Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 259 sur 259

Nombre de pages: 259

Notice complète:

Titre : En Beaujolais : Villefranche-Tarare, Villefranche-Monsols, Lozanne-Paray-le-Monial / Berlot-Francdouaire...

Auteur : Virès, Pierre (1856-1912). Auteur du texte

Éditeur : Impr. de P. Legendre (Lyon)

Date d'édition : 1904

Sujet : Beaujolais (France)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34100192v

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (255 p.) : fig. et carte ; in-16

Format : Nombre total de vues : 259

Description : Collection numérique : Fonds régional : Rhône-Alpes

Description : Récits de voyages

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k1053731

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK2-5087

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98%.


Original illisible

NFZ 43-120-10

Texte détérioré reliure défectueuse

NFZ Z 43-120-11

"VALABLE POUR TOUT OU PARTIE DU DOCUMENT REPRODUIT".


Ateliers d'Ébénisterie et Sculpture 29, Cours de la Liberté, 29

ATELIERS DE

TAPISSERIE, SIÈGES et DÉCORATION 44, Cours de la Liberté,

Atellel1s de ItITEt)lB et IDflTEIiflSSERlE 42, Cours de la Liberté, 42

Acquéreur des Ateliers

Hllaire DU,FIN LYON

Au Colosse de Rhodes EXECUTION sur PLANS et DEVIS Inttttllailon compléta:

Exposition et Magasins de Vente Coursas ta Liberté, 42-44


B "LVO1V B RÉPUBLIOAIN

Quotidien, 6rand Format

VINGT-SEPTIÈME ANNÉE

6p Rue OhltdebBPt, 6 LYOIV

.Ses Correspondances parisiennes, ses nombreuses Chroniques régionales, ses Informations télégraphiques, par fll spécial, rapides et variées, ses Lettres si intéressantes des Colonies, assurent à cet organe une place hors ligne dans la Presse départementale française. Très recherçhê par les Maisons anà causedeson tirageimportant et de sa diffusion exceptionnelle 27 départements, Côrse, Algérie, Tunisie, Suisse, Italie, Espagne, etc. ̃

Fondateur Lucien JANTET. Directeur: A. FERROUILLAT.

ABONNEMENTS

Hhôneel Départements limitrophes, troismois 6/K Nonlimilropha, 6 fr. Etranger, 9 fr.

SUPPLÉMENT ILLUSTRÉ EN COULEURS EN OOULEUH3

ABONNEMENTS Etranger Bfr|


E$S*EAUJOLAIS Touriste


BERLOT-FRANCDOUAIRE y

En Beaujolais

Vil le <ù %nche -Monsols

LYON

IMPRIMERIE PAUL LEGENDRE & C U, rue Bellecordière, U


Carte au


Préface

C'est d vous que je dédie ce petit volume, mes chers compatriotes du Beaujolais; cest en songeant à vous que je l'ai écrit, revivant avec-vous, à chaque page, les jours passés làbas, jours d'insouciance et de jeunesse, dans cette contrée admirable et trop peu connue, où tout respire le bien-être, fils du travail acharné et de l'intelligence où, des cltnes boisées aux coteaux ensoleillés, parés- de vigilet, Les coeurs battent à l'unisson, les mains s'ouvrent avec franchise. J'avais sans cesse devant les yeux ce panorama sans rival des collines de Blacé, mon pays natal, avec ses fouillis de verdure dominant la:¡¡allée profonde qui va, en serpentant, coupée par mille ruisseaux,des hauteurs chevelues de M ontmelas aux grasses prairies de la Saône.

Que de promenades ravissantes j'ai faites au milieu de nos grands bois ou dans le fond de nos ravines (

Dès la pointe du jour, nous gravissions


les pentes ombreuses qui conduisent à la vieille forteresse de Tournon, à l'antique Télégraphe dont la mousse a rongé les bras vermoulus, au petit village de St-Cyr, si coquettement planté sur la crête de la montagne. Les coqs éveillés nous saluaient au passage- les gros boeufs pensifs allongeaient vers .nous leurs naseaux ruisselants de rosée. On s'arrétait souvent pour couper des bruyères, ou pour cueillir les cèpes et les morilles tapies sous la mousse au pied des sapins, les noisettes dans les verts taillis et les fraises sur les talus humides d'ombre. Et quand, arrivés sur la dtile, nous promenions nos regards éblouis sur ce paysage grandiose, notre œil s'illuminait d'une fierté naturelle. C'était bien là notre Beaujolais, qui se révélait à nous dans toute sa magnic ficence.

Devant nous, les plaines immenses enru- bannées d'argent par laSa6ne dormeuse,.depuis Mdcon, le grenier d'abondance du pays. jusqu'à Trévoux, antique cité, riche de ses souvenirs. Au loin, Villefranche, notre vieille capitale, puis les collines aux crus. célèbres, que la vigne escalade et que dore le soleil; à gauche, Brouilly et sa petite chapelle, antique pèlerinage oà le vigneron porte encore


avec orgueil au 8 septembre, le plus beau sarment de sa vigne; derrière nous, au couchant, les hauts sommets de nos belles montagnes servant de cadre à ce paysage merveilleux tandis que brillent au soleil levant les neiges du Jura et les Alpes Dauphinoises. Voilà ce qu'offrait à mes yeux ravis ce belvédèré gigantesque, tel est le pays que lai voulu faire mieux connaître autour de nous, non pas par une nomenclature aride de ses villes et de ses ressources, de ses routes et de ses voies ferrées, mais par. un guide en quelque sorte animé, rappelant l'histoire de chaque bourgade, ses origines et ses légende», ses f aits héroïques et ses naïves coutumes. /amais jé n'eusse osé penser trouver une moisson si féconde. Mais, à mesure que mon travail me faisait ouvrir une galerie nouvelle, poursuivre un nouveau filon, je revenais ravi. des« découvertes')) entrevues par moi chez nos vieux conteurs et dans nos chroniques.. J'ai essayé de condenser tout cela, d'autres me compléteront; la tdche leur sera facile. J'ai fait si peu et il reste tant à faire encore! Mais je crois pouvoir dire que loffre à mes amis le premier GUIDE D U BEA UFOLAIS, et j'ajouterai, sans trop d'audace, que « le.besoin s'en faisait sentir vieille


expression surannée qui semble trouver aujourd'hui sa place et son excuse.

En effet, le Beaujolais est maintenant enserré dans un magnifique réseau de voies ferrées qui le sillonnent en tous sesàs lignes de Villefranche à Tarare et de VUlefranche Monsols, du C.F.B.; ligne de Lozanne à Paray-le-Monial, du P.-L.-M.,à travers la splendide vallée de l'Asergues. Un tronçon relie, au port de Frans, Villefranche et-sa gare centrale, au réseau du tramway de. l'Ain, à qui il ne manque, pour- toucher Lyon, que l'infimé tronçon, si attendu, de Trévoux à Neuville.

De Monsols partiront bientôt deux Voies nouvelles; reliant. le C.F.B. au P.-L.-M., La Clayette, par la. ligne de Lozanne à Pa- ray-le-Monial et à Mdcon par- la ligne de Cluny:

On annonce la mise à exécution d'un chemin de fer de Belleville, le grand marché des vins du Beau jolais, à Tramayes et à Cidenas; le Premier tronçon desservant VilliéMorgon, Fleurie, Juliénas, et toutes les comm'unes, berceaux de nos crus fameux; l'autre se.raccordant au Ç.F.B. à Odenas, sur-la ligne de Monsols.

Enfin, on a longtemps parlé d'un, tram-


way étudié de Losanne à Villefranche, par Chasay, Morancé, Lucenay et Anse; et de Villefranche à Rivolet, par Gleisé, Lacenas, Denicé et Cogny, avec prolongement éventuel jusqu'à Allières, où la ligne se souderait à la ligne du P.-L.M. dans la vallée d'Asergues. Ce projet se réalisera certainement. Peut-on donc rêver un pays par les voies ferrées mieux desservi? Déjà partout s'ouvrent postes, télégraphes et téléphones. Si j'ajoute que nulle part, au milieu des sites les plus pittoresques, on ne trouvera communications plus faciles, routes plus belles, accueil plus bienveillant, hospitalité plus ouverte, vie plus large, cuisine plus savoureuse, j'aurais, je l'espère, entraîné bien des promeneurs et bien des touristes à visiter mon cher pays du Beaujolais.

E. Berlot-Francdouaike..

Vals CharmeusesEAU DE TABLE

Garantie naturelle

MÉDAILLES D'OR

PARIS ET MARSEILLE



De Villefranche à Tarare

VILLEFRANCHE

La ligne des chemins de fer du Beaujolais, de Villefranche à Tarare fut ouverte le 4 avril 1900 pour son premier tronçon de Villefranche au Boisd'Oingt, et aussitôt le public lui montra toutes ses prédilections. C'est que les services qu'elle est appelée à rendre à nos riches populations beaujolaises doivent être considérables. Elle dessert tous nos pays vignobles dt, par son tracé, tend les bras aux lignes les plus fréquentées. A Tarare, c'est la grande ligne de Roanne qui se ramifie en tant de tronçons au Bois-d'Oingt, c'est la ligne de Lozanne à Paray-le-Monial à Beaujep, c'est la ligne de Belleville qu'elle rencontre à Villefranche, c'est le P.-L.-M. au port de Frans, c'est le réseau des tramways de l'Ain, sur la rive gauche de la Saône.

Nous quittons Villefranche par la gare terminus du boulevard Louis-Blanc, d'où bifurquent les deux lignes de Monsols et de Tarare, l'une franchissant le Morgon et le quartier des Tanneries surun haut viaduc accoté à la ligne du P.-L.-M. l'autre pénétrant hardiment au cceur même de la ville, pour en ressortir dans sa partie occidentale par la rue de Tarare qui indique notre direction.


Jamais il ne nous viendrait à l'esprit de présenter à nos lecteurs, qui doivent mieux que nous la connaître, la vieille capitale du Beaujolais et sa grande rue en montagnes russes.-

C'est le principal approvisionnement. de Lyon pour ses bestiaux et pour ses vins et, de temps immémorial, son marché fut célèbre de là ce vieux dicton: « Oh i ça ne durera pas-tant que le marché de Villefranche !» ̃

Qui nous eût dit, il n'y a guère plus de trente années, que Villefranche prendrait, en si peu de temps, une extension aussi rapide ? 1 Aujourd'hui la ville est transformée comme par miracle. Elle a éventré, sans hésiter, ses vieux quartiers, percé de. grandes avenues, élargi ses promenades, embelli ses places, créé ses squares. Voyez ce -«.promenoir », jadis rendez-vous, le soir, du monde interlope et des échappés. de la rue. Chasset 1. Aujourd'hui de beaux jardins entourent, devant un nouveau collège, le monument des Défenseurs de Jetez un coup d'œil en arrière sur la place de la Sous-Préfecture, jadis couverte, chaque lundi, de baraques inodorantes et d'étalages hétéroclytes, avec Sa longue colonne de fonte, aux lèpres de moisissure; tout autour des rues empestées pàr-lâ puanteur des écuries et des abattoirs, ou des ruelles mal famées d'où l'on s'éloignait prudemment.

Aujourd'hui la .piace de la Sous-Préfecture est transformée, méconnaissable. Un square spléndide, entretenu avec le. plus grand soin, tracé avec un art qui fait. honneur aux jardiniers calàdois, encadre le buste d'Etienne Poulet.


A gauche, le nouveau théâtre qui a bien eu ses vicissitudes hélas 1 qui n'en a pas, en ce monde Au nord,, 1'.Hôtel des postes et téléphones à droite, la Sous-Préfecture, immuable dans ses horribles bâtiments carrés, symbole de, la routine administrative.

Enfin, sous les grands arbres séculaires de la promenade, le kiosque de la musique qui tour à tour reçoit plusieurs sociétés musicales. Au nord de la ville, à la place de l'antique Grenette, la Bibliothèque et le Musée.

Car Villefranche a suivi, dans le mouvement artistique et littéraire, la même impulsion rapide que dans sa transformation matérielle.

Jadis oh 1 combien jadis I on parlait des Chevaliers de l'Arc et de l'Arquebuse, institués à Villefranche depuis plus. de cinq siècles et autorisés par plusieurs lettres-patentes de nos rois, confirmées par celles de janvier enregistrées au parlement de Paris et en la Cour des Aides, les 14 et 23 avril 1731. Les maires et échevins, capitaines-nés de ces deux jeux, tiraient le coup d'honneur aux deux prix royaux, chaque année, le premier et le second dimanche de juin.

