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Titre : Instructions sur l'anthropologie de l'Algérie. Considérations générales / par le Général Faidherbe,.... Instructions particulières / par le Docteur Paul Topinard,...

Auteur : Faidherbe, Léon (1818-1889). Auteur du texte

Auteur : Topinard, Paul (1830-1911). Auteur du texte

Éditeur : A. Hennuyer (Paris)

Date d'édition : 1874

Sujet : Anthropologie -- Algérie

Sujet : Moeurs et coutumes -- Algérie -- 19e siècle

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34135705k

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 60 p. ; in-8

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Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k105892w

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK8-2008

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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SUR

L'ALGÉRIE

a

GÉNÉRALES

de la d'anthropoiogio

tNSTRBGÏIÔÉS

le amm Mul topwm»

Conservateur des collection» de la S<wi«lé d'anthropologie

PARIS

typographie: A. HENNUYER RUE DU BOCIEVARB, 7

1874


INSTRUCTIONS

SUR

L'ANTHROPOLOGIE DE L'ALGÉRIE

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

PAR

LE GÉNÉRAL FAIDHERBK

Vice-Présideol de la Société d'anthropologie

INSTRUCTIONS PARTICULIÈRES

PAR

LE DCCTEUR PAUL TOPIMRD

Coûiervaluur des collections de la Société d'aaUiropologie

PARIS

TYPOGRAPHIE A. HENNUYKll

RUE DU BOULEVARD, 7

1874


TABLE DES MATIÈRES

Antiquité de la nce berbère qui entrent dans sa composition 10 Parallèle des races berbère et arabe en 12 Leur genre de la Leurs langues. 14 Leursinstitutions. Leurs caractères morau: Leurs caractères physiques Leur dénombrement. 31 Nègres d'Algérie. 34 Israélites. 38 Kourouglis. 39 Maures 40 Les Berbers blond. Monuments mégalithiques 45 Age de la pierre taillée. Des métis et croisements De l'acclimatation en Algérie. fI3


INSTRUCTIONS

SUR

L'ANTHROPOLOGIE DE I/ÀLGÉRIE

RAPPORT PRÉSENTÉ A LA SOCIÉTÉ D'ANTBROPOLOGIE

B*«» LA *fc*KCK De ft JOIK 1RS

LE

Comme premier renseignement fournir aux anthropo-

logisles qui voudraient s'occuper du nord de l'Afrique ou Uerbérie, nous allons donner une énumération des races on peuples qui ont successivement concouru à former su population.

Pour le plus grand nombre de ces races ou peuples, l'é-

poque et les circonstances de leur arrivée dans le pays sont historiques; pour ceux-là, pas de difficulté. Mais il non est pas ainsi pour tous, et, voulant commencer par les premiers occupants, nous nous trouvons dès le principe en face de l'inconnu, ce qui nons force à entrer en matière par des considérations linguistiques et ethniques, à défaut de documents historiques.

Dans la contrée dont nous nous occupons, nous trouvons

i Au nom de la Commission pour t'Alerte, compose de MM. d'Ave-

xac, président; Duhousset, Dureau, Gillebert d'Uercourl, ligneau; Faidberbu et Topinard, rapporteurs.


aujourd'hui, à côté d'éléments dont nous connaissons la provenance, les Arabes, les nègres, les Européens, etc., un élément bien plus nombreux, formant environ les trois quarts de la population totale (c'est-à-dire 9 millions d'âmes sur 13000000), parlant les dialectes d'une même langue, que nous appelons k berbère, ou ayant abandonné cette langue pour l'arabe depuis moins de mille ans. Suivant nous, ce fait domine toute la question une même langue s'étendant de l'F:gypte à l'océan Atlantique, y compris les Canaries, où les anciens noms de lieux et de populations sont berbères, et depuis la Méditerranée jusqu'au Soudan, langue qu'on ne trouve pas en dehors de cette vaste étendue, cela dénote bien un peuple, une race.

Cette langue a quelques affinités avec l'égyptien et avec les langues sémitiques. Jusqu'à présent, on lui en a inutilement cherché avec le basque, considéré comme un reste des langues pré-aryennes de l'Europe méridionale. Ceux qui la parlent sont, en général, physiquement analogues aux indigènes égyptiens, quoique moins bruns, et à certaines populations des mêmes latitudes en Arabie et contrées voisines d'Asie teint bilieux, yeux et poils noirs. On n'a aucune donnée historique sur l'origine de ce peuple, qui s'identifie avec la langue berbère, pas plus que sur celle des Egyptiens; mais son existence est déjà historiquement signalée pur les annales égyptiennes (Manellion) il y a près de six mille ans.

Eu effet, sous la quatrième dynastie, le roi Neferkhérès est dit avoir soumis une portion des Libyens terrifiés par la vue d'une éclipse.

Libyens. Les voisins à l'ouest des Egyptiens, à cette époque reculée, sont donc désignés dans la traduction grecque de Manethon par le mot >>iéuîç, que nous rendons par le mot libyen, et qui rendait le mot égyptien lebou-rebou. Nous adopterons ce nom de Libyens.


Plus tard, sous le moyen empire (3000 ans avant J.-C.), douzième dynastie, on papyrus désigne le pays des Libyens sous le nom de pays des Tamahou, et faisons de suite observer que la langue berbère s'appelle encore dans le Sahara, chez les Touarega, le tamahoug, tamahag, lamachek, suivant les dialectes.

Blondi. Entre 4000 et 2000 ans avant Jésus-Christ, apparaît une race nouvelle l'ouest de l'Egypte. Déjà sous la dix-huitième dynastie, 1 700 ans avant Jésus-Christ, la mère du roi Amenhotep IV est une blonde aux yeux bleus et au teint rosé, provenant de familles étrangères qui sont venues s'établir dans le Delta mais sous la dix-neuvième dynastie, environ 1400 ans avant Jésus-Christ, c'est toute une invasion de nomades aux yeux bleus et aux cheveux blonds, qui va s'abattre de l'Ouest sur l'Egypte. Sous le règne de Séti I", les Libyens attaquent sérieusement la basse Egypte avec ces alliés, ainsi qu'avec des peuples de la Méditerranée. Le fils de Séti, Ramsès 11, les maintient; mais sous Mérenptah, fils de Ramsès lI, l'invasion devient formidable, et les plus redoutables de ces envahisseurs sont ces blonds, qui tinissent par former des établissements en Egypte et fournir des troupes mercenaires à ses rois.

Des blonds en Afrique, avec son climat actuel, qui est celui des temps historiques, c'est une anomalie. Ces blonds étaient venus en Afrique par le détroit de Gibrallar, du pays des blonds, qui est le nord de l'Europe et les témoins de leur migration, c'est cette ligne continue de dolmens qu'on trouve depuis les bords dp. la Baltique jusqu'à la Tunisie.

Le dernier renseignement que nous avons eu à cet égard constate qu'il y en a autour de Tanger, point par où ces blonds arrivèrent en Libye.

Ces blonds du Nord subjuguèrent 1rs Libyens indigènes


ou s'«!liéreiil avec en: ils adoptèrent leur langue, furent confondus avec eux par les Egyptiens sous le nom de Tamnhou, et finirent par se fondre au milieu d'eux par croisement. Il en reste des traces dans presque toutes les population* parlant ou ayant parlé le berbère. On y trouve encore des blonds disséminés et même agglomérés sur certains points. Nous signalerons spécialement, sono ce rapport, aux observations des anthropologistes la fraclion Oulcd-Yftconb des Amamra, prêt du poste de Khenchela, et quelques villages dans le Djebel-Chechar, près du poste de Zeribot el oued ces deux postes sont dans la subdivision de Bagne, contrée du Djebel-Aurès. Les blonds sont aussi très-nombreux dans les montagnes du Sud-Ouest du Maroc.

Nous appellerons berbère la population qui résulta du mélange des Libyens indigènes avec les blonds du Nord. Même en observant la quantité de blonds qu'on trouve en*core aujourd'hui et en considérant les contingents indiqués dans les Annale$ égyptinnti, il n'est guère possible d'imaginer daus quelle proportion les envahissours se trouvèrent vis-à-vis des Libyens indigènes. Aussi ne ferons-nous aucune hypothèse à ce sujet dans le tableau que nous dressons plus loin des proportions dans lesquelles ont pu entrer dans la population actuelle du pays que nous étudions les divers et nombreux éléments qui l'ont formée. Ce tableau est d'ailleurs une simple donnée pour fixer les idées, mais à laquelle on n'accordera quo la confiance qu'elle mérite. Nous y admettons que les Berb?: eurent pour 75 pour 400 dans la formation de la population totale actuelle. 1 Voyez Salluste (Jugurtha, XVIII); sa légende, d'après les livres puniques attribués à Hituipsal, donne exucloinunl l'histoire de cette invasion seulement il appelle les euvahisseurs Mèdes, Pcrsos et Arméniens, et leur chef Mort en l>|w«uu avant le |Msstige du détroit, Hercule.


PkéttkkM. A peu près à l'époque dont nous venons de parler, vers 1 800 ans avant Jésus-Christ, les Phéniciens, peuple cananéen parlant une langue sémitique, fondaient des colonies sur les côtes de la Libye. A Cartilage, ils étendirent assez loin leur domination dans l'intérieur; sur ce point, ils se mélangèrent avec les indigénes de là les LibyPhéniciens des historiens.

Nous ne savons pas si, physiquement, les Phéniciens étaient analogues aux Sémites, dont le type est si bien caractérisé, ou aux Libyens, qui, d'après leurs descendants, les Berbers, n'ont pas les traits du visage des Sémites, surtout ceux du Maghreb. La Bible place bien les Phéniciens, ainsi que les Egyptiens et les Libyens, parmi les Chamites mais ces désignation@, Sem, Chain et Japhet, n'étaient que géograpliquos, et on ne peut rien en cunclure pour la question ethnique. Nous regardons comme assez probable que les Phéniciens devaient être très-analogues aux Hébreux et aux Arabes.

Quant aux restes de ce troisième élément de population, ils doivent seulement se retrouver sur la côte de Berbérie, autour des lieux on existèruntdcs établissements phéniciens. Il ne nous semble pas qu'ils puissent compter pour plus de 1 pour 100 de la population totale.

Nous ne parlerons que pour mémoiro des anciens Grecs, qui, 600 ans avant Jésns-ClirUt, eurent en Afrique l'importante colonie de Cyrène. Cette occupation toute locale dans un lieu aujourd'hui presque désert n'a pas dû laisser de traces sensibles dans la population du pays.

Romains et auxiliaires. -lais 150 ans avant Jésus-Christ vinrent les Itomains avec leurs mercenaires gaulois, espagnols. qui subjuguèrcut et colonisèrent le pays pendant plus de cinq siècles, laissèrent partout des traces de leur domination et indubitablement des descendants dans la population. La seconde occupation par le Bas-Empire en


laisM certainement beaucoup moin;, et nous ne croyons pu devoir porter au compte de ces deux dominations réunies plus de 1 pour 100.

Quant au type physique de cet élément, il devnit être en majorité celui de la race brune de l'Earope méridionale. Vandales. Les Vandales, au cinquième siècle après Jésus-Christ, conquirent aussi une bonne partie de l'Afrique et s'y maintinrent pendant près d'un siècle; mais en raison de leur petit nombre et des revers qui mirent fin à leur empire, Us ne doivent pas figurer pour plus d'un demi pour 100 dans notre tableau. Cet élément devait être blond. Arafat. Nous arrivons maintenant à une immigration beaucoup plus importante au point de vue de l'ethnographie dn nord de i 'Afrique. Ce pays fut envahi 700 ans après JésusChrist par les Arabes musulmans, qui finirent par le dominer et le convertir à leur religion, s'y établirent et se mêlèrent tellement sur beaucoup de points avec les populations indigènes, qu'il est souvent impossible aujourd'hui de les distinguer.

On peutdire en nombre rond que cet élément représente, à l'état pur ou à l'état de mélange, environ un sixième de la masse totale de la population de la Berbérie, soit 15 pour 100. Mais la proportion est plus forte en Algérie qu'au Maroc, et elle y monte bien à 20 pour 100. Si l'on veut voir pour l'Algérie en particulier la répartition des populations parlant aujourd'hui l'arabe et le berbère (bien entendu, sans déduire toujours de là la question de race), on n'a qu'à consulter une carte dressée à cet effet par le général Hanoteau. Les fractions parlant berbère sont indubitablement d'origine berbère, car aucune population n'a laissé la langue arabe pour la langue berbère mais des individus et même des familles arabes ont pu y introduire quelques éléments de leur race. Beaucoup de populations, au conlraire, ont abandonné la langue berbère pour


la langue arabe, par exemple les tribus des environs de Djedjelli.

Dans le Maroc, les Berbers occupent surtout les montagnes de l'Atlas et du Rif et les provinces du Sud, tandis que les Arabes campent dans les plaines du Nord-Ouest. Nègre$. Nous arrivons à un élément très-important aussi, mais réparti d'une autre façon, en ce sens qu'il n'existe presque pas par, mais seulement à l'état de mélange avec tous les autres, c'est l'élément soudanien ou noir. On ne sait pas au juste à quelle époque il faut faire remonter les premières relations importantes de la Libye ou Berbérie avec le Soudan à travers le Sahara, qui les sépare si complètement. Mais il est certain que peu après l'invasion arabe (voir Ibn Khaldoun) du temps des puissantes dynasties berbères des Almoravides, des Almohades, etc., le nord de l'Afrique était en rapports continuels avec les pays des noirs. Des tribus berbères et arabes fondaient des colonies au Soudan, y soumettaient de nombreuses populations noires et envoyaient des quantités énormes d'esclaves vers le Nord. Les rois almoravides et almohades avaient des armées entières de nègres. Cela dura un bon nombre de siècles, et aujourd'hui même les troupes permanentes de l'empereur du Maroc sont ainsi composées. Il dut en résulter une grande infusion de sang nègre dans la population, d'autant plus qu'il n'y avait guère de préjugé de couleur. La famille régnante du Maroc est elle-même de sang mêlé. De là le grand nombre d'habitants du nord de l'Afrique chez lesquels un oeil exercé reconnaît des caractères nigritiques que des anthropologistes regardent quelquefois à tort comme appartenant à la race berbère ou libyenne. Nous n'allons peut-être pas trop loin en supposaut que l'élément soudanien (nègres de toutes races et pouls) entre pour 5 pour 100 dans la formation de la population totale de la Berbérie.


