Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 140 sur 140

Nombre de pages: 140

Notice complète:

Titre : Revue de métaphysique et de morale

Auteur : Société française de philosophie. Auteur du texte

Éditeur : Hachette et Cie (Paris)

Éditeur : A. ColinA. Colin (Paris)

Éditeur : PUFPUF (Paris)

Date d'édition : 1913

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343491074

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343491074/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 39279

Description : 1913

Description : 1913 (A21,N6).

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k11142m

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87%.


SÔREN KIERKEGAARD

5 MAI 1813 – 5 MAI 1913

(Discours prononcé le 5 mai 1913 à l'Université de Copenhague.)

Quand, il y a quelques années, un sculpteur danois s'adressa à moi pour obtenir mon concours à l'érection d'une statue de Sô'ren Kierkegaard devant le porche de l'église Notre-Dame de Copenhague1, je me récusai, ne trouvant pas que le lieu fût bien choisi. Parmi les motifs de mon refus, j'alléguai surtout l'attitude de défi qui avait été celle de Kierkegaard vis-à-vis de l'Église officielle. J'aurais préféré la place qui s'étend entre l'église en question et l'université, car Kierkegaard appartenait au monde de la pensée aussi bien qu'à celui de la foi, et sa vie fut une lutte déchirante entre ces deux mondes. Mais un troisième monde, celui de la poésie, aurait pu demander à juste titre à être représenté, ayant disputé aux deux autres l'empire sur l'esprit si riche et si multiple de Kierkegaard. Et alors le milieu qu'il fallait choisir, ce n'était pas la grande ville dont il avait si souvent arpenté les rues, tandis que les gamins (quels gamins lettrés!) lui criaient après le Enten-EUer (Ou l'un, ou l'autre)-, qui était le titre de son livre le plus connu, ou que les caricaturistes du temps croquaient au passage les lignes de sa baroque figure. Du moment qu'on s'était décidé à ériger un monument en l'honneur de ce solitaire qui méprisait tant les honneurs, de cet homme le plus isolé parmi les grandes figures de la littérature danoise, c'est dans la solitude des forêts, dont il a si merveilleusement rendu la poésie, qu'il fallait l'élever. Un endroit tout indiqué, c'était peut-être bien ce rond-point où, aux heures de dépression, Kierkegaard se sentait abandonné par le genre humain, 1. Vor Frue Kir/ce, actuellement temple protestant métropolitain.

2. Enten-EUer, Copenhague, 1843.


s'imaginant que tous les autres hommes avaient prispar les huit avenues, qui rayonnent de là, pour le laisser seul, en proie à ses tristes pensées. Il se sentait isolé au_milieu de ses contemporains; mais, comme le harpiste de Gœthe, il avait fini par comprendre qu'il n'était pas seul aux moments où il était le plus solitaire.' Occupé tout entier par sa vie intérieure où les pensées et les divers états d'âme se suivaient en un flot toujours montant, en une poussée incessante, demandant à être exprimés mesure qu'ils franchis-, saient le seuil de la conscience, il méditait sur les événements et les péchés de sa vie par une considération superficielle, il en exagérait étrangement la portée, et toutes ces réflexions le plongeaient tantôt dans la nuit de la mélancolie, tantôt elles exaltaient singulièrement sa conception de l'idéal et de ses exigences. Et, tout d'abord, rendons-lui cette justice, que tout Danois s'empressera de lui rendre avec nous, quelle que soit d'ailleurs son opinion sur les idées et l'activité de Kierkegaard il est l'un des auteurs les plus danois qui aient'jamais existé.Issu d'une famille jutlandaise, originaire de la côte_ ouest du^Jutland, et de race danoise pure, il a aimé notre. pays, sa nature et sa.langue, d'un amour tendre et intelligente Les descriptions de la'nature qui se trouvent parsemées dans ses divers écrits, comptent parmi les plus poétiques, les plus riches en sentiment que possède notre littérature. Il était excellemment le maître .de la.langue: De temps en- temps, cette maîtrise a pu l'induire en erreur, quand, jouant avec les mots, il les laissait couler si abondamment qu'ils dépassaient le but visé par la pensée. Mais il comprenait si bien, iLchérissait tant notre langue danoise! et cette compréhension, cet amour profond nous les trouvons exprimés dans le magnifique dithyrambe où ilia glorifie « une langue maternelle qui ne gémit pas aux prises avec la pensée difficile, et c'est pour cela. peut-être que d'aucuns pensent qu'elle ne saurait l'exprimer, parce qu'elle rend la difficulté facile en l'énonçant, une langue maternelle, tantôt riante, tantôt sérieuse, toujours occupée de l'indicible et ne le quittant point qu'elle ne l'ait dit, une langue qui est avec l'objet de la pensée dans un rapport des plus heureux elle va, elle vient, comme une fée, et finit par le mettre en lumière; tel un enfant qui prononce là parole qui porte, sans trop le savoir. » En vérité, il avait l'expérience de la langue celui qu'animait à la fois le besoin du poète qui .voudrait trouver des images nouvelles.;


l'aspiration de l'âme religieuse qui s'efforce d'exprimer les plus grands contrastes de la vie; et le désir du penseur qui s'attache à former des enchaînements de concepts et qui a cette passion d'aller jusqu'à la dernière limite de notre entendement. Mais alors, qu'était-il au fond? à quel monde appartenait-il? était-il poète, ou philosophe, ou prophète?

C'est là une question qu'il se posait souvent, car, pour inextricablement entortillé en lui-même1 qu'il ait été, il avait un grand besoin de clarté en tout ce qui touchait à son moi et à son activité. En trois ou quatre ans (de 1843 à 1846) il avait publié, avec une précipitation fébrile, toute une littérature poétique, religieuse et philosophique. Et quand il tâchait de se rendre compte de la tendance de cette production, il comprenait de plus en plus que, par des chemins différents, tous ces écrits tendaient vers un même but il voulait aider les hommes, et particulièrement les hommes de son temps, à voir clair en eux-mêmes, à reconnaître le type de vie qu'ils représentaient en fait, à exiger avant tout la véracité et la sincérité en tout ce qui concerne la vie et la foi. Mais, comme il finit par le constater après des spéculations dont nous pouvons suivre les vicissitudes dans son journal de l'année 1849, cette tendance n'avait pas été consciente et voulue dès le premier abord. Il n'y avait pas eu de plan, rien de prémédité. Un besoin spontané de production comme on n'en rencontre que chez les génies et qui l'avait poussé vers son but par des sentiers divers, un besoin dont la satisfaction servait en même temps de dérivatif à la mélancolie qui le guettait toujours et menaçait souvent d'engloutir dans son obscurité une âme acculée jusqu'au bord de la folie. C'est après coup seulement que l'œuvre du poète et celle du philosophe se montrèrent utiles au prophète en préparant cette œuvre, cette lutte qui remplit les dernières années. de sa vie.

Si nous nous trouvons aujourd'hui réunis en ce lieu, c'est surtout le philosophe que nous devons considérer autant que nous pourrons séparer ce côté de sa personnalité d'avec les autres.

Kierkegaard n'appartient à notre Université que pour avoir fait ici ses études et soutenu une Thèse brillante sur Socrate. Son journal intime nous apprend qu'il a eu maintes fois l'intention de faire des cours à l'Université, il avait même fait des notices qui devaient 1. laclj'orviklet i sig selv, l'expression se trouve dans une lettre inédite de Sibbern.


y servir. Ces projets n'ont pas abouti. Mais en sa qualité d'auteur philosophe et indépendamment de sa production littéraire et religieuse, Kierkegaard mérite d'être Yénéréi et admiré tantqu'il existera. des penseurs danois. Avec ses pensées fondamentales nous voyons réapparaître un courant d'idées dont les origines remonten.t jusqu'à Holberg et à Sneedorf et qui par la suite s'était trouvé représenté chez nous par les Jreschow et les A.nders _Sand~e <lErsted, les Sibbern et les Poul Mœller. Ce courant peut être caractérisé comme un effort pour maintenir, en se fondant sur l'expérience, les différences individuelles, pour affirmer L'importance de ce qu'il.y a de plus personnel et de plus intime dans la vie des .hommes; Le choix de Socrate comme sujet de sa thèse est tout à fait caractéristique de Kierkegaard, aussi voyons-nous que, désireux d'approfondir l'étude du grand penseur, il y revient à plusieurs; reprises. L'importance attribuée par Socrate à la connaissance de soi, à l'assimilation personnelle qui seule donne de la valeur à la vérité, d'où il.résulte que toutes les vérités fondamentales ne se. communiquent qu'indirectement", par l'éveil du besoin ou de l'activité personnelle, était l'objet de la plus vive admiration de Kierkegaard.- Et le même Socrate étant d'ailleurs convaincu que l'homme en est .réduit à ses propres forces dans la recherche de la vérité, quelque grand ou petit que puisse être le résultat qu'il obtiendra ainsi,– le même Socrate enseignant en outre que tout en vivant dans le temps, exposé aux changements et aux vicissitudes du sort, l'homme peut s'élever à des pensées capables d'éclairer la vie et de la. diriger, Kierkegaard finit par voir en lui le représentant de tout savoir, de tout idéal humain et alors le problème se posait pour lui de savoir s'il était possible d'aller plus loin, d'arriver à des hauteurs inaccessibles à la recherche et à l'effort purement humains.

C'est en sa double qualité de philosophe de la personnalité et de philosophe critique que Socrate intéressait Kierkegaard. Et la philosophie de Kierkegaard a le même caractère double. Dans son principal ouvrage philosophique, qui porte le titre ironique de Postxcriptum définitif non scientifique.1, les deux aspects de sa pensée sont également mis en valeur..

Sa philosophie de la personnalité, il l'arésumée en ces mots qui 1. Afsluttende uvidenskabelig Efterskrift, Copenhague, 1846, ouvrage désignéplus tard par Kierkegaard* lui-même comme occupant une place centrale dans sa production. ̃ ̃̃ ̃̃


en expriment bien la portée la subjectivité (entendez la personnalité) c'est la vérité, proposition qu'il rattache à la parole connue de Lessing, selon laquelle l'effort éternel pour arriver à la vérité vaut mieux que la possession pure et simple de la vérité. En énonçant sa maxime, c'est surtout aux problèmes religieux et moraux que Kierkegaard entendait l'appliquer. Celui qui prie d'une manière impersonnelle et superficielle le Dieu vrai, aura adressé sa prière à une idole, tandis que celui qui prie avec ferveur et de toute laforce de son âme une idole, aura prié le Dieu vrai. Quand il faut choisir entre plusieurs manières d'agir, il est plus important de faire son choix conformément au fond intime de sa personnalité que de choisir juste, objectivement parlant. L'essentiel c'est la disposition sérieuse et énergique de l'homme qui choisit, car, grâce à elle, le choix aura pour effet de purifier la personnalité et de la préparer à une activité fructueuse dans l'avenir. Il faut que l'homme soit le père, et non pas l'oncle de sa propre vie.

Le principe de la personnalité que nous trouvons ici émis sous une forme paradoxale, fut posé par Socrate et renouvelé plus tard par Kant et par Fichte. Dans nos pays du i\ord, Erik Gustaf Geijer, historien et philosophe suédois, l'énonça le premier, sous le nom de principe de la personnalité, dans cette déclaration de guerre qu'il lança contre le romantisme et où il l'opposait au genre fantastique, à l'orthodoxie et à la réaction du temps. En Danemark, Sibbern se déclara en sa faveur à l'époque à peu près où parut le Post-scriptum de Kierkegaard. Le principe de la personnalité est vrai dans tous les domaines de l'esprit, y compris celui de la science où l'enjeu personnel, l'originalité de la découverte et du raisonnement sont la conditio sine qua non.

Kierkegaard aimait à établir son principe de personnalité par contraste avec la recherche scientifique, cette dernière entraînant, selon lui, une absorption par l'étude des réalités objectives qùi aboutirait inévitablement à l'effacement de la personnalité. L'affirmation n'est pas juste; l'histoire de la science est là pour nous montrer que le travail scientifique ne laisse pas que d'être un travail de personnalité. Si Kierkegaard a méconnu cette vérité c'est que, tout en éprouvant le plus grand respect pour la sincérité et l'harmonie intérieure de la personnalité, il n'estimait pas assez cette troisième forme de l'amour de la vérité dont l'importance se fait de plus en plus reconnaître, je veux parler de la droiture intellectuelle qui ne


néglige aucune source, aucun, m,oyen; susceptible d'éclairer l'objet de la pensée. Kierkegaard vénérait, trop l'autorité et la tradition, il regardait trop de choses comme données et établies une fois pour, toutes surtout en théologie, de sorte que la question pour lui était seulement de savoir comment pourrait s'opérer l'adhésion individuelle. Ce n'est pas la première fojs que le principe adopté par un penseur dépasse de beaucoup, par ses conséquences, les limites qui paraissaient à son auteur absolument fixes et infranchissables.̃

En fait, Kierkegaard appartient, en vertu de son principe de la personnalité, à la philosophie critique fondée par Kant et dont l'influence s'était continuée, souterraine, à travers l'époque du romantisme et de la réaction. L'intérêt philosophique de Kierkegaard, va surtout aux « catégories », aux conceptsfondamentaux. Kierkegaard a étudié l'histoire de la doctrine des catégories; il a soulevé en parti-. culier la question de savoir si les concepts fondamentaux de la pensée dépendent ou non de. l'expérience, en laissant voir que des deux possibilités c'est la première qui avait sa sympathie. Il annonce une étude ultérieure du problème, mais le problème religieux s'étant ensuite emparé de sa pensée, cette étude n'a jamais été faite par lui, Kierkegaard se rend compte que tout entendement est postérieur par rapport aux données de la vie et de l'expérience et que, l'existence étant toujours à l'état de devenir, il est impossible de former un système complet. La science doit toujours commencer à un point déterminé et finir à un autre point déterminé sans pouvoir jamais remonter à une origine absolue ni aboutir jamais à un terme final. Mais il faut tenir compte, Kierkegaard.l'a bien compris, de la marche en avant de la science, d'un état à l'autre, à l'aide de principes et d'hypothèses provisoires qu'on cherche à vérifier par la voie de l'observation travail qui reste susceptible de continuation et de progrès. Remarquons que, la vérité ne s'obtenant que par la démons^ tration de la connexion la plus complète possible entre le plus grand nombre possible d'observations, cette manière de voir se trouve en parfait accord avec la théorie de Lessing et de Kierkegaard sur la valeur de l'aspiration .continuelle, l'application incessante des forces individuelles. Le nombre des observations pourra toujours être augmenté et on pourra'toujours constater entre elles une liaison plus intime. Kierkegaard lui-même fait observer à ce sujet que la recherche historique peut arriver, à l'aide de trouvailles


nouvelles et d'une critique plus perspicace, à des résultats nouveaux, de même que la science naturelle peut obtenir, à force d'instruments plus subtils et d'observations plus précises, des découvertes nouvelles. La recherche ne doit jamais se contenter des victoires déjà remportées. A la proposition qui disait « La subjectivité c'est la vérité » se rattache cette autre énonçant que « la vérité est un desideratum » le monde où nous vivons est le monde des approximations.

Kierkegaard aurait publié à l'étranger ses esquisses d'une théorie de la connaissance, qu'il serait sans doute regardé à l'heure qu'il est comme un intéressant précurseur du renouveau de la philosophie critique et empirique qui caractérise la fin du xixe siècle. Mais, nous l'avons dit déjà un problème l'intéressait par-dessus tout; c'était le problème éthico-religieux. La réalité qui réclame surtout l'attention de l'homme vivant et luttant au milieu de la durée, c'est celle de sa propre personnalité, de sa volonté à lui. La réalité morale consiste en l'accord entre mon être et ma décision et entre ma décision et mon action. C'est en vertu de cet accord que je deviens une vraie personnalité. 11 est donc vrai de dire, non seulement que « la subjectivité c'est la vérité », mais aussi que « la subjectivité c'est la réalité ». Et nous voici arrivés au domaine où Kierkegaard se sentait tout à fait chez lui.

Le domaine personnel représente non pas un monde, mais une pluralité de mondes résultant des divers points de vue des personnalités. Tout dépend, comme disait Kierkegaard, de notre « conception de l'existence ». Et Kierkegaard nous donne, sous forme tantôt poétique, tantôt philosophique, une sorte de philosophie comparée de la vie, un aperçu des différentes manières de comprendre la vie. Le premier des types caractérisés dans cet aperçu c'est « l'esthéticien » l'homme, qui se livre tout entier à l'instant fugitif et reste toujours en suspens, badinant avec les relations humaines au lieu de s'y fixer. Il prend la tangente au cercle de la vie, poursuivant les jouissances passagères et se laissant aller aux dispositions changeantes de l'âme, et il n'a garde de s'engager dans des rapports durables ou dans une œuvre de longue haleine. Le deuxième type, l' « ironiste », sait distinguer l'Intérieur de l'Extérieur et tâche d'abriter sa vie intérieure contre les changements du moment, contre la suffisance affairée de la vie quotidienne. Aussi affecte-t-il de s'occuper avec beaucoup de sérieux des intérêts de l'heure présente,


_$-

quoique, dans son for intérieur; son^ttitude à leur égard soit celle de l'hésitation et du doute. Ici non plus la vie intérieure. n'a pas acquis une base positive-et durable. Il en est autrement du troisième: type, celui de l' « homme moral » qui entretient avec énergie et dévouement des relations^ positives- avec lés autres hommes (relations de famille, relations de citoyen) et qui :a. une tâche à accomplir, une mission dont. il faut s'acquitter au prix d'uû labeur continuel. Aux yeux de'l'humoriste, le quatrième type d'hommes, la vie humaine avec son travail, ses joies et ses douleurs apparaît comme bornée et de valeur négligeable auprès de l'enchaînement indéfini de l'existence que lui révèle son regard compréhensif. Il est douloureusement affecté par ce contraste du fini, et .de l'infini, mais sa douleur se transforme en sympathie (profonde et en une résignation un peu triste dont l'expression prend volontiers la forme d'une plaisanterie. Enfin les types". religieux sont caractérisés par l'antithèse de la vie éternelle, considérée comme la: vraie réalité, et l'existence dans le temps!, l'antagonisme de ces deux existences faisant naître une tension qui ne: cessera" qu'avec la vie dans le temps. La douleur est donc l'un des traits distinctifs.de ce type; il est vrai qu'elle se trouve compensée par. l'énergie morale que donne la certitude de la victoire et de la réconciliation finale. Ces types, Kierkegaard lesrévalujut selon l'énergie plus ou moins grande avec laquelle les contrastes, sojit, vécus etembrassés, quelque douloureuse que soit leur conciliation; à son avis c'est la conception chrétienne qui confère à ses adeptes la plus grande énergie vitale, permettant à l'individualité d'atteindre son. plus haut développement. Le stade que représente^ type. chrétien est en contradiction formelle avec ceux des autres types, ;q.ui sont, à leur tour, nettement distincts les uns, des au très; pour aller d'un stade à l'autre il faut un saut, un acte de volonté qui défie toute compré-,hension. ̃•̃. •- ̃ •'̃: •• Le principe d'évaluation de Kierkegaard est le seul qui soit psychologiquement possible. La vie personnelle se manifeste dans l'effort continuel pour unifier le '"multiple, pour embrasser et,harmoniser entre eux les contraires. Elle est de degré d'autant plus élevé qu'est plus grande- la multiplicité du fond qu'elle comprend en l'unifiant. Il s'agit, comme disait Kierkegaard, d'unir la plus grande étendue d'existence'à la plus- grande profondeur de sentiment. Toutes les tâches que se propose la personnalité sont déter-


minées par le rapport entre la richesse du fond et l'énergie qui relie. Dans la série de types, ou stades décrits par Kierkegaard l'étendue et l'énergie compréhensive vont toujours en croissant. Et Kierkegaard est particulièrement préoccupé de ce fait qu'avec les contrastes augmente la tension, c'est-à-dire la souffrance. Il se sent de plus en plus convâincu que la souffrance est le vrai critérium de l'élévation du stade, et le stade le plus élevé serait représenté, selon lui, par le christianisme conçu sous sa forme la plus rigoureuse, celle qu'exprime cette parole sévère du Nouveau Testament « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre? Non, vous dis-je, mais plutôt la division. » D'après Kierkegaard, les paroles douces et consolantes du Nouveau Testament ne s'adressent qu'à ceux qui se trouvent engagés dans le grand combat spirituel. Par sa théorie des types (« stades »), Kierkegaard entendait, d'un côté, opposer, de la manière la plus formelle, le christianisme à tous les autres points de vue et, de l'autre, faire remarquer combien peuvent être nobles et profondes les conceptions de la vie qui ne relèvent pas du christianisme. A l'encontre de cette confusion- des points de vue que nous rencontrons souvent chez les romantiques et les philosophes spéculatifs, il met en évidence l'incompatibilité profonde de l'humain et du chrétien. D'autre part, il tenait à faire bien comprendre que, quel que soit le type ou stade adopté, l'essentiel ce n'est pas d'y adhérer par des spéculations fantastiques, mais de le réaliser rigoureusement à travers les aspects multiples de la vie et le flux fuyant du temps. Ses descriptions des divers stades font voir quel admirable psychologue était Kierkegaard. Elles abondent en images et en traits caractéristiques, surtout dans les chapitres consacrés aux stades esthétique et religieux; d'autres stades, intermédiaires, et qu'il y aurait eu pour nous un grand intérêt à voir traités par Kierkegaard, ont été l'objet d'une étude moins approfondie. Les stades de Kierkegaard sont nettement distincts les uns des autres; c'est vrai surtout en ce qui concerne la transition des moins élevés aux stades plus hauts. Pour ce qui est de l'éventualité contraire, le passage d'un degré plus élevé à un degré plus bas, Kierkegaard a tâché de motiver psychologiquement une telle chute. Dans une de ses études les plus méditées, le mémoire intitulé Du Concept de l'Angoisse, il serre d'aussi près qu'il est en lui l'idée d'une chute, au risque d'en perdre son orthodoxie. Selon Kierke-


gaard, ce serait la peur dumal qui amène, la chute, en dérobant les forces, en donnant le vertige. Cette p'ensée lui était familière depuis plusieurs années déjà, comme nous le. montre son journal des' années précédentes. L'angoisse,, dit Kierkegaard, c'est le désir de l'inconnu qui nous séduit par ce qu'il a de mystérieux et nous iittire comme l'œil du serpent. L'angoisse éveille le pressentiment de la chose qui jusque-là nous avait paru impossible, et en favorise ainsi la réalisation. Kierkegaard développe ici une idée qui d'ailleurs avait déjà été énoncée par Shakespeare (dans une réplique de Macbeth provoquée par les •prédictions des sœurs sorcières1) et explique en même temps un. égarement de sa jeunesse « C'était pourtant l'angoisse qui m'égarai; » Sur ce point,. comme sur tant d'autres, sa psychologie est le résultat no n_ pas de la spéculation, mais de l'expérience personnelle et douloureuse; il l'a écrite avec le sang de son cœur..

Comme penseur Kierkegaard se range décidément parmi les partisans de la discontinuité, préoccupé qu'il est d'établir les différences, de faire valoir les contrastes qualitatifs, au rebours d'une appréciation quantitative qui ne voit que des différences de degré, d'émettre les problèmes dans toute leur difficulté quand d'autres s'empressaient d'en donner des solutions prématurées. Aussi le « saut était-il une de ses notions favorites. Kierkegaard se révoltait contre cette tendance qu'avait l'école romantique de mettre d'accord toutes les contradiction en les unissant dans des ensembles supérieurs. Chez lui, la théorie, du « saut » était due,, il nous en avertit lui-même, à une réaction contre la «médiation ».. La pensée humaine se développé "dansdes alternatives d'analyse et de synthèse. Tantôt il s'agit de décomposer un ensemble donné dans ses éléments, tantôt, de réunir Hes éléments épars, de mettre fin à l'état sporadique, – tantôt de rendre le continu.discontinu; tantôt, au contraire, d'établir la continuité dans ce qui semblait discontinu; les deux mouvements de la pensée ne sauraient se passer l'un de l'autre. Du temps de Kierkegaard, le besoin se faisait, sentir d'une intervention énergique- de l'analyse et de l'esprit de discontinuité.

1. My thought, whose ̃murdé.r yet is but fanlastical,

Shakes so my single state of man, thaï function

Is smother'd in surmise, and nothing is,

But what is. not.(Àcte I, se. 4).v


Or le plus grand des sauts est celui qui nous transporte dans le type de vie chrétien. Selon Kierkegaard, l'antagonisme entre l'éternité, d'un côté, et la vie dans la durée, de l'autre, se trouve à ce point accentué dans le type chrétien que le Dieu éternel est obligé de se manifester dans le temps, à un moment déterminé, afin de sauver les hommes en perdition. Il n'y aurait donc, pratiquement parlant, qu'un seul point du temps et de l'espace où il faudrait chercher l'idéal, les vraies valeurs celui où se serait placée la vie humaine du Dieu. Aux yeux de Kierkegaard, l'attitude de l'homme vis-à-vis de ce point est décisive, car en dehors de là aucune valeur n'existe. L'homme se trouve en présence d'une perle fine qu'il lui faut acheter au prix de tout son bien, une perle qui ne se laisse pas enfiler avec d'autres perles rapportées d'ailleurs. Cette comparaison indique bien les rapports du christianisme et de l'humanisme. Elle est l'expression d'une manière de voir qui devait aboutir à une lutte implacable contre l'Église officielle qui cherche à concilier le christianisme et la civilisation, à enfiler la perle unique dans un rang de perles.

La conception de Kierkegaard a été mise en lumière avec beaucoup de rigueur dans sa production des dernières années (à partir de 1846). Au fond, il ne faisait que tirer les conséquences de sa théorie des types. Le grand problème était pour lui de savoir comment il faut refaire son existence, quelle vie il faut mener du moment qu'on a reconnu le type chrétien comme étant le plus élevé, quand on veut prendre à la'lettre ce mo-t qu'une seule chose est nécessaire, quand il n'y a vraiment qu'un seul point de l'histoire où le monde des valeurs a pénétré dans le monde des réalités. A voir la manière dont se comportent les hommes, non pas le dimanche, à l'église, mais pendant les autres jours de la semaine, Kierkegaard se disait qu'autour de lui on réalisait tous les types, sauf celui qui était officiellement reconnu comme le plus élevé.

Vers 1848 se produisit une réforme de sa propre vie intérieure sa religiosité prit un caractère de plus en plus profond et sévère. Sa production littéraire avait été jusque-là, non seulement la manifestation de sa force créatrice, mais aussi un dérivatif, un calmant à l'aide duquel il se défendait contre cette mélancolie qui l'opprimait et isolait son âme cette flèche de tristesse qu'il portait enfoncée dans son cœur depuis sa plus tendre jeunesse; à présent il se sentait capable de combattre directement l'ennemi intérieur. Par-


tout à l'entour, les révolutions et les guerres faisaient rage; mais

tout à l'entour, les révolutions et les guerres faisaient rage; mais Kierkegaard se plongeaittoujours plus dans la vie religieuse. Il écrit' dans son journal (1848) « Et maintenant, dans la 'trente-quatrième année de ma vie, je sais peut-être jissez bien mourir au monde pour qu'il puisse être question pour moi de trouver, dans la foi, ma vie tout entière et mon salut. » Cette croissance en profondeur ne pouvait qu'influer sur sa conception de l'idéal chrétien. Il a eu, pendant quelque temps, l'idée de prendre le rôle d'.un témoin de la vérité, d'insister, en face du siècle et de. son Église, sur l'exigence idéale et rigoureuse du christianisme; le martyre l'attirait. Le Journal nous permet de suivre le coursée ses, -réflexions à,, ce sujet. Mais il finit par comprendre qu'il s'égarait,- tenté par l'orgueil « Témoin de la vérité, je ne le suis pas ». &Je suis de la classe des tout petits. » Toutefois l'exigence doit être proclamée dans toute sa rigueur; l'idéal doit être mis en évidence, ne fût-ce que par quelqu'un qui reconnaît volontiers combien il est loin-d'en approcher lui-même. Ce qui est caractéristique de l'homme aussi bien que de la situa- tion, c'est ce fait que son hésitation à prendre lui-même le rôle de témoin de la vérité précédait son entrée en lutte, et que la lutte fut provoquée précisément par l'application de ce nom de témoin de la vérité à l'un des représentants -de l'Église officielle.;

A partir de ce moment l'attitude de Kierkegaard fut celle d'un homme qui savait ce que c'est que le christianisme et qui voulait que les chrétiens reconnussent humblement combien 'était grande la distance qui les séparait de cet idéal. Le combat qu'il livra fut moins un combat pour le christianisme que pour la sincérité, pour la probité intellectuelle et morale.-

L'attaque que Kierkegaard dirigea, après bien des scrupules et une longue attente, contre l'Église contem'poraine~a a ceci dé particulier de venir d'un homme qui ne concevait rien de plus haut que le christianisme, et aussi d'avoir été menée au nom de la morale chrétienne primitive. Elle posait cette thèse que les manières de voir des chrétiens de nos jours et celles-de la chrétienté primitive représentent deux types de vie absolument différents. La continuité avait été rompue. Et, quand il cherchait-la causetd_e_ceUe_rupture, Kierkegaard croyait la trouver dans cette circonstance qu'à l'intérieur du- christianisme la dogmatique l'avait emporté sur l'éthique. Le réconciliateur avait fait oublier le modèle. On était peu exigeant envers soi; on accommodait l'idéal élevé aux exigences de la vie humaine de tous


les jours. On faisait du christianisme une doctrine toute de douceur et de consolation, oubliant que les accents doux ne s'adressent qu'à ceux qui sentent en eux la souffrance que provoque l'exigence idéale.

Je ne parlerai pas ici de la dernière grande polémique que soutint Kierkegaard contre l'Église nationale, la plus gigantesque des luttes spirituelles que nous ayons connues en Danemark. Celui ,qui n'a pas été engagé lui-même dans un tel conflit où tout prend des dimensions plus larges sous un ciel plus haut et plus pur que d'habitude et où, par contraste la vie journalière du commun des hommes semble plus abjecte, plus plongée dans l'abîme, celui-là n'a nullement envie de répéter les paroles fortes. Cela ne l'empêchera pas d'avouer que, tout en se sentant orienté vers un idéal différent, il ne se reporte jamais en pensée à la lutte soutenue par ce grand champion spirituel sans sentir l'aiguillon aigu du contraste entre nos idéaux et nos réalités, contraste que personne n'a su caractériser comme Kierkegaard avec des mots à l'emporte-pièce. Que nous sommes donc tous tentés de baisser le niveau des exigences idéales afin de nous y élever plus facilement! Combien de cas, où nous ferions bien de nous répéter à nous-mêmes et aux autres la parole qui pourrait servir de devise à la dernière polémique de Kierkegaard Sois futile, et tu verras disparaitre toutes les difficultés. L'influence exercée par Kierkegaard sur l'évolution du problème religieux peut être considérée à un double point de vue. D'abord, il a travaillé à dégager ce problème de l'étreinte de la théologie et de la métaphysique pour en faire un problème psychologique. En ceci il rappelle Blaise Pascal, placé comme lui à l'intérieur du christianisme et attaquant du haut de son idéal chrétien l'Église et. la théologie de son temps. Aussi Kierkegaard a-t-il été reconnu, par l'un des interprètes les plus distingués de Pascal t, comme le seul pendant qu'on puisse lui trouver. Du côté purement philosophique Rousseau et Kant ont travaillé dans le même sens. Selon ces auteurs, la question essentielle dans la recherche du problème religieux serait donc de savoir si les conditions psychologiques nécessaires pour une conception religieuse se trouvent 1. Voir les Pensées de Blaise Pascal Kouvelle édition par LéonBrunschvicg I, p. en. En 1900 dans la Revue de Métaphysique et de Morale, M. H. Delacroix a publié une forte et pénétrante étude sur le point de vue religieux de Kierkegaard.


réalisées ou non. Le problème se pose de plus en plus sur la base dé l'expérience. ̃' ̃.̃-••̃

Ensuite, Kierkegaard a montré-ce que demande là -religion pour devenir tout, en esprit et en vérité, pour être la perle pour laquelle on sacrifie tout et qui ne se laisse pas enfiler avec d'autres perles de provenances différentes. Est-ce a la religion de déterminer l'orientation de la vie, de fournir les décisions définitives, ou bien pouvons-nous en faire comme un dernier espoir, un dernier réconfort, une réconciliation finale, tout en réglant notre vie sur des idées directrices tirées des relations et des lois de cette vie même? La nécessité d'un choix s'impose, d'un choix suivi de longues séries de -conséquences d'une grande portée. Pour l'avenir de, là religion, la mise en évidence de l'incompatibilité des deux manières de voir sera d'une importance capitale.

Mais aujourd'hui que nous célébrons le centenaire de la naissance de Kierkegaard, il convient d'insister avant tout sur sa grande influence humaine, influence dont la portée dépasse de beaucoup celle des problèmes qui se posaient à lui. Il nous a appris que ce n'est qu'en travaillant à nous approprier et àv affirmer les valeurs qui se trouvent à la portée de chacun -de nous que nous pouvons nous frayer un chemin; Après être remonté aux sources de la vie, à l'origine la plus intime de la personnalité, de la pensée, du cœur et de l'activité, il a annoncé l'évangile éternel de l'énergie profonde et de la sincérité. Par delà les résultats jusqu'ici acquis par la science, par delà les traditions même les plus vénérables, se dresse, toujours nouvelle, l'exigence d'énergie personnelle, dans les recherches aussi bien que dans la vie, tant il est vrai que seule la chose obtenue au prix d'un effort personnel a une valeur réelle et qui subsiste.

C'est un honneur pour nous qu'une affirmation aussi géniale et forte des conditions essentielles de toute vie idéale des hommes se soit fait entendre chez nous. Mais c'est aussi notre devoir d'en vénérer le souvenir, de respecter en théorie et en action les vérités énoncées par notre grand compatriote.

HARALD Hôffding.


LA RELATION DES JUGEMENTS La logique formelle a constamment étudié le jugement dans son expression verbale, la proposition, sans prendre garde que, le même jugement pouvant être exprimé sous plusieurs formes, la forme du jugement n'est pas nécessairement la même que celle de la proposition. Le verbalisme a obscurci toute la logique. Si l'on prend soin de s'en affranchir, plusieurs questions controversées s'éclairent, quelques-unes se résolvent.

On appelle jugement catégorique celui qui affirme ou nie entre deux termes un rapport d'attribut à sujet; -jugement hypothétique celui qui affirme ou nie entre deux termes un rapport de principe à conséquence. Le jugement catégorique est de la forme S est ou n'est pas P, S étant au sujet, P un attribut. Le jugement hypothétique est de la forme p entraîne ou exclut q, p et q étant deux hypothèses. La copule est différente; par suite la nature des termes l'est aussi. Mais, dans le langage, il suffit de donner des noms aux hypothèses pour leur faire prendre l'apparence d'attributs, et l'artifice grammatical de l'adjectif pris substantivement fait d'un attribut un sujet apparent. Pierre est mortel est bien un jugement catégorique mais Tout homme est mortel est un jugement hypothétique, car il signifie que la mortalité est liée à la qualité d'homme par une loi naturelle ou conséquence logique de la qualité d'homme. DES JUGEMENTS DISJONCTIFS

Aux deux relations d'inhérence et de conséquence, on joint d'ordinaire la relation de réciprocité exprimée par les jugements disjonctifs. Ils peuvent s'énoncer, p ou q: et signifient que deux hypothèses p et q forment une alternative. La conjonction ou a, dans le langage, la fonction unique et constante de formuler la disjonction. Il y a des propositions disjonctives, mais il n'y a pas de jugements


disjonctifs. Une disjonction est un système de deux jugements indépendants et réciproques- ou inverses (voir infrd, p. 780). La conjonction ozt peut donner au système l'apparence d'une proposition unique, elle ne fait pas que" deux jugements soient un jugement. Dira-t-on que,, chacun d'eux_étant admis, la disjonction consiste dans leur simultanéité? 11- serait étrange qu'après avoir admis séparément deux assertions, utiiouveau jugement fût nécessaire pour les admettre toutes deux ensemble. La seule raison qu'on put invoquer, c'est si la proposition disjonctive pouvait remplir la fonction d'un jugement unique, à titre de prémisse ou de conclusion d'un syllogisme disjonctif. À titre de conclusion, c'est impossible, car les deux jugements,-sont indépendants. Il reste à montrer qu'une proposition disjonctive nlest jamais la majeure d'un syllogisme. La tradition reconnaît deux « modes » du syllogisme disjonctif; ponendo tollens et tollendo ponens-:

Ponendo tollens ̃ ̃' ̃- ir

p ouq;

or, dans le cas Sa p est vrai;

donc,. dans le cas S, q est faux.

Il est clair que la vraie majeure n'est pas la disjonctive p ou.q, mais l'une des deux hypothétiques qu'elle résume, à savoir Si p est vrai, q est faux; nous'avons donc un simple syllogisme hypothétique. Tollendo ponens .̃•̃••

pouq;

or, dans le cas S p est faux

donc, dans lei cas S, q est vrai.

Ici la vraie majeure-est l'hypothétique Si p est faux, q est vrai; nous avons donc encore un. syllogisme hypothétique.

La majeure disjonctive apparente se compose de deux jugements hypothétiques: le syllogisme n'en utilise qu'un. Il n'y a donc pas de syllogisme disjonctif ni de jugement'disjonctif. La relation-qui fait de deux jugements. hypothétiques un système, c'est-à-dire leur réciprocité, est bien une propriété formelle, mais non une propriété formelle d'un jugement. Nous la retrouverons, avec la contradiction, la contrariété, la conversion,,rinversion, en étudiant les propriétés formelles des couples de jugements formés des mêmes termes.


DES JUGEMENTS CATÉGORIQUES

Le jugement catégorique est celui qui affirme ou nie un attribut d'un sujet.

1. De L'ATTRIBUT.

L'attribut est une notion abstraite. Son essence est de n'être pas un sujet, mais une qualité, une détermination de quelque sujet. Cette notion abstraite est le plus souvent générale Concept ou Idée Il y a pourtant des jugements catégoriques dont l'attribut, dépourvu de toute généralité, est, comme le sujet, un terme singulier. Le jugement consiste alors à identifier deux désignations différentes d'un même sujet Paris est la capitale de la France. Charles X était le plus jeune frère de Louis XVI. De tels jugements peuvent être négatifs Paris n'est pas la capitale de l'Angleterre. Louis XVIII n'était pas le plus jeune frère de Louis XVI. L'attribut n'est pas général, mais il est toujours abstrait; c'est une qualité ou un groupe de qualités propre à individualiser un terme. Il peut être un nom propre, car ces jugements se convertissent La capitale de la France est Paris. Le plus jeune frère de Louis XVI était Charles X. Mais le même nom propre change de valeur, sinon de sens, selon qu'il est sujet ou attribut. Sujet, il signifie un concret. Paris, c'est la ville avec tout ce qu'elle contient, son présent et son passé, sa réalité matérielle, sa position géographique comme son importance morale, sociale ou politique. Charles X, c'est la personne entière du comte d'Artois à partir du moment où il devint roi de France. Attribut, le même nom n'est plus qu'une désignation nominale, c'est-à-dire un abstrait. La capitale de la France a, entre autres attributs, celui de s'appeler Paris. Le plus jeune frère de Louis XVI s'est appelé Charles X. Ce changement de valeur des mots résulte de la fonction même du jugement catégorique, qui est de qualifier un sujet. Il faut que le sujet soit un sujet, l'attribut un attribut.'

La véritable signification logique des jugements en général ne dépend pas seulement de leurs éléments constituants, mais de leur fin. Quelque défiance qu'inspirent à certaines personnes l'idée de fin 1. Goblot, Le Concept et l'Idée, Scientia, janvier 1912.

Kkï. Meta. T. XXI (n° 6-1913). 49


et les considérations finalistes, la finalité né peut. être exclue de. c l'intelligence humaine; elle y est, peut-on dire, chez elle. La fin d'un jugement change suivante, question à laquelle- il répond. Voulez-vous savoir quelle étai-t la parenté de Charles: X? Alors le plus jeune frère de ZoiwVX F/ est ^attribut dujugement. Voulez-vous savoir comment s'appelait le plus jeune frère de Louis- XVI? C'est alors par le nom que vous qualifiez'le terme posé comme sujet., Mais si vous voulez savoir quell.e est la relation entre Louis XVI et Charles X, le jugement consiste^ .qualifier cette relation.

2.– Dï.xa copule. ̃̃•-

M. Lachelier a insisté sur la distinction entre les jugements d'inhérence, qui ont pour copule -est; et les jugements de relation, dont la copule du moins à son avis est une relation de grandeur, position, de parenté, de subordination, etc., en un mot toute autre relation que celle d'inhérence. -Prenons les mots jugements. de rela'rtion dans le sens ainsi éè fini, bien que le-mot relation y soit pris dans une acception très spéciale les jugements de relation sont alors une espèce de la relation des jugements. Selon M. Lachelier, la logique aristotélicienne ne concerne" que les jugements d'inhérence et n'est pas du tout applicable aux jugements de relation, ni, par suite, aux raisonnements qui en contiennent. -C'est en vain qu'on chercherait à retrouver les formes et. les règles du syllogisme dans le raisonnement mathématique. En essayant de le faire, on arrive à ce résultat paradoxal de raisonnements certainement concluants et qui semblent contraires aux règles. Il devrait donc .y avoir deux Logiques, celles de l'inhérence et, celle de la relation. La première a été portée, dès son origine, très près de laîperfection; la seconde est presque entièrement à faire. M. Lachglier, d'ailleurs, ne s'y est pas essayé. Les Logisticiens l'ont. couragemênt entreprise. Si la copule du jugement de relation n'est pas le verbe être, comme la fonction de ce verbe est de lier un attribut à un sujet, iln'y a dans un jugement de relation ni sujet ni attribut. Il en résulte que les deux sortes de jugements'soiittoJlLà fait, hétérogènes, qu'ils n'ont rien de commun sinon qu'ils: sont les uns elles autres affirmatifs ou négatifs, et à ce titre relèvent également du principe de contradiction. L'esprit humain serait fait de deux pensées formellement


divergentes; il y aurait en lui deux intelligences, que la communauté du principe de contradiction permettrait seule de rapprocher. Une scission aussi radicale du domaine de l'intelligence n'est pas impossible a priori; mais répond-elle à la réalité?

On a souvent essayé de ramener les jugements de relation aux jugements d'inhérence, en faisant de la relation, non la copule, mais l'attribut. Dans le jugement a = 6, la copule n'est pas le signe =, mais le verbe être comme dans tout autre jugement catégorique. Cette opinion provoque les sarcasmes des partisans de la Logique des Relations. Mais leurs critiques ne portent que parce que les jugements sont mal formulés. Le véritable sujet, le véritable attribut et la véritable copule sont assez malaisés à découvrir sous l'artifice d'un langage et d'une notation qui ont pour but d'être exacts, clairs et maniables, mais non pas de faire ressortir la véritable constitution logique des jugements. Il ne faut pas dire a est égal à b. a et b sont égaux est déjà moins mauvais, sans être satisfaisant, car a et b ne sont point deux sujets que l'on qualifie égaux. Si on cherche à faire entrer l'une ou l'autre de ces deux formules dans un syllogisme, on sera vite embarrassé. On rencontrera les raisonnements en apparence incorrects et parfaitement concluants signalés par M. Lachelier.

Dans le jugement a = b, ce au sujet de quoi on juge, c'est la relation de grandeur entre a et b, et on juge que cette relation est l'égalité. Autrement dit, a et b ne sont pas du tout les termes du jugement, mais les termes de la relation, ce qui est bien différent. Le jugement détermine cette relation; c'est donc la relation qui en est le sujet, et la détermination de la relation est l'attribut du jugement.

Considéré dans sa fonction, tout jugement est la réponse à une question posée. Au moment où il est formé, le jugement est l'acquisition d'une connaissance, l'addition d'une information nouvelle au savoir acquis antérieurement. Autrement,- le jugement n'est qu'un souvenir ou une réminiscence, le rappel d'un acte antérieur qui a été le vrai jugement. C'est l'attribut qui est la nouvelle information, la détermination complémentaire du sujet. Par cela même qu'on le détermine plus complètement, le savoir antérieur est envisagé sous un certain aspect et d'un certain point de vue; le sujet contient donc déjà en lui quelque chose de son attribut, à savoir la possibilité de l'envisager sous cet aspect et de ce point de vue. Ce livre est rouge.