A la Révolution, M. Butty était roi des Chevaliers de l'Arc; M. Lièvre de Givray était roi de l'Arquebuse. Ces réunions attiraient à Villefranche une foule considérable, accourue de tout le Beaujolais pour saluer le vainqueur du tir qui avait abattu l'oiseau.

La Révolution emporta tout cela.-

Nous eûmes ensuite une fanfare, une compagnie de. sapeurs-pompiers; en 1870, un essai amusant de garde nationale. Je crois que c'est tout ce que


Villefranche offrait comme curiosités, il y a trente ans, à ses visiteurs. Depuis, la vie intellectuelle s'y est développée comme par enchantement. Tous les sports y sont représentés on y voit hippodrome et vélodrome, où sont tenues d'importantes réunions. La musique y compte plusieurs sociétés instrumentales, plusieurs chorales réputées. Il y a quatre ans; ces Sociétés réunies offraient, au théâtre, à leurs amis et aux amateurs de grand art, la première d'une magnifique symphonie Guillaume Le Conquérant, exécutée, pour la première fois en France, dans la riche cité ealadoise. Enfin Villefranche s'honore, d'une Société littéraire, digne continuatrice de l'antique et renom- mée Académie du Beaujolais, qui fleurit pendant plusieurs siècles, connue jadis de tout le monde des savants qui tenaient à honneur d'en être nommés membres correspondants.. Elle disparut à la Révolution et se nomme aujourd'hui Société des Sciences et Arts du Beaujolais. Elle a pris pour elle la belle devise qui orne les armes des sires de Beaujeu « Espérance », et qui s'étale sur la couverture de la revue périodique que publie la.Société aux lieu et place de l'ancienne devise de l'Académie « Mutuo clarescimus igne », entourant une rose de diamants.

Enfin, vous dirai-je que les bords de la Saône, qui encadrent la cité caladoise, sont merveilleusement décorés par la nature? Chacun connaît le dicton: « De Villefranche à Anse, c'est la plus belle lieue de France ». Aussi, les équipiers des Sociétés nautiques lyonnaises, les gourmets en quête d'une fine cuisine se confient-ils volontiers aux eaux calmes de la Saône, pour en remonter


le cours et envahir les hôtels réputés de Riottier et de Beauregard, rendez-vous des fêtes gastronomiques préconisées par Berchoux et par ,BrillatSavarin.

Inutile d'ajouter que les « Caladois » savent noblement, dans tous les genres de sport, donner aux Lyonnais la réplique.

Car nul n'ignore que les habitants de Villefranche sont dénommés « Caladois » parce que, afin d'être baptisé, tout jeune petit citoyen devait, pour entrer dans la vieille basilique, traverser les larges dalles qui en forment le parvis et qu'on appelle encore de nos jours des « calades ». Les Caladois portent fièrement leur nom, comme ils s'honoraient jadis de leurs franchises, qui valurent à leur ville ce nom de Ville-Franche. Je ne sais si, de toutes ces franchises, celle dont ils étaient le plus fiers n'était pas celle si connue, ainsi libellée « Si Surgensis uxorem suam percusserit, seu verbermverit, dominus non debet inde recipere clamorem, nec emendam petere, nec levare, nisi illa ex hrsc verberatùra moriatur ». En termes plus simples: « Les bourgeois de Villefranche avaient le droit de battre leurs femmes tout à leur aise, pourvu que mort ne s'en suivît pas ».

Ne craignez rien Je vous jure quaujourd'hui ils ont avec les femmes des mœurs beaucoup plus galantes.. Le riche climat et le bon vin portent à la douceur. Que n'avait-on plutôt accordé cette franchise à leurs voisins, les habitants d'Anse '1 Ceux-ci eussent pu s'en servir tout à leur aise, sur l'échiné de leurs méchantes commères du four


banal dont la légende nous a conté les antiques fredaines. Vous- dirai-je encore que Villefranchê est assise sur le Morgon qui donne la force se usines de tannerie et de teinture et qui la traverse en partie aujourd'hui sous un plafond de pierre? Vous montrerai-je dans sa grande rue, à gauche,

Lra grande rue de Villefranche.

au fond de cette profonde cuvette le vieil hôtel de ville, dont l'ancienneté et les canons de bois forment presque le principal mérite?

Non, je crois qu'avant de quitter la capitale du Beaujolais, il sera plus intéressant pour nous, de


pénétrer, en traversant nous aussi la Calade, dans sa superbe église, berceau antique de la ville qui se serre /autour d'elle.. On sait que la tradition veut que la vieille bîjst lique ait été bâtie au XIIe siècle, au milieu de marécages où un pâtre conduisant son troupeau avait découvert une statue de la Vierge de là son nom de. « Notre-Dame des Marais. ». Ce n'était du reste,. au début qu'une chapelle. La population se groupa autour d'elle. Puis on éleva la nef, le chœur qui semblent dater de la seconde période ogivale. Les libéralités des seigneurs du pays en firent enfin un monument remarquable qu'on admire encore aujourd'hui, malgré les mutilations, les outrages que lui firent subir les Vandales de .tous les siècles.

Avant 1793 on yvoyait, mieux que de nos jours, dans beaucoup d'endroits la devise de la maison de Bourbon Espérance avec quantités de chardons et un chiffre entrelacé d'un P., d'un S., et d'un A., chiffre qui signifiait Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, épousa Anne de France. Quand elle lui fut présentée, le prince se serait écrié Ah cher don, vous voilà 1 » De cher don à chardon il n'y a pas loin, et ce mauvais calembourg aurait créé l'emblème.

En 1475; Jean de Bourbon contribua beaucoup, par ses libéralités, à l'embellissement de l'édifice. Le 4.février Pierie de Bourbon, sire de Beaujeu, de passage Moulins, donna 1200 livres, somme.considérable pour l'époque, pour élever le grand portail de Notre-Dame-des-Marais. En 1526, nouvellés libéralités d'Arine de France et de Louise de Savoie, mère de François Ier.: Dans un


manuscrit de Claude Faure, ancien procureur et secrétaire de Villefranche, on voit que les ouvriers travaillaient alors pour six deniers par jour le maître ouvrier, qui passait sans doute pour un aristocrate financier, gagnait trois sous.

La main d'ceuvre était vraiment à bon marché h. cette. époque.

Aussi l'église fut élevée et presque refaite à neuf, dans les premières années du règne de Louis XIII. La principale façade, chargée des décorations les plus caractéristiques du style ogival, est admirablement belle. Quelle élégante et riche sculpture Quelle profusion d'ornements Toutes les niches, tous les encadrements sont fouillés, ciselés avec la plus grande délicatesse. On ne voit partout que chardons, feuillages frisés, saints, personnages divers ou monstres grotesques dont quelques-uns expriment une incroyablebonhomie des mœurs des temps anciens.

.Pourquoi faut-il que la rage des destructeurs se soit tant acharnée, en 1793, après cette splendide œuvre d'art?

Cependant, telle qu'elle est encore de nos jours, l'église de. Villefranche passe pour un des plus beaux échantillons de l'architecture religieuse. Jadis l'église possédait une merveilleuse flèche octogone découpée à jour, s'élançant dans le ciel, couverte d'ardoise, les angles garnis en plaques de plomb, avec une multitude de feuillages de chardon. Elle avait trois galeries s'entr'ouvrant l'une sur l'autre. Un ancien manuscrit rapporte qu'elle était la plus belle qui fut en Europe, :6t qu'on y avait employé, pour la couvrir, trente deux mille huit cent livres de plomb ».


Elle possédait une belle sonnerie de cloches, véritable orchestre aérien. En i566, le feu détruisit la flèche et fondit les sept cloches.

On accusa un ouvrier huguenot .de Rouen, qui avait travaillé à des réparations de plomberie, d'avoir, à dessein, incendié la flèche. Poursuivi par la population, il fut, sans autre jugement, brûlé vif sur le parvis de l'église.

Un nouveau clocher, très élégant, a remplacé l'ancienne flèche depuis 4a seconde moitié du XIX8 siècle.

L'architecture de l'intérieur est aussi remarquable que celle des façades. La vaste nef centrale donne une impression étonnante de grandeur et de majesté.

Au-dessus des chapelles, des têtes de moines se mêlent à des figures satyriques et à des allusions malicieuses, souvent empreintes d'obscénité, comme on le voit dans tout ce que nous ont légué les XIVO et XVO siècles. C'était un tribut nécessaire aux idées du moment et comme une liberté de la presse laissée aux « ouvriers libres dans ce temps de naïveté,

Ces grotesques se retrouvent, du reste, avec toutes leurs contorsions risquées, dans les ^gargouilles qui entourent l'église.

Quant aux vitraux, nous pouvons juger de ce qu'était leur richesse par les trop rares morceaux qui nous en sont restés. L'un d'eux porte encore ces mots « Duc de Montpens, à faict deon ». Au bas d'un vitrail cette inscription: « Faicte par Paul de Bovllonône en mai 1600 ». Ces vitraux joignent à l'éclat et à la vivacité métallique les


plus beaux coloris et la somptuosité des costumes si recherchée du temps de François I"

Avant la Révolution, ou- y voyait encore Edouard II jouant aux échecs avec la demoiselle de la Bessée qu'il avait enlevée à Guiennet de la Bessée, riche bourgeois de Villefranche.

Edouard II fut le dernier baron de Beaujeu.

Louis XIV, passant à Villefranche le 23 novembre t658, s'extasia, disent les chroniques, devant la magnificence de l'église. Faisons comme le RoiSoleil

Pourquoi a-t-on fait disparaître, pour construire une maison nouvelle, ce bijou de sculpture allé'gotique, merveilleux, pendentif,, représentant, le pélican symbolique, se perçant le flanc pour nôur rir sa nichée, qui s'étalait sur la façade d'une maison de la Grande-Rue, à quelques pas de l'église et du même côté qu'elle; il dort aujourd'hui en tronçons séparés, dans un coin de l'hôtel de ville. Et, maintenant, laissons le petit tramway de la Compagnie du Beaujolais nous emporter à travers les vallées riantes, vers les cimes de Chatoux, d'où sort lé ruisseau du Morgon, tributaire de la Saône. Nous abandonnons, sur notre- droite, le collège de Mongré, légué aux Jésuites par Mlle de la Barmoridière. Plus loin, le parc du château de Vaux-Renard, M. de Longevialle; on montre, sous ses vieux ombrages, la tombe d'un intrigant, prétendu fils de Louis XVI, le dauphin Louis XVII. Encore une légende que rien ne peut justifier..

Au commencement du siècle dernier, la p!6rre tombale portait encore ces mots « Ci gtt LouisCharles de France, né à Versailles. etc. M Le


gouvernement de la Restauration les fit effacer et remplacer par cette phrase: «Jamais on ne pourra dire, pauvre Louis, ce que tu fus à plaindre 1. »

CHERVINQES

A peine avons-nous quitté les faubourgs, aujourd'hui si peuplés, de Villefranche, que la vallée se resserre. Le Morgon,.endigué, coule rapide à travers les usines.

Voici le Grand-Moulin et ses minoteries,'ses immenses et hauts bâtiments éclairés par la lumière électrique jetée à' profusion, -& tous les étages.. Nous sommes à Chervinges que domine, à droite, un château. moderne sans caractère.

A gauche, derrière le colline, Limas, si coquettement'assis au pied de la montagne de Buizante et qui appartenait, jadis, à l'abbé de Cluny. Ce qui reste des bâtiments du doyenné est, aujourd'hui, la propriété de M. Châtillon.

Le château de Belleroche, si bien situé et qui domine les riches.plaines du Beaujolais, au nordouest de la commune de Limas, faisait partie de la; dot de la. troisième fille d'Huinbert V, laquelle avait épousé, en '1243, Aymar3 de Poitiers, comte .dç.Valentinoisi •'̃ citons encore le château de Saint-Fond, à notre gauche, naguère encore la propriété de M. le comte de Limas, et aujourd'hui à M. Casati-Brochiér. •̃•̃

Nous' laissons le village dé Gleizé à notre droite. C'est dans ce petit coin de verdure qu'est inorte, en décembre Mme Péricaud de 'Gravillon; fille du'célèbre Camille Jordan,


LIERGUES

La vallée devient riante la rivière dont nous remontons le cours, coule maintenant, habilleuse, sous un dôme de verdure, à travers les hauts peupliers. Notre train s'engage dans de riantes prairies, bordées de collines arrondies, peuplées de riches hameaux. Tout y respire le confort, l'économie et le bien-être.

La montée commence et Liergues s'offre à nous dans un rideau d'arbres verts.