Israilittt. Viennent les Israélites, qui, à direnes époques, ont envoyé des immigrations, mais peu nom»brèmes, en Berbérie. Ils se sont mêlés à des tribus berbères converties Il leur foi vers le temps do l'invasion des Arabes musulmans, surtout dans la contrée de l'Aurès. Physiquement, cet élément est presque identique avec l'élément arabe. Nous le portons pour 2 pour 100 dans la population totale.

Aujourd'hui, en Algérie, on compte environ 30000 Israélites, ce qui ne fait qu'un peu plus du centième de la population totale; mais au Maroc, ils sont en proportion beaucoup plus forte.

Turcs. Nous regarderons les établissements des Génois à Bougie, à des Espagnols àOran, comme de simples accidents qui n'ont pas influé sur la population; et nous arrivons à la domination turque en Algérie, en Tunisie et à Tripoli. Depuis le seizième siècle, les Turcs avaient établi plus ou moins complétement leur domination surce8 paye.Ces Turcs, c'étaient des gens de races très-diverses, ramassés à Smyrne, à Constantinople. mais ils étaient relativement peu nombreux et, quoique de môme religion que les indigènes, ils mêlaient peu leur sang avec le leur, par suite de mœurs exceptionnelles et pour des raisons politiques. Cependant un nom spécial, celui de corouglii, désignait les enfants qu'ils avaient des femmes arabes, berbères ou mauresques. Ce nom de Maurea, Mauresques est celui que nous donnons aux habitants musulmans des villes, surtout des villes peu éloignées de la côte. Ce nom, probablement d'origine phénicienne, est inconnu des indigènes. Comme on le voit, voilà déjà bien des éléments divers pour la population du nord de l'Afrique et de l'Algérie en particulier. Dans certaines fractions de l'intérieur, la race berbère on la race arabe ont pu se conserver relativement purea mais dans la population de la côte, des villes surtout, il y a de


tout Libyens indigènes ou blonds, Phéniciens, Romains, Gaulois, Grecs, Vandales, Arabes, noirs de tontes races, pouls, Israélites, Turcs de provenances diverses, et ajoutons, pour terminer, des hommes de toutes les contrées de l'Europe qui, pris par les corsaires, embrassaient la religion musulmane et faisaient souche dans le pays. Nous comptons les Turcs et renégat» pour un demi pour 100.

On ne peut donc pas voir un amalgame plus compliqué de toutes les races de l'Afrique, de l'Europe et de l'Asie occidentale que la population du littoral africain; la besogne de l'ethnographe y est donc bien délicate. Un blond qu'il rencontrerait, croyant avoir mis la main sur un précieux descendant des antiques Machouah, pourrait être tout simplement le petit-fils d'un renégat danois ou flamand. La domination française depuis quarante-trois ans, et l'hospitalité généreuse accordée par elle aux immigrants de tout pays, compliqueraient encore, si c'était possible, la question pour l'avenir.

Nous croyons cependant qu'on pourrait déterminer un certain nombre de caractères comme spécifiant, d'une part, la race libyenne et, d'autre part, la race arabe dans cette contrée. Ces deux races se conservent bien comme étant adaptées an climat, tandis que les nègres et les Européens du Nord ne peuvent s'y perpétuer que grâce aux croisements, le climat présentant des hivers trop froids pour les premiers et des étés trop chauds pour les seconds. Voici maintenant, d'après les détails que nous avons donnés plus haut, le tableau récapitulatif indiquant les propor'!nns dans lesquelles les éléments anciens ou modernes de la population de la Berbérie peuvent être regardés comme entrant dans sa composition


Ces proportions approximatives sont données pour l'ensemble de la population de la Berbérie, mais nous répéterons que la répartition de ces éléments est loin d'être uniforme. Dans les localités éloignées du littoral n'existent pour ainsi dire pas de traces des Phéniciens, des Romains, des Vandales et des Turcs. Au delà des hauts plateaux, dans le bassin du Sahara, la race noire, trouvant un climat plus favorable, se conserve dans une proportion beaucoup plus forte que sur les montagnes et dans le bassin de la Méditerranée.


DEUXIEME PARTIE

INSTRUCTIONS PARTICULIÈRES

PARLE DOCTEUR PA1JL TOf INARD.

L'honorable rapporteur qui m'a précédé vous a dit, avec l'autorité que lui donnent un long séjour et des études personnelles en Afrique, combien il est difficile aujourd'hui de se reconnaltre au milieu des races de toute sorte qui se sont succédé et croisées dans les villes du littoral. L'anthropologiste qui désirera dresser des observations consciencieuses sur les caractères distinctifs des races indigènes de l'Algérie, la seule des provinces barbaresques dont nous ayons à nous occuper ici, devra donc pénétrer dans l'intérieur et y rechercher avec soin les tribus les plus franches et les plus pures.

De tous temps, les peuplades vaincues se sont réfugiées dans les points les plus inaccessibles de leur territoire, et ont plus facilement réussi dans les montagnes à conserver leur individualité ethnique. C'est dans les Pyrénées, les Cévennes et les Ardennes qu'il faut en France certainement aller chercher les débris de nos antiques races. En Algérie, ce sera dans la province de Constantine, dans son massif de l'Aurès surtout, le long de cette ligne de hauts plateaux qui va rejoindre le grand Atlas, et dans nos oasis. La résis.tance des Qumquegentes au mont Ferratus (mont bardé de fer), dans le Dju/jura, de 286 à 426, est demeurée célèbre dans les annales romaines. Les Zouaoua, un peu plus tard, a se soulevaient, dit Ibn Khaldoun, dès qu'on venait leur réclamer l'impôt, étant assurée que dans leurs montagnes ils n'avaient rien à craindre. Il existe encore au faite de l'Aurès, écrit Justin Pont, des restes de tribus qu'aucune


domination, les Français exceptés, n'a pu soumettre par les armes.

Dans ces régions mêmes, l'observateur se trouvera souvent aux prises avec des difficultés. Il rencontrera des tribus berbères ayant adopté la langue et une partie des allures arabes, des tribus mêlées de Berbers et d'Arabes, des groupes nègres, juifs ou kourouglis intercalés çà et la, jusqu'à des agglomérations confuses de races étrangères de toute sorte (Hanoteau et Périer 1), et parmi les fractions mèrnes de tribus les plus homogènes bien des individus suspects encore. Son premier devoir sera donc de s'assurer par tous les moyens possibles de l'origine et de la nature véritable de la fraction ou de la famille sur laquelle il veut opérer.

Ces moyens, heureusement fort nombreux, concernent, les uns la collectivité, les autres l'individu. Us se tirent surtoutdes alluresgénérales ou du genre de vie,de la langue parlée, des institutions, des traditions et renseignements locaux, des mœurs et coutumes et des caractères physiques.

La première considération, disons-nous, est le genre de ̃ Parmi ces tribus complexes, réceptacle d'une foule de réfugies de toute provenance. M. Périer, cite d'après Il' Carette et Waraler, celles des Ameraoua en pleine Kabylie, des Beni-Amer dans la province d'Oran,des Eumour et des Hel-ben-All dans les Zibans. Us ..ubdivislon* politiques parmi les Berbères sont la confédération ou fc'fratfa, la tribu ou arch, la fractions ou jerka et la commune on deekera. Mais le nom de tribu s'applique dans le langage courant asaei indifféremment a la k'boila, à l'arc* et 0 la firka. Aies) les Oulad Abd-tn-Nour sont donnés » comme une tribu par H. Fgraud et comprennent néanmoins trente fractious dont l'origine diffère; les Telar'ma, comme une autre tribu formée de vloiU-dem fractions; les Amir-Chtraga, comme composés de fraction) et encore de sons-fractiona, etc. Evidemment ce qu'il appelle tribu n'est qu'une confédération, et les véritables tribus eu sont les fractions; l'unité d'origine, l'unité de race réside dans la fraction et non dans l'arc*


vie. Toute tribu franchement nomade et pastorale est vraisemblablement arabe; les plus pures circulent sur la ligne des hauts plateaux dont nous avons parlé et aux environs des oasis. Toute tribu sédentaire depuis un temps immémorial, chacun de ses membres cultivant la terre en son nom personnel, est berbère. Le génie du peuple arabe, en effet, c'est la vie sous la tente, le mouvement, deux fois l'an au moins, la recherche des pâturages, et, lorsqu'il cultive, lu jouissance collective des terres au nom de la tribu. Le Berber, il est vrai, était jadis dans le même cas. Pline raconte que leurs ancêtres de la province de Constantine, « les Numides, changeaient sans cesse de lieux de pâturages et emportaient avec eux leurs mapalia» ou demeures. » Los Touaregs, refoulés dans le Midi par la première invasion arabe du huitième siècle, sont encore nomades dans leurs vastes solitudes du Sahara, et les Brabers, sur le versant méridional de l'Atlas, dans le Maroc. Mais le Berber d'Algérie de nos jours, qu'il s'appelle Kabyle dans le nord de la province de Constantine, Chaouia dans la région du centre, Djebelien (Warnier) dans les montagnes des provinces d'Alger et d'Oran ou Zenata, Beni-M'sab dans les oasis, a définitivement renoncé à cette existence il s'est fixé après les invasions romaines et arabes, ses dernières tribus depuis la domination française, et ne se rencontre plus par masses que cultivant la terre en son nom per. sonnel.

II n'y a guère d'exception, croyons-nous, à cette règle', tandis que l'inverse n'est pas rare une tribu arabe deve.nue sédentaire, témoin les Issers, assez récemment fixé* dans le Djurjura, au nombre de 13630.

La seconde considération est celle de la langue. L'arabe 1 Le col. Carelle cependant parle, au sud de Médeab, des Haodra, descendant d'une des plus anciennes tribus barberai du seizième Wele, comme ayant pris les habitudes des Arabes.


est de beaucoup la plus répandue en Algérie. Non seulement elle se parle exclusivement dans beaucoup de tribus arabes, mais un grand nombre de tribus berbères l'ont adoptée, et une partie de son vocabulaire s'est infiltré jusque parmi les tribus berbères les plus pures la plupart des noms de tribus et des noms géographiques lui sont empruntés. L'indigène arabe n'a aucun besoin du berbère, il n'en sait quelques mots qu'accidentellement et à son corps défendant. Le Berber, au contraire, se voit obligé de connaître la langue arabe pour voyager, vendre ses denrées et lire le Koran.

Une tribu peut donc parler arabe et être berbère. Le nombre en est considérable au milieu des régions où le berbère est parlé exclusivement, se rencontrera tout à coup une enclave où l'on ne parle plus qu'arabe, comme dans les environs de Djidelli, de Sétif, de Cherchell, de Tebessa, de Biskra. Le berbère disparaît d'une façon constante aux approches d'nne grande ville.

De là une catégorie particulière de tribus berbères que le docteur Warnier, aujourd'hui député à l'Assemblée nationale, désigne sous le nom de Berbers arabisants, et qui causera de grands embarras à l'anthropologiste. C'est sur elles qu'il devra se livrer à l'enquête la plus minutieuse pour en retracer l'origine. Quelques bons travaux lui viendront en aide en première ligne, la carte des langues de l'Algérie, que M. Hanoteau a annexée à sa grammaire touareg', et la notice de 277 tribus parlant le berbère, qui l'accompagne. Les régions occupées par ces dernières sont en rose sur la carte, et les antres laissées en blanc. On y voit se détacher en rose

f Une bonne moitié de la province de Constantine sous la forme d'une vaste surface occupée par les Chaouias, et Etsai do grammairt 1» la langu» tamachtk, par A. Hameau. Impripterie Impériale, 1860.


composant ce qu'on appelle géographiquement la région dn centre, d'une presqntie allongée, rattachée à la précédente, et répondant aux deux Kabylies, d'un ilot indiquant les oasis d'Ouargla et de quelques taches clairsemées pour les oasis de l'Oued-ltir;

2* Une très-petite portion de la province d'Alger se réduisant Il deux lies allongées situées près de la mer, sur les plateaux nord et sud qui côtoient la vallée de l'Oued-Cheliff, à une surface assez importante répondant aux oasis des Beni-M'zab et à quelques points çà et là 3° Une portion moindre encore, dans la province d'Oran, entre Sebdou et la frontière du Maroc, et quelques rares points disséminés dans le Midi.

Mais, ainsi que le fait observer lui-même le général Hanoteau, une lacune regrettable existe dans la partie blanche; les deux espèces de tribus, les unes parlant arabe, quoique berbères, et les autres, Arabes vraies, n'y sont pas séparées, et c'est cette séparation que les anthropologistes devront s'efforcer peu à peu de combler.

Nous dirons tout à l'heure les ouvrages à consulter dans cette voie.

