le célèbre Père Mathieu avait réussi jadis, dans certains villages d'Irlande, à faire proscrire absolument l'usage et le débit de toute boisson fermentée; mais le diable, sous la figure d'un pharmacien, se rattrapa, en enseignant à ses ouailles à boire de l'éther. Je doute qu'ils y aient beaucoup gagné, et j'aurais mieux aimé, franchement, un verre de bon vin à l'heure du repas. Nous savons- qu'il faut accorder quelque chose à l'humaine nature il faut du jeu dans les machines, disait déjà, il a plus d'un siècle, le grand Turgot ») et nous ne confondons pas l'usage, bien qu'il dégénère, hélas trop aisément en abus, avec l'abus vraiment blâmable et nuisible. Mais nous savons aussi (et le rapport de notre excellent secrétaire général, dont nous ne pourrions trop louer le dévouement et l'activité, vous le démontrera tout l'heure une fois de plus) qu'à côté du mal qui se voit, il y a le bien qui ne se voit pas, et qui n'en fait pas moins son chemin et son œuvre. Nous savons que bien des guérisons, pour n'être pas toujours éclatantes, n'en sont pas moins réelles et durables. Nous savons que bien des maladies, surtout, sont prévenues et bien des chutes évitées. Nous savons que nous faisons un peu de bien, pour tout dire, très-peu peut-être, mais un peu, cependant, et que nous empêchons beaucoup de mal. Et à ceux qui, acharnés à décourager tous les nobles efforts, ne cessent de nous montrer, à nous et à tous les hommes qui, sous une forme ou sous une autre, croient au progrès, les plaies et les imperfections persistantes de la société humaine, nous ne cesserons de demander, à notre tour, ce que serait la société humaine sans l'indomptable espérance et l'indomptable volonté de ceux qui la rappellent à toute heure au respect d'elle-même; ce qu'ils seraient, eux tous les premiers, sans le perpétuel travail de ces


coeurs pleins, de foi,et de ces mains pleines d'œuvres, dont ils médisent, et qui les sauvent. ;:i La parole a été donnée ensuite li M. Germond de Lavigne, secrétaire général, pour la lecture de son rapport sur la situation de l'Association.

Rapport du Secrétaire général.

Mesdames, Messieurs,

« Tout petit prince a des ambassadeurs », dit Lafontaine dans la fable de la Grenouille qui veut se faire aussi grosse qu'un bœuf. Il n'y a si petit pays qui n'ait ses annales, si petite société qui n'ait ses archives.

Nous avons, nous, Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques, notre correspondance de dix ans, qui est intéressante; les mémoires rédigés pour nos concours, qui présentent souvent d'heureuses idées et un très-utile enseignement; nous avons les procès-verbaux des séances de notre Conseil qui sont l'histoire fidèle de notre œuvre. Mes prédécesseurs ont compris quelle pourrait être un jour, lorsque nous aurions, par exemple,, à revendiquer nos titres au légitime honneur d'avoir été les premiers dans la ligue contre les fléaux de l'intempérance, quelle serait un jour l'autorité de ces textes, si modestes d'abord; mais qui acquièrent aujourd'hui pour nous, pour vous aussi, une réelle importance. Les pages ont été scrupuleusement numérotées, la transcription faite par le copiste a été soigneusement contrôlée, et si le Secrétaire en titre ne s'est pas trouvé là pour apposer sa signature, mon devancier a eu soin de l'inscrire de sa propre main, afin que l'honneur et la responsabilité de chaque rédaction pussent être un jour attribués chaque auteur.

Ne souriez pas. Si petits que nous soyons, ces précautions ont leur vertu, et c'est comme cela que les choses restent authentiques et incontestées.

Cette histoire de notre association, pour vous, hommes de bonne volonté qui secondez ses efforts et qui applaudissez aux résultats qu'elle obtient, ne sera pas sans un sympathique intérêt. Il m'a paru curieux de l'entreprendre.

Trois hommes se réunirent, au printemps de 1867, et, sur la


proposition de l'un d'eux d'ouvrir une croisade contre l'abus du tabac, deux d'entre eux, M. le docteur Henri Blatin et M. Bourrel, vétérinaire, déclarèrent qu'ils voulaient bien prêter leur concours, mais en combattant aussi les liqueurs alcooliques, l'absinthe en particulier. Voilà quel fut le point de départ de cette fondation, dont nous sommes aujourd'hui les représentants et les héritiers. Quand la Société fut constituée, en août 1868, des manifestations ne tardèrent pas à se faire dans le sens des réserves formulées par les deux fondateurs, et ces manifestations prirent peu à peu un caractère assez précis pour que le Conseil d'administration, en formulant, le 4 février 1870, les huit questions mises en concours pour l'année suivante, plaçât au sixième rang celle-ci Des rapports qui existent entre l'abus du tabac et l'abus des boissons alcooliques.

Dans une autre séance, le Secrétaire général donnait sa légitime protection à une brochure qui avait pour titre Absinthe, Tabac, Poison et Poison Absinthe. Je dois rappeler ici que cette brochure, souvent réimprimée sous des titres divers, a été répandue par son auteur et s'est vendue à plus d'un million d'exemplaires. Elle fit, au profit de notre œuvre, sa propagande la plus efficace. M. Rion, qui présentait cette brochure, publia, de la sorte, un grand nombre de petits livres d'une égale popularité. Celle-ci a valu de notre part, à son auteur, d'abord la médaille de bronze, puis la médaille d'argent, ensuite la médaille de vermeil, et enfin une médaille d'or spécialement offerte, en 1875, par l'un de nos sociétaires. L'examen des questions d'alcoolisme entra dès lors et d'une manière formelle, sinon officielle, dans les travaux du Conseil. M. le Dr Bellencontre, de Rouen, adressa un travail ayant pour titre Deux ennemis de la santé, l'Alcool et le Tabac, et il en fut rendu compte tout aussitôt, le 2 avril 1870, par M. le Dr Roucher, qui fut notre quatrième président, et dont la mémoire est restée profondément respectée par tous ceux qui l'ont connu.

« Le tabac es t le funeste parrain de l'alcoolisme, a dit M. Roucher, dans son appréciation de cette brochure, tous deux tendent à la dégradation morale de l'homme. Il est indispensable d'attaquer les deux abus, et si l'Association naissante contre l'abus du tabac ne s'est pas constituée en même temps l'adversaire des boissons alcooliques, ce n'est pas que la pensée n'en soit venue à ses


fondateurs, ni que l'idée en ait été tout à fait délaissée; mais les œuvres durables commencent modestement, et pour les mener à bien il faut savoir compter sur le lendemain ». Ces mots d'une grande sagesse sont restés notre doctrine; ils sont le programme de notre œuvre. ̃ < ̃̃•̃ Le rapport de M. Roucher fut imprimé dans notre bulletin, tiré à part et distribué à 200 exemplaires par fauteur lui-même. La tendance de l'Association à poursuivre le fléau de l'alcoolisme était dès ce moment nettement dessinée, elle allait s'accentuer encore.

L'Association résolut de provoquer le concours de l'Assemblée nationale à l'oeuvre de moralisation qu'elle poursuivait, et lorsque son président,M. le Dr Jules Guérin, formula, le 8 juillet 1871, cette pétition qui fut signée par tout le bureau de l'Association, il signala au môme rang l'alcool et le tabac.

« L'usage abusif du tabac entraîne l'abus des boissons, il tend à favoriser l'ivrognerie; il faut doubler l'impôt sur le tabac, frapper d'une taxe plus élevée les liqueurs alcooliques. » A la même époque, M. Guérin, réclamant le concours de la Société d'anthropologie, disait à cette Société « Vous et nous, nous nous occupons de rechercher et de signaler les causes qui tendent à détériorer la race. Parmi ces causes, le nicotisme et l'alcoolisme sont au premier rang. »

Il est tout naturel, dès lors, que l'Association tînt à régulariser son rôle, à légitimer son action connexe. La motion en fut faite le 16 décembre 1871. Ce fut M. de Beaupré, un autre de nos membres du Bureau, dont les lumières et l'actif concours nous ont été prématurément retirés, qui, avec l'approbation particulièrement spécifiée de l'un des fondateurs, M. Bourrel, fidèle à la réserve qu'il avait formulée dès le premier jour, proposa de réunir une Société de tempérance veuillez bien remarquer ce mot à l'Association contre l'abus du tabac. Une Commission fut nommée, et tout aussitôt un rapport fut fait et présenté au Conseil, par le même M. de Beaupré.

Ce rapport, qui se signale par des considérations élevées, par la netteté des propositions, est inséré en entier dans notre registre des procès-verbaux, qui semble avoir revêtu un appareil de fête pour consacrer cette extension utile et logique donnée à nos attributions. La première forme, la forme étroite de l'Association, est close avec le feuillet 85. Au feuillet 8'7 apparaît,


en grande calligraphie, le titre nouveau ASSOCIATION FRANÇAISE CONTRE l'Abds DU TABAC ET DES BOISSONS ALCOOLIQUES. Cela a quelque chose du solennel. Solennel tout est relatif. On tire les rois dans la mansarde du pauvre comme au banquet du riche, et l'un comme l'autre met, pour ce jour-là, ce qui, pour Fun comme pour l'autre, est l'habit de fête. La page est tournée, une ère nouvelle commence, l'ère d'une action plus utile, plus efficace, mieux démontrée, et le rapport qui l'a provoquée l'inaugure.

« La France, dit ce rapport, ne doit pas rester en arrière, alors que depuis quarante ans l'Angleterre, les États-Unis, la Suisse comptent de nombreuses Sociétés de tempérance, dont les efforts tendent à maintenir les mœurs à un niveau qui chez nous s'est fatalement abaissé.

» Le succès, fondé sur l'adhésion de près de 700 membres, oblige l'Association française à prendre sans délai l'initiative d'une œuvre qui, dans les circonstances où se débat le pays, revêt dès ce jour un caractère national et présente une force. régénératrice capable de servir de modèle à d'autres sociétés. » En présence des intentions déjà manifestées parmi des hommes considérables, de fonder une Société de tempérance, il est de la plus impérieuse nécessité pour l'Association française de prendre possession de son titre définitif.

» L'Association sera la première établie en France contre l'abus des boissons alcooliques. »

C'est ainsi que notre Association, fondée en 1868, complétée en janvier 1872, fortifiée, trois mois après, par la sanction administrative, s'est trouvée appelée à remplir un rôle désormais considérable et hautement humanitaire.

Elle s'était enfermée jusque-là dans un rôle toujours le même, elle parlait au nom de l'hygiène, au nom de la santé et des convenances sociales elle allait prendre désormais un autre rôle et s'attaquer au plus terrible, au plus fatal des fléaux qui aient pénétré dans la société humaine. Ce fut certainement avec une grande émotion que l'homme de bien, qui parlait au nom de cette modeste Commission, déclara qu'elle avait été unanime pour dire que non-seulement il y avait opportunité, mais qu'il y avait urgence pour l'Association à étendre son action, aussi bien contre l'abus des boissons alcooliques que contre l'abus du tabac. Qui d'ailleurs pouvait le faire, si ce n'était elle; puisqu'elle


était seule, et qu'elle avait levé depuis quatre ans le seul drapeau qui flottât pour la défense de l'hygiène et de la tempérance? Je prononce le mot tempérance et vous allez voir pourquoi. Le Conseil de l'Association adopta la proposition de M. de Beaupré. Ce fut ensuite à M. Gindre Malherbe, l'un de nos judicieux amis, qu'échut l'honneur d'inaugurer ses fonctions de secrétaire en rapportant le procès-verbal qui consacrait cette adoption. Ce fut M. Ch. Lucas, qu'une carrière activement remplie détient maintenant loin de nous, qui eut l'initiative, malheureusement non secondée, de proposer le mot tempérance pour nouveau titré de l'Association, et ce fut M. Crivelli, l'homme éclairé et sage, aujourd'hui le doyen de nos vice-présidents, qui fit revivre pour nous cette devise du moraliste Mens sana in corpore sano. Puis vinrent en nombre les adhésions des absents. Je les nommerai, parce que leur approbation a pour nous, à cette heure encore, une grande importance. M. J. Périn, un avocat distingué, qui déclara qu'il y avait opportunité pour l'Association de combattre l'abus des alcooliques en même temps que l'abus du tabac; M. Fleury Flobert, qui réclama sa part de priorité, en rappelant des lettres écrites par lui en 1870, et dans lesquelles il invitait l'Association à s'armer contre l'abus des boissons enivrantes. Ce fut encore le Secrétaire général de ces premières années, insistant pour faire remarquer que, dès la fondation du Comité d'organisation, M. Bourrel et d'autres membres avaient fait la même proposition, que l'on n'avait pas cru devoir accueillir à cette époque.

Enfin ce fut M. Crivelli, que le Conseil chargea de rédiger la circulaire destinée à manifester l'existence de la première Société de tempérance instituée en Francc.

Tout cela, Messieurs, ce sont nos annales, c'est notre honneur, et vous trouverez légitime que, sans y être obligé par aucun besoin de revendication, mais parce qu'à mon âge on a l'irrésistible désir de chercher dans le passé un appui contre les surprises de l'avenir, je me complaise à cette revue en arrière. « Le tabac et l'alcool, dit cette circulaire, que je trouve imprimée en tête de notre bulletin de 1872, ces deux fléaux du siècle, ont pris ensemble une si grande place dans nos mœurs, ils y exercent en commun de si funestes effets sur la santé publique, sur l'ordre moral et social, qu'ils soulèvent de toutes parts les mêmes cris d'alarme.


» L'Association française, déjà instituée pour combattre les dangereux abus du tabac, méconnaîtrait l'esprit et le but de sa fondation, si elle ne comprenait simultanément dans son œuvre moralisatrice l'abus du tabac et des boissons alcooliques. Pour compléter sa double mission, elle n'a qu'à s'affirmer par une application plus générale de ses principes, il lui suffit de faire appel à tous les cœurs français, à tous les vrais amis de la famille et de la société. »

Les travaux de l'Association, sans perdre de vue l'abus du tabac, prirent aussi, dès lors, une tendance plus marquée vers la répression de l'alcoolisme, et les travaux de cet ordre vinrent plus nombreux occuper leur place sur notre bureau. On s'empressa de nous signaler les publications produites à l'appui de notre oeuvre. De ce nombre le bel ouvrage de M. Rambosson, un savant vulgarisateur, qui est un de nos lauréats d'aujourd'hui, intitulé les Lois de la vie et l'Art de prolonger ses jours. Un chapitre de ce livre « Des procréations opérées pendant l'ivresse, » est une des plus navrantes études auxquelles puisse conduire la désespérante action de l'alcool. Dans cet ordre d'idées se trouvent le Traité des dégénérescences de M. le Dp Morel, le Traité d'hygiène privée et publique de Becquerel, au chapitre « Des effets du vin et des boissons fermentées » le Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie, au mot « alcoolisme »; un travail du plus grand intérêt d'un chimiste belge, M. Haeck, sur « les causes des enets bienfaisants et les causes des effets nuisibles des boissons alcooliques » des recherches chimiques d'une grande valeur faites par M. Dubail, membre du Conseil, sur la préparation de l'absinthe et sur les causes de son effrayante nocuité, etc.

Les moyens d'action ne préoccupèrent pas moins le Conseil, et c'est à mon devancier qu'appartient encore l'honneur d'avoir fait imprimer, sur nos cartes de sociétaires, deux articles de la loi sur l'ivresse, et d'avoir proposé d'inscrire en principe, parmi nos récompenses annuelles, des médailles pour des gardiens de la paix qui se seraient signalés à la chasse aux ivrognes. M. le premier Secrétaire général voyait là un moyen opportun d'être agréable à l'administration de la police parisienne, et un éminent médecin, qui fut un de nos vice-présidents, le Dr Vernois, trouvait dans ces démonstrations ainsi organisées contre l'alcoolisme, une occasion de faire accepter plus aisément notre


hostilité contre le tabac, qui rapporte à l'État des sommes considérables.

C'est à cette époque de notre existence, quatre mois après la décision du Conseil qui consacrait les attributions nouvelles de l'Association, que parut dans toute la presse une circulaire d'une Société nouvelle, qui prenait le titre d'Association française contre l'abus de, boissons alcooliques.

Nos sociétaires s'en émurent, et l'un d'eux, habitant Nancy, M. le baron Guerrier de Dumast, membre correspondant de l'Institut, exprima, dans une lettre au Conseil, la crainte que cette similitude de noms ne donnât lieu à quelque confusion. « Écrivez aux journaux, nous disait M. de Dumast, applaudissez aux efforts d'autrui, mais rappelez l'antériorité des nôtres. »

Notre président, M. le Dr Jules Guérin avait devancé cette expression de légitime inquiétude, et s'adressant, dès le mois de mars, à l'Académie de médecine, dans le sein de laquelle la Société nouvelle avait obtenu des adhérents, il invoqua le droit pour la nôtre de défendre son titre, et de conserver les priviléges de son initiative. « Notre Association, dit M. J. Guérin, n'a pas attendu qu'une association nouvelle traçât la route et suggérât les moyens. Cette route, elle y a marché résolument; ces moyens, elle les a signalés et employés. Elle a établi des publications, ouvert des concours, institué des prix, stimulé le zèle des pouvoirs publics.

,) Tout en applaudissant donc aux entreprises qui sont venues ou qui viendront à la suite de celle que nous avons réalisée, l'Académie comprendra que ce n'est point pour obéir à un vain sentiment de rivalité, que les membres de l'Association francontre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques ont cru devoir, par mon organe, rappeler leur initiative mais pour conserver leur place à la tête de ceux qui, s'inspirant des mêmes sentiments, des mêmes idées, et employant les mêmes moyens, ont entrepris de combattre des abus qui tendent à détériorer physiquement et moralement la grande famille humaine. » M. le Secrétaire général demanda, en conséquence de la proposition de M. le baron de Dumast, que l'on protestât contre ce titre Association française contre l'Abus des Boissons alcooliques, pris par la Société nouvelle, et qui presentait, à son avis, une trop grande analogie avec celui de notre Association; des membres signalèrent aussi ce fait que le mot La Tempérance avait été pro-


posé pour nous dans une de nos séances. Le Conseil s'en tint à la digne et sage protestation du président.

Ce n'est pas, en effet, dans des sociétés du genre de la nôtre, créées pour faire le bien, et ne sachant pas donner accès à des récriminations jalouses, que ces inquiétudes ont à se produire. Pour nous, qui ne cherchons que le succès de notre œuvre, qui voudrions ramener les égarés dans les voies de l'hygiène, de la force vitale, de l'honnêteté, de la morale; qui voudrions sauver la race humaine de la décadence, et l'esprit humain de l'abaissement, que nous font ces passions matérielles? C'est par la fraternité, par le commun accord que nous prétendons agir, et nous ne revendiquons pas, pour en user seuls, les moyens d'atteindre à des résultats fructueux. Il n'y a que trop de place, hélas sur la terre pour ceux qui veulent faire le bien.

Si notre titre est bon, usez-en, si vous avez plus de moyens de conduire l'oeuvre vers son but généreux, marchez devant nous; si vous réussissez avant nous, nous vous applaudirons, et nous vous remercierons d'avoir fait triompher une pensée généreuse, sûrs que vous nous laisserez cette part de gloire qui est le stimulant de notre part de travail, que vous élèverez vos coeurs devant la hauteur de la mission que vous vous êtes donnée, en évitant des pratiques vulgaires par lesquelles, dans la vie agitée et commune, on s'empare de la place et de l'honneur d'autrui, Je vais arrêter ici cette étude rétrospective de ce que fut notre Association avant d'en arriver à sa phase actuelle. J'ai d'ailleurs le devoir de suivre, plus particulièrement, la revue de nos principaux travaux et des principaux. incidents de notre existence, depuis notre assemblée générale de février 1878.

Le 9 mars, après cette assemblée, notre Conseil s'était reconstitué. 11 se trouvait composé d'éléments forts, d'hommes distingués et dévoués ayant à coeur une tâche difficile, et tous affectueusement d'accord pour la faire réussir.

Notre éminent président d'aujourd'hui vient de vous dire par quel douloureux événement nous avons été séparés de notre président d'hier. La mort a eu pour nous de fréquentes rigueurs elle avait commencé par Blatin, l'un des créateurs de l'Association, puis, successivement, elle a retiré de notre tête Genreau, Vernois, deux vice-présidents des premières années Roucher, qui nous présida quelques mois; de Beaupré, vice-président des


années qui ont suivi, frappé au moment oùil projetaitd'installer à l'Exposition universelle l'une de ces grandes œuvres dont l'idée se succédait dans cet esprit fécond en choses charitables. Qui de nous pouvait prévoir que Louis Kœnigswarter, cet homme énergique, cet esprit droit, juste et ferme en ses résolutions, nous serait enlevé lorsque nous avions tant besoin encore de ses conseils, de son impulsion, et de l'appui de sa légitime influence. Les hommes s'en vont; les choses restent; l'idée persiste et se transmet à ceux qui survivent, toujours vivace, parce qu'elle est généreuse et par conséquent d'essence divine. Et nous restons à notre tour, pour un temps, les serviteurs de la pensée, pleins de confiance, parce que nous avons mis en bonnes mains la direction de nos travaux.

Notre Conseil d'administration, dont un tiers est sorti régulièrement à la fin de l'exercice 1878, s'est reconstitué §n réélisant des membres qui ont assidûment suivi ses séances et qui lui font honneur. Ces membres sont MM. Crivelli et Richard (du Cantal), deux de nos vice-présidents M. le marquis de Ginestous; M. Levasseur, de l'Institut; M. Sextius Michel, maire du XV" arrondissement de Paris; M. Petibon, notre trésorier et archiviste. Nos sociétaires approuveront certainement ces choix.

Il nous reste des vacances à remplir, nous désirons ne le faire qu'avec maturité, n'ouvrir les rangs du Conseil qu'à des hommes sincèrement attachés à notre œuvre et décidés à y travailler comme nous et avec nous.

Et d'ailleurs, pour ces désignations, il nous est loisible d'en appeler à l'assemblée. Pourquoi, soit dès aujourd'hui, soit demain, par lettres adressées à notre président, ne prendrait-elle pas la peine de nous signaler un groupe de collaborateurs de bon vouloir que nous appellerions, dans une de nos prochaines réunions mensuelles, à remplir ces vacances, en usant des pouvoirs que nous donne l'article 2 de notre règlement?

Le nombre de nos sociétaires a continué de s'accroître. Si quelques vides étaient survenus dans nos rangs, à la suite de circonstances que nous avons vivement regrettées, nous avons heureusement réussi à les combler, et librement sont venus à nous, dans le cours de l'année, 116 sociétaires dont les noms, pour la plupart éminents, font honneur à notre liste et nous promettent un puissant concours.

Nous avions été souvent sollicités d'exprimer d'une manière


effective, tangible, l'objectif principal de notre œuvre qui est d'éclairer la jeunesse et de préserver l'enfance. Nous avons l'excellent appui des convictions résolues d'un groupe éclairé d'instituteurs leur enseignement se fait dans le sens de nos doctrines. Pour proscrire l'abus, l'usage même du tabac chez lajeunesse, pour démontrer les hontes et les désastres qui résultent de l'usage des boissons fermentées, ils ont recours à nos bulletins, qui leur fournissent des sujets de dictée.

Nous avons voulu mettre sous 'les yeux des enfants, dans les salles d'école, quelques sentences concises, qui prissent dans leur mémoire nne place ineffaçable. Dans cet ordre d'idées, avec le concours de notre ami regretté M. de Beaupré et de M. le Dr Riant, nous avons fait imprimer plusieurs milliers d'une affiche que nous avons mise sous vos yeux. L'honorable M. Gréard, directeur de l'enseignement primaire de la Seine, a bien voulu en faire envoyer à tous les instituteurs du département, et, dans un certain nombre d'autres régions universitaires, des envois nous ont été demandés par les inspecteurs d'académie et par les instituteurs.

Un très-sérieux concours nous a été aussi apporté par M. Edmond Groult, avocat à Lisieux, fondateur des musées cantonaux.

Le musée cantonal est le moyen pratique de démonstration mis à la portée des travailleurs et des classes industrielles. Des types d'oeuvres d'art, des reproductions de dessins, comme dans les musées des villes, cela va sans dire; mais de plus l'image de la plante utile, du fruit qu'il importe de cultiver de préférence, de l'instrument, de l'outil, de l'appareil qui facilite le mieux la production, de l'animal qui travaille et qui fournit le plus, de l'insecte qu'il faut rechercher et détruire, c'est là le cadre du musée cantonal. La bibliothèque parle à une partie seulement, malheureusement; il faut savoir lire, et il faut avoir le temps de lire dans le musée on voit et on apprend à l'instant même. M. Groult éçrivit l'été dernier à notre président, M. Frédéric Passy

a Je crois servir utilement l'association française contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques en lui offrant mes musées cantonaux. Ces musées préparent, sous une forme nouvelle, le triomphe de l'idée moralisatrice dont vos honorables collègues se tont les apôtres.


» J'ai donc, pour m'associer à eux, acheté au bureau de tabac une pipe, 10 c., un cigare, 05 c., une chique, 05 c, une tabatière dite queue de rat 05 c., total 25 centimes. » Puis nous avons attaché ces objets sur une feuille de carton, et j'ai rédigé la notice ci-jointe. Je l'ai portée à notre musée cantonal, et j'espère qu'une notice analogue figurera bientôt dans tous les musées cantonaux. »

LE TABAC.

» Plante de la famille des solanées, tribu des nicotacées. » L'usage du tabac, comme de tous les poisons, peut être ordonné dans quelques circonstances exceptionnelles. » L'abus du tabac produit l'affaiblissement de la mémoire et de l'imagination, diminue l'odorat et le goût, prédispose à l'apoplexie et à certaines maladies de l'estomac, des bronches et de l'organe visuel.

» Les économistes poursuivent l'habitude du tabac comme une dépense improductive; les moralistes comme une cause d'isolement souvent regrettable. »

Nous avons le projet do nous associer à l'excellente idée de M. Groult en faisant reproduire, par une image coloriée ou chromolithographiéo, l'exposition en nature du musée cantonal de Lisieux, et nous enverrons cette reproduction aux autres musées fondés ou provoqués par notre correspondant. Ce n'est pas là certainement tout ce que nous avons à faire je vous dirai plus loin comment le Conseil y a avisé.

L'Exposition universelle nous créait un devoir, celui de prendre part à cette série de congrès qui ont été convoqués dans les salles du Trocadéro, pour traiter de omni re scibili, comme disait Pic de la Mirandole, et quibusdam aliis. Nous savionsàcet égard à quoi nous obligeait ce droit du plus ancien. Des premiers, en effet, nous nous sommes inscrits, et nous nous proposions, non pas d'ouvrir des assises contre le tabac et contre l'alcool et l'alcoolisme mais de convoquer nos adhérents et ceux qui ont des sympathies pour notre œuvre, en organisant deux conférences qui eussent emprunté une réelle solennité aux noms des hommes éminents qui y auraient concouru. Dans l'une, vous auriez entendu M. le Dr Jules Guérin, notre président d'honneur, pour les hautes questions d'hygiène et de physiologie, et M. Frédéric


Passy pour le point de vue social et économiste pour l'autre, nous avions demandé le concours de M. Emile Levasseur, qui nous apportait son talent de parole et son renom de professeur au Conservatoire des Arts et Métiers, puis M. le D* Riant. La genèse des congrès et des conférences du Trocadéro se formula lentement; les vacances, les absences ou d'autres soins survinrent, et dans le long défilé qui se fit ensuite de conférences de toute nature et sur tous sujets, nous ne trouvâmes plus de place que pour une heure. Mais cette heure, le mardi 20 août, a été vaillamment occupée par M. Passy d'abord, qui a bien voulu prendre les devants sur l'orateur, et par M. Riant, de qui je n'aurais point à vous parler, s'il vous avait été donné de l'entendre vous dire aujourd'hui, avec la même science, avec le même bon goût, avec la même élégance et le même esprit délicat, la seconde partie de cette conférence d'il y a six mois. Ce sont là pour nous, Messieurs, de véritables fêtes, et avec de tels interprètes une œuvre s'affirme et se constitue durable. Nous voulions vous donner, l'année dernière, dans une livraison supplémentaire du bulletin, l'allocution de M. Passy et la conférence de M. Riant, scrupuleusement sténographiées par les soins de la Commission des Congrès; mais il y a fort loin de la première manière du sténographe à la seconde manière, qui est la transcription en écriture vulgaire; il n'y a pas moins loin de celle-ci à la réalisation typographique. Nous n'avons pu encore obtenir l'épreuve qui nous servirait de texte pour notre réimpression. Nous désespérons même de vous donner à la fois le discours du 20 août et notre séance d'aujourd'hui. Vous avez pu reconnaître, à la lecture des quatre livraisons trimestrielles de notre bulletin, que nous y réunissons des travaux utiles, neufs, c'est-à-dire tenus au courant des progrès de la science, en ce qui concerne les deux fléaux inséparables contre lesquels nous sommes armés. Nous voulons que cette publication soit correcte, qu'elle s'abstienne de redites, et qu'elle apporte des éléments toujours nouveaux aux dévoués professeurs qui y puisent les textes de leur enseignement. Vous y aurez remarqué une étude faite par l'un de nos sociétaires, M. le Dr Bourdin, sur la production et la consommation de l'alcool en France cette étude est le compte rendu d'un livre statistique considérable publié par M. le Dr Lunier. Il était de notre devoir de donner à cet important ouvrage la mention qu'il mérite.


Le mémoire de M. le Dr Camille Iticque, médecin major de l'armée, sur l'angine des fumeurs, ne mérite pas une moindre attention, et notre Conseil, en répondant à une proposition du regretté Dr Cabanellas, et en décernant, après notre séance annuelle de février 1878, une médaille d'argent à M. le Dr Ricque, a agi justement et sagement. Si M. le Dr Riant demandait, dans sa conférence du Trocadéro, pourquoi on fume dans les casernes, pourquoi on y distribue du tabac plutôt que des livres, il est de notre devoir de découvrir et d'encourager les hommes de science qui savent dire à propos aux fumeurs des casernes où est la tolérance et comment vient le danger.

Je ne vous parle qu'en passant, Messieurs, de notre situation financière, il s'en faut qu'elle ait fléchi elle est supérieure au compte rendu que notre trésorier vous présentait il y a un an, pour l'exercice 1877. Des valeurs qui composaient légitimement notre avoir nous sont rentrées; les intérêts de ces valeurs ont repris le courant que notre budget leur assignait, et nos dépenses, conduites avec une sage économie, ménagées par le concours dévoué des collègues qui se partagent le travail matériel de notre administration, n'ont pas dépassé un chiffre que nous ne puissions supporter.

Nous avions en caisse au 1er janvier 1878, sans dettes sur l'exercice clos, un reliquat de 1,278 francs; nous nous sommes trouvés, au 31 décembre dernier, avec un excédant de 270 francs au delà de cette somme, soit 1,548 francs.

Cela prouverait qu'il n'est pas besoin d'un grand budget pour faire de bonnes choses; mais notre rôle n'est pas de faire de l'épargne, nous devons dépenser tant que notre tâche l'exige, et pour bien dépenser il ne faut pas être préoccupé du lendemain. L'œuvre est meilleure, ses résultats sont plus nombreux et plus visibles, lorsqu'elle est largement secondée. Aussi, Messieurs, ne croyons-nous pas porter atteinte à notre dignité en vous demandant une aide plus palpable; il ne s'agit pas pour nous de résister, il nous faut aller en avant, élargir notre organisation, soulager notre travail matériel, qui prend quelquefois sur les heures de notre travail professionnel. Pour soutenir notre entreprise, il nous faut faire une propagande plus active, multiplier nos publications, faire en un mot deplus grands efforts. Il faut que le nombre de nos sociétaires s'accroisse, il faut que vous vouliez bien – c'est pour vous, en conscience, un devoir


– vous employer à ce recrutement; et si la modicité de nos cotisations ne peut arriver à nous faire riches, il est des moyens généreux que nous n'avons pas à vous indiquer. Notre budget comprend un chapitre qu'il vous appartient de grossir, et qui a pour titre libéralités. Qu'est-ce que la libéralité devant l'importance de notre tâche? Aidez-nous, Messieurs, et sans doute nous contribuerons à faire reculer cette heure fatale oit nos deux fléaux viendraient stupéfier et amoindrir la santé, l'intelligence, la force de l'homme, et décimer nos populations.

M. le Président met aux voix la proposition contenue dans ce rapport relativement au renouvellement du tiers sortant du Conseil.

Cette proposition est adoptée.

La parole est donnée ensuite à M. Crivelli pour la lecture de la première partie du rapport du Comité des récompenses. Récompenses.

Le rapport de notre comité 'des récompenses ne mérite pas moins d'attention de votre part que nos rapports des années précédentes, par l'importance des travaux qui ont appelé notre examen, et par la situation élevée des auteurs de la plupart de ces travaux.

Nous n'avons mis cette année aucune question au concours. Il nous a semblé que c'était provoquer, sur un sujet unique, une série d'amplifications qui mettent à la gêne l'appréciation des juges c'est faire dépenser d'une façon stérile, pour des écrits qui resteront inutilisés, des forces qui seraient plus utilement employées autrement; c'est gaspiller froidement le temps et la pensée des concurrents qui n'auront pas réussi.

Nous n'avons pas voulu non plus provoquer des études, des mémoires rédigés au hasard, selon la fantaisie de chacun, pour la circonstance, et parce qu'il peut y avoir au bout un témoignage public. Le tabac et l'alcool n'y apparaissent lo plus souvent que pour donner à l'écrit une apparence d'opportunité. Il nous a semblé plus logique de voir faire, et d'entendre dire. C'est notre devoir d'hommes vigilants de chercher autour de nous quelles œuvres se produisent, quels services nous sont rendus, et nous allons ainsi, quand vient l'heure d'être juges, au devant de ceux dont le travail, non provoqué, seconde le mieux nos ef-


forts. Ceux-ci honorent notre entreprise en y concourant de leur spontanéité nous honorons les autres la différence est grande. Les ouvrages imprimés, déjà dans les mains du public, nous servent par la publicité qu'ils ont acquise les mémoires manuscrits, faits uniquement pour nous plaire, ne peuvent tous recevoir cette publicité, qui serait utile à notre propagande; les résultats ne se comparent pas.

Nous avons cherché dans les publications récentes, dans les journaux, dans les mises en vente des libraires, dans les comptes rendus scientifiques ceci pour les oeuvres imprimées. Pour les bons exemples donnés, nous avons consulté la voix publique; chacun de nous s'est informé auprès de ses amis, de ses relations, des administrations, des écoles, des ateliers. A notre grande joie, nous avons trouvé, dans ce mode d'enquête, des renseignements nombreux et justifiés, et les lettres que nous recevons prouvent que notre pensée a été heureuse.

Il nous a fallu nous dire que nous ne sommes pas riches, et, d'ailleurs, que la sobriété des récompenses en augmente la valeur pour résister au désir de satisfaire à toutes les indications que nous avons recueillies.

Nous commençons notre revue par les livres, et par les plus importants, et nous empruntons aux auteurs eux-mêmes les lignes et les pages dans lesquelles ils ont concouru à notre tâche. Et d'abord, à tout seigneur tout honneur, aux académiciens. M. le docteur Germain SÉE, membre de l'Académie de médecine, professeur à la Faculté, a publié, au commencement de cette année, un volume intitulé du Diagnostic et du traitement des maladies du cœur, dans lequel un chapitre très-étendu est consacré à l'action nocive du tabac sur l'homme.

Examinons, dit M. Sée (p. 223), l'action topique de la nicotine. L'individu qui mâche les feuilles de tabac, le chiqueur, puisqu'il faut l'appeler par son nom, est surtout exposé aux accidents locaux produits par le tabac. Il se produit chez lui un véritable état inflammatoire des gencives, de la bouche et du gosier.

La nicotine dissoute par la salive ne tarde pas à porter dans l'estomac son action irritante. La perte de l'appétit et la soif continuelle en sont les moindres inconvénients.

Expectorée ou versée dans le tube digestif, la salive abondamment sécrétée en dehors du travail de la digestion, affaiblit le sujet, rend les fonctions languissantes, amène promptement cette émaciation si


commune chez les gens qui ont l'habitude de mâcher le tabac, et prédispose singulièrement à ces affections de l'estomac dont il est si difficile parfois de se rendre maître. Nous ne parlerons que pour mémoire de ces inflammations des gencives qui s'éternisent sous l'influence locale du poison, de ces dents déchaussées, sales, noires et branlantes, de cette haleine fétide, de toute cette bouche enfin, véritable foyer pestilentiel qui fait du chiqueur un être repoussant. Les tristes conséquences de l'usage du tabac mâché sont connues de tous, mais nous devons insister sur ce fait, c'est que, mis constamment en contact avec la muqueuse, le poison se trouve dans des conditions particulières d'absorption, et que par cette voie la nicotine pénètre activement dans l'économie.

Que dirons-nous du priseur? Quoique pendant longtemps l'usage de priser ait fait partie des bonnes manières, les résultats, pour en être moins dégoûtants, n'en sont pas moins pernicieux. La muqueuse des fosses nasales, incessamment irritée par le contact de la poudre excitante, se tuméfie, rétrécit les orifices qu'elles tapissent, et finit par les obstruer; le larmoiement montre bientôt que l'écoulement des larmes ne se fait plus d'une manière normale enfin l'épaississement des surfaces, uni à l'amoindrissement progressif de l'excitabilité nerveuse, peut amener la perte complète du sens de l'odorat.

Aussi bien que le chiqueur, le priseur voit passer le tabac dans le tube digestif; comme lui il s'expose aux troubles de l'estomac, plus que lui aux affections du pharynx, véritable débouché du tabac introduit par les narines.

