25 avril r9r5.
Mon chéri,
Médard m'a apporté votre lettre hier soir à 8 heures et demie, tandis que j'étais stoïquement debout à un coin de rue sous le ruissellement de la pluie. Vous avez deviné que j'étais sentinelle mais sentinelle pour rire, de garde à la sortie du cantonnement pour arrêter les voitures, les automobiles, les civils errants et empêcher les soldats de sortir pour aller faire des virées dans les faubourgs du patelin. Comme le grand caoutchouc me fut utile Et combien grande était mon erreur de n'en pas vouloir. Par des nuits comme celle d'hier, où il a flotté sans discontinuer, c'est un bienfait. Dommage que ce soit si lourd et qu'il y ait tant de choses qui soient également utiles
Pendant que j'étais de garde (de 8 à 10, et ce matin de 6 à 8) une partie de la Compagnie s'appuyait la corvée de fils de fer que j'accomplis hier. Ça par la pluie, avec une quinzaine de kilomètres de chemin boueux, c'est une sale corvée, ça Mais, par contre, les malheureux dont quelques-uns sont partis avec, pour toute protection, une toile de tente qui est aussi imperméable que du papier d'emballage à peu près, ou simplement leur capote dont l'étoffe légère et spongieuse est comparable au papier buvard, sont revenus dans un bel état Leurs chaussures, en carton, transpercées. Le chemin était si mauvais qu'à un certain endroit, les bonshommes tombaient les uns sur les autres dans la fange, comme dit M. (que devient-il ?)
Je vous envoie d'autre part une carte postale. Entre elle et cette lettre ce sera une course. Nous verrons quel est le plus rapide mode de faire voyager l'écriture.