Les principaux dialectes berbères parlés en Algérie sont le thakebailith ou kebaïlia, le cfiaouia dans l'Aurès, et le zenata dans les oasis. C'est d'après le dialecte des Zouaoua, l'une des plus importantes confédérations kabyles, qu'a été composée la grammaire kabyle de M. Hanoteau Les voyageurs auront à voir s'il n'existe pas d'autres dialectes assez distincts pour être mis à part, à augmenter le vocabulaire de chacun et, en passant, à noter les systèmes de numération suivis çà et là en pays berbère. Ils n'oublieront pas non plus de rapporter les inscriptions anciennes berbères, latines ou bilingues, que le hasard pourra leur fuiro 1 Istai de grammaire kabyle, Alter, 1858, par A. Uanolean.


découvrir sur des rochera, du dalles dégrossies on de: stèles taillées, dans du broussailles, faisant partie d'un mur, d'un plancher, ou rassemblées dans une nécropole. Peut-être mêmes retrouveront- ils quelques indices d'un emploi récent ou actuel de l'écriture berbère, usitée encore chez les Touaregs.

Une troisième source ii ne pas négliger pour arriver à la détermination de la race d'une tribu, ce sont les renseignements historiques, traditions locales et généalogies. Ila feront connaître les migrations de la tribu, ou mieux de la fraction de tribu en cause, le genre de vie, pastorale ou fixe, qu'elle aura menée précédemment, ses alliances et mélanges suspects. Mais il faudra beaucoup de tact pour discerner le vrai du faux telle fraction notoirement berbère se dira de bonne foi arabe; telle autre, poussée par la haute considération qu'attache le Horan au titre de vrai croyant, et quoique détestant les Arabes, se construira une généalogie de toutes pièces parmi ses anciens conquérants on ira, pour vous être agréable, jusqu'à inventer des traditions. Ce qu'on appelle les tribus de marob.out8 parmi les Berbers est en général fort suspect; ce sont des sortes de clientèles groupées autour d'un noyau d'origine arabe dont le premier chef est jadis venu du Maroc.

En tête de ses observations ou de ses séries d'observalions, l'anthropologiste devra donc résumer les renseignements qu'il a recueillis, et dire le degré de confiance qu'il leur accorde. En effet, et nous insistons énergiquement sur ce point, ce n'est pas avec des individus ramassés, çà et lA, loin de leur village, qu'on fera de bonnes observations, mais avec les membres d'une même fraction ou d'une même commune. Sur les Il tribus ou fractions de l'ancienne subdivision de Blidah, 7 étaient berbères et 4 arabes. Snr les ta fractions de la tribu des Amamra, décrites par


M. Justin Pont, 3 senlement sont chaouias et remontent à la plus haute antiquité, 2 passent pour descendre des Romains, et les autres sont d'origine religieuse et venues depuis l'invasion musulmane.

Divers travaux importants seront déjà utilement mie à profit d'abord l'ouvrage de M. Carette Sur l'origine et les migrations des principales tribut de t Afrique septenlrionale, et en particulier de l'Algérie, Paris, 1853. Il s'y trouve une carte montrant la répartition des tribus fixes et des terrains de parcours des tribus nomades les plus importantes, et une liste de quelque .100 tribus on villages berbères, arabes ou mixtes, avec l'indication, en regard de beaucoup, de leur composition, de leur origine ou de leur dernière migration. Puis une série de monographies dans le Recueil de la Société archéologique de Constantine, notamment l'Histoire des tribus de la province de Constantine, par Féraud, années 1864 et 1869 Ce qui a ensuite une haute importance pour distinguer les deux ordres de tribus franches, les Arabesetles Berbera, ce sont leurs institutions sociales, ou plutôt l'esprit dans lequel elles sont conçues; cet esprit se retrouve jusque dans les tribus intermédiaires, c'est-à-dire berbères ayant plus ou moins adopté les usages et la langue arabes. Chez le Berber, l'organisation est démocratique, l'individu persiste avec tous ses droits, ajoutons et ses devoirs. Chez l'Arabe, l'organisation est aristocratique, théocratique et patriarcale; l'individu s'efface toujours devant 1 Consulte» au si Ibu Kbaldouo, Hittoire dei Bmrbèm, traductlon de l'arabe par le baron de Sllne. Alger, I8*a.– L.Uttmoi,D$teripl*m géné- ral* de l'Afriqu* «i hittoir* par gmrrn *ntr* (h imfidtU* lu ckrétim», traduction de l'e»|>»tsool par Perrol d'AMancoarl, IMT. HUloirt du Arabu avant fiilamitme, par Causain de Perceval. –Kitab a .Adouci. on le Sahara do Comtaattw et de Ttmit, traduction abrégée par L. Féraud, lu R*eu$U d* la Société archéologique de ComJmMm, IN*.


un supérieur. De là toutes les différences qui, chez l'un, élèvent l'individu, et, chez l'autre, le rabaissent.

Chez le Berber, il n'y a pas de grands, pas de noblesse, mais de simples délégués chargés d'administrer, ou mieux, d'appliquer les lois et coutumes consacrées par le temps et réunies en un faisceau appelé kanoum, et d'exécuter les décisions votées dans l'assemblée générale de la commune ou djetnma. Tout membre de la tribu, arrivé à l'Age de la puberté, fait partie de cette assemblée et y a droit de parler et de voter. Toutes les affaires générales et particulières s'y discutent, et chacun en respecte les décrets. Le délégué on aminé est toujours révocable a la majorité des suffrages. Plusieurs communes assemblées nomment parfois un amine des aminés, qui s'occupe des affaires pour lesquelles il a été désigné, sans jamais s'immiscer dans les questions intérieures de chaque commune. L'association de plusieurs arch en une confédération est rare ou passagère. Toute idée de nationalité en est exclue; le patriotisme du Berber ne dépasse guère la ferka. De là une absence d'unité et une difficulté de s'entendre pour une action commune qui font précisément notre sécurité

1 Cependant il est des institutions qui remplissent dans une certaine mesure cette absence de lien politique et donnent lieu Il une sorte d'aristocratie relative; ce sont les soirs et les marabouts. Les soif' sont des alliances contractées, en dehors de toute action administrative, entre individus uu familles isolées d'une même tribu ou de tribus ditférentea; elles se groupent autour d'un personnage plus ou otoins induenl, riche ou considéré. Les marabouts sont les gardiens de la lettre du Koian ils sont respectés et ont une grande autorité morale; ce sont eux qui ont réussi a liguer contre nous plusieurs confédérations et a généraliser un soulèvement. Logés Il la xaonia, ils reçoivent la ukket et Yachottr prescrits par le Koran, c'est-à-dire le centième sur les troupeaux et le dixième sur les grains, avec lesquels ils pourvoient aux frais du culte, secourent les pauvres, nourristeut les voyageurs et octroient les trois degrés d'instruction primaire, secondaire et transcendante.


Chez l'Arabe, au contraire, l'autorité absolue est concentrée entre les mains de l'aîné, appelé chtikh, qui est le chef de son douar. Et au-dessus de lui, il y a toute une noblesse héréditaire, c'est-à-dire les cherifs, les djouads et les marabouts, qui desceodent les premiers, de la famille du Prophète les seconds, des anciens conquérants d'une manière générale; et les troisièmes, de saints personnages voués à l'observance du Koran. C'est dans les deux premiers groupes que se prennent les kaïdt ou chefs politiques et administratifs des tribus.

Ne pouvant donner plus de développement à ce sujet, je renvoie au travail du docteur Warnier F Algérie devant l'empereur, Paris, 1865, aux Etudes sur la Kabylie et les coutumes kabyles de MM. Hanoteau et Letourneux, Paris, 1873, 3 vol., et à l'article plein d'aperçus généraux de la plus haute portée de M. E. Renan, la Société berbère (Revue des deux mondes, septembre 1873).

La considération de la religion ne fournit aucune donnée comparative. Berbers et Arabes sont musulmans-orthodoxes, c'est-à-dire sunnites, et du rite malekite, dont le centre est au Maroc; les Beni-M'zab seuls sont schismatiques sous le nom de khouaredjistes. Mais, tandis que les Arabes restent rigides observateurs du Koran et le suivent à la lettre dans tous leurs actes, les Berbers, à l'exception des BeniM'zab, sont assez tièdes sur la religion. M. Ch. Martins en a même rencontré de fort sceptiques. En tout cas, leurs lois ou coutumes s'en ressentent peu.

Nous arrivons aux caractères, les uns moraux, les autres physiques, présentés par l'individu. L'influence des premiers sur l'expression de la physionomie, l'attitude du corps, les allures, la conversation est telle, que tout l'être s'en ressent, et qu'il est peu de personnes, ayant voyagé en Algérie, qui ne Unissent par reconnaître, presque à première vue, le Rorbur de l'Arabe. Afin de faci-


liter les premiers pu du voyageur, nous nom efforcerons donc d'en résumer les traits principaux en nous inspirant spécialement des travaux de M. Warnier, du tableau tracé par Deuma. dans ses Meurs et Coutumes de t Algérie, Paris, {864; des Kabylet et de la Colonisation de l'Algérie, par Aucapitaine, Paris, 186*; des Kabyles da Djurjura par Bibesko (Revue des deux mondes, Paris, 4865), etc. Nous prendrons pour types le Kabyle qui a davantage été étudié sous ce rapport, et l'Arabe pasteur.

Le Kabyle 'tabitc une maison de pierre ou de chaume; ses maisof sont agglomérées en villages et hameaux. L'Arabe campe sous la tente le douar est la réunion de plusieurs tentes en cercle; il change de place aussi souvent que l'exigent les besoins de ses troupeaux, et ne cultive qu'accessoirement.

Le Kabyle est individuellement propriétaire; il s'attache à sa maison, à son jardin, à ses ver~n** il engraisee ses terres et s'efforce de leur faire rapporter le plus possible. L'Arabe ne possède pas par lui-même; la tribu a la propriété collective du sol et le distribue chaque année ou le loue; aussi n'a-t-il aucun intérêt à l'améliorer; ses troupeaux constituent sa fortune.

Le Kabyle tire partie des moindres fentes de rochers il plante des arbres fruitiers, les greffe, cultive des légumes, du tabac, des olives, des figues. L'Arabe ne cultive que les céréales.

On ne trouve jamais le Kabyle désœuvré actif, entreprenant, sa présence est une source de richesse pour notre colonie. L'Arabe, au contraire, est paresseus, indolent, et se livre à la contemplation; dur ù la fatigue pour parcourir de vastes espaces, il restera neuf mois à ne rien faire. Fait caractéristique, dit le docteur Warnier en Algérie, on peut affirmer, sans crnindre de se tromper, que là ou Je sol présente un aspect désolé, sans arbres, an est en lerri-


toire arabe, et que là où existent de belles cultures, de beaux arbres, des bois et des forêts, on est en territoire berbère.

Le Kabyle est prévoyant, il abrite ses bestiaux et leur emmagasine des provisions pour l'hiver.L'Arabe vit au jour le jour et se laiese surprendre par la famine, lui et ses bêtes. C'est lui qui incendie les forêts pour en renouveler les pacages et amender les terres sans fetigue en pays berbère, au contraire, l'incendie des forêts est réprouvé, comme méthode d'amendement.

Le Kabyle est industrieux; il se livre à la maçonnerie, la menuiserie, il fabrique de la chaux, des tulles, du savon, de l'huile, de la poudre, des armes, des instruments d'agriculture il exploite les mines. L'Arabe n'a à proprement parler pas d'industrie il ne confectionne guère que des selles, des mors et autres articles d'harnachement. Le Kabyle fait du commerce il prend du service dans nos troupes, descend dans la plaine cultiver les terres des Arabes et va chercher fortune dans les villes du littoral; mais toujours il revient au village, où il s'achète un lot de terre et se maria. Le nom de Berrani dans les villes s'applique collectivement à tous les Berbers qui émigrent ainsi passagèrement. La tribu berbère des Beni-Djennad, dans le cercle de Dellys, dit Aucapitaine, fournit chaque année quinte cents travailleurs aux paya arabes. Ou estime à six mille le nombre des colporteurs que la seule tribudes Zouaoua met en mouvement pour échanger à de grandes distances les produits de leur industrie contre le grain et les matières premières dont ils ont besoin (Warnier). Les neuf dixièmes du bataillon des tirailleurs indigènes de Constantine sont Derbers.

L'Arabe, au contraire, ne se déplace que dans nn certain cercle il n'a jamais vu la mer.

Le Kabyle a toujours une attitude fière et digne; il ne


s'abaisse pas an mensonge. L'Arabe sera humble et arrogant tour à tour et ment. L'une des plus belles institutions du Kabyle, c'est Yanaya, c'est-à-dire la parole donnée, le sauf-conduit représenté par un objet quelconque jamais on ne l'invoque eu vain, jamais lui ou les siens ne faillissent aux obligations généreuses qu'elle impose.

Le Kabyle déclare loyalement la guerre à son ennemi, il retire son anaya. L'Arabe procède par surprise et trahison. Un assassinat est-il commis dans une tribu berbère, la punition du meurtrier devient une obligation partout où il se réfugie, la vendetta le poursuit et se lègue au fils et, à son défaut, à l'époux futur de la fille. En semblable cas, l'Arabe se contente de la dia, prix du sang.

Le point d'honneur est haut placé chez le Kabyle et c'est le motif ordinaire de ses querelles et combats entre tribus ou fractions de tribus mais ces combats ne s'éternisent pas et bientôt on échange Yanaya. Pour le Kabyle la bastonnade est un châtiment infamant; pour l'Arabe ce n'est qu'une douleur.

La charité envers les pauvres et l'hospitalité pour les étrangers ne font jamais défaut dans la tribu berbère elles ont pour centre surtout la zaouia, ou mosquée, caravansérail. Chez l'Arabe l'hospitalité est toute d'ostentation et de calcul.

Le défaut du Kabyle est d'être vif, emporté; l'Arabe reste calme, rapportant tout à Dieu il est fataliste. Le premier s'amuse volontiers, il danse et fait de la musique; l'Arabe croirait déchoir et range les musiciens au rang des bouffons.

