Cette argumentation bien connue pèche par la base et les axiomes sur lesquels elle s'appuie sont fallacieux. Sans doute la distinction des longues et des brèves n'a pas, en français, le caractère de rigoureuse précision qu'elle a, par exemple, en latin. On ne saurait faire avec les mots français d'évidents dactyles ni de manifestes spondées. Et c'est en cela que se trompèrent les chimériques réformateurs, tels que Baïf, qui prétendirent constituer une prosodie française à l'imitation de la prosodie latine. Mais cela ne veut pas dire que, dans une phrase française, toutes les syllabes aient la même longueur. Si l'on y réfléchit un peu, cette affirmation apparaît, tout d'abord comme absurde : une telle langue serait insupportable, horrible ! Et puis il n'y a qu'à examiner une phrase française quelconque, un lambeau de phrase, pour s'apercevoir que cette affirmation est fausse.
Oui, je viens dans son temple adorer l'Éternel…
Est-ce que la syllabe je et la syllabe viens, la syllabe son et la syllabe temple, la syllabe viens et la syllabe temple ont la même valeur? Les unes ne sont-elles pas plus longues que les autres? Il est vrai qu'on éprouve, rait quelque embarras à les distinguer catégoriquement en longues et en brèves ; car, si l'on peut dire que je et son par rapport à viens et à temple sont des brèves, viens est à son tour une brève par rapport à temple : aussi, comme je l'indiquais, le français ne se prête-t-il pas à la fabrication de dactyles ou de spondées absolus. Mais les différences de longueur, très nuancées, très variées que présentent les mots d'une phrase française proautres
proautres par un certain entrelacement de syllabes longues ou brèves ; il est seulement l'assemblage d'un certain nombre régulier de syllabes. »