Ce livre, dont la notion est formée dans monesprit.de quelques-unes s de ses qualités à moi" connuesret de la possibilité d'une infinité d'autres qualités eonnuës~Minclôrniïuës, peut être considéré quant à sa couleur. A cet égard, il est rouge. La grandeur a, qui est, si l'on veut, l'hypoténuse d'un' triangle rectangle, et la grandeur 6, qui est, si l'on veut, le diamétrejdu cercle- circonscrit ce triangle;, ont entré elles un certain rapport. Le rapport entre a et ô; voilà le sujet. Ce rapport quel est-il? C'est l'égalité; voila l'attribut. On peut poser de plusieurs manières la question a laquelle répond le jugement a b. Au lieu d^majjider quel est le rapport entre a a et b, on peutdemander quel est -le terme égal à à (ou quel est le terme égal à b), ou quels sont parmi des termes donnés- les termes qui sont égaux. D'où trois jugements répondant à ces- trois questions, l'attribut étant, soit Indétermination de la relation entre deux termes donnés, soit le second terme d'une relation dont le premier est donné, soit les deux ternies d'une relation donnée Le rapport de grandeur, entre, à el.b est l'égalité; -=

Le terme égal à a est b;

Les deux termes qui sont égaux sont a-èt 6. ̃•

Ces trois jugements'sont; une seule et même vérité ;a.= b. (Si la relation est plus complexe, elle pourra être réponse à- un plus grand nombre de questions.)

Quand il s'agit de démontrer ou de découvrir le jugement a = 6, on peut être conduit à l'un ou à l'autre, de ces trois jugém'ents, selon la manière dont la question se posait. Quand il s'agit de conserver ce jugement une fois acqUis.pour en faire usage darisun raisonnement ultérieur, il n'y a"aucun intérêt à conserver le souvenir ou la trace de la question qu'il a résolue; ily a intérêt, au: contraire, à l'énoncer sous une forme Indépendante de ces trois:, aspects, afin qu'il puisse servir indifféremmeht à .déterminer soit le rapport dé deux grandeurs données, soit quelles sont deux grandeurs données, soit une grandeur égaïe: à une autre' grandeur donnée. L'expression a = b sera donc la meilleure* pour leniathématicienj qui n'a pas besoin, pour faire' ùsïige d'une -proposition > sa,voir. quels sont le sujet, le prédicat et la'copule^du jugement qu'elle exprime. 11 suffit de retrouver la vraie" forme logique des jugements 'de relation pour retrou ver' du, même, coup, dans lé' syllogisme mathématique, les modes et les règles. de la. logique 'traditionnelle, saris 'rencontrer les incorrections et difficultés, signalées par M. Lachelier.


Si l'on énonce ainsi un raisonnement a=b, 6 = c, donc a = c, il est impossible d'y trouver une majeure et une mineure, un grand et un petit termes; b n'est pas un moyen terme. Il faut énoncer la majeure sous-entendue, le principe qu'on applique. Et voici le syllogisme mis en forme (Barbara)

Deux quantités séparément égales à une même troisième sont égales entre elles;

Or les deux quantités a et c sont séparément égales à une même troisième (qui est b) 1;

Donc les deux quantités a et c sont égales entre elles. Ainsi disparait cette scission profonde de l'intelligence en deux domaines et de la logique en deux logiques, l'une de l'inhérence ou des classes, l'autre de la relation.

3. Du SUJET.

Le jugement catégorique consistant à affirmer ou à nier un attribut d'un sujet, le sujet doit être un sujet. Comme l'essence d'un attribut est de pouvoir être affirmé ou nié de quelque chose, l'essence d'un sujet est d'être ce dont on peut affirmer ou nier quelque chose. Pierre es.t un sujet dans ce jugement: Pierre est mortel. Mais dans ce jugement L'homme est mortel, homme est-il un sujet? '? L'attribut n'est pas une qualité du concept, de l'idée qui est dans l'esprit (peu importe ici de quelle manière elle y peut être) ce n'est pas le concept homme qui est mortel. Serait-il plus exact de dire que mortel est un attribut du genre? Le genre est plus près que le concept d'être un sujet, car le concept, c'est-à-dire le terme considéré dans sa compréhension, ne contient pas les individus; c'est lui bien plutôt qui est contenu en eux il est un ensemble de qualités qui se trouvent en chacun d'eux. Il est essentiellement attribut; ils sont essentiellement sujets. Au contraire, le genre, c'est-à-dire le *e terme considéré dans son extension, contient en lui les individus; il est une pluralité indéfinie de sujets. Dirons-nous que, si le concept homme ne peut être un sujet, le genre homme peut en être un, c'està-dire qu'un terme général est entendu en extension quand il est sujet, en compréhension quand il est attribut?

I. Le moyen terme doit être identique dans les deux prémisses. L'addition (qui est b) est ce que j'appelle une constatation logique.


Mais ce qui est mortel, ce n'est pas plus le genre que le concept. Le genre humain ne meurt pas ;jl .subsiste; tandis que les individus meurent. L'attribut mortel convie.ntji wre homme, des hommes, à tous les hommes, mais non; --pas à l'homme. Seuls les hommes, pris séparément ou en grouper peuvent être;qualifiés parce que seuls ils sont des sujets. Le concept ou le genre, en un mot le terme général, n'est jamais qu'attribut; quand il paraît être un sujet, ce sont les termes singuliers compris dans^son extension qui sont les vrais sujets. D'où il résulte que les propositions catégoriques dont le sujet est un terme général n'expriment, pas des jugements catégoriques. Elles ne traduisent pas la relationidj'un. attribut àùn sujet, mais celle d'un attribut à un autre attribut. Elles ne qualifient pas l'un de ces attributs par l'autre; elles disentjque l'un entraîne l'autre ou l'exclut, en ce sens que de tout sujet dont. l'un est affirmé ou nié l'autre est également affirmé ou, au contraire, nié. Il ne s'agit pas d'un rapport d'inhérence, mais d'un rapport de conséquence. Il ne s'agitpas d'un jugement catégorique, niais d'un: jugement hypothétique. Le sujet d'un jugement catégorique doit: être un vrai sujet. Cela ne signifie pas qu'il doive être un concret comme Paul, Paris, là Lune, 'le triangle ABC. Il peut-être un -abstrait comme l'âge ou la taille de Paul, la beauteTartistique de Paris, la distance de la Terre à la Lune, le sommet A du triangle ABC, Je rapport entre deux côtés de ce triangle. Dè'Tels abstraits: sont yraiment des sujets dont un attribut peut être âf.feméôOiié.; Ils, sont singuliers. Le genre et le concept peuvent même être des .sujets de jugements catégoriques quand ils' sont considérés comme faits.logiques, auquel cas l'attribut ne s'applique pas aux sujets individuels. auxquels convient le concept ou qui sont compris dans l'extension du genre. Exemple Les Vers se définissent moins par des caractères propres que par l'absence des caractères qui définissent les autres embranchements. L'Infini est une sourcëW équivoques et paralogis.mes- Les.concepts et les genres sont alors- des" choses, :de vrais sujets, :et des sujets singuliers. .= ̃ Les substantifs abstraits tirés des; concepts, comme la Bonté, la Vertu, la Justice, sont des sujets. Là Bonté n'est m> les personnes bonnes ni ]es actions bonnes, qui-sent en nombre indéfini, mais le caractère commun à' ces personnes ou à ces actions;, il est unique, il n'enveloppe aucune multitude- c'est.un sujet singulier. C'est.la


bonté qui est aimable; c'est la divisibilité infinie de la matière qui, selon les Cartésiens, est à la fois incompréhensible et très certaine.

4. DES JUGEMENTS singuliers, pluriels ET totaux.

Le mème attribut peut être affirmé ou nié de plusieurs sujets à la fois, énumérés séparément (Pierre, Paul et Jacques sont malades), ou réunis sous une désignation commune (Plusieurs orateurs ont émis des avis très sages). Le pluriel, en réunissant et même en totalisant divers sujets, ne leur fait pas perdre leur caractère de sujets. Aux jugements singuliers on opposera donc les jugements pluriels (judicia plurativa) qui sont encore des jugements catégoriques. Quand les sujets sont énumérés, le jugement pluriel n'est autre chose qu'un ensemble de jugements singuliers. Le jugement pluriel comporte une certaine indétermination. Mais pour que le jugement reste catégorique, il faut que la désignation commune sous laquelle on réunit plusieurs sujets singuliers ne soit qu'un nom donné à un groupe fini de sujets semblables (Plusieurs des orateurs qui ont pris la parole dans cette délibération). Le jugement devient hypothétique dès qu'il signifie une connexion entre cette désignation, entendue au sens d'un attribut commun, et un autre attribut, cette désignation ne se rapportant plus à une somme finie de sujets réels, mais à une pluralité indéfinie de sujets possibles; par exemple, si l'on veut dire que la qualité d'homme comporte ou n'exclut pas la qualité de sage Quelques hommes sont sages est un jugement hypothétique. Quelques-uns de ces hommes sont sages est un jugement catégorique pluriel'.

Les termes collectifs peuvent jouer dans la proposition des rôles bien différents. Un groupe de sujets en nombre fini peut avoir en tant que groupe des qualités qui n'appartiennent pas aux sujets individuels; le groupe entier est alors un seul sujet. Il n'importe pas qu'il soit nommé au singulier (le conseil municipal) ou au pluriel 1. Un terme qui, dans son usage ordinaire, est collectif, peut être accidentellement général si on l'emploie sans avoir égard au groupe fini de sujets auquel il convient, mais seulement à la qualité commune à ces sujets. Ex Les conseillers municipaux sont des personnages influents dans la cité. Ce jugement est hypothétique si l'on veut dire qu'une certaine influence morale est liée à la qualité de conseiller municipal, catégorique si l'on constate que chacun des hommes qui sont conseillers municipaux est en même temps un personnage influent.


i^co uuiiseiners municipaux;; ce qui importe c est que ce qu on affirme ou nie concerne'Ie groupe et non les .individus.. Le groupe est alors un terme singulier. Ce jugement: Les conseillers municipaux ont délibéré hier sûr cette question est. un jugement singulier, car, si opiner sur une question est le fait d'un conseiller pris individuellement, délibérer est le fait du conseil municipal pris comme un tout indivisible, c'est-'à-dire comme une unité.

Tels et tels conseillers (énûmérés nommément) ont votê pour est un ensemble dejugementssinguliers,"P/MMeM??s conseillers ou Telnombre. de conseillers (dont l'énumération uominale serait'possible) ont voté pour est un jugement pluriel. Si le yotea été unanime, quelle est la forme du jugement. Tous les conseillers ont- voté pour ? C'est encore un jugement pluriel, même énoncé au moyen d'un sujet grammatical singulier (Le conseilla l'unanimité des voix), et un jugement catégorique, mais de plus il est .total. Il n'est pas général, car voter pour n'est pas une qualité: du genre conseiller .mUnicipal.fJJn jugement général implique-une infinité de sujets ou de cas possibles, dont la totalité ne peut être envisagée. La triade Unité, Pluralité, Totalité concerne exclusivement les jugements catégoriques singulier, pluriels, totaux. Elle ne se rapporte pas aux jugements universels et particuliers, car. ce: qui caractérise les jugements particuliers ce n'est pas la pluralité des sujets envisagés (il peut d'ailleurs n'y en avoir qu'un seul), mais leur indétermination numérique; et ce qui caractérise les jugements universels, ce n'est pas la notion de totalité, mais celle de généralité qui exclut toute totalité. Ainsi les jugements collectifs font intervenir l'idée de nombre, tandis que les jugements universels particuliers l'excluent expressément ce. qui est général est sans nombre.

Cette distinction est importante. En effet, le.jugement catégorique total se fonde sur les Jugements singuliers un attribut peut être affirmé ou nié de la totalité du groupe parce qu'il a été déjà affirmé ou nié de chacun des sujets individuels^ c'est l'induction formelle, qui se réduit à une simple constatation logique Les jugements singuliers peuvent bien aussi se;tirer par syllogisme du jugement total; mais ce syllogisme n'apprend rien., car pour que le jugement total soit assuré, il faut que tous les jugements singuliers qu'il implique le soient, y compris celui qu?. on en Ivre. C'est encore une constatation logique. Au contraire les jugements singuliers ou pluriels peuvent se fonder sur le jugement général un attribut peut être


affirmé ou nié de chacun des sujets individuels parce qu'il est affirmé ou nié du genre. Si le jugement général s'est fondé sur des jugements singuliers, il n'en est pas la totalisation, mais la généralisation, et les jugements singuliers qu'on en tire par syllogisme ne sont pas nécessairement ceux qui ont servi à l'établir. L'induction aristolélicienne donne des jugements totaux calégoriques, qui peuvent être, dans la première et la seconde figure, majeures de syllogismes catégoriques, syllogismes apparents seulement, car ils ne servent qu'à retrouver, dans les majeures qui les contiennent, desjugements déjà connus. L'induction baconienne et la déduction donnent des jugements généraux, hypothétiques, majeures de syllogismes hypothétiques, lesquels ne sont pas, par eux-mêmes, des raisonnements déductifs, mais sont un élément nécessaire de tout raisonnement déductif.

DES JUGEMENTS HYPOTHÉTIQUES

Le jugement hypothétique se compose de deux parties que nous pouvons appeler deux termes. Chacune d'elles a un sujet, un attribut, un verbe, est affirmative ou négative. Le jugement hypothétique n'est pourtant pas un assemblage de deux propositions dont l'une serait subordonnée à l'autre, car il est une seule assertion. Le premier terme que nous appellerons Vhypothèse, la condition ou l'antécédent n'est pas une assertion, puisqu'il n'est que la condition d'une assertion. Le second terme, le conditionné, la conséquence ou le conséquent, n'est pas une assertion, puisqu'il est une assertion conditionnelle. Ce qui est une assertion, c'est la subordination du second terme au premier. Si un triangle a deux côtés égaux, il a aussi deux angles égaux. On n'affirme pas qu'un triangle a deux côtés égaux, ni qu'il a deux angles égaux; on affirme que l'égalité de deux côtés entraîne l'égalité de deux angles.

L'antécédent et le conséquent sont des assertions possibles; c'est pourquoi on y découvre tous les éléments du jugement, sujet, attribut, verbe, affirmation ou négation, sauf l'assertion. Ils peuvent présenter toutes les variétés du jugement singuliers, pluriels, totaux; généraux, spéciaux; universels, particuliers; catégoriques, hypothétiques même. Car l'antécédent et le conséquent d'un jugement hypothétique peuvent être l'un ou l'autre ou l'un et t


1 autre, aesjugementsnypotne tiques; ne même les termes ae ceux-ci, et ainsi de suite indéfiniment.. Cette possibilité illirnitée d'implication, ce pouvoir de subordonner indéfiniment des relations à des relations est un caractère intéressant de la faculté déductive, mais non un caractère essentiel; il ne la constitue en aucune manière. Ce point demande quelques éclaircissements.

Prouver un jugement hypothétique, ce n'est pas transformer l'hypothèse en assertion ferme, établir. ;que -l'hypothèse est vraie, que la condition est effectivemeûtjionnée; ce n'est pas davantage? transformer la conséquence en une' assertion ferme, .établir: qu'elle est vraie. Après la preuve, le conséquent et l'antécédent, resteront ce qu'ils étaient avant, des assertions: possibles. Ce qui sera prouvé, c'est que le conséquent est conséquence de L'antécédent, que l'antécédent entraîne le conséquent (ou l'exclut). Car c'est là. tout ce que signifie le jugement. Ayons soin__ de dire «entraîne.», car il est inexact que l'antécédent «implique.» :1e conséquent, qu'il le « contienne », qu'on puisse « l'en tirer » ils sont, ou du moins peuvent être hétérogènes. L'égalité de deux angles d'un triangle n'est pas contenue dans l'égalité de deux côtés elle en résiste.' La similitude de deux triangles n'est pas contenue dans le parallélisme deleurs côtés; elle en résulte. Dans le cas où le. conSéquentTes.t contenu dans L'antécédent comme l'espèce est contenue enextension. dans le genre (S'il est vrai que le polygone régulier peut être inscrit dans un cercle carré.), ou comme le concept générai est? contenu .en compréhension dans le concept spécial (Si la trajeçtoirèd'.un projectile, est une parabole, elle est une section conique), pn; a un^stmple syllogisme.; L'antécédent et le conséquent ont déjà un terme commun; pour passer, de l'un à l'autre, il suffit de connaître la relation d'extension- ou de compréhension des deux termesldifférents c'est le rôle du moyen terme et de la mineure. Si au ^contraire, comme c'est le cas- notamment pour toutes les propositions qui sont l'objet d'une démonstration mathématique, l'antécédent et_le: conséquent sont hétérogènes, la preuve ne peut être ni un-syllogisme ni une, série de syllogismes.

DES DIVERSES FORMES DE jugements hypothétiques. `

Jugements liypothétiques singuliers.– Les deux termes du jugement hypothétique peuvent exprimer des faits singuliers. Si


Pierre vient ici ce soir, Paul s'en ira. S'il gèle cette nuit, la récolte du vin est perdue. De tels jugements expriment la liaison nécessaire d'un fait à un fait. Ils sous-entendent donc une règle dont ils sont l'application.

Il y a pourtant des jugements hypothétiques qui ne sont l'application d'aucun jugement général Si vous faites un pas, je tire Il ne s'agit pas d'une relation nécessaire, d'un ordre inhérent à la nature des choses, mais de la relation entre une décision de la volonté et quelqu'une des circonstances qui la déterminent. Ce peut être une règle générale que toutes les fois que Pierre vient, Paul s'en va; si ce n'est pas une règle générale, Paul peut avoir des raisons momentanées de ne pas se rencontrer avec Pierre en ce lieu, en ce jour; mais ces raisons doivent pouvoir se formuler en quelque règle générale, autrement il n'y aurait pas de relation nécessaire. Enfin Paul peut avoir résolu de s'en aller si Pierre vient ici ce soir. Les jugements hypothétiques n'expriment pas seulement des nécessités logiques et des lois naturelles; ils expriment aussi des conventions qu'on fait avec autrui ou avec soi-même, conventions générales ou singulières. Lorsqu'un contrat stipule les mesures qui devront être prises en cas de décès d'un des contractants, l'hypothèse n'est pas susceptible de se produire plus d'une fois. Jugements universels. II y a lieu de distinguer entre les jugements généraux et les jugements nécessaires.

Jugement général Toutes les fois que p est donné q esl donné. Il n'apparaît pas contradictoire et absurde que, p étant donné, q ne le soit pas; mais on a des raisons d'être assuré que cela n'arrive, n'est arrivé et n'arrivera jamais.

Jugement nécessaire Si T est vrai, il en résulte que q est vrai. Sans faire intervenir aucune idée de répétition, ou a des raisons d'assurer que l'antécédent étant vrai, il est impossible que le conséquent ne le soit pas.

Toute relation nécessaire est évidemment constante, puisqu'une exception est impossible. Toute relation constante est nécessaire, bien qu'on puisse ne pas en apercevoir la raison. Car, si une relation n'est pas nécessaire, des cas sont possibles où, l'antécédent étant donné, le conséquent ne l'est pas. En fait, une relation contingente peut se trouver vraie de la totalité des cas, mais il faut pour cela qu'il y ait une totalité des cas; alors le jugement est total et non pas général, catégorique et non pas hypothétique. Toute généralité


suppose une nécessité, qui peut être ignorée, mais n'en est pas moins certaine, car la mettre en do, ce serait supposer, la possibilité d'exceptions1. ̃ On prouve un jugement hypothétique universel soit en prouvant que la relation est nécessaire, soit, en prouvant qu'elle est constante. Elle est toujours à la fois l'un et l'autre, mais tantôt la généralité résulte de la nécessité, tantôt la nécessité résulte la généralité. Quand il s'agit de la voie par. laquelle on arrive, à l'assertion, de la nature des raisonnements qui précèdent logiquement cette assertion et la justifient, le jugement général elle jugement nécessaire sont très différents. Mais quand il s'agit* de l'usage qu'on fait des jugements hypothétiques pour aller plus loin, la distinction, fdu jugement général et du jugement nécessaire jj?àptas ..aucun intérêt ils entrent au même titre dans les raisonnements, -et y remplissent des fonctions identiques. Remarqupns cependant que la nécessité contient la généralité, tandis que la généralité suppose la nécessité et ne la contient pas. La nécessité est quelque chose de plus qui s'ajoute à la généralité.. Lorsque de nouvelles découvertes permettent de démontrer déduc.tivement ce .qu'on savait seulement par induction, lorsqu'une loi dev.ient.un théorème, rien n'est ;changé dans les déductions qui l'avaient prise pour principe. Ces déductions ne s'appuyaient donc pas sur la nécessité, mais seulement sur la généralité. La nécessité est unsurcroît, inutile à lavalidité de l'argument. Il est commode dlavoir pour les jugements hypothétiques une dénomination et un énoncé qui conviennent à la fois au jugement général et au jugement népeslair.e, Nô.us les appellerons, dans les deux cas, jugements universels, et les énoncerons:. p entraîne q. p .exclut q.

L'hypothèse d'un jugement hypothétique est un jugement possible. Réservons le cas où ce jugement possible est lui-même un jugement hypothétique, et considérons le cas où il est catégorique. Si le jugement est universel, ne suffit pas drajouter,à,Thypothèse l'assertion qui lui manque pour en faire un jugement catégorique. L'hypothèse p est un. abstrait; elle est incomplètement. 1. E. Goblot, Sur le syllogisme de la première figure, Revue de Métaphysique · et de Morale, mai 1909, p. 351 et suivi Dans cet article, je me suis:exprimé dans les termes de la logique traditionnelle.


déterminée; par exemple elle est un fait susceptible de se répéter, et comme un fait ne se répète jamais exactement, elle est ce qui demeure identique à travers la variété et les variations des autres circonstances. Pour ajouter à l'hypothèse l'assertion qui en fait un jugement, on est obligé d'y ajouter du même coup la détermination · qui en fait un cas singulier; sans un sujet individuel et concret, il n'y a pas de jugement catégorique. Si un triangle (quel qu'il soit) a deux côtés égaux, il a deux angles égaux. On ne peut pas dire Un triangle a deux côtés égaux. Quel triangle? Il faut qu'un triangle singulier ABC soit posé pour qu'on puisse affirmer qu'il a deux côtés égaux. Dans un jugement universel, on a donc, d'une part une hypothèse partiellement déterminée, enfermant une infinité de jugements catégoriques possibles, d'autre part l'assertion que dans chaque cas singulier pour lequel cette hypothèse se transforme en une assertion catégorique, il en est de même de la conséquence. 3° Jugements affirmatifs et négati fs. Jugements particuliers. – Le jugement hypothétique affirmatif est de la forme p entraine q. Dans le jugement négatif, la négation doit porter sur la copule. L'affirmatif assure que la relation est constante ou nécessaire, le négatif assure que la relation n'est pas nécessaire. Il y a donc deux formes du jugement hypothétique et deux seulement p entraîne ou n'entraîne pas q; il n'y pas de milieu. Nous les désignerons respectivement par les lettres A et 0,

Remarquons que le jugement négatif est encore une assertion. Je ne me borne pas à dire que les raisons me manquent pour assurer que q résulte de p; ce ne serait pas là un jugement négatif, mais une suspension de jugement, un doute. Je dis positivement que p étant vrai, il est possible que q soit faux, que p étant donné, il y a des cas (au moins un, peut-être tous) où q n'est pas donné. Ce jugement hypothétique négatif est donc en même temps particulier. Il faut bien que le jugement affirmatif soit universel puisque ce qu'il affirme c'est une relation de condition à conditionné, une relation constante et nécessaire. Il faut bien que le jugement négatif soit particulier puisque ce qu'il nie, c'est précisément cette relation constante et nécessaire. Il exprime une possibilité.

Le conséquent est (comme l'antécédent) un jugement possible, et ce jugement est affirmatif ou négatif. Dire qu'un antécédent entraîne une conséquence négative, c'est dire qu'il exclut la conséquence positive correspondante. p exclut q est donc encore un jugement


affirmatif il équivaut à p entraîne non-q. C'est la conséquence qui est négative; mais il est affirméjque :cette conséquence résulte de- l'hypothèse Si deux grandeurs sont l'une -Je. côté, d'autre la;,diagonale d'un même carré, il -en,' résulte (le jugement est âffirmatif) qu'elles n'ont pas (le conséquent :est négatif) de commune mesure. ̃; L'universelle négative iest done^enjcéalité, une affirmative. Au jugement affirmatif p exclut q répond un jugement négatif p n'exclut pas q. Ce qui "veut dire, non pas que j'ignore si p étant vrai, q est vrai ou fauxvmais,que si.p est vrai, q est possible, ou que, parmi les cas où p est donné, il en est q. est donné. Ce jugement hypothétique négatif est en.même, temps ^particulier. La.particulière affirmative est donc, en réalité, uneji.égative.

Il y a donc des jugements: hypothétiques universels -affii-malifs, et' des jugements hypothétiques particuliers négatifs, .et il n'y en a pas d'autres. Mais la conséquence pèut~être négative; de: des jugements d'exclusion, qui ont été considérés à tort comme négatifs; par suite leurs contradictoires-ont été pris pour des jugements affir-: matifs. Nous les désignerons par les lettres E«t I, et nous conserverons les dénominations usuelles, Men qulïmpropres;,il suffit de les avoir expliquées. ::i; ̃

COUPLES DE togkmenïs^compqsés des mêmes termes. Lorsque deux propositions sont -composées des mêmes termes, ou bien elles sont indépendantes elles; peuvent être toutes deux vraies, ou toutes deux fausses, au l'une vraie,. l'autre fausse elles; doivent être prouvées ou contestées séparément. Si .elles sont toutes deux admises, elles sont. dites .simultanées

Ou bien il y a in f érence iïnmédiate,, c'esl-àrdive que, sans intermédiaire, de la vérité ou delà fausseté dé, l'une d'entre elles, on infère la vérité ou la fausseté de l'autre.

Le mot inférence est ici assez impropre, car il.ne s'agifcpasde conclure d'un jugement à .un autre jugement, mais d'un énoncé à un autre énoncé du même jugement/ Iîefliander si deux propositions sont indépendantes ou non, ;c'est. demander si elles: expriment deux jugements ou un seul. Toutefois^la.proposition. ijaférée peut ne retenir qu'une partie de d'assertion contenue .dans, la proposition donnée; l'inférence est .alors a fprliorL..


L'opposition des propositions hypothétiques est de tout point

L'opposition des propositions hypothétiques est de tout point conforme à ce que la logique traditionnelle appelle opposition des propositions catégoriques. Il suffira donc d'en donner le tableau p entraîne q p exclut q

A contraires E

=-' ¡g Co °Q o% ¡g 0-

I 2 O% CD I

CD d, 3

=:s :\> ,<è> '-<'q,. =:s

ce ce "Ci 0. Vlh. '<y S m

I subcontraires 0

p n'exclut pas q p n'entraîne pas q.

Conversion. Convertir une proposition, c'est former une autre proposition qui a pour antécédent le conséquent de la première et pour conséquent son antécédent.

Il ne semble pas, tout d'abord, que les jugements exprimés par ces deux propositions puissent être un seul et même jugement, puisqu'elles n'ont pas les mêmes termes. Ils devraient être indépendants. Ils le sont en effet en ce qui concerne le jugement universel affirmatif et le jugement particulier négatif.

Il en serait de même si l'on convertissait par simple transposition de termes les jugements d'exclusion (E) et de non-exclusion (I) p entraîne non-q deviendrait non-q entraîne p, et ces deux jugements sont indépendants. Pareillement, p n'entraîne pas non-q deviendrait non-q n'entraîne pasp, et ces. deux jugements sont indépendants. Mais on transforme p exclut q en q exclut p, p n'exclut pas q en q n'exclut pas pas p c'est-à-dire que le conséquent négatif devient affîmatif en devenant l'antécédent du nouveau jugement; et comme il s'agit toujours d'une relation d'exclusion, le conséquent du nouveau jugement est la négation de l'antécédent du premier. La conversion de l'Universelle négative et de la Particulière affirmative ne sont donc pas de simples transpositions de termes.

Remarquons d'abord que tout jugement de la forme p entraîne q peut s'énoncer non-q exclut p dire que, si l'antécédent est donné le conséquent l'est aussi, c'est dire que, si le conséquent est ôté, l'antécédent l'est aussi, et c'est là un seul et même jugement. Quand


on applique ce jugement général à quelqu'un.des cas spéciaux ou singuliers qu'il enveloppe, ce qui est donné dans ce cas spécial ou singulier, ce peut être soit la présence de l'antécédent, d'où l'on infère la présence du conséquent (première figure), soit l'absence du conséquent, d'où l'on infère l'absence de l'antécédent (deuxième figure). La différence est dans là manière d'appliquer le principe aux cas considérés; lé principe lui-même n'est pas différent. La transformation de p implique y en non-q exclut p s'appelle contraposit ion (ou obversion (Bain) ou conversion par négation). Ce n'est pas une inférence, car il n'y a que deux énoncés du même jugement': Dire que Si un animal est, poîssonyil des branchies, c'est dire que Si un animal n'a pas de branchies il n'est pas poisson. Au contraire l'universelle affirmative'et sa converse sont indépendantes; on les appelle réciproques. Il en est de même de la particulière négative et de sa converse. .̃-̃̃••. Ce qu'on appelle conversion simple de l'universelle négative et de la particulière affirmative, c'en est la contraposition: Si on contrapose p entraîne non-q, on, a q entraîne. non-p ou q exclut p, identique à p exclut q si on contrapose p n'entraîne pas non-q on a q n'entraîne pas non-p, ou q n'exclut pas p, identique à p n'exclut pas q. s, INVERSION. Invertir une proposition, c'est former une autre proposition qui a pour termes;la négation des termes de la première. Toutes les inverses sont indépendantes. Deux propositions, qui n'ont pas le même antécédent ne peuvent énoncer le même jugement. Si deux universelles inverses sonLsiniultaMes, leurs réciproques sont vraies. En effet la négative non-p exclut g, .inverse de p entraîne q", se conr vertit en q en traîne p, réciproque de p entraîne q. L'affirmative p entraîne q se contrapose en non-q exclut' p, réciproque de non-p exclut q. ̃ ̃̃ ̃ '• ^zr-- .'̃ ̃ j. Si deux universelles réciproques sont simultanées, leurs; inverses; sont vraies. --̃–. •– 7. ̃ .-̃“ Soient deux réciproques ^admises p .entraîne q et. q entfçcîne p; 6n contraposant chacune d'elles on obtient l'inverse de l'autre.. > Une proposition, sa réciproque, son inverse et l'inverse de sa réciproque forment donç^un système de i quatre proposition^ telles que si deux d'entre elles sont admises, elles le sont toutésples quatre. Il n'y a pas lieu de démontrer l'inverse .quand On a.ftdmis la récir


proque, ni la réciproque quand on a admis l'inverse. La réciproque, aussi bien que l'inverse, signifie que la condition suffisante est aussi condition nécessaire.

On exprime souvent la vérité de l'inverse par le mot seul. Les Stoïciens disaient que Le sage seul est roi cette formule réunit en un seul énoncé deux jugements simultanés le sage est roi; 2° nul non-sage n'est roi. Après quoi il est superflu de démontrer que 3° tout vrai roi est sage; qui n'est pas roi n'est pas sage. Mais ces transformations d'énoncé ne font pas quatre jugements, dont deux seraient admis quand deux autres le sont. Ils ne font que deux jugements. L'inverse et la réciproque d'une universelle sont un seul jugement. Une universelle et l'inverse de sa réciproque sont t un seul jugement.

E. Goblot.


LA CONSCIENT ÏBANSCÈNDANTALE- CRITIQUE DE LA PUIIiQSÛPHïE. KANTIENNE

Kant, et ses..Continuateurs.

1. Exagérations encouragées par la philosophie de Kant. 2. L'insuffisance de la philosôpliie de Kant. 3. Les affirmations vagues et discordantes de la théorie fondamentale de l'aperception. 4. La conscience en général et la conscience individuelle. –S. Le pragmatisme et le rationalisme intransigeant. 6. Le biologisme..Tohannes Muller, Richard Avenarius, Ernest Mach. 7. Le biologisme métaphysique. Arthur Schopenhauer. Friedrich Nietzsche. Henri Bergson. 8. Le roman^sjne.Jïïegel. 9.; La théorie sociologique. Emile Durïdieim. – 10. Conclusion. w

1. L'homme capable d'attentioa et de réflexion, peut utiliser l'abstraction et, par là, il peut posséder la science. A l'origine de k, science se trouve le fait psychologique.' "Voilà la grande- vérité qui a, servi de point de départ a la phiLosophie contemporaine.Mais cette grande vérité doit être bien déterminée, car il en peut sortir deux exagérations.:La_premièr£ est celle dont se sontrendus;< coupables les successeursjromantiques de Kant etqui de nos jours se continue dans la philosophie de la « mind-cure» des: pragma- tistes américains. Ceux-ci se. disent si la science. jaillit du fait psychologique, alors toute affirmation individuelle peut, par la. volonté, être transformée en -Metiçe, .La vérité scientifique ne serait autre chose qu'une convention. La seconde, non moins dangereuse, et qui est partagée par les adorateurs fanatiques de la science, conduit à l'opinion contraire. Selon, ceux-ci, qui, en grande majorité, se diseni .rationalistes, – toute la, richesse de l'âme humaine consiste dans la. science. Tout ce qui se trouve dans.iles profondeurs de l'âme.se déroute dans la logique scientifique. La vérité serait, d'après eux, ractivité-type efl .laquelle s'exprime toute la pensée humaine. ̃̃ ?rr-

Les deux exagérations. sont également nuisibles, car elles falsifient


la vérité fondamentale d'où part la philosophie contemporaine. Toutes deux sont, spécialement, des falsifications directes de la philosophie de Kant.

Cependant, il faut reconnaître que ces exagérations sont dues en grande partie à cette philosophie même.

A la philosophie de Kant viennent aboutir deux courants différents. Le courant de la philosophie associationiste anglaise représentée par Locke, Berkeley et Hume; le courant de la Iphilosophie rationaliste représentée par Descartes, Spinoza et Leibniz. Kant essaie une synthèse en se fondant sur les sciences exactes de son temps, à savoir sur les sciences mathématiques et sur la mécanique. Mais quelque réussie que soit cette synthèse, les deux courants peuvent toutefois se distinguer et se séparer. Les exagérations, dont nous parlions plus haut, sont produites précisément par la séparation de ces deux courants.

En effet, quel est le fond philosophique de la première exagération? C'est que la vérité scientifique résulte de l'association de nos états de conscience. La vérité est une convention, c'est-à-dire une habitude de l'âme soumise aux changements (devenir). Nous trouvons ces théories sous-entendues dans la philosophie associationiste anglaise du xvii' et du xvm° siècles. Selon Locke et Berkeley, la réalité du monde consiste dans les représentations de la conscience. Quant à Hume, il explique la loi de causalité, c'est-à-dire la liaison entre la cause et l'effet, par l'habitude qu'acquiert l'esprit humain d'associer certaines représentations dans un certain ordre de successions. Par conséquent, l'exagération dont nous parlions plus haut n'ajoute rien d'important à ces affirmations, mais elle se borne seulement à les confirmer par le point de vue kantien. Et c'est là que commence son originalité. Pour la philosophie des associationistes anglais, les représentations sont subjectives, mais elles se groupent dans l'ordre exigé par l'expérience ou la réalité du pouvoir de la Divinité, ainsi que le croyait l'évêque Berkeley; tandis que pour les romantiques, successeurs de Kant, et pour les pragmatistes américains, les représentations, outre qu'elles sont subjectives, ne sont pas tenues d'exprimer la réalité, car, conformément à la philosophie de Kant, elles sont groupées selon les formes a priori de la conscience. La vérité apparaît ainsi comme étant tout à fait indépendante de la réalité d'un monde extérieur. Par conséquent, c'est la philosophie kantienne qui conduit à cette première exagération.


De même pour la seconde. Le vieux courant, rationaliste accordait une assez grande importance la logique scientifique, c'est-à-dire à l'argumentation rationaliste, ± ̃ mais^cette importance- s'accroît encore du moment que;la logique; de l'esprit n'estplus un miroir de la réalité, mais créatrice de.Jarê§ILtémêmèlEt c'est encore le point de vue kantien qui conduit la. Les formés a.; priori de: Kant sont déduites de la systématisation; dés. ̃sciences. exactes, plus particulièrement des Mathématiques et de:la Mécanique:; or, comme ces formes a priori sont nécessaires;- pour la constitution des-objets delà conscience, il arrive indirectement que la systématisation scientifique elle-même s'identifie ayec; les lmgjes plus élémentaires de l'intuition sensible. La logique scientifique pénètre donc, jusqu'auxjfbnctions les plus profondes de,l'Jime, N.'esfece pas làle plus puissant encouragement qu'on ait pu' donner aux exagérations des-fanatiques .de la science?- ̃̃^̃̃–

La synthèse apportée par Kant des^déux courants philosophiques qui l'ont précédé, avait pour but, dans sa pensée, d'.empêcher ces courants de continuer à être: indépendants et à produire, des éxagérations du genre de nous avons .rappelées. -Mais ces exagérations se sont, produites en dépit de .cette synthèse. Et elles se sont même produites peu de temps après L'apparition de la philosophie de Kant. Le. erilicismé,jcomme -Kant nommait sa philosophie, n'a empêchàni le;panpsychoiogisme ni le panlogisme, c'est-à-dire ni l'exagération, des. romantiques et des pragmatistes; ni l'exagération des raUonalist|f.PJus encore ces. exagérations ,ne sont pas des manifestatipns:;passagèresjians:la philosophie de notre temps, ce sont des manifesl.atioiis^qui;:en donnent.presque le tan. et se partagent entre elles les penseurs qui s'occupent desrecherchies philosophiques. -j '̃-•̃̃-•

2. La synthèse apportée; par Kant n'a donc pas atteint'son but. L'associationisme d'un David Hume et le rationalisme: d'un -Leibniz subsistent aussi de nos Jours, mais à la différence près que l'un.et l'autre ont aujourd'hui une forme plus exagérée qu'avant Kant. Quelle est la raison d_e cet échec? Il y plusieurs réponses cette question qui met en cause, l'importance liistorique. de la philosophie kantienne. ̃ "̃̃̃'̃̃ V

L'une de ces réponses est celle; des néo-kantiens. Ceux-ci supposent que la vraje::çau;s:e;;de l'échec constaté consiste en ce qu'on n'a pas bien- compris Kant. Sa philosophie n'est pas encore


suffisamment étudiée et, en conséquence, elle est mal comprise. Contre toutes les exagérations du genre de celles qui ont été mentionnées plus haut, les néo-kantiens n'ont qu'un seul remède retournons à Kant. Étudions et comprenons mieux Kant! Certes, il y a dans cette réponse une grande part de vérité. Parmi les exagérations de la philosophie d'aujourd'hui il y en a beaucoup qui ont leur source dans une fausse interprétation de la philosophie kantienne. Mais, plus on examine cette réponse, plus elle devient caduque.

La devise « revenons à Kant » règne depuis un demi-siècle. A cette devise se sont rangés des penseurs de premier ordre, comme Otto Liebmann, Fr.-A. Lange, Hermann Cohen, A. Riehl et d'autres qui ont entrepris une recherche approfondie de la philosophie de Kant et qui ont même publié sur cette philosophie des écrits d'une grande valeur'. Mais quand connaîtra-t-on Kant suffisamment? La devise commence à fatiguer. Cinquante ans pour étudier Kant c'est une durée appréciable. Si même après cette durée on constate que les anciens courants continuent à subsister, et même à s'exagérer en se déviant, alors il faut dire que la vraie cause ne saurait consister dans l'ignorance de la philosophie de Kant, mais dans quelque chose de plus profond; elle doit consister dans l'insuffisance même de cette philosophie.

Et c'est là, en effet, la vérité.

La synthèse apportée par Kant n'écarte pas définitivement les divergences entre la philosophie associationiste anglaise et la philosophie rationaliste; elle ne fait que les obscurcir par l'introduction d'une nouvelle perspective en philosophie. Cette nouvelle perspective, la révolution copernicienne comme l'appelait Kant, est si originale et en même temps si géniale, qu'elle fait oublier beaucoup de problèmes soulevés par l'ancienne philosophie, que, de plus, elle fait croire que ces problèmes ont disparu du coup, mais elle n'en apporte pas encore une solution complète. La nouvelle perspective, celle d'une conscience créatrice de la réalité à la place d'une cons1. 0. Liebmann, Kant u. cl. Epigonen (1865); Zur AnaLi/sis der Wirklichkeit (2 Aufl. 18S0); Geist der Transcendentalpfdlosopliie {Gedanken und Thatsachen, 1901). Fr.-A. Lange, Geschichte des Materialismus (1866). H. Cohen, Die ttjOt). Fr.-A. Lan~e, Ge.!cA!c/t<e <~s ;Mf!<e)'tnHsM:M (1S66). – f!. Cohen. Dte systematische Begri/Je in Kant's Vorkritischen Schriften n. ihren Verhàltniss z. Krilisc/ie Idealismus (1873); Kant's Théorie der Erfahrung (1871). A. Riehl, Der philosophiche Kriticismus u. s. l3ecleulazng B)'/f!t-M~ positive A. Rien). Ce)' ~/n<osop/i!c/te &'W<tc:sm:M M..s. BecteM/M~~ po~t'ue W;'MgnscAn/'< (1876-1888).


cience-miroir de la réalité,– est, sans -conteste, la grande oeuvre qui restera pour toujours liée au nom de Kant et qui constituera encore longtemps lé ferment d'activité des recherches philosophiques. Mais à côté de cette nouvelle perspective, le système philosophique de Kant comprend encore' d'autres éléments. Comme un nouveau Copernic, Kant change complètement le centre «d'où l'on regarde le monde et d'où l'on comprend la connaissance, mais il garde dans sa nouvelle perspective les données sur lesquelles s'appuient les hommes de science de son temps, Isaac Newton en première ligne. La nouvelle perspective met ces données dans une autre lumière, sans doute, mais sans en altérerJe fond. C'est là qu'il faut chercher l'insuffisance de la philosophie kantienne. Dans la nouvelle perspective sont associées des affirmations scientifiques qui se contredisent et qui proviennent des origines. différentes. La nouvelle lumière a créé^ârtificiellement des rapports qu'on a ensuite liés en un système; mais le système a été nuisible à la vérité. Kant étant fasciné par la facilité avec laquelle l'apriorisme élevait un système philosophique," a été peu exigeant .dans l'examen;des matériaux avec lesquels il construisait; ce système; il a spécialement négligé de se demanderai ses éléments viennent de la, même ori-, gine et s'ils peuvent toujours -coexister. En un mot, Kant, dans la construction de son édifice philosophique a donné trop d'attention au ciment, c'est-à-dire aux rapports créés parla'nouvelle perspective ̃de l'apriorisme et trop peu aux éléments matériels, c'est-à-dire aux données scientifiques qu'il fallait:eonsolider;dans l'édifice. 3. Nous trouvons la contradiction entre les éléments consolidés dans le système kantien, à la base même du_ système, à savoir dansla théorie centrale de l'unité synthétique d'aperception. C'est autour de cette théorie que se groupent tous les éléments de la philosophie de Kant, et c'est là justement qu'on trouve des affirmations vagues et discordantes.

