rait une limite à la possibilité des innovations dont la perpétuelle trouvaille entretient la vie même de l'Art. Et, par exemple, il s'oppose à la théorie de Taine qui, s'appuyant sur ce qu'il appelle « la bienfaisance du caractère », arrive à cette conclusion que « le Beau, c'est la Santé ». Mais, objecte Laforgue, « où prenez-vous la santé ? Apprenez que l'Inconscient ne connaît pas la maladie (I) ». Il ne faut point chercher à discipliner l'Art ; il convient, au contraire, de l'émanciper et de lui donner pour caractère « l'anarchie même de la vie ». Il ne faut point vouloir déterminer l'idéal de l'art suivant des théories telles qu'unité d'impression, idée mère, balancement des lignes, etc., mais... « la Vie, la vie et encore rien que la vie, c'est-à-dire le nouveau ! Faites de la vie vivant telle quelle et laissez le reste, vous êtes sûr de ne pas vous tromper... Faites de la vie, faites de tout, et vous serez dans le vrai, dans la divine imperfection douloureuse, mais touffue et incohérente, de la créature éphémère (2) ». L'instinct, dit Laforgue ; et les objections que lui ferait l'ancienne psychologie, hautaine dans sa distinction des nobles facultés intellectuelles et de ce qu'elle considère comme la partie animale de notre âme, sont faciles à deviner ; mais, par instinct, Laforgue entend ici l'Insconscient, qu'il considère comme l'essentiel de notre âme. Et c'est pourquoi il consigne dans ses notes, à propos d'un projet de roman : « Ne pas dire les raisons, les mobiles... Loin surtout les banalités déductives qui sont la trame du roman français... Que tout soit, pour moi, un mystère vu par le soupirail d'une
(I) Idem.
(2) Carnet de notes (Revue Blanche, tome X).