homme très singulier.
M. Joubert était une âme, — « une âme qui a rencontré par hasard un corps et qui s'en tire comme elle peut », disait Madame Victorine de Chastenay, chanoinesse un peu remuante, mais fine et avisée ; — une âme, et l'une des âmes les plus délicieuses de notre littérature.
Ce n'est jamais commode d'être une âme. En outre, M. Joubert a vécu soixante et dix ans à l'époque la plus turbulente, violente et variable de notre histoire. Né sous le règne de Louis le Bien-aimé en province et loin de Paris, élevé selon la coutume et les croyances de l'ancien temps, soudain séduit par les nouveautés de la Révolution, puis offensé de ce qu'il voit et alors ménageant à son incertitude un abri de sagesse intelligente, il a passé toutes les années de la pire extravagance à organiser son repos : un repos d'idées, puisqu'il était une âme. Sous l'Empire, sous la Restauration, les Cent-Jours et après le second rétablissement de la Monarchie, il possédait et sa doctrine et ses arguments de sérénité.
Le corps dont M. Joubert « ne s'arrangeait qu'à