Mais voici d'abord ce,, que 'Kant. entend, par "'unité synthétique d'aperception. -=

Chacune de nos pensées,– dit-il, est accompagnée de la conscience de notre moi. >Penser à quelque chose signifie que moi je pense à quelque chose; car la pensée que je n'attache pas à la concience de mon moi n?estpas ma pensée; elle est, par conséquent, pour moi, comme inexistante.̃̃̃

Ce moi, d'où vient-il? Des impressions des sens? Mon, Il doit


venir d'autre part. Il vient d'un acte de spontanéité de l'âme, de la conscience de soi chez chacun de nous: il est l'aperception pure. Mais la conscience du moi, accompagnant mes pensées, fait leur unité! Cette unité ne vient pas des impressions fournies par les sens, mais de l'acte de l'aperception; c'est une unité a priori. En même temps, cette unité ne se trouvant pas dans les sens, ne peut être trouvée par l'analyse de ces derniers, mais elle est quelque chose d'ajouté à la conscience par conséquent cette unité est synthétique. Dans le fait, donc,que je pense à quelque chose, par exemple à l'image d'une maison vue hier, mon esprit ne reflète pas purement et simplement les impressions venues des sens, mais il y ajoute aussi quelque chose de lui-même à savoir la conscience que la pensée de la maison est ma pensée de la maison, c'est-à-dire qu'il ajoute la conscience que l'image de la maison est liée à mon moi. Par là, mon esprit donne à l'image en question une unité synthétique qui assure son existence pour moi. Si l'image vue hier n'était pas en liaison avec la conscience de mon moi, alors elle disparaîtrait de la conscience. Mais grâce au moi qui reste identique à lui-même, les impressions données par les sens se lient entre elles et forment une image unifiée, un objet qui subsiste dans la conscience. Sans cette unité donnée par le moi, unité qui jaillit de la spontanéité de l'esprit, les impressions acquises par les sens ne se réuniraient nulle part dans la conscience, elles se disperseraient sans laisser de traces. Nous ne saurions donc avoir aucune connaissance des objets si nous n'avions pas l'unité synthétique donnée par'l'aperception.

En d'autres termes, le raisonnement de Kant est celui-ci Les sens peuvent donner à l'homme les impressions des objets extérieurs ou de ses états internes, mais ces impressions ne peuvent pas former des objets pour la conscience tant qu'il ne s'établit pas une liaison entre ces impressions et l'unité synthétique du moi. La conscience du moi intervient dans l'unification des impressions venues des sens. Mais la conscience du moi ne vient pas du dehors; elle vient d'un acte interne et spontané de l'unité synthétique d'aperception. Il Jaut donc, dans l'image de chaque objet de la conscience humaine, distinguer deux parts l'une due aux sens, c'est-à-dire à la matière de la sensibilité, l'autre due à l'unité synthétique de l'aperception, c'est-à-dire à l'organisation formelle de ces matériaux. Ces deux parts doivent être réunies pour constituer un objet


de la conscience, car l'une_ sansL jlaulre .n'aboutirait à' rieç. De

de la conscience, car rune_ sansXaulre .n'aboutirait à 'rien. Des impressions sensorielles sans l!unité de l'aperception; sont.inexistantes pour la conscience.; et il en est de même pour les liaisons n priori provenant de l'unité de l'aperception, si elles, sont dépourvues de la matière à laquelle elles .doivent s'appliquer. C'est la théorie centrale;, exposée, autant que -possible, avec les expressions mêmes de Kant ̃

Voyons maintenant sa validité..̃

La liaison entre les impressions^ des sens, nous dit-on, ne vient pas des sens, mais, de l'organisation de l'esprit, qui a pour fonction de ramener le produit des. sens. à une unité ;syhthétique d'aperception. Ce qui vient des sens est constitué par. des éléments qui n'adhèrent pas les uns aux autres; c'est comme .une. poussière de sable qui pourrait, à tout moment, se disperser au. souffle du vent; tandis que ce qui apporte la force de l'adhérence à ces éléments, le ciment qui lie la poussière de sable, vient de l'unité d'aperception, c'est-à-dire de la conscience de soi. S'il n'y avait pas cette conscience de soi (Selbstbew.ustsein), alors il n'y aurait.plûs de conscience des objets, car dans ce cas les impressions venues des sens se disperseraient tout .aussi vite qu'elles seraient venues, sans, entrer en relation les unes avec les autres, donc sans former dansnotre mémoire des objets ^unifiés et persistants.:

La nature de la conscience humaine appo.rte, de son côté, la forme sous laquelle s'organisent les impressions des sens; quant à ces derniers, ils n'apportent que la matière qui- doit être, en quelquesorte, remaniée pour constituer des-objets dans ̃la"conseience. Comme beauté architectoniqueiïn'y arien à dire; le système est bien lié. Mais voyons la valeur 6t surtout l'origine des matériaux. D'un côté sont les impressions venues dés sens; -de l'autre est l'unité synthétique de l'aperçeption. Les premières n'ont pas le pouvoir de se lier entre elles; la seconde est la force même de lier, mais sans résuitat.,pratique tant qu'il n!y a pas.'une matière &:̃̃ laquelle elle s'applique. ̃•;̃ 1-

Et alors voici la première question; qui se pose comment comprendre la coopération entre les impressions des sens et l'unitéd'aperception ? De quelle manière les -formes de l'aperception viennent-elles travailler-les matériaux des sens? Il ne peut pas 1. Kritik der reinen Vernunft. Dér. Deduktion der.reînen Verstandesbegriffe zweiter Abschnitt, paragr. -.13 et suit;7 ̃•


s'agir d'une simple superposition. Les formes de l'aperception pénètrent et façonnent selon leurs règles les impressions des sens. Mais de quelle manière une semblable opération a-t-elle lieu? Kant a soupçonne la question et voici ce qu'il répond. Avant d'entrer dans l'unité de l'aperception pure, les impressions des sens subissent différentes autres organisations dans la conscience empirique. Elles sont liées ensemble par la fonction d'appréhension de la mémoire et surtout par la fonction de l'imagination. De sorte qu'entre les données des sens, il existe, par conséquent, une affinité antérieure qui les fait s'associer ensemble. Mais la différence entre cette affinité et la liaison qui se produit par l'unité d'aperception est celle-ci l'affinité antérieure donne seulement des synthèses empiriques, c'est-à-dire passagères, tandis que l'unité d'aperception donne des synthèses a priori; les premières synthèses se trouvent dans la conscience empirique (et elles font l'objet de la Psychologie), tandis que les synthèses a priori forment les éléments des jugements scientifiques et constituent les vérités universelles et nécessaires.

La réponse de Kant, loin de résoudre la question, ne fait qu'en changer les termes. Après la réponse de Kant, de nouveau la question se pose comment comprendre la coopération entre les synthèses a priori de l'aperception pure et les synthèses passagères de la conscience psychologique? Par quoi passe-t-on des unes aux autres?

Cette question, qui reste ouverte dans la philosophie de Kant, attire notre attention sur un problème plus grave encore, à savoir sur le problème de l'unité de l'aperception elle-même. Quels sont t les caractères de cette unité d'aperception et sur quoi se fonde Kant pour les affirmer? Avec ce problème on touche au centre même de la philosophie kantienne, et c'est là aussi, à notre avis, qu'on trouve l'origine de l'insuffisance de cette philosophie. Pour distinguer l'unité synthétique d'aperception des associations passagères qui s'établissent entre les impressions venues des sens, Kant n'a qu'un seul argument appuyé sur des faits l'identité de la conscience du moi, c'est-à-dire l'identité de la conscience de soi. Ce fait, affirme Kant, ne peut pas s'expliquer comme un produit des sens; au contraire, il se présente comme opposé à la variabilité des sens, il est, par conséquent, dû à l'acte de spontanéité de notre propre conscience. Là se trouve l'affirmation fonda-


mentale de lout le système. Or j.çelukqui accorde l'affirmation que l'identité du moi sort la" spontanéité conscience^ est disposé à accorder aussi tout le1- Teste -des théories kantiennes. Car de l'identité du moi on passe insensiblement-a, l'identité numérique des moments de la succession des faits: de- conscience; de même que de celle-ci on passe à la notion îde^conditibn nécessaire de toute expérience, et de celle-ci à, la nation .de règle absolue, qui elle-même conduit à la notion de loi; de sorte que de l'identité du moi on arrive graduellement à l'affirmaJipjL de la loi d'après laquelle le contenu de la conscience s'organise en synthèses nécessaires el universelles. L'identité du mx>i entraîne- après elle lé fait de postuler le déterminisme; "scientifique comme une condition nécessaire pour toute l'expérience. Mais, par là, on accorde aussi toute la théorie de l'apriorisme kantien. De l'identité du moi ou de la conscience de soi, découlenOss fftnc.ti0.n3 de la leoriscience en général. Une conscience qui-n'aurait pas des intuitions et des idées. a priori, ne saurait avoir non plus d'identité avec elle-même; d'où il suit que parmi les fonctions de là conscience il doit y avoir aussi des fonctions de nature a^norï, qui, en se liant avec la conscience de l'identité de soi, lie en; même temps :aussir en synthèses universelles et nécessaires, les donneè.sLdeJlexpérience.

Tout. s'enchaîne ainsi. logiquement, si l'on .accorde, l'identité du moi ou de la conscience de; soi, comme un fait qui ne résulté pas et qui ne peut pas résulter, de la simple jonction empirique des impressions venues des /sens. S'il est vrai qu'il .existe, dans notre conscience une pareille identité" du moi et s'il est vrai que cette identité conditionne notrerèxpéMence tout entière, alors la conclusion de Kant est légitime ? ne pouvant pas nous expliquer cette identité comme venue des sens, il faut, nous l'expliquer par lés. fonctions a priori de la 'Conscience^ `

Mais existe-t-il une identité; vraiment telle- que Kant la conçoit? Entendons-nous L'identité postulée par Kant n'est pas la ressemblance empirique, mais "c'est l'identité; mathématique, ou: numérique, comme il disait. Là ressemblance, enipirique ne saurait être. remplacée par des règles et par dés- Ibis, et c'est justement cela que demande Kant. L'identité: postulée par lui est un rapport. mathématique qui peut être; remplacé par une loi;. elle est, en un mot, une parfaite fonction mathématique. S'il en est ainsi, laïquestion se pose alors maintenant, dans les termes suivants Qu'est-ce


qui autorise Kant à affirmer que l'identité, constatée par nous dans notre conscience subjective, est la même que l'identité numérique ou abstraite postulée par les mathématiques? Par quelle raison, l'identité qui jaillit de la spontanéité de notre conscience, perd-elle tout à fait ses caractères de fait psychologique et se transforme-t-elle en un fait à caractères transcendantaux de logique pure?

Pour Kant, il va de soi, que l'identité, qui peut être constatée par l'introspection, est la même que l'identité numérique postulée par les Mathématiques. Mais ce saut de l'identité psychologique à l'identité numérique n'est justifié par rien. Un philosophe contemporain pourrait lui faire de nombreuses objections. En premier lieu s'opposent à ce saut les vérités de la psychologie expérimentale, qui contredisent de la façon la plus catégorique l'existence d'une telle identité dans la conscience humaine. L'identité de la succession des états de conscience, que nous constatons par l'introspection, est, selon la psychologie d'aujourd'hui, de même nature que l'identité de nos actes physiologiques. La conscience d'un homme semble rester identique à elle-même au cours du temps, tout comme le corps humain semble rester toujours identique à lui-même; or, en réalité, la conscience et le corps ne restent pas identiques à eux-mêmes, mais ils se modifient continuellement et souvent même, radicalement. Kant a pris une identité relative pour une identité absolue et, par là, il a sauvé son système philosophique. Si l'identité de la conscience constatée par l'introspection n'est pas la même que l'identité postulée par les Mathématiques, et c'est l'opinion de presque tous les hommes de science d'aujourd'hui, alors l'insuffisance de la philosophie kantienne devient claire pour. tout le monde. La distinction entre les fonctions de l'aperception pure et les fonctions des sens, -distinction dont Kant faisait un si grand cas, ne peut donc plus se soutenir. La théorie de l'aperception pure et la théorie des unités synthétiques a priori, perdent leur principal appui qui consiste justement dans l'identité du moi. Dès que cette dernière identité est une identité relative, c'est-à-dire empirique, tout comme l'identité apparente du corps, il n'y a plus de raison pour donner à l'aperception un rôle à part dans l'organisation des états de conscience. Alors l'organisation des impressions, venues des sens, ne se réalise pas au moyen d'une fonction spéciale, celle de l'unité synthétique a priori, mais


elle se réalise au moyen, des_. fonctions Jiajùtijejlés 4e rame,, fonctions qui étendent leurs racines jusque dans la vie organique de ce corps à l'unité duquel ressemble -aussi. l'unité de la conscience'. En d'autres termes, avec la négation, de l'identité du rnoi,. s'ébranle aussi la théorie de l'unité synthétique a priori,la,Àhé,oxie:.cenlïa.leAu système kantien tout entier. '“ -• .&̃- ;• '̃'• Une autre question est de savoir, si l'identité du moi, telle .qu'elle sub^ste, c'est-à-dire dépôurvue~deïTcarac.£ères supposés parKant, est encore une base suffisanle'pour'sautenir une philosophie idéaliste. Cette question n'est pas résolue par la critique faite, à la philosophie de Kant. On peut y répondre affirmativement, ainsi que nous l'avons fait autre part'. '-̃•

Mais la philosophie idéaliste: qui pourrait se soutenir parl'idenlité psychologique du moi, n'egt pas la philosophie de Kant. L'originalité de celui-ci consiste précisément dans son éloignem.ent S. l'égard de toute contingence psychologique, pour, se maintenir exclusivement dans les hauteurs. de Pâpriorîsme transcenxlantal. l'idéalisme de Kant est un idéalisme transcendantal ej,. non pas psychologique. Nous sommes maintenant arrivés' à soir en quoi consiste la discordance qui est à la base de laphilosophie de Kant, discordance dontnous parlions plus haut. Dans. IMhéarie de l'aperception, théorie centrale de tout le système kantien, sont unis deux éléments d'origine tout à fait différente., Kànt attribue à .raperception., d'une part la spontanéité; c'estrà-dire qu'il-.fait de l'aperception une fonction organique, et d'autre part l'identité numérique qui est un postulat des Mathématiques. L'unité de l'aperception .est ainsi définie par deux moments qui se 'Contredisent elle est en :inême temps une unité organique réelle] et une unité abstraite,; mathématique elle est l'unité de la conscience individuelle eteri. même temps l'unité idéale de la conscience en'général, telle, par exemple, que la conscience divine postulée :par Newton pour fonderson, systèmede Mécanique universelle. Lorsqil',elle a à expliquer la coop.ération de l'apriorisme à l'organisation des impressions. venues. dès sens, alors la philosophie kantienne recourt à la parenté qu'il y, a entre l'unité de l'aperception et les-autres genres d'unités.'qiie préparent les fonctions purement psychologiques, la .fonction de l'imagination cri premier lieu, et dans ce cas l'aperception se trouve inhérente. 1. Voir 111° partie dans Elemeniede Metafizica (édition roumaine, Bucarest, d 912).-


à la conscience réelle individuelle; mais lorsqu'elle a à expliquer la nature objective de l'apriorisme, c'est-à-dire le fait que les règles déduites de l'unité de l'aperception sont les seules règles possibles de l'expérience humaine, alors la philosophie de Kant recourt à l'identité numérique abstraite, et dans ce cas l'aperception s'élève au-dessus de la réalité individuelle pour se confondre avec les postulats mathématiques mêmes. Par conséquent, dans l'unité de l'aperception il y a en fait deux unités une unité de la conscience individuelle qui se fonde sur l'identité supposée du moi psychologique, une unité des postulats de la Logique abstraite qui se fonde sur l'identité numérique d'une conscience surindividuelle, c'est-à-dire d'une conscience en général (Bewustsein UbeFhaupl). Ces deux unités, chacune étant d'une origine différente et fondée sur une systématisation différente, Kant les cimente ensemble à l'aide de la nouvelle perspective, sa géniale découverte de la conscience créatrice de la réalité. La nouvelle perspective impose le rapprochement des deux unités, mais seulement le rapprochement et non pas la fusion. Et c'est pourquoi Kant ne se décide à donner la priorité à aucune d'elles, mais les laisse coexister parallèlement. La fonction de l'aperception chez lui est tantôt psychologique tantôt purement logique; elle se trouve aussi bien dans le contenu de la conscience individuelle que dans la forme qui s'élève au-dessus de cette conscience; elle est en même temps subjective et objective. Et c'est même le motif pour lequel Kant baptise sa philosophie du nom de criticisme. Il a voulu indiquer par là que son idéalisme est immanent à la conscience humaine individuelle et que cependant elle se trouve aussi au delà de cette conscience; que c'est un idéalisme-limite entre deux sortes de conscience.

Après avoir éclairci la discordance fondamentale de la philosophie de Kant, il nous sera facile de comprendre pourquoi cette philosophie a donné naissance à des courants philosophiques dont les uns sont opposés même jusqu'à l'exagération. La cause en est dans le genre même de la constitution de cette philosophie. Dès que l'adepte de cette philosophie ne tient plus le juste équilibre entre l'unité psychologique de la conscience individuelle et l'unité logique de la conscience en général, se produit un penchant soit vers l'associationisme psychologique de la philosophie de Locke, de Berkeley et de Hume, soit vers le rationalisme d'un Descartes, d'un


Spinoza ou d'un Leibniz. Aecorde-t-on plus de prix à l'unité psychologique de la conscience?Alorson.donne raison aux associâtionistes. Accorde-t-on, au contraire, plus de prix à, runitéjiôgiq'ue .de la conscience en général? Alors on donne raison aux rationalistes. Et en y ajoutant la perspective du kantisme, non seulement on. donne raison aux uns et aux autres, mais on exagère encore les tendances que chacun d'eux' ont séparémeritrL'idéê d'une apercepiion spontanée et unificatrice d'expérience, "est justement ce qui manque à l'associationisme pour se. transformer, eji,romantismeet;en pragmatisme. Enrichis de cette idée, ces derniers peuvent se -dire les jugements de la science sbnt'des synthèses de la conscience individuelle créées selon les intérêts1 internes de cette conscience. A la base des synthèses de Fapereeption se trouvent,, –, comme Kant l'admettait aussi à un certain égard/-– les synthèses de l'imagination par conséquent, la science est conventionnelle^ D'autre part, l'idée d'une aperception:qui s'identifie avec les formes ou. les lois objectives de l'expérience, ^r et qui, de même, se trouvent, dans la philosophie de Kant, est précisément ce. qui manquait à l'ancien rationalisme pour se transformer en tin pànlogisme. Conformément à cette idée, toutes les associations entre nos :états de conscience sont déterminées par le schématisme' a priori, et celui-ci; à son tour, est réglé comme une opération mathématique parte qu'il est basé sur l'identité numérique môme des Mathématiques. La philosophie kantienne- a donc- encouragé les courants philosophiques les plus contradictoires", parcerqûe dans son sein se trouvaient, ainsi que nous, l'avons dit, des éléments contradictoires. Les deux exagérations 'mentionnées, plus haut en sont le type. -/̃̃-

4. Les néo-kantiens, c'est-à-dire. les philosophes qui, de nos jours, s'appuient encore sur le système kàntienj ont, à suite précisément de la constatation de cette exagération, un argument d'autant plus fort pour conseiller l'étude^ de .la: philosophie de Kant. Voyez, disent-ils, à quelle exagération peut conduire cette philosophie si elle n'est pas bien étudiée! Celui4à" seulement qui comprend bien Kant peut être à l'abri dupanpsychologLsme ou du panlogisme. Kant a eu plus que tout 'autre connaissance du danger qu'il y avait pour la philosophie ;*à adopter.J'un ou l'autre de ces deux courants, et c'est pourquoiil ne perd pas l';occàsion d'attirer l'attention sur l'originalité de son point de vue. Kant .veut rester au-


dessus tant du psychologisme que du rationalisme; sa solution consiste justement à adopter le point de vue transcendantal. Certes, il a raison dans une certaine mesure. Kant ne perd jamais de vue la dityérence qu'il y a entre la nature psychologique et la nature logique de la pensée. Dans la Kritik der reinen Vernunft (Critique de la Raison pure), que nous avons spécialement en vue, il y a beaucoup de passages où l'on nous parle de cette différence. Nous y sommes toujours prévenus de ne pas confondre les conditions objectives de l'expérience avec ses conditions subjectives, de ne pas entendre la nécessité d'une forme a priori comme une nécessité subjective. Car, dit-il, dans un de ces passages « la notion de la cause, qui exprime la nécessité d'un effet, sous une cerlaine condition, serait fausse si elle consistait uniquement dans une certaine nécessité subjective qui, implantée dans notre âme, ferait que certaines représentations empiriques se liententre elles d'après la règle de cette dépendance. Alors je ne pourrais pas dire que l'effet et la cause sont unis en objet (c'est-à-dire objectivement), mais seulement que moi je suis constitué de telle sorte que je ne peux me les figurer que comme réunis. Mais ce serait, précisément, ce que désire aussi le sceptique, car alors toutes les connaissances, malgré leur valeur objective, ne se référeraient qu'à des apparences subjectives et, dans ce cas, les sceptiques mêmes avoueront qu'eux aussi sentent en eux de pareilles contraintes subjectives. Comment discuter avec quelqu'un de l'existence d'une chose qui dépend du genre de son organisation subjective? »

On voit clairement par cette citation que la distinction entre le fait psychologique de l'évidence et la dépendance logique objective était bien connue de Kant. Beaucoup d'autres passages vont dans ce sens. Kant insiste partout sur la différence entre le moi subjectif, le moi de la conscience, et le moi formel, condition de l'expérience objective; entre les synthèses empiriques des représentations et les synthèses de l'entendement pur; entre la psychologie et la théorie de la connaissance pure, etc. Mais, malgré cette distinction que Kant fait partout, son système n'est pas à l'abri de la critique, car Kant ne se contente pas d'en constater la différence, mais il veut unifier les deux côtés divers du problème, montrer comment la psychologie et la théorie de la connaissance pure trouvent leur unité dans l'idéalisme transcendantal. Ce à quoi il vise, c'est juste- ment de trouver une synthèse supérieure qui concilie les données


766 REVUE DE,- MÉTAPHYSIQUE ET DE ^lORALE. de la psychologie avec les. postulats delà science exacte. Mai -{. L.Lt.: .Il. T ):;¡~1:i-

de la psychologie avec les postulats delà science exacte. Mais il n'a pas réussi à trouver ̃ cette, synthèse. L'idéalisme transcendantal laisse subsister encore lacontradiciion^eiitrele point de' vuepsychologique et le point de vue formel, logique et il n'en réalise, qu'une, unification artificielle. Âu;,ipndje^tra_nseendantalisme.he:fait qua- satisfaire le désir de passer avec: facilité d'un point de vue à unj autre, mais il ne constitue^ pas une synthèse définitive, car: les diffé^ renées fondamentales, que Kântlui-même connaît, demeurent encore; après lui, bien qu'habilement. enveloppées. La véritable synthèse; définitive poursuivie par Kant,' aurait embrasser dans toute sa totalité le problème de;la connaissance, c'est-à-dire qu'elle auraii dû nous expliquer comment sonf "possibles les vérités nécessaires. et universelles dans unerconsciénce humaine individuelle? Ou, en d'autres termes, comment ,jme conscience individuelle i constituée par des éléments empiriques et par- conséquent changeants, ̃• tirrioe-t-elle à avoir des synthèses en ayant le car actars' de vérité uni-, vers,elle et, nécessaire? •̃:“ ̃"̃:

Kant ne se pose jamais"dans son e,ntier celte question, mais toutjours d'une façon tronquée. Il sedemande seulement: Comment sont: possibles les vérités nécessair,es\et universelles dans une conscience; en général, laissant à entendre que le passage de la: conscience en général à une conscience individuelle 'résulte de soi! La conscience. en général, peut être définie de. diverse^ manières. Elle peut être identifiée avec la conscience divine et alors elle comprend dans sa' définition des éléments idéaux et.peu, contrôlables. Elle peut.ensuite être identifiée avec la conscience. humaine absolument normale, ou avec la conscience du génie, si le génie est' conçu comme l'exemplaire le plus parfait de l'humanité et,dâns ce,cas, il entre; dans sa, définition les mêmes éléments que dans. celles du génie L Elle peut encore être identifiée avec:la conscience des peuples ou avec la soi- disant conscience sociale,, et alors',ir.entre: dans sa définition les; mêmes éléments que dans;celle de la conscience sociale. Enfin, elle peut encore être identifiée avec, la vie en.généfal) et alors il entre. dans sa définition les mêmes éléments que dans celle de la vie! Quelle est et en quoi consiste,Vdonc,' la conscience en général? Kant ne s'exprime jamais clairementsur cette question. Mais, à en juger par la définition qu'il donne de râperception, il est probable qu'il a eu surtout en vue la conscience du génie défini comme le. type parfait de la conscience1 humaine normale. C'est ainsi qu'on;


s'explique pourquoi Kant a fait consister la fonction centrale de la conscience en général dans les fonctions de l'aperception, spontanéité et unité, et pourquoi il a pensé que la fonction de l'imaginalion était une fonction préparatoire de l'aperception. Si à ces trois fonctions Kant avait encore ajouté l'harmonie, alors on aurait eu à peu près complète la définition que, de son temps, on donnait du génie-. Mais Kant n'a jamais fait d'une manière précise l'identification de la conscience en général avec la conscience du génie; au contraire, il s'est toujours tenu sur les hauteurs du transcendantalisme. Par cette réserve, il s'est toujours mis à l'abri des critiques faites à ceux qui, après lui, ont identifié la conscience en général avec l'une des consciences énuméréesplus haut, mais en revanche il n'a pas répondu à la question en quoi consiste la conscience en général ? Comment s'opère le passage de la conscience en général conscience transcendantale, à la conscience humaine; car, en définitive, notre intérêt est de savoir comment s'élabore la vérité universelle et nécessaire dans cette dernière conscience et non pas dans la conscience en général Si l'on pense que le passage de la conscience en général à la conscience individuelle n'a pas besoin d'explication, alors, certes, la réponse est donnée; mais dans ce cas, quelle est la supériorité de Kant par rapport au dogmatisme religieux, du moment que Kant aussi se borne a faire appel à la vieille croyance en une conscience sur-humaine? Le grand problème, qui se pose encore dans la philosophie européenne depuis John Locke, est de savoir comment la conscience individuelle humaine arrive à établir des vérités éternelles, et non pas comment la conscience sur-humaine arrive à de pareilles vérités; car la dernière possibilité était depuis longtemps déjà admise. Le but que poursuivaient les philosophes modernes, consistait justement dans la suppression de l'abîme entre la conscience humaine et la conscience sur-humaine, abîme qu'avant on pouvait franchir au moyen de la révélation c'est-à-dire faire régner la conscience humaine comme souveraine dans le domaine de la connaissance. Kant a, certes, beaucoup contribué par sa philosophie àatteindre ce but; il nous a même rapprochés de la réussite, mais sa solution est encore loin d'être le dernier mot de la philosophie dans cette direction. Son grand mérite est d'avoir tellement rapproché les deux genres de conscience que le passage de l'une à l'autre paraît naturel. Il a trouvé dans l'unité synthétique de l'aperception, qui, d'une part, est liée à la llEV. META. T. XXI (D« 6-1913). SI


conscience humaine individuelle mais j-.qui,- d'autre part est à l'abri de l'empirisme de cellevci, un: point. solide grâce auquel on peut; comme un nouveau Copernic, affirmer que ce n'est pas :1a conscience qui tourne autour de l'expërience^des^sens, externes, mais .que c'est l'expérience qui tourné autour de l'unité; et la spontanéité de la conscience humaine. Ha a ouvert ainsi une nouvelle -perspective, du haut de laquelle on peut apercevoir de nouveaux horizons. Sans en donner la solution: définitive, Kant a facilité la voie pour la trouver. Mais tout en cherchant cette -'solution; définitive on a, naturellement, fait beaucoup d'autres tentatives. Aujourd'hui nous nous trouvons encore dans. la période de ces, essais- nous tentons encore une réponse aux nombreuses et difficiles questions qui Jaillissent .t de la nouvelle perspective 'introduite par Rant. ̃

A l'origine de la science^– disions-nous au commencement de. cet article, se trouve: le'fait psychologique- C'est là la vérité dont part la philosophie contemporaine. Mais comment se concilie le fait individuel et passager avec réterjaité:de. la scjence?

Nous venons de voir, ,1a réponse insuffisante dei.Kant. Ecoutons maintenant les philosophes postérieurs à J£an,tj c'est-à-dire, ceux qui, ayant aperçu l'insuffisance -de la réponse de Kant, ont une réponse plus satisfaisante,' '.̃'̃ ̃̃l

5. Une grande partie de. cës; philosophes ressuscitenUe, courant de l'ancienne philosophie associationiste .anglaise, et répondent, ainsi que nous l'avons vu, par-, l'exagération des pragmatistes. Les jugements scientifiques, disent ceux-ci, -rr- ne diffèrent en rien des autres associations qui se produisent dans l'esprit, kumain,, sauf par la force que leur donne.la confirmation répétée de l'expérience. Les jugements scientifiques sont, des associations. vérifiées et consacrées par la pratique de la vie,, -tandis, que les autres associations, psychologiques ou empiriques, .sont des associations contredites par la pratique. La différence entre la vérité et l'erreur est donnée par le succès pratique.: (D'où la dénomination de «pragmatisme » qui vient du mot gree-.«:pragma», action pratique.) La science réunit les associations raffermies. par la pratique. C'est pourquoi lesassociations acceptées comme vérités scientifiques contribuent à l'adaptation de l'homme à la vie, car ce sont des associations commodes pour la vie. De sorte que la vérité n'est que l'expression d'une formule commode; à la pratique de la vie,- c'est-à-dire une


convention utile. Un sceptique de l'école de Hume n'aurait pas conclu autrement.

L'origine de la science consiste, donc, pour ces philosophes, dans la conscience individuelle, à savoir dans la conscience individuelle telle qu'elle apparaît dans l'expérience psychologique, c'est-à-dire dans les limites de la subjectivité.

Un autre groupe de philosophes explique l'origine de la science d'une façon justement contraire. Ceux-ci ressuscitent le courant rationaliste antérieur à Kant, contestent complètement le rôle de la conscience psychologique individuelle dans la formation de la science et trouvent l'origine de celle-ci exclusivement dans les opérations de la Logique abstraite. Or, comment se lient les opérations de la Logique abstraite aux fonctions psychologiques de la pensée? Ces philosophes veulent ignorer une semblable question et croient même qu'il n'est pas nécessaire de s'en occuper-. La science de la Psychologie, et par conséquent la science de la conscience individuelle, disent-ils, est une science qui se fonde sur la Logique, qui est postérieure à la Logique et qui est donc inutile pour l'explication de l'origine de la science. La Logique toute seule est suffisante. Pour connaître les lois de la Logique, il n'est pas indispensable de connaître d'abord la Psychologie. En fait, c'est ce qui s'est passé; la Logique a existé avant la Psychologie. Par conséquent, l'origine de la science doit être cherchée au delà de la conscience humaine individuelle, à savoir dans une raison absolue et universelle, qui plane au-dessus de la conscience humaine actuelle. La théorie de ces philosophes n'est pas non plus satisfaisante; elle l'est, peut-être, moins même que celle des pragmatistes! Les pragmatistes ne peuvent pas expliquer d'où vient l'objectivité de la science, c'est-à-dire le fait que la science, -bien que constituée par des états subjectifs, ainsi que l'affirme leur théorie, régit-cependant les rapports entre les choses de la nature extérieure et rend compte de la prévision. Les pragmatistes, en particulier, ne peuvent pas expliquer la nature des vérités mathématiques; mais les rationalistes intransigeants ne peuvent pas expliquer quelque chose de plus élémentaire encore; ils ne peuvent pas expliquer l'évolution de la science et l'existence de l'erreur à côté de la vérité; ils ne peuvent pas, avant tout, expliquer pourquoi la science n'est pas, dès le commencement, absolument parfaite! Car, si la .science ne dépend point du tout de la psychologie de l'humanité, mais est le produit


d'une raison universelle, toujours.: identique à ;ellè-même, alors pourquoi constatons-nous historiquement tant de; variétés' dans les points de vue des méthodes scientifiques et dans les postulats mêmes de la science? La science devrait être parfaite dès le commencement; ainsi que les dogmatiques des religions, prétendent qu'est toute religion. Si la science est soumise à; des changements et même à des égarements, c'est un;e_ preuve "que "son origine consiste dans une conscience qui ressemble. à. celle .de l'homme. Les. rationa- listes, pour rester conséquents avec eux-mêmes, doivent ou bien ° renoncer à la théorie de la raison absolue, ou bien contester le fait que la science peut se perfectionner -avec le temps. C'est ainsi que font les dogmatiques religieux /pour être, conséquents avec euxmêmes. Ceux-ci contestent que les dogmes d'une, religion, soient perfectibles, car du moment qu'ils ne sont pas parfaits dès le commencement, alors la croyance; dans, la raison de Celui qui les a révélés est ébranlée. Tout ce' qui est, perfectible, est aussi soumis à l'erreur, et a son origine dans quelque chose d'imparfait. La science, jaillie de la raison pure, devrait donc rester invariablement la même! ̃ ̃;̃ .:̃̃̃̃̃̃-̃: -̃̃̃ Par conséquent, la pMlosophie des prâgmatistes, aussi bien que la__ philosophie des rationalistes.intransigeants n'a pas une réponse Y satisfaisante au problème, de: la;sci.ence. L'une et l'autre sont égale-:ment unilatérales. Kant avait. d'ailleurs vu cela le premier.

La réponse au problème de la. science ne: peut, venir que de la philosophie qui saura unir les caractères, subjectifs de la conscience individuelle aux caractères d'ûûS réalité persistant dans* tous les temps, c'est-à-dire d'une. philosophie qui expliquera pourquoi la science est à la fois un produit historique et un produit d'une valeur éternelle. Or, comme Kant aussi s'était proposé de donner une pareille réponse, –^ ce qu'il a d'ailleurs fait d'une manière insuffisante ainsi que nous l'avons vu, on peut dire que la philosophie qui apportera une réponse 'satisfaisante au.problème en question sera en même temps un perfectionnement de la philosophie kantienne. ̃• ?'• ̃• ̃

Nombreux sont ceux qui ontessayé dé. produire une telle philosophie. Il y a plus d'un siècle _que les penseurs de l'Europe (et depuis peu ceux .l'Amérique aussi) ne font que renverser et renouveler de toutes façons" les termes du problème, qu'ils se tourmentent pour trouver. comment mettre à contribution, toutes les


RADULESCU-MOTRU. LE CONSCIENCE TRA.NSCENDANTALE. 771 connaissances nouvelles afin de former un système qui soit plus

connaissances nouvelles afin de former un système qui soit plus durable que l'idéalisme transcendantal de Kant. Seulement ceux qui perdent tout à fait l'espérance de trouver une réponse satisfaisante, ce sont les adeptes de la philosophie pragmatiste et de la philosophie rationaliste qui, au fond, représentent, dans le mouvement philosophique d'aujourd'hui, les courants d'une philosophie antérieure à Kant. La philosophie de l'avenir doit être cherchée parmi les tentatives des philosophes qui tiennent compte du problème complet de la science, par conséquent parmi les continuateurs de Kant.

De ces tentatives les plus importantes sont

6. a) La tentative de trouver le substratum objectif de la conscience individuelle dans le substratum biologique du cerveau ou du système nerveux. La subjectivité de la conscience humaine est variable, mais la statique et la dynamique du système nerveux sont invariables. L'apriorisme de Kant est dû à la morphologie' et à la physiologie de la matière nerveuse.

Cette modification de la philosophie de Kant est proposée surtout par des physiologues et par des biologistes. Johannes Mûller (1826) a été, peut-être, le premier qui l'a soupçonnée. Friedrich Albert Lange (1866) l'a considérée comme une victoire de la philosophie kantienne sur la philosophie matérialiste et, en conséquence, l'a propagée A la suite de ces deux philosophes, le nombre de ses adeptes est assez grand de nos jours.

b) La philosophie de Richard Avenarius peut être considérée comme une continuation, mais plus solide, de cette tentative. Celui-ci remplace l'unité synthétique de l'aperception, fonction qui chez Kant conditionne l'objectivité de la connaissance, par le système nerveux central, qu'il appelle Système C, et il explique ensuite les différentes connaissances scientifiques par les variations et les constances qui se produisent dans les séries vitales de ce Système C. Dans la philosophie d'Avenarius la condition fondamentale de la connaissance objective consiste non pas dans l'identité formelle du moi pensant, ainsi que nous avons vu qu'elle consistait chez Kant, mais dans la conservation vitale de l'organisme au moyen du Système C. La vérité scientifique n'a pas une base a priori, mais elle n'est pas non plus une simple convention, 1. Fr.-A. Lange, Geschichle des Materialismus und Kritik seiner Bedeulung in der Gegenwarl, zweites Buch.


comme le croient les pragmatistes.– pour le motifque la conservation de la vie aussi ne peut être acquise par une simple.conventionj Le développement de laviëJëstàlabase/duÀêveloppement scientir fique. L'objectivité de la première-: attire: à sa suite l'objectivité. de laseconde1. ̃ ̃ 'ïv-l.v- •; ;Y ̃• Dans la direction d'Avenarius .se ..trouve aussi Ernest Mach. La philosophie de ce dernier est plus répandue encore..parce qu'elle. est écrite dans un style clair ekqu'elle. est; riche .en données scieiïr tifiques 2. -i'±~ /•̃' ̃̃"̃'̃•̃,̃̃̃

7. c) Mais tandis qu'Avenarius .et .Mach se maintiennent dans les limites de la Biologie scientifique, quelques autres philosophes dépassent ces bornes et essaientde trouver l'objectivité nécessaire de la vérité dans la métaphysique delà vie ou dans les spéculations qui dépassent Jes limites- dé;-la, science: biologique. Parmi, les plus importants de ces philosophes -peuvent. êtr.e considérés le philo* sophe allemand Friedrich Nietzsche -et le. philosophe-, -français Henri Bergson. Mais là voie, dans cette; direction leur a été ouverte par Arthur Schopenhauer. ̃ .̃"̃̃̃

Arthur Schopenhauer a été^je^pr.ernier qui a rait dépendce l'organisation de la connaissance -:de l'organisation de la vie; le premier qui a ainsi donné de la philosophie de Kant une: interprétation largement biologiqae.: :̃̃ ̃̃

Kant s'était arrêté à l'unité synthétique -et ajpriovi de-Paperception dont découlaient ensuite tputgs'des^fbrmes- et les idées a priori, de l'intelligence humaine, sans ^plùs se demander sur quel support était assise cette aperception. Mais Schopenhauer, profitant d'une indication, fournie par Kant à savoir -que: l'intuitioû: du temps conditionne "tous les i -faits' internes de, l'âme, trouve que sous les fonctions .intellectuelles-il y a, .comme- support vital, la volonté. La volonté n'a- besoin pour se manifester que de l'intuition du temps; elle, est, donc;le faifLe plusiatime de l'âme, elle est le fil dont se. tisse la, continuité ̃? du moi. Une fois trouvé le rôle de la volonté dans le :co;m plexus de l'âme, la liaison. entre les. l'onctions psychologtqa;es- et les fonctions logiques 'de là connaissance, liaison que Kant n'a: jamais pu expliquer,,–: est expliquée d'une manière satisfaisante par". Sdhop'enhauer.. A la base delà; 4. Richard A\> ^enarius, .Kriti/c der reinen :Mïfahrung Leipzig,. 1888.

2. Ernest Mach, BeUvage.. zur ̃.Analyse < def-Empfindungen; Iena, 18&6 Eiitenntnis und Irrthum, 1909. :̃̃-̃


conscience se trouve, comme une force organisatrice, la volonté. Possédant la volonté, il n'y a plus besoin ni de la fonction de l'appréhension ni de celle de l'imagination; la volonté donne à la conscience sa première unité sur laquelle aura à se greffer l'unité logique si nécessaire à la science. Ainsi Schopenhauer apporte un premier complément à la philosophie de Kant. Mais la volonté elle-même, qu'est-elle? Une simple fonction de l'âme individuelle? Non, dit Schopenhauer. Elle est la vie même. Ce qui meut la nature en la faisant se diviser en nature morte et en nature vivante, c'est l'impulsion vers la vie, c'est la volonté. La volonté est la force intérieure qui crée la forme et la dynamique des êtres vivants; elle est l'instinct qui domine et dirige la conscience. C'est le second complément apporté à la philosophie de Kant.

Par ce complément, la métaphysique de l'apriorisme kantien passe dans la sphère de la métaphysique biologique et se rapproche beaucoup de la métaphysique du vitalisme.

Cette dernière métaphysique a été, dans les derniers temps, toujours bien représentée parmi les penseurs européens. Elle avait t aussi des racines profondes dans la tradition de la science. Sa tendance fondamentale a toujours été d'opposer au mécanisme de la nature une force vitale, une force qui ne s'explique pas par la simple réunion des éléments matériels, la tendance d'opposer la vie à la matière. Schopenhauer emprunte beaucoup à cette métaphysique, bien que chez lui la discussion reste toujours sur le terrain de la philosophie de Kant. Son grand mérite a spécialement été de remplacer la force vitale du vitalisme par la volonté qui est une fonction plus rapprochée de l'analyse des méthodes scientifiques.

d) Friedrich Nietzsche donne une caractéristique plus concrète encore à la volonté de Schopenhauer. Pour Nietzsche le support de la connaissance consiste dans la volonté de puissance Wille zur Macht. Cette volonté de puissance se différencie selon les races, de sorte qu'à la base du développement de la science se trouve la biologie des races. Une race noble et saine donne à la science une direction différente de celle que peut donner une race inférieure et dégénérée. L'objectivité de la science consiste, par conséquent, dans la qualité du sang. Selon Nietzsche, le progrès de la science moderne contredit, à bien des égards, l'élan de la volonté vers la puissance. Le but ultime de la vie, et par là le but ultime de toute culture, est


la création d'un type humain, supérieur au type existant,-c'est la création du Sur-homme~ •̃

e) M. Henri Bergson revient de:nouveau h Kant pour le compléter par une autre interprétation biologique. Selon lui, le dernier support de la connaissance ne consiste ni dans la volonté universelle de Schopenhauer ni dans la volonté de puissance ou dans la biologie des races de Nietzschey mais .dans Té/an vital. Et en quoi consiste l'élan vital? Dans une continuelle évolution créatrice, dans une exigence continuelle de créer quelque chose de nouveau. « La vie tout entière, animale et végétale, -dans ce qu'elle"" d'essentiel, apparaît comme un effort pour accumuler de l'énergie et pour la lâcher ensuite dans des canaux flexibles, déformables, à l'extrérmité desquels elle accomplira des travaux infiniment variés 2 ». Notre conscience, dit ensuite M. Bergson, ne se restreint pas à, son fond immédiat, qui n'est autre que-le développement continuel des états subjectifs, mais.eUe organise et unifie ces étals d'après ses intérêts pratiques. « Matière et" esprit, la réalité nous est apparue comme un perpétuel devenir. Ella_se fait ou ̃elle se défait, mais elle n'est jamais quelque chose -de fait. Telle est, L'intuition que nous avons de l'esprit quand nous écartons le voile qui s'interpose entre, notre conscience et nbus::Vbilà /aussi, ce que l'intelligence et les sens eux-mêmes nous montreraient de,:la matière, s'ils en obtenaien une représentation immédiate et désintéressée.. Mais préoccupée avant* tout des nécessités de l'action," l'intelligence, comme les sens, se borne à prendre de loin en loin sur ledëvenir delà matière; des vues instantanées et, par là nïBme, immobiles. La conscience se réglant à- son tour sur l'intelligence, regarde-de la vie intérieure ce qui est déjà fait, et ne la sent que confusément se faire ». Nous voyons du torrent de la réalité seulement des états .isolés, -que nous réunissons ensuite, comme dans un cinématographe, en des unités stables. La réunion s'opère d'après.les intérêlsldeja vie pratique.

Si nous examinons de plus près la conception de l'élan vital de la physiologie de M. Bergson^ nous trouvons que cette conception présente beaucoup de points de contact avec la conception de la volonté de Schopenhauer et qu'elle: a, avec celle-ci, son origine- au sein 1. Fr.-W. Nietzsche's, Werlce (dans- plusieurs éditions), JN'aumann, Verlag, Leipzig. •̃"̃ v^r r ̃̃_̃

2. H. Bergson, L'Evolution créatrice, Paris, Alcan, 1907, p. 27S-276.

3. Il. Bergson, ouvrage cité, p. 29S;


même de la philosophie de Kant. Les deux conceptions partent de cette théorie de Kant, que c'est dans l'intuition du temps qu'a lieu l'acte le plus élémentaire de la synthèse, produit par la conscience humaine. Nous ne pouvons pas, dit Kant, nous représenter la plus élémentaire ligne dans l'espace, sans tracer dans notre esprit la ligne que nous voyons.; et nous ne pouvons pas produire une synthèse de l'àme sans qu'il y entre aussi l'activité dans le temps de notre moi. Le temps dans lequel se déroule l'activité de notre moi intellectuel, est, certes, différent du temps dans lequel se déroule le moi psychologique; mais entre l'un et l'autre reste, toutefois, quelque chose de commun qui constitue, comme dit Kant, une sorte de schème transcendantal. Sans ce schème, le passage des formes pures de l'entendement au contenu psychologique de la conscience et, par conséquent, l'organisation et l'objectivation de l'expérience par l'unité synthétique de l'aperception, ne seraient pas possibles.