Dès le XIII8 siècle, l'église de Lyon avait des possessions importantes sur cette commune. En juillet 1224, Guichard d'Oingt engage ses droits sur « Liergo » à Renaud de Forez, archevêque, de Lyon. Le 16 janvier 1317, Etienne de Liergues, damoiseau et son frère Jean reconnaissent tenir en fief, de l'archevêque de Lyon, leur maisonforte de « Liergos

Un de Montconis de Liergues joua un rôle important dans la « réduction de Lyon en l'obéissance du roy Henry IV ».

Je me garderai bien de vous parler de l'origine burlesque que certains auteurs attribuent au mot de Liergues: « liardgarde «, mais je vous prierai de visiter sa belle église du XV siècle, la plus belle peut-être de tout le canton d'Anse.

C'est à Liergues que le peuple de Villefranche s'empara de l'ouvrier huguenot qui aurait mis le feu au clocher de Notre-Dame-des-Marais et qui fut brûlé tout vivant sur la Calade.

Liergues est arrosé par le Merloux, affluent du Morgon, et marque déjà une altitude de 310 m.


'De .cette éminence, la vue sur. le Beaujolais et splendide.

A droite, le merveilleux château de Montmelas étale ses tours crénelées sur la vallée c'est un des plus beaux donjons que possède l'architecture militaire française de cette époque..

Liergues. L'église.

A gauche, c'est le riant village de Pommiers, que nous dérobent les vertes collines, ancien prieuré suffragant de l'abbaye de l'Ile-Barbe. Jadis les officiers de la prévôté de Villefranche devaient aller, tous les ans, à Pommiers, ouvrir les assises le jour de la Saint-Barthélemy, patron de cette paroisse, en présence de tous les habitants-propriétaires des environs.

La vieille église de Pommiers semblerait remonter au XIO siècle.


Notre route s'engage dans tes «ignobles)'- au milieu de riche; frondaisons. -Le Petit-Passeloùp- offre au curieux .sa vieille maison à croisillons • Les rampes des coteaux se peuplent de hameaux aussi nombreux que les accidents de terrains. Plus haut, le Grand-Passeloup aux pieds des bois d'Alix.

Ces bois furent, à la Révolution, le repaire de tous les bandits de la régibjn, qui détroussaient et « chauffaient » les voyageurs

C'est là que périrent les.derniers défenseurs de Lyon en 1793, les malheureux compagnons de Précy.

On avait persuadé aux paysans que les Lyonnais fugitifs emportaient avec eux toute leur fortune. Le massacre fut épouvantable ëfejes bois d'Alix conservent toujours cette triste page de leur histoire. Le citoyen Bonnier, commissaire aux grains à Trévoux, écrivait le 10 octobre, à son ami Bergier, du Comité révolutionnaire: La route des bois d'Alix est couverte de citoyens qui chassent les muscadins et en tuent un grand nombre ».

Chassons, nous aussi, loin de nous ce triste sôùvénirt

Le paysage nous invite, au contraire, à la gaieté. Lés' vignobles étalent leurs pampres chargés de raisins. Déjà se montrent les premières batteries de l'artillerie vinicole qui a si souvent protégé nos récoltes. Elles dressent leurs pièce, à la bouche béante, droit vers le ciel bleu qu'elles ne songent pas à menacer aujourd'hui. Nous allons les retrouver tout le long de notre promenade.


POUILLY.LE.MONIAL

Après une montée ardue, sur des pentes qui côtoient la vallée peuplée de sombres noyers, voici que paraît à gauche, en amphithéâtre, ses maisons escaladant la côte, Pouilly-le-Monial, pays au vin renommé, dans un stte ravissant.

Au hameau de Graves subsistent encore une chapelle et les restes d'un vieux château féodal datant de

La coule le petit ruisseau de la Pelouzière, sur un sol siliceux.

Pouilly-le-Monial était, avant :7go, du ressort de la Sénéchaussée de Lyon, justice de Liergues, de Jarnioux et d'Oingt. Le prieur de Montverdun nommait à la cure et les vieillards du siècle dernier sce souvenaient encore de Mme veuve Mogniat, dame de. Pouilly-le-Monial.

Son château, en 1210, appartenait au sire de Beaujeu.

Guichard III, en revenant de Çonstantinople, s'arrêta à Assise pour demander au glorieux SaintFrançois des moines pour son château de Pouillyle-Monial. Plus tard, ils furent installés au fameux couvent des Cordeliers de Villefranche où l'on pouvait lire jadis cette inscription:

Sache, 0 passant, qui que tu sois,

Qu'en ce lieu saint et solitaire,

Tu vois le premier monastère

Qu'on flet en France à saint François.

C'est dans les fossés du château de Pouilly-leMonial qu'Edouard II de Beaujeu, qui avait, nous


l'avons dit, enlevé à Villefranche, la fille de Guionnet de la Bessée, fit précipiter l'huissier qui'venait l'ajourner au Parlement de Paris, après l'avoir contrait d'avaler les sceaux de sa commission ce qui fit qu'Edouard II fut emmené prisonnier à Paris et y vit sa seigneurie confisquée et adjugée au seigneur de la Bessée.

Pouilly laisse admirer encore sa vieille église romane.

Le train siffle et repart; nous gravissons les pentes ardues qui nous conduisent à jarnioux. Le spectacle est ravissant. Le vallon se découpe sous un ciel sans nuage, étalant comme une col·v lerette dentelée, les belles cimes boisées de Chatoux, au bas desquelles dort Ville-sur-jarnioux, coquette bourgade.

Nous avançons à flanc de coteau, dans les vignes, au milieu d'un cirque de montagnes qu'envierait la palette d'un maître.

Partout la vigne s'étale et évoque à notre mémoire les vers incomparables de Pierre Dupont qui semble être venu là pour y puiser son inspiration à la cuve des braves vignerons beaujolais.

Cette côte à l'abri du vent

Qui se chauffe au soleil levant

Comme ttn vert lézard, c'est ma vigne.

Le terrain, en pierre à fusil,

Rdsonne et fait feu sous l'outil.

L'été, c'est une fiancée

Qui fait craquer son corset vert


Et, quand nous traversons ces coteaux, riches des espoirs du. vigneron,

A l'automne tout s'est ouvert,

C'est la vendange et la pressée

Par bandes nombreuses et joyeuses, les vendangeurs dévalent par les pentes, le coupeur avec son ̃jariot, le porteur avec son benot. La joie éclate partout.

La vigne est mère des amours.

-C'est que partout, dans la période critique des orages, ont éclaté aussi les canons.protecteurs qui se dressent, près de leur guérite, sur tous les sommets pour converger leur feux sur le nuage chargé de grêle, quand le signal vient du poste central. Quel riche paysl Quelle plantureuse. nature 1

La vigne s'attache aux fiance de la montagne, rouges de leur pierre d'ocre dont les carrières montrent de ci de là leurs flâncs éventrés par la mine. JARNIOUX

Au fond d'un coquet vallon, Jamioux étale ses maisons riantes à l'altitude de 390 mètres, autour de frais ruisseaux tributaires du Morgon.

Quelle est l'origine du nom de Jarnioux? Il est bien difficile de la préciser. On l'a appelé sudcessivenient Jarniot, Jarniost, Gerniost, Jarnieux, etc., etc.

M. Paul de Varax a écrit une étude très intéressante sur « La seigneurie de Jarnieux en Lyonnais


pe la ligne, nous découvrons .tout' d'abord l'église, moderne, coquette, cossue u même, avec sa belle flèche de 53 mètres de haut.

Sur la place que domine l'église, un beau tilleul et une fontaine monumentale surmontée du buste d'un. ancien .maire de la commune, Puis, tout en ,haùt,. couronnant cette jolie boutgade, le splendide château de Jarnioux,. vaste manoir gothique, restauré avec un goût scrupuleux par son propriétaire, M. de Clavière.

On y accède par'un sentier raide et sinueux qui a conservé l'aspect pittoresque des étroits chemins du moyen-âge.

,On franchit un pont de pierre remplaçant l'antique pont-levis et l'on parvient au pavillon d'entrée, orne d'un mâchicoulis portant les armes, des Henry accolées à celles des Gabiano, avec-cette inscription: « Jargnyeu et la date-da 1712. Deux petits bâtiments conduisent aux deux tours, l'une décoiffée, l'autre surmontée d'une flèche. On arrive enfin, par un large couloir, sur une terrasse. En face, le bâtiment principal du château, la chapelle seigneuriale, flanquée de deux tours l'une à mâchicoulis, coifFée d'un toit pointu, l'autre découronnée. Plusieus autres tours décorent encore ce splendide manoir. Certains bâtiments étalent leurs belles fenêtres Renaissance; à un angle se montre un joli cul de lampe du XVI* siècle.Enfin une tour gigantesque, servant sans douté autrefois de donjon à la vieille forteresse, la domine de toute sa.hauteur..

Le château était possédé, en par Louis de Gletteins; ses armoiries sont dans l'église. Plus


Le viaduc de Jarniottx.


tard, le château fut possédé par les Henry puis il passa au Menardeau de Bretagne, aux Lostange de la Balmondière. En 1782, le seigneur était M. de Planchai, qui lé transmit par alliance à la famille de Clavière.

Vu du beau viaduc qui enjambe le village, le seul travail d'art de la ligne de Villefranche au Bois-d'Oingt, le spectacle est ravissant.

Les maisons se serrent à nos pieds au fond du vallon. Beaucoup de fermes contiennent encore des grotesques du moyen âge d'un riche effet décoratif.

Nous quittons Jarnioux, après la halte de .la gare, à l'extrémité du viaduc et nous décrivons, dans les vignes, des courbes hardies, sillonnant les prairies, pour découvrir, en haut du vallon, Villesur-Jarnioux, aux pieds des montagnes noires du Chatou.

LA PEINIERE

Petite halte dans un hameau caché dans les vignes. fil. gauche le château de la Place, à M. de Lachapelle.

Le vallon se fait riant, profond. Nous laissons, à notre droite, une construction originale, avec ses pavillons ùt son jardin en terrasse.

Une nouvelle courbe audacieuse nous amène à Ville.

VILLE-SUR-JARNIOUX

Ici encore et partout les canons contre la grêle protègent de leurs arquebusades les récoltes qui


entourent les profonds cuviers, aux pressoirs craquant sous l'effort.

Le village dort dans un cirque de verdure, autour de son église au clocher d'ardoise pointu et de son manoir gothique. En face de la gare, la mairie et ses constructions massives.

Le train repart, siffle, souffle. La montée est dure à gravir.

Puis tout à coup le panorama se fait grandiose; nous découvrons à gauche, le Beaujolais tout entier, depuis les contreforts du Mont-Vejrduïi, protecteur de Lyon, jusqu'au Maçonnais avec, au fond, les méandres de la Saône, baignant Villefranche dont la flèche audacieuse pique le ciel; et, fermant l'horizon, les cimes des Alpes et du Bugey. Le tableau est splendide. Aussi loin que les regards se portent et se reposent, ce ne sont que vignes verdoyantes et pâturages plantureux. Par milliers s'étalent les hameaux et les villages, signes de la richesse du sol. Au nord, les monts du Beaujolais, aux noirs sapins.

THEIZÉ

C'est ainsi que nous parvenons à Theizé, perché tout en haut et dévalant par les pentes peuplées de vignes, pour asseoir ses dernières maisons sur la voie qui les traverse, avec la grande route de Villëfranche à Tarare.

À gauche, avant d'arriver au village, les deux hameaux de Cruix et de Ruissel.

Le château de Cruix appartient à Mme de Nettancourt, née d'Ailly.


Tout en haut, les ruines du château fort; sur une place, une vieille croix datant de 1563.

D'autres châteaux existent encore, plus ou moins bien conservés; celui qui fut élevée par le célèbre académicien Brossette, où séjourna Boileau en comme le rappelait une inscription qu'on remarquait à Beauvalon, sur la pierre d'une fon taine.

Theisé. Le chdteau de la Platière.

Puis le château qui appartint à M. de Roche bonne, gendre de Mme de Sévigné. C'est de là qu'elle écrivait à Mme de Grignan, sa fille: « Je vous écris d'un chien .de village, à cinq lieues de Lyon. » Sous quel œil avait-elle pu voir Theizé, pour en dire tant de mail

Theizé, ayant la Révolution, dépendait de la vicomté d'Oingt.. .̃̃.


Enfin, on ne peut passer au hameau de Boitier, à gauche, près du château de la Platière, sans songer avec une émotion profonde, au ministre de qui naquit à Theizé en août 1742, et dont tout le monde connaît la fin tragique, ainsi que celle de sa sublime femme.

Le château appartint ensuite à M. de Champagneux, gendre de Roland de la Platière.

