cèdent aux mois sont mélancoliques à supporter. Je me figure même que c'est trop de séparation, trop de vie séparée pour beaucoup et qu'il y aura de petites séparations provenant de ce qu' « on ne se retrouvera pas » dans certains cas. La longueur de la guerre apporte ce résultat sentimental qui n'apparaissait pas dès l'abord. G. par exemple, m'a donné à entendre après avoir, les premiers jours de son veuvage, assuré et juré qu'il ne reviendrait jamais dans l'appartement qu'il occupe à Clichy, que tous les mois écoulés lui permettront de supporter beaucoup mieux le retour Cela m'a serré le cœur. Nous ne sommes pas ainsi, nous, mais les autres subissent une usure plus grande et se détachent, en réalité, d'être trop longtemps séparés matériellement. Cette conséquence, que je trouve dramatique, m'apparaît de plus en plus parmi les propos de certains de mes camarades. Je les sens de plus en plus libérés de leurs attaches anciennes. Ils se renouvellent malgré eux, et, parfois même, sans s'en rendre compte. Il est juste de dire que pour d'autres c'est tout à fait le contraire. Ils se rongent de plus en plus et perdent courage et patience. L'autre soir, avant de m'endormir, j'étais à demi attentif à l'espèce de monologue d'un soldat qui lisait à mi-voix une lettre de sa femme et, d'un ton désespéré, commentait les moindres phrases « Soigne-toi bien, mon ami, pense à toi, dis-moi tout ce qui te manque », etc. n murmurait « Si ce n'est pas à pleurer de lire des choses comme ça, si ce n'est pas à se casser la tête 1 » Ce pauvre type semblait un fou et me faisait profondément pitié. J'ai passé deux heures, hier, avec le Dr L. Il écrit tous les jours, depuis le commencement de la guerre, une page de roman. Il a bien de la chance Il reste longtemps avec son ambulance dans chaque cantonnement. Il est également bien heureux de cela Il a logé dans des châteaux magnifiques. Pour le moment, il est dans une petite maison en bois et