Cette théorie de Kant qui se trouve exposée dans son système sous le titre Von dem schematismus der reinen Verslandesbegriffe a de tout temps été le point d'attraction pour les esprits métaphysiques. Kant lui-même l'entoure d'une atmosphère de mystère. Ce schématime, dit-il, est un art caché dans les profondeurs de L'âme humaine (ist eine verborgene Kunsl in den Tiefen der menschlichen Seele) que nous aurons de la peine à jamais expliquer Mais cet art caché, remplit un rôle très important. Sans lui l'expérience des sens ne pourrait pas se lier avec les formes a priori, c'est-à-dire que sans lui la vérité nécessaire et universelle ne saurait s'édifier. Le schématisme de Kant est, en fait, toute une métaphysique faite sur l'intuition du temps. Il contient en lui, en première ligne, une affirmation grosse de conséquences, que Kant n'essaie même pas de prouver, tant elle lui semble certaine, à savoir que c'est sur l'intuition du temps que se fonde le critérium ultime de l'évidence scientifique. Tous les concepts a priori de l'entendement sont déduits par Kant de l'analyse de l'intuition du temps; ils sont, en fin de compte, des déterminations apportées au temps. Ainsi, tour à tour l'idée de grandeur quantitative, le nombre en général, se fonde sur le schème de l'addition successive des unités de même espèce, schème qui est possible grâce seulement à l'intuition du temps la réalité et la néga1. Krilik der reinen Vernunft (Ed. Kehrbach), p. 115.


tion sont liées au schème de croissance et de la, décroissance de l'intensité dans le temps; la substance est la persistance' de quelque chose de réel qui remplit un temps; le schème de la causalité, c'est-à-dire la liaison a priori entre la cause et l'effet, est la ^règle de la succession dans le temps; .le sc'hème de la réciprocité et de la possibilité sont des déterminations du temps, en tant que les objets sont donnés en une fois ou enlïn -certain temps; le; -schéma de la; réalité est l'existence dans un temps déterminé; quant au. schème de la nécessité, c'est l'existencé en tout'temps. Les sehèmes ne sont donc V que des déterminations du- temps au point de vuej: de la série (de. la quantité), du contenu,~(âe la qualité), 'de l'ordre, (de la relation), et de totalité (de la modalité)1: :Vé. temps est la plus, primitive activité synthétique de. l'esprit humain, et c'est donc.surla base de ses déterminations qu'est assise toute la science humaine. Cette situation exceptionnelle du temps a^ > ainsi que nous le disions plus haut, attiré les .métaphysiciens et en- particulier Arthur Schopenhauer et .Henri Bergson. Tous deux ^conservent à l'intuition du temps le rôle de critérium- fondamental de:la connaissance de la réalité, rôle que d'intuition du temps avait- d'ailleurs dans la philosophie de Kâht, -–fit basés sur ce critérium' ils construisent ensuite leur propre métaphysique. Schopenhauer trouve -que la volonté est le phénomène fondamental de la conscience,.p"ârce"què la volonté, pour-être connue, n'a besoin que du temps, c'est-à-dire queNde la forme fondamentale de la conscience, tandis que tous les: autres phénomènes ont besoin du temps, de l'espace et de. la causalité. La- volonté. de -Schopenhauer n'est pas « la chose en soi .>> même, c'est-à-dire « ce. quelque chose » caché derrière les apparitions des_: choses, mais en tout cas, c'est l'extériorisation la plus primitive de « la ch,ose en soi », c'ést notre premier contact avec l'Inconnu.

M. Bergson est plus près encore -de'la métaphysique de Kant. Pour lui, tout comme pour Kant, la science humaine ne fait qu'exprimer les diverses^dèterminatfons du temps. Mais la science antique exprime ces déterîhinatiOffsd'ùne façon imprécise, 'globale, tandis que la science moderne cherche^ à exprimer ces: détermina-^1. « Die Schemate sind daher nichts als Zeitbestimmungenr a priori nach. Hegeln, und diese gehen nach der Ordnung der Kategorien auf die Zeitreihe, den Zeitinhalt, die Zeitordnung, endlioh: den Zeitenbegriff. in. Ansehung aller môglichen GegenstiLnde. » -̃̃̃̃̃̃ ̃


RADULESCU-MOTRU. LA CONSCIENCE TRASSCENDAXl'ALE. 777 tiens de la manière la plus précise. Entre la science antique et la

tions'de la manière la plus précise. Entre la science antique et la science moderne il y a le même rapport qu'entre la notation des phases d'un mouvement par l'œil et l'enregistrement beaucoup plus complet de ces phases par la photographie instantanée. C'est le même mécanisme cinématographique dans les deux cas, mais il atteint, dans le second, une précision qu'il ne peut pas avoir dans le premier. D'un galop d'un cheval, notre œil perçoit surtout une attitude caractéristique, une forme qui paraît rayonner sur toute une période de temps, c'est cette attitude que la sculpture a fixée sur les frises du Parthénon; tandis que la photographie instantanée, divisant le galop en une multitude de moments, en saisit une multitude d'attitudes successives qui, en se réunissant après, reconstituent une image précise du mouvement du cheval. La science moderne, dit en définitive M. Bergson, peut se définir par son aspiration à prendre le temps pour variable indépendante à laquelle se rapportent tous les autres phénomènes de la nature'.

Kant lui-même, disait-il autre chose?

11 est vrai que M. Bergson y ajoute immédiatement aussi la question de quel genre de temps s'agit-il? et que dans sa réponse il diffère de Kant. Mais il n'en est pas moins vrai que sans la théorie du schématisme, cet art caché dans les profondeurs de' l'âme humaine, comme l'appelait Kant, M. Bergson n'en serait pas arrivé à la définition qu'il donne de la science.

L'intuition du temps chez M. Bergson diffère profondément de l'intuition du temps chez Kant. Le temps pour Kant est, dans sa forme élémentaire, une succession numérique, tandis que pour M. Bergson il est une intuition sans analogie dans le monde mécanique, c'est une sorte de croissance vitale à l'infini. Le temps dans la philosophie de Kant est pris dans le sens de coordonnée mathématique, ainsi que l'avait pris Newton, tandis que dans la philosophie de M. Bergson il est'pris au sens biologique, comme une sorte de direction de.l'élan vital. Mais chez M. Bergson comme chez Kant et, ainsi que nous l'avons vu, comme chez Schopenhauer, le temps est tout ensemble l'intuition la plus immédiate de la conscience de soi et le critérium suprême de l'évidence scientifique. Pour tous ces penseurs, c'est dans l'intuition du temps qu'on découvre la synthèse du monde subjectif et du monde objectif, avec cette seule différence que le t. L'Ècolulion créatrice, p. 358-363.


monde objectif consiste pour Karitdansles, formes de la Sensibilité et dans les catégories de.rêntendement, .pour Schopenhauer dans la Volonté, et pour M. Bergson dans l'élan vital. Mais to.us les trois sont d'accord en ce qui concerne le.,moiïde subjectif et surtout en-ce qui concerne l'opinion que le monde subjectif est un monde d'apparences qui doit reposer sur un support objectif (l'unité 4e l'aperception, la volonté, la vie) pour pouvoir arriver à s'organiser en vérités universelles et nécessaires.. TT" ̃'̃̃̃ 8. a) Les philosophes romantiques avaient tenté de continuer dans une tout autre direction la philosophie de Kaht.

Kant, comme nous l'avons vu, "laisse, î– par la définition qu'il donne de la fonction de J'aperception et surtout par le rôle qu'il donne à l'imagination dans ,1a, préparation des. synthèses de l'âme, entrevoir qu'il y aurait ressemblance .entre la conscience en général, qui s'élève au-dessus de la conscience empirique indivi- duelle, et la conscience contemplative du génie, qui seraiti'exemplaire normal par excellence, de. la, "conscience humaine. Cette ressemblance est plus accentuée encore dans d'autres écrits de Kant, notamment dans la Kritikder, Urthet-'lskraft, où il s'occupe de la finalité dans la nature et du beau dans l'art. Dans cet écrit Kant définit le génie comme étant une force créatrice qui impose rde par soi des l règles à l'art. Le génie crée. inconsciemment, tout comme les forces aveugles de la nature, des formes originales et définitiyement artistiques qui restent ensuite comme des exemplaires à imiter pour tous les autres hommes. L'essence du génie, consiste dans le pouvoir de se représenter intuitivement, c'est-à-dire d'un coup, ceque les autres ne peuvent se représenter que palf l'enchaînement de. plusieurs images ou de plusieurs idées,; En '-uiï.môt,' le.génie est une-source de synthèses durables de l'âme, un idéal pour les consciences des autres mortels qui n'aboutissent qu'à des/synthèses empiriques et passagères. :.=L .• Les romantiques firent:de.ces indications sur la nature da génie la base de leurs spéculations philosophiques; Les réserves de Kant, qui avait limité expressément les créations de l'art au domaine de l'art, furent complètement oubliées les romantiques firent du génie une panacée universelle. L'objectivitéqui manquait à la conscience psychologique individuelle pour que. celle-ci pût créerdes synthèses à caractère universel et nécessaire, c'est-à-dire le défaut que Kant avait essayé de combler par les fonctions d'une conscience en général


fut entièrement trouvée par les romantiques dans le génie. Le génie est la conscience dans laquelle s'objectivent la sensibilité et la pensée humaines.

Mais on trouve le génie individualisé sous plusieurs formes; y a-t-il donc plusieurs consciences qui objectivent la sensibilité et la pensée humaines?

Les romantiques ne répondent pas de la même façon à cette question. Les romantiques les plus proches de Kant chronologiquement, répondent par l'affirmative, tandis que ceux qui en sont plus éloignés répondent par la négative. Les premiers, qui sont considérés comme romantiques proprement dits, ne trouvent aucun inconvénient dans le fait de multiplier les sources d'où sort l'objectivité delaconscience humaine. Pour eux tous les génies individuels sont des créateurs de synthèses objectives. Mais comme le nombre des génies ne peut jamais être fixé, ces romantiques finirent dans les spéculations les plus exagérées. Leur écho se fait encore aujourd'hui entendre dans le monde des artistes et des idéalistes individualistes, ainsi que chez la plupart de ceux qu'on appelle pragmatistes. Mais cet écho, philosophiquement parlant, est sans importance. La philosophie romantique proprement dite est une philosophie qui est à jamais passée. Les seconds, qui sont improprement nommés romantiques; ont une réponse plus sérieuse. Pour eux, l'objectivité de la conscience humaine individuelle ne s'accomplit pas 'par les créations des génies qui ne sont que des individus, mais par le génie des peuples ou de l'humanité. Chez eux la notion du génie tend même à se confondre avec la notion de l'esprit universel ou même avec celle de Dieu.

f) Enfin le courant du romantisme philosophique trouve son terme en Hegel, qui le dépasse en le sy n thétisant.

Kant avait, sous l'influence des sciences mathématiques et mécaniques, cherché l'objectivité de la conscience individuelle dans les formes et dans les idées a priori empruntées aux postulats, de la Logique abstraite. Les romantiques avaient, sous l'influence d'une renaissance artistique, cherché l'objectivité de la conscience individuelle dans la productivité du génie artistique. Hegel, sous l'influence de la science historique qui était bien représentée de son temps, cherche cette objectivité dans les formes de la culture et dans l'évolution de la conscience historique. La conscience de l'homme individuel représente, selon lui, l'esprit subjectif, tandis que la


conscience de rhumanité,;prise dans .s.on.; déYftloppementiiislorique, représente l'esprit objectif. La sjrienœj^sin. fondement dans lascience historique de rhurnanité.

Avec Hegel s'ouvrirent de nouveaux horizons pour trouver une_. solution au grand problème posé par Kant. Hegel a'été Jeçremier à entrevoir cette solution. sociologique dont on parle tant de nos jours. :-̃ ^^•̃-̃̃' ̃̃̃̃̃̃•̃ Cette solution a aujourd'hui son- principal défenseur dans le" sociologue français Emile Durkhéjmu "̃' y 9. M. Émile Durkheim ne cache point, son intention, de donner une solution meilleure ajii-yiejix problème de la science- posé par Kant. Dans l'une de ïse.s vétudes publiée d' abord, sous. forme d'article dans la Revue^de, "Métaphysique et de: 3Ior aie sons de titre suggestif de Sociologie seligieûseM_TJièot%e de. la. connaissance, puis comme introduction à l'ouvrage rép~eimnent paru :or?Be~ë~meM-. taires de la vie religieuse-; ̃ le système iotémique^enAusttalifii nous trouvons résumés de la façon la plus claire les points.importants de la nouvelle solution sociologique. Voici cp.mment ils. sont exposés1.. II existe, en effet, à là racine de .nos jugements,un certain nombre de notions, particulièrement fondamentales;; qui dominent, toute, notre vie intellectuelle;- ce^sont^ies que les philosophes, depuis Aristote, appellent les" catégories de J'eûtendement notions de temps, d'espace, de genre, de. nombre, de cause de;$ubstance, de personnalité, etc. Elles correspondent aux .propriétés les plus universelles des choses. ̃"̃Elles ̃ -so.nt .comme les cadres solides qui enserrent la pensée; celle-ci ne paraît pas pouvoir s'en affranchir sans se détruire. Pour cette raison;, nous leur assignons une place à part dans la conscience,; nous :nojtmiês représentons comme. -situées au-dessus du flux des-sensations, desimages, des idées particulières., elles constituent vraiment -l'ossature de l'intelligence. Jusqu'à présent, deux doctrines (seulemeM étaient en présence. ^Pour les uns, les catégories né peuvent dléfiïêr de l'expérience elles lui sont logiquement antérieures et*ja conditionnent. ;0,n se les représente alors comme autant de .danné^S^imples, irréductibles, imma-;nentes à l'esprit humain en vertu de sa çonstitùtjpn native. C'est pourquoi on dit d'elles;qu' lelles s.o.at.a friori. Suivant les aiitres, au i. Voir Revue de Métaphysique .et de Morale, J.9,09, p. 472 et suiv. Voir Les formes élémentaires de la vie.,religieuse, le système totémique en Australie, Paris, Alcan, 1912. -̃•:•• r. i «-• '•-


contraire, elles seraient construites, faites de pièces et de morceaux, et c'est l'individu qui serait l'ouvrier de cette construction. Mais l'une et l'autre solution soulèvent les plus graves difficultés. Adopte-t-on la thèse empiriste? Alors il faut retirer aux catégories toutes leurs propriétés caractéristiques, réduire l'universalité, l'impersonnalité, la nécessité à n'être que de pures apparences, des illusions, qui peuvent être pratiquement commodes, mais qui ne correspondent à rien dans les choses; c'est, par conséquent, refuser. toute réalité objective à la vie logique que les catégories ont précisément pour fonction de régler et d'organiser. L'empirisme aboutit à l'irrationalisme; c'est son véritable nom.

Malgré le sens attaché aux étiquettes, les aprioristes sont plus respectueux des faits. Ils laissent aux catégories tous leurs caractères spécifiques mais en revanche ils attribuent à l'esprit un certain pouvoir de dépasser l'expérience. Or, de ce pouvoir singulier, ils ne donnent ni explication ni justification. Car ce n'est pas l'expliquer que se borner à dire qu'il est inhérent à la nature de l'intelligence humaine. Il s'agit précisément de savoir d'où vient que l'expérience ne se suffit pas. Pour répondre à ces questions on a parfois imaginé, par-dessus les raisons individuelles, une raison supérieure la raison divine (ou la conscience en général de Kant). Telles sont les deux conceptions qui se heurtent l'une contre l'autre depuis des siècles; et, si le débat s'éternise, c'est qu'en vérité les arguments échangés s'équivalent sensiblement. Aussi M. Durkheim présente-t-il une nouvelle doctrine; d'après celle-ci, les catégories de l'intelligence se trouvent dans la vie de la société ou dans la conscience sociale.

La proposition fondamentale de l'apriorisme, dit-il, c'est que la connaissance est formée de deux sortes d'éléments irréductibles l'un à l'autre et comme de deux couches distinctes et superposées. Or, la nouvelle doctrine sociologique maintient cette proposition. Pour elle, tout comme pour l'apriorisme, les données de l'expérience individuelle ne peuvent pas former entièrement les vérités de la science, mais pour y aboutir elles ont besoin d'être organisées par quelques catégories d'une origine supérieure. Ces catégories sont dérivées chez Kant de l'unité de la conscience en général, tandis que dans la doctrine sociologique elles sont dérivées de la morphologie et de la dynamique de la vie sociale. La vie sociale tient dans la doctrine sociologique la place tenue chez Kant par la conscience en


général ou conscience transcenderitale- L'homme, dit M. Durkheim, est double. En lui il y a deuxrêtres un, être, individuel, qui a sa base dans l'organisme et dont le cercle d'action se trouve, par cela même, étroitement limité; un être social, qui représente en nous la plus haute réalité, dans l'ordre intellectuel ef moral, que Mus puis"sions connaître par l'observation, j'entends par la société. Dans la mesure ou il participe de la société, l'individu se dépasse naturellement lui-même, aussi bien quand il pense que quand il agit.. Ainsi, les catégories qui tendent la pensée possible, nécessaire et universelle, sont sortiesrde l'autorité qu'exercent les conditions de la vie sociale sur la vie de A'ho_mma individuel; ce sont des contraintes imposées par la conservation de:la via en commun. Pour la connaissance de ces, catégories et pour leur explication, il ne suffit pas d'examiner notre^ropre conscience, mais il faut regarder en dehors de nous, observer la vie historique, consulter la: sociologie ou la science qui s'occupe de l'évolution des vies des sociétés. Voici par exemple la catégorie du, temps, catégorie tant discutée par les philosophes. Gomment sliffipose-t^ellé à la conscience individuelle ? Par la simple introspection? Par, analogie, d'après les postulats mathématiques ou 'd'après les; postulats du vitalisme?-Non, dit M. Durkheim, nous ne? saurions j.cojtcevoir le temps si nous ne le représentions pas par des signes objectifs, divisé en années, mois, semaines, jours, heures, minutez-Nous ne' pouvons, concevoir le temps qu'à condition d'y distinguer des moments différents. Mais cette différenciation, sur quoi a-t-elle, pu s'établir, sinon sur la vie sociale? Si la société n'avait pas eu d'intérêt a fixer des dates pour les rites, les fêtes et les cérémonies^ publiques, personne n'aurait eu le soin de fixer les divisions' du temps.

Un calendrier exprime le rythme de l'adLvitë collective, en même temps qu'il a pour fonction cUe.n^ assurer la régularité. L'individu, pour la satisfaction de ses .besoins personnels, pourrait, aisément s'en passer, comme s'en passe l'animal. Mais la vie sociale ne peut exister sans cette notion bien déterminée du temps d'après laquelle ensuite se règle l'activité de chaque individu séparément..Cette notion exigée par la- vie sociale est celle qui constitue ,1a catégorie du temps dont parlent les-philosophés.

En un mot, M. Durkheim remplace l'unilé de la conscience en général, c'est-à-dire les fonctions de l'aperception pure, par des obligations imposées- par la vie sociale. L'unité suprême d'où


découlent les catégories logiques est un produit de la société. L'origine des catégories consiste dans les conditions de l'existence de la société.

La solution sociologique est la dernière qui a été proposée pour résoudre le problème de l'apriorisme de Kant. Elle n'est pas sans valeur, mais elle n'est, certes, pas non plus la solution définitive. L'origine sociologique n'explique pas d'une façon plus satisfaisante que les origines biologique, vitaliste ou du génie, proposées par les autres philosophes qui ont voulu compléter Kant, d'où vient le caractère de nécessité et d'universalité des catégories. Il y a toujours place pour une critique valable contre toutes. Que les catégories rationnelles de la science aient leur origine soit dans la société, soit dans l'organisme biologique, soit dans la volonté, soit dans l'élan vital, soit dans la biologie des races, soit dans le génie, etc., le grand problème posé par Kant n'en persiste pas moins. Le voici Comment les vérités nécessaires et universelles de la science sont-elles possibles dans notre conscience individuelle, vu que cette conscience ne saurait produire que des associations empiriques et par conséquent temporaires? Est-ce que la volonté, l'élan vital, l'organisme biologique, les races, le génie, nous sont autrement connus que par les données de la conscience individuelle? Mais s'il en est ainsi, c'est-à-dire si toutes ces dernières se trouvent dans la conscience individuelle, comment peuvent-elles franchir cette conscience individuelle pour servir d'origine aux catégories rationnelles de la science? Qu'est-ce qui nous autorise à séparer du contenu de notre conscience individuelle une partie, la volonté, l'élan vital, l'organisme biologique, la race, le génie, la société, et à la doter des pouvoirs supérieurs à la conscience individuelle tout entière afin d'en faire jaillir le cadre ou les catégories qui conditionnent toute expérience?

N'était-elle plus satisfaisante, la solution de Kant, qui dès le commencement opposait à la conscience individuelle une conscience en général, c'est-à-dire une conscience transcendantale?

10. Ce qui a empêché Kant de trouver une solution définitive au problème de la science, est le dualisme qu'il introduit dans la nature de la conscience. Pour lui, cet aspect de la conscience humaine, qui est propre à l'individualité psychologique, est un aspect empirique dans la lumière duquel aucune vérité universelle et nécessaire ne saurait se produire; la vérité universelle et nécessaire peut s'acquérir


seulement dans une conscience épurée de tout -empirisme, à savoir dans une conscience en général. Or, le grand problème, pour nous,7est de comprendre la science, sur la basé de la dernière conscience et non pas sur la base d'une conscience en général. C'est, donc sans ce dualisme que la perspective kantienne peut se continuer. Mais dès lors, ne revenons-nous.pas à David Hume? No.us rêve, nons à David Hume, puisque nous réintégrons la conscience humaine dans sanature réelle, c'est-à-dire que nous ne faisons plus la.distincl tion que faisait Kant entre unerconscience formelle' et une consi cience psychologique. Mais nous nB ïëvenonSipas à la solution même de Hume. – Dans la solution de Hume, si l'on ne trouve pas le dualisme de Kant, on trouve-en revanche une erreur analogue,- qui est, aussi funeste que le dualisme de Kant, à savoir. l'affirmation bien que la conscience humaine soit, dans ses individualisations, un fait objectif de la nature et non. pas une simple apparence trompeuse, toutefois on ne trouve pas, à l'intérieur de cette, conscience indivi- duelle, un critérium de la,vérité-(en particulier de la liaison entre la cause et l'effet), parce que les conjonctions. ou, les associations, qui. ont lieu dans la conscience humaine individuelle, n'ont .en, elles d'autre objectivité que celle que leur donne la force de. V habitude, une force qui est d'ailleurs elle-même. sans, aucune base Abjective 'Cette affirma- tion a conduit Hume directement à une solution sceptique du problème de la science. Cette affirmation, est partagée aussi par Kant, et c'est justement pouréehapper à une, pareille solution sceptique;. f que celui-ci a été forcélde chercher refuge dans l'hypothèse d'une conscience « en général » créatrice de condit|PnS'a priori. Or, selon la psychologie scientifique, et conformément aux prin-, cipes du déterminisme universel, l'affirmation de: Hume est une erreur évidente. Dans l'âme de 1-individu humain, rien ne se passe; au hasard. Chaque état de conscience est strictement déterminé par. les conditions de l'individu dans lequel il Se produit, et ces conditions, à leur tour, sont liées à la série des lois de la nature tout entière. Entre nos pensées, il n'existe aucune association au hasard, c'est-à-dire aucune association qui pourrait être arbitraire d'une: manière ou d'une autre, niais toutes, les associations entre nos pensées sont strictement déterminées par les conditions de la conscience réelle que nous avons. En d'autres mots, dans la conscience1. Enquiry concerning hurnan understandig trad. Kirchm, p. 28.


individuelle de chacun de nous, il ne se passe rien au hasard, mais tout ce qui s'y passe est strictement déterminé par les lois de notre individualité.

Voici donc la correction qu'il faut apporter à l'affirmation de Hume. Les conjonctions ou les associations, qui ont lieu dans la conscience humaine individuelle, ne sont pas dépourvues de toute objectivité, mais elles ont une objectivité, à savoir celle qu'a chaque conscience individuelle existant dans le monde. Celui qui affirme que les conjonctions ou les associations, qui ont lieu à l'intérieur de la conscience individuelle, sont fortuites, doit pour être conséquent, affirmer encore que, la conscience individuelle, elle aussi, prise dans sa totalité, est fortuite; et de la sorte il doit arriver à une solution plus sceptique que celle de Hume.

S'il n'y avait pas eu la philosophie associationiste de Hume, Kant aurait défini son apriorisme sur la base du déterminisme- cosmique et aurait été plus clair. Lui, l'auteur de l'ouvrage Histoire universelle de la nature et Théorie du ciel, ou essai sur la composition et l'origine mécanique du système entier du monde selon les principes de Newton, aurait démontré que l'unité de là conscience humaine est un postulat d'où découle la validité des axiomes mécaniques de Newton,. et, dans ce cas, le courant de la philosophie positiviste moderne, qui est venue après Kant, aurait plus facilement trouvé son complèment métaphysique dans l'apriorisme de ce dernier. Par l'introduction de l'erreur de psychologie de Hume, Kant a lui-même rendu difficile l'intelligence de sa philosophie et a fait que celle-ci apparaît comme une ennemie de la philosophie positiviste, tandis qu'elle n'est, en fait, que l'anticipation à cette dernière philosophie. Ainsi, l'objectivité scientifique que cherchent les successeurs de Kant, ne peut pas consister dans un certain genre de.conscience supérieure ou plus profonde que la conscience de l'individu réel, mais elle consiste dans la fonction logique qu'a le raisonnement humain de mettre en dépendance les parties d'une unité de conscience. Les spéculations sur le substratum organique lui-même, dans lequel se déploie cette fonction, sont absolument inutiles. Que cette fonction se déploie dans la conscience du génie, dans l'organisme biologique ou dans l'organisme social, etc., c'est indifférent pour l'objectivité de la science; car l'important n'est pas la nature des éléments, qui entrent en relation les uns avec les autres, mais le fait en soi, qu'il peut s'établir une relation logique entre les


éléments d'une unité. No.us çonstatons;ce fait dans notre "conscience individuelle et cela, nous suffit;: il justiQ& la perspectiye de rapcio'risme. Ce fait peut se trouver au^si dans d'autres organismes que dans celui de la consciênçB individuelle., Il.dëvrait se trouver dans tout ce qui apparaît comme^indltidualité, et il doit surtout se trouver dans runiversTpris,.comm,eiotalité;;car. s'il ne. s'y trouvait pas, le déterminisme co'sriïiique,;ne serait plus fondé. Si les philosophes, continuaiejarsJ&Kant, n'avaient pas été trompés par l'erreur de.psychôlogie deicelui-ei, alors ils auraient vu dans l'apriorisme de Kant une- simple perspective .Jaite pour .une plus facile intelligence, du déternjinijmeL .postulé par un Newton, et ils n'auraient plus cherché les. origines''mâtérielles de l'apriorisme: dans le génie, la Société,, la volonté, l'élan vital, etc.. Ils auraient compris que rapriorisirLen'ajàutepas.un chaînon de plus: à. ceux qui existent dans la chaîne du détftrminismerunLversel, mais qu'il donne uniquement une nouvelle position,, d'où cette chaîne du déterminisme peut mieux se. voir,

-– G..Raduiescu-Motiiu^


ÉTUDES CRITIQUES

LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE DE JULIUS BAHNSEN

D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS

Quoique Bahnsen ait consacré plusieurs chapitres de la « Realdialektik » à des questions qui sont du domaine de la Philosophie de l'Histoire aux problèmes de la Société, de l'Etat, du Droit, de la Religion, il eût été difficile d'établir sur ces données un exposé systématique de sa Philosophie de l'Histoire. L'originalité paradoxale du style et de la manière de Bahnsen rend exrêmement délicate toute tentative de reconstruction méthodique de quelque partie que ce soit de son système. Ses livres contiennent, en effet, moins l'exposé de celui-ci que des parerga ou gloses d'un système que le lecteur est censé connaître, sans que l'auteur ait pris la peine de le lui présenter. La monographie de Bahnsen Zur Philosophie der Gesclrickte1 n'échappe pas à ce reproche. C'est une manière de lettre ouverte, adressée à Eduard von Hartmann, écrite sans aucun^souci de méthode, au courant d'une plume passionnée et vagabonde. Au lieu de traiter du rapport entre la volonté et le processus historique, Bahnsen se préoccupe de fixer les convergences et les divergences entre les principes de sa philosophie et ceux de la. philosophie de Hartmann, entre son système, celui de l'auteur de la « philosophie de l'Inconscient » et celui de Hegel. En opposition avec Hartmann, l. Berlin, Carl Duncker, 1812.


qui rejette la dialectique hégélienne, BahnsBïi reconnaît au processus historique un caractère essentiellement dialectique. Mais alors que chez Hegel la réalité et la rationalité sont indissolublement unies, que Hartmann assigne au logique une place à côté de la volonté alogique, Bahnsên restreint le logique, au domaine de la: pensée individuelle. Le processus historique lui apparaît comme un, processus dynamique essentiellement irrationnel..L'être, c'est-à-dire la volonté, est bien donnée comme étant le théâtre d'une dialectique interne. Mais cette dialectique est irréductible.^ l'analyse de l'entendement et aux synthèses rde. la raison, parce que il n'y a pas, chez Bahnsen, de rapport d'implication entre les termes, opposés. Le philosophe ne cherche dojac pas à ordonner, selon leurs relations logiques, les réalisations successives des formes essentielles de l'être. Il ne s'efforce pas à éliminer «les antagonismes, à faire collaborer dans des synthèses supérieures les: oppositions qu'il rencontre dans la nature psychologique de l'individu et dans la conscience sociale. Il se garde, bien au contraire, « de vendre l'intuition poétique éternelle à la démonstration doctrinale purement temporelle, de troquer la vérité inspirée contre'l'illusion défectueuse d'une doctrine qui prétend vouloir formuler l'ineffable »,

II ne veut pas entendre parler d,Histoire du monde, parce, qu'il ne veut pas tomber dans le verbalisme; parceïque « l'homme ne con-, naît, en fait d'Histoire, que celle de son évolution individuelle, à rayon plus ou moins grand2 ».

Dans sa monographie, Bahnsen, bien loin de faire œuvre de philo,-7. sophe de l'Histoire, semble. donc se ranger du côté de Sçhopenhauer pour lequel tout devenir n'est qu'apparence et l'Histoire la moins_ scientifique de toutes les sciences. ;Mais, si à l'occasion d'une polé-,mique, Bahnsen se complaît dans une attitude hostile à toute inter-, prétation ideologique.de l'histoire, rien ne nous permet cependant de lui prêter des velléités anhistoriques. Dans ses livres se trouvent, bien au contraire, de nombreux passages, propres à nous montrer en lui un penseur épris d'histoire qui, non. seulement, s'applique à une étude objective des faits historiques, mais encore .cherche à s'élever du particulier et du changeant au général et au permanent.. En insistant sur ce qu'il y a d'imprévu, d?involontaire, d'irrationnel,dans la suite des mouvements historiques, la. théorie esquissée par1. Loc. cil., p. 86. _• i-

2. Loc. cit., p. 58. -S- ̃̃


Bahnsen, répond à une tendance matérialiste. Mais si, dans une certaine mesure, Bahnsen matérialise l'histoire, il ne perd cependant jamais de vue ce qui différencie les processus humains des pro- cessus de la nature. Sa philosophie de l'histoire reste, malgré tout, une métaphysique. Mais c'est une métaphysique qui ne sépare jamais ses problèmes d'avec les problèmes économiques et sociaux. C'est encore une philosophie vécue. Elle illustre à merveille l'esprit d'une époque où le pessimisme s'alimente aux sources de l'histoire, tant passée que contemporaine; où, pour annoncer le « dysévangile du monde », l'initié aux mystères de la foi pessimiste, « celui dont le Séraphin toucha la bouche d'un charbon ardent », « n'a qu'à écrire les choses qu'il voit, celles qui sont et celles qui doivent arriver 1 ».

Dans les pages qui suivent on a essayé la reconstruction à l'aide de documents inédits, de ce qui, dans l'œuvre imprimée de Bahnsen, n'existe qu'à l'état de fragments épars. La partie théorique de l'exposé s'appuie sur une étude inédite, datée de 1868-69, et qui porte le titre Individuum und 'Geschichié. Elle est suivie de quelques extraits d'un journal que Bahnsen tint pendant les guerres de 1866 et de 1870-71. Ce journal lui a fourni plus tard certains passages du Pessimistenbrevier, notamment une partie du Buch der Anklage, au chapitre Herrenmacht und Staatsgewalt oder Prolocoll des Sclaveningrimms und des Vôlkerzorns.

Tout d'abord, que faut-il entendre par processus historique? Entre la vie et la mort se déroule l'histoire de l'individu, somme totale de sa vie tant intérieure qu'extérieure, de son évolution et de son involution, de ses actions et de ses œuvres. C'est à partir de là série des aïeux que se poursuit l'histoire d'une famille, que se transmet, à travers la chaîne des générations, l'étincelle du spirilus familiaris. Le mot tradition sert de terme commun pour désigner et la continuité du devenir et son résultat. De même le mot histoire comprend et le devenir dans son unité et la connaissance que nous en avons. Savoir ce qu'est devenu l'héritage des ancêtres lorsqu'il arrive aux mains des descendants, voilà ce qui fait l'objet 1. Préface au Pesiimistenbrevier, Berlin, Grieben, '1819.


d'une étude historique. Mais,- qu'est-ce qui se peut.transmettre?'Ce n'est pas l'individualité elle-même^ unique idans son ensemble. C'est, son œuvre, ce qu'elle a créé, pour elle seule ou bien dans une association féconde avec des contemporains, attachés au même but. N'a pas d'histoire ce qui nine naît, nine meurt. Vabsolu n'en a point, parce que les changements-qui s'opèrent dans la série -vitale ne sont pas la vie elle-même; parce' que l'éternel 'est toujours accompli eu sa totalité, hier, aujourd'hui et demain. e Le monde animal, prive de rafson, ne- peut pas, non plus, prétendre à une « Histoire »; au même titre que l'homme raisonnable.: L'animal ne produit pas, ne transmetpas, n'augmente ^qu'insensiblement la somme des qualités- acquises, par l'hérédité. Seule l'histoire de l'humanité témoigne des qualités de ceux qui produisent, qualités qui déterminent les changements de qualité du produit. L'histoire naturelle existe depuis -Pliae-, Mais- ce 'qui' véritablement mérite le nom d'Histoire, Uhistoire de la genèse de ce qui, est, n'existe que depuis l'époque où les.çosmôpfnïes mythologiques et spéculatives s'évanouissent devant une-cosmogonie scientifique, laquelle,. par voie d'argumentation, dégressive,, c'est-à-dire en concluant d'un" état de choses à celui qui l'a précédé, cherche à reconstruire le. monde. ̃

Le xixc siècle est par excellence le siècle de la naturalisation des disciplines les plus diverses. La linguistique.adoptant les.ûdées du darwinisme se lie étroitement avec la physiologie. Les.sciences descriptives de la nature s'orientent vers.la géologie et l'archéologie. Ce que l'orgueil théologique avait convenu d'appeler «l'Histoire de l'humanité » se voit contraint de s'appuyer sur la géographie descriptive. L'histoire, à son tour, se "naturalise.

C'est, en effet, la philologie. quij science exacte -'des'; choses de l'esprit a cherché la première à établir_:une connaissance historique,méthodique des nationseLdes peuples, en prenant pour point de départ, les langues. Par 'étapes successives, en étudiant l'une après l'autre les langues de tous les pays où l'humanité, a -une histoire,- elle est arrivée à la compréhension des grandes, créations intellectuelles et sociales. Grâce aux efforts de la linguistique, la « psycho-logie sociale » existe et sert /de base /nouvelle à la connaissance. historique. Certes, l'ancienne -philologie (Lazarus) parle, encore; d'idées dans l'histoire. Mais7 ce qu'elle désigne par -là, n'est pas l'idée, au sens hégélien.. £es;facteurs dont la philologie ra su la pre^


mière dégager l'action, les forces réelles qui agissent dans l'histoire, sont quelque chose d'infiniment plus matériel, de plus palpable. Nullement soustraites à l'expérience, elles se présentent comme des précipités du processus historico-chimique. Les coutumes, l'esprit des époques, le langage, sont les produits essentiels d'une commu- nauté sociale donnée, les résultats concrets d'une série continue d'actions déterminantes que l'œil d'un observateur attentif.sait parfaitement reconnaître et coordonner.

C'est cependant dans une mesure variable que les productions d'unités sociales déterminées participent à l'évolution historique. Il y a des classes entières de phénomènes collectifs au changement desquels l'on ne saurait, avec certitude, attribuer un caractère historique. Le changement pur et simple ne suffit pas pour que l'on ait le droit de parler d'Histoire, au vrai sens de mot. Il faut que l'on puisse démontrer de la continuité, de l'enchaînement, une certaine unité cyclique des phénomènes observés. L'irrationaliste Bahnsen ne fait pas de l'histoire, comme Auguste Comte, une incohérente compilation de faits. Un agrégat atomistique de faits ne donne point pour lui d'histoire. L'Historien, dit-il, tout comme le physicien, ne peut, au début de son œuvre, se passer d'hypothèses, de combinaisons hypothétiques, de conjectures. Les lois, une fois posées, seront à corroborer par mille expériences, obtenues selon la méthode inductive. Ainsi a procédé et procède encore la linguistique qui possède tout un code de lois dont nul ne songe à contester la valeur. Le langage étant un organisme, rien ne s'oppose à ce que l'on arrive à déterminer son âge, comme l'on détermine celui d'un arbre d'après les cercles concentriques de sa couche ligneuse. Il en est de même pour les coutumes. Il pourrait en être de même pour le droit non codifié. Mais, dès que l'on essaie d'enfermer dans un code rigide ce qui est vivant par excellence, dès que la règle domine et que l'exception irréductible à la règle est qualifiée d'irrationnelle, dès que la pensée rationnelle de l'homme se fait collaboratrice consciente du devenir créateur, la genèse spontanée qui agit selon des lois immanentes, se trouve être arrêtée, l'historique, au vrai sens du mot, est altéré. Partout où l'histoire du droit rencontre des éléments de nature individuelle, elle se trouve au terme de ses recherches. Lanécessité contingente remplace dès lors la nécessité organique. Toutes les fois que l'entente législative est établie par voie de délibération consciente, réfléchie, d'une majorité, elle tend vers une


perfectibilité infinie qui CptëpareTsa" future désagrégation.- Car tout ce qui est organique, a sa fin, son téXoç et renonce, à partir de son àxjxr, à atteindre plus haut. Toute langue, -arrivee.au point culminant de son évolution, s'achemine vers'saldéçadence. Le droit idéal, par contre, tend vers un processus irtitifinitum. En gravissant dés éche-; Io ns successifs, il croit pouvoir dominer de son-haut le passé, 's'enor-rgueillir de son progrès, des procès de sorcières, aujourd'hui abolis. Mais le jour arrive, où l'histoire – das 'WeltgericTit lui rappelle durement le dicton romàin_« Plurimsejeges, pessima respublica »., Il y a un rapport analogue^ ..entre la religion et le dogme. L'histoire de l'une et l'histoire rdè l'autre offrent deux tableaux essen-r tiellement différents. D'un côté _ce- sont des, actes psychologiques élémentaires qui se manifestent et s'incarnent dans des.personnagcs. mythologiques et que célèbrent des chanteurs et des bardes. De l'autre côté, il n'y a qu'un amas de littérature savante éclose à l'occasion de conciles ou de décrétâtes d'une; papauté infaillible. Dès qu'une individualité marquée-sè détache de la série/continue,qu'elle est marquée du nom, de fondateur historique d'une religion, qu'elle fixe par écrit sa-doctrine,; la substance religieuse d'origine intuitive diminue au dépens; du d.ogmeimmuablej d'origine- discursive. Que l'on compare le.Koran aux Vedas^esGonfessions de SaintAugustin à la Théologie àUema.njde.:duic.n-amenlosen Frankforter » Nulle force germinative nlanimeja. critique dogmatique. La lutte des écoles arrête toute ïé.vôlution.;instinctrve. Le scolastique étouffe le mystique. Dans r.ecclesia la, femme, support: par excellence dui sentiment religieux,. est; CQndajnaé.e. au silence. De ,1a 'lutte entre", dogmes comme de la révolte irrédentiste..contre, un dogme reconnu, naissent les sectes. La religion, fuyant.régliseoù le dogme la tenait enchaînée, se réfugie au. milieu- de, ce.ux qui, enfants de Dieu, ^affran-: chis de la tutelle ecclésiastique,^ trouvent dans leur dissensio un lien spirituel. C'est alors le:subjectivisme qui anime l'âme collective. Et le principe individualiste clôt la.série des moments historiques. L'individu vit en lui-même son histoire religieuse..

De même qu'au cours: du processus, historique il n'y a jamais répétition pure et simple défaits, une atmosphère, sociale est affectée ̃de façon fort diverse parle contact d'une4ndividualité supérieure.Rechercher la part qui, dans l'oeuvre de; la. collectivité,- revient à l'action consciente d'une personnalité supérieure, essayer de déter-miner les conditions sous lesquelles, s'établit la communion entre le-


vouloir du génie et le vouloir de la foule, voilà une belle tâche pour le philosophe. L'irrationalisme historique de Bahnsen n'y répugne pas. Il admet parfaitement une certaine collaboration entre facteurs matériels et facteurs idéaux. Il ne nie pas que les formes de civilisation humaine, de culture sont déterminées par les formes de la production, ainsi que par les inventions et découvertes, par le perfectionnement progressif des outils, des moyens de transport, etc. Ce sont là pour Bahnsen des facteurs historiques auxquels il convient de reconnaître une action importante sur toutes les formes de la vie éthique des peuples, y compris la vie artistique. Il en est de même selon lui pour l'action d'une personnalité de génie. L'homme supérieur se sert des éléments, tant matériels que psychologiques, qu'il trouve sous la main. Par son action il modifie le terrain social, il transforme la conscience collective. Et Bahnsen, quoique hostile à toute idéolâtrie, c'est-à-dire à la foi dans la rationalité du devenir historique, reconnaît aux grands hommes un rôle actif et important dans la vie des peuples. Tout' comme Burckhardt dans ses Weltgeschichtliche Betrachtungen (livre à peu près contemporain de l'étude de Bahnsen, mais qui fut publié seulement après sa mort) Bahnsen s'efforce à connaître la raison de cette solidarité mystérieuse entre-l'égoïsme qui pousse l'individualité d'élite et l'intérêt ou la pensée de la collectivité qu'elle conduit. Pour la faire comprendre, Bahnsen emprunte un terme à la pathologie somatique, parle de la prédisposition favorable d'un milieu à accueillir un germe morbide et montre le grand homme, disposant en faveur de son entreprise des éléments donnés démoralisation, enthousiasme, dégoût, humilité, confiance. Un mot d'ordre est si vite trouvé! dit-il, un dogme politique peut acquérir la puissance d'une force instinctive. Ce dogme, l'égoïsme se charge, la plupart du temps, de le mettre en avant. « L'Histoire de la patrie! Qu'est-elle, sinon une fable convenue, inventée pour servir la vanité des nations un conte, dont les pages sombres sont assez adroitement présentées pour rehausser l'éclat des chapitres glorieux » L'enseignement de l'histoire nationale se fait à l'instar de celui du catéchisme. L'on imprègne l'âme des enfants de certaines notions ineffaçables qui transparaissent toujours à travers les couches successives de notions ultérieures, comme la couche de fond d'une aquarelle. Les guerres, les luttes, les révolutions, entreprises selon les historiens pour des iaisons d'ordre idéal, ont rarement eu pour objet un idéal


immuable de l'humanité, mais bien plutôt sa caricature. « La vocation mondiale des Phéniciens, des. Anglais n'ëst-elle pas, après tout, traduisible par la devise .«.tout pour lës~èjffaires »? «Lorsque les Allernands se complaisent .dans le rôle de, continuateurs delà mission hellénique antique, celar¥éVproûye-t-Il,pas, chez les uns, comme chez les autres, en faveur d'un individualisme dissolvant? » Au fait, l'égoïsme etla; ruse,:SB travestissent en idée! "Hannibal et Clive sont les supports d'un égal pathos, parce que tous deux, chacun à sa manière, connaissent et savent conduire leur peuple. L'homme de génie cherche bien à réaliser ;son idée par.,la force concentrée dont il disposerais i l&jésullat de-ses "efforts, ce i que .l'on appelle la réalisation, ne- co:rres|)6nd pas, la plupart du demps, à l'intention primitive qui ractivait cette-force. Luther ne fut rien moins que le protagoniste, du principe protestant, comme: Philippe' et son fils Alexandre ne.furent nullement les. propagateurs du génie hellénique. Bien S5ouventv4'âilleurs, le grand homme le mandataire spécial des buts historiques, "entrave pour dés raisons d'intérêt personnel la réalisation; présomptive, de l'idée, --à moins qu'il ne lui arrive de l'empêcher. L'historienJ4é"oïogue n'est, a lavéritévjamais embarrassé pour l'absoudre .ou le condamner:

Mais qu'est-ce qui lestait grands,. ces génies qui, entraînent à leur suite les masses dont certaines- couches sont .en: dehors de l'histoire, ces « bruta moles, esclaves, serfs ôuproléiaires, tous ces Trossbuben der Menschheit que le génie, 4e l'histoire .n'inscrit pas .dans ses listes, dont l'action reste purement mécanique, simple poids posé, sur le levier historique ?.»;:Qu'esf-.ce:q-ue.'cette force, concentrée entre les mains d'un seul grand hommâlCe..n,'est pas. autre-chose, que « la volonté énorme et sûre »,qu^:cBt.autre pessimiste,, Jakob B.urckhardt, nous montre entraînante la masse des hommes de gré au de force, par sa fascination magique dansrrune ^admiration dénuée de xésistance ». L'enthousiasme ;quS le génie suscite est de nature superstitieuse, religieuse le cri du soldat pour son^Gésar,: les, acclamations de la foule enflammée par; laparole du tribun, l'ivresse: du combattant sur la barricade, la.foi du-crpisé en son chef,_c.Omme celle du muslim en son prophète: ToujoursJ'on. observe le concouTS.de deux facteurs charme magique. de l'homme supérieur,, besoin de foi en une autorité. 'r-

L'homme politique ne l'ignore ipas. Il .a soin d'additionner son patriotisme d'une dose de superstition .et d'un élément.d.Qgmatique,


et « l'on peut affirmer que dans l'altération tendancieuse de la vérité historique les nations se sont dépassées ». La foule aveugle autant que la docta cohors n'est, la plupart du temps, entre les mains du grand politique qu'une masse sans spontanéité, la matière inerte qu'il pétrit à son idée. Or, celui qui s'entend le mieux au métier de pétrisseur d'âmes, c'est l'homme d'État. Il est loin d'ailleurs de l'ignorer! Il lui arrive même de s'effrayer de sa propre marche triomphale qui sacrifie des organismes vitaux d'une nation pour ériger sur leurs ruines une de ces constructions matérielles et abstraites qu'est l'État centralisé.