Le fumeur de pipe est celui qui présente les troubles locaux les plus caractérisés, tels que l'érosion des dents sur lesquelles repose le bout de la pipe tenue dans la bouche; l'altération des gencives par suite de l'infiltration du tabac entre les sertissures. Mais l'accident le plus grave est assurément le cancroïde de la lèvre et de la langue c'est généralement la lèvre inférieure qui est envahie, et îe côté gauche de cette lèvre plutôt que le côté droit. D'après M. le professeur Bouisson, qui a consacré à ce sujet un in'éressant travail (Gazette médicale, 1859), le cancroïde des lèvres, autrefois !rès-rare, s'est répandu proportionnellement au développement qu'a pris en France la consommation du tabac. Si l'on considère que l'habitude de fumer n'a pas encore pénétré parmi les femmes, on sera étonné de savoir que sur 61 cas d'épithélioma de la lèvre inferieure, 6 seulement appartenaient à des femmes mais les accidents locaux produits par le tabac peuvent encore étendre leurs ravages sur le pharynx et jusque dans les voies aériennes. Nul n'ignore la fréquence extrême de l'angine granuleuse chez les fumeurs invétérés: la paroi postérieure du pharynx est parsemée de granulations rou-


geâtres ou jaunâtres dues à l'hypertrophie des follicules enflammés; ces granulations, d'après les études laryngoscopiques de M. Krishaber, se propagent presque toujours dans la cavité laryngée. Leur extension aux cordes vocales entraîne la raucité de la voix et parfois même une véritable aphonie. M. Laycock a cité même un cas d'ulcération. des cartilages du larynx qu'il rapporte à cette cause. Tous ces accidents locaux paraissent relativement faibles et légers quand on les compare aux effets produits dans l'organisme par l'absorption habituelle de l'alcaloïde du tabac; ces derniers ont été soigneusement étudiés par M. Blatin.

M. le Dr Michel PETER, membre de [l'Académie de médecine, professeur à la faculté, vient de publier également un volume de Clinique médicale, duquel nous avons extrait de saisissantes considérations.

Les désordres que la vieillesse produit dans le cœur (p. 39), par une usure naturelle et lente, l'alcoolisme les produit plus promptement par une usure artificielle et rapide; l'alcoolisme n'étant au fond qu'une sénilité anticipée, avec son tremblement, ses athérômes (tumeurs des paupières) et son altération générale de l'organisme.

Le cœur des ivrognes est toujours frappé, et le plus gravement d'habitude, comme chez les vieillards, à l'orifice et aux valvules aortiques.

A côté de l'alcoolisme, je signalerai le tabagisme, ou dégradation organique par l'abus du tabac, et surtout 'du tabac à fumer, qui produit les maladies du cœur et des gros vaisseaux, comme le fait l'alcoolisme et par un mécanisme à peu près identique. Il y a corrélation étiologique constante (p. 14S) entre l'angine de poitrine et l'alcoolisme, entre l'angine de poitrine et la narcoti. sation par l'opium ou par le tabac, ceux-ci produisant une décadence prématurée de l'individu, et la sénélité anticipée de ses tissus épithéliaux.

J'ai eu l'occasion de voir à deux reprises différentes un monsieur atteint d'insuffisance aortique type, avec souffle dans la région susmamelonnaire, pouls bondissant, palpitations et dyspnée habituelle. Ces phénomènes s'exaspèrent souvent et deviennent de véritables attaques, pendant lesquelles le malade, oppressé au plus haut degré, croit que c'en est fait de lui. Une circonstance pathogénique des plus importantes est que ce malade fumait jusqu'à ces derniers temps au moins une quinzaine de pipes par jour.

Gelineau a observé à bord d'un navire des faits très-curieux d'épidémie d'angine de poitrine.


Tous les malades, dit:il, fumaient avec acharnement et rage, le plus jeune avait toujours la cigarette à la bouche; huit où neuf y joignaient l'usage de la chique. Or, ceux qui fument la cigarette en avalent ordinairement la fumée, c'est-à-dire l'ingèrent dans les bronches, et irritent ainsi doublement les filets bronchiques du nerf vague. Si vous joignez à cela le séjour dans d'étroites cabines enfumées par les cigarettes ou les pipes d'autrui, vous y verrez une nouvelle cause d'impression morbifique de la membrane muqueuse des voies respiratoires par les vapeurs nicotiniques. Beau a également observé l'angine de poitrine chez ceux qui ont l'habitude ancienne de fumer à l'excès; il l'a surtout constatée chez des gens du nord de l'Europe (Russes et Polonais) tous grands fumeurs de cigarettes. M. Jean Rambosson dont les travaux de vulgarisation philosophique et scientifique, couronnés par l'Institut, sont connus et estimés de tous, est l'auteur d'une Btistoire des plantes, magnifique volume où le tabac occupe une large place. Le tabac, dit M. Rambosson (p. 288), n'a pas une influence moins funeste sur la vue et la mémoire que sur le cœur et la poitrine. Il n'y a pas très-longtemps, dans une communication à la Société médico-pratique de Paris, Sichel disait qu'il avait acquis la conviction que peu de personnes peuvent consommer pendant un temps considérable plus de 20 grammes de tabac à fumer par jour, sans que leur vision et souvent leur mémoire s'affaiblissent. Il a vu, entre autres, un homme d'une quarantaine d'années devenu complétement aveugle par le seul abus du tabac, et qui a été entièrement, radicalement guéri par un traitement très-modéré et par la cessation de cet abus.

L'abus du tabac produit donc une amaurose cérébrale, comme l'abus des spiritueux dans les deux espèces, la mémoire est souvent affaiblie.

L'amaurose causée par les spiritueux est ordinairement accompagnée d'un tremblement que le malade éprouve le matin dans les mains, tant qu'il est à jeun, véritable commencement de delirium tremens, ainsi que, à une période un peu plus avancée, des vomissements de matières muqueuses, bilieuses ou acides, survenant également le matin.

Ces deux espèces d'amauroses, toutes les deux fort lentes dans leur marche vers la guérison et très-réfraetaires au traitement comme toutes les affections causées par une mauvaise habitude invétérée et difficile à extirper, s'observent isolément, mais elles sont assez souvent réunies. Il n'est pas aisé alors de décider le rôle que chacun des agents producteurs, les alcools ou le tabac, joue dans leur production.


Ce serait certainement trop exiger que de demander à ceux qui font usage du tabac depuis longtemps de cesser d'en prendre on ne quitte pas une habitude de même qu'on la prend, surtout une habitude facile à satisfaire mais au moins ceux qui ne fument pas ou qui ne commencent à fumer que pour faire comme les autres, et par vanité junévile, devraient-ils sérieusement réfléchir avant de se divrer à une habitude qui peut parsemer leur vie de douleurs et d'angoisses physiques et morales, qu'ils légueront comme un funeste héritage à leurs descendants.

Les parents surtout devraient se méfier de leur aveugle tendresse. L'autre jour, à la fin d'un repas, un père faisait une cigarette à son fils qui n'avait pas douze ans.

» Plus tard, lui dit-il, sije suis content de toi, tu fumeras le cigare; d'ailleurs, il faut bien t'habituer peu à peu. » On devrait, pour ainsi dire, mettre dans le catéchisme que les parents enseignent à leurs enfants les funestes effets du tabac, afin que ni les uns ni les autres n'ignorent quelle est la folie de ceux qui se font violence, au point de se rendre malades, pour prendre une habitude dont lé cortège est si funeste.

Ce que nous vous signalerons ensuite n'est pas un livre, c'est un journal à l'apparence modeste. C'est un journal anglais, le doyen de notre bulletin, l'organe d'une société anglaise qui a précédé de quinze ans notre association.

The Anti-Tobacco Journal a été fondé, en 1883, par M. Thomas Reynolds, en même temps que la British anti-tobacco Society. Cette publication est mensuelle, file a un tirage considérable, et se vend au prix modique de un penny. Notre vice-président, M. Crivelli, lui a fait maintes fois, au profit de notre bulletin, des emprunts toujours intéressants.

M. Thomas Reynolds, qui fut un véritable apôtre de la ligue contre le tabac, un ardent propagateur, conférencier, fondateur de sociétés locales, est mort au commencement de 1876. La propriété du journal qu'il avait créé est échue à sa fille, miss Emma Frances REYNOLDS, qui en est restée l'éditeur jusqu'à ce jour, donnant à l'œuvre anglaise de l'antitabagisme le concours d'une large publicité, et démontrant l'efficacité de cette propagande par un chapitre chaque fois ouvert aux contributions gracieuses [contributions are gratefully acknowledged) des partisans de l'anti-tobaaco.

Le Conseil s'est fait un devoir d'adresser à miss Reynolds un témoignage particulier de ses vives sympathies.


M. le D. Decaisne a été membre de notre association, et secrétaire de nos séances. Il s'est séparé de nous; mais c'est notre devoir d'aller rechercher, même maintenant que nous n'avons plus son utile concours, ceux de ses travaux nombreux qui aident au succès des nôtres.

Dans une notice que M. Decaisno a publiée sur ses principaux écrits scientifiques, nous trouvons l'indication d'un mémoire sur les intermittences des battements du cœur et du pouls par suite de l'abus du tabac.

Un autre a pour titre Études sur les buveurs d'absinthe, Un troisième est relatif aux effets du tabac à fumer chez les enfants.

i" L'absinthe, à dose égale et au même degré de concentration alcoolique que l'eau-de-vie, dit M. Decaisne dans ses conclusions (2« mémoire), a des effets plus funestes et plus prononcés sur l'économie.

2° A dose égale, l'absinthe produit l'ivresse beaucoup plus rapidement que l'eau-de-vie. Les états qu'on a décrits sous les noms d'alcoolisme aigu et d'alcoolisme chronique se développent sous son influence beaucoup plus facilement. Il est nécessaire cependant de faire entrer ici en ligne de compte le degré de concentration de l'alcool, en général très-élevé dans l'absinthe.

30 Les effets de l'absinthe sur le système nerveux sont plus marqués que ceux de l'eau-de-vie, et ressemblent assez bien à l'intoxication par un poison narcotieo-âore.

Un des plus grands dangers de l'absinthe consiste dans les sophistications qu'on lui fait subir.

5° L'absinthe à dose modérée et de bonne qualité n'est jamais exempte de dangers, et produit toujours, dans un espace de temps plus ou moins long, et selon les aptitudes individuelles, des désordres plus ou moins sensibles dans l'économie et particulièrement dans les fonctions digestives.

Enfin l'absinthe, même à dose modérée et de bonne qualité, doit être bannie de la consommation.

De mes observations (3e mémoire), sur enfants, de neuf à quinze ans, faisant un usage plus ou moins grand du tabac à fumer, j'ai tiré les conclusions suivantes

i" Quoique difficile à apprécier chez tous les sujets, les effets pernicieux du tabac à fumer sur les enfants sont incontestables. 2" L'usage même restreint du tabac à fumer, chez les enfants, amène souvent une altération du sang et les principaux symptômes de la chloro-anémie la pâleur du visage, l'amaigrissement, le


bruit de souffle aux carotides, les palpitations, la diminution de la quantité normale des globules sanguins, les difficultés de digestion, etc. 3° Le traitement ordinaire de la chloro-anémie ne produit en général aucun effet, tant que l'habitude persiste.

Les enfants qui fument accusent presque tous de la paresse de l'intelligence et un goût plus ou moins prononcé pour les boissons fortes.

Chez les enfants qui cessent de fumer et qui ne sont atteints d'aucune lésion organique, les désordres de l'économie que je viens d'énumérer disparaissent souvent très-promptement et sans laisser aucune trace.

M. le docteur Victor Desguin, médecin à Anvers, conseiller provincial, a publié, sur l'abus des boissons alcooliques, une brochure qui nous a été envoyée de Belgique.

Les législations de divers pays, dit M. le Dr Desguin, ont longuement discuté la question de savoir s'il faut considérer l'ivresso comme circonstance atténuante ou comme circonstance aggravante des crimes et délits. Cette question a été résolue différemment. Il ne nous appartient pas de résoudre un problème auquel tant de jurisconsultes éminents, se plaçant à des points de vue divers, ont donné des solutions si différentes. Toutefois il nous semble que, dans l'appréciation des circonstances qui ont amené ou accompagné les crimes et les délits, l'ivresse ne doit pas toujours être taxée de la même manière. Notre opinion est que l'ivresse publique doit toujours être considérée comme un délit, que l'ivresse provoquée dans le but de se préparer à commettre un crime, ou de se soustraire aux censé-quences de ce crime, doit constituer une circonstance aggravante, et que l'élément qui doit commander l'appréciation du juge, c'est la préméditation. A ces divers points de vue l'action législative s'est exercée à diminuer l'abus des boissons alcooliques, en cherchant à en atteindre les conséquences. Il faudrait, à notre avis, qu'elle fût plus radicale, d'abord en définissant l'ivresse publique comme délit correctionnel, ainsi que l'a fait en France la nouvelle loi sur l'ivresse (3 février 1873) ensuite en indiquant les circonstances l'ivresse devra être considérée comme aggravante des crimes et des délits. Si l'action des pouvoirs publics a été faible, dans leurs tentatives pour l'extinction de l'ivrognerie, on peut avec satisfaction constater que l'action des particuliers, malheureusement peu secondée, a déjà produit de beaux résultats. Dans certaines industries notamment, les ivrognes sont rigoureusement chassés les ouvriers qui chôment le lundi ne trouvent plus de travail quant ils se représentent; plusieurs chefs d'industrie ont établi, dans leurs usines ou fabriques,


des écoles que les ouvriers illettrés sont obligés de fréquente, tout en conservant leurs salaires pendant les heures de classe; s'ils emploient de jeunes ouvriers, ils font alterner les heures de travail avec les heures d'étude, de manière à les,moraliser par l'instruction, tout en en formant des ouvriers modèles voilà de la philanthropie bien entendue, qui ne fait pas l'aumône, mais s'applique à rendre l'aumône inutile.

Toujours par l'initiative des particuliers se sont fondées des sociétés coopératives de consommation et des cuisines économiques, établissements destinés à fournir, à bon marché, des aliments de bonne qualité, bien préparés.

Il faut signaler encore les banques populaires, la création de maisons ouvrières, les prix de propreté, l'établissement da l'épargne dans les écoles, toutes institutions qui donnent aux travailleurs des idées d'ordre et d'économie, les éloignent des cabarets et leur assurent un bien-être relatif. C'est dans ce même but que certains industriels ont associé les ouvriers à leur fabrication et partagé avec eux leurs bénéfices.

Nous avons trouvé une thèse (106 p. in-4°) soutenue, en 1876, par M. le Dr Fokssard, de Champlitte (HaiUe-Saône), sur l'empoisonnement par la nicotine. Voici quelques-unes des observations recueillies par l'auteur

Empoisonnements aigus par la fumée de tabac. Obs. I. Helwig a vu succomber deux frères qui avaient fumé, à la suite d'un pari, l'un 17, l'autre 18 pipes allemandes.

II. Marshall-Hall raconte qu'un jeune homme, après avoir fumé dix pipes, fut pris de crampes, de convulsions, avec dilation de la papille, et qu'il tomba dans un état comateux, d'où on eut bien de la peine à le tirer.

111. Mackenzie rapporte l'observation d'un homme qui, ayant fumé une pipe et la moitié d'une autre, en avalant sa salive, fut pris d'une syncope, de vomissements, puis tomba dans une stupeur profonde; sa respiration devint stertoreuse, ses pupilles étaient inégalement dilatées et ne se contractaient plus sous l'inflence de la lumière. Il resta quatre jours dans cet état, et ne dut la vie qu'au traitement énergique dont il fut l'objet.

1V. Un vigneron, qui avait été soldat et qui était âgé d'environ 42 ans, fit la gageure avec un de ses voisins, de fumer dans une après-midi, et de suite, 25 pipes de tabac, quoiqu'il n'en fumât communément que 3 ou 4 par jour. Il gagna son pari; mais la fumée que cet homme avala, ou, ce qui est la même chose, la salive im-


prégnée des parties subtiles de cette substance, fit un tel désordre dans son corps, qu'au bout de quelques heures, il fut saisi d'un étourdissement, suivi de perte de connaissance celle-ci ne lui revint qu'après des vomissements très-violents et continuels, qu'on apaisa à force de lui faire prendre du petit-lait.

Malgré le prompt soulagement que le petit lait procura à cet homme, il lui resta, pendant l'espace de dix-huit mois, de grands maux de tête et des vertiges qui l'obsédaient de temps en temps avec beaucoup de violence; et ce qu'il y a de particulier c'est qu'il a eu, depuis cet accident, une telle aversion pour la fumée de tabac, qu'il disait que la vue d'une pipe lui faisait mal à la tête. (Journal de Van der Monde, 1757, p. 68.) Cette observation est rapportée par M. le professeur Tardieu dans ses études médico-légales et cliniques sur l'empoisonnement.

V. Dans un chef-lieu de canton du département de la Manche (à Duley), un jeune homme, âgé d'environ 14 ans, qui n'avait pas l'habitude du tabac, eut l'idée de fumer pour apaiser un violent mal de tête. A peine avait-il terminé un paquet de 15 centimes, qu'il tomba sans connaissance, et expira dans la soirée, sans avoir repris l'usage des sens et de la parole. (De Lepervanche, 1869.) \'I. On m'appela un jour à la hâte pour voir un homme qui, disait-on, était à l'extrémité, et véritablement, il se trouvait dans le collapsus le plus complet. Il était, entièrement glacé, pâle, et couvert d'une sueur froide et visqueuse. Les pulsations des artères temporales et radiales étaient imperceptibles; on n'entendait plus les bruits du cœur, même au stéthoscope, et la seule preuve de la per sistance de la vie était un profond soupir, que le malade poussait toutes les quinze ou vingt secondes.

J'appris que le pauvre homme, voulant obtenir quelque soulagement de ses hémorrhoïdes, s'était avisé de s'asseoir sur un vase de nuit contenant du tabac avec quelques charbons ardents. Il y était resté pendant quelques minutes, et avait fini par tomber dans l'état de prostration décrit ci-dessus. Je lui fis avaler de l'eau-de-vie, on pratiqua avec force des frictions sur la région précordiale, et des sinapismes furent appliqués aux extrémites inférieures. Le réaction se fit, et le rétablissement complet s'opéra. Cet homme me donna l'assurance qu'au milieu de son anéantissement apparent, il était resté parfaitement sensible, durant la majeure partie du temps, à tout ce qui se passait autour de lui. Pour me le prouver, il me rappela presque toute la conversation dont il avait été l'objet. (Observation publiée par Wright, dans la Gazette médicale de Londres, et reproduite dans les Annales d'hygiène publique et de médecine légale, année 1874, t. XXXVIII).


M. le Dr Elie GOUBERT, a publié un petit livre fort remarqué Des agents perturbateurs du développement de la jeunesse.. En 185b-S6, M. Bertillon a pu, grâce à la bonne volonté d'un jeune parent qui était entré à l'École polytechnique, faire faire sur le personnel de la promotion de 1855 le relevé des élèves fumeurs ou non fumeurs, avec les numéros du classement qu'ils ont obtenu par ordre de mérite.

Nous offrons, nous aussi, dit M. Goubert, notre statistique, dressée par un élève de la promotion de 1874, avec le concours de quelques camarades et notamment de ceux actuellement comme lui élèves des mines. Elle a été revue par nombre d'intéressés et notre jeune parent, M. G. Doré, nous la garantit d'une exactitude scrupuleuse. Moyenne des fumeurs de la promotion de 1874, 77,6 p. 100. Ce qu'écrivait le Dr Bertillon pour la promotion de 1855 reste justifié Son tableau donnait d'une façon approximative un fumeur par un élève et demi ou deux fumeurs par trois élèves; le nôtre, vingt ans après, donne approximativement un fumeur par un élève et quart ou quatre fumeurs par cinq élèves (4 fumeurs pour un non-fumeur); mais plus exactement

Sur dix élèves de la promotion de 1835, il y avait 6,37 fumeurs et 3,63 non-fumeurs.

Sur dix élèves de la promotion de 1874, il y a 7,72 fumeurs et 2,28 non-fumeurs. (Voilà déjà un nouvel argument en faveur de l'abus progressif du tabac parmi la jeunesse.)

Dans notre tableau, on remarquera que le nombre total des fumeurs est moindre au classement d'entrée qu'aux deux autres; ce sont autant d'élèves qui non-fumeurs à leur entrée à l'École, ont contracté dans la première année l'habitude du tabac; il y en a quinze, mais aucun d'eux n'appartient aux 100 premiers, les 67 fumeurs que compte la première centaine ne se retrouvent plus que 64 au classement de sortie. Sur les 100 suivants (de 101 à 200) 75 sont fumeurs à l'entrée à ils sont 82 aux classements de fin de la première année et de sortie; sur les 50 derniers, 36 sont fumeurs à leur entrée, ils sont -iï> à la fin de la première année et 47 à la sortie de l'École.

Progression croissante dans chaque colonne à mesure qu'on s'éloigne de la première rangée de chiffres, écart le plus considérable entre les 40 premiers de 1855, les 60 premiers de 1874 et les 40 et les 60 suivants des deux promotions! Le tabac, considéré comme agent perturbateur des travaux intellectuels, ne peut plus être mis en doute, ce n'est plus là de la coïncidence, c'est un fait acquis. « Pourquoi, dit plus loin M. le Dr Goubert, et à propos de l'abus des boissons alcooliques, pourquoi des troubles qui frappent et tuent


l'homme même dans la force de l'âge, épargneraient-ils le jeune homme abusant de la même façon?

Si l'ivrognerie est exceptionnelle, si l'enivrement passager est rare dans la jeunesse des écoles, l'abus habituel des boissons alcooliques est en revanche excessivement commua dans les classes laborieuses et parmi les jeunes gens de ces classes.

Toutes les causes que nous avons indiquées comme engendrant les habitudes vicieuses agissent dans ce sens. L'adolescent ne peut pas invoquer comme l'adulte l'excuse, du reste fausse, des chagrins, de la misère, etc.; à son ûge on reste encore indifférent aux fluctuations de la fortune; et si sa profession rude et pénible réclame parfois le stimulant de la boisson, ce n'est pas une raison pour en abuser.

Nous n'avons pas à revenir spécialement pour les adolescents sur les effets des abus alcooliques arrêt du développement physique, moral, intellectuel, difformité, imbécillité, état morbide, cachexie, sont autant d'anomalies vitales, d'agents démoralisateurs qui se traduisent actuellement, pour notre pays, par l'affaiblissement des sentiments généreux et par la diminution du nombre des travailleurs, des pères. de famille, des défenseurs du sol.

M. le docteur Mora, deBrunehamel (Aisne), a inséré, dans le Courrier Médical, un article reproduit par notre quatrième bulletin de 1878, sur l'influence du tabac et de l'alcool dans la production du cancer et de la tuberculose.

Nos lecteurs retrouveront cette étude aux pages 9(< et suivantes de notre précédente livraison.

M. le docteur Nicolas, médecin aux eaux de la Bourboule, dans un rapport à l'occasion de l'Exposition universelle, a inséré une étude sur les Progrès de l'hygiène, contenant des observations d'alcoolisme et d'ivresse par la morphine qui révèlent de déplorables coutumes.

Ivrognerie de la morphine. Il n'est pas de médecin qui ne soit témoin- chaque jour des funestes conséquences de l'abus de la morphine- Certains malades, soulagés d'abord, par son usage, de souffrances physiques d'une nature quelconque, en ont contracté l'habitude à ce point qu'ils ne peuvent plus s'en passer; et les effets de la morphine sont tels que la suppression du médicament ne cause pas moins de désordres chez eux que son emploi abusif.

Depuis que Laehr et Fiedler en ont parlé les premiers, plusieurs auteurs, entre autres F. Hallin, Weinlechner. Michel, et plus récemment Levinstein, on décrit les symptômes de ce qu'ils ont appelé


morphinisme, morphiumsuckt, morphiomanic, c'est-à-dire « la passion qu'a nn individu de se servir de morphine comme excitant ou comme sédatif, et l'état pathologique qui résulte de l'usage abusif du médicament. »

J'observerais volontiers que cette passion, comme tant d'autres, est plutôt une faiblesse; car, entre ceux qui sont accessibles à l'attrait du jeu, du tabac, du haschisch, de la morphine, à l'amour du gain, et les débauchés de toute espèce, il y a cette différence que ceux-ci y cèdent, tandis que d'autres y résistent.

11 y a, toutefois, entre l'ivrognerie de la morphine et l'ivrognerie de l'alcool, à laquelle on l'a comparée, une distinction à faire c'est que, dans sa généralisation actuelle, la première a pour point de départ l'apaisement d'une souffrance, tandis que la seconde n'a pour objet que la satisfaction d'un penchant sensuel. Il est vrai qu'à un moment donné, il s'établit, dans les deux cas, le besoin impérieux de relever, par de nouvelles doses du poison, les forces épuisées, et que l'effet de la morphine comme de l'alcool, dans la phase d'énervement qui caractérise l'un et l'autre état, est de déterminer une excitation factice qui suffit à secouer l'apathie nerveuse, et à donner à l'organisation languissante un regain de vigueur.

Avant la vulgarisation des injections sous-cutanées, cet abus de la morphine était rare chez nous. J'ai pourtant connu, pour ma part, un médecin qui, ayant eu l'idée de combattre le mal de mer par le laudanum, en avait contracté l'habitude, et qui du laudanum était passé insensiblement à la morphine. Il est juste d'ajouter qu'il n'y avait trouvé aucune immunité contre le mal de mer et que, plus tard, continuant l'emploi du médicament dans l'espérance de se prémunir ainsi contre l'usage du tabac, il n'en fumait pas moins. Il n'avait pas subi, toutefois, cette sorte de contagion vicieuse qui engendre; chez les morphinisés, le goût de l'alcool; car un grand nombre d'entre eux subissent à la fois ce double entraînement. Nul médicament, en effet, n'a mieux justifié sa vogue. « Il y a dix ans à peine, dit Levinstein, que les injections de la morphine étaient très-rares en Allemagne. La pratique commode de cette méthode de Pravaz, son action prompte et merveilleuse contre la douleur, le repos qu'elle procura aux blessés et aux malades pendant la guerre de 1866, lui ouvrirent facilement les portes de l'Allemagne. Le cercle de ses indications fut élargi de jour en jour, sans discernement. On employa bientôt cette méthode d'apaisement contre toute sensation anormale, qu'elle fût d'origine nerveuse ou inflammatoire; et ce nouveau traitement se substitua peu après au traitement rationnel. Les malades se trouvaient bien en apparence, au milieu de leur ivresse morphinique; mais sous celle-ci disparut l'essence de la maladie et la notion de causalité. Les médecins les plus écoutés ne


purent conjurer le péril. L'enthousiasme qui s'était emparé du public, à la vue des effets surprenants de ce médicament, ne fit qu'augmenter et quand on s'aperçut qu'il apaisait également la douleur morale, on l'arracha aux médecins, entre les mains desquels seuls il aurait été une bénédiction pour l'humanité. C'est de ce moment que date la morphiomanie. »

Le mal n'est pas moins grand en France qu'en Allemagne. L'injection morphinée ne combat pas seulement l'insomnie et la douleur; mais elle agit aussi sur le moral. Elle donne naissance à des sensations voluptueuses qui n'ont qu'une analogie lointaine avec l'ivresse alcoolique. L'humeur change, la gaieté succède à la tristesae la vigueur à la débilité, l'énergie à l'énervement, la loquacité au mutisme, la hardiesse à la timidité. Mais, aussitôt que l'élimination de la morphine est achevée, le bien-être fait place à une profonde dépression qui est en raison directe de la surexcitation primitive. Peu à peu le remède s'impose aux initiés seul, il dissipe leurs malaises de l'âme et du corps et leur procure l'oubli des chagrins domestiques ou des ennuis professionnels. Seul, il raffermit leurs membres tremblants, comme le fait pour l'alcoolique sa goutte du matin. Mais, quand l'effet de la morphine est épuisé et que le découragement s'ajoute, comme chez l'alcoolique, à la langueur organique, la vérité de la situation, la perspective d'une vie misérable et désolée se dévoilent aux yeux du malade, en même temps que s'impose l'urgence d'une nouvelle dose du poison.

Puis les intervalles pendant lesquels il peut vivre de la vie commune deviennent de plus en plus courts, et le besoin de morphine est de plus en plus impérieux; le cercle vicieux se resserre de plus en plus, jusqu'au moment où la nature est définitivement asservie au joug du poison, qui ne laisse plus à la volonté la possibilité d'un effort. C'est le propre de la morphine que les mêmes effets se produisent par son usage habituel, et, chez les habitués, par sa privation et que, seule, elle peut guérir le mal qu'elle a fait. Toutefois, différente en cela de l'alcool, elle respecte l'intelligence. Je connais, dit Levinstein, duquel nous empruntons le fond de cette description, toute une série de personnes qui sont morphiomanes à un haut degré et qui non-seulement se trouvent en pleine possession de leur vigueur intellectuelle, mais qui brillaient ou qui brillent encore comme des astres resplendissants sur l'horizon scientifique. Des hommes d'État, des hommes de guerre, des artistes, des médecins, des chirurgiens, des personnes de grande notorité sont les esclaves de cette passion, et leur activité n'en est nullement entravée. Il est vrai que tous cel personnages avaient besoin ou ont besoin, pour remplir leur emploi ou exercer leur profession, de la morphine comme nervin, afin de se maintenir en équilibre instable.


Les morphinisés sont pâles, flasques, ou bouffis, darlreux, frileux, infiltrés ils transpirent abondamment pour la moindre cause; leur regard est éteint, morne et timide, quand la morphine ne vient pas le ranimer les pupilles sont ordinairement rétrécies, souvent inégales la bouche est sèche, la langue tremblante, l'intestin paresseux, l'alimentation difficile par suite de la répugnance pour les aliments, la nutrition languissante, le pouls petit, {l'urine diminuée, l'oppression habituelle avec les névralgies, les hyperesthésies, les paresthésies, les treuiblemonls, alternent ou coïncident des alarmes, des hallucinations, des changements d'humeur, une excitabilité réflexe excessive. M. le Dr Charles Ricbet, docteur ès-sciences, a fait paraître dans la Revue des Deux-Mondes et a réuni plus tard en un volume, des articles très-rcmarqués, intitulés les poisons de l'intelligence: alcools, chloroforme, hachich, opium, café.

Pas un mot du tabac; le champ de J'observation n'en reste pas moins vaste pour nous.

Après avoir étudié isolément l'action de l'alcool, du chloroforme, du hachich, de l'opium et du café, il nous sera facile de résumer l'histoire des troubles que ces substances produisent dans les fonctions intellectuelles. De même que l'étude des troubles fonctionnels de la moelle épinière, sous l'influence de la strichnine, du bromure de potassium ou de l'atropine, nous donne de précieux enseignements sur les fonctions normales de cet organe, de même l'analyse des troubles fonctionnels de l'intelligence empoisonnée par des substances qui la pervertissent peut nous fournir sur le mécanisme de l'intelligence saine quelques notions incontestables.

Le fait essentiel et que nous avons cherché à mettre en pleine lumière, c'est que l'intelligence est toujours altérée dans le même sens. Les facultés volontaires et conscientes se paralysent; les facultés imaginatives et conceptives s'exaltent. De là une certaine dualité dans le moi. Il y a le moi qui conçoit, il y a le moi qui dirige les idées. Quand la direction manque, le désordre dans la conception est inévitable, et les illusions, les hallucinations en sont la conséquence nécessaire. C'est qu'en effet il y a un certain équilibre dans les forces intellectuelles qu'il n'est pas bon de déranger. Une fois que cette harmonie n'existe plus, l'homme est livré sans frein à une activité cérébrale désordonnée, qui ne lui permet plus ni travail, ni modération, ni réflexion, et qui en fait, non une bête brute, comme on l'a dit à tort, mais un maniaque et un fou.

Le langage, qui est l'expression la plus parfaite des expériences et des observations de plusieurs siècles, dit que le vin trouble la raison. C'est que la raison n'est pas l'imagination. Avoir sa raison, c'est être


en pleine possession de soi-même, rectifier les conceptions par les sensations extérieures et juger souverainement. Ce moi qui juge, rectifie et dirige, c'est la volonté, c'est aussi l'attention. Cette volonté n'est pas un être fantastique ni une forme de langage, c'est quelque chose de réel, d'actif et de puissant. Elle est le résultat des habitudes antérieures, des forces héréditaires accumulées sur le fils d'une longue série d'ancêtres, et des sensations recueillies de tous côtés pendant des années. Elle a un pouvoir indiscutable elle force les idées à suivre une direction constante, elle élimine à son gré les impressions du dehors et donne aux conceptions un sens déterminé dont elle est maitresse. Cependant il se passe dans le cerveau une infinité d'actes dont nous n'avons pas conscience, et qui, grâce à elle, passent inaperçus et ne viennent pas nous troubler. De même que parfois, dans une foule d'hommes se pressant autour de nous, il en est un que nous suivons du regard, que nous distinguons de la foule, auquel nous parlons, qui nous répond, sans que nous prenions souci des autres qui nous entourent de même, dans la foule de nos pensées, il en est une que nous choisissons, que nous approfondissons, que nous étudions avec persévérance, sans que les autres pensées, bruissant sourdement autour de celle-là, viennent nous en détourner et nous faire oublier le but que nous poursuivons.

Voilà la grandeur de l'intelligence humaine; c'est que non-seulement elle conçoit, et conçoit plus richement que toutes les autres intelligences, mais elle est sa maîtresse et sa souveraine. Quand, par une substance toxique, on altère cette faculté de la réflexion et de la volonté, on altère l'intelligence dans ce qu'elle a de plus élevé et de plus puissant. Peut-être serait-on tenté de croire que pour les œuvres d'imagination l'excitation des conceptions est salutaire, et de dire que certains hommes ne produisent que dans ces conditions mais ce serait une funeste erreur.

M. Stanislas MARTIN, pharmacien à Paris, a inséré dans le Compte rendu des travaux de la Société du Berry à Paris, un mémoire sur l'Influence de la bière et du tabac sur la jeunesse. A part le mérite de l'article, il importe de faire remarquer que ce volume de la Société du Berry date de 1864. M. Stanislas Martin a été un apôtre de la veille il avait lancé son anathème contre l'abus du tabac et des boissons fermentées quatre ans avant la fondation de notre association, et nous faisons acte de justice en donnant une large place à ce travail qui a précédé tous les nôtres.

Il y a trente ans, j'écrivais, dans le Bulletin thérapeutique, qu'un jour la gaieté française resterait au fond de la chope et de la pipe ma prédiction se réalise.


Dans notre jeunesse, les villages du Berry n'avaient que quelques cabarets dans lesquels on buvait du vin; aujourd'hui, si l'on parcourt nos vastes plaines, on y rencontre ça et là des groupes de vingt à trente maisons: on est sûr qu'il y a au moins deux cafés, dans lesquels nos jeunes gens vont fumer et se gorger de bière. 11 n'en pouvait être de même en 4357 un édit défendait à tous gens de métiers de fréquenter les cabarets. Bien mieux, François Ier, qui avait l'ivresse en horreur, avait fait proclamer, en -1S36, par son chancelier, Antoine de Bourg, que quiconque serait pris sur la voie publique en état d'ivresse serait mis au pain et à l'eau, dans le cas de récidive, le coupable serait fouetté, mis en prison, et s'il était incorrigible, on lui pratiquerait à l'oreille uue incision comme signe d'infamie la pei ne pouvait aller jusqu'au bannissement. Malgré la sévérité de ces édits, les fautifs ne manquaient pas.

On vit paraître, en 1560, un autre édit qui défendait aux habitants de nos villes et de nos villages, sous peine de prison, d'aller dans les cabarets. Les cabarets ne devaient être ouverts que pour les étrangers aux localités si le cabaretier enfreignait l'ordonnance, en recevant chez lui un individu du pays, sa maison était fermée pour toujours.

Platon avait proclamé que le beau est la splendeur du vrai ne pourrait-on pas dire aussi que l'utile est la spendeur de l'intelligence? C'est que dans aucun siècle, l'intelligence de l'homme ne s'est montrée plus que dans le nôtre, belle, riche, féconde; on peut l'appeler, avec juste raison, le siècle aux merveilles parmi les merveilles, la matière dans nos mains s'anime, va, vient, obéit, pour nous épargner des fatigues, des infirmités et souvent bien des larmes; mais, hélas à côté de ce bien est le mal. La vapeur réunit autour d'elle, dans les centres manufacturiers, un grand nombre d'ouvriers; ces lieux sont autant de foyers d'immoralité; l'ivresse y est à l'ordre du jour. On commence à boire, à fumer par fanfaronnade, on en contracte l'habitude, avec le temps c'est un besoin, puis une passion; à la suite de ce dévergondage de l'esprit et du goût, la paresse prend naissance avec l'amour du jeu; oh! alors on arrive vite au bas de l'échelle sociale, on met le pied dans les vices qui conduisent à la misère, à la prison, à l'hôpital, au bagne et le plus souvent au suicide.

Chaque jour on entend dire aux philanthropes: A quoi doiton attribuer la dégénérescence que l'on constate dans nos mœurs ? » Moi, j'accuse le tabac. Oui, le tabac modifie la vie du citadin comme celle du campagnard. Les paysans du Berry veulent tous habiter les villes; à peine trouvent-on un domestique pour tenir la charrue. Si on leur en demande la cause: On gagne si peu! répond-on, le tabac est si cher, la bière est si bonne » Qu'en résulte-t-il? l'air vivifiant


de la campagne a mis quinze années à faire un jeune gars fort et vigoureux; il n'en faut que quinze à la ville pour le transformer en un vieillard presque débile.

Salluste prétendait qu'en observant la marche des hommes on finissait par reconnaître leur caractère, leurs mœurs, leurs habitudes. Cet historien avait raison cet adage Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es, est vrai dans la circonstance.

L'ouvrier, par suite de la fréquentation des mauvais estaminets, prend des allures débraillées, un langage trivial, mêlé d'argot; s'il cède à l'ivresse, sa taille se voûte, sa voix prend des intonations dures, gutturales. 11 y a cinquante ans, les matelots seuls osaient, au grand scandale de nos mères, fumer en public si quelques jeunes gens les imitaient, ce n'était qu'en cachette; pour dissimuler leur faute, ils avaient soin de se rincer la bouche. Aujourd'hui on fume partout: le mari nu bras de son épouse, le fils au bras de sa mère et de sa soeur; it est même d'un extrême bon ton de ne jamais sortir de chez soi sans avoir à la bouche un cigare ou une pipe. On ne dit plus, j'ai un kilomètre de chemin à faire, on dit j'ai l'espace de deux cigares à fumer. Pauvres femmes, en permettant aux hommes de fumer dans vos salons, dans l'atelier, sous le chaume, vous avez cru pouvoir retenir près de vous vos maris, vos fils, erreur aujourd'hui, il y a l'égoïsme du tabac, car le tabac rend égoïste. M. le professeur Virchow a fait dernièrement une leçon à Cologne sur les dangers qu'entraîne, au point de vue de la santé, l'habitude de fumer du tabac.

Aussitôt après la laçon, douze jeunes gens déclarèrent qu'ils s'abstiendraient à l'avenir de fumer, et pinceraient l'argent qu'ils épargneraient ainsi dans une assurance sur la vie. L'exemple est bon à imiter.

Naître et mourir, voilà la destinée de tous les êtres organisés la nature s'est chargée de fixer le temps de leur passage sur cette terre, libre à eux d'en abréger le cours.