FRONTENAS

La voie monte laissant à gauche les mamelons boisés de F.rontenas et la petite chapelle de SaintHippolyte, près de la fontaine du Bon-Pasteur, dans le bois d'Alix.

Un manuscrit du XVIe siècle veut que cette chapelle ait été construite sur le lieu où furent taillés en pièce par les Francs-Chevelus les Sarrazins repoussés par Charles Martel.

A côté de la tradition, voici la légende: Un beau jour, les habitants de Frontenas, désirant posséder la statue de Saint-Hippolyte, la firent- enlever; mais au moment de passer la petite rivière du Merloup à Beauvalon, le saint sortit de dessus les épaules de celui qui le portait et se rendit en toute hâte à la chapelle.

Ce que voyant, les Frontenais renoncèrent à leur projet.

Les guerres et la peste ayant décimé la contrée, la chapelle tomba en ruines elle fut réédifiée en 1662, ainsi que le prouvait une inscription placée


au-dessus de la porte d'entrée, présentant les initiales C. M., attribuées à Claude Meyssonnier.

Frontenas. L'église.

BAGNOLS

Bagnols, sur un piton, possède son vieux manoir du XVIe siècle, aujourd'hui à M. du Chevalard, jadis à M. Camus, échevin de Lyon.

La commune est arrosée par la Goutte-Bois-Dieu


et la Charbonne, affluent et sous-affluent de l'Azergues.

D'où vient le nom de Bagnols ? On le fait dériver de Baigneulz, du latin « Balneolis petits bains. Il dépendait, à l'origine, de la seigneurie d'Oingt.

Frontenas. Vue d'ensemble.

En j22o, Guichard d'Oingt, co-seigneur de Châtillon, pour fortifier le village, emprunta 11.000 sous forts à Renaud, archevêque de Lyon, et.fit continuer l'enceinte.

La seigneurie de Bagnols passa, au XVI, siècle, à la famille de Balzac.

La il Chronique de Benoît Maillard » nous apprend que Charles VIII, venant pour la seconde fois à Lyon « s'arrêta à Bagnols le vendredi qui fut l'avant-dernier jour d'octobre de l'an 1490; en cette année, le bon vin valut trente six gros deux francs de monnoie, le froment 8 gros, le seigle 6 gros, ».

A l'intérieur du château, on montre, dans la


salle des Chevaliers, une fort belle cheminée du style ogival, et des panneaux attribués à Michel Ange. On y montre également la chambre où séjourna Mme de Sévigné.

On fait remonter la fondation de l'église de Bagnols au XIVO siècle.

La ligne monte toujours, nous découvrant un splendide panorama sur les plateaux du Beaujolais.

MOIRÉ

Nous parvenons à Moir6, petit village. dans les vignes.

A droite, dans le haut, Oingt, avec son vieux château, estompe sur le ciel bleu sa grande silhouette.

En 1780, le seigneur de Moiré était M. de Nervo; il partageait la seigneurie avec M. Croppet de Varissan et l'archevêque de Lyon.

Nous arrivons à une altitude de 52o mètres.

La ligne pénètre en tranchée dans la montagne et, après de nombreux lacets, arrive au Boisd'Oingt.

LE BOIS-D'OINET

Le Bois-d'Oingt, « Buxum Iconium est cité pour la première fois, en 1030, dans un cartulaire de l'abbaye de Savigny.

Nous aurons l'occasion d'y revenir encore dans notre Qxcursion de Lozanne à Paray-le-Monial. Sur la crète, Oingt et.son château-fort, berceau d'une antique famille et qui, en 1562, fut pillé et. ruiné parle fameux baron des Adrets.


Le fief de Prony a fait l'objet, en t86z, d'une monographie intéressante.

Dans l'église du CI Bouys-d'Oin fut inhumé, en u noble homme Antoine de Tanay, seigneur

Le Bois-d'Oingt. Le Marché.

du château de la Grange de Tanay » qui se voit, de nos jours, sur la hauteur.

Le village du Bois-d'Oingt, que traverse la grande route, est très coquet. Il est peuplé de riches villas, de propriétés bien ombragées qu'encadrent


de riants jardins. L'église, toute moderne, s'étale, près d'un bel hôtel, sur la place. Une pente rapide, nous conduit au Moulin du Pont-Chabost, dans la vallée d'Azergues, où le chemin de fer de Tarare à Villefranche coupe la linge de Paray-le-Monial à la gare du Bois-d'Oingt-Légny.

• Libre au pfBmeneur de choisir l'une ou l'autre de ces deux routes.

Il est sûr de rencontrer partout des paysages spfendides à contempler et le plus chaleureux accueil.

Le Bois-d'Oingt surmonte la colline, à droite, de son clocher aigu qui domine l'ancienne place

Le Bois-d'Oingt. Chdteall de Tanay.

du Plastre où vers le commencement du siècle dernier, s'élevait encore un antique tilleul de Sully dont les années ont eu raison de la vigueur. Là aussi se dressait il y a cinquante ans, la vieille tour, dernier vestige du château; et l'on vous montre la pierre sur laquelle s'érigeait jadis la potence des justiciers.


Est-elle bien authentique ? Je l'ignore et préfère le croire.

Pour donner à la place- du Piastre un plus correct alignement, on démolit, vers la tour et la vieille halle branlante qui subsistait encore, unique souvenir du château des seigneurs du Boisd'Oingt. Son dernier possesseur fut Giraud de Vlontbellet de Saint-Try qui, par alliance, avait

La ligne au-dessus du hameau.de Saint-Paut.

succédé à la fameuse famille des Croppet de Va. rissan.

Montbellet portait: de gueules, au mors d'argent, à la bordure douchée d'or. Les armes du Bois. d'Oingt sont: de gueules à l'arbre arraché d'or, à la face d'asur brochant et chargé de trois étoiles d'argent.

En 1789, des énergumènes avaient tenté déjà d'incendier le château pour le piller. En 1793, les


BANQUE BROCARD FONDÉE EN IS6O

Société anonyme française. Capital 2.500.000 fr. 9, rue Prêsldent-Carnot, 9 LYON

ACHAT ET-VENTE DE

Toutes Valeurs de Bourse au Tarif légal

PAIEMENT SANS FRAIS DE TOUS COUPONS A leurs prix nets, sans retenue d'aucune sorte En outrera Banque Brooard paie avec Primes un certain nombre de Coupons

Dépôts de fonds à vue et à échéances flxes. Garde de titres. Renseignements flnanoiers. Assurances. Eohanges de Titres. Recouvrements.

Le Journal LA RENTE, 6 fr. par an, organe de la Banque Brocard, 24 pages de texte tous les dimanches, est envoyé gratuitement pendant un mois sur demande affranchie.


mêmes individus reparurent et, cette fois, ils purent accomplir leur oeuvre dévastatrice.

« Depuis, ajoute M. l'abbé Bérard, dans son « excelente étude, Le Bois-d'Oingt à travers les « âges, le temps a continué l'œuvre des révolution1\ naires et successivement, ont disparu toutes les « traces de cette antique citadelle. Aujourd'hui, il « ne reste plus que le souvenir de la gloire et de la puissance des anciens maîtres du château. « L'emplacement est à peine marqué par quelques « débris d'épais remparts et de gros bastions qui servent d'habitation à quelques familles. Le reste « a été dispersé aux quatre vents et les motifs de « sculpture disparaissent, encastrés ça et là dans « les banales murailles de constructions particu« lières ».

Ajoutons aux vestiges des siècles passés, le choeur de l'ancienne église, fondée, au VII, siècle, sous le vocable de Saint-Martin et qui sert aujourd'hui de mairie et de justice de paix.

Mais déjà la vapeur nous emporte dévalant avec rapidité les pentes ardues qui vont nous amener aux Ponts-Tarrets.

Au carrefour formé par la route de Légny, la Grande-Rue et la.route des Champs-Blancs, nous voyons encore la vieille chapelle de Lorette, qui protégeait, au siècle dernier, l'ancien cimetière d ce nom. Elle avait dû être construite vers la fin du XVIIIO siècle par la confrérie des Pénitents-Blancs. Mais le cimetière datait du XVI' siècle; il avait été ouvert pour recevoir les corps des malheureux atteints, en par la peste qui ravagea le Lyonnais et en particulier la paroise du Bois-d'Oingt.


Aujourd'hui une place s'ouvre sur le terrain de l'ancien' cimetière de Lorette; là a été érigé et inauguré, le ier juin 1902, le monument élevé à la mémoire des soldats du pays, morts en pour la défense de la Patrie.

Notre train s'enfonce rapidement dans la vallée. A droite^ sur un petit monticule dominant le Bois-d'Oingt, le hameau des Ifs, rappelant les arbres superbes qui en couronnaient autrefois les crêtes, puis les Rats ou a chez les Rats » Tsi lo Rats, en souvenir de la famille des Rats qui l'habitaient au XVQ siècle.

A gauche, le fief de Tanay, ancienne maison forte intéressante encore par son histoire et par ses curieuses ruines. On retrouve, au XIVO siècle, des traces de l'antique famille de Tanay, qui, éteinte vers i5oo, passa le domaine aux mains de la famille d'Ars, jusqu'à ce que, vers il arriva en propriété à François de Chevrières, seigneur de la Flachère, qui prit également le titre de seigneur du château de la grange de Tanay.

Le propriétaire du château de la Flachère, M. le marquis de Chaponay, vendit, il y a quelques années, le domaine de Tanay; l'ancien château dont il ne reste, autour des bâtiments, que deux viéilles tours assez bien conservées, appartient à M. Romier, de Moiré.

Nous arrivons très rapidement à Légny.


Légny.


LÉGNY

A vrai dire, rien ne nous intéresse beaucoup dans la traversée de ce village si ce n'est la vue ravissante que nous avons, de son plateau, sur tout le cours inférieur de l'Azergues.

Vous n'ignorez pas que l'ancien Lagniacum était autrefois annexe de la paroisse du Boisd'Oingt, ressort de la sénéchaussée de Lyon. Les seigneurs hauts justiciers étaient naturellement les Croppet de Varissan, de l'antique famille originaire de Cologne, qui sauvèrent, en 1562, le trésor de la cathédrale de Lyon de la rapacité des soldats du baron des Adrets, en le cachant dans leur puits de la rue du Bœuf. Le dernier des Croppet mourut à Lyon, en 1784, dans son hôtel de la rue Boissac, aujourd'hui hôtel du Gouverneur de Lyon.

Le dernier seigneur de Légny fut le même que celui du Bois-d'Oingt, Giraud de Montbellet de Saint-Try.

Une assez grande place s'étend au milieu du village dont le clocher aigu perce le ciel.

Par des lacets audacieux, notre ligne arrive dans le fond de la vallée, aux Ponts-Tarrets, lieu de croisement de la ligne de Villefranche à Tarare avec la ligne de Lozanne à Paray-le-Monial. Quelle fraîcheur charmante dans ce nid de verdure qu'animait jadis l'activité joyeuse des lourdes diligences, des camions pliants sous leurs chargements, le claquement des fouets, l'appel des charretiers et qu'empanache aujourdhui la vapeur Le


spectacle de ce coin de l'Azergues est délicieux; hôtels et cafés se pressent autour du pont, comme pour en défendre l'accès. Tout auprès la gare du P.-L.-M. déverse dans le pays ses flots- de voyageurs, commerçants, vignerons ou touristes.

Voici le moulin des Tuileries nous avons franchi l'Azergues, qui roule en cascadant sous ses hauts peupliers.

A gauche, à droite, les montagnes toutes verdoyantes nous dominent, nous écrasent; le spectacle est ravissant.

A droite, caché dans les bois, c'est Saint-Vérand et, commandant la vallée, le merveilleux château de Laflachère.

UUCAliSE] 97, Rue de VHÔtel-de-YiUe, LYON (En face de la Poste)

Costumes, Confections, Modes, Lainages DRAPERIES, SOIERIES NOIRS ET COULEURS

Spécialité de Costumes et Confections tailleur

COMPTOIR SPÉCIAL DE DEUIL

TÉLÉPHONE 2-69


LES TUILERIES, LA FLACHÈRE

Si l'arrêt du train nous offrait plus de loisir, je vous dirais de m'accompagner dans une course à travers bois, en traversant le ruisseau du Souanan qui va grossir l'Azergues aux Ponts-Tarrets; et, par des racourcis. hardis, je vous conduirais là haut, sur ce mamelon ombreux où s'étale le château de M. le marquis de Chaponay.

