peuvent bien subir, à l'état de veille, ces apparitions vraies que le grand nombre ne voit qu'en rêve. Et cela révèle bien l'autre aspect de l'écrivain, non plus le satirique, mais le songeur fabuleux sans cesse tourné vers le passé. A côté de Villiers-le-Cruel, prophète ironique d'un avenir bien proche peut-être, se dresse Villiers-l'Ancien, le premier né, car dès son enfance il manifesta ce don d'évocations extraordinaires, et ce fut la vie mauvaise qui donna, plus tard, l'essor au justicier.
Notre visionnaire se mit donc à l'œuvre. Ce fut long. La Revue contemporaine aidait Villiers, mais l'argent commençait à s'user. Remacle, un jour, tristement, lui dit qu'il ne pourrait plus, à propos de l'Akédysséril, lui laisser carte blanche pour l'addition.
« Villiers, offensé, blessé, me regarda avec reproche < Je suis homme de lettres, Remacle. Ce que vous pourrez, ou rien. Le sens d'extrême noblesse qu'il donna là à ce mot, de lui et de moi abhorré comme la chose, homme de lettres »
Akédyssèril parut dans le numéro du 25 juillet 1885, avec cette note « Cet ouvrage est le premier récit de l'Amour à travers les âges, livre de légendes écrit par Leconte de Lisle, Alphonse Daudet, Ernest Renan, Henri de Bornier, Eugène Burnouff, etc. » (Livre qui devait être écrit, mais ne le fut pas.)
C'est une des œuvres qui laissent le mieux l'impression, grave et mélancolique, de la solitude d'âme de Villiers. ̃ Je me suis toujours senti seul, même à côté d'une femme aimée ou d'un ami, même dans le cercle intime, si enthousiaste et si affectueux, de ma famille », écrirat il, peu d'années avant sa mort, à Robert du Pontavice. Et cela, comme l'ensemble de son aspect de grand songeur, se retrouve à maints détours de son œuvre. Les sciences occultes, la métaphysique plutôt, furent une sorte de refuge temporaire pour lui, qui s'y laissait conduire aussi par son goût du mystère. Il a dit, à propos des choses incompréhensibles
« Est-ce possible ? Non mais cela est. »