Parmi les êtres animés, l'homme seul use de la faculté de se rendra malade, d'abréger sa vie, d'y mettre fin. Pour cela il a recours à mille moyens; celui qu'il préfère est l'intempérance, il boit, il mange sans faim, outre mesure; il s'ingénie à composer des aliments, des boissons qui flattent son palais, son odorat, qui stimulent ou enivrent son cerveau. On ne touche jamais impuaémeut aux lois de la nature, à l'équilibre qu'elle a créé. Il en résulte d'abord un dérangement dans les fonctions digestives, les maladies viennent ensuite. Voilà pour les écrits.

Je vais rendre la parole à notre secrétaire général qui va vous émimérer les actes.


Nous tenons ainsi les deux, pôles du mouvement intellectuel FACTA ET VERBA.

La parole est donnée à M. Germond de Lavigne, pour la lecture de la seconde partie du rapport des récompenses. Notre tâche, ici, est facile. Nous n'avons eu qu'à classer, suivant un ordre relatif des mérites, les notes remises par ceux de nos collègues qui ont bien voulu s'enquérir des services rendus à notre cause.

M. Julien Agnellet est l'un des deux frères associés d'une grande maison de commerce de la rue de Richelieu il dirige une manufacture rue de Reuilly.

M. Julien Agnellet, nous dit un de nos collègues, était atteint d'une bronchite aiguë, compliquée d'une laryngite; son état était devenu alarmant et s'aggravait tous. les jours par l'habitude enracinée du fumer. Sur le conseil du médecin, M. Agnellet a abandonné avec résolution l'usage du cigare; son état s'est amélioré peu à peu; il est aujourd'hui entièrement guéri, professant pour le cigare une répulsion au moins égale à ses affections antérieures. M. Julien Agnellet, à la tête d'une grande manufacture, occupant de 300 à 500 ouvriers, d'accord avec ses associés, a prohibé absolument l'usage du fumer dans l'intérieur de l'établissement. M. Grandfond, instituteur à Méreau, canton de Lury (Cher), nous a été signalé comme se consacrant tout particulièrement dans son enseignement à combattre l'abus du tabac et des boissons alcooliques. Un certificat du maire de cette commune nous dit que M. Grandfond est entré à cet égard dans une voie qu'il serait désirable de voir suivre par tous ses collègues de nos agglomérations rurales. Ils rendraient par là à la santé publique et à la morale d'immenses services. M. Grandfond est jeune il a déjà été signalé par de nombreux travaux et de nombreuses récompenses décernées par le Comice agricole du canton, par le Conseil départemental de l'instruction publique par la Société insectologique par la Société protectrice des animaux, etc. Il nous a envoyé un cahier intitulé « Entretien d'un instituteur avec ses élèves sur l'abus du tabac et des boissons alcooliques »̃M.Groult, avocat à Lisieux. Il a été parlé de lui et de ses musées cantonaux dans notre compte rendu annuel. Cette œuvre


excellente se répand chaque jour davantage. M. Groult s'y est consacréavec une infatigable persévérance et un admirable dévouement, voyant là un puissant moyen de propager jusque dans nos campagnes l'étude des arts, des sciences et de l'industrie, et d'élever en même temps le niveau moral de la population. M. Groult est arrivé à créer un grand nombre de musées, à vulgariser son idée, à grouper enfin autour de lui un nombre considérable d'adhésions importantes. L'avenir appartient aux idées généreuses et il est du devoir de tous ceux qui s'unissent pour faire des oeuvres utiles, d'encourager celle-ci.

M. Tbombebt (Albert), né à Colmar, est employé au secrétariat de l'imprimerie Chaix, depuis le mois d'août 4872, et chargé de la surveillance des apprentis pendant les heures de repas. Il s'acquitte de ces fonctions avec le plus grand zèle, et veille particulièrement à ce que les enfants n'aillent jamais chez les marchands de vin et chez les débitants de tabac.

Notre Bulletin a eu l'occasion, en d'autres livraisons, de signaler l'école professionnelle des apprentis de la maison Chaix, dans laquelle une des conditions premières est l'interdiction absolue de fumer pendant le temps de l'apprentissage des conseils sont fréquemment adressés aux apprentis à ce sujet, et il leur est distribué de petits livres traitant des inconvénients qui résultent pour les enfants et jeunes gens de l'usage du tabac. Il leur est également défendu de fréquenter les débits de boissons, ils déjeunent à leur place de travail, où l'un des professeurs va les voir tous les jours, pour se rendre compte des aliments dont se compose leur repas.

L'Association avait décerné une médaille, il y a quatre ans, à l'école professionnelle Chaix il est bien légitime qu'une récompense soit dévolue à celui des professeurs qui a plus particulièrement le soin de faire observer nos doctrines. Personnellement M. Trombert s'abstient et est notoirement tempérant.

M. le docteur Kocn, demeurant avenue Parmentier, et signalé par un de nos collègues, est encore un exemple donné par ceux qui connaissent le tabac par expérience. Il avait contracté l'habitude de fumer lorsqu'il était étudiant en médecine, et plus tard, ayant étudié les accidents qu'occasionne le tabac, quelque soit le mode de consommation, il en constata les effets pernicieux et en combattit l'usage avec persistance, en commençant par lui-même.


Il cessa de fumer et il défendit le tabac à ses malades toutes les fois que l'occasion s'en présenta. M. Koch, qui est le chef d'une nombreuse famille, à laquelle il donne l'exemple de la sobriété et de la tempérance, s'occupe de réunir sur les accidents résultant de l'abus du tabac des notes cliniques qu'il destine à notre Association.

M. Henri Ramper, contre-maître de la fabrique de papiers peints de MM. Riottot et Pacot, a débuté comme apprenti dans cette importante maison, où il s'est toujours signalé par sa tempérance, sa ponctualité et son intelligence. Ne fumant pas luimême, il s'applique activement à empêcher de fumer les nombreux apprentis de la maison.

Il a affilié à notre œuvre, depuis plusieurs années, la petite Société de protection des Enfants du papier peint, dont il est l'organisateur. Il a, du reste, obtenu les plus hautes récompenses de la Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les manufactures. C'est maintenant un vieillard des plus honorés dans son quartier. A force d'économie, il a acquis l'aisance et pourrait vivre des rentes qu'il a su amasser. M. Manent, nous dit une note de notre enquête, est parfumeur, rue de la Fontaine au Roi, occupant dans ses ateliers une quinzaine d'ouvriers et d'ouvrières, et une plus grande quantité au dehors. Homme honorable et chimiste distingué, il a su se défaire de l'habitude de fumer, habitude qu'il avait prise, sans au juste savoir pourquoi. Heureusement, il vint à s'apercevoir des dangers auxquels s'exposent ceux qui s'abandonnent à cet entraînement pernicieux; il commença alors, à ne fumer qu'avec une grande méfiance, plus tard, enfin, il s'abstint d'une manière absolue.

Quant aux excès de boissons alcooliques M. Manent, professe hautement que c'est une des principales sources des calamités qui sévissent sur l'espèce humaine. Avec ces convictions, il a toujours été un exemple de tempérance pour les ouvriers qu'il emploie, et, toutes les fois que l'occasion se présente, il ne manque pas de blâmer et de combattre les abus, si répandus aujourd'hui, des boissons spiritueuses et du tabac. M. Manent peut donc figurer parmi nos plus zélés auxiliaires.


M. Notta, né à Hautevillers (Marne), appartient comme M. Trombert à la maison Chaix, il est employé à la correspondance de la librairie. Fumeur intrépide depuis plus de vingt ans, il avait la mauvaise habitude d'avaler la fumée au lieu de la rejeter. Il a cessé de fumer régulièrement depuis environ une année, et n'a plus chez lui ni tabac, ni pipe, ni cigare, ni cigarettes.

Sa santé, dit-il, est bien meilleure depuis qu'il a perdu cette habitude; il n'éprouve plus aucun embarras des bronches ni aucune lourdeur de tête auxquels il était très-sujet autrefois. hl. Notta est pour nous une bonne démonstration à l'appui de nos efforts.

M. Jules LEVOUX, demeurant à SainUMandé, est entré tout jeune dans une maison de commerce, aujourd'hui l'une des plus importantes de Paris. Grâce à son travail et à son intelligence, M. Jules Levoux, dont le mérite grandissait avec la maison, en est devenu depuis longtemps l'associé.

Il a toujours été d'une sobriété exemplaire, et ne s'en fait aucun mérite, n'ayant jamais fait usage de la pipe; protestant énergiquement auprès de ceux qui l'entourent non-seulement contre l'abus, mais aussi contre l'usage du tabac. M. Levoux n'a jamais commis le moindre abus d'une boisson quelconque, il est père et grand père de nombreux enfants, tous d'une santé florissante.

j£me veuve Hinaux est une très-lionnête et très-habile ouvrière en horlogerie. Depuis l'âge de 12 ans, elle. vit de son travail, et depuis ce temps, elle n'a jamais eu besoin du secours de personne.

Mme Hinaux, dans une profession qui exige une grande sûreté de main, une vue nette et précise, l'absence de toute agitation nerveuse, s'est fait un devoir de s'abstenir de tout excitant. Et en effet, comment eût-elle accompli ces pièces de précision qu'elle livre pour la pendule, façonnées par elle avec autant d'art que pourrait le faire l'ouvrier de Genève ou de Cluses le plus expert.

Rlme Hinaux prisait autrefois, parce qu'un médecin le lui avait conseillé pour détourner l'état congestif de l'organe visuel. Le remède faillit être pire que le mal. M""1 Hinaux essaya


d'autres soins hygiéniques. Alors, le tabac en poudre fut délaissé, ce fut une première concession.

Mais ce n'était pas assez pour Mme Hinaux. Faisant partie d'une Société de secours mutuels, dont elle visite les malades, elle a occasion de faire de nombreuses démarches pour obliger des gens malheureux; dans ces circonstances, elle a connu l'existence de notre association et les bulletins lui furent communiqués aussitôt, elle s'empressa de répandre nos utiles publications chez des personnes de ses connaissances que ces abus rendaient malades ou chez lesquelles ces passions non gouvernées aggravaient la misère. Ses conseils furent écoutés; et elle est heureuse d'être parvenue à convertir un fumeur, fanatique de la cigarette. Chez d'autres, elle est arrivée à amoindrir cette mauvaise habitude.

Comme on le voit, Mme Hinaux ne fait point partie de la grande confrérie des égoïstes; elle sait pratiquer l'amour du prochain.

Pour encourager cette femme bienfaisante qui combat nos deux fléaux dans un quartier où il faut, pour cela, faire preuve de beaucoup de courage, tant les habitudes y sont vulgaires, il nous a paru légitime de lui adresser un témoignage de notre £T"ititude.

Les époux Boissos, demeurant rue de l'Église, à Thiais (Seine), sont porteurs de pain, dans la même maison depuis plus de 30 ans, ils méritent d'être signalés par leur sobriété; ce sont d'excellentes gens auxquelles personne ne peut rien reprocher. Le mari ne boit pas et ne fait usage du tabac sous aucune forme. Ce ne sont pas seulement des ouvriers honnêtes et recommandables qu'il s'agit pour nous de récompenser il est aussi de l'intérêt de l'association d'étendre son action, de faire parler de l'influence qu'elle peut exercer, surtout au milieu des populations laborieuses des environs de Paris, plus exposées aux entraînements fâcheux. Une récompense donnée aux époux Boisson peut avoir un effet utile dans la commune de Thiais.

M. Louis Asseline au, charretier depuis trente ans dans la même maison, et ne se grisant ni ne fumant jamais, a été recommandé par son patron, M. W. Rousseau, sociétaire, demeurant rue de Bercy-Sain t-Antoine.


Un de nos sociétaires habitant Dozulé, dans le Calvados, M. le docteur A. Richer, nous écrit ce qui suit

« Vous m'avez chargé de la tâche très-difficile pour le pays que j'habite (où l'ivresse est une habitude générale) de vous trouver deux ou trois candidats dignes d'éloges pour leur sobriété. J'ai pu réussir, non sans longue recherche, et je serai très-heureux de pouvoir faire décerner une récompense à deux braves et loyaux ouvriers qui, je puis l'affirmer, ne se sont jamais grisés. » L'un est jardinier à Dozulé et se nomme Eugène Piot. marié et père de famille, âgé de 29 ans.

» L'autre est un vieux et brave ouvrier, servant dans la même maison depuis vingt-cinq ans, et n'ayant jamais été vu même dans un état d'ébriété il se nomme Delaroque (Cyprien), âgé de 59 ans, domestique chez M. Cardine, à Branville.

» Ces deux individus sont dignes d'être récompensés, et ce sera d'un bon exemple pour le pays.

« Je puis vous affirmer, Monsieur, que votre généreuse idée est accueillie avec le plus grand plaisir par les propriétaires et fermiers de la contrée. »

Nous nous étions enfin adressés à la Compagnie générale des Omnibus, à la Compagnie générale des Petites Voitures, et, limités dans notre distribution, nous avions offert à chacune trois médailles.

La Compagnie des Omnibus nous a signalé un contrôleur, AI. Bourges, au bureau de Billancourt, au service de la Compagnie depuis vingt-trois ans, et qui s'est toujours fait remarquer par sa conduite exemplaire et ses habitudes de tempérance puis un conducteur ayant vingt-quatre ans de services, M. Fougères (n° 136), et un cocher, M. Hornet, vingt-sept ans de services (n° 2S6).

M. Bixio, président du conseil d'administration des Petites Voitures, nous a désigné trois cochers méritant à tous égards notre attention, comme ayant bonne conduite et ne faisant ni abus de boissons ni usage de tabac; ce sont les nommés CHEMIN, du dépôt de Popincourt (n° 21,645); Boulard, du dépôt du Canal (n° 39,879), et Chosalland, du dépôt Cardinet (n° 9,099) ce dernier a vingt et un ans de services.

Et je n'ai pas tout dit; mais notre budget de récompenses est absorbé, et nous ne pouvons plus que mentionner Irès-honora-


blement dans ce rapport un savant médecin et un sociétaire dévoué le premier, M. le docteur Revillout, a publié dans la Gazette des Hôpitaux d'intéressantes observations cliniques à propos de l'abus du tabac et de l'alcoolisme; le second, M. Delaisement, de Toulouse, inspecteur du travail des enfants dans les manufactures, s'applique tout particulièrement à détourner ses jeunes protégés de l'usage de la cigarette et du cigare. Et encore il en est de nos auxiliaires spontanés que nous voudrions nommer et dont il nous faut taire les noms, parce que leur profession ne leur permet pas de faire de la morale à notre profit. La loi du 23 janvier 1873 contre l'ivresse s'est fait, par force et sous peine d'amende, des agents parmi les débitants de boissons. à qui il est interdit de vendre leur marchandise aux mineurs âgés de moins de seize ans mais les marchands de tabac ? J'en sais un qui refuse de vendre aux enfants et les consigne à sa porte avec admonestations paternelles; et comme un de nos amis, un éminent conseiller à la Cour, dont le récit ne saurait être contesté, lui offrait de le signaler à notre gratitude Gardezvous-en bien, lui dit le débitant, la régie verrait cela de fort mauvais oeil et me retirerait ma gérance. Je suis l'un des receveurs de la fortune publique »

Emile Souvestre, ce charmant conteur, qui écrivit, il y a vingt ans, des chroniques bretonnes que tout le monde a lues avec charme, prétendait connaître un autre précieux mérite du tabac. Nous disons que c est un poison, Souvestre a démontré qu'il est quelquefois un préservateur infaillible dela vie humaine. Il raconte que six missionnaires, envoyés pour catéchiser les sauvages de la Nouvelle-Zélande, furent pris par ceux-ci, et que trois d'entre eux furent mangés. Et comme après plusieurs jours d'attente anxieuse, l'heure du martyre terminal ne s'annonçait pas pour les trois autres, l'un d'eux demanda à ses gardiens quand viendrait leur tour ? 1

« Nous ne voulons pas de vous, répondit le canaque vous sentez trop le tabac. »

Vous voyez à quelle condition le tabac est utile, comment il peut être accepté comme agent prophylactique, comme sauvegarde de la vie, c'est à la condition que vous en soyez pénétré. imprégné et comme on dit dans les tabagies. Voulez-vous en essayer ?


Messieurs, notre Conseil décerne aujourd'hui 32 médailles 4 médailles de vermeil, 12 d'argent, 16 de bronze.

Blatin, le premier de nos fondateurs, nous a dotés d'une somme qui nous permet d'en donner, sous son nom, une de chaque ordre.

Trois autres, vermeil, argent et bronze, résultent d'une seconde donation, et sont spécialement applicables à des services rendus contre l'abus du tabac.

M. Louis Kœnigswarter, notre regretté président, s'était proposé de prendre part, comme il l'avait fait les années précédentes, à nos récompenses. Son fils, M. Jules Koenigswarter, a voulu tenir cette promesse, et la somme qu'il met à notre disposition, sous la seule réserve qu'elle soit plutôt destinée à des sujets non adonnés à la boisson, soldera 5 médailles d'argent et 9 médailles de bronze.

M. le Président voudra bien proclamer nos trenle-deux. lauréats.

Après ce rapport, M. le Président a proclamé, ainsi qu'il suit, les récompenses décernées par le Conseil

Le reste sera pris sur nos économies.

M. le professeur Germain SÉE,

M. le professeur Michel Péter,

M. Jean Rambosson,

Miss Emma Frances Reynolds.

M. Julien AGNELLET,

M. le Dr Decaisne,

M. le Dr Desguin,

M. le Dr Fonssard,

M. le'Dr E. GOUBERT,

M. GRANDFOND,

M. E. GROULT,

M. le Dr MORA,

M. le Dr A. Nicolas,

M. le Dr Ch. Richet,

M. Albert Trombert,

Il. Stanislas Martin,

M. BOURGES.

Médailles de vermeil

Médailles d'argent:


Médailles de bronze

M. le Dr Kociî, Diéda4lles ~lé 6ronWé :,`

M. Henri Ramper,

M. MANENT,

M. Nottà,

M. Jules Levoiin, Mmr> veuve IIiNAtix.

M. et Mmo Boisson,

M- AsSEUNEAU, ̃ ..•̃̃̃••

M. Delaroque, ̃M. PIOT,

M. Fougères,

M. HOUNET,

M. Chemib,

M. BODLAHD,

M. Ghosallakd,

A l'appel de leurs noms, les lauréats présents sont venus recevoir, des mains de M. le Président, les médailles et les diplômes qui leur étaient destinés.

La séance a été levée à 10 heures 1/2.


ns

La science et l'expérience ont démontré que l'abus du Tabac et des Boissons alcooliques exerce une funeste influence sur la santé. Les maladies mentales, les paralysies générales, les affections cancéreuses des lèvres, de la bouche et de l'estomac, les troubles de la digestion, de la vision, etc., sont plus fréquents qu'autrefois, et aujourd'hui le nombre s'accroît dans des proportions qui coïncident invariablement avec l'augmentation progressive de la consommation du Tabac et des Boissons alcooliques.

Il est également démontré que l'abus du Tabac et des Boissons alcooliques contribue au relâchemeut des liens de la famille et porte atteinte, par conséquent, aux intérêts moraux de la société. L'Association s'est proposé de prémunir toutes les classes de la société, tous les âges, et principalement la jeunesse, contre les dangers du Tabac et des Boissons alcooliques.

Il n'est personne qui ne soit intéressé au succès de cette entreprise le fumeur, qui s'est créé un besoin onéreux et compromettant pour sa santé celui qui, s'abstenant de fumer, est incommodé

ci I l i =». BULLETIN

CONTRE L'ABUS DU TABAC ET

DES BOISSONS ALCOOLIQUES

STATUTS DE L'ASSOCIATION

N° 2. Mai 1879.

PRÉAMBULE

L'ASSOCIATION FRANÇAISE


par l'odeur du Tabac; le riche, que ses loisirs exposent plus encore aux effets d'une habitude irrésistible; l'ouvrier, qui, pour fumer et pour boire, prélève une partie du produit de son travail, tandis que sa femme et ses enfants sont privés du nécessaire; le pauvre, qui est tourmenté par une passion qu'il ne peut satisfaire; la mère de famille qui gémit de voir ses enfants s'abandonner à un abus portant à l'intempérance et à l'oisiveté; la jeune femme, qui voit son mari déserter le foyer conjugal pour se retirer dans les fumoirs, dans les estaminets ou ailleurs.

Est-il besoin de dire que le Tabac est cause d'un grand nombre d'incendies, d'explosions, de catastrophes et d'accidents divers; qu'il occasionne, chaque année, en France, un immense préjudice matériel?

Est-il nécessaire d'ajouter que l'abus des Boissons alcooliques augmente le nombre des mauvais citoyens, des mauvais soldats, des mauvais époux et des mauvais pères?.

Pour atteindre son but, l'Association multipliera, autant que possible, les publications, les communications aux Sociétés savantes et à la presse; elle décernera des récompenses, des encouragements, etc.

L'Association ne se dissimule pas les difficultés de sa tâche; mais elle compte sur l'excellence de sa cause, et sur le dévouement de ses coopérateurs.

STATUTS

ARTICLE PREMIER. Une Association française est fondée dans le but d'éclairer les populations sur les inconvénients et les dangers qui résultent de l'abus du Tabac et des Boissons alcooliques.

ART. 2. L'Association a son siège à Paris; le nombre de ses membres est illimité; toute personne, sans distinction de sexe, d'âge, de résidence ou de nationalité peut en faire partie (1). Tout candidat doit être présenté par un des membres de l'Association, ou adresser une demande au Président, et être agréé par le Conseil d'administration.

[1] Les Dames et les jeunes gens sont donc admis dans l'Association. Il en est de même des Fumeurs etdes Buveurs: ne sont-ils pas les plus intéressés à connaître les dangers de l'abus du Tabac et de Boissons alcooliques?


Art. 3. L'Association se compose de membres titulaires, de membres honoraires, de membres donateurs, et de Dames patronesses.

Le Conseil d'administration donne le titre de membres honoraires aux personnes dont le concours ou le patronage a été utile S l'Association. w

Le titre de Dame patronnesse peut être offert par le Conseil aux Dames dont l'adhésion et l'influence viendraient en aide au développement de l'OEuvre.

̃ Le titre et le diplôme de membre donateur sont accordés à toute personne qui, en une ou plusieurs fois, a fait à l'Association un don de 400 francs au moins.

ART. 4. Chaque membre titulaire paye une cotisation annuelle de 6 francs.

Cette cotisation peut être rachetée par une somme de 100 francs une fois payée.

La cotisation annuelle est de 3 francs pour MM. les Ecclésiastiques de tous les cultes, les Instituteurs et les Institutrices. Tous les membres de l'Association reçoivent gratuitement ses publications.

ART. 5. L'Association est administrée par un Conseil composé de trente membres.

Le renouvellement se fait par tiers chaque année, et par les soins du Conseil, qui soumet ses choix à la sanction de l'Assemblée générale.

Les membres sortants sont rééligibles.

ART. 6. Chaque année, le Conseil nomme dans son sein un Bureau composé de

Un Président,

Quatre Vice-Présidents,

Un Secrétaire général,

Deux Secrétaires des séances,

Un Secrétaire pour l'étranger,

Un Trésorier,

Un Archiviste.

Le mandat des membres du Bureau est annuel ils peuvent être réélus.

Les fonctions du Conseil et du Bureau sont gratuites. ART. 7. L'Association s'interdit de s'occuper des questions religieuses et politiques.


ART. 8. Les recettes de l'Association comprennent Les cotisations annuelles, les subventions et les dons. ART. 9. L'Association tient dans le dernier trimestre de chaque année une Assemblée générale.

H y est fait un rapport sur les travaux de l'année et sur la situation de l'Œuvre.

Le compte rendu des recettes et des dépenses de l'exercice précédent est communiqué à l'Assemblée.

Dans cette séance sont décernés les prix, les récompenses et les encouragements.

ART. 10. L'Association peut tenir dans le cours de l'année des séances publiques ayant pour objet des conférences, des lectures et tout ce qui peut contribuer à la propagation de l'OEuvre.

ART. 11. Toute modification aux statuts doit être formulée par écrit et présentée par cinq membres au moins; elle n'est valable que si elle est adoptée, à la majorité des deux tiers des votants, par le Conseil convoqué spécialement et réunissant au moins dix membres.

Les modifications ainsi apportées aux statuts sont communiquées aux Soicétaires dans leur plus prochaine Assemblée générale.

CONSEIL D'ADMINISTRATION

A la suite de la séance annuelle du 25 janvier dernier, le Conseil d'administration a reçu diverses lettres que l'abondance des matières a empêché d'insérer dans la précédente livraison du Bulletin. Ces lettres sont mentionnées ici dans l'ordre où elles sont parvenues au Conseil.

« Je suis profondément touché de l'honneur que m'a fait l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques. Personne n'est plus ennemi que moi de ce déplorable abus dont je vois journellement les tristes résultats. Je lui fais une guerre acharnée partout où je me trouve; mais malheureusement mes paroles n'ont pas un écho bien étendu et ne peuvent empêcher la multiplication des cabarets et débits de


boissons dont le nombre devrait être restreint. Il nous faudrait l'appui de l'autorité qui. il me semble, doit être jalouse de sauvegarder les intérêts de la population souvent ignorante de ce qu'il y a de funeste dans l'abus des boissons alcooliques et du tabac. Elle ne devrait pas être moins préoccupée de ne pas laisser péricliter l'élément vital du pays, qui s'en va emporté par les effluves alcooliques et la fumée du tabac. Que l'on consulte les conseils de révision, et l'on sera pleinement édifié. Pourquoi n'afficherait-on pas dans les établissements de boissons la liste complète des maladies qu'entraîne l'abus des boisson s alcooliques ? Pourquoi la loi sur l'ivrognerie n'est-elle pas exécutée avec plus de rigueur? On ne peut trop demander à l'autorité, car les racines du mal sont profondes, et leur extirpation est excessivement difficile. Dc Mora. ». Je serais heureux que mes efforts personnels pussentajouter quelque chose au bien que fait votre Association, et modérer l'abus, qui tend à se généraliser de nos jours, de ces agents dont certains sont exclusivement nuisibles et dont les autres ne répondent à aucun besoin réel. A la liste de ceux que l'on connaissait déjà, la morphine est venue s'ajouter depuis peu et le morphinisme prend des proportions inquiétantes Dr AD. NICOLAS. »

c. Permettez-moi de vous envoyer l'expression de toute ma reconnaissance pour l'honneur que vous me faites en accordant une médaille à mon petit ouvrage sur les poisons de l'intelligence. C'est un hommage dont je suis très-fier, et d'autant plus qu'il a été tout spontané. Dr Ch. RICHET. » « Le témoignage de satisfaction de votre Association m'est extrêmement précieux. J'aurais voulu que les idées radicales que j'ai développées dans ma brochure fussent au moins discutées dans mon pays.

« Mais trop d'intérêts, sans doute, se trouveraient lésés par leur adoption; les organes de la presse ont volontairement omis d'en parler, et réservent tous leurs éloges à ceux qui se bornent à préconiser les moyens les plus anodins: la diffusion de l'instruction, la moralisation du peuple, etc., choses bien bonnes en soi, assurément, ne blessant personne, n'aliénant aucun électeur; mais très-insuffisantes à mon sens.

» Anvers, Dr V. Desguin.» n


« Je suis d'autant plus flatté de cet honneur que j'étais loin de l'attendre je suis touché de la grande bienveillance dont l'association a fait preuve en cette occasion. J. Rnnlsossort. »

J. Rambosson. »

« Je suis très-touché et en même temps très-honoré de la distinction que l'Association m'a conférée et je m'empresse de l'en remercier.

Professeur Gebmain Sée. »

«. Je vois trop les méfaits empruntés, celui du tabac par les civilisés aux sauvages, celui de l'alcool par les sauvages aux civilisés, pour ne pas applaudir à vos généreux efforts. C'est vous dire combien je suis heureux que l'Association ait spontanément fait attention à ce travail et l'ait jugé digne de récompense. Dr M. Peter. »

M. Baraillon, instituteur public à Levainville (Eure-et-Loir), lauréat de l'Association, rappelle qu'il a fondé auprès de son établissement une Société protectrice de l'enfance contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques. Cette société s'est imposé le devoir de rendre compte chaque année des résultats obtenus par elle, afin que la mention de ces résultats puisse trouver place dans le compte rendu de l'Association de Paris.

« Mes jeunes sociétaires, écrit M. Baraillon, ont bien compris la portée et le but de cette petite association. Ils ont profité de l'influence que leur donne sur leurs parents l'amour que ces derniers leur portent, pour les supplier, eux qui prennent tant de soins pour leur laisser une position et un nom honorables, de vouloir bien leur transmettre les biens si précieux de la santé physique, intellectuelle et morale, par leurs bons exemples, leurs sages et prudents conseils.

» Leurs cahiers sur les inconvénients du tabac et des liqueurs, au point de vue de la dépense et de la santé, qu'ils emportent de l'école, et qu'ils lisent au foyer de la famille réunie, produisent de bons et salutaires effets.

» Il y a tout lieu d'espérer que « ce bon grain semé dans la. famille de l'écolier » portera du fruit dans la famille voisine et ainsi dans toute la commune.

» La caisse d'épargne, créée dans l'école môme, est aussi un sûr moyen d'action pour préserver l'enfant des mauvaises habitudes


qu'il pourrait contracter ou serait tenté de contracter en livrant à des dépenses futiles ou mauvaises quelques-uns des sous de poche que ses parents laissent à sa libre disposition. » Deux habitants de la commune ont renoncé complètement l'un à l'habitude de la pipe, l'autre à celle du petit verre d'eaude-vie. »

Une Société anglaise de tempérance dont le siège est à Birmingham, a fondé au Havre une « loge » succursale dont le Comité comprend: président, vice-président « appui de droite » secrétaire, sous-chef sécrétaire, trésorier, et « gardes », chargés de recevoir les sociétaires.

Cette Société a pour titre lndependent order of good templars, la loge du Havre est dénommée « Gloire du Havre », elle a pour devise La Foi, l'Espérance et la Charité. Son but, écrit M. John Sanders, l'un des grands maîtres de la grande loge do Birmingham, « est de relever celui qui est tombé, et d'empêcher de tomber par un moyen moral les milliers d'individus qui succombent sous l'influence des boissons alcooliques, qui réduisent l'être humain à la dernière des misères, et qui plongent également une infinité de familles dans le malheur. Je suis heureux de vous apprendre, ajoute M. Sanders, que nous ne sommes pas, vous et nous, les deux seules sociétés qui plaident contre les abus alcooliques; car il en existe par milliers en Angleterre, en Allemagne, en Amérique et dans nombre d'autres pays. Nous arriverons ainsi, en peu de temps, au but que nous poursuivons pour le bien-être de l'humanité ».

Ce témoignage et ce généreux appel au concours de tous méritent d'étiré médités.

A la lettre du président de la loge du Havre est jointe une circulaire que nous reproduisons plus loin et qui fait connaître les bases de l'organisation de la « Bonne Templerie ».

L'Association française s'est mise en relations avec le président de la loge du Havre, en précisant toutefois les réserves qui résultent nécessairement des tolérances admises dans les usages français, comparées à la rigide intolérance des sociétés anglaises. L'Association a également reçu un exposé de principes de la Société Suisse de tempérance accompagné de documents établissant la marche et le but de cette Société. Elle s'est fondée sur la base de l'abstinence complète de toute boisson enivrante; elle


considère l'usage du vin et des autres boissons alcooliques comme n'étant nullement nécessaire à la santé. Ces principes dépassent de beaucoup ceux sur lesquels l'Association française s'est établie. Comme pour les Sociétés Anglaises, les adhérents de la Société Suisse prennent et signent un engagement d'abstinence complète. La règle de l'Association française ne saurait être aussi absolue, nos mœurs n'admettraient pas de semblables liens; mais le but peut assurément être aussi fructueusement atteint, la tolérance peut produire des résultats moralisateurs non moins durables, et l'Association s'est empressée de répondre aux affectueuses communications de la Société Suisse.

On trouvera plus loin l'exposé de principes et les articles fondamentaux de cette Société.

La notice sur le tabac, de M. Edmond Groult, de Lisieux, a été admise dans le musée cantonal scolaire récemment fondé à Morlaas près Pau (Basses-Pyrénées). M. de Bordenave d'Abère, conseiller général et conseiller à la cour d'appel, organisateur de ce musée, a écrit ce qui suit, à ce sujet, à M. Groult, le 15 avril dernier:

« Votre notice est placée à hauteur de tête pour qu'on prisse bien la lire. Elle est entourée des divers objets que vous m'avez signalés, sauf la fleur du tabac qui n'a pas encore paru. J'ai placé les étiquettes suivantes:

Sous la pipe « fatigue l'estomac».

Sous le cigare: « épuise les glandes salivaires ».

Sous la tabatière: « affaiblit la mémoire ».

Sous la chique: «aftère les organes digestifs ».

Le président de l'Association a adressé à M. de Bordenave d'Abère l'expression de la gratitude du Conseil.

M. LÉON FONTAINE, membre du Conseil d'administration, l'un des secrétaires des séances, a été nommé trésorier, aux lieu et place de M. Petibon, qui conserve les fonctions d'archiviste. Les quittances présentées aux sociétaires pour le recouvrement de leurs cotisations porteront donc désormais la signature de M. Léon Fontaine.


ADMISSIONS NOUVELLES Séances mensuelles des S avril et 5 mai tS79.

Noms des Sociétaires Présentés par MM. MM. CARBONNIER (illaurice), licencié en droit, rue Roquépine (1511). Th. Roussel. Nicolle (Alex.), boulevard du Palais, 11

(1512). G.deLavigne. Richet (L)r Ch.), rue Bonaparte, 5 (4513). Secrét. géuér. PEZET (Jules), à Asnières (1514). HurelduCampart. Masson (J. A. G.), propriétaire à Courbevoie

(1515). id. RUDET (Mme), à Asnières (1516). id. Jonte (Émile), directeur des forges de Franche-

Comté, avenue Daumesnil, 116 (1517). ). Le Président. Lagoutte, ancien maître de forges, rue Saint-

Honoré, 373 (1518). id. LECOEUR, architecte, rue Humboldt, 23 (1519). id. Murât (prince Louis), rue Neuve-Saint-Augus-

tin, 53 (1520). id. PIVER, parfumeur, boulevard de Strasbourg, 10

(1521). id. Poujot Jacksom et Cie, fabricants d'outils, rue

des Filles-du-Calvaire, 3 (1522). id. DE ROTHSCHILD (baron J.), faubourg Saint-Ho-

noré, 33 (1523). id. Tansabd (Eug.), rue Grenier-Saint-Lazare, 5

(1524). id. Véron (Pierre), rue de Rivoli, 182 (1525). id. Vernes, banquier, rue Taitbout, 29 (1526). id. VAN DER DORPEL, adjoint au maire du 3e ar-

rondissement, rue Chapon, 22 (1527). id. WALKER, rue Abbatucci, 28 (1528). id.

DONS A L'ASSOCIATION.

Par M. Pn. GAYRARD. 10 francs.


LES ENFANTS QUI FUMENT

A l'heure où, de toutes parts, on n'entend parler que de régénération et de réformes indispensables et urgentes dans les moeurs et les habitudes de la société française actuelle, il me semble que le premier devoir des hygiénistes, en même temps que celui de la presse, doit être de combattre par tous les moyens et sans relâche les habitudes désastreuses pour la santé qui ont pris en France, depuis trente ans, un développement inouï. Parmi ces habitudes, l'abus du tabac à fumer doit tenir une des premières places. C'est un sujet qu'on a traité bien des fois depuis une quinzaine d'années dans la presse et devant les corps savants j'ai moi-même, à plusieurs reprises, communiqué sur les abus du tabac le résultat de mes recherches à l'Académie des sciences et à l'Académie de médecine mais le mal est si grand, il fait de tels progrès, qu'il faut bien y revenir encore. Les partisans du tabac à fumer le trouvent irréprochable, inoffensif c'est, selon eux, une ressource précieuse pour le repos de l'esprit, c'est la consolation des affligés.

Ses àdversaires, au contraire, l'accusent de tous les maux qui accablent l'humanité et réclament contre lui les lois de proscription absolue.

Il y a évidemment exagération dans les deux cas; mais il est un point de la question cependant où chacun, selon nous, doit être à peu près d'accord; nous voulons parler des effets du tabac sur les enfants.

Il y a une quinzaine d'années, j'avais eu l'occasion, en province, de donner des soins à un assez grand nombre de jeunes garçons employés dans les manufactures, et qui présentaient une assez grande altération du sang. Ces désordres de l'économie me paraissaient, en général, avoir pour cause une constitution souvent chétive, l'insuffisance de l'alimentation, l'humidité des habitations, l'encombrement et la nature elle-même du travail de ces enfants passant une partie de leur vie au milieu d'émanations malsaines de toutes sortes, dans des ateliers où vient s'étioler, hélas dès l'âge le plus tendre, une partie de nos populations. Je m'occupais alors de recherches sur l'influence du tabac sur


la circulation, et en cherchant des sujets d'observation, je fus frappé du nombre considérable d'enfants d'ouvriers, de 9 à loans faisant usage du tabac à fumer, et je mp. demandai si cette habitude n'entrait pas pour quelque chose dans les cas si nombreux d'anémie que je constatais chez eux. Je résolus donc de porter mes investigations sur ce point, sans me dissimuler les erreurs et les illusions dans lesquelles je pouvais tomber, car je savais que les enfants qui travaillent dans les manufactures sont trèsanémiques, et que les autres conditions mauvaises d'hygiène dans lesquelles ils se trouvent placés si souvent sont des causes puissantes d'altération du sang chez les jeunes sujets. Aussi presque toutes mes recherches ont eu-pour objet des enfants pris en dehors des manufactures et dans la classe aisée de la société à Paris et à la campagne. En voici le résultat

Sur trente-huit enfants de 9 à 13 ans faisant un usage plus ou moins grand du tabac à fumer, j'ai noté des effets sensibles sur vingt-sept.

Vingt-deux présentaient des troubles divers de la circulation, des palpitations de cœur, des difficultés de digestion, de la paresse de l'intelligence et un goût plus ou moins prononcé pour les boissons fortes. Trois avaient des intermittences de pouls. Chez huit, l'analyse du sang accusait une diminution plus ou moins notable de la quantité normale des globules sanguins. Douze avaient des saignements de nez assez fréquents. Dix avaient le sommeil agité. Quatre présentaient des ulcérations légères de la muqueuse buccale, qui disparaissaient quand ils cessaient de fumer pendant quelques jours. Chez un enfant, la phthisie pulmonaire m'a paru être la conséquence d'une profonde altération du sang par suite de l'abus du tabac. De 9 à 12 ans, les enfants m'ont paru plus sensibles. Chez les enfants bien nourris, les désordres étaient en général moins accusés.

