avec des collines boisées tout autour et de beaux aspects comme l'Ormerond. Beaucoup d'habitants sont partis lorsque les Allemands sont venus ici. Partout sur la grande route qui le traverse et passe devant la mairie (grande comme un caveau de famille), dans les cours, dans les sentiers adjacents, des soldats, un peu débraillés et négligés, avec des passe-montagnes, des chandails, des bonnets de police et même des fez. Leur fourmillement anime singulièrement le paysage et fait bien dans le tableau. Mais, avec leur gaîté, leur insouciance, leurs cris, leurs chants, leur unique préoccupation, à tous, de remplir de « pinard » (c'est le mot consacré au 231e) le bidon qui leur pend sur le flanc on dirait plutôt des militaires en grandes manœuvres qu'en guerre. Chacun cherche à se « débrouiller », c'est-à-dire à trouver r-in seulement à boire, mais à manger mieux que les autres, à obtenir des douceurs moyennant finances. Cela n'est pas facile, car le village est dépouillé, et, de plus, les règlements militaires sont sévères. Un malheureux a volé des oies, des lapins et une montre et il va probablement être fusillé 1 Nous avons fait ce matin une marche d'entraînement avec, au lieu de sac, la couverture roulée en sautoir et un« seule musette. C'est ainsi qu'on marchera en campagne, car la marche avec le sac chargé au complet a été reconnue impossible à réaliser sans provoquer de multiples défections, et pourtant il s'agit, au 23 16, de soldats ayant de vingt-six à trente ans. L'élément territorial y est très peu nombreux. J'ai constaté avec plaisir que je supportais la fatigue tout aussi bien que qui que ce soit, et que je suis parfaitement à hauteur de la situation. Je dors excellemment sur la paille et n'y ai point froid, et le rhume que j'avais en arrivant va plutôt mieux, et sera clos d'ici peu. Je ne suis pas malheureux, comme vous voyez, et depuis dix jours que je suis sur le front, je n'ai guère eu à me plaindre de rien sinon d'être loin de vous. Je vous embrasse, encore