Le Kabyle est peu superstitieux et ne croit guère aux amulettes. L'Arabe ne voit que sortiléges et se couvre de talismans, lui, ses chevaux et tes lévriers son cheval d'ailleurs est tout son luxe, comme le fusil est celui du Kabyle, Le Berber est généralement monogame, d'où résulte


une famille mieux constituée qu'avec la polygamie arabe. La femme chez le premier est réellement une femme, une mère de famille, et non un meuble ou une bête de somme comme chez le second elle vaque aux occupations dn ménage, file, tisse et sort le visage découvert plusieurs des lois du kanoum la protègent.

Enfin l'esclave, indispensable pour les travaux domestiques dans la famille arabe, a toujours été repoussé de la famille laborieuse de la plupart des Berbers (Warnier). Si les traits moraux du Berber de l'Algérie et de l'Arabe pur sont tranchés et bien connus, on n'en peut dire autant de leurs caractères physiques; et quoique ces instructions aient essentiellement pour but de demander le moyen de déterminer ces caractères, nous allons tâcher d'en donner ce qui résulte principalement des observations communiquées dans ces dernières années à la Société par MM. Gillebert d'Hercourt, Faidherbe, Duhousset et Seriziat et d'un grand nombre de portraits inédits que MM. Faidherbe et Dahousset ont eu l'obligeance de mettre à ma disposition*. La tête du Kabyle est moins fine que celle de l'Arabe, mais elle porte le cachet de l'intelligence; son aspect est franc, son oeil vif, sa ligure parle (Bibesko, lac. cit.). Il a le corps sec, mais à un moindre degré que l'Arabe ses muscles sont plus volumineux, moins détachés, ses membres bien proportionnés, à attaches tines ses tendons 1 Voir Etudes anthropologiques sur soixante-seize indigents de l'Algérk, par le docteur Gillebert d'Hercoort (pria Godard de 1865) in Mém.Soc. anlhrop., t. III, 186».

RecAerches anthropologiques sur les tombeaux mégalithiques de Roknia, Bone, 1868, par le général Faidherbe.

/(apport sur la population indigène de Coatis de Biskra, par le docteur Topinard, In Bull. Soc. anthrop., la série, t. V, 1810. Éludes aur les Kabyles du Djuljura, par le colonel E. Dubousstt, in BuU. Soc. ttlmograph. Paris, 187*.


d'Achille vigoureux et mon pied cambré de façon, non» dit M. le colonel DuhouiMt, que les orteils d'une part et le talon de J'autre dessinent dans le sable humide une empreinte continue, plus profonde que celle du pied ordinaire de :'Européen.

Ci-joint un aperçu des proportions de son corps par rapport a celles de l'Arabe.

Soixante-sept Berbers de Biskra comparés à neuf Arabes des tribus voisines, tous adultes et du sexe masculin, avaient les membres supérieurs et inférieurs moins longs. Treize Kabyles du Djurjora comparés ü dix-huit Arabes, adultes et du sexe masculin aussi, avaient les membres supérieurs moins longs encore, mais les inférieurs plus longs. Toutes choses égales donc, les membres seraient plns allongés chez le Berber, dans une proportion qui dépasse les différences de leurs tailles respectives.

Treize Kabyles en second lieu, du sexe masculin, compares à dix-huit Arabes, avaient la distance biacromiale, c'est-à-dire le diamètre transverse de la poitrine, plus développée, mais d'une quantité légère. Sur les mêmes sujets la distance d'une épine iliaque antéro-postérieure à l'autre, c'est-à-dire la largeur du bassin, était encore plus grande chez le Kabyle.

Il s'ensuivrait que le Kabyle, plus élancé des membres, serait au contraire plus trapu du buste. Toutefois les masses musculaires qui enveloppent le squelette peuvent donner lieu à une impression différente. Nous espérons que les voyageurs nous donneront les moyens de reprendre cette étude la feuille d'observation annexée aux instructions générales de la Société leur en donne tous les éléments.

La taille moyenne des cent quatre vingts Berbers vivants mesurés par ces observateurs est de 168 centimètres, tandis que celle des trente-deux Arabes est de


463,6, différente de 3 centimètres en faveur des premiers» d'autant plus légère que dans les cent quatrevingts sont inclus dix-liuil tirailleurs algériens que M. Faidherbe a pris parmi des sujets particulièrement de haute taille.

Le Berber et l'Arabe eont, l'un et l'autre, blancs à la naissance et se bistrent avec la même rapidité au contact de l'air et de la lumière. Si, comme Io dit M. Damnas, l'Arabe est en général plus foncé, c'est que ses habitudes nomades et son habitation sous la tente l'exposent davantage au grand air. Chez tous deux, les parties couvertes par les vêtements sont d'un ton plus clair, et les Arabes de diqtinction, témoin Abd-el-Khader, ainsi que leî femmes, sont tout à fait blancs. Chez quelques Kabyles, qui rentrent alors dans la catégorie des blonds, dout nous parlerons spécialement, la couleur du visage tire un peu sur le brique ou M montre par taches brunes dites éphélides, qui contrastent avec la peau voisine demeurée d'un blanc mut. Tous deux ont lo système pileux peu développé et tes cheveux gros et rudes, ondes ou ondulés, variant pour la couleur du brun foncé au noir d'ébène. Les cheveux et surtout la barbe des Kabyles sont cependant assez souvent châtains ou rougedtres, par un phénomène d'atnvisme dont il sera question plus tard, ainsi que de leur coloration blonde exceptionnelle. Leur caractère frisé ou crêpé plus forte raison crépu) doit toujours faire suspecter un degré quelconque de métissage, et les observateurs minutieux feront bien de mettre ces cas à part.

il n'y a pas de différence sensible entre les yeux des Kabyles bruns et ceux des Arabes. Leur coloration varie du hrun clair au brun foncé, et s'il se rencontre assez fl'équemment des yeux bleus ou gris parmi les Kabyles et les Arabes des villes ou Maures, je ne sache pas qu'un seul cas en ait été signalé sur un Arabe des tribus. En revanche


l'Arabe passe pour avoir un caractère qu'il faudra examiner. Ses paupières seraient fendues horizontalement en amande, à bords légèrement plus foncés que la peau voisine. N'est-ce qu'une apparence produite sur la femme seulement à l'aide du sulfure d'antimoine, apparence que certaines de nos Parisiennes imitent si volontiers t Le crâne dans les deux races offre quelques différences très-sensibles dans un certain nombre de cas. Il présenterail, regardé d'en haut, l'une des formes ovales les plus régulières, chez l'Arabe, quel'on puisse observer dans l'espèce humuine tandis que chez le Kabyle ce serait plutôt une ellipse ayant un élargissement trop brusque au niveau des bosses pariétales, d'ailleurs peu développées, et un rétrécissement immédiatement en avant à la hauteur des tempes. Le visage de l'Arabe, vu de face, aurait de même une forme ovale très-franche, mais plus allongée qu'au crâne, et à contours harmoniques se terminant doucement en bas par une extrémité arrondie. La tête que possède la Société en est un bel exemple. Le même ovale se reproduit chez le Berber, mais plus large, plus court et il contours heurtés, le haut de l'ovale étant trop maigre pour la partie qui lui fait suite, la base étroite du front faisant contraste avec l'élargissement des pommettes, qui sont plus fortes que chez l'Arabe, et la mâchoire inférieure étant souvent lourde et même carrée, comme le dit Daumas. Entrons dans les détails.

L'indice céphalique des cent quatre-vingts Berbers vivants de tout âge et de tout sexe dont j'ai parlé est de 76.73 en moyenne, et celui de quarante-sept Arabes dans les mêmes conditions de 76.35. Le même indice pris sur onze crânes kabyles et quinze crânes arabes par M. Broca est de 74.63 pour les premiers et de 74.06 pour les seconds. Les uns et les autres sont donc dolichocéphales vrais, mais sur les limites de la sous-dolichocéplmlie.


Je suis médiocrement édifié sur les différences que présente la ligne de profil du front. Sur les quatre-vingt-huit portraits kabyles que j'ai sous les yeux, douze ou quinze fois au plus, le front mérite l'épithèle de fuyant; dans les autres cas il est vertical, quelquefois bombé, et les bosses frontales paraissent élevées.

Le caractère suivant a plus de valeur. Les arcades sonrcilières du Berber sont en général bien développées, confluentes à la glabelle et surmontées d'une dépression transversale très-visible. Sur l'Arabe les arcades sourcilières sont au contraire à peine indiquées, la dépression susjacente manque et il u'y a pas ordinairement de glabelle. Il s'ensuit que l'échancrure de la racine du nez est profonde chez le premier et à peine indiquée chez le second, en sorte que sa ligne du front se continue presque en ligne droite avec celle du dos du nez.

Je ne suis pas édifié non plus sur certaines des différences que présente le nez dans les deux races. Chez l'Arabe il serait courbe, en bec de perroquet, mince dans toute sa hauteur, plus allongé, et sa pointe fine tendrait à dépasser un peu le niveau des narines en uu moi, le type fin du nez aquilin des Sémites. Chez le Berber le nez ne serait aussi étroit que dans sa moitié supérieure vers sa base il s'élargirait sa ligne du dos serait tantôt busquée à l'union du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs, tantôt droite et se projetant alors en avant sous [un angle environ de 35 degrés avec l'horizontale. Sur le squelette même on pourrait reconnaître le Berber de l'Arabe Il ce que le premier a les os propres brusquement relevés, ce qui exagère la profondeur de la racine, déjà augmentée par le développement de la glabelle.

A ce propos nous voudrions voir figurer dans les observations la mention de deux caractères particuliers à la structure du nez qui ne sont pas indiqués dans les Jnstruc-


lion» générale* de la Société, savoir 1" la direction du grand axe de J'ellipse que forment les narines. Généralement antéro-postérieur dans les races blanches, il devient presque transversal dans les races inférieures S* l'inoli·naison du plan de la base du nez ou son horizontalité; le* Kabyles me semblent être dans le premier cas et les Arabes dans le second. Lorsqu'on regarde un Kabyle de face, le plan de ses narines est sensiblement oblique en bas et en arrière, autrement dit, ses narines sont en vue. U y a là tout un sujet d'étude qu'un voyageur peut seul aborder. L'indice nasal de M. Broca, c'est-à-dire le rapport de la largeur la longueurdu squelette du nez, est d'ailleurs sensiblement le même dans les deux races. Toutes deux sont leptorbiniennos. De même la longueur de la ligne NS estelle sensiblement la même, ce qui est en contradiction avec notre conclusion, que le nez arabe a plus de hauteur ou de longueur que le nez berbère.

La bouche est généralement bien fuite, et à coup sur, dans les portraits de Berbera que j'ai sous les yeux, les lèvres sont plus souvent petites et fines, et ça et là quelques lèvres fortes et retroussées coïncident avec d'autres caractères plus ou moins suspects de métissage. Les Kabyles ne sont pas prognathes, nous dit M. le colonel Duhousset les Arabes non plus, ajouterons-nous. Cependant il résuit irait de mes tableaux de mensurations personnels que les Kabyles d'aujourd'hui le sont un peu plus que les Berbers de jadis, ce qui s'expliquerait par leurs croisements depuis avec la race nègre. Et quand je parle de prognathisme sans désgner l'espèce, j'entends, bien entendu, le plus important, le seul, le prognathisme de la région sous-nasale, les alvéoles comprises.

Le type des oreilles est le même de part et d'autre elles sont très-écartées de la tête en arrière, cellea de l'Arabe me paraissant plus petites.


Le menton m'embarrasse. Chez le Berber, il serait vertical le plus souvent, un peu pointu et comme détaché quelquefois, rarement un peu oblique en arrière. Chez l'Arabe, au contraire, il serait ordinairement effacé, gros et même fuyant. Pourtant le menton est petit, étroit et bien dessiné sur la tête d'Arabe que possède la Société.

Ces incertitudes sont inévitables. Involontairement on se prend à douter de la pureté de certains des modèles que l'on a sous les yeux et cela fera comprendre aux voyageurs la nécessité de n'opérer que sur des sujets et des tribus bien connus d'eux. Ainsi, je ne puis m'accorder avec M. Daumas sur la conformation du cou des Kabyles, qu'il dit plus court que celui de l'Arabe. Sur tous les portraits que j'ai entre les mains et sur ceux du Muséum, je le trouve, au contraire, long et dégagé, et j'attribue son illusion à ce que le cou est évidemment plus charnu chez le Kabyle. Je ne répéterai pas non plus avec le même auteur que la face du Berber est carrée; je l'admets comme plus courte et à contours moins purs, mais en ovale comme chez l'Arabe. En somme, si l'on met de côté chez le Berber tous les caractères pouvant se rapporter directement ou indirectement au type blond, dont il sera question bientôt, les différences physiques entre les deux races se réduisent à des points de détails; et n'était-ce la divergence de leurs langues et de leurs moeurs actuelles, on serait bien tenté d'en faire les deux embranchements d'un même tronc ethnique. L'Arabe assurément présente le plus beau type, il est mieux découpé de corps et de tête, comme le faisait remarquer Larrey. Les Ouled-Sidi-Cheikh et les El-A'roual-K'sal des oasis algériennes sont renommés pour leur beauté, disait Daumas dans un livre écrit il y a vingt-huit ans et toujours jeune par l'abondance et la précision des renseignements le Sahara algérien, Paris, 1845.

Tel est, à notre avis, le réaultat de nos connaissances sur


les traits qui séparent, dans l'ordre moral et dans l'ordre physique, les deux grandes races aujourd'hui disséminées à la surface de notre colonie d'Afrique. Les crânes que nous avons étudiés avaient-iis bien l'origine désignée, les portraits appartenaient-ils à des tribus homogènes, les observateurs ont-ils bien discerné l'indigène berbère de l'indigène arabe? T C'est ce que nous ne pouvons garantir et pourquoi nous insistons autant pour que les voyageurs soient très-sévères dans leur choix et se circonscrivent dans un hameau, un village, une même tribu.