Huit étaient âgés de 9 à 12 ans, dix-neuf de 12 à la ans. Onze fumaient depuis six mois, huit mois ou un an, et seize depuis plus de deux ans.

Le traitement par les ferrugineux et le quinquina m'a presque toujours donné des résultats insignifiants.

Sur onze enfants qui ont cessé de fumer et que j'ai pu suivre, six ont vu disparaître à peu près complétement les symptômes que j'ai signalés en moins de six mois; trois en ont conservé une partie. J'ai perdu de vue les deux autres.


Les quatre observations suivantes, que j'ai communiquées en 1854 à l'Académie des sciences, donneront, mieux que tout ce que je pourrais dire, le tableau assez fidèle des effets du tabac chez les enfants.

J. M. est âgé de 11 ans. Cet enfant travaille dans une filature de laine depuis dix-huit mois. Il est bien constitué, il a la poitrine large, le système musculaire bien développé pour son âge. La face est pâle, légèrement bouffie. Le regard est un peu éteint, les mouvements sont languissants. 11 saigne quelquefois du nez. L'appétit n'est pas bien réglé l'enfant est souvent constipé. Il n'a pas de mauvaises habitudes et est assez bien nourri. Les parents m'avouent qu'ils savent bien que leur enfant fume depuis plus d'un an, mais qu'ils n'y ont attaché aucune importance, que tout le monde fume chez eux, et qu'ils ne croient pas que cela puisse avoir aucun inconvénient; que d'ailleurs il ne fume jamais plus de trois ou quatre pipes par jour, excepté le dimanche où il fume une partie de la journée. Ce n'était pas la première fois que je voyais chez les gens du peuple une pareille incurie, fruit de l'ignorance.

Les carotides accusent chez cet enfant un bruit de souffle prononcé. Le pouls est mou, sans intermittences. A l'auscultation, on constate des palpitations avec impulsion modérée à la région précordiale. Le sang que j'ai pu recueillir plus tard m'a donné à l'analyse une diminution notable des globules sanguins. Je fus assez heureux pour obtenir des parents qu'ils empêcheraient leur enfant de fumer. Ils tinrent leur promesse, et trois mois environ après, l'enfant était revenu à la santé. On observait seulement encore quelques palpitations de cœur de temps en temps. Je n'ai eu recours à aucun médicament.

S. R. enfant de 43 ans, filsd'un meunier, fume depuis six mois. Chaque fois qu'il fume, il a des vertiges, de la décoloration de la face, souvent des vomissements. La muqueuse buccale est généralement couverte d'aphthes, qui se guérissent en quelques jours lorsqu'il cesse de fumer. Le sommeil est très-agité. Les digestions sont en général bonnes. Cet enfant, qui se faisait remarquer par son intelligence, est devenu lent, apathique, et se livre au travail intellectuel avec beaucoup de difficulté. Il a du goût pour les boissons fortes et éprouve quelques palpitations. Tous les efforts que j'ai faits pour l'empêcher de fumer ont échoué devant la faiblesse des parents.


B. fils de cultivateurs aisés. Cet enfant n'a jamais fait de maladie jusqu'à l'âge de 13 ans. Il eut alors des crachements de sang et de la toux qui inquiétèrent beaucoup ses parents, qui me consultèrent. Je constatai des tubercules au sommet des deux poumons. Le mal fit de rapides progrès, l'enfant mourut au bout de huit mois.

Sa sœur m'a affirmé que depuis l'âge de 11 ans, il fumait quatre à cinq pipes par jour, malgré les observations et les menaces qu'on pouvait lui faire. Jusqu'à cet âge il avait toujours été bien portant. Alors seulement il devint pâle et languissant, avec un appétit capricieux et des vomissements fréquents. Il accusait souvent des palpitations de cœur et était devenu fort paresseux. Il n'y a pas de phthisique dans la famille.

S. lo ans. Ce garçon, d'une vive intelligence, fait ses études dans un des lycées de Paris, en qualité d'externe. Je le connais depuis l'âge de 6 ans; il m'avait toujours paru jouir d'une santé parfaite. Sa famille me consulta pour des saignements de nez, auxquels il était très-sujet depuis deux mois. Je fus frappé tout d'abord de la pâleur et de l'amaigrissement de ce garçon, que j'avais vu si frais un an auparavant, et comme sa mère était morte phthisique, je commençai par ausculter la poitrine. Les poumons étaient sains. Le cœur était le siège de palpitations assez fortes, et, par quinze ou vingt battements, je constatai une intermittence très-marquée, qui coïncidait avec l'arrêt du pouls. L'analyse du sang accusait une diminution très-notable des globules sanguins.

J'étais certain que ce garçon n'avait pas de mauvaises habitudes son alimentation était excellente, et il était placé au milieu des meilleures conditions hygiéniques. J'attribuai cette altération de sang à une croissance un peu fatigante, et je le soumis à un régime particulier, aux ferrugineux, au quinquina, etc. Après trois mois de traitement, l'état, loin de s'améliorer, s'aggrava. On était à l'époque des vacances, et j'engageai sa famille à le conduire aux bains de Dieppe.

A son retour, c'est-à-dire six semaines après, je l'examinai de nouveau, et les désordres que j'ai décrits persistaient. L'appétit était peut-être meilleur.

C'est alors qu'un ami de la maison me dit avoir remarqué que cet enfant, trompant toute surveillance, fumait, depuis deux


ans,: .toutes les fois qu'il en trouvait l'occasion, dissimulant cette habitude par toutes les ruses imaginables. j{ < J'avais affaire à un garçon intelligent et qui avait confiance eu moi, et je lui fis comprendre les. dangers auxquels il s'exposait. Il me promit de ne plus fumer et tint parole. Quatre ou cinq mois après, il avait repris tous,les signes de la santé, à part des intermittences du pouls, qui ont persisté pendant un an. Il m'avoua qu'à partir du moment où il avait commencé à fumer il avait éprouvé un goût assez prononcé pour les boissons fortes. Je n'en finirais pas si je voulais rapporter ici tous les faits que j'ai recueillis et qui prouvent que l'usage même restreint, du tabac à fumer chez les enfants, amène souvent une altération du sang et les principaux symptômes qui l'accompagnent; que les enfants qui fument accusent de la paresse de l'intelligence et souvent un goùt prononcé pour les boissons alcooliques. Je Je demande donc, en finissant, à tous ceux qui ont à coeur les intérêts de la jeunesse, n'est-il pas du devoir des médecins, des pères de famille, des instituteurs, de lui interdire absolument l'usage du tabac ?

Dr E. Décaisse.

BONNE TEMPLERIE

« L'Ordre Indépendant des Bons Templiers reconnaît les principes suivants

1. Que tout le monde est né sobre.

2. Que l'alcool ne donne pas de forces; qu'il noircit le sang; qu'il ne satisfait pas la soif, mais qu'il l'augmente toujours.

3. Qu'il est plus facile et plus sûr de s'en abstenir totalement que d'en boire avec modération.

4. Qu'on peut mieux supporter les extrêmes de la chaleur et du froid en s'abstenant des boissons alcooliques qu'en fi..

en usant.

5. Que les liqueurs enivrantes conduisent au meurtre, au vol, à la banqueroute, et qu'en somme elles sont l'arme la plus fatale dont Satan se serve pour détruire les âmes.


6.– Que l'abstinence sans un engagement de la continuer, n'est pas le plus sûr moyen de sauver les ivrognes. 7. Que ceux qui désirent montrer leur compassion pour les malheureux ivrognes ne doivent pas tarder à se faire recevoir membres de l'Ordre Indépendant des Bons Templiers, ̃ Pour en devenir membres il faut prendre un engagement d'abstinence pour la vie, comme suit: « Aucun membre ne fabriquera, n'achètera, ne vendra, n'emploiera, ne livrera, ne fera livrer à personne, ni Vin, ni Bière, ni Cidre, ni aucune liqueur sniritueuse ou fermentée; et que chaque membre s'opposera à la fabrication, à la vente et à l'usage de ces liqueurs de toutes les manières possibles. » Le prix d'admission est au minimum de 2 francs, et la contribution trimestrielle est pour les Messieurs, de 1 fr. 50 c., et pour les Dames de 1 franc.

L'Ordre compte plus de 500,000 membres, parmi lesquels nous citerons MM. le sénateur Wilson, de blassachusetts; le général Geary, gouverneur de la Pennsylvanie; l'archidiacre Mac Lean, du Canada; Henri Wilson, vice-président des ÉtatsUnis un grand nombre de membres,du gouvernement et de l'administration des ecclésiastiques de diverses communions, des docteurs, des militaires et des marins de tous grades. Il y a entre tous les membres un lien fraternel, car tous ont droit aux priviléges de l'Ordre entier.

Cet Ordre comprend la Grande-Bretagne, le Canada, les ÉtatsUnis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les îles Sandwich, la France, l'Allemagne, le Portugal, l'Afrique, les Indes Orientales, la Chine, le Japon, les Honduras, Malte, la Belgique, les Bermudes, etc. »

SOCIÉTÉ SUISSE DE TEMPERANCE

EXPOSÉ DE PRINCIPES

« Quelques citoyens suisses,

Attristés des ravages causés dans leur patrie par l'abus de la boisson, et affligés des maux innombrables que l'intempérance entraîne à sa suite pauvreté, accidents, affaiblissement des


facultés intellectuelles et morales, infirmités, maladies, folie, suicide, mort, délits, crimes et dégradations de toute espèce; Frappés de ce que ce mal, qui est une honte pour la Suisse, loin de diminuer, va toujours croissant, comme le prouve la statistique,

Ont senti la nécessité de réagir à tout prix et avec la plus grande énergie contre la marche envahissante de ce fléau. Dans ce but ils se sont constitués en

SOCIÉTÉ SUISSE DE TEMPÉRANCE.

Convaincus par l'expérience qu'il est moins difficile, pour un buveur, de s'abstenir complétement de toute boisson enivrante que d'en user modérément, mais que, s'il était seul à prendre cette résolution, il n'en aurait pas le courage;

Convaincus que l'usage du via et des autres boissons alcooliques n'est nullement nécessaire à la santé;

Convaincus qu'il n'y a pas de moyen de persuasion plus puissant que l'exemple, et que la meilleure manière d'engager les buveurs à se corriger est de leur montrer, par son propre exemple, qu'on peut vivre, se bien porter et être heureux sans boire ni vin, ni bière, ni liqueurs;

Convaincus d'ailleurs que cet exemple ne coûtera à ceux qui le donneront que le sacrifice de quelques jouissances momentanées et le désagrément d'être en butte à quelques plaisanteries, sacrifices et désagréments amplement compensés par la joie d'arracher à l'intempérance quelques-unes de ses victimes;

Ces citoyens ont fondé la Société suisse de Tempérance sur la base de l'abstinence complète de toute boisson enivrante. ARTICLES FONDAMENTAUX DES STATUTS DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DE TEMPÉRANCE.

ARTICLE PREMIER. La Société suisse de Tempérance a pour but de lutter contre les abus de la boisson par la propagation des principes d'une sobriété absolue et par l'exemple de ses membres. ART. 2. Elle admet à titre d'adhérents ou de membres tous ceux qui lui en font la demande (hommes, femmes et enfants), en se conformant aux conditions suivantes

A. Pour devenir adhérent, il faut donner sa signature à l'engagement ainsi conçu: Je promets avec l'aide de Dieu, de m'abstenir désormais, sauf usage religieux ou prescription médicale, de toute boisson enivrante, et d'en combattre l'abus chez autrui.


Les adhérents peuvent assister aux séances à huis ouverts, mais avec voix consultative seulement. Ils n'ont aucune cotisation à payer.

B. Pour devenir membre, il faut:

1° Avoir observé l'engagement pendant 3 mois au moins. 2° Adresser au Comité une demande écrite, contresignée par deux membres.

3° Payer une cotisation fixe de deux francs par an, exigible par trimestre et d'avance. ·

NOTA. Les en fants, jusqu'à l'âge où ils sont admis à la confirmation dans les églises protestantes, ne peuvent signer l'engagement qu'avec l'autorisation écrite de leurs parents ou tuteurs-

Ils sont considérés comme adhérents et forment des sections spéciales.

ART. 3. Tout membre ou adhérent qui désire quitter la Société doit en adresser la demande écrite au Comité, en lui exposant les motifs qui l'engagent à se retirer. Le Comité désigne alors une ou deux personnes pour le visiter. Si après cette visite le démissionnaire persiste dans son intention et que ses raisons soient reconnues valables, sa démission est acceptée par écrit.

Dans le cas contraire, elle est refusée et la retraite du membre est considérée comme une violation d'engagement. ART. 4. Toute violation de l'engagement entraîne de fait la sortie de la Société; celui qui l'a commise doit renvoyer sa carte immédiatement, comme il l'a promis en signant. ART. o. Toute personne qui, après avoir rompu son engagement, veut rentrer dans la Société, est soumise de nouveau aux conditions d'admission fixées par l'article 2.

ART. 6. Les membres de chaque canton se constitueront en sections cantonales de la Société suisse de Tempérance et pourront adopter telle marche qui leur conviendra, pourvu qu'elle soit en harmonie avec les principes de la Société tels qu'ils sont exprimés dans les Statuts centraux.

Les sections cantonales pourront elles-mêmes se subdiviser en sous-sections ou branches locales.

Art. 1. La Société est administrée par un Comité central, nommé chaque année par les délégués des sections cantonales réunis en Assemblée générale.


ART. 8. Aucune publication ne pourra être faite en ise servant du nom de la Société sans l'autorisation du Comité central. ART. 9. La Société reçoit les dons volontaires qui lui sont laits en vue de l'oeuvre qu'elle poursuit.

Tout don sans désignation spéciale est versé à la caisse centrale pour la propagation de l'œuvre. »

NÉCROLOGIE

L'Association vient de perdre l'un de ses membres les plus considérés, et l'un de ses lauréats; M. Julien Agnellet a succombé, le 27 avril 1879, à une attaque de paralysie du cerveau, à l'âge de 46 ans.

Etant décédé dans le quartier du Faubourg-Saint-Antôine, Je corps arrivait le 30 avril, à 11 heures, à l'église Sainte-Marguerite, où un service religieux devait avoir lieu.

Une suite très-nombreuse accompagnait le cercueil tout couvert d'emblèmes sympathiques. Derrière les membres de la famille, marchaient des reunions d'ouvriers et d'employés de la maison Agnellet, portant trois grandes couronnes; sur l'une, ou lisait: à M. Julien Agnellet, les ouvriers reconnaissants.

L'église n'ayant pu contenir le grand nombre de personnes qui étaient venues conduire cet homme de bien à sa dernière demeure, une partie notable du cortège a dû attendre dans la rue^ Pendant ce temps, une messe en musique était exécutée avec beaucoup de soin, et l'on a pu remarquer un morceau d'offertoire d'une composition et d'une exécution hors ligne.

Après cette cérémonie, le cortège s'est dirigé vers le cimetière du Père-Lachaise où est le tombeau de famille de M. Aguellet. Au terme du voyage, il fut prononcé une allocution rappelant les vertus de M. Julien Agnellet, ainsi que le talent et l'affabilité dont il faisait preuve en dirigeant avec ses co-associés la maison industrielle des frères Agnellet.

L'Association française contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques, avait tenu à exprimer ses sincères regrets pour ce sociétaire. Elle était représentée à ses funérailles par MM. Philippe Gayrard, Germond de Lavigne et Collaux.

'Z. COLLAITX.


LISTE GÉNÉRALE

DES MEMBRES DE L'ASSOCIATION

Nota. Les personnes dont l'adresse n'est pas suivie de l'indication du département habitent Paris.

Les associés sont priés de faire connaître leur changement d'adresse pour que le Bulletin puisse leur être envoyé exactement.

MM.

Abel (1e frère), rue Sainte-Cécile.

Agioiit (Alexandre d'), rue Auber, 1.

Agnellet (Parfait), rue de Richelieu, 73.

Aigremont DU VIGEL (d'), rue Abbatucci, 4.

ALEXANDRE, instituteur, à Lhéraule (Oise).

Alexandre jeune, négociant, Faubourg-Saint-Antoine, 93. André-Walter (Mme), à Versailles.

André (Alf. L.), rue Abbatucci, 49.

Angblsberg, instituteur primaire, à Saulzoir, par Solesmes (Nord). Arennes, instituteur, rue Bréguet, 15.

Armengaut aîné, rue Saint-Sébastien, 45.

Arsoul, avocat, rue Vivienne, 12.

Aron, rue Taitbout, 34.

Aubken (Henri), rentier, à Boulogne (Seine).

Aubry (frères), rue des Jeûneurs, 33.

Bachy, instituteur, à Séméries (Nord).

Badon (Pascal), avocat, rue de Richelieu, 83.

BAILLARGER (le Dr), rue de l'Université, 8.

Bambebger (le Dr), député de la Seine.

Bamberger (H.), rue Boissy-d'Anglas, 12.

BARAILLON (Lucien), instituteur, à Levainville (Eure-et-Loir). BARBAS, boulevard de Strasbourg, 85.

Barbier (Auguste), de l'Académie française, rue Jacob, 48. Barbier, droguiste, rue de Seine, 51.

BARBIER (MUe), institutrice, idem.

Barlemont (le Dr), rue Lavoisier, 4.

Barthélémy Saint-Hilaire, rue d'Astorg, 29 bis.

Barthomieux, rue Abbatucci, 66.

Bawjdel (le Dr), médecin en chef de l'hôpital militaire de Lyon. Bauche, rue Franklin, 9.

Beaufour, rue du Château-d'Eau, 33.

Beaumont, instituteur, à Villeron (Seine-et-Oise).

Béchu (Mme), propriétaire, à Boulogne-sur-Seine.


Bénard, rue Castellane, 8.

Bénardaki (Léonidas), propriétaire, rue des Saints-Pères, il. Benoist d'Azï (le vicomte P.), rue de Grenelle-Saint-Germain, 86. Beiîly, Chaussée d'Antin,60.

BERSON, à Meulan (Seine-et-Oise).

BERT (le Dr Paul), rue Guy-de-la-Brosse, 9.

BERTEIL, rue du Temple, 38.

Bessan, directeur de la Belle Jardinière.

Bezakçon (le Dr), à Boulogne-sur-Seine.

Bibliothèque (la) populaire de Boulogne (Seine).

Billaodeau (le Dr), à Soissons (Aisne).

Billy (Ch. de), rue Franklin, 14.

Brxio (Maurice), boulevard Hausmann, 25.

BLAISE (des Vosges), rue Léonie-Chaptal, 7.

Blanc (Edmond), rue de Rivoli, 194.

Blanchet, inslituteur, à Billancourt (Seine).

Blatis (Mmc veuve Henry), à Asnières-Lehotville (Seine). Bloch (Mlle Rosine), artiste de l'Opéra, boulevard Hausmann, 25. BOISLEUX, directeur de la Propagande catholique, à Tourcoing (Nord). Box (Jules), à Triel (Seine-et-Oise).

Bonaparte (le prince Charles), à Rome.

BorraAFOïîT (le Dr), rue Mogador, 3.

Bonnard-Bidaiilt, rue Coq-Héron, 6.

BOREL, professeur au collège de Bernay (Eure).

BOREL, pasteur, à Lille (Nord).

Bodchereau (le Dr), médecin à l'asile Sainte-Anne.

Boudin (Ch.), rue Baillif, b,

Boehair, pharmacien, faubourg du Temple, 91.

Bodillaud, membre de l'Académie de médecine, r. St-Dominique, 32. Bourdis (le Dr), à Choisy-le-Roi (Seine).

Bouruet-Acbertot, rue de Londres, 27.

Brag (Eugène), rue de Rivoli, 37.

Briançon, rue d'Aboukir, d 13.

Bricogke (Charles), Faubourg-Poissonnière, 33.

BRIERRE DE Boismont (le Dr), rue Saint-Mandé, 108, à Vincennes. BROCA (le Dr), rue des Saints-Pères, i.

BROCARD, banquier, rue Vivicnne, 7.

BROCHARD (le Dr), réd. en chef de la Jeune Mère, rue Bonaparte, 47. Brosseron, libraire, à Chartres (Eure-et-Loir).

BRUNET, artiste peintre, rue de Chabrol, 22.

Brcsle (Aime de), au château de Fresne (Somme).

Brïe (de), rue Vernet, 33.

Bdlteau, rue du Sentier, 16.

CABANELLAS (Charles), rue Mogador, D.


CALLA a père, rue des Marronniers, 8.

Cam (M™), rue de la Paix, 2*.

Cambier (l'abbé), rue de Crimée^ 169.

Campbeli (le Dr), rue Royale-Saint-Honoré, 24.

CANUT, entrepreneur de maçonnerie, à Boulogne-sur-Seine.' CARBONNIER (Maurice), rue Roquépine, 12.

CARLIER (Alexandre), propriétaire, rue de Maubeuge, 28. Gastêja (le marquis de), rue d'Anjou-Saint-Honoré, 63.

Càzalas (le Dr), sénateur, passage Sainte-Marie, 11 bis. Cazaux (le Dr Marcellin), aux Eaux-Bonnes (Basses-Pyrénées). Chaix, imprimeur-éditeur, rue Bergère, 20.

Chapoulaud, rue Montant-Manigne, à Limoges (Haute-Vienne). Chaphis, rentier, boulevard de Magenta, 148.

Charpentier (l'abbé), quai d'Orsay, 41.

CHANTIER, entrepreneur, à Boulogne (Seine).

CHASLES, passage Sainte-Marie, 3.

Chateabyieux (Mme de), au château de Vernoux (Maine-et-Loire Chatel" (Victor), à Campandré-Yalcongrain (Calvados).

Chayy. instituteur libre, à Suresnes (Seine).

Chevallier, propriétaire,. avenue des Ternes, 40.

Cheyrier, pharmacien, Faubourg-Montmartre, 21.

CHOUET, avocat, rue de Milan, 13.

Choumery (Pierre), horticulteur, à Boulogne (Seine).

CLAPARÈDE (le Dr), rue de Châteaudun, i.

Clermont (Hermann de), rue Barbette, 11.

Cochard, capitaine de gendarmerie, à Paris.

Collaux, rue Pierre-Levée, 14.

Combes (Alph.), rue de Tournon, 13.

Combes (Charles), id.

CORRARD, notaire, à Boulogne (Seine).

Cottin (Henri), rue de Miromesnil, la.

CRIVELLI (Louis), ancien inspect. d'académie, boni. Saint-Michel, 47. CUSSET, imprimeur, rue Montmartre, 123.

Darblay jeune, rue du Louvre, 1.

Davelouis, propriétaire, rue de Boulogne, 21.

Débat, boulevard de Magenta, 145.

Decugis, boulevard Sébastopol, 28 bis.

DEFODON, boulevard Saint-Germain, 77.

DELAISSEMENT, inspecteur du travail des enfants, à Toulouse. DELASTRE, rue de Laval, o.

Désiré (le frère), directeur de l'école des Carrières, à Trélazé. Desjardin (Ernest), boulevard Malesherbes, 83.

Desormeaux, chirurgien en chef de l'hôpital Necker, ruede Verneuil, 1 1 Des Roziers, boulevard Hausmann, loi.


DESTAILLEUR (Hippolyte), architecte, passage Sainte-Marie, 11 bis. Dietz-Monin, rue du Château-d'Eau, 11. DOLLFUS DE KATTENDYKE (Mmo), avenue Montaigne, 29.

Dolon (Émile), rue de la Chaussée-d'Antin, 60.

DONNAT, instituteur, à Ecaunets (Hautes-Pyrénées).

Dordah (l'abbé), directeur du patronage de Saint-Pierre, à Toulouse. DORÉ (Gustave), artiste peintre, rue Bayard, 3.

Douchez (le Dr), médecin-major au 1er zouaves, à Alger. Drake dei. CASTILLO (Emmanuel), rue Balzac, 2. Drake DEL CASTILLO (Jacques), id.

DREYFUS (Mme Nestor), boulevard Hausmann, 72.

Dreyfus-Dupont, rue Castiglione, 1.

Driésens (Mme), à Tournay (Belgique).

DRIÉSENS (Victor), idem.

Ddbail (René), rue du Château-d'Eau, 20.

DUBOIS (Albert), rue Blanche, 7.

Dubois (Léon), au château des Barres, par Charenton (Cher). Dubu?, instituteur, à Ons-en-Bray (Oise).

Dumas (Alexandre), de l'Académie française, avenue de Wagram, 120. Dumas, de l'Institut, rue Saint-Dominique, 69.

Dumast (le baron de), correspondant de l'Institut, à Nancy (Meurthe). Dcjiazo, à Boulogne (Seine)..

Dupont (Martin), ministre, à Saint-Quentin (Aisne).

Dupuy (Adrien), négociant, à Libourne (Gironde).

Duquesnel (Mme), rue de Beaune, il.

Duiand, directeur de la bergerie du gouvernement à Médéah (Algérie) Dub-MEu, rue de la Chaussée-d'Antin, 66.

Dutal (le Dr), rue Jacob, 20.

Duverdy, place Boïeldieu, 1.

ÉCOLE PROFESSIONNELLE DE l'imprimerie CHAIX.

ÉCOLE primaire DE Magny-en-Vexin (Seine-ot-Oise).

EissEN (Émile), à Valentigny (Doubs).

Ellissen (Alexandre), banquier, rue de la Baume, 11 bis. ERARD (MmB), au château de la Muette.

Erkoux (Alberl), rue Lacroix, 2i.

ESPIVENT DE la Villeboisnet, capitaine d'état-major, place Vendôni",22. Etienne, négociant, à Issy (Seine).

FAUCHAIT, conseiller d'arrondissement, à Boulogne (Seine). Fauconnier, docteur en droit, rue Jacob, 41.

Favars (de), rue de Morny, 144.

FERON (Emile), avocat, à Bruxelles.

Flaxlaîîd, rue Thévenot, 9.

Fleurey, fondeur en cuivre, rue Sedaine, 35.

Fontaine (Léon), avoué, rue du Quatre-Septembre, 2.


FONTELA (don Emilio), médecin à la Corogne (Espagne). Fourdinois (Henri), rue Amelot, 46. -=

FRANCOLIN, rue Saint-Claude, 24.

Frénoy (le Dr), boulevard de la Tour-Maubourg, 49. >̃•̃̃̃ Freyre (don Francisco), médecin à Santiago de Galice (Espagne). FROMONT, instituteur, à Maffliers (Seine-et-Oise).

FRopo (Mme), à Versailles.

Gaffaud (Auguste), à Aurillac (Cantal).

GALLOIS, conseiller honoraire, rue de Verneuil, 11.

GARREAU (Mme), rue Saint-Lazare, 128.

GARREAU (Mlle), idem.

Garrigou (le Dr)3 à Toulouse (Haute-Garonne).

Gasset, quai Voltaire, 7.

Gasté (de), rue Saint-Roch, 7.

Gaultry (Paul), notaire, à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Gautier, rue de Trévise, 43.

Gavet (Alexis), rue de Lancry, 43.

Gayrard (Philippe), représentant de fabriques, rue du 4-Septembre, 9. GAYTTE DE TENU (Mme), au Mans (Sarthe).

GelléEj parfumeur, rue d'Argout, 35.

Gendrin (le Dr), quai Voltaire, 3.

GEOFFROY Saint-Hilaire (Albert), au Jardin d'acclimatation. GermoNd DE Lavigne, homme de lettres, rue Monsieur-le-Prince, 26. Gérôme, de l'Institut, boulevard de Clichy, 63.

Ginestods (le marquis de), rue Madame, 32.

Giquel, directeur de l'arsenal de Fou-tcheou (Chine). GIRARDIN (Émile de), rue de la Pérouse, 27.

GraARDOT, marchand de métaux, à Reims (Marne).

GIROD, maire du Xe arrondissement.

Givodead. avocat, à Constantine (Algérie).

Gosset, instituteur, à Hodenc-en-Bray (Oise).

Graniifonu, instituteur à Thaumiers, par Dun-le-Roi (Cher). Gratecap, instituteur, il Lavardac (Lot-et-Garonne).

GRÉTEAU (l'abbé de), premier aumônier, à l'Hôtel des Invalides. GROT, à Saint-Pétersbourg (Russie).

Grwby (le Dr), rue Saint-Lazare, 66.

GUBLER (le Dr), rue du 4-Septembre, 18.

Guérin (le Dr Jules), de l'Académie de médecine, rue Vaugirard, 46. Guerlain, rue de la Paix, lb.

GUERRIER, avocat, cité Trévise, 3.

Guigkard (l'abbé), rue Boileau, 89.

Guillemin, ingénieur civil des mines, à Boulogne (Seine). GuY DE CHABOT (le comte), boulevard de la Madeleine, 17. GUYOT, instituteur, à Jouy-le-Potier (Loiret).


HAENTJENS, député, avenue des Champs-Elysées, 90. ` n HAFFNER, avocat, à Constantine (Algérie). ̃'̃ ̃< .̃̃̃̃' ,••>̃̃ Haussmann (le baron), rue Boissy-d'Anglas, 12. ̃-̃. ̃ ̃̃ :̃̃.<̃• Hayem, rue Monsigny, 17.;ïi :•> ̃,̃

HÉBERT (le Dr), rue de l'École-de-Médeeine, 21.

Heinard, architecte, rue de Fleurus, 22. s

HERPIN, instituteur, rue Blanche, Sî. r

HERSENT ((e Dr), rue de Grenelle-Satat-Germain, 102. HEURTEATJT (Emile), négociant en mercerie, rue Saint-Denis, 139.< Homolle (le Dr), rue Bonaparte, 7.

HoocK frères, rue de Charenton, 167-169.

HUBERT-DELISLE, sénateur, rue d'Isly, 7.

Humez (l'abbé), curé d'Asnières (Seine).

HUREAUX, avoué, rue Richelieu, 10.

HUREL du Campart, commissaire de police, à Asnières (Seine). INSTITUTEUR primaire de la commune de Verneuil, par Triel (Seineet-Oise). Institution des sœurs de Saint-Joseph, à Boulogne (Seine). ISIDOR (le Grand Rabbin), place des Vosges, 14.

JAME (Arthur), représentant de fabriques, rue La Bruyère, 11. James, rue de Buci, 7.

JOLLY (le Dr), de l'Académie de médecine, rue des Pyramides, 3. JONTE (Em.), dir des forges de Franche-Comté, avenue Daumesnil, 116. Josien, médecin-major au 18e de ligne, à Pau.

Jotjsselin, conseiller à la Cour d'appel, rue Caumartin, 32. Jumeau, rue d'Anjou, 8, au Marais.

Kakn (Ed.), avenue du Bois-de-Boulogne, 08.

Kesler, capitaine de gendarmerie, à Montauban (Tarn-et-Garonne). Kirschner (M1Ie), institutrice, à Dublin (Irlande).

Kleinclauss (l'abbé), boulevard Beaumarchais, 71.

Koenigswarter (Jules), propriétaire, rue de Marignan, H. Kœnigswarter (Jules-Léopold), boulevard Haussmann, 85. Kuhn (le Dr), rue Scribe, 3.

Laforestfie (Léon), rue de la Victoire, 68.'

Lagoutie, ancien maître de forges, rue Saint-Honoré, 373. LALLEMAND, général de division, commandant la place de Marseille. Lallemakd (l'abbé), professeur à l'école Massillon.

Lamarche (l'abbé), curé de Saint-Jean-Baptiste, à Grenelle. LANTIEZ (l'abbé), rue de Dantzic, 1.

LARCHER (fils), rue de Passy, 97..

Lavigerié (M«r), archevêque d'Alger (Algérie).

LEBAUDY, député, rue de Flandre, 19.

Lecaron (Mme vB), au Havre.

LECAUDEY (le Dr Emm.), rue de la Chaussée-d'Antin, 2i.


Lecceer, architecte, rue Humbold, 23.

Le Cokte (le DT), prof. agrégé à la faculté de médecine, à Neuilly (Seine). LE CORBEILLER, notaire honoraire, à Dieppe (Seine-Inférieure). Ledieu, marchand de pierres sciées, rue Grange-aux-Belles, 33. Lefadchèùx (l'abbé), rue Chauchat, 19. Lefebvre (le Dr), professeur à l'Université de Louvain (Belgique). LEFEBVRE DE Viefville (Paul), rue Boissy-d'Anglas, 28. LEFEBVRE (Alphonse), avocat au Conseil d'État, rue de Poitiers, 12. LEFÈVRE (Em.), manufacturier, à Anvers (Belgique).

LEFÈVRE, instituteur, à Dozulé (Calvados).

Lefèvre (Mme), rue du Dragon, 19.

LEFÈVRE (Dosithée), instituteur, à Reuil-sur-Brèche (Oise). Leguay, instituteur à Vrocourt (Oise).

LE Maistre, à Vire (Calvados).

Lemoine (Mme), rue de Rivoli, 232.

Leroy, rue Lafayette, 170..

LE SERGEANT DE Monnecove (Mme la douairière), rue du Bac, 103. LE SERGEANT DE Monnecove, ancien député, rue du Bac, 103. Lesseps (Ferdinand de), rue Richepanse, 9.

LEVASSEUR (Em.), membre de l'Institut, rue Monsieur-le-Prince, 26. Liebrigh, ministre protestant, à Hangonwiller (Alsace-Lorraine). Loisead (le Dr Charles), rue Vieille-du-Temple, 26.

Lombard (l'abbé), rue de la Ville-Lévêque, 18.

Louvel, instituteur, à Rémalard (Orne).

MADRE (le comte de), boulevard des Invalides, 35.

Maes, rentier, rue Daval, 7.

MAGNAN (le Dr), médecin à l'hôpital Saint-Anne.

Mahon, rue Laffitte, 48.

MALENÇON, rue de la Chaussée-d'Antin, 38.

Mallet (Mme H.), rue d'Anjou-Saint-Honoré, 37.

Malet, rue Paradis-Poissonnière, 22 bis.

Manceadx (Gaston), boulevard Malesherbes, 9.

Manoury (Mme), boulevard Beaumarchais, 85.

Marguerin, administr. des Écoles municipales, rue d'Auteuil, 116. Marsaud, secrétaire général de la Banque de France.

Martin-Saint-Ange (le Dr), rue Saint-Guillaume, 32.

MASSON, instituteur, rue de la Blottière, 27.

Massoh (J. A. G.), propriétaire, à Courbevoie.

MAUDET (Gustave), à Niort (Deux-Sèvres).

MAYER, ingénieur, rue de Londres, 47.

Menier, député, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, 37. Menpioi, instituteur, à Eu (Seine-Inférieure).

Mendiolagoitia (don Vicente), à Madrid..

MESSERVY DE POTERAUX, ministre protestant, .à. Quiévy (Nord)).


Michel (Sextius), maire du XVe arrondissements .;̃: .iiî:"<: .y j K-nJ MILLET; ancien inspecteur des eaux et forêts, avenue de Tourville, 27. Moigno (l'abbé), rédacteur en chef du journal les Mondes. ̃̃̃̃ •' ̃̃̃' MOISY, propriétaire, rue Doudeauville, 19. ̃-̃̃'̃•> ̃ Monod, avocat au Conseil d'État, rue d'Aumale, 49. ». r< Monteacx (Adelson), propriétaire, rue de Luxembourg, 19. MONTEFIORE (Ed.), rue de la Victoire, 59.

Moraim, artiste peintre, à Grandiers (Maine-et-Loire).

Morda, instituteur, à Beauvais (Oise).

Morel (M>»e de), boulevard Saint-Michel, Kl.

Morel-Darleux (Mme Charles), rue de Rivoli, 28.

MOREL-DARLEUX, notaire, Faubourg-Poissonnière, 35.

Morel-Dahlecx. (le Dr), rue Neuve-Saint-Augustin, 56. Morin (le Dr), rue Bleue, 17.

Moutis (Mme des), Maisons-sur-Seine.

Mdrat (prince Louis), rue Neuve-Saint-Augustin, 55.

Musset (Mm° de), rue Ventadour, 11.

NADAUD (Gustave), compositeur de musique, Faub.-Saint-Honoré, 223. Niaux, tailleur, rue Saiût-Honoré, 211.

NICOL, médecin-major, à Privas (Ardèche).

Nieolle (A.), boulevard du Palais, 11.

NIVERT (le Dr), rue Saint-Florentin, 13.

Notta (le Dr), à Lisieux (Calvados).

Nots, rue Monge, 36.

Olivier (Gustave), propriétaire, à Sauchay (Seine-Inférieure). PASCA (Mme), place d'Eylau, 3.

PASSY (Frédéric), à Neuilly (Seine).

PASSY (Louis), rue de Clichy, 45.

PELET DE Lautrec (le comte), au château de Briord (Loire-Inférieure). PELET DE LAUTREC fils, idom.

PELLARIN (le Dr), route d'Orléans, 71.

Pf;RIER, rue de Villiers, 42 bis.

PERSIN, rue Bertin-Poirée, ii.

Peïibon (Mme ve), à Boulogne (Seine).

PETIBON (Mme), idem. 1.

PE'rBoN, conseiller municipal, à Boulogne (Seine).

PETIT, instituteur, à la Garenne-Colombes (Seine).

PETIT (Pierre), photographe, place Cadet, 31.

PEZET (Jules), à Asnières.

PIDOUX (lo Dr), de l'Académie de médecine, rue de l'Université, 29. Piquet, instituteur, à Choisy-le-Roi (Seine).

Piver, parfumeur, boulevard de Strasbourg, 10.

Ponchadd, rue Monge, 36.

Porquet (le Dr), à Vire (Calvados).


Powot, Jackson et O, fabricants d'outils, rue des Filles-du-Calvaire, 3. Prikchon, libraire, rue Monge, 36.

Pïhent DE LAPRADE, place Vendôme, 17.

QUEUX DE Saint-Hilaire (le marquis de), rue Souftlot, l. QUILLET, instituteur, à Gournay-en-Bray (Seine-Inférieure). Raillard (l'abbé), rue du Bac, 37.

Rancy (Mme la vicomtesse de), boulevard Malesherbes, 62. Reeb, professeur de langue allemande, rue de l'Assomption, 81. Reeb, médecin-major de lre classe, à l'hôpital de Vincennes (Seine). Heiisach, rue de Berlin, 31.

Renabb (Lucien), à Lyon.

Resadlt (Léon), député, boulevard Haussmann, 77.

Rbnussox (l'abbé), à Mantes (Seine-et-Oise).

RIANT (le Dr), Faubourg-Saint-Honoré, 138.

