et, faute d'avoir su se faire à ce sujet une doctrine rationnelle, ils ont multiplié les petites recettes inutiles, les plus futiles tracasseries.
Et telle est, par exemple, la règle de l'alternance des rimes masculines et féminines. Ce n'est pas, on l'a vu, la présence ou l'absence de l'e muet qui peut servir à différencier les rimes, puisque, très souvent, cette présence ou cette absence, imperceptible à l'oreille, n'est que purement orthographique. Mais il faut reconnaître qu'il y a des finales fluides et langoureuses, tandis que d'autres sont fortes, rudes, abruptes, etc. Et c'est une bonne idée de prescrire qu'on fasse attention à leur qualité, qu'on n'accumule pas sans raison des rimes de même nature et qu'on varie l'effet produit. Or, l'alternance régulière que veut la métrique traditionnelle n'introduit dans le poème qu'une bien médiocre variété ; elle est monotone, — et cette règle, mal conçue, a donc encore tous les défauts de toute la métrique traditionnelle : au lieu de laisser à l'artiste le libre choix des procédés dont il dispose pour la plus parfaite et pour la plus juste expression de sa pensée, elle l'astreint au plus fâcheux formalisme.
La théorie de la rime, chez les Parnassiens, repose sur un tas d'erreurs et de confusions. Mais cela ne l'empêche pas d'être arrogante et catégorique. On sait à quelles extraordinaires formules aboutit Théodore de Banville, — si extraordinaires que, lorsqu'on relit à présent le Petit traité de Poésie, on est tenté de le croire beaucoup plus humoristique qu'il ne l'est intentionnellement : « La rime est l'unique harmonie du vers et elle est tout le vers... La rime est seule et elle suffit... L'imagination de la rime est, entre toutes, la qualité qui constitue le poète... On n'entend, dans un vers, que le mot qui est