Les pièces et documents dont nous disposions étaient relativement nombreux pour le Berber, mais ils étaient très-restreints pour l'Arabe. Et cependant c'est l'étude physique du premier que nous recommandons le plus. L'Arabe n'est pas chez lui en Algérie sa patrie, c'est l'Arabie il s'y conservera longtemps, et là seulement on pourra faire la distinction entre ses deux types, le fin et le grossier entre ses deux grandes familles, les Ismaélites et les Kuhtanites. L'Afrique septentrionale, de l'océan Atlantique à l'Egypte, de la Méditerranée au Soudan, est le terrain naturel, au contraire, du Berber. Il y a poussé, y a résisté à toutes les invasions et s'y développe admirablement. Les Guancbes, cette ancienne fraction des Berbers, ne sont plus les Touaregs dans le Sahara oriental, les Zenugu dans le Sahara occidental et les Chlouoh et Brabers du Maroc sont hors de notre atteinte, tandis que le Kabyle, le Chaouia et le Zenata des oasis sont à nous. Et qui plus est, c'est un devoir national de les connaître. Les Arabes ne se rallieront pas de sitôt à notre mode de civilisation. Les Berbers, au contraire, y sont préparés. Tout les rapproche de nons :les intérêts, la similitude des sentiments, des caractères et des aptitudes, et peut-être une communauté d'origine ils ont versé leur sang sur nos champs de bataille Dana cent ans, écrivait Aucapitaine, il* seront Français.


Mais, pour étudier leur vitalité et les résultats de notre colonisation, il faut le concours intelligent de l'administration il faut, comme le demande notre président M. Bertillon, qu'elle élargisse et précise le cadre de ses statistiques et sépare nettement les Berbers des Arabes. Ainsi le recensement de 1866 répartit la population indigène comme il suit

Les Berbers et les Arabes sont confondus sous le premier chef; les Maures, les Juifs, les Kourouglis et les nègres sous le second.

La même statistique donne encore le résultat général suivant, qui ne diffère du précédent que par la soustraction des Juifs et de ce que l'administration appelle la population indigène en bloc

Mutnlmus S6M07*

En 1872, ce sont les mêmes rubriques. Sous le terme de Musulmans sont confondus tous les indigènes, soit musulmans: S1J3CU5

Les relevés, il est vrai, font une distinction entre les communes constituées, les communes mixtes, les communee indigènes et le territoire militaire. Mais dans les communes constituées et les communes mixtes figurent une masse d'indigènes, de môme que dans les communes indigènes figurent un certain nombre d'étrangers. Ils établissent encore une autre division, en population agglomérée et population éparse. Mais ù l'oeuvre la distinction n'est pas poursuivie ainsi la subdivision de Batna (ter-


ritoità militaire) est rangée sous les titres la fois de musulmans et de population éparw, de la manière suivante

Et pourtant nous savons que dans cette étendue se trouvent deux sortes de populations des Berbers cultivateurs et fixes et des Arabes pasteurs et nomades.

L'administration ne saurait l'oublier ce n'est pas dans l'élément étranger qu'il faut rechercher le succès d'une colonie les lumières, les intelligences, les stimulants peuvent venir du dehors, mais c'est au dedans, dans la race naturelle, quand elle occupe un certain rang dans l'échelle humaine, que se trouve l'élément qui résiste et s'accroît, l'élément du travail manuel. Celui-là, en Algérie, est le Berber. Apprenons donc le degré et les conditions de son développement et séparons-le tout d'abord de l'Arabe; distinguons dans les statistiques les tribus fixes des tribus nomades, celles qui parlent le berbère de celles qui ne le parlent pas, les tribus purement pastorales de celles qui cultivent la terre collectivement.

Ce recensement séparé des tribus indigènes a déjà été ébauché parle colonel Carette dans la liste dont nous avons parlé. Ainsi, pour la région saharienne, la plus difficile & recenser, voici les chiffres qu'il indique

Province de Constantine comprenant tes Zibans, l'OuedR'ir, Temacin, l'Oued-Souf et l'Ouargla

1714*0 Arabe*.

« 500 Berbers.

Province d'Alger, comprenant les oasis des K'eour et des M'tab:

MMO Arabes.

34000 Subers.


Province d'Oran, "oniprcnnnt une foule de villages et do tribus éparses, parmi lesquelles les Ouled-Sfdi-Choikh.

1S3M0 Arabes.

3800 Berbera.

Total de toute la région saharienne

3M MO Arabes.

TtMOBerben.

Mais ce n'est qu'un essai qui a besoin d'être revu et perfectionné. La distinction entre Arabes et Berbers y est incomplète, comme il l'avoue lui-même, et il a écarté un certain nombre de villages, ne sachant sous quel titre les ranger. Voici le procédé de recensement qu'a employé M. Hanoteau dans quelques tribus de la Kabylie. En certaines occasions, on tue un bœuf qu'on répartit par parts égales, correspondant chacune à un même nombre de tètes. Or le nombre des tètes accusées est toujours exact pour diverses raisons il ne se fait pas de fraudes. Il suffit donc de multiplier le nombre connu de parts par le nombre connu de tètes dans chacune, ce qui donne la population totale de la commune.

Le voyageur pourrait découvrir quelque procédé analogue pour d'autres tribus.

Le dernier chiffre, la plus probable de la répartition des deux populations indigènes pour toute l'Algérie, a été calculé approximativement en 1864 par le docteur War.nier. Il s'élevait à 2 200000 Berbers et 500 000 Arabes, en nombres ronds total 2 700000, ce qui s'éloigne peu du chiffre publié par l'administration deux années après 2653072

Mais depuis cette époque, en six années, cette population indigène se trouve avoir diminué en masse de 529027 t voir la dénoabremeiu de l'Algérie depuis tSM, par M. Bottillon, la Revu* d'anthropologie, Il, 18T».


et nn problème nouveau s'impose à l'attention de tons, à plus forte raison de l'administration. Sur quelle race porte la diminution ? Quant à nous, nous croyons par avance et assez fermement qu'elle porte essentiellement sur J'élément arabe.

Dans ce cas, il va sans dire qu'il faudrait découvrir pourquoi cette grande loi de concurrence vitale qui fait qu'une race diminue et s'éteint dès que ses conditions de milieu viennent à changer, s'applique aux Arabes, d'une résistance vitale si forte cependant. Faudrait-il J'attribuer au tarissement des sources non entretenues, de même que la diminution des kangourous pour les Australiens à l'imprévoyance des Arabes, qui amène la mort de leurs bestiaux par millions, en hiver; à ce queles conditions d$ leurs pàturages ont changé sur une grande étendue; ou bien à la misère d'une manière générale, aux guerres entre tribus, à l'émigration, aux vices qui diminuent les naissances, aux maladies comme le choléra, la variole et la syphilis, etc. V Un élément ethnique encore plus difficile que l'Arabe a dégager du Berber, c'est le nègre. A une seule exception près, à ma connaissance, il ne forme pas de tribus distinctes en Algérie mais, de tout temps et par l'esclavage, il s'est plus ou moins infiltré partout. On pourrait même se demander jusqu'à quel point un certain nombre de tribus, soit arabes, soit berbères, ne seraient pas le résultat de croisements séculaires avec lui. MM. Hanoteau et Letourneux cependant semblent croire son introduction récente en Kabylie. Il y a pénétré, disent-ils, de trois façons 1* par les colonies nègres établies à Chombal et à Bour'ni pour la protection des forts Tizi Ouzzou et de Bour'ni 20 par l'esclavage et 3° par ce qu'ils appellent le croisement par 1 On Mit les ravages qu'ont faitd en Algér:e le choléra de 1847 et la famine de 18«8-69.


infiltration, le plus efficace de tous, ajoutent-ils, sans s'expliquer autrement. Ils citent parmi les tribus les plus infiltrées de sang nègre les Ait Iraten, les Ait Ouasif et les Menguellat. D'autre part, M. Féraud affirme que dans la tribu des Oulad-abd-en-PJour, composée de 23 464 membres, il n'y avait, en 1863, que deux ou trois nègres. L'exception dont nous parlions plus haut est celle d'un village situé tout près de Lambessa, et entièrement formé de nègres purs mis en liberté par le décret de la république de 1848. Actifs et laborieux, ils ont, dit M. Zaccone, le teint d'un noir d'ébène, les cheveux crépus, la barbe rare, les lèvres épaisses, etc.

La zone où l'élément nègre se montre le plus abondant, c'est dans le Bled el djerid,ou pays des dattes, au sud des Zibans, au point où aboutissent les chemins qui arrivent du Soudan par les oasis d'Agadès, du Touat et d'El-Goleâ, cette dernière récemment conquise à la France (24 janvier 1873). Il y prospère merveilleusement dans des fonds insalubres, alternativement à sec et marécageux, parfois au-dessous du niveau de la mer Méditerranée' et où s'étiole inversement la population blanche Leurs centres principaux y sont l'Oued-R'ir, dont les habitants portent le nom de Houar'a, et l'Ouargla, où ils sont désignés sous celui de Khelatias par opposition aux El-H'arar ou Berbers, seuls admis à la djemmâ

Nègres ou mulâtres, sont-ils tous issus des esclaves i J. Zaccuue, De Batna Tuggurt et au Sauf, Paris 1885, 1 La Sebka, près Mraler, à 109 kilomètres an nord de Tuggurt, est à ii mètres au-dessous du niveau de la mer.

3 La lièvre endémique de l'Oued-R'ir, appelée et oukhem, oblige le* habitants de Tuggurl à aller passer dans POued-Souf la saison des fortes cbaleurs (Faraud).

Les tribus nomades les plus importantes qui viennent camper dans l'Oued-R'ir sont les Ouled-Yacoub, les Ouled-Nail, lus Arba' et les et Ar'ouut. Celles tic l'Ouargla sont les SaUl-Mekiduia, les Saïd-Alcba


importés du Soudan par les cancanes? ou descendent^* en partie d'une race locale qui jadis y aurait joué ua certain rôle'îPtolémée place en cet endroit ses Mélano-Gétules et Éthiopiens-Nigrites. Léon l'Africain parle aussi des noin qui l'occupaient de son temps. Toutes les familles de Tuggtul étaient noires, assure la tradition locale. Quant à la maaee de la population, elle se refuse être nègre et se dit mulâtre et de couleur brune, koumri. M. Dnveyrier décrit et ka Chamba. Celles de i'Oued-Souf, à t'est de l'Ouod-R'ir, sont les Troud, les tribus sédentaires étant les Adouan «l .as Souafi. 1 J'ai précédemment déjà soulevé la môme qtio>lion (voir mon Rapport tur Coati* de Bitkra, Ball. Soc. anthropologie, te série, vol. I, et l'article AirrHHoroLotiiE du i/ALeéaiis dans V Encyclopédie générale, Paris, 1869);

N'existerait-il pas dans les deux groupes d'oasis de l'Oued-K'ir et de l'Ouargla, i côté des Berbers appelés blancs dans le pays et en dehors de* nègres, originaires du Soudan, une pu|iuUiiou homogène non pas miilïtre, ma'n nègre qui y formerait une race ."̃pécule occupant dans réebelle des nègres an degré relativement élevé, comme les Tihbons ou lea Gallas? Bile desceudrait des MélanoGétules de Ptolémée et expliquerait la présence de ces reste* d'une civilisation nègre ancienne que Vuvoftift dit avoir découverte dans le Sahara septentrional. Or, depuis que ce rapport a été lu à la Société d'anlhropologie, j'ai reçu dans mou cabinet un indigène de Tugguri. II existe dans mon pays, ate dit- il le des blancs; S» des nègres; et 3* de, mulâtres, qui forment la masse de la population et les véritables occupant de ces oasis; j'en suls le type exact. Eh bien, cet individu n'clall pas mulâtre, auisn^gre!

Ses cheveux étaient courts, laineux, par louûVs enroulées et assez abondants, a barbe et ses moustaches clair-semées, et tous les poils de son corps, notamment du rubis, avaient les mêmes caractéres; son nez était épaté, large à la base, à narines allongées en travers et retroussées un avant et en dehors à leur extrémité externe; ses lèvres fortes et la supérieure retroussée. Il était pe'it, dolichocéphale et avait le front haut et saillant. Toute la iliOerunce avec le nègre hideux qu'on se représente toujours était dans la couleur et le degré du proiinalhlsrae •a peau était laisanie et d'un noir chocolat ou pain d'épice; ses deux Mtchoires n'étaient que moyennement prognathe* ses dents, blanche


an type semblable qu'il appelle sub-éthiopien ou gamarantique, dans les oasis dn Touat, du Nefzdaua et du Fezzan Cette région du Sahara de l'Algérie mérite du reste d'être recommandée à tous les pointe de vue à l'attention des anthropologistes, C'est là qu'ils rencontreront les Arabes les plus purs au physique comme an moral. Généralement propriétaires du sol des oasis, dont les Berbers sont les tenanciers, laurs tribus vagabondes y campent non des villes et des villages et circulent d'une oasis à l'autre pour toucher leurs redevances et faire paître leura troupeaux. Le groupe des K'sour leur semble réservé en propre cependant.