Quel est l'homme d'Etat auquel pense Bahnsen, lorsque à la date du 25 avril 1869, il écrit le passage consacré aux grands hommes? C'est Bismarck qui, dix jours auparavant, avait dit au Reichstag les paroles fameuses « Nous ne pouvons faire l'histoire. Nous ne pouvons qu'attendre qu'elle se fasse. Nous ne pouvons hàter la maturité des fruits en les chauffant avec une lampe. Si nous jetons des pierres après des fruits verts nous ne faisons qu'entraver leur croissance, et nous les perdons ». Voilà donc un grand homme qui « feint de se rallier à la théorie de l'évolution spontanée naturelle selon, ou plutôt par l'autonomie, non point de l'individu, mais de l'idée; le politique qui se dérobe devant ses responsabilités, qui veut ignorer ce que l'histoire enseigne, à savoir, que l'intervention consciente de certaines individualités dans ce que l'on appelle le cours des événements, détermine leur marche dans une direction nouvelle. » Celui qui a en mains les leviers de la puissance, arrête ou hâte, selon son bon vouloir, le courant régulier et constant du devenir historique. « Mais l'homme politique fait preuve de moins de sincérité que le juriste de l'école historique qui admet, comme seconde source de droit à côté du consensus gentium, la décision critique et consciente de juges professionnels. Il a moins de probité que le linguiste qui ne nie pas l'action exercée sur l'évolution du langage par le grand poète, dont l'oeuvre peut être créatrice au même titre que le génie populaire » )}

L'action de l'homme d'État ressemble donc bien plus à un acte d'usurpation, commis par la force du mensonge, de la brutalité, le mépris d'autrui, qu'à un acte désintéressé. « Les époques historiques, dit Bahnsen, ressemblent à des pyramides aux marches taillées dans la pierre. Ceux qui montent doivent grimper sur les épaules de ceux qui les précédèrent. Ceux qui descendent trouvent


k dire nue le tra.vaiL dp, maçonnerie fut fourni d Vin cAtA nan* l'arnhi-

devant eux des marches- toutes faites. Platon et Salhisjè: sîaccordent à dire que le travail, de maçonnerie fut fourni d'un côté par l'ambibition, de l'autre côté parla cupidité, et à juger comme-ieuXi il sem-.blerait que nous sommesaujotirdihui.du côté la, .descente; » En ce mot, Bahnsen synthétise tout son pessimisme historique quise détournerait volontiers du spectacle qu'ocre le rêve triste et confus que l'on appelle l'Histoire de l'humanité. Pour le pessimistes tout devenir n'est que passion,. Toute action comportafdes peines; des luttes, des crimes. Car l'action c'est la ,sansara\ l'affirmation de la volonté de vivre. Si grandeur, si.héroïsme,.il,y a, il faut les chercher ailleurs que dans l.esTpages cô.nsâCréeç aux gloires' historiques. La grandeur-, chose ittÈêPteoEgi fait de •moralité plutôt que fait dé capacité intellectuelle ou de puissance- dominatrice- est glus souvent méconnue que glorifiée.. Le héros, lorsqu'il poursuit ïâ réalisation! d"un idéal de justice et de vérité, rencontre, presque infailliblement la souffrance. Et comment en serait-il autrement, puisque l'acte héroïque dépasse le, point labile de l'équilibre stable entre les: forces contraires dont la Jutte éternelle constitué le perpetuum mobile de l'évolution du monde. Tout grand, vouloir comporte de, grandes douleurs. « La Théophanie des Grecs ne l'ignorait pas. Leurs héros, fils des dieux, étaient favQ.rjs.és d'une mesure extraordinaire de souffrances. La jalousie, 'l-'erïvie i des divinités/hostiles: les poursuit – allégorie mythologique, et qui sign.ifie la répression que s'attire l'individu d'élite toutes les fois qu'il transgresse les limites que le vulgaire a tracées à l'action humainéi.» –El le grand: homme ne peut pas ne pas la dépasser. Aussi tqutetàction vraiment grande com-= porte et crée-t-elle de grandes souffrances, autant pour: celui dont elleémane, que pour celui sur lequel elle s'exerce. Agir et vouloir en être' supérieur, c'est intervenir en bien ou en mal, dans la sphère d'action d'autrui. Où est le bien, où le mal? Le philosophe s'abstiendra prudemment d'en décider,- de conclure. Il est conscient de son ignorance à cet égard. Il n'a pas la prétention d'être initié dans les secrets d'état du « Weltregiment ». Il laisse volontiers à l'historien le soin de distribuer les palmes, de. ceindre de lauriers la tête de tel aven- turier, de refuser les honneurs à; celui qui, en silence, au prix de sa vie, prépara la voie que l'autre, n'avait qu'à suivre pour rencontrer la victoire 2. ̃̃– r-

1. R. D., p. 477. '– i ̃;•̃

2. Mosaiken und Silàouetten, Leipzig, Wigatld, 1877, p.:23^


Et les héros' nationaux de son temps, qu'en pense Bahnsen? En faisant œuvre de philosophe de l'Histoire, les range-t-il parmi ceux dont l'humanité devra inscrire les noms dans son livre d'or? La réponse qu'il donne à cette question dans une étude caractérologique sur l'héroïsme paraît plutôt équivoque'. Après avoir examiné les différentes formes de l'héroïsme héroïsme de la foi, de l'idéal, de l'autonomie morale, du travail, de la pensée, après avoir cherché un critère de l'héroïsme et ne l'avoir trouvé qu'en l'absence de tout égoïsme en tant que mobile d'une action puissante, Bahnsen conclut ainsi

« Si, dans mon étude je n'ai pas parlé de nos héros nationaux d'aujourd'hui, c'est d'une part, parce que cette étude date d'une époque antérieure à celle de leurs exploits, mais autant pour la bonne raison qu'il ne faut chanter les joies de l'ivresse tant que dure celle-ci, mais attendre afin de savoir quelle face nous montrera le lendemain. Mieux vaut comparer entre ce que l'on vient de lire et ce que l'on a vécu. Qu'on examine et qu'on juge ensuite si les héros contemporains ressemblent à ceux dont nous venons de retracer les traits. Si la preuve est concluante, cette étude servira à rehausser leur gloire. Et surtout que l'on ne croie pas diminuer leur éclat en les comparant à nos personnages idéaux. Ceux-ci sont assez haut placés pour que ceux-là aient droit à notre admiration, si toutefois, ils sont de taille à figurer dans le cadre colossal à côté de ces figures idéales. »

N'est-ce pas là prouver indirectement ce qui, dit en termes précis, eût été un propos fort intempestif pour un Allemand de 1870 que grandeur historique et grandeur morale ne sont pas forcément une seule et même chose?

Voilà donc, dans la théorie de l'Histoire de Bahnsen deux idées directrices à dégager

1° Irrationalisme historique, c'est-à-dire négation de la rationalité du devenir historique et, par conséquent, négation du progrès au sens exact du mot. « Les pessimistes, dit-il, se diviseront un jour en progressistes et cyclonistes ». Bahnsen est de ces derniers. Il ne 1. Mosaiken and Silhouetten, p. 40.

-2. K. D., p. 328.


croit pas en une évolution progressive vers jLjne, harmonisation tou,jours plus parfaite; conanTe:ilne,LQioiLpas, non plus,, à une annihilation finale du processus ;dynamique qu'est. l'évolution du monde. « Le progrès n'est de fait, qu'ainpas en avant sur une voie cyclique^ dont la forme symbolique serait. le serpent qui se, «mord la queue » ou bien la. KaJpa indienne, formée -> d'anneaux entrelacés ̃. i^r^ii'rrsir1^•:•;• ..? Tiiglich wecliseltderXeiM.undLtfigli.ch wechseln die.Waffe.n.

Aber die Kurbel der W.elt_wâlzt uns in ewigem Kreis.,3.

2° Déterminisme historique, reposant sur une conception .matérialiste de l'histoire, plus voisine. Nacelle des. sociologues que de celle du socialisme scientifique. Certes,Bahn.sen, philologue et philosophe,. envisage dans révolutiorûhistorique moins le problème économique que le problème psychologique. lLreconnattnéa.nmoins..que les phénomènes compliqués de l!h.isto.ire.Sfint déterminés par, des facteurs économiques comme, d'autre; part,, il ne méconnaît pas l'action de causes idéales, telles que: l'interyejijiorL consciente,, dans. le cours des événements, de.personnalités:supérieur,es. Il conçoit les groupes sociaux sur le modèle 42p:rganismes vivaats, modifiables: par des influences diverses, tant matérielles: qu'idéales. Son" déterminisme admet l'existence, dans,.les.jfaitg_ historiques, de, raisons imminentes, de lois déterminantes, d'une certaine téléplogie interne. Il ne conteste que ropportunité.:des, résultats,. leur nécessité logique, rationnelle et efficace. Sa dialectique historique est une dialectique de contradictions qui ne se résolvent pas en synthèses supérieures. Parti d'un postulat emprunté à la logique statique, Bahnsen a été amené à chercher l'explication des formes successives de l'être dans un principe dynamique irrationnel, alogique. Il en résulte" un pessimisme que l'on pourrait qualifier.ae^quiétiste, n'était ;la combativité robuste dont tous les éerLts.-dejBaiiusen: témoignent.

Enfin il convient de noter cheOahnsen un historisme romantique qu'expliquent ses études linguistiques, entreprises selon la méthode de l'école historique. Pour qu'il y ait processus historique, il faut qu'il y ait évolution naturelle d'une, vie; sociale commune, condi1. R. D., p. 427. .-•̃̃ ̃- T.êii- ;-=̃"̃

2. Ibid., p. 436. .r-~ï- '̃̃ '-̃̃̃̃

3. Pessimistenbreviei-, p. 201.


tionnée par le langage, les mœurs, les institutions juridiques d'un

arminc en un mot. vensée sociale. suDérieure à la pensée individuelle.

tionnée par le langage, les mœurs, les institutions juridiques d'un groupe, en un mot, pensée sociale, supérieure à la pensée individuelle. Tout état de choses, déterminé par la continuité des institutions et des actions d'une collectivité donnée, passe pour légitime par le fait d'avoir duré et évolué. Dès qu'une de ces collectivités est arrêtée dans son processus vital par une de ces grandes œuvres artificielles qu'est l'État centralisé, il y a, pour Bahnsen, rupture de l'évolution naturelle. Selon lui, l'État est à la société ce que la loi est à la coutume. Comme il y a une loi positive et une loi idéale, il y a des États organiques qui possèdent dans leurs conditions ethniques et éthiques une base toute naturelle, et des États, composés d'éléments hétérogènes, rassemblés d'après un certain mécanisme conscient, un schématisme théorique. Sans être absolument antiétatiste, Bahnsen ne veut pas de. l'État en tant que facteur autonome de l'histoire, le rôle de l'État devant, selon lui, se restreindre à celui d'un complément de certaines formes économiques et sociales.

Au fait, le fédéralisme est la forme sociale qui lui semble le meilleur garant des libertés'. « La liberté intérieure est chose impossible dans un grand État centralisé parce que n'est libre que celui qui peut vivre sa vie selon ou plutôt en raison de sa nature propre. C'est là un 6ij.oAoyouij.evoc Ç-^v qui présuppose une homogénéité, impossible à réaliser en dehors de groupements sociaux naturels, formés par des liens de consanguinité, de parenté de race, de particularités de tribus ». Tout en admettant que l'État est une organisation nécessaire pour maintenir l'équilibre entre les intérêts antithétiques du corps social, Bahnsen se refuse à voir une nécessité historique dans la création des grandes puissances. Comme Jakob Burckhardt, il dénonce le Grossmachtskîtzel. « La puissance mondiale, dit-il, n'est rien moins qu'un facteur intégrant du concept d'État. Les petits États ne s'enorgueilliront pas à tort de la mission historique qui leur est dévolue, d'avoir à tenir en éveil la conscience politique humaine, de nous rappeler qu'il est une autre justice au monde que celle de la statique des forces, qu'il y a le droit à l'existence pour tout ce qui peut exister sine lœsione alterius2 ».

Comme nous venons de le voir, l'anti-étatisme limité de Bahnsen est plutôt un romantisme historique qu'un anti-étatisme de libéral 1. Pessimistenbrevier, p. 193.

2. R. D., p. 349.


anarchisant. Chez ce Schleswjg-Holsteiner, annexé de 1866, il y a interpénétration manifeste, entré la" vie. deJ-'auteur. et ses idées/ Point de notion abstraite .danton/n'arrive ..à dégager le support réel." Lorsque Bahnsen bataiUe\pour le droit des minorités, pour la conservation des individualités de tribu, lorsqu'il polémique contre les empièlements de l'État centralisateur, l'histoire contemporaine est là pour illustrer le texte. Examiné au jour des événements. historiques dont Bahnsen fut-le témoin et un peu la victime, son historisme romantiqne .'apparaît comme le résultat presque. logique du particularisme qui permit aux âmes sociales de l' Allemagne d'avant 1866 de vivre d'.une vie autonome'à mouvement centrifuge^ Ainsi, à la date du lO.septembre 1866, c'est-à-dire deux mois après la bataille de Kciniggrâtz, au moment précis o CI la. Prusse se dispose à annexer les provinces .de Schleswig-Holstein, Bahnsen écrit dans son journal « Si seulement l'on, voulait..comprendre de façon plus concrète le national. UneTnation {allemande, sans, conservation des individualités de tribus çsl^une. coniràjdictio in adjecto,Ce.qae l'on décrie aujourd'hui sous .le/nom de particularisme n'est,, au fait, qu'une preuve de fidélité- nationale. L'unification .étatiste est, comme nous l'apprend l'histoire,de.tous les peuples de race: germanique, un concept anti-allemand, le., concept. anti-allemand xair' é;o/t,v- Ce qui le fait paraître acceptable. la perspective d'une indépendance vis-à-vis, de L'étranger ;– n'est. qu'une abstraction vide et, de plus, une sp.ure négation..Si: l'on détruit tout ce qui constitue un état de choses conforme au. génie allemand, il importe. peu que celui qui s'érigeien mâîtj^e^gur la .tombe de tousnos biens, # héréditaires, soit d'origineTslave7 romane îou prussienne. Nivelle-ment, centralisation sont eo ipso:: synpjiymes de décadence de tout vrai et essentiel Deutsckthum. »

Et il continue le 5 octobre « Poinide salut! Celui qui adonné lepetit doigt au principe .d'unité y est lié .corps et âme. IL.lui faut accepter sous la foi daserment le machiavélisme le plus-outrancier, qui érige en principe. finaliste, en telos* de l'État, V unité de Ip. force et la force de Vanité. Sur le champ de bataille de KOniggratz la conscience de beaucoup de- braves. libéraux a été ensevelie. Nul, en dehors de la Prusse et de.quelques professeurs, dilettantes en fait de sciences politiques et dont le s décrits ont tourné la tête aux lecteurs des journaux, n'a souhaité une unité du genre de celle vers laquelle on tend aujourd'hui. Lesanciennes devises hie Welf, hie


Weibling, Me Papst, hie Kaiser, furent des mots d'ordre dont l'acceptation ne décidait pas de l'essence même de la vie nationale. Si le sort du Schleswig-Holstein nous émeut douloureusement, ce n'est pas parce que notre égoïsme de tribu, notre particularisme borné en souffrent. Nous prévoyons l'avenir de toutes les individualités de tribu qui, toutes, finiront par être absorbées ». Le 16 novembre « La question du jour pourrait se formuler ainsi d'un côté, autonomie des individualités nationales, de l'autre côté, esprit de dressage, Drillgeist qui centralise à outrance. Nul espoir, même dans .les éléments les meilleurs du peuple prussien. Le triomphe du sabre est assuré au peuple vainqueur, aux soldats de profession, ces frères de lait des policiers bureaucrates. » « Notre époque supporte à merveille la comparaison avec l'époque de l'invasion macédonienne. Aux semi-barbares de Philippe correspondent les mi-allemands de race mélangée de l'état prussien. Les états helléniques eurent une vraie vie nationale tant qu'ils conservèrent leurs invidualités de tribus. L'unité grecque eut un sens purement défensif. A partir du moment où elle poursuivit des buts agressifs, la pureté de l'hellénisme s'est trouvée altérée. Dans une lutte pour l'hégémonie, Athènes, d'essence plus noble que les autres, dut forcément succomber. Car elle n'eut de talent politique que pour les affaires intérieures d'une petite communauté limitée à une tribu. La vraie grandeur d'Athènes était donc en voie de déclin dès l'époque péricléenne, son akmè fut Marathon. La tendance vers l'Etat centralisé n'était pas dans le caractère hellénique. Ceux qui ont pu le désirer crurent problablement voir en Philippe le réalisateur d'aspirations nationales, tout comme aujourd'hui les gens du Nationalverein le voient en Bismarck: » •

Toutefois, en observateur scrupuleux, désireux de ne pas dépasser la mesure, il inscrit en marge de son journal, à la date du 3 septembre 1866.

« Il faut avouer que Koniggràtz apporte une preuve curieuse de ce que peut donner le dressage! On doit en convenir, lors même que l'on soit loin de s'intéresser à tout ce que la comédie ou la tragédie comportent en fait de machinerie; lors même que l'on ne s'intéresse qu'à l'action en tant qu'objet éthique ou caractérologique! Vis-à-vis de succès comme ceux-là, l'on se voit réduit au silence. C'est à se demander s'ils ne ressemblent pas à un acte de la pensée comme la vraie œuvre d'art ressemble à la nature. » Il est vrai, qu'en 1879,


transcrivant ce passage: dans so'n « .P è.ssimistenbr évier1 v,- Bahnsen .1.v .n~n.llco.connf Cnic7iC rI'~ffA-t

transcrivant ce passage: dans son « P è.ssirnistenbr évier 1»,jBahnser\ ajoute avec une ironie amère « parce qu'ils; sont suivis d'effet, c'est-à-dire de succès. Qr,, la; « nécessité historique » dont on fait tantôt un appât, tantôt un époûvantail, n'est pas du domaine de la causalité simple, n'est pas un concept pragmatique, mais un concept transcendant,. une de ces idées, .dénoncées par Kant. un mouvement historique qui-se réalise en dehors de ceux qui en ̃participent».

A la page suivante du manuscrit qui clôt le, journal de 1866, Bahnsen s'élève avec violence contre la prussification des provinces annexées, contre la violation, du droit ancestral, contre la nomination de H. de Treitschke à l'université de Kiel. Puis ildépose la, plume, trop découragé, trop las pour élever la voix dans un combat où « les quelques honnêtes gens qui avaient osé affirmer leurs convictions, furent réduits au silence par la force ».

Entre les années 1866-7P Bahnsen ne continua pas son journal politique. Il écrivit dansjjiànnéêxqui suivit Kôniggrâtz. son étude sur l' « Individu et l'Histoire ». Puis iLrevint à ses études caractérolbrgiques, qu'il réunit en" 1.869 dans un volume, sous le litre de Characterologie. Mais, malgré;ce silèncjeyles faits, du jour ne cessèrent de le, préoccuper. Dès le surlendemain de la déclaration de la guerre il se remet à monologuer sur les grands éYénements dont il est,le témoin, attentif.

Dans ce second journal Bahnsen.resle l'homme de l'opposition, l'ennemi de la politique bismarckienne, en même temps que l'irrationaliste qui protesté contre toute^ponstruction idéaliste de l'his-. toire. Il renverse, bienau contraire,, la méthode idéaliste.. Au lieu de chercher l'idée qui dirige, la raison qui mène l'histoire; Bahnsen se contente de dégager les vérités^que l'histoire enfante. Et la vérité, telle qu'elle ressort dès-pages sanglantes de l'histoire de. 1870, lui apparaît mobile, éphémère, vraie dialectique perpétuelle, aux antithèses douloureuses, irréductibles aux entités de la morale. L'histoire, pour le schopenhauerien, c'est la grande leçon humaine. Pour la comprendre, il ne suffit pas de coordonner les faits, avec bu sans méthode. Tel que les grands moralistes, Bahnsen rassemble les détails, en vue de les soumettre à. rexamen.de sa conscience, et à la lumière, de cette conscience délicate' et ^sfirupuleusè les faits les plus glorieux, i. Loc. cit., 195. -iT ̃̃:


pâlissent, les exploits les plus brillants se ternissent. Plus d'une fois, dans le bilan qu'il établit du doit et de l'avoir des vainqueurs, les profits se changent en pertes. Toujours Bahnsen s'efforce de juger avec une impartialité entière. Si sous cette objectivité apparente se cache un dogmatisme métaphysique très visible, l'objectivité humaine, par contre, est toujours atteinte. Le journal de 1870 de Bahnsen, les aphorismes dont il forma plus tard son Livre de l'accusation' restent l'œuvre d'un écrivain d'une rare délicatesse morale. L'homme qui, au beau milieu du triomphe de son peuple, sut frémir au spectacle de ce qu'il appelle die Tragik der gfausen Ate Fran/creichs*, fut, certes, un intempestif. Il le fut avec un lyrisme, un pathos de desperado d'autant plus émouvants qu'il fut, à l'époque, un prédicateur dans le désert.

Tout d'abord, en enregistrant la déclaration de guerre, Bahnsen se plaint de la frivolité avec laquelle on saisit des prétextes au moment où les causes agissantes ont fait leur œuvre occulte, qu'elles ont miné le terrain. Il relève dans la diplomatie allemande « une certaine dose d'hypocrisie consciente et de légèreté vraiment insensée ». Il voudrait s'échauffer pour la cause nationale. Mais le cœur et la tête sont en lutte ouverte. L'histoire des prétextes de guerre lui semble propre à illustrer, mieux que celle des guerres elles-mêmes, la négativité du processus historique. « Les buts et les résultats des guerres, voilà des antithèses auxquelles ne manquerait pas la synthèse additionnez deux zéros et vous aurez un zéro. Il n'y a, en tout cela, qu'une manifestation de la contradiction immanente à la volonté. Que gagnent les peuples en faisant la guerre? Ce que l'instinct aveugle leur promet mensongèrement, ce ne sont que des erreurs d'optique, trompeuses comme les dimensions derrière une loupe. Nulle nation ne tira jamais de profit d'une guerre. bien au contraire; le résultat réel de toutes les grandes guerres, depuis l'Assyrie et Rome, fut un nivellement général, un anéantissement de la seule chose vraiment précieuse de l'humanité individualisée 3 ».

Toutefois, malgré son horreur de la guerre, malgré ses ressentiments contre le vainqueur de 1866 dont le patriotisme lui semble bien éloigné de tendances libérales, vraiment nationales, Bahnsen 1. Pessimistenbrevier.

2. Zur Philosophie der Geschichle, Préface.

3. Pessimistenbrevier, p. 180.


est assez clairvoyant pour, se.douter de la: portéB de la lutte qui se prépare. « II semble, dit-il à.là.date du 22 juillet 187,0,, que ce sera

est assez clairvoyant pour, se.douter de la: portéB de la lutte qui se prépare. « II semble, dit-il à. la. date du .22 juillet 187,0,, que ce sera un combat de deux- grandes natipns.pour la possession du monde ». Les offrandes spontanées*; versées, par les. Allemands déboutes lés parties du monde lui fontprévoiruriejutte « vraiment, historique. »•, « une lutte nationale, naturelle Let, partant, nécessaire, non point une collision fortuite 'ni une ;diyersion..pitoyable, comme jadis l'Italie, la Crimée, le Mexique: devaient la fournir ̃».

A la date du 27 juilletr peu de,jours avant les premières batailles; il note une lettre d'EÜuàrd-:de--H~,rtmann: dàns laquelle celui-ci, confiant en l'action rationnelle .dès. puissances historiques, appelle la guerre einen wunder-nQ,Llerk /û'M&.JEtJîahnsen commente ce mot en se demandant quels peuvent bien être lés projets de Vinconscient^ « Sera-ce vraiment un pas,en avànt^sutle.chemin de l'évolution historique ou bien ne verr.art-on:qu'un nouvel acte du vieux drame de l'éternel antagonisme immanent à. tout devenir? »

Voilà les premières batailles, des succès rien moins. que décisifs, mais qui le réjouissent à cause de.Ja part qûi.revient.aux.Al.lemands du Sud, à cause du: ca.va.ctère^nàlional que la. lutte commence: à montrer. Voilà aussi le; cœur du^. philosophe étreint; d'angoisses. Il souffre de ne point savoir être. tout,, à, fait impartial. Il; ^voudrait, avant tout, se garder delà plus légère velléité de, songer à iTy 6m,, à la justice immanente t^Combieii, :éçrit-il .plus tard dans son .Pessi-mistenbrevier y eut-il, au, cours, .des. siècles de batailles, au feu desquelles les chaînes.dès peuples ne; furent rivées; plus. lourdes, où leur propre perte ne fut point, forgée? »-« Mais, les peuples s'élour^dissent à l'odeur cadavérique; des appâts jetés par l'orgueiL patriotique et l'outrecuidance. nationaliste; ils se font leurrer par des devises faciles, qui bafouent le peuple, en deuil en. le. traitant de morose ».

Puis, ce sont les nouvelles. de Parifcqui le-préoccupent; l'appel à l'énergie nationale, la. réunion; des. Chambres, lui sont des signes d'un retour vers la saine raisonrrs: Combien, dit-il, souhaite-je aux- meilleurs éléments du peuple francais:de! reprendre conscience d'euxmêmes ». Car, pour Bahnsen,- ilnt'y a-depire-, folie que l'amour des, lauriers de guerre. «La.. Erahçe,. dit-il, oublie qu'elle a vécu ses meilleurs jours sous le roi bourgeois qui renonçait à la gloire, se 1. Pessimistenbrevier, p..180;


mettait à la tête des épiciers et des banquiers et n'inquiétait point le voisin. Mais il semble que le sang celtique ne peut se passer de gloriole tel l'opiomane qui nes'peut vivre sans son ivresse >>. Puis, le 10 août, faisant allusion aux articles de la. presse allemande qui, déjà, suggèrent de donner l'Alsace-Lorraine aux Etats du Sud, à la Bavière, aux Hessois, aux Badois, sous prétexte qu'il serait blessant pour le sentiment particulariste si les Etats du Sud ne devaient pas à cet acte historique un agrandissement territorial « J'ai peur devant l'audace qui parle dès à présent de conditions de paix à imposer. L'annexion d'Alsaciens-Lorrains irréductibles n'est pas l'appât avec lequel l'on devrait chercher à attirer les Alamans de race parente. Le Souabe est trop honnête pour accepter pareil marché. »

Le 11 août « Toutes ces fanfares de victoire, tous ces espoirs, toute cette crainte pour la patrie se réduit, somme toute, à une idée ou plutôt à une abstraction. Mais voici les messagers boiteux qui arrivent, apportant le récits de destinées individuelles. L'individuel, le concret, le réel et toutes ces immenses souffrances sont-ils rachetés par ce qu'y gagne la collectivité, la chose publique? » Huit jours plus tard « Au point de vue de ce qui est universellement humain, j'accepte les psaumes de victoire du roi David. C'est que l'on y trouve, à côté du culte de Jehova, une note pessimiste et une espèce d'étonnementna'if de leur auteur, relatif à son propre théisme anthropocentrique. Que veut dire le Psaume 144, si ce n'est qu'il est incroyable que le fils de l'homme, cette créature infime, ce néant, t, ose s'ériger en face de l'absolu comme le seul agent de l'évolution du monde? Je professe une modestie analogue et je me vois contraint de considérer le cours du mon-de comme s'effectuant d'après une nécessité contingente et non point comme étant dirigé par une raison téléologique. »

Que sont-ils d'ailleurs, ces gains que l'on croit devoir célébrer par des fêtes de joie? « Réduits à leur valeur exacte, ces quantités, en apparence positives, se présentent bien plutôt comme des quantités négatives. L'ivresse des victoires a, elle aussi, ses lendemains de fête où les têtes sont lourdes et les cœurs oppressés, car au fond de la coupe enivrante apparaît le chiffre des pertes 1», La victoire, pour Bahnsen, se réduit, le plus souvent, à une abstraction. C'est un fait 1. Petsimislenbrevier, p. 183.


de l'intellect bien plus que: de, la volonté.» L'on offre aux Français;: s'ils consentent à évacuer Metz, un viatique. C'est d'une correction;transparente qui m'impose! Voilà la «' solution élégante »* comme l'on dit depuis la prise de Dûppel! Mais la satisfaction morale n'est obtenue qu'à demi. Une bonne part revient à des' sentiments esthé-; tiques comme on en ressent devant un spectacle grandiose, ou à une-satisfaction d'ordre intellectuel, pareille à celîe que l'on éprouve à. suivre des yeux un bon joueur d'échecs ».. -•

Lorsque les journaux apportent la. nouvelle de Sedan et de la reddition de Napoléon, Bahnsen s'élèvecontre le traitement très huma- nitaire qui attend l'empereur pfisbnnfer,« cet instrument de l'esprit de l'Histoire comme l'appelle le. vieil hégélienArnold Ruge cet homme qui n'a plus le courage de prendre la responsabilité des' destinées politiques et militaires d'un pays qu'il a d'abord réduit auservage et ensuite ruiné;. Certes, le logos n'a. jamais usé de plus desarcasme vis-à-vis d'un mot individuel. A l'heure qu'il est,, l'individualiste le plus endurci doit se rendre à l'évidence et capituler et rendre « la forteresse dèsonmoi ».

Et, en faisant allusion aux commentaires ;dont des hommes comme Spielhagen et E. von Hartmann accompagnent, dans la presse, le grand fait du jour, Bahnsèn ajoute « 'Qjti appelle cela le principe de solidarité. Combien ce moFest sec et prosaïque, et rationaliste, et logique, et calculateur; et froid, comme L'impératif catégorique qui exclut tout ce qui est affectif, partant l'amour^ comme étant chose inférieure. Ainsi toufenthousiasme, tout élans'en vont à nouveau, au diable ». ̃' •̃ 1-, ,•̃ ̃ r .̃̃ En regardant de près ce passage on est frappé de constater pareil élément de violence dans l'âme d'un philosophe pacifiste, ennemi- de toute fausse gloriole, de toute ambition nationaliste, ainsi que de toute politique d'extension -mondiale. Et cependant l'idée passionnée existe. On l'a rencontrée plus haut, dans les premières pages du journal de 1870 où Bahnsen parle de la guerre vraiment historique, naturelle, nécessaire. Il y aurait donc, pour le pessimiste, des guerres nécessaires et la règle comporterait des exceptions?

La réponse à cette question est plus aisée qu'il ne semblerait au premier abord. Du moment que Bahnsen ne croit pas en la raison organisatrice de la conduite humaine et de la marche des événements, il doit, de par une nécessité logique, admettre l'action inspiratrice qui suggère et impose les convictions et les actes conformes,


aux besoins de la vie. La défiance de Bahnsen vis-à-vis de la raison

aux besoins de la vie. La défiance de Bahnsen vis-à-vis de la raison discursive implique et explique le pragmatisme latent qui se manifeste, à certains moments, par sa foi en l'instinct qui, selon Bahnsen, réalise et traduit des réalités profondes. Si cette attitude d'impulsif se concilie mal avec celle d'un pessimiste intégral, elle découvre à merveille les contradictions, inhérentes à un système qui veut être un réalisme et qui cependant ne tient compte que d'une des forces déterminantes du processus historique.

Et si Bahnsen, en sa philosophie de l'histoire, n'est pas le réaliste intégral, il n'est pas non plus, devant la réalité des choses, le pessimiste conséquent pour lequel il vaudrait mieux que rien ne naquît, ne vécût, ni ne durât. Au 3 septembre, lendemain de Sedan, il écrit dans son journal « Dans la vie de l'individu il n'y a de plus grand et de plus puissant revirement que le moment où il comprend et apprend à justifier le néant de ce qui est individuel; où il reconnaît que le tout est ce qui dure, éternellement et sans dommage, que l'individuel, même le plus magnifique, n'est qu'un phénomène éphémère. En enterrant ceux que nous chérissons au-dessus de tout, nous ne voyons, dès lors, qu'un point lumineux s'éteindre dans l'immense système stellaire. L'offrande du moi revêt ainsi la signification d'une relation nécessaire, elle cesse d'être un acte isolé, dénué de valeur. Voilà qui s'appelle faire durer le moi dans une autre génération, tel l'instinct maternel lorsqu'il se sacrifie à l'enfant. Voilà des moments qu'il convient de saluer comme des'manifesta- tions de la grâce suprême, comme un rayon de conversion, une aube de renaissance qui, de sa clarté, illumine toutes les ténèbres ».

Les événements des mois de septembre et octobre 1870 fournissent au philosophe plus d'une occasion de méditer sur la nature dialectique du droit. La canonnade de Strasbourg, le traitement infligé aux francs-tireurs, l'annexion projetée de l'Alsace-Lorraine, l'éventualité d'une restauration bonapartiste, voilà pour lui autant de cas de conscience. « Comme Thucydide et les Romains, l'abstraction moderne tient l'enthousiasme pour le droit, tant théorique que pratique, pour une pure lubie sentimentale; tout pathos pour les biens idéaux se confond avec le froid concept d'opportunité ». Or, « des mesures défensives, toutes pratiques et militaires ne peuvent être l'objet d'un pathos ». Et, réminiscence de 1870, Bahnsen inscrit, huit ans plus tard dans son bréviaire du pessimiste « d'un côté et


de l'autre on en appelle'à DieuJommë témoin de ce que l'autre s'est rendu coupable de violations odieuses du droit. Mais l'esprit de la justice impartiale renvoie les .parties comme le- lion -rugissant renvoyait les représentants de la bêtise, lorsqu'ils flfent:appel à sa justice. Il ne reste, aux uns etkncautresV qu'à suivre leur- chemin tracé par l'honneur et: rintérêt, pour se servir, du style diplomatique. Et les furies déchaînées de s'en,donner Les, dévots -appellent cela un dernier jugement; Mais les: fatalistes, résignés spectateurs aux mains inactives, songent aux scorpions, faits de pestilence, de faim, d'assassinat, d'incendie qui n'épargnent personne». Et toute de suite après « Les drâpeaux^oTit patientscomme le papier. Ils. supportent toutes les devises: Et le, coursier qui porte l'étendard des « biens sacrés de la nation » foute et détruit de ses sabots tout ce qui constitua le joyau le plussaintdu même peuple i;-» a

L'époque est atroce; les faits brutaux font de la propagande pour le pessimisme. « Le poids de la défaite écrase triplement le vaincu. Les moins méchants ne manquent paside^souligner leur vm victis d'un accent malicieux. Leur outrecuidance considère' l'œuvre accomplie comme étantduè à leur mérite ^leiir religiosité admet l'existence d'un « jugement: de DBiLi>, d'une,preuve pour la justice de la causa victrix. Podr peu, otfneseèori tenterait pas d'humilier le vaincu devant lui-même. On voudrait encore lui ravir sa tranquillité .de conscience 2. » Puis le journal de Bahnsen nous le montre de plus en plus anxieux au sujet de l'avenir de rAllemagne-. Et l'auteur, de se récrier contre ceux--qui, ââ nom. de la rationalité du devenir v historique, font usage dexîéux poids- et de deux mesures. ̃-« Non, les voies du Seigneur ne sont:pas toujours les siennes »

Du mois d'octobre jusqu'à la fin de l'année 1870, journellement, nous le voyons poser la question Que sortira-t-il dé cette guerre atroce? Sera-ce un Alldeulschland, une Allemagne unifiée, à laquellelui, l'annexé, pourra appartenir sans arrière-pensée, non pas comme un étranger, mais comme un membre organique? C'est que nous sommes au moment où une passion unitairey très sincère, anime les classes dirigeantes de l'Allemagne, sans que, pour cela, les rivalités et les défiances, créées paf-dél siècles de particularisme, aient été supprimées. Et Balinsen; de son côté, n'est pas insensible à ce ̃ courant. Il ressent quelques velléités de"réconciliation. « Combien, ̃1. l'essimistenbrevier, p. 178. 0' ̃

2. Ibid., p. 184. = ? ̃̃


dit-il, nous, les étrangers reçus dans ce conglomérat, serions-nous heureux de nous acclimater, d'éveiller en nos cœurs et en ceux des nôtres un sentiment d'amour du pays, un « Heimathsgefùhl ». Nous avions espéré qu'il en serait ainsi, que cette guerre formidable effacerait en toutes les âmes les restes de particularisme, même de particularisme justifié, pour mettre à la place l'amour de l'Alle- magne unie. Mais vis-à-vis de tout ce froid égoïsme, il ne nous reste qu'un sentiment de deuil de tant de sang versé, de tant d'atroces mutilations ».

Le 1er novembre « Les espérances les plus modérées d'une reconstitution de l'Allemague une, sont à nouveau déçues. De tous côtés les anciens partis relèvent leurs têtes d'hydre. Et ce que l'on offre n'est pas meilleur que leurs plus mauvais programmes. Pas une seule de toutes les doctrines que l'on met en avant ne se trouve confondue par l'œuvre d'un génie. Les doctrinaires s'enflent à qui mieux mieux. Et il n'y a de grand et de génial aujourd'hui que l'esprit de sacrifice de ceux qui jettent des sommes énormes dans le gouffre d'un gaspillage criminel ».

Lorsque, le 7 décembre 1870, Delbriick annonce au Reichstag la nouvelle de l'initiative prise par la Bavière d'offrir l'Empire à la dynastie des Hohenzollern, Bahnsen déplore que l'idée pour laquelle la jeunesse s'exaltait jadis soit aujourd'hui mise en avant par le roi de Bavière, avec des phrases banales de diplomate. Au lieu d'un grand élan, il ne voit que marchandages et compromissions. Se mettant en contradiction avec son propre historisme romantique, il se désole de ce que les Bavarois veuillent rester, en peregrini, en dehors de la civitas allemande! Et il tourne les yeux vers la France où Gambetta « incarne le génie populaire, dans ses qualités les meilleures comme dans ses faiblesses ». Mais pourquoi Gambetta aussi se dit-il le serviteur d'une idée? N'est-ce pas un bien grand mot que de s'intituler « le gouvernement de la défense républicaine »? Ce que les Français défendent, n'est-ce pas autant la patrie que l'idée républicaine? « Comme les sentiments sont des réalités, il souffriront aussi ..cruellement à la perte de cet idéal que nous soufrons à voir ce qui se passe chez nous ».

La proclamation de l'Empire lui laisse des doutes sur la foi à accorder aux promesses de libertés. L'unité allemande lui paraît artificielle et il ne voit pas encore comment, sur le sol d'une unité abstraite, une floraison d'art, vraiment original, puisse éclore. « Ce


petit peu de Kanonenlyrik sera; vite' publié, et où trouver de beaux sujets dramatiques si, selon notre forme de culture, tout continue à évoluer derrière la coulissé dont les diplomates ne peuvent se passer». .•"̃ .•i- ̃ ̃ ̃̃• Cependant l'unité allemande, bien queU'œuvre de la raison' orga-- nisatrice d'un grand politique, est désormais uni fait historique. Devant la grandeur de l'événement'les velléités particularis tes doivent se taire. « Après tout, c'estun idéal réalisé, et ne faut-il pas, en ce pauvre monde si imparfait, accepter des retenues sur la somme de vœux exaucés? Certes, les modalités de réalisation ne peuvent satisfaire intégralement aux aspirations de la foi! Mais, au fait, tout comprendre, n'est-ce pas tout pardonner? ».

Et Bahnsen, sinon converti, au moins réconcilié, s'incline devant le fait accompli. La réconciliation ffe rva^pâs^d'ailleurs, sans quelque douceur pour celui qui a souffert d'avoir compté dans sa propre patrie, parmi les étrangers" Insensiblement son réalisme 'historique cherche à justifier la réalité; 'Nécessité contingente tout d'abord, l'unité de l'Allemagne lui apparaît finalement comme une nécessité organique, vraiment historique. Si l'unité s'est faite, c'est évidemment « parce que le désir d'unité existait semblable à la glacelatente sous une eau en repos. Une impulsion -de-dehors a suffi pour que l'activité cristalligène se propageât de.proche en proche et aboutit à une soliditication totale. o ̃̃

Ainsi l'effort du philosophe pour séparer le réel du rationnel le conduit à l'identification du réel et du sentimental. « Les sentiments sont des réalités «. Cette phrase de son journal de 1870 résume toute la philosophie de l'Histoirede Bàhnsën;.

I. ÏALAYRACH.


QUESTIONS PRATIQUES

LA MORALE SEXUELLE

C'est une chose singulière que la vogue toute récente et, semblet-il, grandissante des problèmes de morale sexuelle. Cette vogue est d'autant plus frappante qu'elle contraste avec l'extrême réserve observée jusqu'ici par les moralistes à l'égard de cet ordre de questions. Aujourd'hui encore, ouvrez un manuel classique de morale les devoirs sexuels n'y sont jamais expressément nommés. A peine, avec beaucoup de bonne volonté, peut-on présumer que l'auteur pense parfois à ces devoirs quand il parle de « dignité personnelle », de « respect de soi-même », de « résistance aux passions »; mais nulle part une règle expresse, nulle part un impératif clair et dûment justifié dont puisse s'inspirer une conscience inquiète d'adolescent, pas un conseil précis qu'on puisse adapter à la solution d'un cas de conscience. Bref, on laisse à l'élève le soin de tirer lui-même, à l'occasion des problèmes pratiques de la vie sexuelle, les applications que son bon sens pourra tirer des principes généraux de la morale individuelle et de la morale sociale. Que pareilles leçons soient cruellement insuffisantes, c'est ce qu'il est à peine besoin de montrer. Qu'un adolescent de seize ans soit mis brusquement en présence d'un problème précis; qu'il ait, pour prendre un exemple bien concret et trop fréquent, à décider s'il suivra ou non l'incitation d'un camarade l'invitant, pour la première fois, à le suivre chez des prostituées que lui serviront, en. réponse à un appel qui est déjà par lui seul une puissante suggestion, les souvenirs abstraits de l'impératif catégorique, des morales de la perfection ou des morales utilitaires, alors que personne n'a créé en lui l'habitude Pxacte de déduire des principes les maximes


particulières de la moralité sexuelle? Il est déjà douteux q -l _PD_I-~ 1_-

particulières de la moralité sexuelle? Il est déjà douteux qu'une casuistique de ce genre soit suffisante à orienter les consciences à plus forte raison le silence .pur :et simple ne saurait-il passer pour une direction.