Le village de Saint-Vérand repose, lui, plus haut et plus au nord, dans les bois, à près de 5oo mètres d'altitude. On trouve des traces de son origine vers dans un accord intervenu d'après Aubret, entre Guillaume de Thizy et Humbert III de Beaujeu, au sujet du château de la Garde, qui commandait le pays et dont on remarque les vieilles constructions, plus haut, en allant vers Ternand. Dans les archivez de ce castel, on aurait retrouvé, dit-on, un acte daté du 17 octobre 1639, concernant 'le baptême de Louis de Crémau de la Grange, qui eut pour parrain le roi Louis XIII. Mais le fief qui nous occupe, parce qu'il est un des plus grands attraits de notre promenade, c'est celui de Laflachère. Son nom a été écrit 3e diverses façons, suivant les époques. C'est ainsi que dans Les Mtssures de l'lle-Barbe, de Le Laboureur, nous trouvons, tome premier, page 483, l'hommage fait en 1306, par Gillet de Fleschère, damoiseau, à léglise de Saint-Vérand d'une somme de quarante sols viennois, pour droit de sépulture. Plus loin, même auteur, nous relevons le testament fait, le z octobre 1418, par noble Antoine d'Arcy, damoiseau en sa maison de la Flaschière, déclarant qu'il


veut être enseveli au cimetière de Saint-Vérand, dans le tombeau de sa famille. C'est alors que le château passe à la famille de Parange, dont la dernière héritière, Claudine de Parange, l'apporte en dot, en 1684, à François de Chevrières, qui le cède, à son tour, en 1726, à Dominique Verdier. Celui-ci a pour successeur, en 1763, Durand, baron de Chatillon-d'Azergues, conseiller, secrétaire du

Pont sur l'Asergues aux Ponts-Tarrets.

roi, au prix de dix-sept mille cinq cents livres, suivant acte passé par devant W Fornas, notaire au Bois-d'Oingt. Les armes des Verdier de Laflachère étaient d'azur, au chevron d'argent, accompagné de trois pins arrachés d'or; au chef d'argent, chargé de trois étoiles d'asur,

La Révolution ayant fait son oeuvre à Laflachère comme ailleurs, le vieux manoir démembré tom-



bait avec ses terres, aux mains de la famille de Chaponay. Nous n'avons pas à nous étendre sur les origines de cette famille qui a donné tant d'hommes célèbres à Lyon, depuis Ponce de Cha.ponay, fameux par son commerce étendu au delà de l'Europe, vers le commencement du XIII" siècle, qui traita plusieurs fois avec le roi et n'était connu outre-mer que sous le nom de Ponce de Lyon, jusqu'aux représentants si estimés de cette famille de nos jours.

En 1401, nous trouvons Antoine de Chaponay, un des douze conseillers de ville de Lyon, chatelain de Tassin.

Gaspard de Chaponay fonda, d'après Pernetti, la chapelle de Saint-Jacques où se tinrent autrefois les assemblées du corps de ville de Lyon. En i56o, Robert de Chaponay, chevalier de Malte, âgé de 16 ans, est tué par les huguenots à la prise de Mailly, près d'Auxerre..

Humbert de Chaponay, seigneur de l'Isle-Méan, Beauregard.èt la Chartonnière, est, en 1634, avocat du roi, lieutenant général de la sénéchaussée, intendant du Bourbonnais et ensuite de Lyon.

Nous trouvons, en 1628, François de Chaponay, sieur de Feyzin et Bellegàrde, chevalier des ordres du roi, prévost des marchands de Lyon.

En 1677, Balthazard de Chaponay, seigneur de l'Isle-Méan, est prévost des marchands, après Philibert de Masso et avant Thomas de Moulirau. Citons encore Guidone de Chaponay, abbesse de N.-D. de la Déserte, à Lyon.

La nomenclature de cette famille si illustre serait trop longue pour notre cadre.

Le nouveau château de Laflachère fut construit


par Violet-Leduc; il est un des plus beaux de la région, style XV" siècle; avec ses tours à entonnoirs, surmontée de gracieux clochetons et ses toits hardis qui se détachent sur le fond sombre des bois. Un parc magnifique l'encadre. Sa terrasse domine tout le pays environnant; la vue s'étend depuis les Echarmeaux jusqu'à Oingt et sur la plus grande partie de la riante vallfée d'Azergues.

LE BREUÎL ET LE

VIADUC DES TERRES GRASSES

Le fait seuls qu'il existe des tuileries dans cette coquette vallée qu'arrose le Souanan, qui roule des hauteurs de Saint-Apollinaire, nous explique pourquoi fut ainsi baptisé le viaduc des Terres-Grasses. Derrière un replis se cache le Breuil, Brogilum, ancien domaine de la famille Cholier de Cibeins. Pourquoi ne pas pousser de ce côté, sur notre gauche, une pointe d'excursion?

Le village a son intérêt, croyez-moi, avec les ruines de son château du XIV- siècle. Si l'on en croit un cartulaire de l'abbaye de Savigny, le Breuil, avec sa vieille église, restant d'une chapelle du château, remonterait au moins à 96o, puisqu'une charte de 963 mentionne une donation à l'abbaye des biens possédés au Breuil par un nommé Arnufe et sa femme Suaneburge.

Vers 1364, Le Breuil fut dévasté par les TardsVenus du fameux Séguin de Badefol. A ce propos, la Bibliothèque Nationale possède le manuscrit de l'Archevêque de Lyon qui donne, en 1365, la « ré-


conciliation » de l'église du Breuil, souillée par les Compagnies.

La seigneurie du Breuil appartint aux de Varennes, puis aux de Faverges, enfin aux de Cibeins.

Au lieu des Granges, assez loin de notre route, sur l'autre rive de l'Azergues, se trouve le château de l'ancien échevin lyonnais Rast de Maupas, aujourd'hui propriété de la famille de Rambuteau. Vous voyez bien que l'évocation de tous ces souvenirs de notre histoire, valait ce léger écart. Nous avons quitté, sans retour, la délicieuse vallée de l'Azergues et nous roulons maintenant entre les dernières cimes des monts du Lyonnais et les premiers contreforts des montagnes du Beaujolais.

Notre ligne nous entraîne à travers bois, laissant Magny, à droite, ancien château féodal, sur la route de Villefranche à Tarare.

C'était, à la Révolution, une dépendance du château de Laflachère. Agno de Magny est cité dans le cartulaire de Savigny, en 1705. On trouve un Nagu de Magny en 1374; puis le château passe, en 1676, à Philibert de Chevrières. Il appartient en 1726, à Dominique Verdier; en 1753, à Croppet de Varissan.

Encore un effort de la machine; nous sommes à Sarcey.

SARCEY

Le pays est agréablement ondulé et vallonné, coupé de bois et de riches cultures. Sarcey est assis au sommet du plateau, à 360 mètres d'altitude


et domine ainsi toute la vallée de Souanan.' Le paysage est charmant, au milieu de splendides horizons. D'un côté, les montagnes sévères de Tarare et du Haut-Beaujolais, le profil de la chaîne du Lyonnais, le crêt de Popey, l'Arjoux, la chapelle adoucies de l'Azergues, le château de Laflachère, de Saint-Bonnet-le-Froid; d'un autre, les collines les ruines féodales d'Oingt et de Chatillon, et, dans le lointain, par delà les coteaux de Fleurieux et d'Fveux, les sommets verdoyants du Mont-d'Or. On ne peut imaginer plus gracieux belvédère. Sarcey, qui s'enrichit de son commerce de tuile-

Sarcey.

ries, est aussi un centre important de tissage des soies.

Avant la Révolution, il dépendait de Bully, justice de Saint-Forgeux, Magny, Bagnols, ressort de la sénéchaussée de Lyon, du marquisat d'Albon. Aujourd'hui, c'est un riche et gai village de 87o habitants, où tout respire le bien-être procuré par le


travail. Une grande rue traverse le village, coudée par son église sans caractère.

Le train part; nous rejoignons bientôt la route nationale de Lyon à Tarare, qui longe, à gauche, les contreforts de la montagne sur laquelle s'étend le village de Saint-Romain-de-Popey, ancien fief de Guillaume de Varey, maître drapier et échevin de Lyon en 1306.

Sarcey,.

A travers les bois, nous distinguons la vieille tour romaine de Vaienne et, tout près de nous sur notre gauche, le château d'Avauges, qui domine la route, entre la Turdine qui coule à ses pieds et le ruisseau de Batailly.

Hélas toutes les fortifications du vieux manoir qu'avaient habité les d'Albon et les de Vàrenne


ont été rasées pour faire place à un château moderne.

C'est au sud du village que fut décimée la petite armée de Précy, cachée dans les bois de l'Arjoux et du Popey. Les soldats de la Convention, guidés par des paysans, trouvèrent les fugitifs dans les bois des vallons de Varenne et, après les avoir mis à mort, les enterrèrent, non sans les avoir dépouillés, dans le lieu même où ils les avaient massa crés.

On retrouva leurs ossements, il y a peu d'années, dans des défrichements.

Mais les paysans dénonciateurs avaient mis en sûreté les fortunes trouvées sur les Lyonnais mas sacrés lâchement par eux, d'où le nom de « Muscadins » donné par mépris à quelques familles de la région.

Nous avons hâte de quitter ce lieu de deuil, qui évoque tant de tristes souvenirs, malgré la splendide végétation qui l'entoure. La petite route qui descend de Varenne nous conduira directement au joli village de Saint-Forgeux, où nous arriverons après une ravissante promenade à travers les bois de chênes.

SAINT.FORGEUX

L'ancien fief seigneurial des d'Albon n'a conservé de son antique splendeur que ce qui nous reste dans nos chroniques. C'est aujourd'hui un village propret, plein de vie et de bien-être, où la culture et le tissage apportent leurs ressources si diverses. La vieille église, avec son clocher pointu et sa niche de la Vierge qui domine le porche, sur une


place complantée d'arbres, est tout ce qui subsiste du château féodal qu'entourèrent jadis d'épais remparts. Elle est sous le vocable de Saint-Ferréol, qui est représenté à cheval en bas-relief sur le portail ogival, celui de l'ancien édifice religieux, dit-on.

Saint-Ferréol, par corruption, a fait Saint-Forget, Saint-Fargeux, enfin de nos jours, Saint-Forgeux. Quelles variantes aura-t-il encore à subir dans les siècles à venir? On retrouve des traces de cette commune dans les chartes du XIIG siècle.

Saint-Forgeûx.

Le Torrenchin coule à ses pieds avant de rouler sous ses rideaux de verdure pour se perdre enfin dans la Turdine.

Je signalerai au promeneur le tombeau avec chapelle de la famille dAlbon, dont le château, s'élevait, suivant la tradition, sur la montagne de la Duise, au sud-est du village. Saint-Forgeux abrita l'illustre famille des Talaru qui donna à Lyon plusieurs chanoines et un archevêque et


posséda en Forez, depuis le XIV" siècle, de nombreuses seigneuries. La famille s'est éteinte en avec le marquis de Talaru-Chalmazeli ancien ambassadeur de France en Espagne.

Une autre seigneurie de Saint-Forgeux, celle de Ronzière, avait appartenu à la famille d'Arod et à Jean de Chavanes, écuyer en 1646.

Voilà tout ce que la chronique nous conte sur. Saint-Forgeux.

Mais allez, comme moi, rendre visite à'ce jofi village et vous reviendrez ravis.de cette promenade. Vous pourrez si le cœur vous en dit, pousser directement, par les bois, de Saint-Forgeux à Pontcharra que nous retrouverons à son heure; une course à travers bois par la Chartonnière nous ramène au château d'Avauge où nous franchissons la Turdine, avare de ses eaux, pour retrouver à la Croisette, où passa Napoléon triomphant à son retour de VIle-d'Elbe, notre train qui va nous arrêter aux Olmes.

LES OLMES

Comme les autres villages de la vallée de la.Turdine, les Olmes sont assis au milieu des vallons. C'est le petit ruisseau de Goutte-Pouilly qui l'arrose au couchant. Son altitude est assez élevée, puisque ses crêtes, du côté des hauteurs 'de Saint-Loup, dépassent l'altitude de 400 mètres. Encore une agglomération toute entière adonnée aux travaux de l'agriculture et au tissage.

On tire son nom âeUlmis, du latin Ulmus, orme, à cause d'une immense forêt de cette essence qui couvrait jadis ses coteaux. Les Olmes étaient rat-


tachés autrefois à l'élection de la sénéchaussée de Lyon, justice de Saint-Forgeux. Le cellerier de Saint-Laurent-d'Oingt nommait à la cure. La paroisse dépendait, comme tant d'autres des envi rons du marquisat d'Albon.

L'abbaye de Savigny en fit l'acquisition en 1257. En 1265, les seigneurs étaient Geoffroy et Josserand de Chanzé. En nous y trouvons Guillaume de Dully, damoiseau.