Ricard (Pierre), au Vigan (Gard).

Richard (du Cantal), rue J.-J .-Rousseau, 13.

Richakdin, entrepreneur, à Boulogne (Seine).

RICHER (le Dr), à Dozulé (Calvados).

Richet (Dr Ch.), rue Bonaparte, 5.

Ricord (le Dr), de l'Académie de médecine, rue de Tournon, 6. RIGAL (le Dr), médecin des hôpitaux, rue de La Baume, J. Rigollet, officier en retraite, propriétaire, à Boulogne (Seine). Rivière, rue Denfer-Roehercau, 98.

ROBERT (Um<l), propriétaire, rue Bergère, 21.

ROBERT (Emile), banquier, rue Richer, 26.

Robillard, rentier, boulevard Beaumarchais, Sa.

ROGER (Henri), homme de lettres, passage Saulnier, 7. Rogeh (le Dr H.), boulevard de la Madeleine, 15.

Roland-Gosselin (Paul), boulevard Haussmann, 73.

ROLLAND, boulevard du Temple, 38.

Romain-Louvet, négociant, à Boulogne (Seine).

Rotgès, instituteur, à Nérac (Lot-et-Garonne).

Rothschild (baron J. de), faubourg Saint-Honoré, 33.

Rousseau (Wilfrid), marchand de bois, r. de Bercy-Saint-Antoine, 218. Rousseau (Ch. Alb.), rue de Flandre, 19.

Roussel (le Dr Théophile), sénateur, rue Neuve-des-Mathurins, 6i. RozE, président honoraire du tribunal de Laon (Aisne). Rudet (M™), il. Asnières.

Ruphy (le baron), censeiller général à Annecy (Haute-Savoie). SAILLY (G.), instituteur, à Saint-Martin-au-Laërt (Pas-de-Calais). Saint-Denis, instituteur, à Dozulé (Calvados).

Sarcey (Francisque), homme de lettres, rue de Douai, 59. Sautteii (Ch.), rue d'Antin, 3.

SchjEFFer, instituteur, à Pfaltzweyer (Alsace).


Simon (le Dr Léon), rue Saint-Lazare, 34. Singer, rue de Clichy, 59. 1-: SOCIÉTÉ DE PROTECTION DES ENFANTS DU PAPIER PEINT, r. de Reuilly, 73. SOUCHAY, négociant en laines et soies, rue Pajol, 71.

Suc, ingénieur civil, boulevard de la Villette, 50.

Supérieur (le) de la Sainte-Famille, à Belley (Ain).

TAILLANDIER, rue du Cherche-Midi 57.

Tansard (Eug.), rue Grenier-Saint-Lazare, 5.

Tavernier (Alfred), rue Neuve-des-Capucines, 20.

Tavernier (Charles), idem.

TAYLOR (le baron), rue de Bondy, 68.

TELLIER (Charles), route de Versailles, 99.

Têtard, Boutrain (Gironde).

Thomas, rue Bleue, 17.

Thohassin, ancien notaire, boulevard Malesherbes, 7.

THOREL, conseiller municipal, rue du-Sentier, H.

THOURET (fils), à Châtillon (Seine).

TOULARD, instituteur, rue Cujas, 23.

Tourasse, propriétaire, à Pau (Basses-Pyrénées).

TOURREIL, agent de change, rue Richelieu, 8b.

Vadot, inspecteur des télégraphes, impasse de Saxe, 2. Van DEN BRULE, banquier, avenue Gabriel, 38.

VAN DER Dorpel, adjoint au maire du 3e arrond., rue Chapon, 22. Vaussy (le Dr), à Vire (Calvados). ̃ VERCONSIN (Em.), auteur dramatique, rue Neuve-des-Capucines, 6. Vernes, banquier, rue Taitbout, 29. VERON (Pierre), rue de Rivoli, 182.

Verrié (Armand), propriétaire, rue de l'Université, 29.

Vulliamy (MUe Justin), à Saint-Lubin (Eure).

Walker, rue Abbatucci, 28.

WELESLEY, rue Saint-Pétersbourg, 31.

ZABAN, homme de lettres, boulevard des Italiens, 4.


·l~j~~ DE

L'ASSOCIATION FRANÇAISE

CONTRE L'ABUS DU TABAC ET

DES BOISSONS ALCOOLIQUES

3. Septembre 1879. CONSEIL D'ADMINISTRATION

Le Conseil d'administration de l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques, sous la présidence de M. Frédéric Passy, membre de l'Institut, met au concours les questions suivantes

Montrer les conséquences de l'abus du tabac et des boissons alcooliques au point de vue économique et au point de vue moral. Apprécier l'influence de ces consommations et des habitudes qu'elles entraînent sur le travail, sur l'épargne, sur l'esprit d'ordre, de famille et de société. Dire ce qu'elles coûtent, tant en dépenses directes qu'en dépenses indirectes, et indiquer ce qu'elles engendrent fatalement de crimes, de suicides, d'aliénations mentales, et, par suite, de pertes et de charges privées et publiques; Déterminer, à l'aide de faits bien constatés, d'observations pathologiques et d'expériences, quelles sont les lésions organiques et les troubles fonctionnels qui peuvent résulter de l'abus du tabac

Déterminer à l'aide de faits bien constatés, d'observations pathologiques et d'expériences, quels sont les lésions organiques et les troubles fonctionnels que peut produire l'abus des boissons alcooliques.

Un prix de deux cents francs et une médaille de vermeil seront décernés au meilleur travail sur chacune de ces

BULLETIN


queutions. Le prix serait réservé pour l'année suivante, si les mémoires présentés n'étaient pas jugés répondre suffisamment à la question proposée.

Les mémoires devront être adressés, avant le 28 février 1880, au siége de V Association française contre. l'Abus du c l'abac et des Boissons alcooliques, rue de Rennes, 44, Mtel de la Société d'encouragement. Ils devront être écrits en français, non signés, et porter une devise qui sera reproduite, pour chacun, dans un pli cacheté portant les nom et adresse de l'auteur.

Les prix seront décernés dans la séance générale annuelle de l'Association, qui aura lieu au courant du mois de mars suivant.

NÉCROLOGIE

Le Dr P. JOLLY, présidant d'honneur.

L'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques a eu la douleur de perdre, au mois d'avril dernier, l'un de ses fondateurs et de ses présidents d'honneur, le docteur Paul Jolly, membre de l'Académie de médecine. Le docteur Jollv, né à La Chaussée, près de Vilry-le-Français (Marne), le 18 juin 1190, avait dix ans de plus que le siècle, et par conséquent près de quatre-vingt-neuf ans au moment de sa mort. Écrivain distingué, penseur fin et délicat, il avait surtout consacré son talent à l'étude des questions de pathologie générale et d'hygiène. Ses trop rares communications à l'Académie sur les questions de devoir médical, sur les questions de moralisation et de relèvement physique do nos populations, avaient le privilége d'attirer l'attention et le vif intérêt de ses éminents collègues. Le docteur Jolly était tout à la fois un moraliste, un lettré des plus considérés, et un lecteur des plus goûtés. Peu de confrères ont laissé une mémoire plus honorable et plus chère à ses amis; la règle des devoirs du médecin fut écrite dans toute sa vie professionnelle, comme la règle du devoir moral a été marquée dans chacun des actes de sa vie privée.

Le docteur Jolly a toujours occupé une place intéressante,


utile et de bon conseil dans la marche constamment progressive de l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques: c'est pour elle qu'il avait fait cet excellent livre intitulé le Tabac et l'Absinthe, dont un chapitre, lu sur épreuve à notre séance annuelle de 1875, fut écoulé avec une si religieuse attention, et si vivement applaudi par nos sociétaires. Le Dr Jolly présidait cette séance. Nos collègues du Conseil se rappellent à quelles sollicitations il avait fallu recourir pour obtenir de cet homme si dévoué à notre œuvre, mais en même temps si sincèrement modeste, de venir occuper le fauteuil dans une séance publique solennelle.

« Je suis arrivé, nous dit-il, dans l'allocution qu'il prononça en cette circonstance, à une époque de la vie où, comme le dit Montaigne, l'esprit se moisit, quand le cœur conserve encore quelque chaleur. Si je n'ai pas à décliner le haut témoignage d'estime que vous avez bien voulu me donner, je ne puis y répondre que par l'expression de la profonde gratitude dont je me sens pénétré. » La gratitude, c'étaient nous qui l'éprouvions tout entière à voir cet infatigable vieillard, si affectueux, si souriant, toujours si alerte malgré son grand âge, à l'esprit toujours si jeune, venir attester par sa présence et par l'élévation de son langage, de sa foi dans notre œuvre, et dans ce qu'il appelait notre double et sainte mission. Il nous traça en cette circonstance les devoirs que nous avons tenu depuis lors à remplir, et qui deviennent plus sacrés pour nous, depuis que l'homme de bien qui nous les avait dictés ne peut plus nous donner l'utile appui de ses conseils éclairés.

ADMISSIONS NOUVELLES

Noms des Sociétaires Présentés par MM. MM. Porcinaï (don José) fils, callo del Carmen, 39, Madrid (1529). Gayrard. Moreno VELAsco (don Antonio), négociant à

Malaga (1530). id. Pattison (Thomas), professeur d'anglais, 36,

rue Magnan (1531). j. Secrét. génér. Hamois (Emile), négociant, 8, rue Vicq-d'Azir

(1532). id.


PALAIS DU TROCADÉRO. 20 AOUT 1S7S

CONFÉRENCE

SUR

LE TABAC AU POINT DE VUE HYGIÉNIQUE PAR M. LE D* A. RIANT

BUREAU DE LA CONFÉRENCE

Président:

M. Frédéric Passy, membre de l'Institut, vice-président de l'Association française contre l'Abus du Tabac el des Boissons alcooliques.

Assesseurs

MM. GRÉARD, membre de l'Institut, directeur de l'enseignement primaire de la Seine

CLAUDE Lafontaine, administrateur de l'école Mongc CitrvELLi, ancien inspecteur d'Académie, vice-président de l'Association

GINESTOUS (le marquis de), membre du Conseil de l'Association

Germond DE LAVIGNE, homme de lettres, secrétaire général de l'Association

Collaux, secrétaire des séances de l'Association

Petibon, trésorier de l'Association.

La séance est ouverte à deux' heures.

M. Frédéric. Passy, président. Mesdames et Messieurs, il est deux heures, c'est l'heure réglementaire, nous ouvrons la séance. Je dois d'abord annoncer que nous recevons à l'instant de M. le Préfet de la Seine un télégramme qui nous avertit que M; Gréard, retenu par d'autres devoirs, est dans l'impossibilité d'assister à la séance. Nous regrettons son absence, mais nous gardons son nom à côté des nôtres comme un témoignage de sa sympathie. C'est à l'instant aussi, qu'ilme soit permis de le constatei'j que j'ai reçu la délégation qui m'appelle au fauteuil. Ces


dire que je n'ai dans ma poche aucun discours. Je ne serai donc pas long. La première qualité d'un président, d'ailleurs, surtout lorsqu'après lui doi se faire entendre un orateur comme M. Riant, c'est d'être court.

M. Riant, lui, n'est pas tenu de l'être et il est difficile qu'il le soit, car il a à traiter un sujet excessivement vaste. Encore ce sujet n'est-il que la moitié, je devrais dire le quart à peine de la thèse que nous représentons ici, lui et moi, et avec nous les autres personnes honorables qui veulent bien nous assister. Nous sommes ici, en effet, Messieurs, je dois le rappeler, au nom de l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques, deux fléaux, disons deux ivresses, dont la meilleure ne vaut rien, et qui trop souvent, par malheur, s'engendrent et se développent l'une l'autre.

Il ne sera question aujourd'hui que de l'un de ces fléaux. Il a été question, dans cette salle même, ces jours derniers, de l'autre nous y avons pris part, comme représentants de notre Société, à un Congrès international sur l'alcoolisme. Nous faisons aujourd'hui la place moins grande au tabac, comme vous le voyez mais nous y reviendrons. De plus M. Riant, bien qu'il soit en état de nous parler du tabac à tous les points de vue, a l'intention de s'occuper à peu près exclusivement du point de vue hygiénique. Or il y a un autre point de vue (je n'ai pas l'intention de le traiter, bien entendu, mais il ne m'est pas permis de ne point l'indiquer au moins), qui n'est ni moins grave ni moins vaste c'est le point de vue économique, le point de vue social, le point de vue moral.

De l'autre côté de la Manche, où l'on va volontiers jusqu'au bout de sesprincipes, et quelquefois au delà, les ennemis du tabac répandent à profusion de petites affiches dans lesquelles ils n'hésitent pas à dire entre autres choses « Fuyez la compagnié des fumeurs. » Nous n'allons pas jusque-là. Nous avons des amis qui fument; les uns modérément, d'autres immodérément. Nous ne les fuyons pas comme des pestiférés, quoiqu'ils ne sentent pas toujours bon et nous ne les montrons pas au doigt comme des monstres. Non nous aimons nos amis, même fumeurs, lorsqu'ils méritent d'être aimés mais nous leur demandons* la permission de leur dire, au nom de notre affection même, et nous répétons à ceux que nous ne connaissons pas, que l'abus du tabac, – et l'usage est bien près de l'abus, funeste au point de vue de la


santé, est un abus anti-social et anti-économique, qu'il nuit à la bourse, qu'il porte atteinte au travail et qu'il compromet les bonnes relations de la famille et de la société.

Je me trouvais un soir, il y a déjà une dizaine d'années, chez un homme très-distingué, il est mort depuis, -qui aimait à réunir à sa table et dans son salon une société d'élite. Après le diner, qui avait été fort bon, la plupart des hommes passèrent, suivant une habitude qui est devenue presque obligatoire, dans une pièce voisine pour y fumer. Ils n'en sortirent plus de tout le reste de la soirée. La maîtresse de la maison nous dit, à un ou deux qui, n'étant pas fumeurs, étions demeurés au salon, et auxquels elle savait beaucoup de gré de lui avoir tenu compagnie

« En vérité, Messieurs, c'est bien désagréable. J'invite des hommes distingués, des hommes d'esprit. Je me figure que j'aurai le plaisir de les entendre causer et de causer avec eux; ils mangent mon dîner, ils prennent mon café, puis ils passent dans le cabinet de mon mari, d'où ils nous envoient leur fumée par dessous la porte, et ils s'en vont sans que je les aie vus Ils prennent ma maison pour un restaurant. »

Elle avait raison, cette excellente femme. Et j'ajoute que les femmes se résignent beaucoup trop facilement, en général, à cette habitude, et qu'elles ont tort, car c'est assurément (avec une autre mauvaise habitude dont elles sont heureusement en train de se corriger, mais dont il reste encore trop de traces, avec la frivolité, tranchons le mot, avec la nullité de l'éducation et de la conversation des femmes), c'est, dis-je, une des causes principales de cette séparation trop acceptée des sexes qui nuit à l'agrément, au charme, au sérieux de nos rapports sociaux, et n'est pas sans une influence funeste sur la morale privée et publique (Applaudissements). Je n'en dis pas davantage sur ce chapitre.

Quant à la dépense, Messieurs, ai-je besoin d'en parler '? Fumeurs ou non fumeurs, nous savons tous ce qu'il en coûte de fumer. Combien de ménages où l'on se prive du moindre agrément, parfois du nécessaire, parce que le cigare ou la pipe de monsieur consomme plus que la toilette de madame ou les mois d'école des enfants Je glisse encore sur ces détails délicats; un chiffre seulement, mais un chiffre d'ensemble, sans personnalités. Les statisticiens, dont je ne suis pas l'esclave, je ne me pique


pas d'être précisément statisticien, mais qui ont du bon, eux et leurs chiffres, à la condition qu'on sache s'en servir, les statisticiens disent, et les meilleurs l'ont démontré, que depuis cinquante ans le tabac, avec les dépenses accessoires et inévitables qu'il entraîne, n'a pas coûté à la France moins de dix millards! Dix milliards! c'est-à-dire deux lois la malheureuse rançon que nous avons dû payer à i' Allemagne, ou, pour prendre une comparaison moins pénible, l'équivalent de tout ce que nous possédons de chemins de fer dans notre pays.

Je n'insiste pas. Voilà un chiffre qui est de nature à se graver dans toutes les mémoires. A vous de supputer, comme il vous plaira, ce qu'on aurait pu faire avec cela. La perle de travail estelle moindre? Je ne le crois pas. Oh jele sais, il y a des hommes d'étude, des hommes de labeur, des hommes sérieux qui jouissent, par je ne sais quel privilége, d'une sorte d'immunité, t.a moins apparente, à l'égard de ce poison, comme d'autres à l'égard d'autres poisons. Il y a des hommes qui travaillent beaucoup et qui travaillent bien en fumant beaucoup, en fumant trop, en fumant toujours. Combien travailleraient-ils s'ils ne fumaient pas ? `~ Voilà ce qu'on ne sait pas et ce qu'ils ne savent pas eux-mêmes. Mais passons.

Ce qui est certain, c'est qu'en règle générale l'habitude de fumer ne va pas sans perte de temps. Et pour chaque fumeur, ne perdit-il qu'une heure, qu'une demi-heure il en perd bien davantage, – c'est une partie importante de. la vie qui s'en va en fumée. Nous avons mieux à faire de notre existence, ce me semble, que de la perdre de gaieté de cœur

Ce n'est pas tout. Chez la plupart des hommes, chez ceux qui ne sont pas doués de cette immunité dont je parlais tout à l'heure, chez ceux qui n'ont pas cette énergie vigoureuse grâce a laquelle l'attention ne se laisse jamais distraire ou affaiblir; chez ceux-là l'attention et la vivacité d'esprit s'émoussent et s'obscurcissent. Et c'est même, qui ne le sait, l'une des causes de l'entraînement qui, de l'usage du tabac, porte si vite à l'abus. Le tabac est un moyen de passer le temps sans rien faire, de tlâner, de ne pas penser à ce qui déplait ou à ce qui exige un effort. 11 y a là, encore une fois, pour le capital intellectuel d'une nation, pour son capital moral, sans parler du travail matériel, une perte équivalente tout au moins, peut-être supérieure, à cette perte énorme de dix milliards que je rappelais il y a un instant.


Oh! je sais bien ce que vous allez me répondre cela rapporte gros à l'État, qui encaisse de ce fait trois ou quatre cents millions par an et l'État a besoin de ressources. Eh mon Dieu que l'État tire de l'argent aux fumeurs en leur vendant du tabac, nous ne nous y opposons pas c'est son droit, comme c'est le nôtre de résister aux appels de la régie. Mais ce que nous donnons à la régie, nous ne le donnons ni à l'agriculture ni à l'industrie qui, elles aussi, rapportent à l'État et qui, de plus, rapportent à ceux qui les développent. Que l'État impose donc nos consommations de fantaisie, soit! Mais que nous nous imposions nous-mêmes une charge aussi lourde; mais que nous fassions volontairement subir à la société, à nos familles, à nous-mêmes, un préjudice comme celui-là franchement, cela peut vous surprendre, venant du peuple qui se dit le plus spirituel de l'univers. Et puisque nous sommes à la tête d'une association qui s'occupe sérieusement de ces questions puisque nous sommes en ce moment, M. Riant et moi, chargés de porter la parole au nom de nos collègues, nous avons le droit et le devoir de dire, sans mâcher les mots, que cela n'a pas le sens commun. Tout le monde connaît l'axiome de Franklin « Un vice coûte plus à nourrir que deux enfants. » Nous ne prétendons pas, encore une fois, que l'usage du tabac soit un vice à proprement parler; ce peut n'être quelquefois qu'une distraction inoffensive, Mais souvent, bien souvent, c'est le chemin du vice c'est la pente sur laquelle on roule jusqu'à des abîmes insondables, parfois jusqu'à la dégradation et au crime. L'homme qui s'est fait l'esclave du tabac, comme l'homme qui s'est fait l'esclave de l'alcool, ne s'appartient plus, et lui-même ne peut savoir où le conduira un jour ou l'autre la tyrannie de l'habitude. Nous ne vous disons donc pas,jele répète, l'instar de nos amis d'Angleterre « Fuyez avec horreur la compagnie des fumeurs » nous vous disons plutôt « Tâchez de les convertir en frayant avec eux en bonne intelligence. Nous vous disons surtout, « Ne les imitez pas et empêchez qu'on ne les imite; fumez le moins possible et, s'il y a moyen, ne fumez pas du tout. Votre bourse, votre santé, et votre moralité peut-être, s'en trouveront bien. »

Quant à ce qui est de la santé, en particulier, M. le docteur Riant s'est chargé de la démonstration; il va nous la donner pour notre plus grand profit, et pour notre plus grand agrément lussi, je le sais d'avance. Écoutez-le, applaudissez-le comme il le


méritera. Prenez, s'il est possible en l'entendant, de bonnes résolutions. Et que ces bonnes résolutions à votre sortie d'ici, ne s'en aillent pas en fumée. (Applaudissements prolongés.) M. le Dr RIANT, vice-président de l'Association. -Mesdames et Messieurs, je ne suis pas fumeur, je ne suis pas priseur, et je n'ai pas besoin de vous dire ici que je ne consomme pas de tabac sous une autre forme.

Ce n'est pas que sur ce point la nature se soit montrée cruelle à mon égard. J'aurais pu fumer, j'aurais pu priser tout comme un autre. Pour peu que j'en aie essayé, je n'en ai point souffert. Je ne suis donc pas une victime du tabac.

Je n'ai pas été obligé de renoncer au tabac pour des raisons majeures je n'ai pas même dû m'en séparer pour incompatibilité d'humeur. Je n'ai ni à me venger du tabac, ni même à m'en plaindre. Il n'y aura donc dans le ton de cette causerie ni les termes amers d'une diatribe, ni les exagérations d'une plaidoirie, ni, à plus forte raison, les rigueurs d'un réquisitoire. Je parlerai du tabac avec mesure, en dehors de toute passion. Le tabac fait assez de mal pour qu'il ne soit pas nécessaire de lui rien prêter ni de forcer les couleurs du tableau il suffit amplement de s'en tenir à la réalité.

C'est avec calme, froidement, scientifiquement, que je veux examiner ce que le tabac nous coûte au point de vue hygiénique, économique et social.

Je ne veux tenir aucun compte des accusations banales, car il s'agit ici d'arriver il une véritable démonstration.

Aussi, m'appuierai-je sur des faits indéniables, sur des statistiques, sur des expérimentations même, s'il est possible, désireux d'amener dans vos esprits une conviction réfléchie, justifiée, si j'ai ce rare bonheur, accordé à un trop petit nombre d'orateurs, de pouvoir faire admettre mes conclusions après avoir, comme je l'espère, fait agréer mes prémisses et accepter mes preuves. En vous parlant du tabac, j'insisterai plus particulièrement sur les conseils et les exigences de l'hygiène, sans m'interdire pourtant, de temps en temps, quelques autres considérations. Mauvais au point de vue de l'hygiène, le tabac n'est pas meilleur quand on le considère au point de vue économique ou au point de vue social. C'est la logique même qui le veut lorsqu'on est dans la vérité on n'y est pas à peu près, on n'y est pas à demi. Quand


il s'agit du tabac, de quelque côté que l'on se tourne, on trouve sur son chemin la trace des fâcheuses conséquences qu'il entraîne. Si donc, tout en parlant plus spécialement de l'hygiène, je suis amené à faire quelques excursions hors de ce domaine, je rencontrerai, soyez-en sûrs, les mêmes raisons pour vous conseiller de ne pas favoriser l'extension de l'usage du tabac, disons plus, pour vous supplier de le restreindre le plus possible. Vous le voyez, j'ai l'intention de ne combattre que l'abus du tabac. La Société au nom de laquelle je parle est en effet intitulée Associatioù française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques. Ce titre, limiterait le champ de ma critique, si la raison et la vérité n'en indiquaient déjà l'objet et n'en précisaient la portée.

S'en prendre même à l'usage du tabac serait une exagération qui sortirait de la mesure que je veux m'imposer. Seulement je vous prie, Messieurs, de bien nous entendre sur ce que, en cette matière, vous appellerez l'usage et ce qui, pour vous, constituera l'abus. La question est délicate, et ce n'est peut-être pas trop de l'application de vos esprits pour arriver à déterminer les limites de l'usage et de l'abus, et pour permettre de déclarer où finit le premier, où commence ]e second.

Quant à moi, je le déclare, je ne vois pas cette limite bien nettement tracée. Voici, par exemple, un enfant, un jeune homme, un écolier, un lycéen, qui s'essaye à fumer un peu de tabac, après avoir, timides débuts! l'ait un premier apprentissage soit t avec du papier roulé, soit avec des feuilles de tilleul recueillies dans la cour de récréation. Vous appelez cela l'usage, moi, j'appelle cela l'abus 1

Voyez-vous cet ouvrier qui consacre pour fumer, même modérément, une certaine somme qui serait nécessaire pour les besoins essentiels, pour les dépenses indispensables, pour la nourriture ou l'amélioration de la nourriture de sa famille, pour l'achat de vêtements, etc. Vous appelez cela l'usage, moi j'appelle cela l'abus.

Voici un soldat auquel l'État donne dix grammes de tabac par jour. Cet exemple nous intéresse tous, aujourd'hui que tout le monde est soldat. Certes, la dose est minime, mais elle va suffire à créer une habitude, une passion tyrannique qui plus tard ne se satisfera pas avec les dix grammes que l'État fournit chaque jour. 11 faudra bientôt que le soldat ajoute les cinq ou dix centimes de


prêt qu'il touche, pour augmenter la dose. Son maigre pécule y passera. Vous appelez cela l'usage; pour moi, c'est l'abus. Voyez cet homme adonné aux travaux de l'esprit. Quand son cerveau est fatigué, surmené par le travail et les veilles, à un salutaire repos il préfère l'enivrement dû à la fumée du tabac et les rêves qu'elle fait naître. Croyez-vous que ce soit là un véritable repos? Croyez-vous que l'air de ce cabinet de travail, que cet air toujours trop rarement renouvelé va s'améliorer par l'addition des vapeurs du tabac? Dites, si vous 1 pensez, que c'est encore l'usage, moi, je soutiens que c'est l'abus.

Vous le voyez, entre l'usage et l'abus la distinction est quelque peu subtile, bien souvent fausse et la limite trop sujette il contestation.

Et puis, on le comprend, la question de quantité, de dose, est loin de constituer la seule ligne de démarcation entre l'usage et l'abus.

Il est telle nature, il est telle santé, pour laquelle l'usage même le plus modéré est un abus, et un abus très-préjudiciable et trèsmanifeste. Ai-je besoin de m'arrêter à prouver que l'âge du fumeur doit être également pris en considération, et que l'enfant, le jeune homme font toujours, quelles que soient la mesure et la dose, abus et non usage d'une drogue inutile et dangereuse? Ces exemples que je pourrais multiplier suffisent pour fairecomprendre qu'il faut laisser de côté la distinction un peu fantaisiste entre l'usage et l'abus. L'hygiéniste ne s'y arrête pas plus qu'il ne convient, il sait bien que si l'on pouvait lui montrer l'usage aujourd'hui, il aurait encore à redouter pour demain l'abus inévitable. S'il se rencontre parmi mes honorables auditeurs, des personnes qui aient l'habitude de fumer ou de prendre du tabac et qui en usent modérément, qui subissent ce joug, quelque agréable et bien porté qu'elles le trouvent, je leur dirai ce que je crois la vérité.

Je n'ignore pas que beaucoup parmi ceux qui m'écoutent sont déjà convaincus et n'ont pas attendu mes paroles pour secouer un joug tyrannique et rejeter un passe-temps inutile et dangereux. Je les remercie de leur présence et de leur appui. Quand on s'attaque à un usage aussi répandu, aussi envahissant, quand on entreprend de combattre l'autorité du nombre et la victorieuse influence de l'habitude, de la mode, il est bon de rencontrer quelques alliés. Ces convictions que l'on n'a pas faites sont un


important point de départ pour celles que l'on espère obtenir soimême. La force des arguments est doublée par l'autorité de ces convictions acquises et de ces bons exemples.

Messieurs, je ne me flatte nullement du fol espoir qu'aujourd'hui, à trois heures sonnant, mes paroles auront produit une révolution complète, que les fumeurs jetteront avec dédain ces cigares qui faisaient leurs délices, que les pipes seront toutes mises de côté, qu'en un mot, cette conférence soit destinée a produire, disons le mot, une grève de fumeurs. Non! assurément, et je ne partage nullement les illusions ou les craintes exprimées dans les lettres qui m'ont été adressées cet égard. Parmi ces lettres, j'ai reçu comme une sorte de pétition, d'adresse des ouvrières des manufactures de tabac. Elles me supplient de ne pas les condamner à l'inaction, de no pas leur enlever leur profession, leur moyen d'existence. Qu'elles se rassurent! Je ne compte pas sur un semblable résultat le tyran-tabac tiendra bon longtemps encore; longtemps encore fumeurs, priseurs, loin de réclamer leur émancipation, se feront un bonheur et une gloire de leur esclavage, et le chômage dans la fabrication du tabac ne menace personne.

L'adresse affirme l'excellence des produits fabriqués. J'ajoute, parce que cela est très-exact, et je suis entièrement d'accord sur ce point avec les signataires de l'adresse, qu'il n'y a pas de pays au monde où le tabac fût plus honnêtement préparé qu'en France et que si, comme on l'a dit, l'on vend quelque part, sous le nom de tabae à. priser, de la sciure de bois ayant macéré plus ou moins longtemps dans le jus de tabac pour rendre l'illusion possible, cela ne se passe pas chez nous! (Applaudissements.) 1

Les Français sont un peuple très-primesautier, très-mobile, et qui procède assez volontiers par bonds; mais il est peu probable néanmoins qu'ils passent tout coup de l'engouement qu'ils manifestent pour le tabac, à l'indifférence absolue ou à un dégoût subit.

Et cependant, le tabac, cette drogue pour laquelle tous les peuples de l'ancien comme du nouveau monde se ruinent à' l'heure actuelle, était inconnu en Europe il y a quatre siècles. A cette époque, quelques sauvages du nouveau monde fumaient


le tabac, et nous ignorions qu'il existât. Mais quels progrès il a faits depuis ce temps et ces premiers débuts 1

11 y a environ quatre siècles que l'Europe vit s'ouvrir devant elles les portes du nouveau monde. La chose ne se fit pas de gré à gré; on pouvait s'y attendre.

L'attitude des populations du nouveau monde rappela un peu celle de cet héritier en possession paisible et jusque-là indiscutée d'un important héritage, et qui, tout à coup, apprend qu'il a un compétiteur et qu'il lui faut partager un patrimoine auquel il se croyait appelé.

L'ancien monde fit valoir ses droits; le nouveau se défendit. La succession fut violemment, cruellement disputée. Enfin, suivant l'usage et les règles de la loi des successions, chaque héritier de la grande famille humaine ayant rapporté à la masse ce qu'il avait reçu de son côté de la Providence, tous les biens furent réunis pour être partagés et, en fin de compte, s'il y eut plus d'héritiers, l'héritage se trouva singulièrement plus important.

L'ancien monde apportait au nouveau le patrimoine de son savoir, de sa science, les lumières de l'intelligence et de la foi. Le nouveau monde apportait l'immensité de ses territoires où le flot du vieux monde a beau couler par une émigration qui ne cesse pas depuis quatre siècles; il y a toujours place pour de nouveaux venus, en dépit de ces prétentieux écriteaux qui, au milieu des solitudes et des forêts, avertissent le vovageur étonne de l'existence d'une multitude de villes qu'il ne soupçonnerait pas sans cela dans cette immensité.

Le nouveau monde a apporté ses mines de métaux précieux richesses minérales qui ont allumé toutes les convoitises et tenté toutes les races humaines.

Tous les peuples sont venus fouiller sans trêve les entrailles de cette terre, prodigue de richesses, sans parvenir jusqu'à présent à les épuiser non plus qu'à se satisfaire.

Les prairies sans limites du nouveau monde nourrissent d'innombrables troupeaux qui, pendant que notre vieux monde mourait de faim, par insuffisance d'aliments substantiels, périssaient inutiles dans ces solitudes. 11 a fallu longtemps pour que l'on eut la pensée et que l'on trouvât le moyeu de les utiliser. Mais toutes les découvertes s'enchaînent et aujourd'hui, grâce aux progrès de l'industrie, de la navigation, des services de bateaux


à vapeur apportent régulièrement' en Europe des milliers de tonnes de ces viandes conservées à l'état frais, pour nourrir les populations affamées du vieux continent.

Cette faune nouvelle n'était pas sans utilité.

La flore du nouveau monde ne nous a pas été moins précieuse. C'est elle qui nous a donné le quinquina, cet antidote puissant des lièvres des marais, des fièvres intermittentes. Et, dans un pays qui a encore environ trois cent mille hectares de marécages aussi funestes pour la richesse du pays que pour la santé des populations, ce n'est pas une chose à dédaigner que la précieuse écorce du quinquina!

Le jour où nous aurons mis en culture, assaini ces terres marécageuses, nous aurons à lutter contre V anémie, la maladie si commune de nos jours, la maladie à la mode. Là encore, le quinquina aura plus d'un service à nous rendre.

La flore du nouveau monde nous a donné le cacao, qui est la base d'un aliment aujourd'hui si justement apprécié et si répandu que l'on en est à se demander comment, avant cette importation et celle du café, nos ancêtres pouvaient bien composer leur déjeuner du matin, alors que ces deux substances n'étaient point connues.

Ai-je besoin de citer encore la pomme de terre, cet aliment qui nous a affranchis de la crainte des disettes?

Mais vous connaissez ces conquêtes et vous appréciez toute leur valeur.

Eh bien ceux qui avaient conquis tous ces biens furent subjugués à leur tour. Par quoi? Par un peu de fumée.

Les conquérants du nouveau monde avaient vu les Indiens fumer de petits rouleaux noirâtres, les labacos, origine de nos cigares, formés de feuilles de tabac enroulées. Ils rapportèrent en France le tabac, ils le cultivèrent.

Les Indiens fumaient le tabac; les Européens le fument, le mâchent et le prisent. Voilà le progrès voilà les faits I Pour apprécier la valeur de cette conquête, il reste à examiner ce que c'est que le tabac, ce qu'il nous coûte et ce qu'il nous rappor te.

Tout à l'heure, l'honorable DI. Frédéric Passy a bien voulu vous exposer en quelques mots, et, au moyen de quelques chiffres très-frappants, ce que le tabac rapporte à l'État et ce qu'il coûte à l'individu.


J'ai à vous dire, moi, ce que c'est que le tabac, les divers inodes d'emploi que la mode a successivement consacrés, la consommation que l'on en l'ait. Et d'abord, quel est ce compagnon de l'existence de tant de gens, compagnon dont ils l'ont leur société, société exclusive et jalouse de toute autre? Il faut connaître à fond celui que l'on admet dans une pareille intimité. Le tabac est votre ami, votre seul ami, peut-être apprenez au moins à le connaître.

Il

Le tabac, au moment où il fit son apparition en Europe, fut considéré comme une panacée universelle, comme un remède qui allait remplacer tous les autres et guérir toutes les maladies. Le vocabulaire consacra ces espérances, ces croyances de l'époque. On l'appela en effet herbe à tous les maux. Fallacieuse étiquette N'a-t-on pas donné aussi le nom d' eau-de-vie à l'alcool, dans un accès d'enthousiasme que le temps et les faits n'ont pas justifié? Vous allez voir si le titre donné au tabac était mieux approprié. Quand Jean Nicot, ambassadeur de Portugal, envoya, vers 1560, à reine Catherine de Médicis, pour guérir sa migraine, une certaine quantité de tabac, sous forme de poudre; le moyen ne réussit pas. Mais une expérience malheureuse ne suffisait pas pour que le tabac fût déconsidéré. L'enthousiasme était tel que l'usage du tabac continua à s'étendre sur toute l'Europe, avec une réputation croissante.

Mais plus l'engouement est prompt et excessif, plus la réaction est vive, le jour où un remède tant vanté ne tient pas ce qu'il a promis.

A nn moment donné, il fut démontré clairement que le tabac ne guérissait pas; bientôt même, on vit se manifester la crainte qu'il ne déterminât lui-même certaines maladies. Oh! jusque-là, il n'y avait pas eu de certitude, pas de démonstration. C'était comme une vague appréhension, dénuée de preuves. Cependant, la peur prit d'assez grandes proportions; l'autorité dut édicter des mesures sévères contre l'usage du tabac.

Henri VIII, en Angleterre, menace du fouet ceux qui seraient surpris en train de fumer.

Elisabeth fait confisquer toutes les pipes et tabatières d'or et d'argent qui étaient en usage à la cour. Les petites gens, eux, se contentaient, quand ils pouvaient se procurer une drogue qui se


vendait à prix d'or, d'aspirer une bouffée de tabac, au moyen d'un appareil composé d'une coquille de noix à laquelle on adaptait un tuyau de paille l'appareil circulait autour de la table, et chaque convive en faisait usage à son tour.

Partout on poursuivait priseurs et fumeurs. En Perse, Amurat IV faisait couper les lèvres aux fumeurs et le nez à ceux qui prisaient. La répression matérielle et morale ne manquait pas d'énergie. En Italie, le pape Urbain VIII excommuniait ceux qui prisaient dans les églises, et les bedeaux confisquaient les tabatières mises en circulation pendant les offices.

Ce n'était pas une petite affaire que ces confiscations, car il s'agissait de belles tabatières enrichies de diamants et de pierres précieuses, comme vous pouvez en voir des échantillons dans les collections qui se trouvent réunies dans les salles voisines de cette pièce où vous me faites l'honneur de m'écouter.

Louis XIII défend à tout autre qu'aux apothicaires la vente du tabac. Le tabac, c'était un médicament; sa place était chez l'apothicaire. Les contrevenants étaient punis d'nne amende de 20 livres parisis.

Mais sous Louis XIV, voilà la pipe qui fait son entrée à Versailles, à la bouche de Jean Bart. L'usage du tabac reprend avec plus de vigueur son élan un moment interrompu, et il s'étend encore un fois sur l'Europe. La persécution avait été trop violente elle avait eu pour effet de multiplier les amateurs au lieu de les diminuer. Rien ne devait plus arrêter l'essor du tabac.

En 1815", le nombre des fumeurs était déjà Irès-considérable. A partir de 185SO, la garde nationale, les loisirs du corps de garde, vont vulgariser l'usage de la pipe et des boissons alcooliques.

Enfin, en 1870, on peut dire que la guerre a mis le cigare à toutes les lèvres, l'alcool et l'absinthe dans toutes les bouches. Il y avait longtemps que la persécution avait cessé.