A quel scrupule obéissent. donc les. maîtres- qui ne- trouvent pas ̃ un mot à dire de questions aussi graves," alors qu'ils parlent copieusement de la patrie, de l'impôt, du mensonge ou de :1a probité? Ils respectent d'abord le silence des .programmes et des instructions ministérielles; et il est probable que beaucoup se. félicitent in petto du mutisme officiel qui justifie le leur. lisse trouvent ainsi dispensés de leçons difficiles, ou qu'ils croient telles. Non pas. que la matière risque de trouver les auditeurs indifférents! C'est peut-être, au con- =- traire, l'extrême intérêt que les élèves y prendraient qui pourrait inquiéter le maître; celui-ci craindrait jie sentir, ehez.des adolescents ̃̃' pour la plupart très avertis: et doat.plus d'un a- tenté. ses premières •expériences viriles, une curiQsité.jjarq.ubise qu'il n'aurait peut-être c, pas assez d'assurance pour dominer de haut; il redouterait des dis- cussions malaisées à conduire; surtout si la.classe est nombreuse, il éprouverait une sorte de pudeur a discuter publiquement des questions dont l'intimité semble réservée à à .des entretiens privés bref, il serait « gêné », et^. par ,1a* mênfe,. se croirait quelque peu diminué vis-à-vis de ses disciples, en un, genre de leçons l'autorité, dès qu'elle est ébranlée, risque de. sombrer dans le ridicule. Donc le maltre se tait, à la commune satisfaction de l'administration et des familles; et ce qui achève de l'excuser, :c'est précisément que les familles n'attendent nullement-de. lui ce genre de service et que beaucoup7 lui sauraient même fort mauvais gré d'entraîner leurs enfants sur: ce terrain réservé. Est-ce. à dire que les familles se réservent de ^explorer elles-mêmes? On '-sait qu'il n'en est rien. Si, dans lafamille ouvrière et, à: un beaucoup moindre degré, dans la famille paysanne, l'enfant s'initie à bien des. choses par suite de la promiscuité des logis trop étroits, par suite aussi de la plus grande liberté d'allure et.de parole dés parents, la famille bourgeoise, dont le typé.se répète en France par centaines de milliers d'exemplaires., observe ,,env_matière- d'éducation sexuelle une réserve à peu près absolue. JL'enfantlqui questionne, quand on ne lui répond pas par d'absurdes légendes, est ajourné à. l'âge où il pourra comprendre. L'âge venu, la leçon promise ne vient pas, et l'adolescent se garde, en général, de la solliciter a nouveau,


)it qu'il ait satisfait déjà sa curiosité par quelque voie suspecte

soit qu'il ait satisfait déjà sa curiosité par quelque voie suspecte camarades, domestiques, journaux, romans, soit que. chez lui aussi, se soit éveillé un embarras analogue à celui des parents. Dès lors, entre l'ascendant qui se sent mal à l'aise pour parler et l'enfant qui n'ose interroger, s'établit une curieuse complicité. Le père, à certains indices discrets, comprend bien que le fils est informé, et ce dernier affecte volontiers plus d'expérience qu'il n'en a acquis pour éviter des leçons désormais gênantes; et l'on se tait de part et d'autre, jusqu'au jour où, le fils s'étant fait sa vie propre, il n'y a plus en présence que deux hommes également instruits des réalités de la vie et les mêlant à leurs propos avec la même liberté, si ce n'est avec le même cynisme. Du côté de la mère et de la fille, même réserve. La mère ne fait même pas toujours prévoir à sa fille les manifestations les plus concrètes de, la puberté et laisse l'enfant aborder sans un conseil, sans un mot qui rassure, les débuts si graves, et parfois si angoissants, de la menstruation. Au jour du mariage, certaines mères se croient tenues d'apporter in extremis, à leur fille les lumières de leur expérience. Comment ne sententelles pas que cet entretien est profondément ridicule si la fiancée est déjà avertie., et, à pareille heure, parfaitement révoltant s'il est encore nécessaire?

Cette conspiration du silence chez les éducateurs, est d'autant plus surprenante qu'elle ne provient pas, tant s'en faut, d'une sorte d'indifférence. Bien au contraire, les parents, pour peu qu'ils aient le sentiment du sérieux de leur tâche, savent que la puberté sera, pour leur enfant, le signal d'une crise morale. Les mères surtout le sentent, plus encore qu'elles ne le savent; et c'est pour leurs fils qu'elles s'en inquiètent le plus. Tandis que, dans la famille bourgeoise, la fille passe, en général, directement du foyer paternel au foyer conjugal, et se trouve ainsi sous une sorte de tutelle morale continue, le fils est bientôt appelé en dehors par les nécessités de la carrière, et des mœurs, que l'on subit sans même les juger, autorisent à son profit une liberté qu'on refuse à sa sœur. Pour lui, plus de tutelle; il est livré à lui-même, à l'âge où des problèmes nouveaux vont s'imposer à lui, sans qu'une éducation forte et précise l'ait armé contre les assauts qu'il va subir. Aussi les mères sentent-elles bien que l'heure est venue où leur enfant risque de leur échapper. Que font-elles, cependant, pour le retenir? Rien, en général, ou rien que de timide et d'inefficace.


Quelle est donc la raison de 'cette abstention qui, encore une fois, ne s'explique pas toujours par; l'insouciance? Problème complexe et délicat. Il faut se résigner; je crois, dans tous les problèmes psychologiques qui se posent à l'occasion, de la vie sexuelle, à 'faire une part à l'inconscient pu au subconscient, il y a, dans l'appétit sexuel, un élément organique qui échappe à l'analyse parce qu'il est, chez l'individu et dans l'espèce, antérieur à l'éveil de l'intelligence et à la conscience même. Nous aurons à revenir sur cette considération, qui est d'importance capitale. Elle trouve- déjà son application dans le problème pédagogique' qui nous occupe. Si beaucoup de parents éprouvent un invincible malaisé à mettre leurs enfants au courant des, questions, sexuelles, c'est peut-être tout simplement qu'ils ne comprennent pas bien ce qui se passe en eux-mêmes et, a fortiori; chez.leurs descendants. II. sentent vaguement que les actes sexuels ne sont, pas des actes commeles autres, qu'ils mettent en jeu des -énergies obscures, bref qu'ils engagent la vie dans ce qu'elle a: de. plus profond et de plus mystérieux ils. ont l'impression d'être sur le seuil de l'inconnu.: De, l'espèce da résignation avec laquelle des mères, par ailleurs très, morales, admettent que leur fllsdoit subir à un moment donné, l'impulsion de la « nature », de la docilité surprenante avec laquelle elles acceptent le préjugé, ^sur; lequel nous reviendrons, qu' « il faut que jeunesse se passe »r II leur semble- y avoir là une sorte de fatalité avec laquelle elles :'n'ont ni assez dé savoir ni. assez de force pour se mesurer.

A vrai dire, les parents ne sont pas seuls à subir cette sorte de. honte à parler des questions: sexuelles.. Nous la ressentons tous plus ou moins et elle explique, d'une part, l'embarras qu'éprouvent d'honnêtes gens à s.'entretenir.:«n toute simplicité de problèmes intimes et, d'autre part, la prédilection malsaine des esprits vulgaires à remettre sur le tapis d'interminables «.histoires.de femme » le cynisme est la contre-partie et, si l'on peut dire, la revanche inévitable de la pudeur. Mais il fauLajouter à l'explication précédente que ce malaise est particulièrement naturel chez des parents. N'ont-ils pas été, en.effet, les-éducateurs de la pudeur de leurs enfants? n'ont-ils pas,; avec juste raison, provoqué, encouragé, développé ce sentiment'en, qui ils. ont reconnu, par. un sûr instinct, le plus efficace facteur de la réserve sexuelle? Or il n'est pas surprenant qu'ils soient pris au piège de leurs, propres leçons.


Quand on a interdit sévèrement la mise a nu de certaines parties du corps et certains gestes, quand on a proscrit de la conversation toute allusion précise aux mystères. de la naissance, bref, quand on a créé, dans la vie familiale, toute une catégorie de questions « tabou », il est malaisé de rouvrir un beau jour le livre interdit de la vie sexuelle. L'habitude fait défaut, les mots manquent et l'on s'en remet peu à peu à l'instinct ou aux circonstances du soin de suggérer à l'adolescent ce que la parole réfléchie se refuse à dire. Autre raison par le caractère mystérieux et en quelque sorte sacré, par la violence aussi des impulsions qu'il s'agit de régler, la discipline sexuelle semble à bien des éducateurs déborder le cadre de la morale de bon sens dont se contente la vie quotidienne on veut chercher plus haut une direction et on la trouve fort opportunément dans la religion. Les églises chrétiennes et, en particulier, l'Église catholique résument la morale sexuelle en un petit nombre de commandements extrêmement simples. « OEuvre de chair ne désireras qu'en mariage seulement; luxurieux point ne seras de corps ni de consentement », voilà qui est clair et, semble-t-il, ne comporte point de casuistique. Aussi est-il naturel que les parents chrétiens comptent beaucoup, pour sauvegarder l'innocence des jeunes gens,- sur la direction du prêtre et du pasteur et, en particulier, sur l'action discrète du confessional et qu'ils abdiquent ainsi de leur autorité, en ce qui concerne des devoirs qu'ils ne se sentent ni assez de doigté, ni assez de prestige pour'prescrire et commenter. Parfois aussi on invoque l'intervention de cet autre conseiller qui, dans la famille, exerce lui aussi une sorte de sacerdoce, le médecin. Il ne manque pas de pères et même de mères qui demandent au médecin de la famille, quand ils craignent pour leurs fils de fâcheuses aventures, de munir celui-ci de conseils précis, qui ne sont pas toujours, d'ailleurs, des conseils de chasteté. Parfois même c'est un oncle ou encore un simple ami de la famille, que l'on délègue auprès de l'enfant dont on présume qu'il a gagné la confiance. Bref, de toutes les tâches de l'éducation, la mission d'initier les adolescents aux surprises, aux sollicitations, aux risques moraux de la vie sexuelle est celle que les parents esquivent le plus volontiers, celle qu'ils abandonnent à des tiers avec le plus d'empressement, quand ils ne s'en remettent pas, c'est le cas le plus 'fréquent, à la nature et au hasard.

Contre ce nonchaloir, il semble bien que, depuis quelque vingt ans,


une réaction se dessine,. Seins dojate elle ji'est guère sensible- dans les mœurs et l'on ne' saurait assurer que les parents du début du xx" siècle soient généralement plus osés/; en matière de pédagogie sexuelle, que ceux du passé. Mais cette réaction est très, marquée dans la littérature pédagogique.. Il a paru toute une floraison déjà, touffue d'ouvrages destinés; soit à tracer aux éducateurs leurs, devoirs précis à l'égard. des problèmes sexuels, soit à instruire les adolescents eux-mêmesT- ku second Congrès international d'Edu- cation morale, un directeur de lycée hongrois, M.;Kémény, a pu assurer qu'il existe plusieurs centaines de livres de ce genre1. Ces, livres prennent les formas, les plus diverses expositions scientifiques, entretiens familiers, homélies morales ou religieuses, romans. même. On en voit, en Suisse notamment, s'étaler jusque,dans les bibliothèques des gares, avec "ces J^itres, significatifs Ce que tout jeune homme, Ce que, toute jeune fille, Ce ,que toute femme mariée devrait savoir, etc. Beaucoup de ceux de ces livres qui préconisent la sévérité des mtKu£s no,us viennent des pays .où domine l'influence protestante1 États-Unis, Pays Scandinaves, Pays-Bas, Suisse. Mais, en regard, il convient de tenir compte de la vaste littér rature néo-malthusienne dont certaines brochures se présentent également comme destinées à la jeunesse, et qui affectent le plus généralement l'aspect de tracts. populaires, brefs et à bas prix. D'autre part, l'éducation sexuelle, dojil cqn signalait plus haut l'inexistence actuelle, est aujourd'hui réclamée par un nombre croissant de pédagogues, qui ne .sont rien moins que néo-malthusiens. Le IIP Congrès international d'hygiène scolaire a entendu,, sur ce sujet, un rapport du docteur Doléris, membre de l'Académie de médecine2; le IIe Congrès international d'Éducation morale s'en est occupé dans deux de ses sections 3 le X? Congrès intertional des Femmes, tenu cette année à, Paris', en a fait un des articles de son prograrnme la Sociét de_ Philosophie y a consacré une de ses séances 3.. .ir'~ Il n'est donc pas douteux, .que les problèmes sexuels, n'aient 1. Ce congrès s'est tenu à,.La Haye,. du 22_au 27 août 1912. Cf. Compte rendu, p. 91. ̃ -•-

2. Paris, août 1910.̃ ,r r --–̃̃

3. Compte rendu, p. 85-93; 121-125.

4. Du 2 au 8 juin 1913. ̃

5. Le 28 février 1911, Bulletin de-la Société, française de philosophie, 1911, p. 29-52. ̃


th. ruyssen. La morale sexuelle. 817 dans les préoccupations publiques une place nouvelle. La A ftllf WOAAf f /l A "I^1«._ t TV i

conquis dans les préoccupations publiques une place nouvelle. La sexualité fait recette. Aux Etats-Unis de l'Amérique du Nord, il semble même que- ces problèmes aient fini par émouvoir le grand public. Des étudiants de l'Université Rockfeller ont fait dans les bas-fonds de Chicago des enquêtes révélatrices; les moralistes et les prédicateurs osent t aborder de brûlantes questions; les Magazines y consacrent des chroniques et un écrivain, M. William Marion Reedy, a créé naguère l'expression pittoresque de « Sex o'clock, L'heure du Sexe », pour désigne/le succès de cette mode nouvelle

Or c'est bien de nouveauté qu'il convient de parler. En effet, il ne s'agit plus ici de littérature. L'érotisme, au théâtre et dans le roman, n'est pas une invention de notre temps. Mais le théâtre et le roman décrivent des cas individuels beaucoup plus qu'ils n'enseignent ou ne jugent; et lors même qu'ils procèdent de quelque dessein, secret ou avoué, de moraliser ou de pervertir, le problème y est rarement envisagé dans sa simplicité brutale. Bref, la littérature a pour thème inépuisable l'amour et les complications infinies qu'il suscite dans le jeu des passions humaines. Mais l'amour n'est pas l'instinct sexuel; il le suppose, sans doute, mais le déborde, le dépasse à tel point qu'il peut le réduire à n'être qu'un accessoire, parfois même le restreindre, le discipliner, le modifier jusqu'à l'anéantir D'autre part l'amour se suffit trop à lui-même pour s'accommoder volontiers aux règles de la conduite morale, il peut être sublime ou très bas, il peut inspirer les plus hautes perfections ou précipiter aux pires déchéances; mais, en lui-même, il est rarement moral au sens précis du terme, car il est d'un autre or.dre et ne cherche ni dans la raison ni dans l'intérêt sa règle ou sa mesure. C'est pourquoi les analyses innombrables de l'amour, si profondes soient-elles, sont d'un médiocre profit pour quiconque veut étudier la vie sexuelle proprement dite au point de vue moral, qui est celui des règles de l'action. Or voilà tout justement l'objet précis et vraiment nouveau de la littérature sexuelle moderne. Qu'elle enseigne, après Malthus la réserve morale (moral restraint) ou, avec les néo-malthusiens la docile obéissance aux appels de la chair, qu'elle recommande la diffusion généreuse de la vie ou la limitation des naissances, elle a toujours ce caractère commun de mettre l'individu en demeure de lAoû't l'art. Sex o'Clock Ameriea> dans The currenl opinion, New- York, t3 voùt 1913.


réfléchir sur la nature et sur les conséqueuces précises,; physiologiques, morales et sociales'de^açte éléjneata{re qui rapproche tes sexes. A cet égard, et dût ^rapprochement scandaliser certains moralistes, il y a plus.de parenté qu'oa ne croit entre lajittésature néo-malthusienne:ji, le développement de la pédagogie toute moderne qui ne craink.plus d'aborder -de front les problèmes sexuels. Celle-ci, sans,.dp}J.J?-5).&êlL gé¡:rérâLune réaction,, une protestation indignée contre celle-LèL; mais toutes deux procèdent aussi d'un même besoin trèsjmoderm et très^sain d'eii' finir-avec une certaine hypocrisie qui consisJLe.à. être.. plus sévère pour les mots que pour les actes, d'un désir_de parler tout haut des choses auxquelles on pense tout bas, alors, que ces choses sont susceptibles d'engager des intérêtsJnfiniment graves,;enfin d'un-souci de mettre l'homme et la femme de. vingt ans en face de toutes leurs responsabilités sans exception^ai. excuse. Comment expliquer, chez les théoriciens jnspirés de préoccupations aussi différentes et dont les .conclusions seront nettement contradictoires, ce. besoin commun, de franchise? D'où yient-ce soudain intérêt des consç_i.ence,s: pour. des; problèmes, qui cependant ne sont point récents, puisqu'il y a, dans., la langue de, tous Jes peuples des termes pour flétric-les^ab.us ou.les perversions de la yie sexuelle? On peut ici, croyonsrno.us. distinguer. des causes vague.s'et secondaires, et d'autres précises^et capitales..

Sur les premières nous n'ingiMerons > pas..O;n peut admettre que le progrès de la science, la -vulgarisation; des notions relatives à la reproduction des animaux, et des plantes, ont élargi les limites de la curiosité et entamé l'espèce, de. secret où l'on reléguait naguère tout ce qui concerne la généraLio.n humaine. ^On. peut ajouter que le journal, en multipliant les récits de; .scandales intimes, en publiant les chroniques des tribunaux, en multipliant certaines: annonces pharmaceutiques ou. médicales a,, en quelque, sorte, étalé sur la place publique des détails naguère réservés à la clinique; .on peut admettre enfin que les progrèjynême-de l'hygiène, la diffusion;des bains, des douches, des massages ont diminué la réserve traditionnelle des habitudes et du. langage.

Mais voici peut-être.deux: explications plus décisives. C'est d'abord le recul des croyance^ religieuses. Nous_disions plus haut que:les phénomènes sexuels apparaissjinkà^beaiicoup de personnes comme revêtues d'une sorte de caractère sacré. Peut-être, si l'on entrepre-


nait une étude de sociologie ou d'histoire des mœurs qui dépasse le cadre d'un article de simple morale, faudrait-il reconnaître dans cette croyance instinctive la survivance de très anciennes prohibitions relatives aux relations sexuelles à certains moments par exemple, pendant la période menstruelle, ou entre certaines catégories de personnes, par exemple, entre proches parents. Toujours est-il que la crainte, la honte ou le respect qui s'attachent, dans toutes les sociétés humaines, aux manifestations de la vie sexuelle ne peuvent échapper à la dissolution générale du sentiment du sacré. S'il est vrai que l'objet des croyances religieuses est de plus en plus abstrait ou de plus en plus intérieur, s'il est vrai que l'on s'effraie de moins en moins du mystère des forces naturelles les plus proches qui épouvantaient le primitif, s'il est vrai même que nombre d'esprits rejettent délibérément, ou croient rejeter toute notion invérifiable, comment la vie sexuelle aurait-elle conservé le privilège d'échapper à l'analyse? Le « naturalisme » a porté là son œuvre comme ailleurs. Ce n'est pas seulement la nature extérieure qu'il a rendue à l'homme plus familière c'est sa propre nature qu'il l'a engagé à envisager avec plus de confiance, mais aussi moins de discrétion. Là où la religion dénonçait un torrent impur, corrompu dès sa source, il reconnaît simplement des fonctions aussi normales, aussi nécessaires, aussi saines; que la nutrition ou la respiration. Parfois, le romantisme aidant, il exalte la beauté purifiante de la passion, bafoue la chasteté et relève la prostituée. Bref, il tente de faire éclater les vieilles contraintes et ouvre à deux battants les portes de l'Abbaye de Thélème. Le néo-malthusianisme, bien distinct de la doctrine austère de Malthus, vient en droite ligne du naturalisme du xvie siècle et de l'épicurisme du xvme.

Mais peut-être le néo-malthusianisme n'aurait-il pas imposé les problèmes sexuels à l'attention du grand public, si les femmes ne s'en étaient mêlées; et c'est là, croyons-nous, la raison la plus décisive. C'est le féminisme qui a mis la morale sexuelle au premier plan de l'actualité. Rien de plus explicable ni de plus légitime. La femme a, durant des siècles, passivement subi l'amour, comme elle subissait le mariage pour lequel son consentement n'était pas demandé. La tradition lui disait qu'elle était au foyer, non pour sa joie, mais pour donner des enfants à son mari « ad procreandos pueros », quand et aussi souvent qu'il plairait au chef de famille. Et sans doute ni les coutumes, ni le droit religieux, ni le droit civil


n'ajoutaient qu'elle serait, par surcroît, l'instrument des appétits du mâle, mais rien non plus n'indiquait lé contraire: N'était-elle pas la chose, la propriété dont on peut user ',̃– et abuser aussi?. Mai s voici

n'ajoutaient qu'elle serait, par surcroît, l'instrument des appétits du mâle, mais rien non plus n'indiquait lé contraire. N'était-elle pas la chose, la propriété dont on peut user ,– et abuser aussi? Mais voici que la femme s'éveille de sa sujétion séculaire. Elle a entendu les leçons, sinon du naturalisme, du moins de l'individualisme. Elle sait que les personnes sont égales en droit. Sans doute-la Déclaration des Droits de l'Homme n*à pas spécifié les .droits de la femme; mais cette omission même est'significali.ve car, si les hommes « naissent » libres et égaux, quelle distinction d'essence la naissance établiraitelle entre l'homme et la femme? Y a-t-il,p.our les deux sexes, deux façons de naître, de vivre et de mourir2 La nature, a-t-elle si inégalement réparti la « grandeur >> et la << misère » entre l'homme et la femme, que celle-ci soit à tout jamais la servante prédestinée de celui-là? On aura beau .ergoter sur les différences des sexes,.rien ne prévaudra contre cette, .constatation qu'une femme moyenne est beaucoup plus voisine, .d'un homme moyen qu'un balourd n'est voisin d'un savant, un. coquin d'un honnête homme. Bref, « raisonnable et libre » comme l'homme, capable comme lui.de conscience et de science, de prévision," de calcul: et de décision, la femme se sent 6 une personne à l'égalrde l'homme et l'histoire sociale du dernier demi-siècle a vu grandir, d'année£nvannée, l'affirmation magnifique de la personnalité féminine.. Beaucoup plus- que le xixe siècle n,'a été « le siècle de la question, sociale », le xxe sera, on peut l'assurer hardiment, le siècle de la femme.

Que cette révolution des mœurs, fortifiée et consacrée, par les réformes légales, doive -exercer, une action profonde sur la vie sexuelle, c'est ce qu^on peut aisément prévoir, et c'est ce que déjà l'on voit se dessiner dans Inexpérience. Siféminisme veut.dif e affran- chissement, comment ne sïgnîfïerait-jl pas, avec l'émancipation intellectuelle, civile, politique et économique, l'effort pour échapper à la tutelle sexuelle de l'homme, la plus dure, la plus intolérable, la plus avilissante de toutes? De même, en effet, que la femme a pris conscience de .sa propre- valeur en,. intelligence, en habileté technique, de même aussi, elle;a compris que son. corps aussi représente une « valeur »,̃ l'une des plus hautes et des plus désirables valeur esthétique, puisque sa beauté est la principale inspiratrice des arts plastiques, valeur sociale, puisqu'elle portedansVes flancs l'avenir de la race, valeur morale, puisque ce corps, objet de convoitises, peut aussi devenir un bien que l'on défend de haute lutter


par un acte souverain d'autonomie, enfin, il faut tout dire, valeur marchande puisque, de son corps et des voluptés qu'il promet, la femme peut faire commerce ainsi que d'un vase enivrant. Cette valeur, l'homme l'a exploitée sans mesure à son compte. Mais voici que la femme se reprend. Elle entend n'être plus la dupe de son ignorance ou la victime de sa faiblesse. Si elle se donne, elle veut que ce soit librement; elle prétend n'accepter qu'à bon escient les risques de la maternité et en partager éventuellement les responsabilités avec celui qui a partagé le plaisir. Voilà pourquoi les féministes d'aujourd'hui, hommes et femmes, sont si préoccupés de toutes les questions qui touchent de près à la sujétion sexuelle de la femme abolition de la prostitution patentée, répression de la traite des blanches, relèvement des filles séduites, accouchement des filles-mères, placement des enfants nés d'unions de hasard; et voilà aussi pourquoi ils se montrent si soucieux de l'éducation sexuelle, convaincus que les premières chutes, les maternités non désirées et, par suite, les avortements et les infanticides sont trop fréquemment la suite effroyable de l'ignorance autant que de la misère. C'est un congrès de femmes qui abordait la question, il y a quelques mois, à Paris; et, au Congrès international d'Éducation morale, ce sont les femmes qui ont le plus insisté en faveur de l'initiation sexuelle. Aussi bien, bon nombre des livres de pédagogie sexuelle, dont nous signalions plus haut l'existence, ont-ils été écrits par des femmes. D'ailleurs, avec la multiplication des étudiantes en médecine, avec le progrès des études hospitalières, de plus en plus recherchées par les jeunes filles de la bourgeoisie, on voit croître rapidement le nombre des femmes que leur profession même amène à envisager avec sang-froid, sans dégoût comme sans lyrisme, les réalités de la vie sexuelle. La femme-avocat elle-même n'a-t-elle pas chaque jour à pénétrer les lamentables dessous du divorce, de la naissance naturelle et de l'abandon? Gomment, s'étonner dès lors que l'avènement de la femme à la science et à la vie publique ait fait crouler un .large pan du triple mur de pudeur, de traditions et d'ignorance qui entourait la femme d'autrefois, ou même celle d'hier? La femme moderne sait davantage; sachant, elle se défend, et c'est justice. Parfois même elle se venge à sa façon; car l'on voit se développer, dans certains clans féministes, avec le mépris ou la haine de l'homme, une sorte de mépris farouche de l'amour, la peur de la maternité, le dédain des humbles besognes domestiques.


Nous disions plus haut que, par certains côtés, les préoccupations,modernes relatives à la-vie sexuelle.- sont connexes au développe-'ment du malthusianisme. On peut dire pareillement, et pour les mêmes raisons, qu'un certain féminisme cadre on ne peut mieux avec les prédications néo-malthusiennes. L'observation quotidienne le confirme. On voit des féministes connues, des conférencières écoutées, réclamer pour la femme; comme pour Phomme, le « droit à l'amour », à l'amour sans risques et préconiser la limitation des naissances. Les hommes n'dht pas été seuls à encourager la « grève des ventres ». Pareilles suggestions sont, sans; doute, rejetées de haut par ceux ou celles des. féministes, qui prétendent que la revendication des droits de la femme ne. doit point entraîner l'abdication de ses devoirsJ: 11 n'en est pas moins vrai que ces propagandes sont étroitement .solidaires. Elles procèdent d'une môme; reconnaissance des droits nouveaux de la femme et aboutissent l'une et l'autre à poser dans sa rigueur le problème de la morale sexuelle,, qu'il nous faut enfin aborder en toute franchise: et simplicité.

Envisageons tout d'abord le problème sous son aspect individuel. Oublions pour un instant que J'acte sexuel .normal est un acte à- deux et qu'une troisième existence peut en naître. Oubli inadmissible, dira-t-on. Sans doute mais n'est-ce pas celui dont l'homme se rend le plus souvent coupable quand il recherche;. la satisfactionde ses sens? Il ne pense guère àJa femme, i à l'enfant moins encore.' Toute la question est de savoir; si, même ;e.n pareille hypothèse, la morale individuelle, n'a rien dire.

On est ici tenté de procéder par analogie. La morale individuelle prescrit l'hygiène, la modération; dans la jouissance. Se -bornera^t-elle à recommander à J'hqmmee à la femme certains soins élé- mentaires de propreté,uh choix; prudent du partenaire, une certaine discrétion dans l'ardeur eidans la fréquencedes rencontres? On sent immédiatement l'insuffisance de cet épicurisme. Non pas que beaucoup de gens ne..s-en_accommo;d-ent; le cas n'est pas, rare. des célibataires et même, dés àpoux qui apportent dans leurs satisfactions d'alcôve autant de méthode, et de calcul qu'à leur table ou dans l'exercice dés sports. Mais il est des consciences que cette morale de simple mesura choque violemment. Si, en effet, tout le


monde accorde que la simple satisfaction du besoin de nourriture et du besoin d'exercice oscille entre un minimum nécessaire et un maximum qu'il est périlleux de dépasser, en revanche, Fidée de tout rapprochement sexuel en dehors du mariage est rejetée avec horreur par les « honnêtes femmes », par beaucoup d'hommes plus sévères pour eux-mêmes que la moyenne, par le prêtre et le moine catholiques qui font vœu de pureté physique pour leur vie entière. Cette divergence d'appréciation sur l'innocence de l'acte sexuel est; par elle seule, une donnée morale des plus importantes. Or, à celte donnée morale, correspond une .vérité physiologique élémentaire il n'y a pas, pour l'appétit sexuel, comme pour les besoins d'aliment et d'exercice, un minimum de satisfaction nécessaire. La limite, en pareil cas, coïncide rigoureusement avec zéro. Homme ou femme, c'est un fait qu'on peut vivre chaste, sans éprouver, à l'exception de quelques sujets anormaux, de désordre grave ni même de gêne douloureuse. On l'a dit, et l'on ne saurait trop -le répéter, puisque une vérité aussi banale peut être si étrangement méconnue, il n'y a pas de maladie connue de la continence, pour les sujets normaux qui sont l'immense majorité, alors qu'il y en a beaucoup, fort bien connues et fort graves, qui proviennent de l'incontinence. La nature a pourvu, de la façon la plus simple et la plus infaillible, à l'évacuation de cet excédent de nutrition que représentent le liquide séminal et le flux menstruel. L'adage « il faut que jeunesse se passe » est une de ces audacieuses contre-vérités dont la Sagesse des Nations est prodigue,. et le succès ne/s'en explique que par l'excuse commode qu'il apporte aux incartades des jeunes gens. Mais on n'a pas tout dit quand on a constaté que le renoncement à toute vie sexuelle est possible. La réalité est autrement complexe. A ce fait tout négatif s'oppose cet autre, positif et brutal, que la copulation est, pour l'homme tout au moins, l'origine d'une jouissance extrêmement vive et que cet acte, considéré en lui-même, en dehors de conséquences qui d'ailleurs ne sont nullement fatales, est, par surcroît, parfaitement inoffensif s'il n'est pas trop fréquent. II s'en faut que les dévots de Vénus soient tous des malades ou des détraqués. Par suite, pour l'adolescent qui hésite encore, la lutte n'estelle pas inégale entre le froid appel de la chasteté et l'ardente clameur de la chair? Si Hercule au carrefour à choisi la vertu, c'est qu'il est un demi-dieu; l'adolescent n'est qu'un homme, et moins encore.


A défaut d'arguments physiologiques dirimants, on invoquera sans doute des arguments, mofaui. Lesquels? Il est bien clair qu'en, lui-même l'acte sexuel n'estpas immoral s'il est inoffensif. Dira-t-ofi qu'il est tout au moins de l'ordre des. fonctions « iaféxleszes ,'» et. qu'on se dégrade quand on s'y abaisse par simple sensualité? L'argument a été singnMèa;emsnt îoi-ïifié par-tout ce que TÉglîse a fait pour glorifier la pureté. Dès l'origine des temps, une dés conséquences du péché d'Adam et d'Eve est de condamner la femme à. engendrer dans la douleur, tandis que le signal de la rédemption du monde est donné par" 'l'incarnation de l'Homme-Dieu dans le sein d'une vierge. De là l'exaltation de la virginité, le discrédit jeté sur les œuvres de la chair considérées comme impures, le célibat des prêlres, la rigoureuse'discipline des couvents. On ne peut nier que cet ensemble de croyances et de- règles ait suscité des vertus singulièrement hautes et qu'il ait exercé sur lesrmœurs une bienfaisante action. Aussi bien le christianisme n'a-t-il pas eu le monopole de cette sévérité mystique à l'égard de; la vie. sexuelle; on en trouve l'analogue dans le bouddhisme.et.dans certains cultes grecs. Xous n'avons pas à nôtis occuper ici de la lettre de "systèmes religieux dont le croyant seul peut s'inspirer. Mais puisque en fait le culte de la chasteté a réussi, Tïialgré les rudes contraintes qu'il impose, à séduire des consciences, et/.à/djsëipliner- des volontés sans nombre, nous avons lé devoir de ïechercher laraison de ce succès, qui ne peut se trouver'que dans une réalité humaine profonde; carun impératif émané du caprice, orbitraice d'un législateur religieux serait demeuré lettre morte. QuelleCest. celte' raison? Nous ne pensons pas qu'il soit possible'de la dégager tout entière. Il y a,. répétons-le, à la base des réactions sexuelles, des conditions physiologiques singulièrement-obscures, et; probablement aussi, tout un substratum d'éléments subsconsciçnfs; On peut remarquer cependant que l'acte sexuel enferme l'homme dans une sorte de contradiction sentimentale troublante. Rien de plus impérieux, de plus' direct, de plus hardi que le désir de la possession; mais, en même temps, chez celui-là même qui la recherche, ce désir est compliqué de résistances, de timidités, d'angoisses, puis, après, la satisfaction, de déceptions, de tristesse parfois profonde, souvent aussi d'atroces remords. Ne serait-ce pas que, s'abandonner dans l'étreinte, c'est abdiquer pour un instantde .cetti^ délense de soi, qui est la condition permanente de la conservation. de_ la vie, et dont la pudeur


est sans doute qu'une manifestation inconsciente? Ne serait-ce 1

n'est sans doute qu'une manifestation inconsciente? Ne serait-ce pas que, dans l'amour physique, l'homme livre ce qu'il a de plus intime, sort de lui et, en quelque sorte, meurt à lui-même? Et n'est-il pas frappant que tant d'analystes de l'amour se soient accordés à signaler l'étroite parenté de l'amour et de la mort? Autre trait qui mérite réflexion c'est le caractère sui generis, incomparable et, en quelque sorte, absolu de l'émotion sexuelle. Aucune assimilation avec une jouissance physique quelconque n'en peut donner l'idée. Elle est, pour le néophyte, au sens le plus fort du terme, une révélation; c'est comme un sens nouveau qui s'éveille à la vie. Sans doute, si l'on s'avise d'analyser cette jouissance en termes de représentation, on n'y découvre qu'un contenu des plus pauvres un contact intime, un spasme rythmé, une détente soudaine, un effondrement dans une inconscience lassée, et c'est tout. « N'est-ce que cela? » dit le petit marquis de Coutras, après son initiation. Oui, « cela » est peu de chose, si l'on s'avise de l'analyser, c'est-à-dire d'en dégager les éléments conscients. Il n'en demeure pas moins que- c'est pour « cela » que des hommes se suicident, que l'attente de « cela » suffit à affoler les jeunes gens et que des vieillards se consument du regret de leur impuissance. Aussi bien, de ce que l'analyse est courte, il ne résulte pas que la réalité soit sans profondeur. La longueur de la sonde ne suffit pas toujours à mesurer les abîmes de l'océan. Avons-nous tout dit de l'émotion sexuelle quand nous avons dessiné les remous qu'elle provoque à la surface de notre conscience? N'avons-nous pas, au contraire, l'impression intime qu'autre chose se meut dans ces profondeurs, que nous sommes mus nous-même par une force toute proche de nous et qui pourtant nous déborde infiniment? Est-ce, comme l'a pensé Schopenhauer, on ne sait quel « vouloir vivre » formidable qui, par notre individualité, tente de se réaliser sous forme de connaissance? Est-ce l'Espèce qui, selon l'expression pittoresque de M. André Cresson, somme son « serviteur » de travailler à la perpétuer? Est-ce, de la part de l'un des sexes, incomplet par définition, une aspiration inconsciente à s'achever dans la plus intime des synthèses? Est-ce, comme le voulait déjà Malebranche avant Renan, l'âme qui cherche Dieu par des voies obscures? Nous ne prétendons. pas résoudre cette énigme. Mais on ne peut s'empêcher de constater qu'il se mêle invinciblement aux émotions les plus physiques de l'amour une sorte de mysticisme inévitable, qui


se traduit sous les formes les plus, diverses. Les Grecs voyaient dans l'amour, comme dans l'enthousiasme noéticrue et dans la folie,

se traduit sous les formes les plus, diverses. Les Grecs voyaient dans l'amour, comme dansJ'enthousiasme_ poétique et dans la folié, une véritable « possession ">>, l'envahissement de la personnalité ̃ par un Dieu redoulable:.Toute la HttéraiuEeljDQderne, et, sur ce point, la classique s'accôride aveJLla romantique, est pleine des mystérieuses défaites de la -volonté domptée, par les raisons que la raison ne comprend pas.' Affair.e de. Eppaan ou'de théâtre, dira-t-on?:. Mais théâtre et roman ne sont-ils pas quotidiennement -confirmés' ou dépassés par nô.trB propre expérience? Ne parlons-nous, pas tous les jours de coup de foudre; de-frénésie, de. passion foller de responsabilité atténuée, d'amour fatal? Nos" tribunaux n'absolvent-ils pas l'aman tjalouxqui tue à Uëgàl.de l'ivrogne qui assomme? Et notre langage aussi ,neJtrahH3^p7as l'espèce de frisson sacré que l'idée seule de l'amour physique suscite en nous? -Nous ne'savons. en parler comme d'une. chose indifférente, et l'accent même de notre voix nous trahit ̃ Je me^ rappellerai toujours l'embarrascomique d'un savant .médecin, professeur distingue, conférencier, brillant, rompu aux leçons magistrales et cliniques, que. les circon-stances amenèrent à parler, devant un cercle de gens, graves, mais profanes, d'un cas très spécial de pathologie sexuelle îl.cherchait ses mots, rougissait, s'agitait dans ie;silence d'un auditoire gêné. Quand nous parlons d'amour physique, nous oscillons.nerveusement du lyrisme à la plaisanterie graveleuse, qui est peut-être une: manière de lyrisme. La licence ;des. propos pourrait bien n!exprimer qu'une sorte de malaise inquiet. Onnebafouaque.ee que l'on craint. L'obscénilé n'est peut-être que le blasphème des:fanatiques.de-Vénus. Une dernière considération- s'impose ici. Si mystérieuse que soit la source de l'appétit sexuel, certains effets psychologiques en sont bien connus et doivent -être notés. ici. Nous voulons, parler de l'intime association de l'activité sexuelle et de rimagination.. Pendant l'étreinte, la conscience est envahie par un petit nombre de sensa^ tions élémentaires très fortes le champ en est rétréci à l'extrême;, toute la vie psychologique .est ? concentrée. autour d'un' système étroit, mais solide, d'impressions: et _de réiietions p.eu.'hombreuses c'est un état caractéristique d'attention, où les éléments 'représentatifs sont très pauvres et dominent des sensations tactiles, musculaires et vitales, iort confuses, mais intenses.. Aussi- les physiologistes ont-ils noté rattitude^àla fois tendue^ absorbée et en quelque sorte absente des amants. Schopenhauer l'observe jusque


chez les animaux. Mais, par la suite, quand ce bloc massif d'états profonds se dissocie, il n'est pas sans laisser des traces profondes dans la conscience. Toute la vie.mentale en est affectée et une sorte de seconde vie sexuelle, toute en images, s'organise. Certaines images, jusque-là flottantes ou indifférentes, se précisent, se fixent et tendent à -devenir de véritables obsessions souvenirs précis ou images génériques de contacts, d'odeurs, de couleurs et de lignes. « L'idée de la femme nue m'obsédait », confesse le triste héros de la Sonate à Kreuzer. Les Confessions de Rousseau laissent entrevoir plus d'un aveu analogue. Or, si l'on n'a pas fréquemment l'occasion de recevoir, en matière aussi intime, les confidences des hommes sains, il suffit de parcourir les annales de la pathologie mentale pour se convaincre de l'extraordinaire prédominance de l'imagination sexuelle chez des individus qui ne sont pas des fous, mais simplement des érotomanes. Aussi bien tous les lecteurs masculins me comprendront-ils si je rappelle que les contacts ne sont pas toujours nécessaires pour provoquer certaines réactions sexuelles précises la vue, la représentation, la simple description, la suggestion indirecte y suffisent. Toute la littérature pornographique et sadique puise dans cette loi psychologique la toute-puissante séduction qu'elle exerce sur un nombre incalculable de lecteurs, et la prospérité de cette littérature prouve à l'évidence que ceux qui vivent par l'imagination une seconde vie sexuelle sont légion, en dehors même des asiles d'aliénés. surtout à une époque comme la nôtre, où l'abus du journal et du livre crée autour de toutes les consciences, pour reprendre l'expression de W. James, une pluralité de « sous-univers », où chacun peut se perdre et oublier, avec soimême, les devoirs de l'heure présente.

Que peut dégager la morale de ces premières considérations? La morale courante en tire, à sa manière, certaines conclusions, puisqu'elle établit d'instinct une certaine hiérarchie de « valeurs » et classe généralement les actes sexuels au nombre des opérations inférieures de la vie. On parle couramment de «parties honteuses », de « nécessités humiliantes de la vie », d' « instinct grossier », etc. Peut-être le sens commun est-il frappé de la connexion locale que la nature a instituée entre les organes de la génération et ceux des évacuations les plus répugnantes. Il s'est trouvé même un philosophe, Durand (de Gros), pour observer que la matrice est située « entre deux cloaques »? Ces considérations du sens commun sont


sans doute intéressantes par leur spontaaèité même; elles traduisent gauchement l'impression de trouble^qu'éprouve la conscience quand elle réfléchit sur le mystère originel de la vie.. Mais il faût;bieri,avouer qu'une réflexion morale un peu exigeante n'ën^ïre pas grand profit.. Rentre dans ces vagues déprécialions;delavie sexuelle plus d'esthétique que de morale proprementdite. Les Stoïciens étaient mieux fondés à penser que « rien n'est vil dans la maison de Zeus ». Condamner l'exercice des fonctions sexuelles, c'est condamner la vie même. Le Christianisme avait ses raisons pour prononcer ce jugement; encore ne l'a-t-il pas fait expressément; il s'est borné à purifier la chair par le baptême et àsanctifïer le mariage. 11, n'y a rien de probant, en somme, dansUa distinction banale des régions hautes et des bas-fonds de la vie, puisque cette vie est unité et que la fleur de la pensée ne peut s'épanouir que sur le fumier, qui la nourrit. Ces classifications traduisent des variations .fort instables de la conscience individuelle, et l'on pourra tour à tour, avec la même passion, flétrir l'amour physique ou l'exalter selon que la déception ou le désir inspiré ce jugement. Mais peut-être les pages ^qtii précèdent peuvent-elles suggérer une leçon plus précise. « On ne badine pàs'avec l'amour », oserions-nous dire, en prêtant à ce « proverbe;» une signification plus brutale et peut-être aussi plus complète/que Musset. L'amour physique luimême est chose profondément sérieuse; il comporte dés risques graves. Or, ici nous ne pensons pas seulement aux contaminations diverses qui peuvent « avarier » les amants imprudents; et cependant combien le risque est inquiétant, s'il est vrai, comme l'affirmait naguère un spécialiste, le Dr Leredde, que la syphilis^ par ses consé- quences proches ou lointaines, paralysie générale, cancers de la gorge, affections nerveuses, est: la plus meurtrière. des maladies modernes, après la tuberculose, et que trente mille personnes: par an lui paient, en France, le tribut dé- leur vie! Mais, après tout, ce tribut pourrait bien n'être pas periàanent. Le bacille de Schaudin n'est sans doute pas invincible et l'amour; sans risque physiologique n'est peut-être pas une chimère. Mais il est moins vraisemblable qu'il en soit de même du risque psychologique. et,. par suite; moral..Tandis que la continence est une vertu de tout repos, chez les sujets normaux, l'incontinence ouvre la porte à un inconnu qui peut devenir redoutable. Nous disions plus haut que le premier contact sexuel est pour l'adolescent une révélation, le-signal d'une: crise, et nous


signalions les répercussions dont cet ébranlement physiologique est le signal. On peut, de ces constatations, tirer cet enseignement précis si la continence est relativement facile à observer pour l'homme chaste, la modération devient immédiatement malaisée pour l'homme qui a goûté, ne fût-ce qu'une fois, à l'enivrante volupté. Tandis que les prêtres avouent volontiers qu'ils n'ont pas, en général, grand mérite à rester fidèles à leur voeu, et l'éclat même des scandales qui se produisent dans le clergé en souligne la rareté, la première expérience d'amour cristallise soudain tout un système de souvenirs précis, d'images, d'appétits enfin qui deviennent bien vite des besoins. D'aucun acte on ne peut dire avec plus de justesse que le premier engendre soudain une habitude; et il faut ajouter qu'en pareille matière habitude signifie presque fatalement passion.