Ce sont les seuls souvenirs historiques qui signalent Les Olmes à nos chroniques.

Mais ce qui nous frappe aujourd'hui, c'est sa situation heureuse, à mi-coteau des hauts sommets garnis de chênes, d'où la vue s'étend reposée sur Sarcey et sur Pontcharra, jusqu'aux montagnes de Tarare.

Nous arrivons ainsi, charmés par la douceur verdoyante du paysage, à Pontcharra, si pittoresquement assis sur la Turdine qui vient y grossir le Torrenchain.

PONTCHARRA-SUR-TURDINE

Voici un des centres ouvriers les plus intéressants des montagnes, avec sa longue rue bordée de hautes maisons aux balcons surplombant la rivière, véritable ruche de « canuts ».

Entouré de luxuriantes montagnes, Pontcharra offre le spectacle d'une cité tout entière livrée au travail. Par chaque fenêtre entr'ouvre s'échappe le (c bistan-clac-pan » des métiers de soierie. quand l'industrie, hélas ne condamne pas ses habitants à de trop durs chômages. Partout vole la


navette et frappe le battant. Deci, delà, des maisons aux larges auvents laissent voir les minois joufflus de toute une petite « marmaille », heu-

La Turdine d Pontcharra.

reuse de vivre, tandis que'la « Jacquard » s'anime dés bras robustes des tisserands.

Toute la vie de Poritcharra est due à son excel-


lente situation sur la grande route entre Lyon, l'Arbresle et Tarare, que le chemin de fer du Beaujolais à réunis à Villefranche. Aussi sa population s'est-elle accrue et arrive-t-elle au chiffre de près de 2.000 habitants. Quand on songe qu'au siècle dernier, ce n'était qu'une simple bourgade de la paroisse de Saint-Loup I Ce ne fut que le 7 septembre 184o, qu'une ordonnance royale en fit une commune indépendante. Avant la Révolution, Pontcharra dépendait du marquisat de Saint-F'orgeux; on y voyait encore une vieille chapelle et une commanderie de Malte.

Le bourg est formé, nous l'avons dit, d'une longue tue sur laquelle s'alignent les façades des maisons dont le côté opposé est baigné par la Turdine. Des balcons de bois s'élèvent au-dessus de la rivière et iorment une perspective des plus pittoresques. Mais l'eau manque souvent, ou arrive souillée par les usines de Tarare. On se demande alors comment on ait pu songer, d'après certains chroniqueurs, à y installer jadis une école de natation où dit-on, cet état y était enseigné « avec une scien'.e pratique par un homme auquel l'humanité doit vingt-sept actes de courage,». J'ai peine à croire que jamais on ait pu faire le plongeon dans la Turdine sans s'y briser le crâne. Les temps sont donc bien changés 1 fe préfère ajouter foi à la vertu de ses eaux minérales, puisqu'elles découleraient d'une source située à quelque distance de nous. Peut-être celle-ci descend-elle de la "Croix-de-Ronzière, qui nous domine, à gauche, vers Saint-Marcel, de son altitude de 750 mètres ou du Monf-desFourches, vers Saint-Forgeux, fier de son altitude de 637 mètres?


G° BAZAR terreaux

DE VILLE Plaoe des Terreaux

Rue d'Algérie et Rua ConstanMe

EXPOSITION PERMANENTE

DANS LE

HALL MONUMENTAL UNIQUE A LYON

Passage des Terreaux

ASSORTIMENTS CONSIDÉRABLES

Articles de Paris, Parfumerie

Jouets, Papeterie

Porcelaines, Ménage, Literie Ameublements, Chaussures

Bonneterie, Linoléum

Brosserie, Sparterie, Chapellerie Modes; Confections

Bon fflapehê ineompapable

TÉLÉPHONE 2B-43

ENTRÉE ABSOLUMENT LIBRE


Près de nous, signalons le Pré-Armé, où les Autrichiens établirent leur camp, en z8z5, et le hameau de Miolan qui, d'après Vincent Durand, l'historien si apprécié de « La Diana », dont l'éminent sculpteur lyonnais Millefaut nous a conservé

Pontcharra. L'église.

les traits dans le bronze, serait le Médiolanum de la carte de Peutinger; du reste, le calcul des distances semble correspondre parfaitement à cette indication.

Pour donner satisfaction à ceux que cette indication pourrait intriguer, disons que cette carte est ainsi désignée du nom de son plus ancien posses-


seur connu, Conrad Peutinger. Elle est composée d'un assemblage de plusieurs peaux de moutons (22 pieds de long sur un pied de large); c'est la copie d'une carte dressée sous Théodore et, parce fait, connue aussi sous le nom de table théodosienne, dressée elle même d'après la carte d'Agrippa, en l'an 260 de notre ère. Ces indications suffisent à vous montrer l'ancienneté des bourgades que nous parcourons et leur importance dans l'histoire.

Pontcharra a été gratifié par le C. F. B. de deux haltes.

En quelques minutes nous voici au Pied deVindry, d'où une route sinueuse et grimpante nous élèvera au besoin en pleine montagne, à droite, vers Saint-Loup.

SAINT.LOUP

Quelle vue merveilleuse s'étend sur la vallée du haut de ce village encadré de bois splendides I Dv Pied-de-Vindry à Saint-Loup, la route serpente à travers les collines, puis s'élève par un lacet rapide, pour arriver en plein hameau des Places, principale agglomération de la commune. On peut affirmer que ce coin des montagnes du Beaujolais est totalement inconnu des promeneurs, des touristes. Et, cependant, comme il serait digne d'être fréquenté par eux 1 L'air y est pur, on l'aspire à plein poumons. A notre droite, la montagne de Tarare étale ses hautes frondaisons. A nos pieds, dans le fond de la vallée, coule la Turdine, que longent la route nationale, le chemin de fer du P.-L.-M. et" la


ligne du C.-F.-B., portant la richesse dans toute cette contrée laborieuse.

Saint-Loup appartenait jadis au marquis d'Albon, prince d'Yvetot, qui possédait dans la paroisse l'ancienne maison forte de Vindry dominant Pontcharra, son antique dépendance. On voit le vieux castel, à droite, sur la route du village; il est entouré de murs, de fossés. Son entrée est défendue par un pont-Levis jadis garni de machicoulis. C'est là que les religieux de la riche ubbaye de Savigny

Halte de la route de Saint-Loup.

renfermaient les produits de la dîme et venaient chercher avec leurs sujets un abri sûr, pendant les guerres, contre les entreprises de leurs voisins. Vindry dépendait lui-même du château d'Avauge, où nous avons fait halte il y a quelques instants. Dans l'église de Saint-Loup, le fond du. choeur est entouré de boiseries attribuées Chabry, sculpteur sous Louis XIV.


De l'autre cô.té de la vallée, tout en haut, sur les crêtes qui dominent Tarare, voici les monts boisés d'Affoux, qui nous dérobent, sous leurs futaies, Saint-Forgeux et le mont des Fourches, Saint-Marcel et la Croix-de-Ronzière.

La vue se promène, sans se fatiguer jamais, à travers ces replis de montagnes, où la nature s'est généreusement dépensée, où tout respire aujourd'hui l.e bien-être et la vie, où, il y a un siècle à peine, on ne passait qu'avec terreur. Aujourd'hui, tout rit dans le paysage, les prairies sont coupées deci, delà, de cultures, entourées de bouquets de sapins noirs, refuges des tourterelles et des merles siffleurs; au flanc des coteaux s'accrochent de florissants vignobles qui en couvrent les pentes au loin quelque gros bourg groupe ses toits rouges autour de son église dont la sonnerie des cloches alterne avec le battant dès métiers à tisser. Cette association de l'agriculture et de l'industrie vaut au pays son aspect heureux.

Nous ne quitterons pas Saint-Loup sans rappeler la légende d'Isabeau de Sugny, qui vivait, dit-on, dans cette paroisse en 1613, la femme aux deux têtes, qu'il ne faut pas confondre avec la femme sans tête de Tarare et dont le souvenir est encore à l'état de tradition très vivante dans la contrée. Elle rappelle en tous points la légende de la dame de Chamelet.

Isabeau de Sugny faisait, paraît-il, de nombreuses libéralités pour obtenir de Dieu que ses deux têtes mourussent en même temps. Elle demeurait à Vindry et donna à messire Chambost, curé de SaintLoup « une maison haute, moyenne et basse, nouvellement construite et pourvue de tout, avec


grange, étable, suel, jardin et aisances, le tout joignable et proche l'église et le cimetière, à charge par ledit messire curé, de dire chaque dimanche, à la fin de la messe paroissiale, un de pofundis, pour celle, sans la nommer, qui donna l'habitation du dit curé et de ses successeurs.

Nous consignons la donation en laissant sa valeur et son origine à la légende.

Maintenant rien ne nous retiendra plus jusqu'au but de notre promenade. Longeant la route nationale, qui, en droite ligne, en palier, s'enfonce dans la vallée, laissant à droite la montagne du bois du Four, nous arrivons à Tarare, la ville de « la sainte mousseline » comme l'a dénommée un de nos auteurs dramatiques, lorsqu'il essayait de ramener le luxe effréné de notre époque à la simplicité des temps où ce frêle eut blanc tissu était la parure si enviée.

TARARE

Croirait-on que cette petite ville de 17.000 âmes, à peine, fait travailler autour d'elle, plus de 60.000 ouvriers, représentant avec les femmes et les enfants une population de 25o.ooo habitants, plus que Roubaix et Tourcoing réunis Mais, chez nous, au contraire du Nord, les ouvriers sont répandus dans les montagnes de la Loire et du Rhône, on en trouve jusqu'en Saône-et-Loire..

Cependant avec sa population restreinte, ses clochers massifs, ses hautes cheminées d'usines sans cesse empanachées, ses rues si vivantes, surtout quand la sortie des ateliers jette sur leur pavé


une foule grouillante et gaie d'ouvrières jeunes et coquettes, Tarare, qui dort au fond d'une des val-

La Turdine à la sortie de

lées les plus profondes du Lyonnais, dominée à plus de 400 mètres par de hautes et sévères montagnes,


nues et boisées de sapin, conserve un certain caractère de grandeur. Ce caractère s'accentue encore quand on y pénètre par la nouvelle gare du C.-F.-B., de préférence à l'antique gare du P.-I;M. Voulezrvous qu'avant de nous égarer dans la ville nous causions quelques instants de son origine, de son histoire, de ses chroniques? Nous serons mieux à l'aise pour remarquer plus tard ce

Le viaduc de Tarare.

qui, dans notre promenade, devra piquer notre curiosité.

Est-ce à dire que Tarare puise ses origines bien loin dans notre .histoirè Non. On n'en trouve aucune trace au temps de la Gaule. On commence cependant à constater son existence au IV" siècle de notre ère. L'historien Ammien Marcelin, parlant du séjour de Julien l'Apostat dans la Gaule,


dit qu'on lui conseilla, pour aller de Vienne. à Autun, de prendre une route qui passait par l'Arbresle, Tarare et Roanne.

Remontant plus haut, c'est-à-dire au premier siècle, au siècle d'Auguste, l'historien Dion Cassius parle d'un certain Licinius, originaire de Tarare, de Taratro, qui, chargé d'administrer nos provinces gauloises, savait mieux faire sa fortune que gérer la fortune publique. Les temps ont marché; les gens sont-ils bien changé de nos jours? Le père Ménétrier parlant dudit Licinius prétend qu'il possédait tout le pays s'étendant depuis la Saône jusqu'à Tarare.

Mais qu'était Tarare à cette époque? Une bourgade, un amas de chaumières, une maison de plai sance du richissime Licinius? On n'est pas plus fixé sur ce point que sur son étymologie. Les uns veulent que Taratrum, que l'on trouve dans les vieux bouquins pour désigner la ville, dérive du latin taratrum ou terebra qui signifie tarière. D'autres le dérivent de tarra atra, terre noire, humide, sombre. il y a, il est vrai ,un rapport certain entre ce nom et celui des ruisseaux voisins, Taret et Turdine ou Tardine (comme on l'écrivait autrefois). Enfin certains savants y découvrent une racine plus ou moins celtique, avec Tar montagne, Taran, séjour du Dieu Thor, maître du tonnerre.

Deux archéologues lyonnais très réputés ont rompu des lances sur ce sujet épineux. Steyert n'admet pas avec l'abbé Devaux la métaphore hardie de la tarière. « En évoluant, dit Steyert,pour aboutir à tarière, le mot latin dont on connaît la forme taradra, se trouva de ressembler au nom de la bourgade un scribe du moyen-âge, qui se piquait


d'érudition, jugea à propos, suivant l'usage, de traduire ce nom en latin et écrivit Taratrum. Il est probable que, de même que Ternand, Tarare avait pris le nom du ruisseau qui le traverse.

