à la rime... Tant que le poète exprime véritablement sa pensée, il rime bien ; dès que sa pensée s'embarrasse, sa rime aussi s'embarrasse, devient faible, traînante et vulgaire ; et cela se comprend de reste, puisque pour lui pensée et rime ne sont qu'un… » (1). Ce ne sont pas du tout des plaisanteries, et c'est parfaitement ainsi que les Parnassiens ont entendu leur art. Ils ne s'aperçurènt pas de ce qu'il y a d'abord de saugrenu à donner de la poésie une définition qui ne s'applique absolument qu'à la poésie française, telle qu'on pouvait la constater avant la révolution symboliste : si la poésie ne consiste que dans l'invention de la rime, que firent donc Homère, par exemple, et Virgile ? Il nous faut alors admettre que la poésie est, en France, quelque chose de tout à fait spécial et qui n'a point d'équivalent ailleurs… Mais les Parnassiens adoptèrent bravement ce burlesque principe et, sûrs que l'invention de la rime était en effet le signe incontestable de leur don poétique, ils s'appliquèrent à rimer richement, à trouver des rimes inouïes, prodigieuses. Avec de l'exercice, ils acquirent bientôt une assez remarquable aptitude au calembour. Il y eut parmi eux de tels artistes enfin qu'à la consonne d'appui nécessaire ils joignirent le luxe d'une syllabe d'appui, que dis-je ? parfois, d'un vers d'appui :
Par le bois du Djinn, où s'entasse de l'effroi,
Parle, bois du gin ou cent tasses de lait froid.
(Alphonse Allais).
Cela, n'est-ce pas le triomphe de l'art parnassien ?. ...
Sérieusement, les Parnassiens, dans leur recherche laborieuse de la rime riche, eurent le tort, presque tou-
(1) Petit traité de Poésie française, pages 47, 48, 60 et passim,