Sans doute, nous l'avons dit plus haut, ces conséquences ne sont pas fatales; mais il suffit qu'elles soient possibles pour inspirer de -sérieux scrupules, sinon à l'adolescent qui ne peut prévoir ces transformations, du moins à l'éducateur qui connaît mieux les surprises du cœur humain. Il y a tout à gagner et rien à perdre à élever les jeunes gens dans la plus rigoureuse abstinence sexuelle; car la révélation de l'amour, troublante à toutâge, peut devenir dans la jeunesse le signal d'une perversion radicale, nous voulons dire d'un déséquilibre irréparable de la volonté et des sens. Il n'y a pas, pour une volonté encore débile, d'épreuve plus périlleuse que d'éveiller les forces somnolentes du désir encore inconscient. Le mariage a l'immense avantage de canaliser ces forces dans un sens défini et de les endiguer grâce à l'éveil simultané de sentiments nouveaux, tendresse, respect, honneur; paternité. Mais lâcher la bride à l'instinct sans opposer à ses emportements rien de plus que des conseils d'hygiène ou de vague modération, c'est ouvrir imprudemment la porte à un inconnu redoutable. L'adolescent qui se rend, pour la première fois, chez une femme quelconque, pour une rencontre de passage, y joue proprement sa vie physique, intellectuelle et morale; il ne sait s'il sera le même demain dans sa famille, au travail, dans la vie sociale; il ne sait quelle hantise suscitera en lui la révélation de la chair, quelle << servitude sans espoir peut représenter le terme trop exact de « maîtresse »; et nous savons plus d'une vie manquée, après des débuts riches de promesses, dont les premières déceptions dataient t d'une première défaillance sexuelle.


Ce chapitre de morale_ sexuelle: individuelle serait incomplet si nous ne disions un mot de, la pratique qui tend précisément à détourner radicalement .l'appétit .sexuel de toute fin. sociale, de l'onanisme ou masturbation. .-̃

Le psychiatre suisse Forel, qui traite des anomalies sexuelles avec autant de modération que'de science, estime que l'on a « exagéré d'une façon Incroyable les effe.ls d'une masturbation modérée chez l'adulte1». Il se peut, et-l'on peut admettre même que, chez un adulte très maltre.de lui, la «masturbation compensar trice », destinée à remplacer, pas intervalle, les effets du rapprochement normal, peut ne pas entraîner d'inconvénients graves. Mais deux remarques s'imposent v-aussitôt; la première, c'est que, toutes choses égales d'ailleurs, la masturbation exige du sujet qui la pratique, homme ou femme, utïe dépense nerveuse très supérieure à celle que supposent les rapports intersexuels, de sorte l'apaisement cherché à l'inquiétude des. sens est payé d'une fatigue et suivi d'une dépression plus fortes que: cettesjquï résultent de l'amour partagé. Sur ce point tous les physiologistes sont d'accord. Il faut ajouter^ au point de vue moral, .que. la « modération » est ici bien.difficile à définir, pour les raisons que nous avons indiquées déjà: II s'en faut que l'excitation qui porte un homme aux pratiques solitaires corresponde régulièrement aux/ périodes de réplétion:dés vésicules séminales cette excitation .procède presque toujours de perceptions que les hasards quotidiens peuvent multiplier ou, pis encore, d'images purement subjectives, qui envahissent l'esprit à l'improviste, d'obsessions tenaces, ou encore de représentations'internes que le sujet se donne volontairemen-t à lui-même avec- la plus, grande. aisance. De la sorte, l'onaniste s'enferme presque fatalement dans ce cercle vicieux la pratique suggère l'image, la rend obsédante, et la récuivrence de l'image suggère à son tqur^l'illùsioa de besoins-nouveaux. C'est pourquoi l'oisiveté, l'ennui, l'insomnie,, en favorisant- le retour des images libres et des obsessions, engendrent si fréquemment de véritables crises d'onanisme; telest.lecas des grands pensionnaires des internats, des matelots à bord,. des soldats isolés. dans les forts, des prisonniers et des forçats. C'est ce mécanisme rigoureux, sur lequel Forel n'insiste pas assez, qui constitue -le péril, peut-être exagéré par quelques moralistes, mais encore très grave; ,des pra1. A. Forel, La question "sexuelle exposée aux adultes cultivés, Paris, 1906, p. 250. ̃̃:̃ ̃̃̃


tiques solitaires. Et ce péril est double aux deux extrémités de la vie sexuelle chez le vieillard, à qui la paresse de ses organes inflige, quand il veut en triompher à tout prix, un véritable surmenage nerveux, et chez l'adolescent, dont la chair est prompte, mais la volonté mal réglée. On peut même assurer que l'onanisme des jeunes gens est beaucoup plus dangereux que l'habitude des passades intersexuelles. Celles-ci exigent toujours quelque effort, des audaces et des ruses, une certaine mise en scène, des dépenses enfin. L'onaniste, au contraire, qui est souvent un timide, porte en lui l'instrument de sa jouissance. Il se donne l'illusion des satisfactions viriles sans avoir à conquérir les faveurs d'une femme. Dès lors, à défaut de maîtresse, c'est un maître que l'adolescent s'est donné, maître impérieux et subtil, aux exigences imprévues et capricieuses. Les médecins qui ont reçu les confidences des jeunes gens habitués aux manœuvres unisexuelles savent quel sentiment de lassitude et d'impuissance accompagnent ces tristes aveux. « La défaite toujours renouvelée de la volonté, l'incapacité des résolutions cent fois prises », écrit Forel', finissent par exercer sur le système nerveux une action profondément déprimante; on cesse de croire en la vertu du vouloir, on cesse en fait de vouloir, et l'on s'engage sur l'une des voies sans retour de la névrose ou de l'hypocondrie. »

Mais peut-être ces risques paraîtront-ils moins menaçants si nous cessons enfin d'envisager l'acte sexuel dans ses manifestations solitaires et si nous le réintégrons dans la double réalité psychologique et sociale, dont on ne l'isole pas sans artifice. En effet, l'acte sexuel est, dans ses conditions normales, un acte à deux; il suppose la rencontre de deux volontés; par là même il est gros de réactions mutuelles, susceptibles de -provoquer tout autour d'autres réactions proprement sociales. En quels termes se posera le problème à ce point de vue nouveau?

Or appliquons au groupement, si passager soit-il, de l'homme et de la femme, les règles élémentaires de la justice. Admet-on l'égalité fondamentale des personnes, comment se dérober à cette 1. A. Forel, La question sexuelle exposée aux adultes cultivés, Paris, 1906, p. zoîi.

Rev. Meta. T. XXI (n° 6-1913). 55


conclusion que tout amour subi, constitue, à la charge de qui

conclusion que tout amour subi, constitue, la charge de qui'impose, une lourde injustice; _qu'il .s'agisse, aussi bien, de la violence physique, rapt ou .viol, du mariage «imposé » par certaines « convenances politiques ou .bourgeoises, pu de la contrainte morale exercée par la misère? Nous n'insisterons pas sur ces formes évidentes de l'immoralité^ En particulier nous laisserons de côté une question que nous considérons; comme jugée, à savoir la prostitution réglementée et la traite des blanches, qui en est solidaire. Sans doute il se trouve encore,' :en; nombre. décroissant, des publicistes pour défendre la réglementation et, par suite, pour justifier implicitement la traite, dont le principal objectif est de ravitailler les maisons closes; il se trouve mêjne des moralistes pour voir dansla prostitution légale un pis-aller nécessaire à la santé publique et à la sécurité des honnêtes femmes, en quoi, sans .doute, ils se trompent; mais un moindre mal est- encore un mal, même aux.. yeux de ces opportunistes, et personne, croyons-nous; n'osera.: avancer en faveur du proxénétisme couvert de l'estampille officielle. autre chose que des circonstances_atténuantes. On ne conteste plus que le régime municipal des prostituées, à la fois- illégal et immoral, ne constitue une véritable, forme^d'èsclavage monstrueuse anomalie au sein d'une société qui se vante d'assurer à la fois la libertédes forts et la protection des fajblgs.

Le cas de la prostitution privée est moins, simple, car ici la contrainte ne suffit pas toujours- expliquer la chute. Il serait trop facile de ne voir dans la déchéancgrdeja femme qui fait commerce, d'elle-même, comme l'ont fait certains socialistes, qu'une consé- quence de l'infériorité économique de la femme. La misère laborieuse et découragée 'n'est, pas seule responsable;. elle a pour complices la paresse, la coquetterie, le goût même du vice.; car il y a, à tous les degrés de l'éch.elle sociale,_des femmes « folles de leur, corps ». Or, en revendiquant pour la femme le. droit de se refuser,. ne lui reconnaît-on pas, du, même coup, celui de se donner, de se louer et de se vendre? -̃•«« '-=̃-

Ici encore, cependant, la réponse _est aisée. Il ..ne. saurait être, question, d'abord, de faire, de la. prostitution un délit; la liberté individuelle implique le -droit polir toute personne de disposer de soi, et la société ne peut rien de plus exiger que le.maintien rigoureux de l'acte prostitutionnel, sur. le terrain privé ^elle peut et doit punir le racolage indiscret sur la- voie publique, la provocation,


ige public à la pudeur, bref toute manifestation susceptible Dduire cette réaction vinlf>ntA rlp In cnnccioti/«ï />niinnt;n ~n

l'outrage public à la pudeur, bref toute manifestation susceptible de produire cette réaction violente de la conscience collective que l'on appelle le « scandale ». Quant à la conscience individuelle, ses jugements sont singulièrement inconsistants; elle est, en général, sévère à la prostituée, même quand elle se donne sans contrainte, et indulgente à l'homme, quand celui-ci tire son plaisir de complaisances qu'il n'a point imposées et qu'il paie au prix convenu. Cette différence d'appréciation s'explique sans doute pour les mêmes raisons qui classent l'adultère de la femme et celui du mari à des niveaux très différents de l'échelle des valeurs morales. La femme, dont la faute, en cas de grossesse, s'affirme par des signes manifestes et par des conséquences durables, semble, en effet, apporter dans la famille un trouble plus profond que le mari volage; c'est pourquoi, sans doute, la conscience sociale défend la famille à sa manière en flétrissant durement l'infidélité de la femme et en exaltant ses vertus domestiques. Mais comment ce jugement confus pourrait-il résister un instant à l'analyse morale? Au nom de quelle justice accordera-t-on à l'homme le bénéfice de l'impunité dans les suites d'une liaison passagère dont la femme supporte seule les douleurs et les risques? Aussi bien l'introduction récente, dans la plupart des législations modernes, du droit de rechercher le père naturel manifeste-t-elle un progrès considérable de la notion de justice dans les questions intersexuelles. Mais ce progrès doit se poursuivre; il doit logiquement s'étendre à la prostituée comme à la mère naturelle, s'il est vrai que la mise de l'amour à l'encan suppose le client tout autant que l'enfant naturel suppose le père. Ici encore les responsabilités sont égales et l'injustice est radicale de parler avec dégoût des « marchandes d'amour » et jamais des acheteurs. Peut-être même la responsabilité est-elle plus lourde du côté de l'homme; car c'est lui, presque toujours, dont l'appétit en éveil cherche la femme, la provoque, la séduit et l'abandonne. Que si l'on impute à la charge de la prostituée l'indifférence avec laquelle elle abandonne son corps aux caresses du passant, comment excusera-t-on la versatilité de l'homme qui, lui aussi, recherche « la femme », n'importe laquelle, quels que soient son visage et son âme? La prostituée ne change d'amant que parce que l'amant change de lit.

Mais il ne suffit pas de répartir les responsabilités; ce partage, s'il accroît le fardeau du mâle, allège, en somme, celui de la femme,


834 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE;. et l'on pourrait encore se démander_sil'acte prostitution nel, q

et l'on pourrait encore se démanderjsi l'acte proçtitutionnel, quand il est libre de contrainte, tombe bien sous la jurisprudence morale ou s'il ne rentre pas dans la.catégorie.des actes indifférents. Après tout, en quoi la libre recherche d'un plaisir mutuel est-elle en soi blâmable? N'avons-nous que de fortes mais vagues répugnances à, opposer aux rencontres, sinon de llamour, du moins du hasard? Or ces répugnances mêmessont significatives. Leur force n'indique-t-elle pas qu'elles enveloppent un& riche complexité de jugements de valeur, dont il. faut tenter de dégager les principaux? N'entrerait-il pas d'abord dans notre sévérité à l'égard- de la prostituée le mépris d'un «travail. «^facile entre- tous, -puisqu'il n'implique ni effort, ni invention, m production et se borne à un échange de voluptés? Toutes nos notions sur le prix du travail et sur les joies qui le couronnent sont .ici froissées par l'ironie du, plaisir sans labeur. Il entre, de la rancune et le sentiment d'une: injustice dans l'indignation de l'ouvrière honnête contre la camarade à qui la débauche, réussit- D'autre part et surtout nous mesurons l'abaissement auquel descend la femme qui trafique de sa chair. Il y a toute une philosophie sociale en raccourci .dans l'expression populaire de/^llle^perdues », Perdues, elles le sont bien pour la famille ascendante, dont elles s'évadent pour échapper à tout contrôle, pour la famille à,, venir, puisqu'elles abdiquent tout espoir maternel, pour la société,- où elles passent, oisives, parasites du travail d'autrui, perdues enfin pour elles-mêmes, car l'habitude du plaisir facile anéantit en elles la faculté de l'effort, et les réduit à une mentalité de- poupées. Aussi les voit-on fanatiques de tout ce qui enlève l'homme à, soi-même et le 'dépersonnalise,: jeux de hasard, alcool, éther,_opium, morphine. Elles n'ont de « valeur » que pour des.Lappétits ,passagers, durant des minutes brèves, pendant une jeunesse.: tôt .flétrie par le vice. Par ailleurs, elles vivent dans une atmosphère: de crime, tour à tour instigatrices, complices ou victimes, Aussi conscience collective rejettét-elle avec rudesse ces «déclassées ». hors -de. toutes les. catégories sociales. Telles sont, sans .doute,, les raisons, plus instinctives que réfléchies, qui semblent établir des cloisons, entre le monde des, « honnêtes femmes » et celui: dejL prostituées, que celles-ci soient libres ou soumises à la police.-Mais il faut ajouter que la cloison n'est pas étanche; elle' crève àtoules ses jointures;l'homme, et parfois la femme, se chargent d'établir entré, ces de.ux.,mondes4e redoutables.


lidarités. D'honnêtes femmes se félicitent de ce qu'il se trouve .I- r_.r_ 1 '1.. 1 1

solidarités. D'honnêtes femmes se félicitent de ce qu'il se trouve d'autres femmes pour initier à l'amour la virilité naissante de leurs fils, et maint honnête bourgeois, se partage libéralement entre sa femme et les femmes. Là gît, à n'en pas douter, l'une des formes les plus odieuses de l'immoralité contemporaine. Car on fait du vice de certaines femmes la condition de la sécurité, voire de la moralité des autres. On ajoute aussi à l'inégalité déjà lourde de l'homme et de la femme le poids de l'inégalité des femmes de vie pure et. des autres; on cherche son plaisir chez des malheureuses dont, à aucun prix, on ne ferait sa femme, ni même sa maîtresse, et l'on s'excuse soi-même en se disant qu'on n'a débauché personne, qu'on tire simplement parti d'une situation de fait qu'on n'a point créée, peut-être même qu'on aide à vivre quelque ouvrière sans famille et sans travail. Grossier sophisme d'égoïsme! Il est trop clair que l'homme qui passe une heure chez une fille galante accepte, consacre et aggrave pour sa part une tare sociale dont lui-même reconnaît l'ignominie.

Le consentement mutuel, s'il est nécessaire, ne saurait donc suffire, croyons-nous, à, conférer aux relations sexuelles un caractère moral; car ce consentement, pour être complet, devrait s'étendre aux conséquences proches et lointaines. 'Or ces conséquences sont doublement injustes d'abord parce qu'elles constituent, au détriment de la femme, une diminution personnelle et sociale à laquelle ni son partenaire, ni elle-même ne doivent consentir; en second lieu parce que cet amoindrissement est inégalement distribué entre deux agents, dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils sont également responsables.

Nous sommes ainsi amenés à rechercher, pour établir la moralité de l'acte sexuel, des caractéristiques nouvelles. Or ce qui constitue la profonde immoralité de l'acte prostitutionnel, c'est que les deux parties y sont complètement insoucieuses du bien et du mal qu'elles se font; c'est qu'elles ne se traitent pas l'une l'autre comme des valeurs morales ni sociales; c'est qu'il n'entre, dans le lien passager qui les unit, aucun jugement d'estime réciproque, aucune volonté de justice. On pressent, dès lors, qu'il en sera tout autrement dès que l'inclination sexuelle .réciproque s'intègrera dans


l'amour. L'amour, sans doute, est.sou.vent. aveugle; ses jugements sont faillibles et cruellement changeants; mais il a.ceci de très spécial que, tant qu'il est éprouvé, il s'affirnie, au contraire, .comme juste, comme sûr de lui et comme;, permanent. Au fond de l'amour gît le sentiment de l'absolu;, absolu d'espèce, car on croit éprouver T seul l'amour véritable; absolu, deTLdegr.é, car le don. total de soi ne comporte pas de plus ou -de moins; absolu de durée, car on n'ima-T gine point qu'on puisse cesser d'aimer; absolu d!objet, car on aime un être unique auquel on, prête une valeur incomparable. Il se produit dans l'amour, suivant le. mot expressif de Stendhal, une sorte de « cristallisation », c'est-à-dire, l'organisation en apparence définitive de la conscience entiè_re_autour d'un.centre unique. Certes cette analyse schématique, ne s'adapte pas. uniment aux innombrables variations du cœur huniain_; il est des amours troubles, où se mêlent étrangement des; sentiments divers et contradictoires; mais l'amour implique toujours .cette1 élection qui élève un être, unique, non seulement au-dessus .de touilles ^autres» mais au-dessusmême de l'étalon des valeurs^ relatives, ce désir de possession, totale compensé par un don.total de soi. Il entre dans l'amour; illusoire ou clairvoyant, la croyance indéfectible à une perfection digne d'être recherchée, possédée tout entière, en retour d'une abnégation égale de, soi;.en un mpj, -une volonté de justice. C'est pourquoi l'abandon sexuel s'intègre dans l'amour, avec toutes les formes de la confiance, comifié..la renonciation suprême à ce qu'il y a dans l'être physique de: plus: intime, de plus jalousement refusé aux autres, de. plus soi-même.»' K'est-il pas frappant que dans l'amour s'abolisse si aisément, chez les plus chastes, ce sentiment de défense par lequel l'homme, en quelque sorte, se réserve à lui-même, la pudeur? Dès lors l'amour.physique n'est plus .seulement un acte de consentement passager; il exprime de manière ineffable l'accord fondamental de.deux consciences; il n'est pas tout l'amour, œ mais il le complète, l'achève et en reçoit, par voie de retour, son innocence, et, si l'on peut dire, sa santé morale. C'est pourquoi l'amour charnel, qui nous choque quand il n'est rien de plus que l'éphémère « contact de deux épidémies », nous paraît désirable, sain et juste quand il est un momeatlde_ ^adaptation mutuelle et intégrale de deux personnalités, quand il est une clause d'un contrat général associant sans conditions deux. existences, dans leur pressent, dans leur avenir et jusque dans leur descendance.


De quelle nature est ce contrat? On entend bien qu'ici nous pensons principalement au mariage. Mais, de la définition que nous avons donnée de l'amour, nous n'excluons pas Y « union libre », quand celle-ci implique le serment de fidélité et l'acceptation des responsabilités communes, y compris la naissance éventuelle de l'enfant. Nous ne méconnaissons nullement, d'ailleurs, les raisons solides qui rendent le mariage infiniment plus recommandable que l'union libre; nous savons que celle-ci n'est souvent qu'une formule commode pour décliner à l'avance certaines responsabilités et que liberté d'union devient aisément synonyme de liberté de trahison; nous pensons, notamment, que, pour la femme et pour l'enfant, le Code Civil demeure une sauvegarde dont il est imprudent à la mère de faire bon marché. Mais, d'autre part, il nous paraît impossible de réserver au mariage seul le bénéfice de la moralité dans les relations sexuelles. Le pharisaïsme y trouverait trop aisément son compte. Quand des mariages, comme on en voit tant, sont viciés dès la racine par la pression morale des parents, par des calculs d'intérêts, quand, dans le « mariage de convenances », « tout se convient, excepté ceux qui les contractent », il nous est impossible de penser que les formalités civiles ou même la bénédiction du prêtre confèrent un caractère moral à la vie intime des époux. Peu importe l'enregistrement public des volontés des époux, si ces volontés sont, au fond, indifférentes, hésitantes ou même secrètement rebelles; et moins importe encore la bénédiction sacrilège d'une union de fait que les intentions démentent. Aussi bien l'Église catholique elle-même professe-t-elle que ce sont les volontés des époux qui constituent le mariage, que le prêtre « bénit » l'union, mais qu'il ne la fonde pas. De certains mariages il faut bien reconnaître qu'ils ne sont ni plus ni moins que des actes prostitutionnels. L'héritière qui achète un titre avec un mari, le gentilhomme ruiné qui redore son blason, accomplissent, entourés de respect, le même geste qui déshonore la fille publique. Il faut donc admettre, en morale pure, que l'abstention des formalités civiles ou religieuses, qu'elle provienne d'une simple négligence ou d'un mépris réfléchi des formes extérieures, ne suffit pas à entacher d'immoralités les relations intimes de deux personnes qui s'estiment, qui s'aiment et acceptent sans restriction le partage des responsabilités de la vie à deux. Que si, d'ailleurs, il y a de mauvaises unions libres, vite dissoutes par l'abandon ou la trahison, n'y a-t-il pas de


mauvais ménages, promptement suivis-des douleurs de la séparation ou du divorce? En définitive, les conditions qui font le mariage heureux sont précisément celles qui rendent l'union libre durable et féconde en joies; et, si des raisons de prudence sociale militent fortement en faveur du premier, la seconde n'en reste pas moins digne de respect dans son principe/

(A suivre.) ̃̃ Ta. Ruyssen.


L'INDIVIDUALISATION DE L'IMPOT

L'objet de cet article n'est pas de discuter la légitimité ou l'opportunité d'un impôt progressif. Qu'on en soit ou non partisan, tout le monde est actuellement intéressé à se rendre compte de ce qu'il implique; car il est deux fois inscrit à l'ordre du jour du Parlement une fois, en tant que réforme sociale, déjà votée par la Chambre et transmise au Sénat qui doit l'examiner à son tour, mais sine die; une seconde fois, au contraire, à titre très urgent, sous la forme d'un projet d' « impôt national » c'est-à-dire d'un impôt de guerre éventuelle, destiné à faire face à la charge effrayante qu'impose à notre budget militaire l'état mental de nos voisins. Le point que je voudrais ici mettre en lumière, est une des conséquences logiques du principe de la progession cette conséquence a été généralement oubliée ou mal comprise (je le prouverai tout à l'heure); et pourtant t elle touche à l'un des plus graves problèmes contemporains, celui de la famille et de la natalité.

L'impôt progressif se présente, en principe, comme un impôt sur le superflu, ou du moins sur ce qui n'est pas de première nécessité. Sauf pour quelques utopistes, qui n'y voient qu'un moyen de réduire les inégalités de fortune, la progression se justifie théoriquement par le fait qu'on peut diviser le revenu d'un contribuable en un certain nombre de « tranches », dont la première subvient aux besoins les plus indispensables et les plus communs; la seconde, à des besoins un peu moins urgents, mais encore assez vifs; la troisième, à ceux sur lesquels il est plus facile de se réduire; et ainsi de suite jusqu'aux tranches supérieures, employées à des dépenses qui peuvent être supprimées sans gêne réelle, ou qui sont capitalisées purement et simplement. Je m'excuse de rappeler si longuement un point de départ théoriquement si simple mais il y a des gens, et parfois des hommes éminents, qui paraissent l'avoir perdu de vue.


Ceci étant, il est clair que dans des revenus égaux, les tranches correspondantes jouent un rôle qui diffère du tout au tout, suivant que chacun de ces revenus fait viyre un seule personne, ou deux, ou six. Mettons que la première, tranche, pour un homme ou une femme seuls, corresponde-aux besoins de première nécessité ce seront les deux premières: tranches (ou- peu près) qui seront dépensées pour ces besoins si-le même revenu fait1 vivre- deux personnes; les trois premières tranches, s'il en fait vivre trois; et ainsi de suite, sauf la réduction, d'ailleurs assez limitée, qui provient du fait de vivre en coriîmun. Laissons-la de côté pour une première approximation; nous ;"y" reviendrons ensuite; et tirons la conclusion un impôt progressif ne peut, sans absurdité, être établi par famille, comme si le.- superflu, d'un revenu donné était le même, quel que soit le nombre de personnes entre lesquelles il se divise; il doit être établi par tête, c'est-à-dire que le taux doit en être' déterminé en divisant le revenu total par le nombre de personnes qu'il fait vivre. -r ̃̃• Combien cette condition normale de l'impôt progressif a été méconnue jusqu'à présent, en s'en rendra compte en se reportant d'abord au texte primitif du projet Caillaux, publié par Le Temps du 14 février 1907 ce projet ignorait totalement les charges de famille. 10000 francs de revenu, faisant vivre un ménage sans enfants ou une maisonnée de dix personnes, étaient taxés suivant la même progression. Était-ce souvenir de l'ancien droit, romain ou féodal, pour qui le chef de famille compte seul? Analogie "avec notre impôt personnel mobilier, qui atteint le loyer sans, demander combien de gens vivent dans le local taxé? L'un et l'autre, sans, doute. Mais de toute façon le fait est là, et il en faut examiner les conséquences. Dans le texte adopté par la Chambre, le 10 mars 1909 (titre III, article 94), on voit apparaître le_ principe du « dégrèvement », introduit par la commission, et souligné par le débat public. Mais quel dégrèvement! Tout contribuable avait droit, sur ses impositions, à une remise fixe de 8 francs (je dis huit francs) par personne se trouvant à sa charge. Encore fallait-il, pour jouir de cette réduction; avoir un revenu de moins de A 2 0 CfO francs; et ne pouvaient être considérés comme étant' à. la charge du contribuable, quelle que fût la situation de fait, que les ascendants âgés ou infirmes, et les descendants ou enfants abandonnés et par lui recueillis, en sus du premier, et âgés de moins de seize ans-


Le plus étonnant, c'est qu'avec ces dispositions un grand nombre de députés croyaient de bonne foi accorder une « faveur » aux familles nombreuses. N'ayant pas aperçu que le mécanisme fondamental de la progression surcharge automatiquement (et à quelle échelle!) les revenus qui font vivre plusieurs personnes, on parlait du « dégrèvement » en question comme d'une prime à la natalité, et l'on ne s'apercevait pas qu'on établissait, en fait, un impôt sur les pères de famille, croissant en fonction directe du nombre de leurs enfants'. Si de pareilles illusions ne s'étaient pas produites, on les croirait impossibles.

Ainsi, sous le régime de ce texte législatif, s'il eût été appliqué, un célibataire jouissant de 15000 francs de revenu, et une famille de six personnes ayant la même somme à dépenser par an, auraient payé le même impôt. 11 en aurait encore été de même, à 10 000 francs de revenu, pour un célibataire et pour une famille de quatre personnes, dont deux enfants, garçons ou filles, âgés de seize ans. Et le tout, quel que fût le prix de la vie, pour un propriétaire campagnard comme pour un médecin ou un ingénieur habitant Paris. N'est-il pas vrai que le principe théorique sur lequel repose le système progressif était complètement oublié?

Les remaniements successifs du projet d'impôt sur le revenu ont marqué en général un progrès à cet égard, ou pour mieux dire une diminution de la charge supplémentaire imposée tacitement aux « contribuables multiples ». Car ce progrès n'a consisté que dans une application plus libérale du ̃« dégrèvement », ou quelquefois dans un effort pour faire entrer en ligne de compte le prix de la vie, mais non dans une reconnaissance explicite du principe d'individualisation. Ainsi par exemple, le projet de la commission sénatoriale, rédigé par M. Aimond et publié dans le Temps du 26 avril 1912, disposait que « si le revenu ne dépasse pas 12000 francs, il est, avant toute taxation, diminué pour chaque personne à la t. En janvier 1911, le Sénat étant alors saisi de ce projet, une lettre sur l'individualisation de l'impôt, signée par vingt professeurs de la Faculté des Lettres, dont l'auteur de cet article, a été adressée aux sénateurs membres de la commission de la dépopulation, et à plusieurs autres membres du Parlement. Elle a été reproduite par divers journaux; voir notamment le Temps et le Malin du 3 février 1911, les Débats du 5 et l'article de M. Bougie dans la Dépêche de Toulouse du 13 février. Une démarche analogue, appuyée par les noms de trente professeurs de la Sorbonne et de Collège de France, a été renouvelée au mois de juillet dernier auprès des députés, membres de la commission du budget.


charge du contribuable,?» sus de .la deuxième, d'une somme égale aux six dixièmes de la somme fixée' comme limite d'exemption dans la commune. » Qu'on soumette ce texte à l'épreuve de l'application, comme nous l'avons. fait, tout à l'heure pour le texte précédent, et l'on verra quel désavantage il laisse encore subsister f pour les familles, ne fût-ce que par le refus de tenir compte, au-dessus de 12 000 francs, du nombre de personnes qui vivent sur un revenu donné. Je prends maintenant le projet de loi déposé par le Gouvernement le 28 mai dernier à titre d'impôt pour la défense nationale. Combien nous sommes eïîfcOTë~loin de ce quedemande l'équité! 1 C'est, on le sait, un impôt complémentaire et un impôt progressif, ne frappant que les contribuables aisés », c'est-à-dire ceux dont le: revenu depasse 10 000 francs. En .voici les articles 8 et 9: « Tout contribuable a droit sur son revenu annuel aune déduct tion de 1000 francs par persomïerà sa charge. Sont considérées comme personnes à la charge du. contribuable,, à la condition de_ n'avoir pas de ressources personnelles suffisantes 1° les ascendants. infirmes ou âgés de plus de soixante-dix ans; 2° les descendants ou les enfants abandonnés et par lui recueillis, s'ils sont âgés de moins de seize ans ». ̃̃ )z~– Ce texte marque à coup sûr un:progrès vers la reconnaissance du principe; cependant il n'y est plus tenu compte du prix dé la vie, qui avait été pris en considératioOans le projet Aimond, et dont l'effet se trouve multiplié:par le nombre des individus à vêtir et à nourrir. 1 000 francs de réduction; dans, un, bourg, où les maisons sont vastes et les vivres à bon marché; 1000 francs pour une famille qui habite une grande yilli,il y a peut-être compensation pour le fisc, mais non pour; le contribuable. Sur quoi repose, en effet, ` ce chiffre de 1 000 francs?Xa seule pension d'un élève de quatrième, c'est-à-dire d'un enfant de douze ans, dans; un lycée devPa'ris, coûte 1 350 francs. Elle s'élève, à 1 700. francs dans les classes supérieures. Elle ne comprend ni les vêtements, linge, chaussures; ni l'entretien pendant les mois de vacances; ni les dépenses médicales autres quecelles exigées par les soins courants; ni les faux frais inévitables: de toute sorte. (Je rappelle qu'il sragilde la répartition dej'impôt" entre contribuables ayant plus de 10 000 francs de revenu.) Un célibataire qui a 12 000 francs est-il dans la même situation dé fortune qu'un homme ayant une femme, trois .enfants,, et disposant pour eux tous de 15 000 francs? '–-


Et encore, ce revenu de 15 000 francs ne sera-t-il pas toujours acquis de part et d'autre dans des conditions équivalentes. Rien de plus fréquent que de voir un père de famille se charger, à côté de sa profession principale, de besognes supplémentaires qu'il se garderait bien d'accepter s'il n'avait a pourvoir qu'à ses propres besoins. Que de professeurs se fatiguent ainsi en cours accessoires, en répétitions, en travaux de librairie, ou sont obligés de prendre des pensionnaires, pour équilibrer leur budget de famille! Est-il juste que ce travail vienne augmenter non seulement la quotité de leur contribution, mais même le taux auquel ils sont imposés? Ce n'est pas tout. Au moment où la charge de l'éducation devient la plus lourde, le projet de loi cesse précisément d'en tenir compte. Quoi de plus contraire aux faits que cette limite d'âge de seize ans, surtout dans un impôt « sur les contribuables aisés »? Quiconque possède le revenu minimum atteint par la loi fait tout son possible pour donner à ses fils, à ses filles peut-être, une instruction supérieure c'est-à-dire qu'il en aura la charge bien au delà de seize ans. Un étudiant en droit, en sciences, en lettres, en médecine, un futur ingénieur, une jeune fille qui veut enseigner poursuivent nécessairement, leurs études pendant de longues années. La loi militaire, jusqu'à présent, en a tenu compte; elle a permis aux jeunes gens d'obtenir des sursis d'études jusqu'à vingt-cinq ans* Et c'est dans cette période que, par une extraordinaire fiction légale, ils ne seraient plus considérés comme étant à la charge de leurs parents!

Il n'est pas moins paradoxal et presque contradictoire que, dans tous les projets dont nous étudions en ce moment l'économie, le mari soit imposable en raison des revenus de sa femme, qui se confondent ainsi avec les siens et que, d'autre part, celle-ci ne soit pas comprise parmi les personnes qui sont à sa charge. Voilà les injustices, les complications et les illogismes de toute sorte qui sont le résultat d'un faux départ. Il suffit, pour les faire disparaître, de revenir au principe- normal et rationnel diviser le revenu par le nombre de personnes qui en vivent réellement; et cela sans trancher, par un article de loi uniforme, l'infinité des cas particuliers qui peuvent se produire.

Mais alors reparaît l'objection que nous avions momentanément réservée plusieurs personnes vivent ensemble à meilleur compte que séparément il est donc juste.de les faire payer davantage.


Supposons que ce soit. juste rien de plus facile que de le faire. Il suffirait de diviser le revenu par un chiffre un peu plus faible que le chiffre réel, 1,75 au lieu, de 2,-4 au lieu de 5; ou, ce qui revi en- ̃ drait au même, de majorer dans une proportion fixe le revenu que l'on divise. Mais serait-ce juste et opportun? Rien n'est moins. sûr, et c'est peut-être ici que le principe d'individualisation montre le mieux sa fécondité. "-̃- ̃̃'•

D'abord, la loi doit-elle frapper les. économies que peuvent faire les contribuables par une meilleure organisation de leur vie? Vous voulez demander davantage aux membres d'une famille parce qu'ils n'ont qu'une chambre pour'deux, ou un seul feu pour leur cuisine? Mais en vertu de ce principe il faudrait, surtaxer aussi les membres d'une coopérative ou ceux d'une mutualité; il faudrait surtaxer les gens qui ne vont pas au. café, ou les1, ménages qui s'entendent pour faire faire leurs achats aux; Halles, au lieu de s'approvisionner chez les revendeurs de leur quartier. Si l'avantage de la vie commune est plus facile à saisir pour le fisc, il n'est pas cependant d'une autre nature; ou plutôt il n'en diffère que par une valeur morale supérieure. Supposons deux célibataires, un, jeune homme et une jeune fille, vivant chacun de ses revenus propres: Est-il admissible que s'ils' viennent à s'épouser, l'État leur demande, immédiatement un impôt plus élevé que la somme .de leurs contributions précédentes? Je mets en fait que si l'on: n'avait-pas été amené à ce paradoxe en tâchant de justifier les conséquences d'un^faux principe, personne n'aurait jamais pensé à fHettre ùârimpôt spécial sur Fâvantsfge de vivre en famille. Bien au .CQntr,air,ej le projet de la commission, discuté par la Chambre en février 1909j et qui, je crois, n'a jamais été critiqué sur cepoint,faisaitporter la déduction pour charges de famille, non seulement sur l'impôt progressif, mais même sur l'impôt cédulaire, dans les cas où l'impôt progressif n'entrait pas en jeu; et c'est le principe 'qui a été maintenu, quoique sous une autre forme, dans le projet-voté.. Il impliquait donc que les pères T de famille méritent de payer moins. que l'impôt rigoureusement proportionnel à leur revenu. -En fait^ étant donné les conséquences r inaperçues de la progression, ceux :d'èntrë._eux que touchait l'impôt complémentaire auraient payé beaucoup plus. que cette part. Mais-: peu importe ce que je relève icLfisi _nnt_ention du. législateur, la ratiolegis. Elle admet nettement le principe, d'une réduction vraie, descendant au-dessous de la proportionnalité.


De même M. Klotz, parlant au nom du Gouvernement, devant la commission extra-parlementaire chargée d'étudier les questions sociales et financières relatives à la dépopulation (novembre 1912) mettait la réforme de notre système fiscal au nombre des moyens « logiques et efficaces » de favoriser les familles. Quand la question se pose en pure théorie, on n'hésite donc,jamais à reconnaître qu'on doit leur accorder un avantage dans l'impôt direct, en face de toutes les autres charges qu'elles supportent. Et combien celui-ci serait simple, modéré, rationnel et pour ainsi dire présenté par la nature même des choses!

Mais voici un autre aspect de la question. s

On a préconisé, et par des arguments historiques assez forts, la méthode qui consiste à frapper d'une taxe spéciale les célibataires, quelques-uns disent aussi les ménages sans enfants; et si l'on entrait dans cette voie, on pourrait proposer d'y joindre les ménages qui n'en ont qu'un ou deux; car, a-t-on dit, ceux-là auraient pu presque toujours en avoir plusieurs; et par conséquent, c'est leur faute s'ils en sont restés là.

Il faut avouer que tous les impôts de ce genre, le résultat en fût-il celui qu'on attend, auraient dans leur forme un caractère passablement vexatoire. Dura lex, passe; mais non pas lex odiosa. Or ce serait à coup sûr une chose irritante qu'une taxe sur les célibataires ou sur les petites familles, présentée comme une sorte de réparation d'un quasi-délit. Elle constituerait presque une pénalité, et porterait atteinte non seulement à la liberté, mais à la considération de ceux qu'elle frapperait. Qu'on ait été obligé, dans certains cas, d'en venir là, je ne dis pas le contraire; mais, en tout cas, ce ne doit pas être sans une évidente et absolue nécessité. Voyez dès à présent les protestations et même les organisations de défense que suscite le projet, pourtant modeste, d'un impôt sur les célibataires 1. Avec l'individualisation, au contraire, ce caractère vexatoire et répressif disparaît complètement. Les contribuables isolés, les familles de deux personnes perdent leur privilège, mais en vertu d'une règle commune qui ne les vise pas personnellement. Le taux de la progression est le même pour tout le monde. Le célibataire paye pour son revenu, le père de famille pour le sien, mais chacun 1. Par exemple,les remarques du Temps, du 2i août 1913 (L'inquisition fiscale chez les célibataires), commentant le projet de la commission du budget, qui majorait de 20 p. 100 les contributions de ceux-ci.


pour son revenu vrai, c est-à-dirè pour celui qui s'applique à ses besoins, et non plus pour un revenu fictif. Personne n'est frappé à titre pénal on demande plus, automatiquement, à celui qui possède réellement plus.

Sans doute, cet effet-ne se produit de lui-même qu'avec l'impôt progressif (ou dégressif, ce qui revient au même); et cet impôt est en général arrêté par une « exemption à la base » dont la limite, soit fixe, soit variable selon les communes, reste toujours très élevé 5 000 francs, par exemple, dans lé projet voté par la Chambre1. Mais pourquoi l'est-elle?' Laissons de côté les raisons révolutionnaires, comme le désir_de détruire les fortunes moyennes; ou les raisons absurdes, comme la crainte de donner, trop de peine aux employés des contributions directes il reste un sentiment juste et respectable. On se représente, qu'une famille de quatre ou cinq personnes, qui vit sur le pied de 5000 francs par an, n'est pas riche; et que, dans une grande ville, elle peut même être presque pauvre. Mais cela tient à ce que, si nous ïa supposons, par exemple; formée d'un père, d'une mère et da. trois enfants, chacun d'entre eux n'a pour sa consommation personnelle- çue mille francs par a.n dès lors, sous le régime de_ l'individualisation, vous pouvez abaisser à mille francs l'exemptiQnàla base sans que cette famille soit atteinte, et vous n'êtes pas obligé, pour la ménager, d'exempter en même temps le contribuable isolé, beaucoup plus à l'aise, qui jouit d'un revenu de 5 000 francs.̃̃̃'̃

Et il y a dans cet ahaissement._un intérêt organique et'fiscal de premier ordre organique, car, si la Déclaration des Droits stipule avec raison que tous ceux qui paient l'impôt doivent le voter, la réciproque n'est pas moins-vraie sauf les indigents, tous ceux qui le votent doivent le payer, si modérément que ce soit. Les exemptions complètes, dès que le nombre s'_en élèveassez pour dissocier nettement une classe financièrement irresponsable et une classe payante, ruinent l'unité politique du pays, et deviennent rapidement fatales à l'équilibre budgétaire,. Mais^ Tintérêt. fiscal immédiat n'est pas moins évident car tout le monde sait-que la masse seule peut fournir de gros totaux. Que chaque Français vous donne un sou, a-t-on dit, et vous serez infiniment plus riche que si chaque millionnaire vous 1. Le projet d'impôt 'national, qui est présenté par le gouvernement comme un impôt spécial sur les gens aisés, fixemême cette limite à 10000 francs. Mais je parle des projets qui ont un caractère de réforme fis.cale systématique.


donnait un louis. En dégrevant à la base au delà du point où s'arrête

donnait un louis. En dégrevant à la base au delà du point où s'arrête l'indigence, on prive donc l'État d'un revenu qui, non seulement remplit ses caisses, mais assure sa stabilité. L'individualisation de l'impôt permet d'abaisser cette limite pour tout le monde jusqu'à son point d'équilibre, sans léser aucun intérêt respectable; elle manifesteencore ici son caractère normal et naturel.

En un mot, nous avons le choix entre deux principes l'impôt sur la famille, l'impôt sur l'individu. Le premier repose sur une fiction légale; il vient d'une civilisation toute différente de la nôtre; on ne peut l'adapter tant bien que mal à notre état économique que par une foule de retouches très compliquées; la correction qu'il faut apporter à son résultat brut doit être énorme, sous peine de rester injuste et socialement malfaisante. Pour le second, la correction à faire est minime, puisque la formule en est déjà calquée, dans l'ensemble, sur l'état de choses réel. Cette correction, on peut même très bien se dispenser de la faire, si l'on veut accorder un léger avantage à la vie de famille, et favoriser un peu la natalité, comme le demande certainement notre état social. Enfin ce principe facilite beaucoup la solution d'une difficulté et la disparition d'un danger dont je ne crois pas avoir exagéré l'importance. Le jour où ces vérités seront simplement comprises, le choix sera fait. Il n'y a de solide et d'utile que ce qui repose sur sa base logique.