Laissons les savants faire assaut entr'eux d'érudition en torturant les mots et disons, après avoir exposé toutes les hypothèses, non dépourvues de vraisemblance, et pour nous placer sur un terrain d'histoire plus solide, que Tarare, bourgade, ne commence à trouver sa vie propre que comme dépendance de la grande abbaye de Savigny, fondée dit-on, au Vle siècle, par. Saint-Maur, disciple de Saint-Benoît. Ses moines, agriculteurs et missionnaires, avaient rapidement groupé autour d'eux les populations; aussi quand arriva l'époque de la féodalité, ces religieux furent-ils obligés, pour se défendre contre leurs voisins ambitieux et rapaces, de construire des châteaux-forts et d'être comme les dignitaires ecclésiastiques de ce temps-là, à la fois abbés et seigneurs. Les châteaux-forts de Mon.rottier, Chamousset, Sain-Bel, Montblay, l'Ar·bresle et Popey servaient de'ceinture de défense à Savigny.

En les gens du roi ayant voulu étendre sur Savigny les droits de régale, un religieux nommé Girard, originaire de Tarare, défendit énergiquement les privilèges de l'abbaye et fit ainsi la fortune du prieuré de Saint-André-de-Tarare, auquel il appartenait et qui avait été fondé au temps des abbés Gausman et Hugues. On retrouve ce prieuré maintes fois cité dans les vieilles chroniques, dans le manuscrit de Benoît Maillard, aux archives du Rhône, et dans ce recueil qui a pour titre Nomina abbatum, à la Bibliothèque Nationale.


Je ne songe pas, rassurez-vous, à vous retracer ici l'histoire, cependant fort intéressante, du Prieuré de Tarare, écrite déjà par M. Prothière, par l'abbé Forest et par tant d'autres. Je dirai seulement que !a date de sa constitution semble être fixée à ioog. Ce qui reste bien acquis, c'est que le château avait été complètement démoli, ruiné, vers la fin du XIV8 siècle, par les bandes de toutes sortes qui tenaient alors la campagne, quand messire Antoine de Vernoille, grand sacristain de l'abbaye, prieur de Tarare en 1450, s'avisa de le restaurer.

Depuis longtemps le prieur avait dû renoncer à se réfugier dans la maison forte de Vindry, qui ne lui offrait plus un asile assez sur dans les moments de guerre ou d'alerte. Il tenait à vivre en sécurité, au centre même de son administration. La configuration du sol, cette sorte de promontoir allongé et dominant les deux vallées de la Turdine et du Taret, se prêtait assez bien à une enceinte fortifiée. Mais la ceinture des murailles et les bâtiments même du château n'existaient plus. Antoine de Vernoille fit tout rebâtir. On a trouvé, en effet, ses armes sculptées en divers endroits du château qui, aujourd'hui, est abandonné à toute une population ouvrière, et dans les parties les plus éloignées les unes des autres; au midi, vers le clocher qui se soudait au prieuré à la face orientale, vers le nord et au couchant. Elles on da exister encore dans la portion détruite au siècle dernier; car on en voit dans la rue des Capucins, autrefois le fossé du vingtain (enceinte murée). Une maison en face de la mairie, a, insérée dans sa maçonnerie, une pierre provenant- des anciennes démolitions de la partie occidentale du château et qui porte le même blason.


La famille de Vernoille était forézienne et.son manoir était situé dans les eivirons de Pommiersen-Forez. Plusieurs des siens figurent en bonne place dans le cartulaire de Savigny et, jusque vers la fin du XVII- siècle, où des Vernoille étaient

Tarare. La Magdeleine.

notaires à Saint-Romain-de-Popey, on suit la trace de cette antique lignée.

Aussi, quand on voulut créer des armoiries pour Tarare, prit-on pour la ville les armes des Vernoille car son blason est de date relativement


très récente, comme du reste son développement lui-même.

Jamais les anciens régimes n'avaient songé à lui octroyer des armoiries et quand Napoléon Il', jaloux de reconstituer les vieux usages monarchiques, essaya, avec quelque présomptueuse ignorance d'ailleurs, de faire renaître les blasons, Tarare fut totalement oublié dans la série des villes favorisées.

Mais le 4 avril z865, le maire de Tarare, M. Martin-Gubian, reçut de la Grande Chancellerie une invitation à faire étudier un projet d'armoiries pour la ville. 'Il chargea de ce soin M. Hippolyte Côte, mort depuis, homme de vaste érudition et de connaissances approfondies sur l'histoire régionale. Le 22 décembre 1866, le Conseil municipal était convoqué pour approuver un projet qui fut ratifié après changement par le gouvernement qui donnait à Tarare les armes de Vernoilles. Ces armes étaient naturellement un peu modifiées; ce qui n'empêcha pas que leur adoption donna lieu à de nombreuses et curieuses chicanes dont nous a très bien entretenus M. Eugène Prothière, président de la Société des Sciences naturelles et d'enseignement populaire de Tarare.

Enfin, elles furent définitivement concédées et libellées ainsi!

D'or, à la croix ancrée de gueules, cantonnée de 4. fusées de .sable; franc-quartier d d'extre, d'azur, à VN d'or, surmontée d'une étoile rayonnante, du même; l'écu sommé d'une couronne murale, à cinq meneaux d'argent pour cimier, traversée d'un caducée contourné, auquel sont suspendues deux guirlandes l'une à dextre, d'olivier, l'autre


sénestre, de chérie, aussi d'argent, nouées et rattackées par des bandelettes d'azur.

Après une citation pareille, on éprouve le besoin de prendre quelque reposl

Mais ces armes devaient bientôt subir une modification nouvelle. La chute de l'Empire entraîna naturellement la suppression de l'N d'or et du franc-quartier.

Le T remplaça l'N proscrite; non pas tout naïvevement parce que T est la première lettre du nom de la ville, le blason a d'autres raffinements et la .science héraldique peut nous réserver à chaque pas des surprises. On trouva, dans la façade méridionale de la vieille église Saint-André, regardant la rue des Capucins, un tau, ou croix de St-Antoine, sorte de croix pattée à trois branches, ayant la forme d'un T, sur fond indéchiffrable. Deux anges ou deux moines soutiennent i'écu. Ce blason avait servi de clef de voûte à l'ancienne église démolie. Le même écu se retrouva dans le soubassement d"un christ qui s'élevait jadis dans la rue Margaret, à l'angle de la rue Lagoutte, celui que le public appelait, on ne sait pourquoi: le bon Dieu d'indienne; ce christ fut remplacé par un christ tout à fait moderne par M. Goutailler, industriel, propriétaire de la maison, qui eut la sagesse de conserver précieusement l'ancien, à l'abri du mauvais temps et des mutilations dans un jardin voisin.

Ainsi doit, paraît-il, s'expliquer le T des armesde Tarare, ce qui donne à la fois satisfaction aux naïfs et aux savants.

Quant à la devise Il Melius arde debellantur hostes », elle avait la prétention de rappeler le passage à Tarare de Napoléon Ier qui s'écriait, en


recevant des mains des notables une pièce de mousseline encore fixée à son rouleau « Vous savez mieux que moi faire la guerre à l'étranger n. Quoi qu'il en soit de cette trop longue digression archéologique il ressort que c'est de l'essor splendide pris par son industrie que Tarare a su tirer son blason, comme il en a tiré sa réputation immense dans l'univers et sa grande fortune.

On peut même dire que cette fortune est due tout entière au génie, à la volonté tenace de Georges-Antoine Simonet, à qui sa ville natale devait, plus tard, élever, sur la place Denave, une statue de bronze, œuvre assez intéressante d'un artiste lyonnais, Charles Bailly.

Fils d'un marc4and toilier de Tarare, qui trafiquait des grossières étoffes fabriquées à la montagne, Simonet apprit naturellement le tissage et le dessin. En z735, à vingt-cinq ans, il était maîtredessinateur puis il se mit lui-même à essayer la fabrication des étoffes mélangées de soie, d'or et d'argent jusqu'à 1754, date de la mort de son associé. A cette époque, des ouvriers de Normandie étaient venus dans la région et y avaient importé la filature au rouet du coton pour remplacer les grossiers fils de chanvre dont les paysans s'étaient servis jusqu'à ce jour. Simonet comprît aussitôt l'importance considérable de ce textile. Mais, pour en tirer tout l'avantage, il fallait apprendre la fabrication des tissus. Sans hésiter, il se rendit en Suisse, où la mousseline était alors en plein succès. Peu après, il revenait à Tarare avec une famille d'ouvriers de,Saint-Gall, et il ouvrait la première fabrique. Mais, bientôt, il se voyait contraint de liquider et mourait dans l'indigence à Charbon-


nières, vers 1780, après avoir enrichi Tarare de l'industrie qui devait faire sa fortune.

Un de ses neveux, Simonet jeune, .introduisait à son tour, en 1786, les premiers cotons suisses filés au fuseau .Un prisonnier de guerre irlandais, John

Tarare. Eglise Saint-André,

Murray, qu'on appela tout naturellement Jean Moreau dans le pays, enseigna à ses hôtes l'emploi de la navette à roulettes et du battant à ressort; Prost, de Saint-Symphorien-de-Lay, fit connaître le régu. lateur; Brunel, de Genève, révéla l'art des apprêts.


Puis les demoiselles Defrane, parentes de Simonet, montaient le premier atelier de broderie et appre naient aux paysannes l'art de travailler au tambour, tout en gardant leur bétail aux champs. Toutes ces améliorations venaient donc s'ajouter coup sur coup à cette vaste industrie tararienne, blanchiment, flambage au gaz, etc.

Enfin M. Martin Gubian, né à Lyon en 18oi, venait, en 1843, fonder l'industrie de la peluche pour chapeaux. d'hommes et du velours par un métier à double pièce.

'Bientôt cette maison, élevée dans la rue de l'Union, devenait insuffisante; on construisit l'atelier du Serroux; en z855, les superbes établissements du Vert-Galant. Des zo métiers de peluche du début, on arrivait ainsi rapidement à 2.000, Il fallait l'adjonction d'un grand moulinage de soie et d'une teinturerie plus tard transférée à Roanne, sans parler des établissements fondés dans la Mozelle ou à Meyzieu (Isère) pour la fabrication des velours au fer.

Après Simonet, nul ne mérita mieux que M. Martin, qui mourut en 1867, la reconnaissance de ses concitoyens,

L'industrie tararienne vit beaucoup de l'exportation en Extrême-Orient, dans les pays barbaresques, en Afrique. Certes elle a sensiblement perdu de nos jours; mais sa juste réputation s'est main tenue, malgré la concurrence, dans le monde en tier, par la perfection de ses produits.

J'ai cité déjà deux hommes illustres de Tarare. Il convient d'ajouter à cette liste, le poète-littérateur Andrieu; l'évêque de Troyes, Pierre-Louis Cœur,


que la tradition du pays fait descendre de Jacques Cœur, le célèbre argentier de Charles VII.

L'abbé Cœur prononça à Paris, en 1848, le panségyrique de Monseigneur Affre.

Enfin nous ajouterons le représentant du peuple Pelletier.

Quant aux personnages de marque qui y passèrent on voit, en messire Jean Brisson, premier président au Parlement de Rouen, venir interroger, sur l'ordre de François Ier, Antoine de Cabanes, évêque du Puy et autres complices de la conspiration du connétable de Bourbon, détenus à Tarare.

Le t9 septembre 1622, on relève sur les registres paroissiaux un acte de baptême portant la signature du cardinal de Richelieu et celle d'Anne de Montafié, comtesse de Soissons, à côté de celle de l'abbé Gourdiat, curé. L'enfant qui bénéficiait d'un tel parrainage était Anne, fille du sieur Bernard de Cazénove, maître de fourrière de Monseigneur le comte de Soissons. Richelieu allait rejoindre la reine-mère à Roanne, dans ce curieux hôtel de la Galère, où, quelque temps après, le cardinal devait préparer la fameuse it Journée des dupes ».

Le 3 mai rba3, le prince de Condé, revenant d'Italie, s'arrêtait à Tarare, à fh8tel de Saint-Sébastien.

Marie Leczinska y coucha le 3 septembre Sterne, l'auteur du Voyage sentimental, y fit une halte en 1621.

J'ai cité le passage à Tarare de Napoléon I", retour de l'Ile-d'Elbe.


