chanter sur la lyre l'hymne à Latone, et qui maintenant, aveugle, voit, comme en rêve, les formes de la vie, souriantes ou malicieuses, joyeuses ou tristes, se jouer en son souvenir. Et ils s'entretiennent tous deux, le vieillard et le jeune homme, de l'heure passagère et de la Nuit d'Eternité !…
Il y a dans ce poème quelques-uns des plus beaux vers de Griffin, des plus pensifs et des plus nobles ; certains ont un superbe éclat de lumière et de joie...
Mais Phocas est le chef-d'oeuvre dramatique de Griffin (I). Il y a là vraiment la formule d'un théâtre nouveau, distinct tout ensemble du tragique conventionnel et du faux lyrisme. Du théâtre symboliste. Et cela ne veut pas dire une allégorie froide et d'intention didactique. La fable en est ingénieusement disposée pour l'expression, non d'une thèse, mais d'une idée ou de plusieurs. Et la fable, cependant, vaut par elle-même ; on ne voit pas trop, d'ailleurs, ce qu'elle pourrait perdre, au point de vue poétique et dramatique, à être toute pleine de pensée et de méditation. L'effroi que cause à certains critiques l'annonce d'un théâtre symboliste est une chose bien étonnante. S'il est un genre littéraire qui doive, entre tous, être symboliste, n'est-ce pas le théâtre, — dont la seule raison d'être, semble-t-il, est de représenter, de figurer ce que le roman, par exemple, raconte, énonce, décrit... Je ne sais rien qui soit plus véritablement « du théâtre », comme on dit, que l'admirable scène du rideau, dans le Brand d'Ibsen, — laquelle est
(1) Phocas le Jardinier, précédé de Swanhilde, Ancaeus, les Fiançailles d'Euphrosyne. Mercure de France, 1898. Dans l'Ermitage. où il parut d'abord, Phocas portait en sous-titre : « Essai psychologique. »