A. LALANDE.



TABLE DES AUTEURS

Belot (G.). L'idée de Dieu et l'athéisme au point de vue critique et au point de vue social ,• 151-176 Boutroux (P.). Les étapes de la philosophie mathématique 107-131 L'objet et la méthode de l'analyse mathématique.. 307-328 Brunsohvicg (L.). L'organisation de la République d'après testravaux de M. Henri Chardon sur la réforme administrative 269-306 – L'œuvre d'Henri Poincaré le mathématicien 585-616 Cantecor (G.). Le suicide 436-450 Colonna d'Istria (F.). L'influence du moral sur le physique d'après Cabanis et Maine de Biran 431-416 Couturat (L.). Des propositions particulières et de leur portée existentielle 256-259 – Logique et intuition. 260-268 Dunan (Ch.). La nature de l'espace -61-100 Gastinel (G.). –Esthétique et sociologie. 329-371 Goblot(E.). La relati'on des jugements 733-751 Ginzberg (S.). Note sur le sens équivoque des propositions particulières. 101-106 Hadamard (J.). – L'œuvre d'Henri Poincaré le mathématicien. 617-658 Haittefeuille (F. d'). Sur la Vie intérieure 372-389 Heimsoeth (H.). Sur quelques rapports des Règles de Descartes avec les Médïtations i 526-536 Hôffding (H.). –Sôren Kierkegaard (5 mai 1813-5 mai 1913) 719-732 Lalande (A.). L'individualisation de l'impôt. 839-847 Langevin (P.). ̃ L'œuvre d'Henri Poincaré le physicien 675-718 Lebeuf (A.). – L'œuvre d'Henri Poincaré l'astronome 659-674 Leclère (A.). A propos de l'article de M. Cantecor sur le suicide deux idées de V. Egger 576-584 Mamelet (A.). La philosophie de Georg Simmel 390-435 Meillet (A.). Sur la méthode de la grammaire comparée 1-15 Parodi (D.). Le problème religieux dans la pensée contemporaine UirSSS Radulescu-Motru (C.). La conscience transcendantale. Critique de la philosophie kantien-ne 752-786 Rivaud (A.). Paul Tannery, historien de la science antique 177-210 Robet H.). L'École de Chicago et l'Instrumentalisme 537-575 Robin (L.). Platon et la Science sociale 211-255 Ruyssen (Th.). La tempérance 132-149 – La Morale sexuelle 8M-83.S Talayrach (J.). -La philosophie de l'histoire de J. Banhsen d'après des documents inédits t 1 787-810 Weber (L.). Le rythme du progrès et la loi des deux états 16-60 Winter (ME.). Les principes du calcul fonctionnel 462-510


Analyse (L'objet et la méthode de 1W mathématique), par P. Boutroux .̃107-131 Calcul fonctionnel (Les principes du, ), par M. \\Qhter. 462-510 0 Conscience transcendantale (La-.f-). Critique de.la philosop/iie kantienne, par Radulescu-Motru. y .752-786 Dieu (L'idée de et l'athéisme an point- de vue critique et au. point de vue social), par G. Belot _• 151-176 Espace (La nature de 1' ), par Gh.Dunan-.v V 61-100 Esthétique et Sociologie, par G. Gâstinel..»• ̃ 329-371 Kierkegaard (Sôren), par H. Hôffdingçv/: ;>^ ̃_̃, 719-732 Méthode de la grammaire comparée (Sur la par A. Meillet" 1-15 Moral (L'influence du- sur le physique), d'après Cabanis et Maine de Biran, par F. Colonna d'Istria.- .v. 451-461 Platon et la Science sociale, par Li.Robili 211-255 Poincaré (H.). (L'œuvre de ) Le. philosophe, par L. Brunsclivicg 585-616 – – Le mathématicien, par J. Hadamard 617-658 -L'astronome, par A. Lebeuf 659-674 – -Le physicien, par P. Langevin 675-718 Progrès (Le rythme du et la loi des deux états), par L. Weber i, 16-60 Règles (Sur quelques rapports des de Descartes avec les Méditations), par H. Heimsoeth ,-v.K. :^T'7~~1.~7/, 526-536 Relation (La des jugements); par E.Gbblot Religieux (Le problème dansïa pensée contemporaine), par D. Parodi. 511-525 Tannery (P.), historien de la science antique, par A. Rivaud 177-210 Vie intérieure (Sur la –), par F. d'Hautèfeuilie 372-389 ÉTUDES -CRITIQUES

École de Chicago (L' et l'instrûmentàlisme), par H. Robet ;̃̃, 537-575 Philosophie (Les étapes dé la mathématique de L. Brunschviçg), par P. Boutroux •̃•• «, .•• 107-131 Philosophie (La de l'histoire de J. Bahnsen), d'après des documents inédits, par J. Talayrach. ̃• 787-810 Simmel (G.). (La philosophie de rr-), par -Ji. Mam'elet ̃ 390-435 DISCUSSIONS

Logique et intuition, par L. Couturat 260-268 Propositions particulières (Des et de leur portée existentielle), par L. Couturat -r-, .-ï-ï ̃.̃̃̃> ̃ ̃ 256-259 Propositions particulières (Note sur le sens équivoque des ), par S. Ginzberg s ̃/•.̃> :wv •.̃ •. 181-106


QUESTIONS PRATIQUES

Impôt (L'individualisation de par A. Lalande. 839-847 î Morale sexuelle (La – par Th. Ruyssen 811-83S Organisation (L' de la République), d'après les travaux de M. Henri

Chardon sur la ré forme administrative, par L. Brunschvicg. 269-306 Suicide (Le ), par G. Cantecor 436-450 Suicide (A propos de l'article de M. Cantecor' sur le – deux idées de

V. Egger), par A. Leclère 576-584 Tempérance (La -), par Th. Ruyssen 132-149


Livres français nouveaux.

ANDLER (Ch.), BASCH (V.), Benrubi (10,'Bôuai.É (C), Delsôs (V.), Dwelshaùvers (G.),-<îrcethuysen (B.), Norero (H). La philosophie 'allemande du xix° siècle. In-8, vi-254 p., Paris, Alcan, 1912. Janv., 9, 1. ̃̃ ̃̃

Archambault (P.). Les grands philosophes français et étrarigers Stuart Mill. In-16, 22- p., Paris, Michaud, s. d. Jâ'nvY,.19,II.

Arrhénius (Swante). Conférences sur quelques thèmes choisis de Chimie physique pure et appliquée. In-8, 113 p., Paris( Hermann, 1912. Mai, 6, J. ̃

BAILLET (J.). Le régime pharaonique dans ses rapports avec l'évolution do la Morale en Egypte. 2 vol. gr. in-8, xv-431 et 433-810 .p. Grande Imprimerie do Blois,, Emmanuel Rivière et Paris, Paul Geuthner, 1912-1913; -iSept., 15, 1.

BaLDKNSPERGER, BEAULAVON, BeNRUBI,' BOU.GLÉ, GaHEN, .DeLBOS, DwEI.SHAUVERS, GASTINEL, Mornkt, Parodi, Viai.. J.-J. Rousseau. In-8, xn-3Ô3.p., Paris, Alcan,. 1912.-– Janv., 7, I. Bauer (A.). La conscience collective'* et la morale. ln-16 160 p., Paris, F. Alcaii, 1912. Mai, 5, I. si- ;ii- .fisai.?; 'jv, ̃̃ >•' Bellangé (Ch.). Spinoza et la philosophie moderne. In-8,-n-306 p., Paris, H. Didier; 1912. Janv., 7, I.

BENDA (J.). Le Bergsonisme ou une.philosophie.de ,1a mobilité- In-12, 131p., Mercure de France, 1912. Mars, 3, I.. "–

BERTHELOT (R.). Un romantisme utilitaire j.t.IIT^Lê' pragmatisme de Bergson. In-8, 358 p., F. Alcan, 1913. Sept., 5, I. •ui. ̃; -•

Bonkt-Maury (G.). L'unité morale des religions. In-16, 214 p., Paris, F. Alcan, 1913. Mai, 6, II. ̃ .tir, '•" ̃

Byse (Ch.). Swedenborg, 2 vol. in-16j,312 et 379:p,, *Lausanne,;G. Bridel et C'°, Paris, Fischbacher, 1912. Sept., 18, I. T* ~i. CARTAULT (A.). Les sentiments généreux". In-8, 314 p., Paris, F.Alëan, 1912..– Juillet, 1, II. CHARMONT (J.). Les transformations idù'.Droit cfvil. In-'8, xv^294 p.Paris; 'A.. Colin, 1911. Janv., 4, II.. r ̃ ̃ j_rv-C ̃ -v -?^'t ̃ ̃ ̃ COLLE (G.). Aristote. La Métaphysique, liv.I. ïn-8, vi-171 p., Lôuvâin et Paris, F. Alean, 1912. – Janv., 6, IL ̃ » -».-i-^ ..>•̃ •̃ Colson (E.). – Organisme économique et désordre social. In-12, 36-j p., Paris, Flammarion, 1912. Janv., 5, II. -i;vjf^- rr^

COURNOT (A.). Essai sur les fondoments.de nos connaissances. In-8, vn-614 p. Paris. Hachette, 1912.-– Janv., 1, I. jt. ,«̃ -'̃,“

Cristiani (L.). Robert Bellarmin. Les marques de la véritable Église. 1 vol. in-18 de"64 p.. Paris, Bloud, 1912. Mars, 22, Ij'II; r DAUZAT (A.). La philosophie du langage.. In- IS, 331 p., Paris, Flaintoarion, 1912. –Juillet, 6, i.. ̃T' :l .V.v- ̃̃. David M.). Les grands philosophes Berlceloy. 222 p., s. d., Paris, Michaud. Janv., 18, II. Dide (M.). Les Idéalistes passionnésT In-16, 176/p., Paris, F. Alcan, 1913. Nov.. 4, II. Didier (J.). Hume. In-16, 64 p., Paris, Bloud, 1913. Sept., 18,' I.

Philosophes et Penseur^ Berkeley. vol. in-18 de 70 p. Paris, Bloud, 1911. Janv. 18, II. ̃̃̃'̃̃̃. ^-rV^– .>,<

Dugas (L.). L'éducation du caractère .'In-8, 258 p., Paris, F. Alcan.i 1912, Janv., 6, I. Durkheim (E.). Les formes élémentaires de la" vie religieuse. In-8, 647 p., Paris, F. Aloan, 1912. Mars, 1, I.. ̃̃ ̃̃̃-±4~ ,>- FOUILLÉE (A.). Esquisse d'une interprétation du. monde, d'àprèslës manuscrits do l'auteur revus et mis en ordre par E. Boirac. In-8 de xvi,417 p,, Paris, F. Alcan, 1913. NoVi, 1, 1.


.gnebin (S.). La philosophie de l'intuition^ In-8, 24î p., Saint-Blaise, Foyer solidaristev 1912. Juillet. 2. II.

GAGNEBIN (S.). La philosophie de l'intuition. In-8, 24î p., Saint-Blaise, Foyer solidaristev 1912. Juillet, 2, II.

GENY (P.). – Questions d'enseignement de philosophie scolastique. In-16r234 p., Paris, Beauchesne, 1913. Nov., 8, I.

GILLOUIN (R.). La philosophie de M. H. Bergson. In-12, 187 p., Paris, Grasset, 1912. Mars, 3, I.

Gilson (E.). Index scolastico-cartésien. In-8, vi-254, p., Paris, F. Aloan, 1913. Nov., 9, I Gilson (E.). La doctrine de la liberté chez Descartes et la Théologie. In-8, 452 p., Paris, F. Alcan, 1913. Mai, 7, II.

Gomer (A.. de). L'obligation morale raisonnée, ses conditions. In-12, iv-274 p., Paris, F. Alcan, 1913. Sept. 10, Il.

Hachet-Souplet (P.). La genèse des Instincts. In-12, 327 p., Flammarion, 1912. Janv., 3, I.

Jeannière (R.). Criteriologia vel critica cognitionis certce. In-16, 616 p., Paris, G. Beauchesne. Mai, 3, II.

Laberthonnikre (L.). Sur le chemin du catholicisme. In-16, 62 p., Paris, Blond, 1913. –Sept., 11, II.

LAMARQUE (G.). Th. Ribot, choix de textes et étude de l'œuvre, avec préface do P. Janet. In-16, 222 p., Paris. L. Michaud, s., d. Nov., 9, 11.

Larguier des BANCELS (L.).-Le goût et l'odorat. Gr. in-8, x-94, Paris, Hermann, 1912. Janv., 4, I.

Lasserre (P.). La doctrino officielle de l'Université critique du haut enseignement de l'État In-8, 506 p., Paris, Mercure de France, 1912. Nov., 5, IL

LATouR (Marius). Premiers principes d'une théorie générale des émotions.. In-12, 300 p., Paris, F. Alcan, 1912. Mars, 4, IL

LECHARNY (L.). Cours de philosophie. In-12, Paris, Ilatier, 1912, vn-441 p. Nov., 2, II. LECLÈRE (A.). Le bilan de la- philosophie religieuse. In-16, 63 p., Paris, Bloud, 1912. Sept., 12, I.

Leroux (A.). Valeur de l'enseignement économique. Br. in-8,. 47 p., A. Rousseau, Paris, 1912. Juillet, 11, IL

Lottin (J.).-Quetelet, statisticien et sociologue. In-8, xxx-564 p., Louvain, Institut supér. de philosophie et Paris, F. Alcan, 1912. Janv., 8, II.

Lubac (J.). La valeur du-spiritualisme. In-12,.337 p., Paris; Grasset, 1912. Nov., 2, I. Luc-tiET (G.-H.). Essai d'une logique systématique et simplifiée. In-8, vm-192 p., Paris, F. Alcan, 1913. Sept., 6, II.

LUTOSLAWSKI (W.). Volonté et liberté. In-8, xi-352 p., Paris.F. Alcan, 1912. -Juillet, L, I. Méline (P.). P.-G.-F. Le Play. L'œuvre de science. Gr. in-16, 63 p., Paris, Bloud, 1912. Juillet, 11, II.

MEUNIER (R.). Les sciences psychologiques.'In-12, 180 p., Paris, Blond, 1912. Juillet, 1. I.

Naville (Hélène). Navillo (E.). Sa vie, sa pensée, 342 p., t. 1 (1816-1859), Genève, Georg et Paris, Fischbacher. ̃ Nov., 9. I.

Ollion (H.) et Boer (T.-J. de). Lettres inédites de John- Locke à ses amis Nicolas Thoinard, Philippe van Limbroch et Edward Clarke. Juillet, 14, I.

Ossip-Lourié. Le langage et la verbomanie. In-8, 275 p., Paris, F.. Alcan, 1912. Juillet, 6, II.. PALANTE (G.). Les antinomies entre l'individu et la société. ln-8, 291 p., Paris, F. Alcan, 1913. Sept., 8, L. ̃

Palhoriès (G.). – St Bonavonture. In-16, 378 p., Paris, Bloud, 1913. – Mai, 7, I. Pègoes (Th.). Commentaire français littéral de la somme théologique de saint Thomas d'Aquin. T. Vil Les passions et les habitudes. Gr. in-S, xn-672 p., Toulouse, Privat et Paris, Tequi, 1912. Juillet, 12, I. Perrim (J.). Les atomes. In-16, 219 p., Paris, F. Alcan, 1913. Juillet, 4, II. PICAVET (F.). Essais sur l'histoire générale et comparée des théologies et des philosophies médiévales. Gr. in-8, vu-413 p., Paris, F. Alcan, 1913. Nov., 7, I.. Probst (J.-H.). Caractère et origine des idées du bienheureux Raymond Lulle. Gr; in-8, xvh-336 p., Toulouse, Privat, 1912. Juillet, 12, II.

Le lullisme de Raymond de Sebonde. Gr. in-8, 53 p., Toulouse, Privat, 1912. Juillet, 13, IL

Rexouvier (Ch.). Essais de critique générale. 1" Essai Traité de logique générale et de logique formelle. 2'vol. in-8, 397 et 386 p.; 28 essai Traité de psychologie rationnelle. 2 vol. in-8, de 398 et 386 p., Paris, A. Colin, 1912. Janv., 1, II. Renouvier (Ch.). Essais de critique générale. 3° Essai Les principes de la Nature. In-4, 414, Paris, A. Colin. 1913. – Mai, 1, II.

Reverdis (H.). La notion d'expérience d'après W. James. In-8, 221 p., Paris, Fischbacher Genève, Georg, 1913. Nov., 10, I.


RICHARD (G.)- La sociologie. générale, et les lois\sociologiques. In-18 Jésus,. 396, Paris, 0. Doin, 1912. Juillet, 9, I.>: 7 '̃̃' J\

Riou (G.). Aux écoutes de la/France qui vient, avec préface de E.Faguet. In-12, 334 p., Paris, Bernard Grasset, Juillet, g, JI.

ROUSSEL-DFSPIERRES (Fr.). La hiérarchie des principes et des problèmes sociaux. In-8, ̃243 p., Paris, F. Alcan, 1912. Jany., 2;; I. '“

Sabatier (P.). L'orientation religieuse.de la France actuelle. In-18, 320,p:, Paris, A. Colin, 1911. Mars, J>, I. ̃“,• ̃-̃• •:

Sabrié (J.B.). De l'humanisme au rationalisme. Pierre Charron. (1541-1608).. L'homme, l'œuvre, l'influence. In-8, 562. p., Pari^ F,_ Algan,. 1913. Sept., 16, I.

Les idées religieuses de J.-L. Guez de Balzac. tor8,V210 p., Paris, F. Alçan,1913. Sept. 17,1. -^Tf– ̃̃̃ ̃'• .̃̃̃ SAINTYVES (P.). La simulation du merveilleux, préface, de P. Janet. In-12, xm-387 p.; Paris, Flammarion, 1912. Mars, 4, ,11. 7 7

SEGOND (J.). L'intuition bergsônienne. In-Ï6, 157. p. Paris, F. Alcan, 1912: –-Mai, 5, II, SEVERAC (J.-B.). Les grands philosophes Condorcet." InrS, 224-p., Paris, L. Michaud, s. d.. Janv., 8, I. â '?-

SOLLIER (P.). Morale et Moralité. Jitl2, 203; p., Paris, F. Alcan, 1912. 8, 1.. TANNERY (Paul). Mémoires scientifiques publiés par J.-L. Heiberg et N.-G. Zeuthen. II. Sciences exactes dans l'antiquité (1883-1898), 1 vol. in-8 de xn-554 p., Toulouse,, Privat et Paris, Gauthier-Villars, 1912, Nov,7jJ.

TERr>AiLLON(E.). L'honneur, sentiment et principe moral. In-8, 293p., Paris, F. Alcan, 1912. Janv., 2, II. •'̃•• ̃ -v'" J TONQUEDEC (J. de). Immanence. In-16, xv-307 p., Paris, G. Beauehesne, .1913. Sept., 13, I. J±._ .'̃ ̃ J ̃̃

Toulemonde (Abbé). Les neryeux:Lln-12,-230 p., Paris, Bloud, 1913.;– Nov. 5, I. Waxweiller (E.). Archives sbciologiquésV In-8, 297 p., Bruxelles et Leipzig,. Misch et. Thron, Paris, Marcel Rivière_ Janv., .4, II.

Wilbois (J.). Devoir et durée.. In-8, 408 p., Paris,F. Alcan, 1912.;– Mai, 2,-1. Livres étrangers nouveaux.

Adler (G.). Der Stil in der Musik..In-8, 279 p., Leipzig, Broitkopf und Hârtél, 1911..–- Sept., 26, I.

Apelt (Otto). Platons Dialog Phaidon odèr über die Unsterbliçhkeit der Seele ûbersetzt und orlautert. In-8 carré, 155p. Leipzig, Jtenier, 1913. Nov., 16, I..

Baldwin (J.-M.). Le Darwinisme dans les sciences morales, tràd, par Duprât., In-12, vii163 p., Paris, F. Alcan, 1911..– J.anv.t20,.n..

Bechterew (\V.), trad. par Kostyleff.– ̃ La Psychologie_pbjectjve. In-8,- 478, p., Paris,. F. Alcan, 1912. N'ov., 3,, II.

BERNAYS (P.). Ueber den transzendentalen Ide,alismus. In-8, 30p., pottingen,, Vanddenhoeck et Ruprecht, 1913. -Nox-, 11,1., 1

Billia (L.-M.). L'Esiglio di Sant'Agpstindt2» éd. In-8, xv-295.p., .Turin, Fiandesio, 1912. Mars, 21,11. ̃"̃ '!̃ -L -/“. "-̃̃ -̃̃ Boodin (J.-F.). Truth and Reality. In-8, 334 p., New-York, MacmillanJ 1911. Mai, 11, I.

BRENTANO (Fr.). Von der Klassification der psych^schen Phénomène.. In-8,167 p., Leipzig, Duncker et Humblot, 1911. Sépt.V25,II.

CARLO (E. di). Teoria pura e~teôria empirica nel D.iritto. Br. in-8, 46 p., Palerme, Trimarchi, 1912. Juillet, 24, I.- ̃

Carr (Wildon). The problem df- Truth. In-12, 93 -p. V Londres, 1913. 27, II. Carus (L.), trad. par L. Arréat. -r, Philosophie comme, science. Br. in-8 de, 43.p., Chicago, Open Court publishing CV.J911, -r-Nov. 17, II,

Carus (P.). The Canon of Reason and Virtue bêing Laotze's Tao Teh King. Chinose and Englisch. 1 vol. in-12 de 209 p.Chicago, Open Court pnblishing C°, 1912. – Nov., 18, I, CONTRIBUTION to Bibliography of- Henri Bergson, 56 p.. New-York, Columbia University Press, 1913. Nov., 19, I. ,I_ L

Caviglione (C.). II Rosmini vero. Gr. in-8,^ 143 p., Voghera, 1912. –Janv., 32, I. Chatterton-Hill (J. C). The sociological Value of, Christïanity. In-8, 285+ xxu p., London, Adam and Ch. Black,. 1912. ,– Mars, 17, IL

Chatterton-Hill. Tho Philosophy.of Nietzsche. In-8,.292 p., John, Oùseley, London. COHEN (H.). Philosophische Abhandlungen. In-8,. 358 p., Berlin, Bruno Cassiror, 1912. Janv., 13, II. ̃̃• .-̃-̃̃ V ̃


Cohen (H.). Festschrift zu Hermann Cohen.s siebzigsten Goburtstage Judaïca. In-8,721 p., Berlin, Bruno Cassirer, 1912. Sept., 20, II.

CORNFORD (F. Mac Donald). From Religion to Philosophy. In-8, xn-276 p., LondonEd. Arnold, 1912. Janv., 28, II.

COUTURAT (L.). Die Prinzipien der Logik. In-8, Encyclop&die der philosophischen Wissurschaften, p. 137-201. Mohr- Tubingen, 1912. Sept. 14, II.

CROCE (B.). Questioni Storiografiche, Giannini, Naples, 1913. Nov., 21, I. Brevario di Estotioa, 130 p., Laterza et figli, Berri, 1913. Nov., 19, I. DETER (J.). Abriss der Geschichte der Philosophie. In-8, vi-192 p., Berlin, W. Weber, 1912. Nov., 15, I.

Didier (J.). Philosophes et penseurs Berkeley. In-18, 70 p., Paris, Bloud, 1911. <– Janv., 18, II.

DRIESCH (D' H.). Ordnungslehre. In-8, 356 p., Iéna, Dietriohsverlag, 1912. Janv., 11,1. – Die Logik als Aufgabe, Tubingen, Mohr, 1913. Sept., 19, II.

Elmer MORE (P.). Nietzsche. In-18, 87 p., Boston et New-Nork, Houghton, Miften, Company. Janv., 20, I.

– The Drift of Romantioism. In-8, 302, p., Londres, Constable, 1913. Sept., 28, I.

FALCKENBERG (R.). Geschichte der neueren Philosophie von Nikolaus von Kues bis zur Gegenwart im Grundriss dargestellt. In-S, vm-692 p., Leipzig, Veit et C">, 1913. Fœrster (F. \V.). Pour former le caractère, trad. de l'allemand par C. Thirion et M. Paris. 2« éd. In-12, 483 p., Paris, Fischbacher, 1912. Janv., 5, II.

FICHTE'S (J. G.). Werke herausgegeben und eingeleitet von F. Medicus. 6 vol. in-8 do cL.cxx-603 759; 739; 648; 692, 680 p., Leipzig, F. Meiner, 1908-1912.. Mars, 11, I. Furstmûller (Dr K.). Psychoanalyse und Ethik. Br. in-8, 34 p., Munich, E. Reinhardt, 1912. Mars, 10, I.

GEIGER (R.). Die Situation auf dem psychologisehen Arbeitsfeld. Br. in-8, 90 p., Berlin, Simion. Sept., 25, II.

GUASTALLA (C.). L'infinito. In-8, 132 p., Annuario della Bibl. filos., vol. II, Palerme, 1912. Mai, 1-2, I.

Goldstein (J.). "Wandlungen in der Philosophie der Gegenwart. In-8, vn-171 p., Leipzig, W. Klinkhardt, 1911. Nov., 15, I.

HALSTEDT (G. B.). Trad. par P. Barbarin. Géométrie rationnelle, xvn-298 p., Paris, Gauthier-Villars, 1911. Juillet, 4, I.

Heidel (\V. A.). On certain Fragments of the Presocratics Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences, vol. XLVIII, n° 19. Mai, 1913. >– Sept., 29, I. Hôcking (W. E.). The Meaning of God in human Experience. In-8, xxxIv-586 p., London, Henry Frowde, 1912. Juillet, 19, 1.

HiLL (D. J). Trad. par M"e E. Boutroux. L'état moderne de l'organisation internationaleIn-12, xn-307 p., Paris, Flammarion, 1912. Juillet, 22, .1.

HiiFFDiNG (H.). J.-J. Rousseau et sa philosophie, trad. par J. de Coussanges. In-12. xn164 p., Paris, F. Alcan. 1912. Janv., 18, II.

Hume (David). Œuvres philosophiques choisies, trad. de l'anglais par Maxime David. II, Traité de la Nature humaine. De l'Entendement. In-8, 342 p., Paris, F. Alcan, 1912. Janv., 31, I.

Husik (I.). Matter and Form in Aristotle, a Rejoinder Br. in-8, 93 p., Berlin, Simion, 1912. Sept., 29, II.

Jevons(F. B.). Personality. In-8, 171 p., London, Methuen, 1912. Sept., 28, II. Jonf.s (J.). An Interpretation of Rudolf Eucken's Philosophy. In-8, 250 p., London, William and Norgate, 1912. Juillet, 20, II.

Xant's (J.) Werke, vol. II. In-8, 495 p., Berlin, Bruno Cassirer, 1912. Janv., .19, II. vol. III., gr. in-8, 674 p., Berlin, Bruno Cassirer, 1913. Juillet, 14, II. Kant's (I.). Werke, t. IV. Gr. in-8, 558 p., Berlin, Bruno Cassirer, 1913.

Kraus (0.). Platons, Hippias, Minor, Versuch einer Erklarung. In-4, vIII-62 p., Prague, 1913, Taussig. Nov., 15, II.

Kulpe (0.). Die Realisirung. In-8. vu-251 p., Leipzig, Hirzel, 1919. Mars, 9, I. LANNA (D.). La teoria della Conoscenza in S Thomaso d'Aquino. In-8, vni-305 p., Florence, Lib. édit fiorentina, 1913. Juillet, 23, II.

LASSON (G.). Hegels Schriften zur Politik und Rechtsphilosophiè. In-12, xxxvm-513 p., Leipzig, Meiner, 1913.

Lodge (0.). La survivance humaine, trad. par D'Bourbon. In-12, v-267 p., Paris, F. Alcan, 1912. Janv., 21, II.

Lowenberg (J.). Hegels Entwiirfe zur Enzyklopadie und Propadeutik Br. in-8 de 58 p., Leipzig, F. Meiner, 1912. Mars, 14, 1.

MAC Ewen (J.). The Thought in Music. In-8, 233 p., London, Macmillan and C°, 1912. –Sept., 28, I.


Mally (E.). – Gegenstandsthep.re,t_ische G-rundlagenià.ei:I'Ogikuna-JJ-ogjis,tilv.I In-8, .87 p, Loipzig, Barth., 1912.– Mai, 8, H. '\Z-– -'̃ ̃ ̃ Mansion (A.). – Introduction Jà. 'physique; krîstotélicieûn£ï..In-8,. ix -S59, p. tpUYain. e.î Paris, F. Alcan, 19,13. vL^f– x ,V;̃•'

Meier (M.). Bio Lehre.des*ïhoma"s -vpn Âquirro de Pàssionibus Animre in.. Quellén analy^ tischen Darstellung. In-S,:xvy.60.p., Asclffindprff, 1912.Juillet, 1:SVKV Merz (Th.). A History of.Euïppean Thought in tho JSineteenth j.Qentury, jyoh III. In-,8, 626-xx p., London,. BlaclvW.oo>d,,1912. ^Jjjijj8t^âl,,I.

Mey-er (E.). –Histoire de .l'Antiquité, trâd^par.M.iDavid.In-S, ym-SKLp. Jearis,.P. Go.uthner, 1912. Janv., 17, II. ,•

Mondolfo (R.). – Il .Matérialisme .S.tpriôo^ip, ;3?e^erico. Engels.. Gri in:8, 355 p. Genov.aj Formiggini, 1912. Sept., 29, II.

Môntessohi (Dr M.). Le.Case.idei Bambjni, -îrad. ,par,H. -Gailloud,,pré|. P. Bovet.. InrlS,, xiii-291 p., Neuchâtel, Belachaux.et :Niétsli,tlPa.ris, Ésélibachei-19.12. ;– ..Mai, Ï2, I. Moore (S.-E.). Ethios..In-12;259.p.<Londoa,.William;aaçlNorgate. J,anY,25,,I, •• N'elson (L.). – Die Théorie der wahren Inte/e.ssessndihre xeçhtliche und politische Bedeutung. In-8, 31 p., Getdngen, yand,enkoepfc4et.Jlup.reeht,iî913-.– Nov.j 13,1.; Oehler (R.). – Nietzsche als Bildner der PersOnUehkeit. Inr8, 35 p. I^eipzig, F.Meiner. –Janv., 20, I.. •• 'î*i*r :»:-<< Orelli (K. V.). Die philosophisohen A.uffas.sungen,des JJitleids.;In-8,, 219,p., Bonn.Marcus et Weber, 1912..– Juillet, .lfet; ̃_̃ V Paooa (A.). – La logique dédùejiy.e. JÇnJÎ,; J?£jtis, Gauthier-yiHars, 1912..– Mai, 11, II. Parisot. – Herbert Spencer. Cho.ix ,dei.testes,et étude ^systèmes. Jn-16,. 215 p., Paris, L. Michaud, s. d. Jaïw.,SQ,;I,-

Pearson (K.). La grammaire ide.l4s.sience.ia..PJiysique,trad. L. March. Inr.8, xx-502 p., Paris, F. Alean, 1912. Mars, Ï5, I. j_" ;7 ̃

Petresou (N.). – Zur Begriffsbestimmungdsr. Philosophie.. Br,.in-12,.?2.p. Berlin, Léonard. Simion, 1912. -Mars, 10, II.̃ L

Piohlek (H.) .MOglichkeit.und.Ayjdersp.ruchlosig^it-.Br.. in-8,; 72 p.4 Leipzig, J,-A. B.ar. 1912. Mars, 6, II. “, ;v. ̃.

Philipp (A.). – The D.yuamic jEqunda,tion ô.Ç, Knowledge.; In-8, ix-518; p. London, Kegan Paul, 1913. Sept., 27, I. ̃̃

POHLMANN (R. v.). Isokrates.;und das-P.roblem .der .D^mokratio. In-8, 171p.Sitzungsberichte der Bayorischen Akàdemie'. -î,ev WissenschaftenjlèjS.-r Sept;, 36. II. RICHTER (G. Th.). Spinozasphilpsoph\sclhefTerniino|ogie historich undjmman.ent Icritiscli untersucht. In-8, 170 p., Leipzig,, AwbçpsiuSj JBar,tli,1913^

Ror.FES (E-). – Aristoteles NikomasJiiptSlSSS.Ethik.; In-18, xiy-274.;p.Léipzig.F.. Meiner., 1911.– Janv., 18, I. ^-L-, ""̃̃ J.r. '"7" > -.̃̃•̃;•

Rur.EfA. in Verbindung mit \V. Windeibând). Die Philpspphie der,Çfegenwart;eine inter- nationale Jahresùbersiçht.' Jn^vjX73g6vp^ ,Heidelbërgs; \Yeis!sche. Buchhan-, dlung, 1912.– J.anv.2Q,I. .̃• ̃" – Die Prinzipien der Legik par L'. Couturat,,EncycIopa.die der p,hilospphisclien Wissenschaften^ B.d. îpgîk. În-S, 137r20l p., Mohr, .Tilbingen, 1.912. Sept., 14, II.. -̃=.̃•̃̃

Rucgiero (G.). – La Filosofia contemppraneav In-12, 485 p. Bari, Laterza, 1912. Mars,. 20. I RusseLl'(B.). The problems of ^PhiJoSpphyVïà-12, 255 p., London, }Villiams ,a. :r?orgate. Janv., 22, I.

Saitta(G-). – Le Origini del Nè:o-Tomi?mo :nel>ecp.lo< XIX, In-8, xi-3S3. p., Bari Mterza, 1912. Janv., 32, II. -– •'•̃ 'k

«chiller F. C. G.). – Humanism.Eh,il2?pphicaLEssay.s.:In-8,381-xxx.p,,Loiiilon,.Macinillan,, 1912. Mars, 15, II.

Schleiermacher (Fr. D. E.). Ûèbej:der.RoIigion,. In-S carré,_a93;p. L'eipzig, F. Meiner. Janv., 19, II.. rJS ,t ̃ Schleiermacher. Predigten ûber-don:chrisjli.chon Hausstand.'In-8 carré,S22î)., Leipzig F. Meiner. Janv., 19,,1I;, ̃̃: "il

bcHLEiERMACHER. AusgowahIte:"Sïerke-m yiei ^Bânden. Jxl-8, Bd..GXXXVr cx.xvui-547j Bd. CXXXVII xxx-703 p.; Bd..CXXXVIÏI v xi-748;p. Bd. CXXXIX X-Ç80 pr. Leipzig, Félix Meinor, 1910-1913. N.O.V-, 17, X.1. ̃

Schrecker (P.). – Henri Bergson. Philosophie der PersBnlichkeit.- Br-ia-8,-61..p' Munich, E: Reinhardt, 1912. Mars, .14, II..1 :̃• °

Slonimsky(H.). Heraklit und Parinenides.. Jn-8,,62 p.Giessen, TSpelmann, 1912, Mars, Spiller (G.). – The Training of the.'Chiîd. ïnr:18,. 93 i.ç., .Lp.ndpn, T. G. E.' G., Jack, 1912.. Juillet, 21, II. .r. ̃̃ •v ̃ "̃'̃'» s, Steinbûchel (Th.). – Die Zweckgedanke in der Philosophie des Thomas von Aqu'n0- In-8i


xiv-151 p., Beitrage zur Gesch. d. Phil. d. Mittelalters, publ. par CI. Baeumker, Bd. XI, Heft 1, Munster, 1912. Mai, 9, II.

Stirling (Amelia H.). James Hutchison Stirling, his Life and Work. In-8, xi-379 p., London, Fischer Unwin, 1912. Mars, 18, II.

TROILO (E.) Il positivisme e Dire,tti dello spirito. In-8, 363 p., Turin, Bocca, 1912. -Janv., 31, II.

TROLTSCH (E.). -Gesammelte Schriften. 2 vol. in-8 de xvi-995, et xi-866 p., Tübingen, Mohr, 1912-1913. Nov., 12, I.

Varisco (B.). – Conosci te Stesso. in-8, xxvin-353 p., Libreria editrice milanese, 1912. Mars, 19, II.

Vowinceel (E.). Leben und Erkenntniss. In-16, 179 p., Berlin, Leonard Simion, 1912. Mars, 8, I.

WALLESER (M.). Die mittlere Lehre (MadhyamikaÇastira) des Nagarjuna. In-8, vm-182p., Heidelberg, Carl Winter, 1911. Mars, 11, II..

Wilkelm (R.). Die Religion und Philosophie Chinas. 4 vol., gr. in-8, de xxx-244 p. (1910), xxxn-118 p. (1911), xxtx-174 p. (1911), .xxiv-SfiS p., 1912, Iéna, Diederichs. Mars, 12, I. Windelband (W.). Ueber Sinn und Wert'des Phanomenalismus. Br. in-4, 26p., .Heidelberg, Winter, 1912. Mars, 5, II.

Witherspoon (J.). Lectures on moral Philosophy. In-8, 146 + xxix p., Princeton University Press, 1912. Mars, 17, II.

Wunpt (Max). Gechischte der griechischen Ethik, zweiter Band der Hellenismus. Gr. in-8, is-506 p., Leipzig, 1911. Sept., 27, I.

Ziegler (I.). Religion und Wissenschaft-. Br: in-18, 49p., Frankfurta. M., Kàufmann, 1913. Juillet, 17, II.

Revue des Périodiques.

Année pédagogique dirigée par P. Cellerier et L. Dugas, lrc année, 1911. In-8, vm-487 p Paris, F. Alcan, 1912. (Articles de.E. Boutroux, Cellerier, Dugas), Bibliographie. Mai, 13, I; 14, II.

Année philosophique publiée sous la direction de F. Pillon, 23e année, 1912. In-8, 296 p., Paris, F. Alcan, 1913. (Articles de V. Delbos, G. Lechalas, Lionel Dauriac, Fr. Pillon, Henri Bois.) Sept.. 31, II; 32, I.

Année psychologique fondée par A. Binet, publiée par Larguier des Bancels et Th. Simon. (Articles de Th. Simon, Larguier, Bourdon, Imbert, Bovet, Souriau, Leclère, R.-L., Lapie, Bobertag, Goddard, Saffiotti, Sullivan. Girond, Claparèdc, Ruyssen, Bohn, Ley.) Archives de Psychologie publiées par Th. Flournoy et E. Claparède, t. XI, 41-44. In-8, 400 p., Kündig, Goncve. Avril-Nov. (Articles de Katzaroff, Claparède, Varendouck, Radecki, Yung, Descœudres.) Mai, 18, I; 19, I.

Bolletino felosofico dirigé par Guido Ferrando. 25, II; 26, I.

Cœnobium (Articles de M. Hibert, A. Crespi, G. Rensi). Mars, 26, I.

Critica (Articles do Gentile). Mars, 25, II.

Cultura contemporanea (Articles de Varisco, Borgese, Crespi). Mars, 26, 1-II. Cultura Filosofica (Articles do Masci, Zuccante, Monddlfo, Melle, de Sarlo). Mars, 25, I. Jahrbuch der Philosophie dirigée par Max Frischeisen, Kohler, lre année. In-8, xn-384 p., Berlin, Mittler u. Sohn, 1913. (Articles de.E. Cassirer, R. Künigswald, M. Laue, M. Frischeisen, Kohler, J. Schultz, J. Cohn, A. Messer, G. Mehlis, Othmar Spaun,,E. Utitz.) Juillet, 24, II; 26, II.

Journal of Philosophy, Psychology and Scientifî-c jVethods, vol. VIII, n° 20. (Articles de Marvin, Sellars, Rutgers Marshall, Perry, J. E. Russell, Dewey, Durand Drake, Lovejoy, Royce, Kallen.) Mars, 22, 1; 24, 1.

Journal de Psychologie normale et pathologique, dirigé par P. Janet et G. Dumas, 9e année. In-8, 572 p., F. Alcan, 1912. (Articles de Pawlow, Mignard, Babinski et J. DagnanBouveret, Roger de Fursac et Gonil Perrin, P. Sérieux et J. Capgras, P. Verrier, L. Marchand et L. Dupouy, Kostylef, Dr Fourche, S. Marinesco. Abramowski, ï.agriffe, Manelon.) Mai, 15, II 17, II.

Stitcd. oct. 1911, juillet 1912. (Articles de Schiller, Strange, Macintosch, Fawcett, Alexander, Mackenzie.) Mars, 22, I.

Monist, avril 1912, avril 1913. (Articles de B. Russell, G. Jacoby, B. Smith.) Sept., 32, 1; 33, I.

Philosophisches Jahrbuch, hgg. von C. Gutberlet, Bd. XXIV, Fulda. (Articles de Zimmermann, Hein, Trampe, Schreiber, Gutberlet, Bauemker, Radermacher, Stolzle, Kohlhofer, Frankel, Kramp, Schreiber.) Janv., 34, 1; 36, I.

Prseglad Filosoficsny, là0 année, 1912. (Articles de Z. Zawirski, E. Stamm, I. Wasserberg, H. Znamecki, M. J. Kodis. K. Sosnicki, E. Abramowski). Juillet, 26, II: 30, I.


Psiche. (Articles d'Assagioli, de De Sarlo, de. Villa;).- Mars," 26, I.

Revues catholiques en 1912. Annales de philosophie chrétienne. (Art. de Canet, Vattier, Durantel, Borrell, Coutan, Paliàrd, 'BÏondel)^ Revue, de. Philosophie (Art, de Colin, Mentré, M. do Wulf). Revue pratique £ apologétique (Art.- de Petitot, Rivière; Man-, genot, Bardy). Revue Thomiste. (Art.rde Bruneteau, C. HugôH). Revue Néoscolasgique. (Art. de Brandt, Palhories, F. de Hovre). Revue des Sciences philosophiques et théoloqiqucs (Art. de Coulon, du RoSs.|eaùx),J– fja.nv;33,ll; 34, 1.

Rivista di filosofia. (Articles de Marchesinî, Re'nsi, Calcagup.) Mars, 24, I; 25 I. 1. Rivista di filosofia neo-scolaslica: (Articles de.GemeJli,.Brunp.iNardi, Emilio Chiochetti.) Mars, 25, 1-11. "7 "S ̃ Tt7~~ ^̃"̃" ̃" Ruch Filozoficzny, 1911. (Articles de^truve; T^ardo^ski, Stfaszewski, Heinrich.) Jauv., 40, J,II.

Ruch Filozofierm/, 1912. (Articles de Kleiner,. H. Struvô, M." Daszynslja-Golinska, J. Chrzaowski, Ruberzynski.) Sept., 33,.I^_34j i.

Scientia (Rivista di Scienza) 1912.(Àrticles 'de MM> P. Enriques T. J, J. See; Ch. André; F. Soddy; A. Rey; A. Thornscjn ;_S. Eerozzlj,-H, Poiffcaré; A. Eindley; H. Pomcaré; F. Enriques; W. H. WMto; D.Xepopol. Noy:, 21, II à32,.II.:

Scuola cattolica. (Articles de G. Piovano, 13. GrsenigbO Mars, 26, IL

Voprossi po psychologuii i fOosofji,. 1911,, (Articles de 0. Losski, Khwostovr, Karpow, Ern.) Janv., 37, II; 40, I. '̃"̃̃̃ 1

Thèses de Doctorat.

Bottinelli (P. P.). I. A. Courn.ot,'souvéhirs21%<i-18m);; II. A. Cournot, mêtàphysicierf* de la connaissance. Juillet, 32, I; 40, II. ̃

Gilson (E.). – I. Index scolastico-cartèsien; -*̃" II. La doctrine cartésienne de la liberté et la théoloyie. Mai, 24, I;-32, ij. ̃'•

HALBWACHS (M.). La classe ouvrière et l'es niveau de me. – Mai, 19, J; 23, II. VERMEIL. Jean Adam Môhler ei l'École, catholique de Tubingue (1815-1840). r- Sept., 34, 1,30-11. | •-̃̃•̃• Agrégation de Philosophie.

I. Dissertations. II. Leçons, -r- Sept.; 5, L, Diplôme d'études supérieures de philosophie.. Novembre, 35, 1; 36, IL;

Nécrologie.

Eodier (Georges). Mai, 1, I. Jl". ̃ '.̃• -y

Variéjlés.

IV Congrès international des Études historiques (Londres,, avril .1913). Méinojres de M. M. P. Koschaker; do la ValléOTPoussin Mac-Donell, Masson-Oursel; Mqnro, Car-lyle, Hume Brown, Fostér-WàtsonyK. Lamprecht. •_

Congrès international de Philosophie, Londres, ^1915. Juillet, 1, I.

La philosophie dans les Universités.' –Sept., 1,1; A, ÏI. –.Novembre, 32, II; 34, II. L'éditeur-gérant': Max Leclerc. t

Coulommiers. Imp. Paul BRODARD.