C'est là aussi que se rencontre, à l'ouest de l'Gued-R'ir et de l'Ouargla, une agglomération berbère, active et intéressante sous bien des rapports, les Beni-M'zab ou Aoubans. Quelques traditions les font descendre des Israélites, avec lesquels ils auraient quelque analogie de moeurs et de caractère. Mais l'opinion la plus probable est qu'ils sont venus du Djebel-N'four, dans la régence de Tripoli, vers le quatrième ou cinquième siècle de notre ère. M. Caretle.tixe leur nombre à 34000, non compris 20000 Arabes des environs. Une sobriété à toute éprouve, une activité et un amour du gain poussés à l'extrême, une grande probité commerciale, tels sont leurs traits principaux. Un grand nombre d'entre et bien plantées, niaient peine inclinées en avant. Mais nous n'en sommes plus à considérer le noir de suie comme la couleur «ne qua non du nègre et ai montré qu'un Ilrognalbisme moyeu et même léger n'était pas rare sur les COl es de la Guinée et du Sénégal. D'Ailleurs, il était joli garçon et d'une intelligence rare eu ce qui concernait les choses ordinaires de la vie

De celle observation i oloe est-il [>iîi mis de conclure à l'existence d'une race nègre propre dans 1rs parties septentrionales du Sahara, raie qui a pu par conséquent s'iuliltrer |iarmi les Berbers, depuls les temps les plus recules, et plus récemment larmi les Arabes les Touangt du Nord, par Henri Duveyrier. Paris, IWi, p. 888.


eux, comme les Savoyards chez nous, se rendent dans les villes et y exercent les professions de baigneur, de cuisinier, de marchand étalagiste. On les reconnaît à leur teint mat et bistré, à leur physionomie intelligente, à leur haùata aux couleurs éclatantes, à leur propreté et surtout à leur politease; les blonds sont rares parmi eux, leur barbe est peu fournie, leurs yeux sont noirs et bien fendus ils sont généralement petits Les mensurations de six d'entre eux ont été données par M. Gillebert d'Hercourt dans son mémoire que la Société a couronné, et celles de quelquesuns de leurs crânes par M. Pruner-Bey.

C'est daus cette région encore, à Tuggurt, que se trouve un groupe a part d'habitante connus sous le nom de Mehadjerid, que l'on a donné, plus encore que les Beni-M'zab, pour preuve de l'origine ou de la parenté hébraïque des Derbers. Ils y forment une société à part, ne s'allient qu'entre eux et ont les traits juifs. Mais leur origine est aujourd'hui déterminée c'est une tribu israélite convertie à l'islamisme au seizième siècle. C'est aussi de ce côté, mais plus au nord, touchant presque aux montagnes de l'Aurès, que se rencontrent ceux qu'on appelle à Alger et autres villes les Biskris ou Biskareys et qui y exercent la profession de portefaix. M. d'Avezac les a dépeints en ces termes ce sont des hommes trapus, musculeux, à la tête petite, au teint noir, aux traits heurtés et au visage stupide et assurément ce ne sont pas les caractères des Berbers, et par conséquent des gens de Biskra. Ne seraient-ce pas plutôt des mulâtres ou Rouar'a?

Un troisième élément ethnique intervient pour compliquer encore le problème de la détermination du type berbère. Ce sont les Juifs, dont le nombre cependant ne s'élevait officiellement pour toute l'Algérie qu'à 21 048, en 1856, 1 Ut Dtni'M"Mb, parle bbron U. Aucapitaiiic, Paris, 1808,


et à 34 814, en 1872. De l'Israélite au Kabyle, la distance de plus n'eet pas énorme au point de vue des caractères physiques, ainsi qu'on l'a fait observer. Ce sentiment de solidarité de famille ou de tribu contrastant avec l'absence de besoin d'unité nationale et cette grande activité sont des traits communs aux deux races. Le Kabyle, comme l'Israélite de Moïse, était nomade à l'origine. Il nous parait donc difficile, quoique penchant pour une autre opinion, de rejeter absolument l'hypothèse d'une parenté quelconque entre les trois races berbère, arabe et juive avant la formation de leurs langues respectives.

Quelques tribus entières, ou peu kabylisées d'Israélites, existent d'ailleurs en Algérie et l'observateur ne laissera pus échapper l'occasion de les étudier. Je citerai, d'après une autorité très-compétente, M. Ab. Cahen, grand rabbin de la province de Constantine', d'abord les Mehadjerids de Tuggurt, puis une fraction de la tribu des Zemoul près de l'Aïn-Feskia, les Ouled-Zeiou, les Ouled-Abdi, les OuledDaoua et les habitants des villages de Menâ et de Marà. Cette indication servira pour le moins Il empêcher les voyageurs de les prendre pour des tribus berbères. Parmi les Hanenchas; ajoute M. Ab. Cahen, il y a aussi des fractions composées exclusivement de Juifs qui vivent en Arabes. Quant aux Corouglis ou Kourouglis, qui représentent en Algérie l'élément touranien, ils sont en petit nombre et proviennent, dit-on, du croisement des femmes mauresques du littoral avec les Turcs. La carte de la Kabylie de M. Carelle en indique une colonie militaire sur la frontière occidentale, la tribu des Zouatna. On en signale aussi à Biskra. M. Gilleberl d'Hercourt en a mesuré six vivants: leur indice céphalique était de 78.16 et leur taille de 1,701 et M. Pru1 Lettre à M. Féraui sur les Juifs rie l'Algérie et de Tuffgurt, pr AI), Culien, in Not et Hem. Soc. arch. de Constantine. année 180S.


ner-Bey, deux de liun orAna du Muséum l'indice était moindre, comme de raison, soit 77.7. Les Kourouglis sont donc très-voisine de la sous-dolichocéphalie et, pour la taille, les plus grands des indigènes de l'Algérie. La domination turque n'a guère dépassé les côtes. Cependant quelques colonies militaires, envoyées dans l'intérieur, y auraient laissé des traces, et M. Périer assure y avoir remarqué, en 1840, des physionomies mongoles, notamment parmi les Oulad·Alxl-en-Nour.

Il resterait à dire quelques mots de cette multitude sens valeur elhniquo cantonnée dans les villes sous le nom de Mawet et qui résulte de croisements de toutes sortes entre les premiers indigènes de ta côte et les nombreux étrangers qui b'y sont succédé depuis la domination romaine et cependant le nom de Maures, do Moruaienr ou de dfaurilanienr se retrouve dès la fondation de Carthage. Ils formaient un peuple à l'ouest des Numides, et du temps de 6alluetc la rivière Muluchn, dans la province actuelle d'Oran, séparait la Numidie de la Mauritanie.

Leur caractère le pluç saillant aujourd'hui, c'est une certaine corpulence qui peut servir à les faire reconnattre à première vue du Kabyle et de l'Arabe, Ions deux secs et nerveux; pnis une démarche lourde, des yeux bruns ou bleus, comme langoureux, et souvent une absence complètu de barbe. A tort ou à raison, quelques personnes prétendent que cette corpulence leur vient du sang arabe il y aurait lieu d'examiner cette question et de se demander ai le Sémite et ses dérivés ne tendraient pas en effet à devenir obèses sous l'intluence d'un changement de vie ou de certaines conditions do milieu.

Dois-je enfin parler des Bohémiens ou Tsiganes de l'Algérie? Notre collègue M. Balaillaid pense qu'il y a lieu d'en signaler l'étude au voyageur.


Notre tache n'eiit point terminée. Jusqu'ici nous avons parlé des Berbera comme d'une seule et mêmes race qu'il s'agissait de dégager des éléments arabe, nègre et israélite avec lesquels elle ne s'est que trop croisée. Le problème est plus complexe. La race berbère actuelle, et même déjà du temps des Numides, est la résultante, comme vous l'a exposé le général Faidherbe, de deux couches ethniques différentes l'une antérieure, qui aurait occupé le sol depuis l'apparition de l'homme dans ces parages l'autre postérieure. Celle-ci se reconnaît à la présence tout à fait inattendue, sous ce climat, de caractères physiques qu'on ne peut attribuer qu'à l'atavisme ou à une descendance directe. Ce sont des cheveux blonds, châtains ou roux, des yeux bleus ou de teintes claires, des barbes plus ou moins roussâtres et des complexions do peau rosée ou d'une blancheur mate. Les individus isolés qui présentent l'un ou plusieurs de ces caractères insolites au milieu d'une race brune ne rencontrent non-seulement en Algérie, mais aussi dans toute l'étendue de l'Afrique septentrionale, l'ouest de l'F.gypte, y compris le Sahara.

Je ne citerais pas les noms des observateurs qui en font foi s'il ne s'était élevé une voix isolée récemment pour douter du fait, an sein de la Société ce sont MM. Shaw, Bruce, Bory de Saint-Vincent, Guyon, Daumas, Hodgson, de Castellane, Cordier, Périer, Aucapilaiue, Gillebert d'Hercourt, Faidherbe, Duhouslet, Seriziat, Ch. Martins, Duveyrier, Féraud et vingt autres'. Un instant même on s'était demandé s'il ne fallait pas en séparer certains cavaliers chaouias de la province de Constantine, qu'on disait s'en 1 Consulter, entre autres, l'article BMUUMde M. Lagncou, in Kneyclop, Se. JfMto., t. IX bu rooft diltt berbères et de leur tlhnogénte, par M. J.-A.-N. Périer, in Mén. soc. onlArop, t. III, 1873;– lesdiscussiou* du la Société d'anthropologie et les dernières comiiuiuiemions de M. le général Faidherbe.


distinguer par une taille élevée, de nombreuses taches de rousseur et l'absence du lobule de l'oreille. Aujourd'hui le point est jugé ces Chaouias et les Kabyles blonds en général ne font qu'un

L'importance de l'absence du lobule de l'oreille a été d'ailleurs fort exagérée. Elle n'a rien ni de caractéristique ni de fréquent parmi eux. M. Seriziat n'en a pasobservé un seul cas dans le massif de l'Aurez où il a longtemps habité. La fréquence des yeux bleus chez les Kabyles blonds en général a été aussi très-diversement appréciée. Sur ses soixante-dix-huit Berbers de Biskra, M. Seriziat n'en cite pas un seul cas, malgré la proximité des monts Aurès. Danmas et Hodgson assurent que « beaucoup », sinon « presque tous Il, ont les yeux bleus chez les Beni-M'zab, tandis que d'autres auteurs allîrment tout le contraire. Féraud dit en 1863, et sans se douter de l'importance du fait, quo chez les Outad-abd-en-Nour les Chaouias sont généralement représentés par des individus aux cheveux blonds, aux yeux bleus et à la peau blanche.

En ce qui concerne les cheveux pris à part, plus ou moins blonds, le général Faidherbe avait pensé un moment pouvoir estimer la proportion des individus qui les offraient à 10 pour 100 dans la province de Constantine, cette proportiou se trouvant même dépassée en quelques endroits, comme chez les Ouled-Yacoub des Amamra et près de Zeribet-el-Oued. Dans la vallée de Djebel-Cliecher se trouverait enfin une tribu presque entièrement composée de roux'.

i Le travail cité de M. Périer m'est arrivé un peu tard. J'y vois que l'auteur persiste il établir une distinction entre ce qu'il appelle les gabytet blond, de t'Auras et les Chaoriar. les premiers seraient le reste des Vandales, les seconds de4 blonds autachthones.

Ayant quelques motifo do croire que le plus grand nombre de blonds se rencontrent dans les tribus ohaouias originaires de l'Aurèi,


Cinq opinions principales sont en présence pour expliquer la persistance de ces caractères et l'existence de la race blonde qui s'y rapporte, disséminée autrefois, vraisemblablement de la régence de Tripoli inclusivement jusqu'aux Iles Canaries

le Ce seraient les restes des Vandales refoulés dans les monts Aurès par Bélisaire, en 533, hypothèse à peu près abandonnée

2° Ils proviendraient des mercenaires, et en particulier des Gaulois que les Romains envoyèrent dans le pays 36 Une invasion de blonds serait venue de l'Est à l'époque de l'expulsion des Hycsos de l'Égypte et auparavant de plus loin encore vers l'Orient'

4° Une race blonde aurait existé depuis les temps les plus reculés dans le nord de l'Afrique, et de ce point môme auratil envoyé une expédition vera l'Est que nous font counaitre les Égyptiens lorsqu'ils parlent des Tamahou, et une émigration dans le Nord, où aurait ainsi passé l'industrie des dolmens à ses débuts

5° Et c'est l'opinion aujourd'hui lu plus accréditée, les blonde de l'Atlas seraient descendus du Nord au contraire par le Portugal et le détroit de Gibraltar, et auraient apporté je crois mile de donner, d'après les listes du M. faretto, le nom de celles qu'il Indique dans les autres parties de la provinco de Conslantlnc, comme en provenant. Ce sont les Svllaoua, les Achech, les Beni'Addi, les Oulad-Sain, les Felfoula, les Oulad-Da'an, les Oulal-Ia'K'nuu, les Oulad FikaI, les Beni-lau'sa et les Beni-Mokutar, toutes dans la subdivision de Bone, cercle de Guelma.Féraud en fait connaître quelques autres dans son Histoire des tribus de la provinces de Cçnttantine.

1 Sauf par si. l'érier, en partie, comme on vient do le voir. • Sur CoriginetUs Berbtrt-Thamou, à propos des lettres sur le Sahara adressées par M. E. Desor à M. F. Liebig, par lu baron Aucapltalnc. Paris, 1867.

8 Mém. cit. do M. Perler et Congrès de Bruxelles de 187».


avec eux celle industrie des dolmens en voie de décadence. L'argument le plus convaincant, en faveur de cette dernière opinion, est celui de la tribu des Deuhadja, cité par le commandant Sergent. Leurs propres traditions locales les font descendre des constructeurs de tombeaux mégalithiques, que lee Arabes appellent de« DjeetAaJe, Or tous les membres de cette petite tribu avaient encore, peu avant l'invasion française, les cheveux plus ou moins blonds et les yeux bleus

Le second argument s'appuie sur la présence d'une (rainée ininterrompue tout i la fois de blonds, et de monuments mégalithiques dans toute l'étendue de l'Algérie jusque dans le Maroc.