Le jour où il fut bien démontré que les gouvernements étaient L impuissants à lutter contre l'engouement public, ils en prirent leur parti, et songèrent à tirer profit d'une consommation qui ne devait plus s'arrêter dans sa marche rapide et croissante. On commence par affermer le tabac. En 1674, Colbert en tire 600,000 livres. En 1791, le monopole est supprimé, la fabrication est confiée à des ateliers particuliers. La taxe rapportait alors 3 millions et demi.


8

En 1811, quand on rétablit le monopole, le tabac donne déjà 25 millions, de francs à l'État. Tous les ans ce chiffre augmente de 25 millions nous arrivons à 50, puis à 120 et, en 1874, à 350 millions, qui entrent ainsi dans les caisses de l'État, grâce à la faveur toujours croissante que rencontre le tabac.

330 millions! le chiffre est beau; mais il ne faut pas se faire d'illusion.

Ce n'est pas précisément cette somme qu'encaisse le Trésor public. Il y a des frais considérables (personnel, matériel de régie, etc.) dont il faut tenir compte il y a les douaniers qu'il faut entretenir pour réprimer la contrebande. La fortune publique a aussi des sacrifices à enregistrer. Il y a notamment les incendies qui résultent de l'imprudence des fumeurs.

On a recherché quelle était la proportion de ces incendies, et on est arrivé à reconnaître que, dans les départements où l'on fumait le moins, il y avait sept fois moins d'incendies que dans les départements où on fumait le plus

Ensuite, nos meilleures terres, nos meilleurs engrais, nos bras les plus vigoureux, nos cultivateurs les plus habiles sont employés à la culture du tabac. Vous voyez qu'il y a là une série de pertes qui ne permettent plus de croire que cette somme de 350 millions arrive intacte dans les caisses de l'État, et que le tabac apporte autant de richesses au pays que de plaisir aux individus. La consommation du tabac appauvrit les individus, ainsi que vous le montrait si bien, tout à l'heure, M. Frédéric Passy. Et, quand chacun s'appauvri quaudune atteinte profonde est portée à la richesse, à la santé, je pourrais dire aussi à la moralité de tous, l'État ne s'enrichit pas; non, Messieurs, cette richesse apparente n'est qu'un leurre, ce n'est qu'une illusion.

III

Je viens de parler d'atteinte à la santé. Vous n'en serez guère étonnés quand vous connaîtrez la famille et les propriétés du tabac.

Une légende musulmane donne à cette plante une origine que je veux vous raconter. Mahomet, voyageant un jour d'hiver dans le désert, heurta du pied une vipère. Mahomet la prend dans sa manche, la réchauffe un peu. A peine la vipère a-t-elle retrouvé ses forces, qu'elle relève lajâte et cherche a blesser le prophète, 't.f


Mahomet se défend et la supplie de l'épargner. La vipère lui répond « Ta race est ennemie de la mienne. J'ai juré par Allah de me venger. » Mahomet, s'inclinant devant le nom d'Allah, cesse de résister la vipère plonge son dard dans la main du prophète.

Mahomet suce instantanément la plaie et crache le venin avec sa salive. La légende ajoute que de cette goutte est née la plante miraculeuse qui représente, avec l'amertume du serpent, la douceur de là salive du prophète.

Messieurs, c'est là de la légende, de la poésie; mais au fond, n'y a-t-il pas un peu de vérité?

Demandez au collégien qui fume ses premiers cigares, ce qu'il pense du tabac; il vous répondra qu'il y a trouvé l'amertume du serpent, beaucoup plus encore, j'en suis sûr, que la douceur de la salive du prophète.

Mais laissons la légende et la poésie et abordons franchement la prose, en interrogeant la botanique.

A quelle famille appartient le tabac? A la famille des solanées. Ce n'est pas une famille qui ait une bien bonne réputation. Elle nous donne bien la pomme de terre et la tomate, espèces comestibles mais ces espèces ne figurent là que comme une sorte de compensation pour les plantes vénéneuses que l'on trouve à côté d'elles, dans la même famille la mandragore, la stramoine, la belladone, la jusquiame, le tabac!

Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. Voilà la famille du tabac. Elle ne m'inspire aucune confiance. N'est-ce qu'une présomption? Je regarde la jusquiame; je suis frappé de l'aspect sinistre de ses feuilles, de la couleur, du port de ses fleurs, de l'air lugubre de toute la. plante. J'en puis dire autant des autres membres de la famille. Je continue à n'être pas rassuré. Voyons si la science, qui nous apprend ce que contient le tabac, et qui analyse ses propriétés, me rassura davantage. Il existe un poison dont tout le monde a entendu parler. C'est le plus terrible de tous, la strychnine. Introduit-on un milligramme de cette substance sous la peau d'un chien, il est tué, foudroyé instantanément.

Je ne sache pas qu'on ait encore proposé de fumer de la strychnine, et je ne crois pas, le cas échéant, que l'on trouve beaucoup d'amateurs.

Eh bien, on extrait du tabac un alcaloïde qui n'est pas moins


actif, moins énergique, moins foudroyant que la strychnine; cet alcaloïde s'appelle la nicotine, ainsi dénommée, en souvenir de Nicot qui, le premier, avait importé le tabac, sans se douter qu'il introduisait chez nous un pareil poison

La nicotine s'est fait une bien mauvaise réputation. N'a-t-on pas dit que nicotine vient de Nicot comme guillotine vient de Guillotin? Eh bien, il y a dans le tabac que nous fumons, que nous prisons, que nous mâchons, de 2 à 10 pour 100 de nicotine. La réputation de la nicotine est-elle usurpée? Répétez l'expérience de la strychnine, introduisez un peu do nicotine, un peu de cette liqueur (l'orateur montre un flacon), mouillez-en un fil que vous ferez passer sous la peau d'un chien, voilà le chien foudroyé! La nicotine se présente, comme vous voyez, sous l'aspect d'un liquide incolore qui jaunit à l'air et à la lumière, d'une consistance un peu épaisse; il a une odeur détestable, vireuse, qui rappelle l'odeur exagérée du tabac et cette vapeur âcre, nauséabonde, qui s'élève du fond d'une pipe dont on a fait un long usage. La saveur de la nicotine est plus détestable encore que l'odeur qu'elle présente.

Le liquide se volatilise à 23°; de sorte qu'à l'intérieur d'une pipe, d'un cigare, d'une cigarette allumée, il se volatilise trèsabondamment et que les fumeurs en aspirent une proportion considérable.

Vous espérez peut-être que les procédés de fabrication vont enlever au tabac une certaine quantité de la nicotine qu'il ren-fermait ?

Oui, dans une certaine mesure. 11 est incontestable que les lavages auxquels on soumet les feuilles, que la torréfaction privent le tabac d'une certaine proportion de nicotine, au bénéfice du fumeur. Cette dernière opération n'a pas toujours été sans danger pour ceux qui l'exécutaient.

Autrefois les ouvriers faisaient chauffer, sécher les feuilles de tabac dans des bassines placées devant eux; ils aspiraient ainsi toute la nicotine qui se dégageait pendant l'opéra liou. Aujourd'hui, il n'en est plus de même; on a préparé des appareils extrêmement parfaits qui débarrassent le tabac d'une portion de la nicotine qu'il contient, et l'ouvrier est protégé non moins que le consommateur.

Mais, Messieurs, si la préparation enlève une certaine quantité de nicotine, le fumeur, lui, fait tout ce qu'il peut pour n'en pas


perdre un atome. Pour cela, que de moyens, que d'appareils, que de procédés ingénieux Et, en effet, il recherche des pipes ù 1rescourt tuyau, de sorte qu'il reçoit la fumée aussi chaude et aussi chargée de nicotine que possible, Les Orientaux s'y pretinent tout différemment, et, bien qu'ils fument des tabacs contenant peu ou point de nicotine, ils ont des pipes munies de longs tuyaux (chibouk ou narghilé). La fumée se refroidit, et la nicotiue, s'il y en a, se condense et n'arrive pas jusqu'au fumeur.

La cigarette, au contraire, conduit la fumée toute chaude, toute imprégnée de nicotine dans la bouche. Le fumeur aspire cette fumée, il l'avale. Il y a des gens qui ont péniblement appris à avaler ainsi leur fumée, et qui sont très-fiers et très-heureux de ce petit talent, grâce auquel ils absorbent, sans s'en douter, des proportions considérables de nicotine.

Ainsi donc, si la préparation enlève une dose plus ou moins importante du poison, le fumeur, par les procédés inintelligents qu'il emploie, semble s'efforcer de ne pas laisser échapper une parcelle du dangereux, alcaloïde du tabac.

Il y des personnes qui fument leur cigare jusqu'au bout, leur pipe, leur cigarette jusqu'à l'extrémité. Il faut que l'on sache bien que c'est là, à l'extrémité du cigare, de la cigarette, au fond de la pipe, que s'est déposée, comme en un réservoir, la nicotine que le fumeur aspire, la partie du moins qui n'a pas pénétré dans son poumon, dans son estomac, dans son sang, dans tous ses tissus, ce que permettez-moi de le dire entre parenthèses n'ignorent pas les anthropophages!

Oui, je signale ici, avec sincérité, un des rares avantages que présente le tabac, en compensation des dangers qu'il nous fait courir: les anthropophages ont un si profond dégoût pour la chair des fumeurs, qu'ils refusent de les manger 1

Précieux privilèges, mais dont nous ae profiterons pas. D tabac, les pays civilisés ne connaissent que les dangers! (Applaudissements.)

(La suite à la prochaine livraison.)


REVUE DE LA PRESSE ÉTRANGÈRE PAR M. L. CRIVELLI.

Depuis la mort du regretté M. Thomas Reynolds, cet infatigable et intelligent propagateur des doctrines de la tempérance, sa fille, Miss Emma Francès Reynolds, s'est dévouée à la continuation de l'œuvre paternelle; elle est restée l'éditeur de Y Anti-Tobacco journal, qui est répandu à profusion dans toutes les villes de l'Angleterre. Nous continuons, de notre côté, à mettre sous les yeux des lecteurs de notre bulletin, la traduction des articles de ce vaillant petit journal, que nous croyons devoir les intéresser.

» Lisez avec attention; apprenez et graves profondément dans votre esprit.

SOCIÉTÉ BRITANNIQUE CONTRE LE TABAC

Si les observations suivantes, relatives à l'habitude de fumer, étaient sérieusement méditées par ceux de nos compatriotes, hommes et femmes, qui désirent voir se perfectionner et s'élever, dans l'échelle des êtres, la famille dont ils font partie, beaucoup sans doute prêteraient leur concours et uniraient leurs efforts aux nôtres pour combattre la pipe et le cigare, dont l'usage va croissant tous les jours.

Feu l'évêque de Manchester disait, en parlant de notre œuvre humanitaire a Si l'on pouvait amener les classes laborieuses à employer d'une autre manière le salaire qu'elles gagnent si péniblement, elles se trouveraient bientôt dans de meilleures conditions d'hygiène et de bien-être eux et leurs femmes seraient mieux habillés, mieux nourris; leurs enfants seraient mieux élevés; et au point de vue physique et matériel comme sous le rapport moral, ils s'élèveraient à un plus haut rang dans la société. »

Le chanoine Stowell disait aussi à propos de cette même habitude « On ne peut penser sans effroi à ce ver rongeur qui s'attaque aux forces vives de la nation, flétrissant la jeunesse, gaspillant ses ressources, minant sa santé et dépravant son moral. »


Ces enfants, qui devraient être l'espoir de leurs parents et de la nation, sont affligés, à mesure qu'ils avancent en âge, de maux sans nombre leur croissance est arrêtée; ils deviennent pâles, tristes, indifférents; ils semblent n'avoir plus d'action sur leur volonté, ils se laissent aller facilement aux entraînements des mauvaises compagnies et particulièrement à l'abus des boissons. Un autre effet de l'habitude de fumer, c'est de conduire les enfants au vol la population de nos pénitenciers en est le témoignage, il en est bien peu qui n'aient pas été de grands consommateurs de tabac. Une petite enquête sur le passé de celui qui ne l'avouerait pas de bonne foi, nous donnerait certainement la preuve que l'habitude de fumer a été la cause féconde de leurs délits. « Nous n'avons jamais constaté, dans notre établissement un acte de fraude, disait M.Joseph Tucker, négociant de Londres, retiré des affaires, dont les opérations annuelles s'élevaient à plus de 300,000 livres sterling, sans avoir trouvé dans le délinquant un fumeur. »

Des investigations récentes, parmi deux cents malades du Metropolitan Free Hospital (hôpital métropolitain libre), ont amené cette découverte que tous étaient fumeurs. Ils se plaignaient d'avoir des palpitations, de l'irrégularité dans le pouls, des maux de tête, de la dyspepsie sous diverses formes, d'étiolement, etc. Ces résultats ont amené le docteur C. Drysdale à déclarer que le tabac est la principale cause des maladies chez l'homme, et que là se trouve l'explication de la longévité plus grande de nos jours chez la femme.

Dans le but d'amener les fumeurs et les ivrognes à assister à nos meetings publics, l'entrée en a toujours été invariablement libre, et le succès a dépassé nos espérances. En outre, nous avons répandu amplement et gratuitement le journal de la Société, de petits traités et des prospectus; un grand nombre de ces publications nous avaient été demandées par des personnes qui se font un devoir de les passer à d'autres. Aujourd'hui, désirant étendre nos travaux et activer cette propagande, nous faisons appel au public pour les fonds qui nous sont nécessaires à cet effet. Les dons et cotisations doivent être versées entre les mains du secrétaire, éditeur de l'Anti-Tabacco journal, (47, Clissold Road, Stoke Newington, N.), à qui toutes les communications relatives à la Société doivent êtreadresséos.


Au verso de la couverture du numéro de juillet dernier, 1879, nous lisons l'intéressant article suivant

» FUMER CONDUIT A BOIRE

L'abstinence complète et universelle des boissons alcooliques de toutes sortes serait une excellente chose pour la santé, pour le bonheur et pour la moralité de la race humaine.

En décembre 1871, une consultation médicale au sujet de l'alcool, fut signée par 269 des premiers médecins et chirurgiens de Londres et de la province. Il y est dit:

« Comme ils pensent que la prescription inconsidérée, de la part de médecins, d'une grande quantité de liquides alcooliques, a donné naissance, dans beaucoup de cas, à des habitudes d'intempérance, les soussignés, tout en n'abandonnant pas l'usage de l'alcool dans le traitement de certains cas de maladies, sont néanmoins d'avis qu'aucun praticien ne doit le prescrire qu'avec le sentiment d'une grave responsabilité. Ils pensent que l'alcool, sous quelque forme que ce soit, doit être administré avec les mêmes précautions que la drogue la plus puissante, et que les instructions données pour son emploi soient composées de manière à faire bien comprendre qu'il faut en éviter soigneusement l'abus, et en cesser l'usage aussitôt que le motif n'existe plus. » « Etant bien convaincus, en outre, que la grande consommation de liqueurs alcooliques parmi les classes laborieuses de notre pays est une des plus grandes calamités de notre temps, détruisant, plus que toute autre chose, la santé, le bonheur et le bien-être de ces classes, neutralisant dans une large proportion la grande prospérité industrielle dont la Providence a gratifié cette' nation, les soussignés seraient heureux qu'une sage législation tendit à restreindre dans de justes limites l'usage des boissons alcooliques, et introduisit graduellement des habitudes de tempérance. »

Tout récemment, l'archevêque de Cantorbéry, dans un Meeting tenu au Lambeth Palace (Palais Lambeth), dans le but de chercher les mesures à prendre pour arrêter les progrès de l'ivrognerie, donna lecture d'une lettre qu'il avait reçue de sir Henry Thompson, chirurgien de l'hôpital du collége de l'Université, chirurgien extraordinaire du roi des Belges, et un des princes de la science de cette lettre nous détachons le passage suivant: « J'ai depuis longtemps la conviction qu'il n'y a pas dans notre


pays de plus grande cause du mal moral et physiques, que l'usage des boissons alcooliques. Je n'entends pas seulement par là cet abandon, cette passion qui conduit à l'ivrognerie; mais j'affirme que l'usage des liqueurs fermentées, même dans une mesure insuffisante pour produire l'ivresse, mesure très-commune et adoptée par tous les rangs de la société, nuit cependant à la santé et diminue la force de l'intelligence à un point dont on est loin de se douter. Je n'hésite point à attribuer une grande partie des maladies les plus graves et les plus dangereuses, qui soient venues à ma connaissance, aussi bien que de celles que chaque médecin ait traitées, a l'usage ordinaire et journalier des breuvages fermentés, pris dans des proportions qu'on est convenu cependant de croire modérées. »

Nous sommes heureux de constater et nos adhérents partageront sans doute notre satisfaction ,que la Société anglaise a été amenée par la force des choses à reconnaître que l'on ne peut combattre le tabac sans combattre en même temps la,boisson. L'Anti-Tobacco journal ne sépare plus ces deux excès connexes, et les attaque tous deux avec la même énergie. C'est là une justification évidente de notre nouveau titre, qui a fait de notre association la plus ancienne Société de Tempérance fondée en France.

L. Ciuvelli.

LES CONSÉQUENCES DE L'IVRESSE

Un épouvantable malheur a eu l'année dernière un douloureux retentissement dans la Belgique entière!

Le samedi, 31 août, vers 10 heures du soir, quelques joyeux compagnons revenaient en voiture d'un mariage célébré à Merbesle-Château. Il y avait là MM. Anciaux, de Lodelinsart, Flaitz, directeur de la poudrière de Martin elle, Ruchez, candidat-notaire. Lanneau, directeur du gaz et Chaudron, avoué, ces trois derniers de Charleroi.

On avait longuement fêté les nouveaux mariés et on avait bu à leur bonheur, beaucoup plus que de raison. Chemin faisant, une discussion s'éleva, qui dégénéra bientôt en une bagarre générale, et, l'on ne sait comment, M. Anciaux qui se trouvait sur le siége à côté du cocher, fut frappé d'un coup de couteau-canif par M. Flaitz qui était, lui, dans la voiture.


Ce qu'il advint de cet accident, tous les journaux l'ont raconté. Après une effroyable agonie, M. Edouard Anciaux rendit le dernier soupir et M. Flaitz fut arrêté et incarcéré à la prison de Charleroi

On a fait au malheureux jeune homme, si tristement enlevé à l'affection des siens, des obsèques, auxquelles a assisté une population sympathique et recueillie. C'est par milliers qu'on peut compter ceux qui, désireux de rendre un dernier hommage à Edouard Anciaux, s'étaient joints au cortège, et pendant cette Lrlste journée, la vie sociale a été, en quelque sorte, suspendue dans le pays de Charleroi.

Sur la fosse si inopinément oiitr'ouvorte, M. Léon Dubois, M. Désiré Navens, au nom du Denier des Écoles, et DI, Adrien Aubry, au nom de la loge des Vrais Amis de l'Union et du Progrès de Bruxelles, ont prononcé des discours émus, dans lesquels ils ont fait ressortir les brillantes qualités d'Edouard Anciaux, la fermeté de ses principes, le courage qu'il montra, jusqu'au dernier moment, et la grandeur d'âme dont il lit preuve, en ne faisant entendre à son lit de mort que des paroles de paix et de pardon'

Que d'enseignements' dans ce terrible drame!

Voilà deux amis, honnêtes, estimés et aimés, jeunes et pleins d'avenir, qui, tout à coup, s'arrêtent dans le chemin de la vie l'un, pour ne plus se relever; car la tombe s'est refermée sur lui! et l'autre, qui, en proie au plus affreux désespoir, heurte du front les implacables murailles d'une prison!

Car il a tué cet homme et la loi le confond avec les criminels vulgaires. Quoi qu'il arrive, son existence est désormais brisée! Esl-ce dans un accès de colère qu'il a tué son ami? Est-ce par intérêt? Est-ce par rivalité? Est-ce par vengeance? Non, cent fois non; et le cœur nous saigne en l'écrivant ce qui l'a poussé au crime, c'est l'alcool! t

Il venaient de quitter une fête leurs verres s'étaient entrechoqués, et leurs mains s'étaient unies dans une fraternelle étreinte. On avait parlé de bonheur, d'avenir; on avait vu la vie sous les plus riantes couleurs; on avait fait mille projets; on s'était abandonné à des rêves d'or

Quel, terrible réveil! Un lit de mort, le râle de l'agonie, une prison, une tombe!

Dix jours se sont écoulés, dix siècles pour Flaitz! i


Ses larmes; ses regrets, ses sanglots ne rendront pas l'existence à celui qui n'est plus! Flaitz est voué au remords; et il nous semble que cette expiation est, pour un homme de cœur, plus épouvantable que toutes celles que peut lui réserver la lettre de la loi. Il porte, croyons-nous, en lui un châtiment moral bien suffisant, pour que la justice se montre extrêmement indulgente, et il sortira plutôt, quoi qu'il arrive, de sa prison que de ses souvenirs!

Tout commentaire est superflu. La leçon est rude l'exemple parle haut 1

Et nous ne pouvons mieux terminer qu'en engageant ceux qui seraient tentés de s'écarter des règles de la tempérance, à méditer ce proverbe arabe d'Ibn-lilialdoun Tel qui croit boire la joie, boit souvent le crime et la honte!

(L'Éclair belge.)

VARIÉTÉS.

Les alcools à bas prix, M. Henri de Parville traite, dans sa causerie scientifique du Bulletin français, des substances étrangères toxiques contenues dans les alcools à bas prix

Il n'est plus besoin d'avancer, dit-il, que l'alcool ingéré à forte dose est un poison. Les alcoolisés sont malheureusement en grand nombre. L'alcool est à redouter par lui-même, mais il l'est surtout par les substances étrangères qu'il renferme.

Il peut se rencontrer, dans les alcools du commerce, de l'aldéhyde, del'éther acétique, de l'alcool propylique. La séparation et la manipulation de l'aldéhyde sont dangereuses pour les opérateurs; l'aldéhyde est un suffocant à la manière de l'acide sulfureux; on peut être renversé instantanément en respirantamplement dans un flacon d'aldéhyde.

Or, les eaux-de-vie qui ont ce que l'on nomme un mauvais goût de tête, renferment de l'aldéhyde et souvent de l'éther acétique, qui est un anesthésique énergique.

Les effets produits sur l'organisme par ces alcools impurs sont déplorables. On a dit à M. Isidore Pierre, qui s'est occupé d'examiner les alcools à ce point de vue, qu'à Rouen notamment, dans certains quartiers, les débitants d'eau-de-vie poussaient à la porte leurs clients fiés qu'ils avaient avalé ce détestable breuvage, pour


éviter de se trouver en face des manifestations produites par l'aldéhyde.

L'alcool propylique ne donne aucun mauvais goût à la liqueur il est d'autant plus à craindre; à 3 ou 4 0; 0, il lui communique même un certain montant. C'est un poison énergique. Il est bon que l'on sache que les alcools viniques de mauvaise qualité renferment presque toujours ces substances dangereuses. Les consommateurs s'empoisonnent ainsi lentement, mais sûrement. Une statistique curieuse. Depuis cet amoureux transi, qui, amoureux avant tout de statistique, passait les plus charmants tête-à-tête à calculer tout ce que sa fiancée avait absorbé de mètres cubes d'aliments depuis sa naissance, les amateurs de statistique se sont succédé sans relâche, et dernièrement encore, on cherchait quel pouvait être le revenu d'un ramasseur de bouts de cigares.

Jusqu'ici, on n'avait pas songé à calculer la quantité de tabac absorbée parun fumeur pendant les plus belles années de sa vie aussi, persuadé qu'un tel travail, en nous plaçant parmi les statisticiens célèbres, nous ferait aller à la postérité, nous l'avons entrepris, et voici les résultats que nous avons obtenus.

Un fumeur, digne de porter ce nom, brûle environ l'équivalent de 10 cigares de cinq centimes chaque jour; en supposant de 30 ans la durée de la vie dudit fumeur, en un an on obtient 3,650 cigares, et 109,500 en 30 ans; le fumeur a donc dépensé en un an 182 fr. 50, ou 5,47S fr. en 30 ans soit 273 fr. 75 de rente à 5 0/0. Mais on arrive aussi à un résultat plus curieux.

Le paquet étant de 25 cigares et les cigares de 9 centimètres de longueur, les 109,500 cigares donneraient 4,380 paquets, qui, placés les uns sur les autres, feraient de hauteur environ 39im,20. En mettant sur une seule ligne les 109,500 cigares, il faudrait parcourir près de 3 lieues avant d'atteindre l'extrémité de ce gigantesque cigare c'est-à-dire près de soixante-six fois la plus haute pyramide d'Egypte, et plus de soixante-cinq fois la flèche de la cathédrale de Rouen, le plus haut monument du monde.

(Le Petit Rouennais.)

Les buveurs d'éther. Le correspondant à Londres de la Revue britannique signale une habitude étrange qui existe aujourd'hui en Irlande et qui cause, en ce moment, une grande surprise. Cette habitude est l'abus de l'éther comme boisson enivrante Un médecin à qui l'on avait donné l'éveil sur cette coutume étrange, part pour les pays où elle se pratique, et nous raconte l'histoire de sa visite. Sur la route.il ne rencontre que des paysans bien mis, propres et soignés, qui ne manifestent aucun symptôme d'ivresse


mais en arrivant à la petite ville de Drapers-Town, l'odeur pénétrante de l'éther le saisit à la gorge aussi fortement que s'il était entré dans une chambre de malade. Au marché de la ville, l'air était empoisonné par l'haleine des paysans rassemblés dans le carrefour. La personne qui avait mis le docteur au courant de cet usage pernicieux ayant prétendu que sous le vent on pouvait sentir l'odeur de l'éther à un demi-mille, le docteur vérifia la véracité de ce fait, qui lui avait paru une exagération absurde.

Ce n'est que par suite d'une vigilance extrême, dit-il, que j'ai pu arriver à la preuve que je cherchais. La crainte du clergé catholique tend à faire garder le secret sur la consommation de cette drogue nuisible. Le docteur a voulu absolument remonter à l'origine de l'usage qui s'en est introduit parmi les pauvres gens, qu'on aurait pu croire ignorer jusqu'au nom même de cet agent funeste. C'est lors de la mission de tempérance du père Mathews, après la visite du révérend père à Drapers-Town, que le whiskey, le gin et l'eaude-vie ayant complètement disparu, le diable inspira au pharmacien de l'endroit l'idée de remplacer les alcools ordinaires par l'éther que le père Mathews n'avait pas songé à proscrire.

La quantité d'éther que peut absorber un buveur renforcé peut s'élever jusqu'à mie demi-once, quantité que, dans la pratique médicale journalière, il paraîtrait impossible de faire prendre sans danger à uri individu.

Depuis ces révélations faites par le docteur sur Drapers-Town, les autorités médicales recherchent les traces du même vice en Angleterre mais elles n'ont encore pu découvrir que des cas isolés. Cependant cette dépravation augmente et, chose étrange se répand parmi les dames de la haute classe de la société, à tel point, dit-on que le gazon de Hyde-Park est parfois jonché de flacons d'éther vides que les élégantes promeneuses ont jetés par les fenêtres de leurs voitures. C'est le cas de rappeler l'axiome du prince de Talleyrand a Vous croyez, disait-il, éteindre les vices par la police et les lois. vous ne faites que les déplacer. »

Le Secrétaire général, gérant,

1er septembre 1879. A. GERMOND DE Lavigne.

lirPlUMEtllli CENTRALE DES CHEMINS DE FEK. A. CHAIX ET Cio, RUE BERGÈRE, 20, A PARIS. -ITOiJj-ll:


BUI~ETIN

DE

L'ASSOCIATION FRANÇAISE

CONTRE L'ABUS DU TABAC F.If

DES BOISSONS ALCOOLIQUES

fit Décembre 1879.

CONSEIL D'ADMINISTRATION

Le Conseil d'administration de Y Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques, sous la présidence de M. Frédéric Passy, membre de l'Institut, met au concours les questions suivantes

1° Montrer les conséquences de l'abus du tabac et des boissons alcooliques au point de vue économique et au point de vue moral. Apprécier l'influence de ces consommations et des habitudes qu'elles entraînent sur le travail, sur l'épargne, sur l'esprit d'ordre, de famille et de société. Dire ce qu'elles coûtent, tant en dépenses directes qu'en dépenses indirectes, et indiquer ce qu'elles engendrent fatalement de crimes, de suicides, d'aliénations mentales, et, par suite, de pertes et de charges privées et publiques; 2° Déterminer, à l'aide de faits bien constatés, d'observations pathologiques et d'expériences, quelles sont les lésions organiques et les troubles fonctionnels qui peuvent résulter de l'abus du tabac;

3" Déterminer à l'aide de faits bien constatés, d'observations pathologiques et d'expériences, quels sont les lésions organiques et les troubles fonctionnels que peut produire l'abus des boissons alcooliques.

Un prix de deux cents francs et une médaille de vermeil seront décernés au meilleur travail sur chacune de ces questions. Le prix serait réservé pour l'année suivante, si les mémoires présentés n'étaient pas jugés répondre suffisamment à la question proposée.


Les mémoires devront être adressés, avant le 28 février 1880, au siège de l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques, rue de Rennes, 44, hôtel de la Société d'encouragement. Us devront être écrits en français, non signés, et porter une devise qui sera reproduite, pour chacun, dans un pli cacheté portant les noms et adresse de l'auteur.

Les prix seront décernés dans la séance générale annuelle de l'Association, qui aura lieu au courant du mois de mars suivant.

ADMISSIONS NOUVELLES

Séance mensuelle du novembre 187$.

Noms des Sociétaires Présentés par MM. MM. Habmois (Émile), négociant, rue Vicq-d'Azir, Paris (1532). Pattison. HARMOIS (Léon), employé, rue Fontaine-au-

Roi (1533). id. Rbgamey (Paul), 10, rue Oberkampf (1534). id. Noblesse (A.), instituteur au Grand-Quivilly,

près Rouen (1535). Secrét. génér. SECONDY, instituteur à Agen (Lot-et-Garonne)

(1S36). Rotgès. LERoux, industriel, 73, rue Richelieu (1537). Gayrard. TAUPENOT, notaire à Ainay-le-Château (Allier)

(1538). Secrét. génér. MM. les Sociétaires des départements sont priés, afin d'épargner à l'Association des dépenses onéreuses de recouvrement, d'adresser le montant de leurs cotisations, soit par bons de poste, soit en timbres et franco, au Trésorier, M. Léon Fontaine, avoué, 2, rue du Quatre-Septembre, à Paris.

Pour les cotisations qui ne seraient pas parvenues directement avant le 31 janvier 880, le Trésorier serait obligé de faire toucher à domicile, sur quittances qui seraient augmentées de 50 centimes, représentant une partie des frais d'intermédiaire.


PALAIS DU TROCADÉKO. 20 AOUT 1878

CONFÉRENCE

SUR

LE TABAC AU POINT DE VUE HYGIÉNIQUE PAR M. LE D" A. RIANT

(Suite.)

IV

Et maintenant, en effet, Messieurs, vous voilà renseignés sur le tabac, sa famille et ses propriétés vénéneuses. Le tabac, c'était une drogue avec laquelle les Indiens tuaient les serpents, une drogue dont nous nous servions avec un très-grand succès pour tuer les parasites animaux ou végétaux, nous l'avons essayé pour détruire le phylloxera cette drogue, on s'en est servi contre les maladies pédiculaires des enfants on a employé des macérations de tabac contre les spores de la teigne. Mais on sait depuis longtemps que le tabac ne tue pas seulement les organismes intérieurs. Trois petits enfants avaient été traités par ce moyen. La teigne fut détruite, mais les trois petits enfants succombèrent Il y a bien d'autres faits. Qui ne sait que le poëte Santeuil mourut d'avoir bu un verre de vin dans lequel avait macéré du tabac? Eh bien, cette drogue, contenant une proportion considérable de nicotine, nicotine qui est un redoutable poison, cette drogue dont la nature entière a horreur, puisque tous les organismes en sont profondément atteints, cette drogue, seul l'homme en fait ses délices, seul l'homme en a fait son vade-mecum. Il a auprès de lui, autour de lui, des animaux domestiques qui sont devenus ses compagnons, les flatteurs, les imitateurs de ses goûts de ses manies, souvent même de ses vices; eh bien, est-ce que ces complaisants recherchent ou même tolèrent le tabac? Essayez de faire accepter par votre chien cette fumée de tabac qui vous est si agréable essayez de lui faire aspirer du tabac à priser; vous ne pouvez l'habituer à cette odeur vous ne parvenez pas à pervertir jusque-là son instinct de conservation. C'est un poison, il le sent, et il le repousse.

On pourrait se demander comment, sachant qu'un poison vio-


lent, que la nicotine existe dans le tabac, on soit si empressé d'en faire usage.

Ah je comprends qu'au temps où l'on ne savait pas qu'elle existait, que même, à l'époque où Montaigne pouvait dire que a le tabac était venu du nouveau monde dans l'ancien pour le tuer », mais sans avoir, pour s'exprimer ainsi, d'autre raison que le rare bon sens, je conçois, dis-je, qu'on ait fumé avec quelque tranquillité d'esprit. Mais depuis, depuis qu'il est avéré, démontré que, dans 100 grammes de tabac ordinaire, il y a 10 grammes (ce que je vous montre dans ce flacon) de nicotine, comment est-il possible que les fumeurs continuent à s'empoisonner de gaieté de cœur?

La vérité, reconnaissons-le, est que bien des personnes fument ce poison sans le savoir.

Dans le peuple, on ignore ces faits. Parmi les gens instruits, combien de personnes ont à cet égard une science incomplète Et puis, enfin, il y a l'influence de l'habitude, il y a la mode. Que ne peut faire la mode? Aujourd'hui on ne prise plus; auire fois c'était une manie, une fureur que le tabac à priser i C'est sous forme de poudre que le tabac a fait son apparition dans notre pays. C'est par une reine qu'il a d'abord été prisé; tous les gens de la cour, tous les petits maîtres se faisaient un mérite, un honneur d'avoir leur jabot bien rempli de poudre de tabac; on les voyait portant toute la journée, à la main, des râpes élégantes en or, en argent, en ivoire, avec des ornements et des pierres précieuses, râpes au moyen desquelles ils frottaient la carotte de tabac et obtenaientla précieuse poudre. C'était tout un art, un art merveilleux que de donner, de recevoir, de humer une prise de tabac!

Il y avait un cérémonial complet on avait été jusqu'à formules les douze temps de l'opération. Oui, Messieurs, on prisait en douze temps!

On prenait la tabatière de la main droite et on la passait dans la main gauche; on frappait sur la tabatière; on ouvrait la tabatière on la présentait à la compagnie; on la ramenait à soi; on frappait de nouveau, pour rassembler le tabac on pinçait le tabac avec deux doigts de la main droite on portait le tabac au nez, on prisait des deux narines, également et sans grimace; enfin, il ne restait plus qu'à éternuer, se moucher et cracher. C'était fini. (Rires et applaudissements.)


Eh bien, la mode a de singuliers caprices Autrefois, rien de plus naturel, de mieux porté que de présenter à quelqu'un une tabatière et du tabac à priser personne qui ne s'en trouvât honoré et qui ne s'empressât d'accepter une offre si obligeante. Molière nous décrit comment la chose se fait, et il insiste sur le rôle social du tabac à priser qui rapproche les hommes et les rend aimables. Le tabac lui paraît la source de ces mille petites attentions qu'affectionne la bonne compagnie.

User de tabac est un brevet d'honnête homme; c'est le tabac qui inspire toutes les vertus:

«. Il n'est rien d'égal au tabac: c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et il purge le cerveau humain, mais encore il instruit les âmes à- la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, quand on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde et comme on est ravi d'en donner à droite et à gauche, partout où l'on se trouve? On n'attend pas même qu'on en demande et l'on court au-devant du souhait des gens, tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent! ))

Il s'agissait du tabac prisé Il a bien perdu depuis de cette faveur et de ces vertus

Aujourd'hui, le tabac à la mode (le tabac à fumer) n'a pas précisément les mêmes avantages loin de là. Il nous sépare plutôt qu'il ne nous rapproche; les fumeurs aiment à se retirer à l'écart pour fumer; ils n'éprouvent pas le moins du monde le besoin de se reunir en société. J'ai même lu quelque part qu'un très grand partisan du tabac avait été frappé de cette singulière disposition des fumeurs.

Il soutenait que le tabac avait cet éminent avantage que deux hommes pouvaient rester deux heures ensemble, dans la compagnie de leur pipe ou de leur cigare, face à face, sans dire un seul mot et sans jouer! En cela, il croyait faire l'éloge du tabac. Vos rires me prouvent que, comme moi, Messieurs, vous voyez dans cette déclaration le fâcheux aveu d'un maladroit ami. Avec M. le Président, nous protestons de toutes nos forces contre tout ce qui tend à nous isoler, à nous rendre insociable, nous protestons contre le tabac qui fait déserter les salons pour les fumoirs, au détriment de la civilisation, de la sociabilité et des mœurs!


Revenons. à l'influence de la mode. Aujourd'hui que le tabac à fumer a gagné le terrain perdu par le tabac à priser, je me demande ce qui se passerait si, dans un lieu public, dans une voiture, dans un salon, on vous présentait, avec ou sans cérémonial, une tabatière et du tabac à priser. Ah vous vous figureriez qu'il est de bon ton, de votre honneur, de votre dignité d'avoir l'air de ne pas même savoir ce que c'est que du tabac à priser. Fi donc quel bas et sale usage Au contraire, que quelqu'un vous présente du tabac à fumer, c'est autre chose vous prendrez ce cigare, c'est la mode le bon ton l'exige. Vous croiriez faire injure à votre qualité d'homme, vous afficher comme un tempérament ultra-délicat ou comme un homme mal élevé, si vous repoussiez la proposition qui vous est faite.

Habitué fumer, vous ne ferez pas un grand sacrifice votre apprentissage es fait depuis longtemps, vous avez lutté avec assez de persévérance pour avoir dominé toutes les répugnances de votre être, tous les soulèvements et toutes les rébellions de votre estomac. Vous pourrez fumer sans arrière-pensée le cigare que vous aurez accepté par politesse.

Mais si vous êtes un néophyte! Allons, il faut être un homme, et la mode l'affirme; on ne l'est pas si on n'est capable de fumer ce cigare! Vous le fumerez donc. Qu'importent malaises, souffrances, nausées! Votre estomac se révolte, vous sentezvotre tête qui tourne, un affreux vertige qui s'empare de vous. Qu'importe Vous fumerez ne faut-il pas fumer pour faire comme tout le monde. Ce résultat vaut bien de surmonter votre dédain pour votre santé ébranlée, pour votre raison vaincue, pour votre bon sens éconduit Et c'est ainsi qu'on sacrifie à la mode et que chacun devient fumeur, parce que les autres le sont. On voit les autres fumer on est las de fumer la fumée des autres, et on finit par se dire: Pourquoi donc ne fumerais-je pas ma propre fumée? Je dirai peu de chose du tabac à mâcher il est surtout connu par les soldats et les marins.