Mais j'ai gardé pour la fin la phrase célèbre de la lettre de Mme de Sévigné à Mme de Grignan, sa fille, qui venait de passer le col des Sauvages, sur lequel on contait des choses si effroyables: « J'ai transi, ma fille, de vous voir passer de nuit cette montagne que l'on ne passe jamais qu'entre deux soleils. »

Aujourd'hui les routes et le chemin de fer ont vaincu la montagne qu'enjambe le viaduc merveilleux qu'il nous sera donné d'admirer dans quelques instants.

Et maintenant que vous connaisses superficiellement les origines, 1'histoire et le développement 4 de Tarare, reprenons notre-promenade qui nous conduira rapidement à son but.

La ville de Tarare a consenti, d'accord avec le département, des sacrifices considérables pour obtenir la pénétration du C.-F.-B. au cœur de la ville et sa jonction avec le P.-T,M.

Les pourparlers furent longs, difficiles, au Conseil général du Rhône,. On crut même un instant que le chemin de fer du Beaujolais s'arrêterait au Vert-Galant. Heureusement, il n'en fut rien et l'entêtement des Tarariens l'emporta sur une parcimonie mal comprise.

Nous laissons donc à gauche, avec là ligne du P.-L.-M. et la rivière, les grandes usines et le château Martin qui élève ses clochetons par dessus les futaies d'un parc splendide.


A droite, les importants bâtiments de l'Union Industrielle de la fabrique de Tarare.

La route que nous avons suivie depuis Sarcey, sans presque la quitter jamais, pénètre dans Tarare, découvrant au couchant, sur une légère éminence, le vieux château et l'église Saint-André, qui fut son annexe, et qui, détruite en partie pendant la tourmente révolutionnaire, fut reconstruite en 1821, avec la Madeleine et la chapelle de Bel-Air, sous la direction de M. Paulet, architecte de Lyon.

Il faut reconnaître que les deux églises de Tarare, restaurées dans une sorte de style néo-grec, n'offraient alors rien de très remarquable.

Vers i85o, l'église Saint-André était rebâtie de nouveau dans le style ogival, par M. Desjardins. On lui conserva son ancien clocher du XV" siècle. A l'intérieur, se trouvent de remarquables verrières, une Vierge de Bonnàssieux, taillée dans un bloc de Carrare, une splendide table dé communion en marbre blanc.

Mais, soudain, au pied de l'ancienne route qui, par la rue de Belfort, nous conduit place Denave, notre train s'enfile dans Tarare par la rue Boucherde-Perthes. Tout à coup, la Turdine disparaît comme dans un gouffre. On l'a couverte tout le long du quai du Midi jusqu'à l'ancien jardin public, transporté pour la circonstance devant l'Hôtel de Ville.

Tarare et sa Turdine n'ont donc plus rien à envier à Nice et à son Paillon, moins la mer et le riant climat. La rivière a été plafonnée, jusqu'à la rue Savoie, pour construire la 'gare du C.-F.-B. et permettre l'établissement de sa voie dé refoulement


qui, par l'avenue de la Gare, nous conduirait à la gare du P.-L.-M.

Quittons donc le train à la station de Ville; nous sommes au centre de Tarare.

A notre droite, la mairie construite sur l'emplacement de l'ancienne maison des capucins; puis, derrière, sur une vaste place, près de l'hôpital, l'église de la Madeleine qui, au XVIIIO siècle, n'était qu'une simple chapelle, entourée d'un cimetière et desservie par le curé de Saint-André. En 1823, la chapelle avait subi un commencement de réparation et était devenue église paroissiale.

En 185o, on songea à la reconstruire; cette fois, elle affecta un style qui rappelle l'architecture grecque. A l'intérieur, trois nefs; deux files de colonnes doriques supportent un entablement et une voûte à plein cintre dans la nef principale qui se termine en cul-de-four. Vers l'entrée, un péristyle surmonté d'un fronton triangulaire, orné d'un bas-rèlief de Bonnassieux, représentant une scène du Nouveau Testament.

A l'intérieur, on peut admirer encore plusieurs osôvrd de ce grand artiste.

Quand' on voulut construire l'église actuelle, on hésita longtemps pour savoir si on ne la transporterait pas rue Denave, où les première fondation furent même préparées et servirent plus tard à la construction de la salle dite alors « du Prince Impérial ».

De la place de la Madeleine, la rue Déguirasse, qui, au nO to, nous montre la maison où furent installés les, premiers métiers de Simonet, nous conduit à la place du Marché, ouverte aux ache.


Tarare. Vieille lotir.


leurs les lundi et jeudi de chaque semaine et qui, dans un de ses angles, offre aux chercheurs l'attrait de sa curieuse maison à tourelle.

C'était la maison de commerce du poète Andrieu dont je vous ai déjà entretenus. Elle a conservé toute sa physionomie pittoresque. Là, on pouvait se fournir de tout.

Dans les pages du livre de comptes de Jean Andrieu on trouve les fournitures les plus disparates; on voit successivement défiler les habitants de Tarare et des environs: la châteleine Délavai, Simonet achetant un habit rouge et un chapeau à bords d'argent, Mme de Vareilles, M. de Rancé et M. de Fontbrune des Sauvages, M. de la Bussière, Mme de Montdor, M. de Foudras de Valsonne, le supérieur des capucins à qui l'on prête 17 louis, les cures des environs qui achètent leurs soutanes, les colporteurs avec leurs balles, les fiancées avec leurs promis, qui achètent rbbes,- croix d'or et dragées fines. On débite en même temps chandelles, huile et poivre. Andrieu, à défaut d'argent, reçoit tout en échange: des souliers pour son fils Pierrot, des légumes pour son ménage, les vieux galons du gendarme Dessalles, une médecine du docteur Savy, du blé, mais avec.cette mention à l'adresse d'un client peu honnête Il nous a attrapés de son froment qui est tout germé ».

La maison Andrieu possède également un bel écusson sur la façade de la rue Mezdlle.

L'aspect de la place du Marché, avec ses vieilles demeures, a de quoi tenter le touriste et le retenir. Du reste, Tarare fourmille de souvenirs curieux. Tel cet autre écusson de Pierre de Jean Renault,


i58g, dans cette même rue Mezellc, au n° 12. Au Serroux, à l'autre extrémité de Tarare, l'écusson de la famille Gigat; rue Grande, 35, le remarquable escalier Renaissance de la maison Veline.

Rue Mezelle, encore, le chapiteau de pierre de la maison Lachize-Chatelard et, plus loin, rue Burie, 13, le chapiteau et tympan de la maison de jusselme.

Tarare. Vielles maisons.

Oublierai-je la remarquable tourterelle de la prébende des Martins avec son écusson reproduit dans le mur de la chapelle de Bel-Air 1 Enfin, dans cette rue Mezelle, pleine de curiosités, l'ancienne maison Cazot, si intéressante avec ses portes à ogives et ses fenêtres gothiques à croisillons.


Jadis, sur la place du Marché, se trouvait une niche où l'on vénérait Notre-Dame de Montaigu, dévotion importée de Belgique et qui s'adressait à une vierge taillée dans une branche de chêne. Cette dévotion se perpétuait dans la chapelle des Augustins de la Croix-Rousse, à Lyon, et fut portée par un des leurs à Tarare. Que devint la niche de la place du Marché? On l'ignora longtemps mais à force de recherches, on s'aperçut que l'antique vierge de chêne de Notre-Dame de Montaigu était placée dans la croix qui est près de l'édicule de la Véronique, sur le chemin de Bel-Air.

Nous allons donc nous y rendre en traversant la place de la Burie, laissant à gauche le château et son église, pour prendre les pentes ardues qui conduisent au petit sanctuaire vénéré des Tarariens. Sa légende ressemble à celle de beaucoup d'oratoires, à celle de Notre-Dame des Marais, de Villefranche, par exemple.

C'est encore ici un petit berger qui a trouvé, en paissant ses troupeaux sur la montagne, une sta-' tuette de la Vierge, qui l'emporte chez lui, qui est tout surpris, le lendemain, de ne plus la voir la maison et de la retrouver plus tard à son lieu d'origine. La population s'émeut et bientôt s'élève un sanctuaire.

Bel-Air, son nom l'indique, présente aux promeneurs le coup-d'œil le plus ravissant. Tarare a disparu, les usines ont cessé, les maisons s'espacent et nous montons en dominant un vallon profond; en face de nous, de belles prairies plantées d'arbres. Le pic que nous gravissons est très abrupte. Nous arrivons enfin au sanctuaire qui commande Tarare hérissé de hautes cheminées.


A nos pieds un spendide vallon de montagne, frais et boisé. A mesure que nous gravissons la

Tarare, Plact du Marché.

colline, la nature se fait âpre, l'air est vif. Au couchant, c'est le Mont-Chevrier avec ses ramures de


sapins noirs, plantés en lignes régulières. Plus haut, le village des Sauvages, qui surplombe la combe et la Vierge de la Roche, en pierre de Volvic, avec son curieux chemin de croix. De cette cime, par un temps serein, la vue est- merveilleuse. Autour se découvrent la chaîne des montagnes qui s'inclinent graduellement vers la Saône, le pic de Boussuivre, le crêt de Popey, le commencement du Beaujolais, on suit tout le cours de la Turdine et ses capricieux méandres; à l'horizon, l'œil se perd sur les hautes cimes des Alpes aux neiges éternelles.

A droite, le grand viaduc des Sauvages jette ses bras audacieux sur la rivière et semble écraser Tarare de sa masse insolente de pierre blanche. Du haut de son parapet, les gens ressemblent à des pygmées; les maisons se terrent, tandis que le tunnel, qui transperce la montagne, ouvre à ses deux extrémités ses gueules noires et béantes. Un train passe soufflant, haletant, escaladant la rampe avec le renfort de ses deux énormes machines; il quitte le premier tunnel que couvrent les bois de la Femme sans Tête; la fumée empanache le vallon; un cri strident réveille l'écho endormi de la montagne l'immense viaduc est franchi et déjà le convoi a disparu dans le gouffre du mont.

C'est un spectacle féérique qui devrait tenter tous les touristes. Croirait-on qu'un lieu jadis aussi inaccessible ait pu être témoin, en 1536, de l'entrevue de François Ier, revenant de Provence, et du roi d'Ecosse, Jacques V, qui venait lui demander la main de sa fille atniej Madeleine de France ? C'est pourtant ce que nous racontent les vieilles chroniques.

Jetohs enfin un dernier regard sur les sommets


boisés des monts d'Affoux et d'Arjoux, qui limitent notre horizon au midi et sur lesquels planent avec calme de lourds oiseaux de proie, jadis le pays des fées et des revenants.

Car Tarare, comme tous les pays avoisinants, avait ses lutins et ses fées celles-ci se distinguaient, paraît-il, des autres fées d'alentour en ce qu'elles avaient le corps recouvert d'un pelage de couleur sombre et étaient fort laides. Ces fées velues, que l'on ne retrouve nulle part ailleurs, ont, sans doute, été confondues avec les satyres et les faunes aux. pieds de bouc de la mythologie latine.

On sait que les fées aiment la solitude et les bois ombreux. Elles trouvaient un refuge assuré dans les sommets inaccessibles des bois de Tarare. Aussi la tradition populaire les faisait-elle vivre dans chaque recoin de la montagne,gardiennes des mégalithes, des pierres à cupules, des roches bizarres et des fontaines sacrées. C'est ainsi qu'elles avaient accordé leurs faveurs aux eaux du ruisseau de Chanillère près Tarare. Mais ces eaux ne trouvaient leur vertu réelle qu'à proximité du Palet de Samson », non loin des « Noyers dansants ». Le Palet de Samson était une longue pierre servant de pont et les noyers dansants rappelaient les rondes auxquelles se livraient les fées du voisinage.

Notre promenade est maintenant achevée.

Il ne nous reste plus qu'à redescendre à Tarare par les pentes qui dévalent de Bel-Air.

Un dîner de gourmets vous attendra partout; car Tarare est réputé pour sa vie facile, pour la gatté règne dans ses fêtes, pour les habitudes de bienêtre contractées par ses habitants; l'accueil y est


cordial et le séjour agréable. En peu d'années, Tarare a joint à son développement commercial un essor extraordinaire dans les arts et dans les sports. Je n'ai pu savoir encore pourquoi on avait affublé les braves habitants de Tarare du curieux surnom de « Epouvantés ».

Nous ne pouvions clore autrement cette trop courte notice.

Souhaitons qu'elle engage promeneurs et touristes à faire comme nous la ravissante promenade de Villefranche à Tarare.

FABRIQUE DE LIQUEURS SURFINES

Malson FILLION

lors CoaeoaK

Lyon MM

FONDÉE BN 18t5

LYON

ï«mb» du Jury

Paris 1000

SPÉCIALITÉ DÉPOSÉE

ELIXIR GAULOIS- