A présent, où ira s'incarner encore l'imagination de ce poète ? Certes, elle n'est point au bout de ses voyages à travers la vie. Elle se multipliera parmi les apparences de ce qui est, et elle les réalisera par sa présence intime. Peu d'oeuvres poétiques promettent un tel épanouissesement, ample et varié.
Plusieurs fragments ont déjà paru de l'oeuvre prochaine de Paul Fort, Paris sentimental. Nous voyons ici, d'une manière décisive, le poème lyrique aboutir au roman poétique : il n'y a point entre le lyrisme et l'épopée la différence essentielle qu'on y a cru voir ; mais lorsque l'émotion du poète, consciente de l'objet qui l'a fait naître, se généralise en s'intensifiant, elle se manifeste par l'épopée ou le roman, entre lesquels l'analogie est grande. Et telle est la nature même de l'imagination poétique de Paul Fort, nous l'avons vu, qu'elle s'extériorise avec une extrême facilité ; elle s'intronise ici ou là, s'y exalte et s'y objective. De là naîtra sans doute une sorte de tumultueuse et grandiose épopée du monde moderne... Car elle est ardente entre toutes ! Voici l'hymne qu'elle chante, l'hymne de sa soif, de son désir, de son extase :
« Par les nuits d'été bleues où chantent les cigales, Dieu verse sur la France une coupe d'étoiles. Le vent porte à ma lèvre un goût du ciel d'été ! Je veux boire à l'espace fraîchement argenté.
» L'air du soir est pour moi le bord de la coupe froide où, les yeux mi-fermés et la bouche goulue, je bois