On conçoit très bien que pendant une longue traversée, pendant les longues heures inoccupées de la vie des camps, de pareilles distractions puissent être du goût du soldat et du marin; mais je me demande s'il est bien utile d'introduire d'autorité ces habitudes-là. De même, je me demande s'il est bien utile de donner au marin l'habitude de boire le matin de l'eau-de-vie. Puisque l'Association au nom de laquelle je parle s'efforce de lutter contre


l'abus du tabac et l'abus des boissons alcooliques, il m'est impossible de ne pas dire un mot de ce qui se passe pour le marin et de ce que fait l'État lui-même, pour propager, inconsciemment, des habitudes qui exerceront une si funeste influence sur le bienêtre, la santé et la moralité de ceux qui seront entrés dans ces écoles, où tout le monde va passer désormais, l'armée et la marine. Vous savez qu'à partir de seize ans le marin reçoit tous les matins un seizième de litre d'eau-de-vie. Voilà un jeune homme qui n'avait pas encore fait usage d'eau-de-vie, et qui va en prendre l'habitude bon gré, mal gré. Il finira par s'adonner aux boissons alcooliques; ce n'est point une crainte vague et hypothétique. La consommation d'alcool par les pêcheurs et ouvriers de nos côtes et de nos ports indique assez le danger qu'il y a à entraîner les jeunes générations sur cette pente fatale.

Réservons pour quelques circonstances spéciales de la vie du bord, pour les heures où rugit la tempête, pour les passages difficiles, des stimulants alors nécessaires et justifiés; mais s'il est bon, humain de doubler l'énergie du marin dans des heures terribles, il ne faut pas faire, de ce moyen exceptionnel, une habitude de tous les jours.

Les prétextes ne manquent pas pour l'usage de l'alcool ou de l'eau-de-vie à bord l'alcool tient moins de place que le vin, c'est incontestable mais il n'agit pas de même. Il est vrai qu'il passe pour « tuer le ver », et c'est une croyance difficile à déraciner. Y

Le tabac lui aussi a passé longtemps pour avoir des propriétés médicales qui ont joué un certain rôle dans la faveur dont il a été l'objet.

Ce qui est certain aujourd'hui, c'est que, s'il ne guérit plus de maladies, il en donne. Il porte son influence funeste sur tout le système nerveux. Quoi d'étonnant, étant donnés les principes vénéneux qu'il renferme? L'abus du tabac détermine, tous les médecins le savent, le tremblement, l'incohérence des mouvements, des paralysies de toute nature. Le Dr Desmares a signalé plus de 600 cas d'amaurose, dans lesquels l'influence du tabac lui a paru indiscutable. Si le tabac fait perdre la vue, il y a de nombreux cas de surdité dont il est cause. La surdité est très commune la dureté de l'ouïe est presque îa règle chez les vieux priseurs. Le tabac n'atteint pas seulement les parties des centres


nerveux qui président aux mouvements et à la sensibilité; son action délétère compromet jusqu'aux sources de l'intelligence. La mémoire est, parmi les facultés, une des premières qui en souffrent. M. Bertillon a montré, par des chiffres éloquents, les ravages que fait le tabac parmi les élèves de nos grandes écoles. On peut résumer en deux traits les observations de la statistique sur ce sujet. A l'École polytechnique, les grands fumeurs se rencontrent parmi les vingt derniers élèves de l'école, on en trouve jusqu'à seize! Il n'y a, au contraire, que six fumeurs parmi les vingt premiers élèves. Donc antagonisme entre l'abus du tabac et l'aptitude au travail intellectuel.

Il faut aller plus loin l'intelligence reçoit encore de l'abus du tabac une atteinte plus profonde. La statistique montre que c'est dans les départements où l'on fume le plus que se trouve le chiffre d'aliénés le plus considérable.

Les sources de la vie ne sont pas moins compromises. Des expériences sur des animaux ( coqs et lapins ) ont démontré ce que la médecine avait déjà noté l'influence funeste de l'abus du tabac sur les fonctions de la génération; diminution de la fécondité et abâtardissement de la race.

Pour être vrai, il faut ajouter, qu'avant de porter si profondément son action, le tabac n'a rien épargné des organes qui ont servi à l'introduire dans l'économie. Est-il besoin de le montrer attaquant les dents des fumeurs, de rappeler l'influence de la pipe sur la production du cancroïde des lèvres, de signaler le danger que court également et le fumeur qui perd pour la digestion la quantité énorme de salive qu'il rejette, et le fumeur qui s'empoisonne du matin au soir, en avalant une salive imprégnée de nicotine ? Quoi d'étonnant que cette fumée âcre, brûlante, détermine l'angine granuleuse, par son contact continuel avec la gorge du fumeur? L'estomac, qui reçoit cette fumée malsaine, cette salive saturée de nicotine, perd son activité; il s'engourdit; plus d'appétit, plus d'énergie digestive. L'organe ne fournit plus au sang que des sucs mal élaborés; et altérés par des principes vénéneux- Les bronches, les poumons sont sans cesse envahis par les produits de la plante vireuse; l'énergie de la fonction se perd, et le sang ne reçoit, au lieu d'un air pur, qn'un mélange gazeux, où les vapeurs de la nicotine jouent un trop grand rôle de là l'angine de poitrine, les maladies du cœur, accidents dont le tabac a bien la responsabilité, puisque le médecin les voit disparaître


quand le malade, effrayé, consent à cesser l'usage du tabac, et se reproduire le jour, où, moins docile, parce qu'il a moins peur, le malade succombe de nouveau à l'empire tyrannique de l'habitude.

Voilà l'ennemi que le monde a pris sous son patronage! Voilà les maux que l'imitation, le besoin de faire comme tout le monde, la crainte du ridicule propagent et perpétuent dans la société et chez les individus! Que pensez-vous maintenant de ce nom mal mérité d'herbe à tous les maux?

VI 1

La question n'est plus de savoir ce que le tabac peut guérir, mais si on peut guérir de la manie du tabac.

La contagion du tabac, qui s'étend partout, laisse cependant entrevoir la possibilité d'en guérir. Il y a des gens qui ont eu le courage de renoncer à ce besoin factice le fait est avéré. Il reste à rechercher quels sont ceux qui ont montré cette énergie et se sont guéris de la manie du tabac. Eh bien, voilà ce que nous constatons c'est parmi les gens intelligents, éclairés, instruits que le fait s'est produit. Il y a en ce moin ent-ci, en France, un littérateur de premier ordre, que je pourrais citer, et qui s'est converti; il y a des hommes de science qui, eux aussi, ont eu le courage de renoncer au tabac. Il faut être ignorant des maux qu'elle cause, pour rester l'esclave d'une habitude inutile, toujours coûteuse, dangereuse à tant de points de vue. C'est donc surtout a l'ignorance que doivent s'adresser ceux qui combattent l'abus du tabac; ignorance chez les partisans, chez les habitués du tabac, ignorance chez les jeunes gens qui, encore affranchis de cet esclavage, seront entraînés à imiter leurs aînés et préparés à subir le même joug.

Je vois donc, pour l'Association contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques, deux missions, deux tâches distinctes: prévenir le mal, s'il s'agit de l'enfant ou du jeune homme; combattre le mal chez l'adulte, chez l'homme fait. Il faut éclairer le jeune homme, il faut éclairer l'enfant; on ne saurait s'y prendre trop tôt; il faut éclairer les parents, il faut leur dire la vérité, il faut leur montrer le danger de laisser prendre ces habitudes, qui plus tard deviendront impérieuses et dont ils ne pourront plus se défendre. C'est là le rôle que doivent s'imposer les mères de famille, c'est là le rôle qui appartient aux instituteurs, qui ont une grande


influence sur leurs élèves, pendant ces années fécondes où l'enfant prend toutes les empreintes.

L'Association a rédigé une petite affiche exposant en quelques mots les dangers de l'abus du tabac et des boissons alcooliques. Elle a obtenu de 31. Gréard, directeur de l'enseignement primaire à Paris, l'autorisation de placer cette affiche dans toutes les écoles du département de la Seine. Nous espérons que bientôt nous pourrons obtenir de la faire placer dans toutes les écoles de France. TI y a là un enseignement qui se fait par les yeux et qui laisse dans la mémoire de l'enfant une notion vraie, exacte, sur le danger du tabac, notion que le temps n'effacera pas.

Les cours d'hygiène dans les écoles, dans les lycées, compléteront cet utile enseignement préventif.

Je suis heureux de voir ici réunis, parmi les personnes qui m'ont fait l'honneur d'assister à cette conférence, un si grand nombre de fonctionnaires de l'enseignement primaire (1) je leur dis avec conviction: « Ne sortez pas d'ici, Messieurs, sans vous être promis d'éclairer les familles, les enfants, sur la question qui nous occupe, et de faire la guerre au tabac, pendant qu'il en est temps encore. »

C'est là la première partie de la tâche à laquelle doit travailler l'Association contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques. C'est une mission d'éducation.

Il y en a une autre: elle consiste à guérir ceux qui ont l'habitude du tabac. Pour cela, il y a deux procédés. Il y a le procédé que j'appellerai le procédé des forts, et le procédé des faibles. Quand au procédé des forts, il est bien simple. Il suffit de se dire: « Le tabac est mauvais; il contient un poison, c'est indiscutable. Je cesse donc de priser, de fumer dès aujourd'hui. » Seulement il y p. une petite difficulté: c'est que le nombre des forts est très restreint. Je ne sais pas si le tabac y est pour quelque chose; mais il est certain qu'il existe une abdication singulière des volontés, un énervemont qui rend bien rares les résolutions viriles. Si vous saviez ce que j'ai reçu de lettres où l'on me dit textuellement « Vous allez dire bien du mal du tabac; j'en pense autant (1] Un grand nombre d'inspecteurs, de directeurs d7éeoles normales et d'instituteurs venus à Paris pour le Congrès de la Sorobnne, nous avaient faitl'honneur d'assister à cette conférence. Nous devions les retrouver quelques jours après (29 août 1878) parmi les quinze cents auditeurs (le notre conférenee sur l'Hygiene de l'Ecole, à la Sorbonne.


que vous, mais jamais je n'aurai le courage de m'en séparer. » Assurément, ce ne sont pas là les forts sur lesquels je compte; comme les mangeurs d'opium de l'Orient, ils en sont arrivés, le tabac aidant, à n'avoir plus le courage de faire le moindre effort, de renoncer à une habitude mauvaise. Il ne faut donc pas avoir trop de confiance dans le procédé des forts. C'est cependant le bon mais combien sont rares ceux qui peuvent le mettre en pratique il y a ensuite le procédé des faibles. Il consiste dans une multitude de petits moyens plus ou moins habiles, pour diminuer le danger, ou pour se tromper soi-même. Ainsi, on ajoute un petit bout d'ambre à la pipe que l'on fume ou du cigare, pour que la fumée arrive moins chaude dans la bouche; on tâche de ne pas avaler la fumée. On fume, quand on le peut, du tabac qui ne contient pas de nicotine, par exemple des tabacs orientaux, où la dose de nicotine est faible ou nulle. On ne reste pas, après avoir fumé, dans l'atmosphère nicotinisée que l'on s'est ainsi faite; on ouvre les fenêtres, on fait tout son possible pour diminuer le danger. On fume, au lieu de feuilles de tabac, des feuilles de pommes de terre, ou des feuilles de thé, suivant le système de beaucoup d'Orientaux on fume même de petites cigarettes faites avec de jeunes pousses de houblon, qui n'ont absolument que des propriétés nulles au point de vue de la santé. On a imaginé aussi de faire un petit appareil placé au fond de la pipe, pour qu'il n'y ait plus là d'accumulation de matières liquides, pour assurer une combustion plus complète. De ces précautions, les unes permettent aux fumeurs de s'empoisonner un peu moins vite; les autres, celles, par exemple qui écartent toute feuille dangereuse ou suspecte, rendent la sécurité aux fumeurs, en leur laissant encore des illusions, qui rendent le sacrifice moins complet et moins pénible. On conserve du moins cet agréable passe-temps qui consiste à rouler la cigarette, et on éprouve toujours ce plaisir du fumeur qui voit un peu de fumée monter en spirales devant ses yeux. Il y a un choix à faire parmi les moyens employés pour guérir les fumeurs de leur manie.

On espère, par exemple, dégoûter les fumeurs en leur faisant fumer de mauvais tabac; on se trompe singulièrement, car ils ont perdu le goût, ils sont devenus incapables de toute appréciation et par conséquent de toute répugnance. C'est à ce point qu'un homme qui fumait beaucoup de tabac et de très bons cigares a fini par abandonner ces cigares, grâce à l'intervention d'un


de ses amis qui, lui ayant présenté en place des cigares à un sou, sans l'en prévenir, lui démontrala possibilité de réaliser de belles économies qui ne lui imposaient aucun sacrifice: le fumeur trouvait ces modestes cigares tout aussi bons que les autres. Il avait perdu ie&ons de l'odorat et du goût. En effet, l'irritation constante portée sur les organes du goût les affaiblit, de même que chez un individu qui prise beaucoup, on voit se perdre la finesse de l'ouïe; les trompes d'Eustache finissent par s'oblitérer, et il y a alors une diminution plus ou moins complète de l'impressionnabilité de l'organe de l'ouïe. Il y a aussi une altération, une atteinte plus ou moins profonde des fonctions de l'estomac, et, si la faim semble apaisée parce qu'on prend du tabac, ce n'est pas parce qu'il nourrit, c'est uniquement parce que le poison a tari la sécrétion et paralysé l'activité de l'organe.

Je ne fais donc pas grand fond sur le procédé qui consiste ?i dégoûter le fumeur par la mauvaise qualité du tabac. On emploie dans les maisons de correction de Norwège, de Suède et d'Angleterre divers procédés analogues pour guérir les individus adonnés aux boissons alcooliques. On met de l'alcool, du vin, dans tous les aliments sans distinction, de tous ceux dont on voudrait faire naître les répugnances. On n'obtient que de minces résultats; les gens qui aiment l'alcool l'aiment sous toutes les formes et ne répugnent à le rencontrer dans aucun de leurs mets. J'ai connu un homme fort distingué qui avait pris un goût invincible pour les boissons alcooliques; j'ai essayé de tous les moyens possibles pour le dégoûter, mais sans succès. En vain, comme en Angleterre on met de l'esprit de bois dans l'alcool; en vain on ajoute aux boissons de l'émétique rien, hélas! ne peut plus provoquer le dégoût. L'alcool camphré ne fait-il pas, malgré le camphre, les délices de plus d'un infirmier d'hôpital, ou de plus d'un malade auquel on donne ce remède pour un tout autre usage!

Il en est ainsi de la passion ou de la manie du tabac. L'abus n'en dégoûte pas, l'excès ne la rend pas insupportable. Voulezvous guérir quelqu'un de l'habitude de fumer; ne comptez pas beaucoup sur l'effet de ces petits moyens. Aujourd'hui, on sent la fumée de tabac partout, on vit au milieu de cette fumée; loin de nous en lasser, de nous en dégoûter, cette influence répétée semble nous habituer à cette atmosphère factice et nous en faire un besoin.


Et quel besoin, Messieurs, que celui-là! Un besoin qui passe avant celui des aliments Un besoin qui, après un long jeûne, fait préférer le tabac au pain l

Un éboulement a enseveli des ouvriers, des mineurs, sous des décombres. On. travaille avec ardeur à les dégager. Enfin, on sait qu'ils sont vivants on vient de les entendre. Sans doute, ils demandent du pain, ces pauvres malheureux, à jeun depuis vingtquatre ou quarante-huit heures? Non, ils ont une privation plus cruelle encore pour eux que celle du pain, car ils demandent d'abord du. tabac!

Le jeûne mahométan comprend, outre l'abstinence des aliments, l'abstinence du tabac. Eh bien! c'est avec le tabac que l'on commence à rompre le jeûne

« Nous allons, dit M. de Vogué, nous asseoir devant un petit café sur la grande place de Beyrouth; de nombreux oisifs, gens du peuple, moukres, chameliers, marchands, attendent comme des statues, le narghilé tout chargé à la main, le coucher du soleil. Nous sommes en Ramazan, le carême mahométan et la loi du Prophète défendent toute nourriture, ainsi que la fumée de tabac, avant la lin du jour. Le musulman observe rigoureusement ces prescriptions; tous les Orientaux, à quelque religion qu'ils appartiennent, sont les fidèles gardiens des pratiques extérieures et matérielles. Dès que le coup de canon libérateur a retenti, les pauvres croyants aspirent voluptueusement une bouffée de tombéki; même après ce jeûne de quatorze heures, le besoin du tabac est plus fort chez eux que celui de la nourriture (1) Voulez-vous voir cette servitude plus grande encore? Ecoutez ce chirurgien de marine

« Un matelot; dit-il, vint un jour me consulter pour un mal de gorge. Je vis, à la saillie de sa joue, qu'il mâchait quelque chose. Comment, dit le chirurgien, vous avez mal à la gorge et vous chiquez! Major, répondit le matelot, depuis tçois jours je n'ai plus de tabac. Et, en même temps, il tira de sa bouche unïpeloton d'étoupe goudronnée! »

Le malheureux, no pouvant satisfaire sa passion, suppléait au tabac comme il pouvait et se créait des illusions!

(1) Syrie, Palestine.


VII

Et maintenant, Messieurs, si vous voulez vous déshabituer du tabac, il faut choisir entre le procédé des forts et le procédé des faibles. C'est à votre caractère et à votre énergie de décider lequel des deux a le plus de chance d'amener un résultat. Est-ce le procédé des forts ? Est-ce le procédé des faibles?

Si vous avez comme moi la certitude que le tabac n'est pas innocent, qu'il est au contraire un poison; si vous êtes convaincus comme moi que l'État n'en retire qu'une richesse apparente, que c'est le moyen de nous enlever nos terres les plus fertiles, de perdre nos bras les meilleurs, vous n'hésiterez pas à vous priver d'un superflu inutile quand nous n'avons pas le nécessaire, à savoir une ration suffisante de pain ou de viande. Quand on pense qu'aujourd'hui, si on prend le chiffre de la population des villes, chaque habitant a, par an, une ration de 50 kilogrammes de viande, et si on réunit la population des villes et de celle des campagnes, on ne trouve plus qu'une ration de 13 kilogrammes par an et par tête! Et voilà le pays qui, satisfait de sa production en bétail et en céréales, aurait la folie de perdre 20,000 hectares de ses meilleures terres pour y cultiver du tabac! 1

Si vous croyez comme moi que le tabac porte une atteinte profonde aux relations de la vie sociale, qu'il brise la famille, qu'il vide les salons, supprime la conversation, ce charme de nos salons d'autrefois que les fumoirs modernes ne remplacent pas à notre c honneur, qui prive l'homme de la société de la femme et de l'influence si importante de celle-ci, au point de vue de la civilisation, de l'esprit et des mœurs si vous croyez avec moi, que le tabac exerce une action funeste sur la santé, parce qu'on n'use pas longtemps de tabac sans en abuser, parce que les enfants et les jeunes gens dans la période de croissance et de développement subissent l'entraînement et les fâcheux effets de l'exemple: n'hésitez pas; ni les petits moyens, ni les demi-mesures, ni le bout d'ambre, ni les procédés analogues à celui de la goutte de cire conseillée aux buveurs, ne vous guériront. N'ayez pas pour vous-mêmes ces illusions ou ces coupables complaisances. Allez aux grands moyens. Rompez en visière avec une habitude dangereuse pour vous, pour la société, pour la jeunesse, victime nécessaire de ce mauvais exemple et de cette contagion.


Êtes-vous riches? Le jour où vous ne nourrirez plus un besoin factice, un meurtrière passion, vous ferez la part de la charité plus large, et vous pourrez nourrir des hommes avec de l'argent qui payait une habitude malsaine.

Vivez-vous de votre travail ? Vous perdrez moins d'argent, moins de temps. Lord Stanhope n'a-t-il pas fait ce curieux calcul qu'un priseur perdait deux heures par jour pour satisfaire les exigences de son nez? Vous dépenserez moins chez ie pharmacien, moins chez le médecin, vous rêverez moins, vous vous payerez moins d'illusions! 1

On parle tous les jours de régénération sociale. J'y crois, je l'appelle de tout mon patriotisme et de tout mon cœur. Mais une première condition semble nécessaire pour que cette espérance se réalise il faut d'abord que le peuple à régénérer bannisse de son régime tout ce qui engourdit, stupéfie et désorganise l'homme physique, intellectuel et moral.

Donc, plus de ce poison alcoolique, absinthe ou alcool, qui mène à toutes les déchéances physiques, intellectuelles et morales, et qui abrège la vie après l'avoir dégradée!

Plus de ce poison nicotique qui engourdit et énerve Voilà le double but que poursuit l'Association française contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques, au nom de laquelle j'ai eu l'honneur de porter ici la parole.

Il y a deux manières de seconder ses patriotiques efforts: s'y associer par l'exemple, s'y associer par un concours réel, efficace, personnel.

Mesdames, vous qui ne pouvez pas voir vos salons désertés, je m'adresse à vous.

Pères de famille, qui craignez de voir vos fils noyer dans une fumée malsaine une précoce intelligence et des dons heureux, je m'adresse à vous.

Maîtres de la jeunesse, qui avez tant d'influence sur les jeunes générations confiées à vos mains, vous qui devez garder, pour le pays qui les réclame, toutes nos forces physiques, intellectuelles et morales, je m'adresse à vous.

Et après vous avoir remerciés d'un accueil si sympathique, je vous convie à ces deux modes d'action, à ces deux modes de collaboration dont je parlais tout à l'heure, et je vous demande de vouloir bien, vous associant à nous, pour diminuer les dangers que produisent le tabac et les boissons alcooliques, apporter votre


adhésion à notre œuvre, comme à nos idées, aux représentants de l'Association contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques, réunis dans ce bureau qui m'a fait l'honneur de m'assister. (Apréunis dans ce bureau qui m'a tait l'honneur de m'assister. (Ap- plaudissements prolongés.)

ÉTUDE NOUVELLE

SUR

LES SYMPTOMES DE L'ALCOOLISME CHRONIQUE.

L'alcoolisme a été l'objet de travaux nombreux et remarquables.

On en a décrit admirablement les formes aiguës et sub-aiguës, les troubles moraux et intellectuels.

Mais o'esl à peine si l'on a esquissé la physionomie générale des formes chroniques dans lesquelles l'intelligence reste saine, ou à peu près. Ce qu'on en a dit est d'un vague très-peu satisfaisant au point de vue clinique. Pour s'en assurer, il suffit de lire le résumé que M. Fernet a donné, sur ce point, des enseignements classiques, dans sa thèse de concours, encore assez récente, sur les tremblements.

Voici ce passage en son entier

« L'alcolisme chronique est loin de répondre à une descriptio n aussi précise que les formes aiguës et subaiguës. A ce point de vue, les accidents nerveux se comportent comme ceux des autres appareils organiques. Autant l'état gastrique initial de l'alcoolisme, vomissements pituiteux, anorexie du réveil, etc., sont significatifs, autant les désordres ultérieurs de l'appareil digestif sont variables, parce qu'ils sont compliqués d'affections organiques diverses relevant de la même origine alcoolique. » Les troubles nerveux de l'alcoolisme chronique se compliquent et se confondent également avec les lésions alcooliques du système nerveux. Le tremblement perd à la longue le type du début, il se transforme en mouvements plus désordonnés querhylumés. Si on oblige le malade à étendre la main, on constate que le mouvement vibratoire est remplacé de temps en temps par des projections indécises du membre Des muscles qui ne prennent pas part au tremblement sont agités de spasmes convulsifs. C'est à cause


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de cette transformation, dont on ne peut méconnaître l'importance, que le diagnostic différentiel entre l'alcoolisme chronique et certaines formes de paralysies généralisées, présente souvent tant de difficultés, tandis que personne n'a songé à établir un parallèle entre ces paralysies et J'alcoolisme aigu ou subaigu. » Si, comme il convient de le faire, on veut assigner au tremblement sa place dans la série des désordres nerveux d'origine alcoolique, on peut dire que le tremblement, à lui seul, ne suffit jamais pour affirmer la nature de la maladie, mais que les autres accidents, quels qu'ils soient, quand ils ne sont pas accompagnés du tremblement, doivent prêter au doute.

» Lorsque le tremblement alcoolique persiste après la cessation de tous les autres symptômes, il devient presque impossible d'en déterminer sûrement la nature. Aussi a-t-on cherché, dans le mode même de la Irémulenco, des indices qui pussent mettre sur la voie du diagnostic. On a insisté sur l'absence de tremblement latéral de la main, les vibrations n'ayant lieu que de haut en bas, sur la localisation du tremblement, sur le peu de gène qu'il apporte aux mouvements volontaires de la main, sur la persistance de la force musculaire. Ces indices, que j'ai cru devoir mentionner, n'ont qu'une valeur discutable. »

Est-ce donc là le dernier mot possible de la science sur cette question? Et l'alcoolisme, à l'inverse des autres maladies, dont la cause intervient d'une façon suivie, perd-il ses caractéristiques en se prolongeant et s'accentuant ?

Pour ma part, je ne le crois pas. Il m'a paru qu'on pouvait, au contraire, par une étude approfondie des phénomènes, arriver à leur reconnaître une physionomie à part, une marche spéciale, et cela aussi bien en ce qui touche les douleurs gastralgiques, les vertiges et les tremblements, que lorsqu'il s'agit des vomissements pituiteux du matin, de l'anorexie, de l'insomnie et des rêves effrayants.

Cela ne veut pas dire qu'aucun des phénomènes soit pathognomonique, à proprement parler, quand on le prend isolément chez tel ou tel individu. Mais dans la majorité des cas, je le répète, les tremblements, comme les gastralgies, etc., ont leur manière de se présenter et d'évoluer, leurs traits saillants, qui mettent sur la voie du diagnostic, dès le premier coup d'oeil. Bien entendu, pour assurer ce diagnostic, il conviendra d'interroger également tous les symptômes, et de relever, autant que possible, sur tous J


les points, l'aspect général de la maladie. Mais il se peut que le syndrome soit imparfait et qu'il faille se contenter d'un petit nombre d'indications pour le reconnaître. Il importe donc de savoir attribuer à chacune de ces indications toute la signification qu'elle possède en elle-même. ·

11 n'y a vraiment pas de difficulté, quand le syndrome est bien complet.

Ainsi, quand on trouve réunis chez un malade les symptômes suivants vomissements survenant assez habituellement au moment du lever, appétit capricieux, souvent nul, vertiges, tremblement des mains et parfois de tout le corps, fourmillements, picotements, démangeaisons surtout nocturnes, affaiblissement de la vue, et même, dans les périodes avancées, à un certain degré, de la force musculaire, émotivité excessive, sommeil rare et interrompu par des rêves effrayants, même en l'absence d'hallucinations proprement dites et de troubles intellectuels, on est autorisé à porter le diagnostic alcoolisme, sans y regarder de plus près.

On y serait autorisé, même alors qu'il serait impossible de découvrir comment se serait effectuée l'intoxication alcoolique. En effet, si les gens du peuple, en général, ne font aucune difficulté pour confesser des habitudes d'ivrognerie, il n'en est pas toujours de même d'autres malades, et surtout des femmes. Celles-ci cachent, au contraire, souvent avec grand soin, leur propension à boire du vin ou des liqueurs, et la nient opiniâtrement quand on la soupçonne.

B est donc plus sûr de se fier à ce que disent les symptômes, quand ils parlent vraiment d'une manière univoque, qu'à ce que disent des malades dont l'intérêt peut être de tromper. Du reste, il n'est pas impossible qu'il soit permis d'attribuer parfois les symptômes de l'alcoolisme chronique à une sorte d'atavisme, et de supposer qu'un ascendant les aurait transmis par hérédité à quelqu'un de sa race, sans intervention de nouveaux excès chez celui-ci.

On voit bien survenir chez les enfants d'ivrognes des accidents nerveux de formes très-diverses. Comment nier a priori qu'ils soient également exposés, par le fait de leur origine, à ceux-là mêmes auxquels leurs pères étaient sujets.

Cette hypothèse est des plus hasardées, sans aucun doute mais il est des cas où l'pn se sent presque disposé à l'admettre de pré-


férenco, tant on se croit certain de la sobriété de gens chez qui l'on trouve réunis tous les symptômes, bien que la cause personnelle échappe.

Voici, par exemple, une observation que je rangerais sans hésiter dans les cas les plus évidents d'alcoolisme chronique acquis, et que je présenterais comme un type, s'il ne m'était pas démontré que la malade n'a jamais fait abus de boissons d'aucun genre.

Il s'agit d'une mère de famille que je connais depuis longtemps. Son mari, son fils, elle-même, affirment qu'elle n'a jamais pris de liqueur forte; elle aurait de la répugnance à en goûter, s'il faut l'en croire. Elle ne boit de vin qu'aux repas, en petite quantité et très-étendu d'eau.

Est-il vraisemblable que cette dame ait pu dissimuler à tous une passion funeste, qu'elle eût trouvé moyen d'assouvir en cachette, pendant des mois et des années ? Cula me paraît d'autant moins probable qu'elle a répondu très-simplement, sans rougir et sans se troubler, à toutes les questions que je lui ai posées, à plusieurs reprises, avec insistance, pour élucider ce point douteux. Or, le père de cette dame, mort à soixante-quinze ans avec un tremblement des mains déjà ancien, de nature douteuse, avait certainement, dans sa jeunesse, fait des excès alcooliques. Le même vice a peut-être existé dans la famille de sa mère chez les aïeul et bisaïeul. Ce sont bien là les conditions les plus favorables pour une reproduction de phénomènes morbides par atavisme. Notons d'abord, que des névroses de diverses formes ont été fréquentes dans la famille.

La soeur aînée de cette dame a été folle à deux reprises. La première fois, il a fallu la mettre à Charenton, parce qu'elle exigeait que son frère, plus âgé qu'elle de sept ans, couchât avec elle- Elle avait alors une trentaine d'années. Elle était cependant très-pieuse et d'une conduite irréprochable jusque-là. On attribua cet accès dc folie à une vive contrariété: on s'opposait dans sa famille à ce qu'elle entrât dans un couvent. La seconde fois, elle se jeta par la fenêtre. Elle ne se fit heureusement pas grand mal, et peu de temps après, sa mère étant morte, elle put accomplir sa résolution d'être religieuse. Au couvent, elle ne fut plus folle, mais elle eut de grandes attaques d'hystérie, des troubles gastriques de tout genre, et finalement, elle mourut dans le marasme.


Le propre fils de la dame dont nous allons parler, actuellement âgé de quatorze ans, eut quatre fois déjà, à de longs intervalles, des pertes subites de connaissance, sans cri, sans convulsions toniques ni cloniques, sans période de stertor, ni morsure de la langue, ni contracture des muscles du cou avec rotation de la tête, ni écume sur les lèvres, sans rien, en un mot, des grandes attaques d'épilepsie, mais avec un instant d'oubli et d'hébétude, qui aurait naguère suffi pour faire porter, sans hésitation, le diagnostic épilepsie. Je dis naguère, car M. Lasègue vient de porter une rude atteinte au cadre établi jusqu'à présent, en distinguant des épilepsies fausses au milieu d'épilepsies vraies. J'en viens à la dame en question.

Elle a quarante-quatre ans. Dans ces dernières années, elle a éprouvé de grands chagrins, ayant perdu successivement, en quelques mois, sa sœur, son père, sa belle-mère, qu'elle aimait comme une vraie mère. Jusqu'alors sa santé avait été parfaite. Il y a un an environ qu'elle commença à se sentir souffrante. Les troubles auxquels elle est sujette depuis ce moment portent à la fois sur plusieurs ordres d'appareils et de fonctions. Elle éprouva fréquemment, le matin, au moment où elle mettait le pied par terre pour se lever, des éblouissements et des vertiges, qui précédaient, accompagnaient, suivaient des vomissesemenls, peu abondants, d'un liquide glaireux. En môme temps, la malade se plaignait d'une sensation, très-pénible, et qui finit par devenir assez habituelle, de pression, d'une part, en avant, sur la région épigaslrique,'et d'une autre part, en arrière, à un même niveau. n lui semble alors que deux mains la prennent et la serrent entre elles, comprimant l'estomac. Parfois la poitrine est le siège d'une sensation fort analogue, et il en résulte un malaise, une oppression, un étouffement qui rappellent les crises d'asthme.

Les troubles sensitifs consistent en des fourmillements et des picotements dans les membres, en des démangeaisons, surtout nocturnes, et en une diminution assez notable de la vue, au dire de la malade. Elle ne peut plus lire aussi longtemps, ni des caractères aussi lins et ne distingue plus aussi bien, en général, les petits objets.

En outre elle est devenue sujette à des tremblements, qui, d'ordinaire, sont peu marqués et occupent surtout les mains, mais qui parfois augmentent et se généralisent à tout Ic corps.


Après cette énumération succincte des divers symptômes, il faut noter ce qu'ils présentent de particulier dans leur évolution. Tout cet ensemble, à la fois, s'accroit et s'accentue à certains moments de manière à constituer de véritables crises, dont la durée peut varier de quelques heures à quelques jours et entre lesquelles reparaissent des intervalles, parfois assez longs, de grand mieux-être relatif.

Quand survient la crise, les vertiges et le tremblement, qui s'étend alors à tous les membres, deviennent tellement violents que le malade renonce à marcher, craignant de tomber à chaque pas. A peine pourrait-elle porter à sa bouche des aliments solides quand aux liquides, elle les renverserait par les secousses convulsives de ses mains. Du reste l'appétit est nul en pareil cas, et les vomissements, glaireux etbilieux, du matin sont des plus pénibles. C'est alors surtout que s'accentue cette sensation de pression sur l'épigastre ou sur la poitrine dont nous avons parlé plus haut. Durant ces crises, qui reviennent régulièrement à chaque époque menstruelle et d'autres fois sous des influences indéterminées, la malade est véritablement infirme, puisqu'elle peut à peine faire usage soit de ses jambes, soit de ses mains.

Dans les intervalles, au contraire, elle n'a presque plus de vertiges, les vomissements glaireux ou bilieux sont très-rares, et bien que les mains, surtout la gauche, restent toujours un peu tremblantes, ce tremblement ne met obstacle à aucun mouvement volontaire, si précis et si minutieux qu'il puisse être. La main ne tremble plus quand elle tient un verre rempli de liquide ou quand il s'agit de broder, de dessiner, d'enfiler une aiguille, etc. Or, des variations tout à fait semblables existeht également, chez un alcoolique, qui, lui, ne songe pas à se cacher de l'être. Le malade est couché salle SainUïean-de-Diéu, n°2, à la Charité, dans le service de M. Vulpian. Agé de quarante-trois ans, brocheur dans une imprimerie, il a servi durant la dernière guerre, a été blessé par des éclats d'obus dans l'armée du Nord, et fait prisonnier par les Prussiens, il a été rendu par eux durant l'armistice. Rentré dans Paris au mois d'avril, il s'est enrôlé dans les bataillons de la Commune, et dès la première rencontre, il a été fait prisonnier par l'armée régulière. Il attribue l'origine du tremblement dont il est atteint à l'émotion qu'il aurait eue en se voyant sur le point d'être fusillé.

Mais il avoue qu'il buvait beaucoup, depuis longtemps, et qu'il


était sujet à ce que les buveurs nomment des pituites. Il vomissait le matin un liquide filant. Envoyé à Brest, il y fut enfermé durant plusieurs jours. (Pendant ce temps, il fut atteint d'un érysipèle de la face, et se fit opérer d'une fistule de l'anus). Lorsqu'il futrelâché, il revint à Paris, où il reprit son état de brocheur. Depuis lors, dit-il, il renonça à l'eau-de-vie, mais il boit encore de un à deux litres de vin par jour. Les tremblements ont toujours conservé le même caractère. Parfois ils sont à peine sensibles et ils n'occupent que les mains. En pareil cas, cet homme peut travailler aussi adroitement que s'il ne tremblait pas. Mais, parfois aussi, soit le lendemain de quelque excès, soit sous l'influence d'une émotion vive, ou de la fatigue, il se met à trembler tellement qu'il peut à peine marcher, exposé qu'il est à tomber à chaque -pas. Alors il n'est plus maître des mouvements de ses mains. Il ne pourrait plus faire un ouvrage soigné. S'il porte un verre plein à sa bouche, il en répand le contenu. Dans ces sortes de crises le corps est agité, dans son entier, de secousses semblables à celles d'un violent frisson.

Cet homme est très-impressionnable il suffit d'un rien pour l'exciter à un point extrême, l'orage de l'avant-dernière semaine l'avait jeté dans un état violent.

Comme la dame dont je viens de parler, il est sujet à des rêves effrayants, à de l'insommie, à des vertiges, à des fourmillements dans les membres, à des démangeaisons générales, semblables à celles que produiraient des. piqûres d'insectes.

Comme elle, durant ses crises d'excitation, il manque d'appétit, vomit souvent et ne saurait manger tant il a de dégoût et de pesanteur d'estomac; tandis qu'au contraire, en dehors des crises, après un bon repas, il se sent beaucoup mieux que le matin quand il est à jeun. Pendant la période de digestion, alors qu'il n'a fait aucun excès, il n'a presque plus de tremblement ni de vertige.

Comme chez elle, chez lui la gastralgie prend la forme d'une pression qui s'exercerait en avant et en arrière. Il comparait cette pression à celle d'un étau, dans ces derniers temps, lors de son entrée à l'hôpital. Il était alors au milieu d'une de ses crises les plus terribles. Les troubles gastriques étaient très-marqués, les vomissements très-fréquents et, en dehors du liquide glaireux ou bilieux qui les constitue d'ordinaire, ils auraient contenu, jusqu'à trois fois dans une même journée, un peu de sang noir. Le travail


et la marche devenaient impossibles, par suite de l'intensité des tremblements et des vertiges. Cette crise est déjà calmée depuis plusieurs jours, quoique le malade ne soit dans le service que depuis trois semaines.

Dr Victor REVILLOUT.

LA MORPHINE

J'extrais d'une intéressante communication, faite à la Société centrale de médecine du Nord par M. le professeur Folet, de Lille, la communication suivante sur le morphinisme et la morphiomanie

« La passion de la morphine paraît faire en Allemagne des ravages dont nous n'avons en France qu'une faible idée. Weinlachner, de Vienne, Laehr et Fiedler ont les premiers attiré J'attention sur ce point, en 1872 et 18^4. M. Levinstein nous transmet aujourd'hui, sur ce même sujet, les plus surprenantes révélations. Il connaît, dit-il, toute une catégorie de personnes morphiomanes à un haut degré, et qui non seulement se trouvent en pleine possession de leur vigueur intellectuelle, mais qui brillaient ou brillent encore, astres resplendissants, à l'horizon scientifique, littéraire et politique. L'une de ces personnalités importantes a soulevé jusqu'au dernier moment de sa vie l'admiration de tout le public éclairé. Des hommes de guerre, des artistes, des médecins, des diplomates de très haute notoriété, sont les esclaves de cette passion; et leur activité n'en est nullement entravée. A l'appui de ces assertions, je lisais il y a peu de jours, dans un journal, dépourvu il est vrai d'autorité scientifique, que l'un des hommes d'Etal, dont les conceptions pèsent d'un poids décisif dans la balance des destinées de l'Europe est un morphiomane invétéré.

» Le spectacle d'hommes adonnés à un travail intellectuel surexcitant leurs facultés, à l'aide de cette ivresse d'un nouveau genre, vous paraîtra peut-être un fait inédit. Mais nil novum sub sole. Avez-vous remarqué, Messieurs, que lorsqu'on est préoccupé d'un sujet, l'on note au cours de ses lectures habituelles tel détail auquel ne se fût pas arrêté un esprit non prévenu. On fait parfois ainsi de curieuses trouvailles. Je parcourais, par exemple,


il y a peu de temps, dans une revue littéraire, une étude critique et biographique sur un écrivain anglais du commencement de ce siècle, Thomas de Quincey, dont les manières bizarres et l'existence irréguliôre indiquent un cerveau originairement mal équilibré. Or, de Quincey faisait de l'opium, pris à titre d'excitant, le plus prodigieux abus, ce qui ne l'empêcha point de mourir en 1859, à l'âge de 74 ans. La plupart de ses Essais, que les lettrés anglais placent au niveau des célèbres essais de Macaulay, furent écrits sous l'influence de cette ivresse opiacée, dont l'auteur a chaleureusement célébré les charmes dans un style humoristique du plus étrange coloris.

» De Quincey avait commencé le désastreux usage de l'opium à l'âge de 19 ans. Un étudiant en médecine de ses amis lui conseilla de calmer par le laudanum des accès de névralgie faciale dus sans doute à ses jours faméliques et à ses nuits glacées durant des années de bohème. De Quincey découvrit un pharmacien « béatique qui, pour quelques pièces de cuivre, se fit le ministre des plaisirs célestes. « La panacée était trouvée, i> s'écrie-t-il dans ses confessions, j'avais rencontré, au fond d'une » boutique, le secret de ce bonheur sur lequel les philosophes » disputent depuis des siècles. Désormais, je pouvais l'acheter pour » un shelling et l'emporter dans la poche de mon habit. Je » possédais des extases portatives; on pouvait me les mettre en » bouteilles, me les expédier par la diligence. On croira que je » veux rire, m'entendant parler ainsi. Je puis assurer le lecteur » que nul ne rira longtemps qui en aura fait l'expérience. Un » mangeur d'opium ne rit pas. Les plaisirs de l'opium sont graves, » solennels. Celui qui les éprouve ne saurait, fût-il au comble » des délices, se présenter avec le caractère de l'allegro; il » pensera, il parlera toujours comme il convient au jienseroso. « » Comme tous les intoxiqués de son espèce, de Quincey était, lorsque l'opium lui manquait, dans un état de marasme et d'agacement qu'il décrit de la façon la plus frappante. L'insomnie surtout le tourmentait. Pour arriver à trouver le sommeil, il forçait sa dose de laudanum et tombait alors, à la manière des fumeurs d'opium chinois, dans des rêves apocalyptiques dont ses confessions nous font un tableau extrêmement remarquable au point de vue littéraire. Il vivait, dit-il, un siècle en une nuit. Il avait des sensations qui lui représentaient un millénaire. Dans les premiers temps de cette surexcitation


cérébrale, il ne voyait que merveilles d'architecture, villas et palais tels que l'homme éveillé ne peut en contempler ailleurs que dans les nuages. Un peu plus tard, ce furent des océans sans vagues, d'immenses nappes argentées. Ensuite arriva ce qu'il appelle la tyrannie du visage humain. Des figures connues ou inconnues venaient le regarder en face des millions de têtes flottaient sur les eaux, les yeux grands ouverts et tournés vers lui; des masques humains pavaient la terre. Ils se levaient, implorants, furieux, désespérés, par milliers, par myriades, par générations, par siècles! Enfin des extravagances d'imagination orientale, des animaux hideux, serpents, chimères, crocodiles, prirent possession de son cerveau débilité. De Quincey était graduellement arrivé à absorber quotidiennement douze onces ou 360 grammes de laudanum de Sydenham, soit 17 grammes d'opium, soit encore S grammes de morphine, sans compter les autres alcaloïdes de l'opium. Par un effort de volonté surhumaine qui faillit plus d'une fois et laissa place à plus d'une rechute, de Quincey réduisit sa dose d'opium à 9 grains, ou 45 centigrammes. Il parvint même en 1848, alors âgé de 63 ans, à s'en abstenir complètement pendant deux mois. Mais il trouva la vie tellement intolérable, en l'absence de ce « bonheur en bouteille » dont il avait depuis quarante-cinq ans l'habitude, qu'il y revint de propos délibéré, et non plus, comme il l'avait fait souvent, par involontaire faiblesse.

» On le voit, les morphiomanes modernes ont eu au moins un précurseur dans le mangeur d'opium anglais. Toujours est-il qu'aujourd'hui c'est surtout au delà du Rhin qu'on les rencontre, sans doute à cause de la facilité avec laquelle les pharmaciens allemands, en dépit des ordonnances impériales les plus formelles et les plus récentes, débitent la morphine à tout venant. Un de nos pharmaciens de Lille me racontait, il y a peu de jours, qu'une dame, pourvue d'un accent germanique indéniable, était venue dernièrement lui demander quelques grammes de morphine. La réponse qui lui fut faite: que ce médicament ne pouvait être délivré que sur ordonnance, parut l'étonner beaucoup, et elle se retira en déclarant que les pharmaciens étaient bien plus complaisants dans son pays. »

Pauvre humanité Dr Simplice. (Union médicale.)


VARIÉTÉS.

Nécessité d'une loi pour prévenir l'abus du tabac. Un auteur célèbre a dit « le tabac détruit le corps, attaque l'intelligence et hébète les nations ». Il est incontestable que l'habitude de fumer exerce les ravages les plus funestes sur la constitution physique et morale des enfants et des adolescents, dont il affaiblit la mémoire et empêche le développement de l'intelligence.

Pour combattre l'abus du tabac, la première mesure à prendre consiste à éclairer la jeunesse sur des faits qu'elle ignore généralement, et en même temps à élever une barrière à son indiscipline ou son étourderie.

Pour atteindre le premier résultat, il faut parler souvent aux enfants de la puissance dangereuse du tabac; il faut que partout, dans la famille, dans les écoles, le père et le professeur leur signalent cet écueil qui les guette dès leur entrée dans la vie.

Mais l'on ne peut compter uniquement sur la persuasion, car l'enfance est insouciante; et d'ailleurs que d'exemples sous les yeux peuvent rendre vains les plus chaleureux discours.

Aussi nous demandons une loi qui empêche les enfants de consommer du tabac en public et les marchands de leur en vendre. La municipalité de Trèves vient de prendre un arrêté interdisant aux enfants au-dessous de seize ans de fumer sur la voie publique et rendant les parents responsables des infractions constatées. Pourquoi les autorités communales en Belgique, en présence de l'abus progressif du tabac, ne prendraient-elles pas une mesure identique ? On ne peut faire un pas dans les villes et même dans les communes sans rencontrer quelque môme en bas âge suçant un cigare voire une pipe. (La Croix Rouge, de Bruxelles.) M. Ed. Groult, fondateur des musées cantonaux, a fait mettre à celui de Lisieux un tableau portant que, si l'on plaçait à 4 1/2 0/0 1 franc par jour, au lieu de le dépenser en tabac ou en liqueurs alcooliques, on aurait

en un an 10 ans 20 ans 30 ans

365 fr. &.Z8S fr. 11.450 fr. 22.260 fr.

Lesenfants qui fument. – II n'est personne qui n'ait été frappé des progrès que fait, parmi les enfants, même ceux des classes pauvres, l'habitude de fumer. Il est difficile aujourd'hui de passer une rue sans rencontrer des écoliers de huit à douze ans, fumant soit un bout de cigare, soit une mauvaise pipe en terre, soit une cigarette. Il est


presque superflu de relever tout ce que l'usage du tabac à fumer a de pernicieux pour d'aussi jeunes garçons, quand on voit de grandes personnes tomber malades à la suite d'un excessif emploi de la pipe ou du cigare. Des maladies de cœur, la perte de l'appétit, l'amaigrissement qui annonce les affections de poitrine, la phtisie pulmonaire, un affaiblissement général des facultés physiques et de la mémoire, tel est le cortège de maux précoces que l'usage de fumer entraîne pour les enfants qui s'y adonnent, sans oublier le goût des liqueurs fortes qu'ils contractent inévitablement à force de fumer. L'esprit d'imitation, et le désir d'être à la mode, sont les agents uniques qui peuvent porter ces gamins à cet abus funeste, et d'importation toute récente. Nous ne saurions assez recommander aux parents qui ne pourraient se procurer l'excellente publication l'Ami de la tnaison., éditée à Paris, sous le patronage de la Société contre l'abus du tabac, de veiller avec une sévérité rigoureuse sur leurs enfants, au point de vue que nous signalons; de les punir sévèrement s'ils les surprenaient fumant ou fréquentant des condisciples adonnés à cet excès vraiment scandaleux.(£œpress.)

ici nous faisons des lois qui ne sont guère appliquées qu'à Paris contre l'ivresse. En Amérique, les femmes des ivrognes ne s'en rapportent pas aux magistrats, et voici comment procèdent ces dames qu'on désigne sous le nom des Amazones de la tempérance. Le 29 octobre, à Fredericktown (Ohio), treize dames, armées de haches, ont assiégé le débit de liqueurs de Kelly, et après avoir brisé la porte et les fenêtres, elles ont détruit tout son contenu, barils de bière et de liqueurs, fûts, bouteilles, cruchons, dames-jeannes, comptoirs, poêles, tables, chaises, verres, etc. Enfin, elles ont mis la place entièrement à sac. Le bataillon féminin a porté ensuite le théâtre des hostilités dans le débit de liqueurs O'Conner, qui a été traité comme le premier. Tous les pharmaciens de la ville ont reçu notification de cesser de vendre des liqueurs à partir du lundi suivant, sinon leurs magasins recevront la visite de la phalange enjuponnée. Les treize dames doivent être arrêtées, mais il parait qu'elles s'en inquiètent peu, dit le Courrier des États-Unis, attendu qu'elles peuvent disposer de capitaux importants.

Brillée sur la voie publique. MUo Georgette C. âgée de vingt et un ans, lingère, passait hier rue des Écoles. Tout à coup des cris se font entendre, et l'on voit la jeune fille entourée de flammes. Le feu venait de prendre à sa robe, faite d'étoffe légère. Plusieurs passants, parmi lesquels se faisait remarquer un maréchal des logis de dragons, accoururent, et, en se brillant les mains, parvinrent à étouffer l'incendie.

La jeune fille a reçu les premiers soins dans une pharmacie du


voisinage et a été reconduite ensuite en voiture dans son domicile, rue Saint-Jacques. Elle a éprouvé des brûlures très graves aux jambes, aux épaules et au visage. Le médecin ne répond pas de ses jours. Cet accident est attribué à l'imprudence d'un fumeur, qui aura jeté sur la voie publique une allumette enflammée.

Un ivrogne de Cincinnati s'est tué près de cette ville dans des circonstances très-particulières.

Un train était dans la gare. Il était midi. Les machinistes et conducteurs à terre prenaient leur repas. Albert Pepple, excité par des libations fréquentes, s'approcha de la locomotive, la détacha du train et avant qu'on eût pu l'en empêcher ouvrit le tiroir. La machine partit avec une rapidité effrayante, les roues brûlant le fer poli des rails. Il fit ainsi quelques milles d'une course vertigineuse, jusqu'à ce que la machine sans guide vint jaillir hors de la voie au tournant d'une courbe. La machine roula en bas du talus et fut mise en pièces. Quant à l'ivrogne, malgré l'adage qui veut qu'il y ait un Dieu pour ses pareils, il a péri dans d'horribles souffrances. LE fumedr (1).

Teint d'un jaune terreux, lèvre couperosée,

Par une âcre salive à ses angles creusée,

Œil rouge et larmoyant, doigts sales et brunis,

Terminés en tout temps par des ongles jaunis,

Dents à l'émail usé, branlantes, cariées,

Et par le dur tuyau bien souvent déviées,

Sur tous les vêtements âcre et fétide odeur,

Tels sont les attributs, les attraits du fumeur.

Noyé dans un brouillard, perdu dans un nuage,

A projeter des ronds lui-même il s'encourage.

Des cercles de fumée, artistement lancés,

Sous ses yeux attentifs voltigent enlacés,

Et vont se réunir à de vastes spirales

Que sa bouche entr'ouverte émet par intervalles;

D'autres fois, à l'instar d'un cétacé souffleur,

C'est du nez que jaillit la bleuâtre vapeur. N. GALLAIS.

N. GALLAIS.

(1) Dessins et Croquis. Un volume in-8", imprimé par Jouaust avec un sonnet de François Coppée. Paris, Librairie des bibliophiles. 1879. Le Secrétaire général, gérant,

15 décembre 1879. A. Gerhond DE Lavigne. IMPRIMERIE CENTRALE DES CHEMINS ltE KEH. A. CHAIX ET Cie,

BUE BERGKKE, 20, A I>A1US. 23243-9.

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BULLETIN i nu'"1 2*

L'ASSOCIATION FRANÇAISE

CONTRE L'ABUS DD TABAC ̃ •̃̃ ..̃̃̃̃ i '̃̃ ̃•̃̃; ,!f'[f

ET DES '"̃ '•̃ ;'̃'̃̃" ̃' '̃:̃?̃

BOISSONS ALGOOLIQUES;

AUTORISÉE LES 11 JUILLET 1868 ET 10 JUIN 1872, Mens sana ih corporé sano.

DIXIÈME ANNÉE. 1. 1879, x -i! '̃̃̃< SOMMAIRE' ̃.• ;:i '̃̃<. CONSEIL d'administeatiom. Élection du Bureau et renouvellement ,des Comités.

Admissions NOUVELLES.

Assemblée générale ANNUELLE du 25 janvier 1879.

Discqùrs de M. Frédéric Passy, président.

Rapport du Secrétaire général.

Rapports du Comité des récompenses; présentés par MM. Crivelli et Germond de Lavigne.

̃; iLi^te, des récompenses décernées.

PARIS .%r AU SIÉGÉ DE L'ASSOCIATION 44, rue de Rennes, 44, i;

HÔTEL DE LA SOCIÉTÉ d'ENCOURAGEHENT. '.? i

̃ 1879 -•̃ •̃ -^mïh ̃̃̃̃


BUREAU ET CONSEIL D'ADMINISTRATION ̃ lj(rt»Ki»18TO.. i

r'ï s .t, ~s a i>

Président M. FRÉDÉRIC PASSY, membre de l'Institut. Vice-Présidents: MM. A. Chaix, imprimeur-éditeur. ̃"= -t-«i L. Crivelli, ancien inspecteur d'académie.

D* A. RIANT.

J- /)'/[ IJP* Richard ?(du; Cantal)./ Secrétaire général M. Germohd DE Lavigne, homme de lettres. Secrétaires des séances MM. L. FONTAINE, avoué; Z. Collaux. f ^Trésorier- archiviste M, PETIBON, propriétaire. î S ̃ f ,{ £ ̃ ̃'̃ ? t ..y ''̃ i coâssrak, s. i: L « i L £ i ̃ j' MM. Le Dr CAZALAS, sénateur.

Alex. ELLISSEN, banquier.

Ph. GAYRARD, négociant.

Le Marquis DE Ginestoes..

Guerrier, avocat. ;̃= ̃̃ ̃•

E. Levasseur, membre de l'Institut.

Sexiius Michel, maire du XV arrondissement.

A. MILLET, secrétaire général de la Société protectrice des animaux.

LE Sergeant DE Monnecove, ancien député.

GtisTA\rE Nadadd, compositeur de musique.

Le Marquis DE QUEUX DE Saint-Hilaire.

Le Dr Aug. RIGAL.

N.

PRÉSIDENTS D'H«HE»R

M. le Dr JOLLY, de l'Académie de médecine.

M. le Dr Jules Guèrin, de l'Académie de médecine.

Le Bulletin de l'Association paraît tous les trois mois. Il est envoyé franco aux Sociétaires dans les premiers jours des mois de mars, juin, septembre et décembre.

On peut s'y abonner moyennant 3 francs par an.

Pour faire partie de l'Association, il faut

Adresser une demande au Président, on être présenté par un Sociétaire;

Etre agréé par le Conseil d'administration;

Acquitter une cotisation annuelle de six francs.

Cette cotisation est dorénavant de trois francs pour les ecclésiastiques et les instituteurs primaires.

Les Sociétaires reçoivent une lettre d'admission, une carte et le Bulletin.

Un diplôme sur parchemin est délivré, moyennant 4 francs, sur la demande du Sociétaire.

Pour éviter les frais de recouvrement, très-onéreux pour d'aussi faibles sommes, les Sociétaires des départements sont priés de faire parvenir leurs cotisations, soit psr bons de poste, soit en timbres, à l'adresse du Trésorier, 44, rue de Rennes.

Les quittances remises, après le premier trimestre, aux agents de recouvrement, sont augmentées de 50 centimes, représentant, pour chacune, la moitié des frais de perception.


M. Alexandre.

MM.

Aigremont du Vicel (d1). Alexandre jeune.

Barthéleny-St-Hilaire. Barthomieux.

Barudel.

Beaufour.

Berson.

Berteil.

Billy (Charles de).

Bixio (Maurice].

Blaise des Vosges.

Blanc (Edmond).

Bonnet.

Bouehereau.

Boudin.

Bonruet-Aubertot.

Briançon.

Brye(de).

Bulteau.

Calla père.

Cambreleng.

Campbell (Je D').

Collaux.

Combes (Alph.).

Le Conseil d'administration prie les membres de l'Association de se mettre en garde contre les méprises qui pourraient résulter de la présentation de Quittances de souscription ayant la même disposition, le même texte et la même apparence que celles établies par l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques.

Les quittances de l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques sont imprimées sur papier de couleur rose, et signées par le trésorier actuel, M. Pitibon. Toute quittance ayant le même titre et le même aspect, mais imprimée sur papier d'une autre couleur, et portant d'autres signatures, doit être absolument refusée.

COTISATIONS REÇUES DEPUIS LA DERNIÈRE LISTE.

AVIS IMPORTANT.

M.

Roze. m.

MM.

Combes (Ch.).

Crivelli,

Cusset.

Davelouis.

Defodon.

Drake del Castillo (Emmanuel)

Drake del Castillo (Jacques).

Duverdy.

Gasset.

Gaslé (de).

Germond de Lavigne. Ginestous (le marquis de) Grandfont.

Guyde Chabot (le comte). Haentjens.

Herpin.

Hooek frères,

Hubert-Delisle.

M»0 Lecaron.

Le Maistre.

Menier.

Messervy de Potereaux.

1878

1879

Supérieur de la SainteFamille à Belley (le).

MM.

Millet.

Mm° le Sergeant de Monnecove.

Nuts.

Persin.

V- Petibon.

M"° Petibon.

Petibon.

Parquet (le Dp).

M™ la vicomtesse de Rancy.

Richard.

Richard (du Cantal). Rivière.

M"e Robert.

Bockland-Pepper.

Royer (le D1 H.).

Rotgès.

Rousseau (Ch. Alb.). Roussel (le D' Th.). Schlossmacher.

Souchay.


ANNONCES BIBLIOGRAPHIQUES.

On trouve au siége de l'Association, qui se charge de l'envoi par la poste, les ouvrages suivants, au prias indiqué pour chacun d'eux Bulletin de l'Association française contre l'abus du Tabac. Chaque vol. 3 fr. (4 vol. ont paru). – Chaque numéro, 50 cent. Mu Taliao, son histoire, ses propriétés, son usage nuisible à la santé, à la morale et anx grands intérêts sociaux, par AI. Aug. GAFFARD, d'Aurillae, 2TO édition prix 1 franc. Cet ouvrage a obtenu le premier prix de l'Association au concours de 1871.

Loi et ordonnance concernant les fumeurs eu chemin de fer, par M. DE BEAUPRÉ, docteur en droit; 50 cent.

Réflexions sur l'usage du Tabac, par SI. RÉTAULT, intendant militaire prix: 50 cent.

Considérations sur cinq fléaux, par M. Charles Dubois, capitaine en retraite; prix 1 fr. 50 c.

Recherches'phYsiologiques et cliniques sur la Nicotine et le GFabac, parleD' Ant. Dlatin. Ouvrage couronné par l'Association prix: 4 fr. Le Tabac et l'Absinthe, leur influence sur la santé publique, sur l'ordre moral et social, par le D' Paul Jollï, de l'Académie de médecine; prix 2 fr.

L'Alcool et le Tabac, par le Dr A. RIANT; prix 50 cent. The Tobacco Catechism, by Thomas Reynolds, the Friend of sm'okers and non-smokers 75 centimes.

A Prize Essay on the history of Tobacco, and ils physical action on the hunuin body througk its various modes of employaient, by Hampton Biiewïr, Esq. 1 franc.

A Prize Essay on the moral, social, and econonlical results of the use of Tobacco, by Noël Thatcher; 1 franc.

Anti-Tobacooism. Three hundred and sixty-five interviews with smokers, chewers and snuff-takers 2 francs.

La Complainte du Nicotine, par Gustave NADAUD, avec illustration et portrait par Cham; musique gravée. Se trouve chez l'archiviste de l'Association et peut être envoyée franco à nos sociétaires. Prix consenti par l'éditeur pour les membres de l'Association 30 cent.


̃' -r.l- DE

CONTRE L'ABUS DU TABAC ET DES

BOISSONS ALCOOLIQUES AUTORISÉE LES 11 JUILLET 1863 ET 10 JUIN 1872.

DIXIEME ANNEE. N" 2. – 1679

STATUTS DE L'ASSOCIATION.

CONSEIL D'ADMINISTRATION. Correspondance.

Admissions NOUVELLES. Dons.

LES ENFANTS QUI fument. Bonne Tehple&ie. SOCIÉTÉ SUISSE DE tempérance.

Nécrologie. LISTE générale DES MEMBRES DE L'ASSOCIATION.

PARIS

AU SIÉGE DE L'ASSOCIATION 44, rue de Rennes, 41,

1..

BULLETIN

L'ASSOCIATION FRANÇAISE

Mens sana in corpore sano.

SOMMAIRE

HÔTEL LA SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT.

4879

l*arai»Hniit tous les trois mois.


BUREAU ET CONSEIL D'ADMINISTRATION l' 5 pour 1879.

*w" f ̃ l

-»" Président M. FRÉDÉRIC PassY, membre de l'Institut. Vice-Présidents MM. A. CHAIX, imprimeur-éditeur. L. Crivelu, ancien inspecteur d'académie.

Dr A. RIANT.

̃ f Dr Richard (du Cantal).,

Secrétaire général M. Gerhond DE Lavighe, homme de lettres. secrétaire des séances Z. Collaux.

Trésorier M. Léon Fontaine, avoué.

Archiviste M. PETIBON.

COWSEIIi

MM. Le Dr CAZALAS, sénateur.

Alex. ELLISSEN, banquier.

Ph. GAYRARD, négociant.

Le Marquis DE Ginestous.

Guerrier, avocat.

E. Levasseur, membre de l'institut.

SEXTIUS MICIIEL, maire du XVe arrondissement.

A. Millet secrétaire général de la Société protectrice des animaux.

LE Sergeakt DE Monhecove, ancien député.

Gustave NADAUD, compositeur de musique.

Le Marquis DE QUEUX DE SAINT-HILAIRE.

N.

PBÍ<IIID_'I'8 n K<t~NfB~n t

M. le Dr JOLLY, de l'Académie de médecine.

M le Dr Jules Guébin, de l'Académie de médecine.

Le Bulletin de l'Association paraît tous les trois mots. Il est envoyé franco aux Sociétaires dans les premiers jours des mois de mars, juin, septembre et décembre.

On peut s'y abonner moyennant 3 francs par an.

Pour faire partie de l'Association, il faut

Adresser une demande au Président, ou être présenté par un Sociétaire;

Etre agréé par le Conseil d'administration;

Acquitter une cotisation annuelle de six francs.

Cette cotisation est dorénavant de trois francs pour les ecclésiastiques et les instituteurs primaires.

Les Sociétaires reçoivent une lettre d'admission, une carte et le Bulletin.

Un diplôme sur parchemin est délivré, moyennant 4 francs, sur la demande du Sociétaire.

Pour éviter les frais de recouvrement, très-onéreux pour d'aussi faibles sommes, les Sociétaires des départements sont priés de faire parvenir leurs cotisations, soit par bons de poste, soit en timbres, à l'adresse du Trésorier, H, rue de Rennes.

Les quittances remises, après le premier trimestre, aux agents de recouvrement, sont augmentées de 50 centimes, représentant, pour chacune, la moitié des frais de perception.


MM.

Abel. I Armengault. i A rnoul. I Aron.

Aubry. 1 Badon. I Bamberger. 1 Baraillon. 1 Barbas. ( Barbier. ( Barbier. ( Barlemont. ( Bénard. ( Benardaki. (

Benoist-d'Azy.

Bessan.

Blanche.

Bontiafont.

Brag. ̃] Bricogne. Broca. Cabanellas.

Cam.

Cambier.

Carlier.

Cazalas.

Chaix.

Chapuis.

Chasles.

Chevrier.

Clermont.

Coehard.

Débat.

Decugis.

Desjardins.

Destailleurs.

Dietz-Monnin.

Doré.

Dorvaux.

Dreyfus-Dupont.

Dreyfus (M1™).

Dubail.

Dumas (Alexandre).

Dumas.

Le Conseil d'administration prie les membres de l'Association de se mettre en garde contre les méprises qui pourraient résulter de la présentation de Quittances de souscription ayant la même disposition, le même texte et la même apparence que celles établies par l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques.

Les quittances de V Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques sont imprimées sur papier de couleur rose, et signées par le trésorier actuel, M. L. Fontaine, nommé dans la séance du Conseil, du 1er mars, en remplacement de M. Petibon.

Toute quittance ayant le même titre et le même aspect, mais imprimée sur papier d'une autre couleur, et portant d'autres signatures, doit être absolument refusée

COTISATIONS REÇUES DEPUIS LA DERNIÈRE LISTE.

MM.

Durai. ̃ M bi Ecole de Chartres. W Espivent de la Ville- H boisnet. M Fauconnier. B Favars (de). B Fourdinois. IV Frenoy. J Gavet. 1 Gellée. B Gendrin. IV Gérôme. B Girod. B Greteau. B Gueslin. A Guignard. 1 Hébert. S Heinard. I Hersent. I Homolle. I Isidor. I Jame. I Jonte I dousselin. I Jumeau. I Kam. I Kleinclduss. î Kœnigswarter (Jules).1 ï f Laforeterie. '•

Lagoutte.

Lantier.

Lepaudy.

Lecaudey.

Lecœur.

Ledieu.

Lefebvre. 1

Lefebre (»1~V 1 Lemoine. 1 Lesseps (de). ̃>

Levasséur. Loiseau. Lombard. 1 Maes.

AVIS IMPORTANT.

MM.

Mahpn,

Malençon.

Manoury.

Margnerin.

Marsaud.

Martin.

Martinelli.

Maux.

Mickel.

Moisy.

Môrel (dé).

Mqrel-DarieiK.

Morel-Darleux (MȐ). Morel-Darleux (D'). Morin.

Murat.

Nivert.

Petit (P).

Peujot.

Piver.

Pyrent de Laprade. Renault.

Riant.

Ricord.

Robillard.

Rothschild (de].

Sarcey

Simon.

Taillandier.

Tallois.

Tansard.

Thomas.

Thorel.

'foulard.

Tourreil.

Van den Berg

Vau den Haute. Van der Dorpel. Vernes.

lJ. Veron.

Vereonsin.

Walker.

Zaban.


ANNONCES BIBLIOGRAPHIQUES.

On trouve au siège de l'Association, qui se charge de l'envoi par la poste, les ouvrages suivants, au prix indiqué pour chacûn d'eux, plus les frais d'affranchissement.

Bulletin dé l'Association française contre l'abus da Tabac. Chaque vol. 3 fr. (4 vol. ont paru). Chaque numéro, 50 cent. On Tabac, son histoire, ses propriétés, son usage nuisible à la santé, à la morale et aux grands intérêts eociaux, par M Aug. Gaffahb, d'Aurillac, 2»= édition; prix 1 franc. Cet ouvrage a obtenu le premier prix de l'Association au concours de 1871.

Loi et ordonnance concernant les fumeurs en chemin de fer, par M. DE BEAUPRÉ, docteur en droit; 50 cent.

Réflexions sur l'usage du Tabac, par M. Rétauit, intendant militaire prix 50 cent.

Recherches physiologique* et cliniques sur la Nicotine et le Tabac, par leD' Ant. BlAilr». Ouvrage couronné par l'Association; prix: 4 fr. Ije Tabac et l'Absinthe, leur influence sur la santé publique, sur l'ordre moral et social, par le Dr Paul Jolly, de l'Académie de médecine; prix 2 fr.

L'Alcool et le Tabac, par le D' A. Riant prix 50 cent. The Tobacco Catechism, by Thomas Reynolds, the Friend of smokers and non-smokers 75 centimes.

A Prize Essay on the history of Tobacco, and ils physical action on the huma.n body througk ils varions modes of employmmt, by Hampton Brewer, Esq. 1 franc.

A Prise Essay on the moral, social, and economical resulis of the use of Tobacvo, by Noël THATCHER; t franc.

Anti-Tobaccoisyn. Three hundred and sixty-five interviews with smokers, chewers and snuff-takers 2 francs.

La Complainte di» Nicotine, par Gustave Nadabd, avec illustration et portrait par Chani; musique gravée. Se trouve chez l'archiviste de l'Association et peut être envoyée franco à nos sociétaires. Prix consenti par l'éditeur pour les membres de l'Association 30 cent.


BULLETIN DE

L'ASSOCIATION FRANÇAISE

CONTRE L'ABUS DU TABAC ET DES

BOISSONS ALCOOLIQUES AUTOBISÉE LES 11 JUILLET 1868 ET 10 JUIN 1872.

Mens sana in corpore sano.

DIXIÈME ANNÉE. 5. – 1879

SOMMAIRE

CONSEIL d'administration. Prix proposés pour la séance générale annuelle de 1880.

NÉCROLOGIE. Le docteur P. Joi.lt, président d'honneur. Admissions NOUVELLES.

Conférence du TROCADÉRO en 1878, par M. le Dv A. Bimt. REVUE DE LA PRESSE étrangère.

Variétés. Les alcools à bas prix. Une statistique. Les buveurs d'éther.

PARIS

AU SIÉGE DE L'ASSOCIATION rue de Rennes, i&,

HÔTEL DE LA SOCIÉTÉ d'eNCOCIUGEMINT.

1879


BI/REAU ET CONSEIL D'ADMINISTRATION ̃ pour 1879.

~l. < .-• ? i ï i l i )) i

Président. M. Frédéric Passy, membre de l'Institut.

Vice-Présidents;: MM. A. Chaix, imprimeur-éditeur. ̃-•̃ ̃ *$ L. Crivemj, ancien inspecteur d'académie. D-- A. RIANT.

.|> j. •• j D? Richard (du Cantal), j Secrétaire général M. Germond de Lavigne, homme de lettres. Secrétaire des séances Z. Collaux.

“̃ Trésorier :-M. Léon FONTAINE, avoué. j ,;ï tj- i Aréhiviste M. Petibon..>̃̃ k^ï» ̃* t J" ̃ ï ̃ JP i' ï i » s •: .i ? ̃' :i *• ;i' ̃. S T ̃' eexs~tt~

MM. Le Dr Cazalas, sénateur.

Alex. Ellissen, banquier.

Ph. Gaïrard, négociant. ̃

Le Marquis DE Ginestous.. ̃'

Guerrier, avocat.

E. Levasseur, membre de l'Institut.

Sextius Michel, maire du XVe arrondissement.

A. Millet secrétaire général de la Société protectrice des animaux.

LE Sergeant 'DE Monnecove, ancien député.

Gustave Nadadd, compositeur de musique.

Le Marcruis DE Queux DE SAINT-HILAIRE.

N.

VKÏ8IDOI U'HOMIVECR

M le Dr Jules Guérin, de l'Académie de médecine.

Le Bulletin de l'Association paraît tous les trois moas. Il est envoyé fr anco aux Sociétaires dans les premiers jours des mois de mars, juin, septembre et décembre.

On peut s'y abonner moyenna.nt 3 francs par an.

Pour faire partie de l'Association, il faut

Adresser une demande au Président, ou être présenté par un Sociétaire;

Etre agréé par le Conseil d'administration

Acquitter une cotisation annuelle de six francs.

Cette cotisation est dorénavant de trois francs pour les ecclésiastiques et les instituteurs primaires.

Les Sociétaires reçoivent une lettre d'admission, une carte et le Bulletin.

Un diplôme sur parchemin est délivré, moyennant 4 francs, sur la demande du Sociétaire.

Pour éviter les frais de recouvrement, très-onéreux pour d'aussi faibles sommes, les Sociétaires des départements sont priés de faire parvenir leurs cotisations, soit par bons de poste, soit en timbres, à J'adresse du Trésorier, 44, rue de Rennes.

Les quittances remises, après le premier trimestre, aux agents de recouvrement, sont augmentées de HO centimes, représentant, pour chacune. la moitié des frais de perceptie»..


MM.

Agnellet(Julien) décédé. Agnellet [Parfait) 2 années.

Augsberg.

Baraillon.

Billaudeau.

Boisleux.

Borel.

Bouhair.

Bournet; Auberlot.

Brierr(,, de Boismont. Brocard

Brunet.

Brusle (de).

Chapoulaud,

Châteauvieirx (del.

Châtel.

Dollfus.

Donnat.

Douhey.

Dubus.

Dumast (de).

Dupuy.

Duquesnei.

Durand.

Eissen.

Le Conseil d'administration prie les membres de l'Association de se mettre en garde contre les méprises qui pourraient résulter de la présentation de Quittances de souscription ayant la même disposition, le même texte et la même apparence que celles établies par l'Association française contre l'Abus du Tabac et des Boissons alcooliques.

Les quittances de VAanooialion française, contre l'Abus du Tabac H des Boissons alcooliques sont imprimées sur papier de couleur rose, et signées par le trésorier actuel, M. L. Fontaine, nommé dans la séance du Conseil, du 1er mars, en remplacement de M. PjniBcm.

Toute quittance ayant le même titre et le même aspect, mais imprimée sur papier d'une autre couleur, et portant d'autres signatures, doit être absolument refusée.

COTISATIONS REÇUES DEPUIS LA DERNIÈRE LISTE.

̃ >'•̃'•'

AVIS IMPORTANT.

i' .·7 .1 MM.

Ernoux.

Etienne.

Feron.

Gaflard.

Garrigou.

Gaultry.

Gayrard.

(iiiardot.

Giraudau.

Gubler.

Guerin (Dr).

Haflner.

Houget.

Humety.

Hureau.

Josien.

Kesler.

Lallemand.

Lamarche (Abbé).

Lavigerie.

Leeorbeiller.

Lefebvre (M™').

Lefebvre (Dosithée).

Lefebvre (Em.).

Ellissen.

.i',

MM.

Liebich.

Maudet.

Mendiolagoytia.

Monteaux.

Moraux.

Nadaud.

Nadot.

Nicolle.

Notta.

OliTier. -••̃ =-; ̃• > ̃=. Pidoux.

Pilet de Lautree.

Renard.

Ricard.

Richer.

Richet.

Rnfty.

Saint-Denis.

Schosffer.

Tétard.

Thouret.

Vauny.

Vuliamy.

Welesley.

AVolf (M"' André).


ANNONCES BIBLIOGRAPHIQUES.

On trouve au siège de l'Association, qui se charge de V envoi par la poste, les ouvrages suivants, au prias indiqué pour chacun d'eux, plus les frais d'affranchissement.

Bulletin de l'Association française contre l'abus du Tabae. Chaque vol. antérieur 3 fr. (6 vol. ont paru). Chaque numéro, 50 cent. Du Taliac, son histoire, ses propriétés, son usage nuisible à In. santé, à la morale et aux grands intérêts sociaux, par M. Aug. GAFFARD, d'Aurillac, 2"° édition; prix 1 franc. Cet ouvrage a obtenu le premier prix de l'Association au concours de 1871.

Loi et ordonnanee concernant les fumeurs en chemin de fer par M. DE BEAUPRÉ, docteur en droit; 50 cent.

Réflexions sur l'usage du Tabac, par M. Rétàui.t, intendant militaire prix 50 cent.

Recherches physiologiques et cliniques sur la Nicotine et le Tabac, parle D' Ant. BLATIN.Ouvrage couronné par l'Association; prix: /( fr. Le Tabac et l'Absinthe, leur influence sur la santé publique, sur l'ordre moral et social, parle Dr Paul Jolly, de l'Académie de médecine; prix 2 fr.

L'Alcool et le Tabac, par le D' A. Riant prix 50 cent.

The Tobacco Çatechism, by Thomas Reynoids, the Friend of smokers and non-smokers; 75 centimes.

A Prise Essay on the history of Tobacco, and its physical action on the humait body through Us various modes of employment, by Hampton BREWER, Esq. 1 franc.

A Prize Essay on the moral, social, and economical resulls of the use of Tobacco, by Noël THATCHER; 1 franc. x

Anti-Tobaccoism. Three hundred and sixty-five interviews with smokers, chewers and snuff-takers; 3 francs.

La Comj»laintè"d^i Nicotine, par Gustave Nadaud, avec illustration et/feïlrait'par 'eharti; musique gravée. Se trouve chez l'archiviste de 1/Aàsociation et peûff être envoyée franco à nos sociétaires. Prix consenti paivT.éditeur Viour lés- membres de l'Association 30 cent.