Cette hypothèse, qui d'abord parut très-hardie, est venue jeter inopinément une lumière tout inattendue sur la question des dolmens de l'Europe occidentale. Elle corrobore la doctrine de M. A. Bertrand, qui fait cheminer la race qui a construit les dolmens du nord au midi, et résiste, croyonsnous, aux objections qu'on lui a opposées au congrès de Bruxelles •. C'est aux voyageurs à recueillir sur place les documents qui permettront do la juger définitivement. A cet effet, ils auront choisir dans les tribus berbères les plus favorables 1- les sujets les plus blonds par les cheveux, le teint et les yeux; 2o les sujets moins blonds, établissant, par un caractère ou l'autre, la transition aux Berbers bruns; et à en dresser deux séries d'observations séparées. En second lieu, ils s'appliqueront Il mettre les anthropologistes spéciaux eu mesure d'établir, de leur côté, 1 Lettre sur tethnographte du nord de l'Afrique, par le comm. Sergent, Bull. Soc. anthrop., la séries, 1. V, 1870.

9 B$tai sur les dolmens, par M. de Boostetten, Génère, 18SJ. Monwnentt dits celtiques de la province de Cmiitanttoe, par Ales. Bertrand, in Revue archlul., Paris, 1889.– De la distribution du dolmens la surface de la France, par A 1er Bertrand, Pari», IMi.


les caractères ostéologiques des populations ensevelies dans les dolmens d'Algérie. II restera à comparer ces deux ordres de résultats entre eux et avec les caractères obtenus sur les restes trouvés dans les dolmens du Portugal, de la France et de plus loin encore. S'ils se ressemblent le point est jugé, et du même coup la question des dolmen* de l'Europe occidentale.

Ce que nous demandons, par conséquent, après la détermination des caractères des Berbers blonds actuels, c'est la continuation des fouilles, (conduites avec tant de succès par MM. Féraud, Bourgnignat, Faidherbe, Berbrugger et Bonrjot, et l'envoi de crânes et d'ossements en quantité suffisante. La craniométrie, c'est-à-dire la substitution de méthodes rigoureuses aux errements de l'imagination, est une branche toute nouvelle de l'anthropologie; elle exige le calme du laboratoire et la comparaison incessante avec d'autres séries de crânes.

Les occasions ne mauquent pas, et les indigènes ne mettent pas obstacle aux fouilles. Du Maroc à la Tunisie, et en particulier dans la province de Constantine, c'est par groupes de deux à trois mille qu'on signale les monuments mégalithiques toutes les formes s'y rencontrent, celles de France et d'autres spéciales à l'Algérie. Ainsi

Il, Les pierres levées ou menhir*. Le commandant Payeu estime à dix mille ceux qu'il a vus dans la Medjana, arrondissement de Sétif, leur hauteur variant de 1",25 à l",60 sur 40 centimètres d'épaisseur

20 Les cercles en pierre très-simples ou cromlech; 3° Les galgals ou cairns

4" Lea dolmens, généralement de structure fort simple et de dimensions restreintes, les plus grands allant à 3",75 de haut sur 2*,60 de largeur et dépassant à peine 1 mètre de hauteur, et quelques-uns ne se composant que d'une table horizontale, sur des rochers en place; ce qui a donné


lieu à l'une des objections adressées à la doctrine de M. A. Bertrand, cette petitesse opposée à la grandeur de ceux de l'Europe trahissant, disait-on, une industrie mégalithique il ses débuts 1

5* Les tamttli ayant leur sommet un dolmen, et sur leurs pentes plusieurs cercles de pierres concentriques, genre de monument dont il n'existe qu'un exemple en France, à Bousquet, dans l'Aveyron;

6* Enfin, des agglomérations complexes de tous ces étéments, occupant des surfaces considérables et deseinant des enceintes carrées, rondes, concentriques et reliées entre elles par des allées de pierres levées simples ou doubles. On peut considérer, comme constructions mégalithiques aussi plus avancées, les autres espèces qui suivent 7* Les dolmens précédés d'une sorte de perron à quatre ou cinq marches, en dalles équarrics, le sol du dolmen étant pavé de rocailles c'est ce que les Arabes appellent des baiinat

se Les chambres souterraines, de forme cubique en général, taillées dans le roc, et dont l'entrée devait être fermée par une porte ou dalle elles sont connues sous le nom de houaneto

9° Et surtout les ckouehat, sorte de tours, de Î",SO de hauteur sur 3 de diamètre, formées d'assises régulièrement bâties et recouvertes d'une grosse dalle brute; à l'intérieur se trouve, à même la terre ou dans une auge formée de dalles en pierre, un squelette replié sur lui-même,comme daus la plupart des dolmens et accompagné de son 1 Mais ceUe simplicité et celle petitesse des dolmens d'Afrique ne prouvent-elles pas au contraire que l'industrie mégalithique y était i son déclin? Cestoù l'art de construire ces monuments a été inauguré et où la race correspondante à atteint son apogée, qu'ils doivent s'êlre perfectionnés et avoir pris les plus grandes proportions. (Communication verbale de M. Faidherbe.)


vase de terre cuite. Le commandant Payen en a vct par milliers les chonchas se rencontrent dans les montagnes et paraissaient affectés anx grande dans la plaine il s'en trouve d'autres, dans lesquels figurent de plus petits matériaux, des sortes de moellons et des pierres roulées; ces derniers, dit-il, étaient les sépultures du peuple. Pour les Arabes, les une et les autres sont les tombeaux des djouhala, de même que les dolmens.

Faut-il ranger dans le même groupe ces pierres cubiques, percées d'un trou régulier de 25 centimètres de diamètre, que Féraud a rencontrées en si grand nombre, et le mur dont il parle, fuit de deux lignes de gros blocs de pierre brute et entourant une surface de 340 hectares ? Et funt-il les regarder comme la transition à cette phase historique de l'architecture, qui a donné le tombeau de la Chrétienne, près d'Alger, le Medracen, près de Batna, et surtout les stèles grossières et titillées, avec dessins et inscriptions berbères, élevées à la mémoire des morts '? La première indication à proscrire au milieu de ces richesses archéologiques est d'en dresser peu à peu l'inventaire, on mieux la carte avec désignation du genre de monuments, et parmi les dolmens, de ceux qui ont été détruits, comme auprès d'Alger, où il y en avait deux ou Les Dolmens de Ben-Menoug, par Christy et FérauJ. Notices et Mém. de la Soc. arch. de Consiantme, 1863. Monuments dit, celtiques de la province de Constantine, par Férautl. Même recueil, par Lettre sur les tombeaux circulaires de la province de Constantine, par Payeu. Héme recueil, 1803. Lettres sur l'Algérie, par Desor, in Nom. archeolog., de la Revue savotsitnne, janvier et juin tï6l. Catalogue du monuments préhistoriques de F Algérie, par A. Leloarneux, in Matériaux pow servir ci fhittoire de FHonme. nuée IMS. Les Dolmens d'Afrique, par le général FaUberbe, Paris, 1813. La Dolmens et Ut BeniMessout, par Boulot, BuU. Soc. accUmat. d'Algérie, 1§«8. Les Mammmtt miguiUMqim du AoMnto, par Bourgulgnat. Paria, 1868, etc.


trois cents, et de ceux encore intacts. La seconde est de les fouiller méthodiquement en notant le nombre et l'attitude des corps dans chacune, la position des poteries, la nature des objets trouvés, etc. Cette variété infinie de monuments et cet acheminement du dolmen le plus grossier à des constructions dans lesquelles entrent des pierres taillées, témoignent en effet que l'industrie mégalithique a subi en Algérie une évolution particulière dont a tiré parti M. Fergusson dans son ouvrage sur les Rude atone Monuments, London, 1872, et s'est prolongée jusque dans la période historique.

Sur l'une des pierres levées d'une enceinte ressemblant à un cromlech, M. Letourneux a trouvé une inscription berbère qui a pu, il est vrai, y être mise après coup. Mais au même endroit, à la Chetfia, près de Bone, M. le docteur Rebond nous décrit deux nécropoles « l'une a une forme triangulaire et peut avoir trente pas de diamètre on y trouve l'enceinte ci-dessus, un dolmen de petite dimension, une rangée de stèles droites, deux longues stèles couchées, etc. a. «L'autre est rectangulaire et couvre une surface de deux hectares on y voit des dolmens mégalithiques épars et à demi renversés un sarcophage de grande dimension avec couvercle, des stèles isolées, perdues dans les broussailles une longue rangée de stèles libyques ou bilingues debout', etc. » Ce rapprochement de deux ordres de monuments funéraires que l'on rapporte à des époques si éloignées n'est-il pas étrange ? Ne semble-t-il pas dire que la même population a continué de génération en génération à consacrer ce terrain à ses morts? Mais, chose plus siugulière, parmi les matériaux d'un monument mégalithique do l'Aurès M. Letourneux aurait reconnu des fûts de colonne. Tout récemment la tribu berbère des Denhadja élevait 1 Recueil d'itucripUoiu libyco-btrbèru, par le docteur Reboud, Paris, 1870.


encore dans ses cimetières des pierres levées appelées s'nob (Faidherbe). Une coutume persistait il y a cent cinquante ans, sur quelques points de la Kabytie celle, pour chaque tribu assistant à une assemblée générale, de dresser une pierre levée autour du lieu des séances, de façon à figurer un cromlech, pour attester des engagements pris (Letourneux).

Mais si la coutume des monuments mégalithiques a traversé la période du bronze et n'est tombée en désuétude que vers la période numidique par exemple, faut-il admeare d'emblée qu'elle n'a pénétré en Afrique que durant cette période du bronze ou du fer Cela ne nous semble pas nettement prouvé. Pourquoi le peuple quelconque qui a apporté de l'Est la connaissance des métaux à la population des dolmens du midi de la France, ne l'aurait-il pas apportée aussi et parallèlement à la population des dolmens d'Afrique ? L'existence d'une époque de la pierre polie en Algérie ne peut faire l'objet d'un doute. Dans une ancienne carrière on a trouvé, à 4 mètres de profondeur, sous les alluvions de l'Oued-Sly, une hache polie que l'ouvrier y avait laissée glisser jadis'. Dans plusieurs dolmens, dans des grottes et même à la surface du sol, on en a trouvé d'autres. Le métal n'est déjà pas si commun dans les sépultures mégalithiques Sur quarantesix dolmens fouillés par MM. Féraud et Bourguignat, je ne vois d'objets en métal indiqués que huit fois. Les archéologues auront donc à se demander s'il n'existe pas deux catégories de dolmens les uns, plus anciens, d'une physionomie particulière peut-être et ne renfermant que des instruments en silex et de la poterie; les autres, moins anciens, dans lesquels se découvrent les anneaux et les bracelets en question en argent, cuivre, bronze ou fer.

1 Revue africaine, t870, p. 303. Voir aussi l'innée I87Î.


L'ai, iot éeaeils à éviter dans les fouilles est l'ensevelissement secondaire. Le dolmen de Ben-Merzoug, dans lequel MM. Férand et Christy ont découvert un mors de cheval, une eorte de boucle d'oreille et une médaille romaine de Faustine, devait être dans ce cas; la table du sommet en était détruite et ses fragments épars. La position du corps n'a pu être déterminée et dans la même tombe se trouvait un squelette de cheval, ce qui est peu conforme aux usages observés dans les autres dolmens

11 est d'autres recherches préhistoriques à ne pas oublier. Cette fois elles concerneront la race primitive des Lebou qu'ont signalée les Egyptiens. Des silex taillés ont été recueillis en Egypte. On en a trouvé aussi en Algérie; récemment encore M. Féraud en a découvert un atelier auprès de l'oasis dOuargla 1, laquelle, remarque-t-il, était plus favorisée de la végétation à cette époque. Les formes les plus abondantes que lui et le docteur Reboud y aient ramassées étaient des têtes de flèche et un silex triangulaire qui, à la description, me parait se rapprocher de notre type du Moustier. M. Bourjot, d'autre part, a découvert à une petite distance d'Alger, à la pointe Pescade, une grotte anciennement habitée, dans laquelle des silex taillés, rappelant par leur travail les types d'Aurignac, étaient déposés par couches. Par malheur aucun débris d'animaux caractéristiques ne les accompagnait rhinocéros, éléphant, ours des cavernes ou renne M. Bourjot n'a pas craint cependant d'assigner à cette station une date fort reculée, la fin de la période glaciaire.

Outre les restes de races préhistoriques, les voyageurs auront à nous en adresser de races plus récentes. Les cimetières de la Cheuia, déjà explorés par MM. Faidherbe et Reboud, qui n'y ont trouvé aucun ossement au pied des 1 Bmme africain, Aller, ISTt.


stèles, mériteraient encore d'être examinés sl ce point de vue. La race de transition da peuple des dolmens aux Numides serait bien utile à connattre.

Ajoutons que les crAnea d'Arabes et de Berbera authentiques sont rares dans nos collections. Notre Société ne possède, venant d'Algérie, qu'une tête momifiée offerte par M. Périer. Le musée du laboratoire d'anthropologie de M. Broca n'a qu'un crâne d'Arabe et un de Kabyle. Celui du Val-de-Grâce en a davantage, mais ils sont étiquetés Arabes, quoique provenant essentiellement du bataillon de turcos, qui est composé surtout de Kabyles. Cette confusion entre l'Arabe et le Berber est si répandue, même en Algérie, et administrateurs et militaires s'en font si bien l'écho, que nous tenons pour suspects aussi les vingt et quelques crânes des deux races présents au Muséum. Il y a donc urgence à notre avis à ce que nous recevions de fortes séries authentiques qui nous permettent une bonne fois de déterminer les caractères ostéologiques différentiels de ces deux races.

En résumé, il y a cinq périodes à établir dans le passé anthropologique de notre colonie française la première, ou des Kabyles bruns autochthones la seconde, on des Kabyles blonds la troisième, ou des Numides, à laquelle remontent sans doute la plupart des inscriptions découvertes en langue berbère; la quatrième, où l'on voit se succéder les Romains, les Arabes et les Turcs principalement, et la cinquième, ou aryenne. Les restes osseux que nous sollicitons seront d'autant plus précieux qu'ils remonteront adrement à une époque plus ancienne et nous mettront mieux à même de connaltre la véritable race indigène.

Je me borne à énumérer quelques autres questions à examiner.


Les croisements s'opèrent sous toutes les formes en Algérie et s'y rencontrent tons les degrés. Commences à la rencontre des blonds du Nord avec les bruns de la Libye, ils se sont continuée un peu sans doute avec les Phéniciens après la fondation de Carthage, et beaucoup avec les Romains lorsqu'ils se répandirent jusque dans le Bled el djerid. Au septième siècle, ils prirent un nouvel essor lorsqu'Arabes et Berbers s'associèrent pour envahir la péninsule ibérique, sons le nom de Sarrasins. Du quinzième au dix-huitième siècle, ils se restreignirent, à la portion des côtes occupée par le ramassis d'aventuriers qu'y entretenait la domination turque. De tout temps ils se sont opérés sur une grande échelle avec les nègres des oasis et du Soudan. Aujourd'hui enfin ils se multiplient avec l'invasion aryenne figurée par des Espagnols, des Italiens, des Anemanda et des Français, pour ne pas parler des Juifs, des Maltais et de bien d'autres venus à toutes les époques de divers points de la mer Méditerranée.

En Algérie, comme en Australie, une race blanche nouvelle semble aujourd'hui se former. Rien que dans la province d'Alger, sur 96 472 Européens, il y en a 39 000 qui y sont nés. Il serait utile d'en connaître les caractères nonveaux, les aptitudes, les tempéraments, la fécondité propre, et de savoir, parmi les nombreux mariages entre races différentes, quels sont ceux qui réussissent le mieux et qu'on doit encourager.

C'est aux médecins qu'en revient surtout la tâche. C'est à eux aussi d'observer la coloration véritable des téguments des indigènes à la naissance, les formes particulières que prennent les malades dans ces divers terrains, et les dit-,férences d'action qu'ont sur eux les médicaments. L'anthropologie, en effet, est l'histoire des diverses variétés de l'homme et comprend tout ce qui peut servir à les différencier. Son horizon est vaste et empiète sur toutes les


connaissances qui le concernent spécialement. L'homme sain ou malade, pensant, se mouvant et se reproduisant lui appartient en entier.

C'est aussi aux médecins qu'incombe l'examen des phénomènes de l'acclimatation et de l'acclimatement. MM. Laveran et Bertillon, à l'aide des statistiques officielles de 1856 et ce dernier avec celles de 1872, ont avancé que les races brunes de l'Europe, les Maltais et les Espagnols surtout, réussissent fort bien en Algérie, tandis que les races blondes s'y éteignent'. Ces déductions sont aujourd'hui assez généralement admises. Aussi notre collègue M. Assézat a-t-il été justement ;inspiré en se demandant si l'intéressante entreprise de la Société de protection en faveur de nos infortunés compatriotes d'Alsace-Lorraine, en avait connaissance. Incontestablement non 1 Il n'est pas d'usage en France de prendre conseil des savants. Mais fort heureusement il est un côté de la question qui atténue la portée des faits mis en relief à plusieurs reprises par M. Bertillon.

L'Algérie convient mal à la race germanique mais en est-il ainsi de toutes ses parties? Son territoire, plus grand que celui de la France, n'est pas le même partout il y a des régions sèches, des régions humides, des endroits d'où les effluves marécageuse sont aussitôt chassées par les vents, et d'autres, comme à Magenta, où elles restent en place et se condensent. Enfin il y a des altitudes de toute sorte. On sait, en effet, que pour la faune, comme pour la Voir De racctimaltmmt, in Bave Soc. m*»., 1. 1, 1SM, et Dénombrement de t Algérie depuis I8M, la JUmw d'anthrop., t. n, I87J. par Bertillon. De VaceUmaXaiton, par Il. de Qaotrefagee, la Revue des deux mondes, du M décembre 1870. De t acclimatation des Français en Algérie, par le docteur Patin, la BuU. Soc. algér. de 1872. Do la colonisation de F Algérie, par Auéut, io N. Soc. anthr., *• série, t. VIII, Il avril 1873.


flore, s'élever de la base d'une montagne vers son faite ou de l'embouchure d'un fleuve sa source, c'est se déplacer du midi an nord. Sons les tropiques même, peuvent se rencontrer les conditions d'existence des latitudes tempérées. Par conséquent, la Réunion, l'une des stations choisies par la Société de protection et située à f 6 kilomètres de Bougie, presque au niveau de la mer, ne sera pas dans les conditions d'acclimatement de Constantine, autre station de la Société, qui est à 790 mètres d'altitude, et à plus forte raison de Khenchela, qui est à i 300 mètres. Tout porte à croire que la première sera mauvaise pour la race blonde, et quelques renseignements sur les chiffres de la mortalité des enfants à la Réunion me permettent presque de l'affirmer, tandis que la dernière sera excellente. L'expérience des siècles en a jugé d'ailleurs dans ce dernier cas. C'est auprès de Khenchela, chu les OuledYaccoub, que s'est perpétué jusqu'à nos jours le plus grand nombre de cette race blonde assurément venue du Nord, peu importe par quelle voie

Ces inductions doivent être vérifiées avec soin et promptement. Il 1 va du salut de nos frères d'Alsace. On ne se bornera pas à comparer le chiffre des naissances avec celui des décès. On observera la mortalité immédiate imputable à l'acclimatation tel groupe d'émigrés pourra toutefois être très-éprouvé tout de suite,:et cependant finir par s'acclimater parfaitement. M. Onésime Reclus, qui arrive d'Algérie, me disait y avoir vu d'anciennes colonies allemandes trèsprospères les émigrés s'y marient avec des créoles ou acclimatés et donnent de bons rejetons. Dans les statistiques concernant les races étrangères, il est un point, An Il février 1873. sur $364 émigrés, osés en Algérie, il eu avait Utdaula province d'Onu, 7 il dam celle d'Alger et 1 180 dau celle de Consuatine (Situation det Altac&nt- Lorrain* on Algérit, rapport de Il. Goyeaier, Paris, mors 1873).


ajoutait -il, dont il faut davantage tenir compte. Un grand nombre d'Allemands, par exemple, se naturalisent Français, ce qui diminue leur chiffre au recensement suivant et ferait croire à une mortalité plus forte parmi eux. Ainsi, dans le numéro du 3t novembre 1873 du Monittur d'Algérie, ]e trouve dans une même liste dix-huit allemands sur trente-deux naturalisations.

Enfin, et c'est l'œuvre capitale que nous recommandons en terminant, les anthropologistes algériens (et la lecture des divers recueils scientifiques publiés dans notre colonie, nous montre que le nombre s'en accroît quotidiennement) devront dresser au plus tôt la carte ethnographique du pays en s'inspirant des cartes et des listes dont nous avons parlé de MM. Banoteau et Carotte ainsi que des travaux de MM. Féraud, Letourneux, Daumas, Justin Pont et de tant d'autres.

11a y distingueront par des teintes différentes

Il, Les tribus d'origine berbère et parlant le berbère le Les tribus berbères parlant arabe

3° Les tribus arabes, nomades et pastorales;

4» Les tribus arabes relativement sédentaires et cultivant collectivement la terre

S* Les tribus douteuses ou mélangées, de l'une ou de l'autre sorte

6" Les tribus mixtes, d'autres races ou avec prédominance de Juifs, de Kourouglis ou de nègres.

Cette carte, rapprochée de celle des monuments mégalithiques qui vise le passé, serait fort précieuse, et dirait à nos petits-fils ce qu'était l'Algérie avant son assimilation à la France. Nos trois départements français offrent, comme on le voit, un vaste champ d'études à l'anthropologiste. Trop longtemps ils n'ont servi que de champ de manœuvre à


nos troupes*; au tour de la science à les conquérir! Les questions les plus variées y attendent une solution, et la plus générale, la plus saisissante est celle d'une parenté probable entre les deux plus anciennes races de l'Atlas et les deux plus anciennes races de France; entre les Berbers blonds et les hommes du Nord qui ont disséminé leurs cheveux et leurs yeux clairs sur toute la surface de notre sol et entre les Berbers bruns, que Bory de Saint- Vincent désignait du nom d'Atlantes et ce que j'ai appelé pour ne rien préjuger, notre race brune méridionale.

1 Il est cependant des personnes qui voudraient perpétuer le système militaire et se refusent encore à tenir compte des différences radicales qui séparent les deux races berbère et arabe.

Il. le général Dncrot, par exemple, dit, dans une brochure intitulée la Vérité sur f Algérie, Paris 1871, que tout système tendant au fusionnement et a l'assimilation des indigènes n'a aucune chance de réussite et propose d'établir des tmalat ou tribus militaires, comme ont fait les Turcs, choisies parmi en: et chargées de faire la police des antres tribus environnantes; accessoirement Il consentirait la fondation de colonies de Kabyles qu'on traiterait militairement et qui cultiveraient la terre collectivement.

On voudrait s'aliéner tout jamais le peuple kabyle qu'à coup sûr on ne trouverait pas mieux et je m'étonne que Il. L. Ducos, qui a répondu au général, n'ait pas fait ressortir ce qu'il y a de contradictoire entre cette aliénation de l'individualité et ce qu'exige impérieusement l'esprit kabyle.

Les principes énoncés pu le général Allard tous l'empire sont encore plus absolus. < En présence d'un peuple belliqueux, comme le sont les Arabes, » disait-il au corps législatif en 1863, confondant Arabes et Berbers, le régtme militaire est le seul qui puisse convenir, le seul qu'ils puissent comprendre. » La réponse se trouve dans le tableau que nous avons tracé des deux races d'après les auteurs les plus compétents.

Or les Arabes ne sont qa'un cinquième au plus de la population indigène et paraissent diminuer leur chiffre ne s'élève pas à 500000, tandis que les Berbers forment les quatre cinquièmes de cette population, et s'infiltrent partout; Ils sont il 1100000. Qu'il faille a l'Arabe un ré-


APPENDICE

Aux indications bibliographiques déjà données dans le cours de cette étude, j'ajouterai les suivantes

U'Avizac. Art. Berbers dans V Encyclopédie nouvelle de Leroux et Raynaud. Paris, 1840.

HoDGsoN. Notes on Northen Africa, the Sahara and Soudan. New- York, 1844.

Bory de Saint-Vincent. Sur l'anthropologie de F Afrique françaite (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845). G lïon. Sur la race 6lanche de CAuré* (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845).

C. Desvaux. Les KebaiU du Djurjura. Paris, 1859.

H. Duveyrier. Excursion dans le Djerid ou pays des dalles (Revue algérienne el coloniale, 1860).

Phuner-Bey. Recherches sur l'origine de l'ancienne race égyptienne (Mémoires de la Société d'anthropologie, t. 1. Séance du 1" août 1861)

H. Aucapitaine. Ouargla, Sahara algérien (Mémoires de la Société de géographie de Genève, 1861).

H. Tauxier. Etudu sur les migrations des nations berbère. gime différent, c'est possible et non démontré. Mais le Berber est le nombre, c'est l'avenir et la richesse de notre colonisation, et il ne demande que trois choses qu'on le laisse libre de travailler a son gré, qu'on respecte son indépendance communale et sa usages et qu'on le traite doucement et sans hauteur. Tout régime d'oppression lui est odieux, toute atteinte à ses droits à la propriété privée le trouvera debout. Le point noir, chez lui, ce sont ses marabouts, généralement Arabes ou d'origine arabe; qu'on sache les mettre dans l'impuiesance et nous n'aurons plus rien il craindre. Une foule de sentiments nobles les rapprochent des Français et, comme l'a dit Aucapttaine, son assimilation i bref délai est certaine.

Avec un système plus ou moins militaire, appliqué aux Berbers, l'Algérie, en un mot, engloutira hommes et millions. Avec un système largement civil, et Malgré la turbulente des Arabes, elle nous donnera 9 millions de Français de plus et la possession effective d'une surface territoriale de 6t millions d'hectares plus grande que la France.


avant l'islamisme (Journal asiatique, 1862, et Revue africaine, 1882-1883).

J.-A.-N. Périer. Ruai sur les croisements tlhniquet (Mémoires de la Société d'anthropologie, t. Il, 1864, p. 337).

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Dr Boniuroirr. De Caeetimutation des Européens, et de VttrisUmt* tune population eitik romaine en Algérie, démontrée par rhùloire. Paris, 1871.

Muent. Ethnographie de P Afrique septentrionale. Nota sur l'origine du peuple berbère (Revue africaine. Alger, 1871). OncUHE Ricuis. Chap. Algérie, de sa géographie. Paris, 1872. L. Faubb. Origine des peuples du nord de l'Afrique, et parlicuUèrmmt des Berbers (Bulletins de la Société de climatologie algérienne, 1872).

lUnératr» lit Algérie (Collection Joanne. Paris, 1874). Etc., etc.

Enfin V Annuaire archéologique de Constantine, le Ëeeueil des notai M mémoires de la Société archéologique de la province de Constantine, la Revue africaine, journal des travaux de la Société historique algérienne, le Bulletin de la Société algérienne de elimtologU et les BulleUnt de la Société dantkropohgie de Pari». Pwfc. Tjptinfhta à. ̃̃nrana, tu do Bsotmrd, 7.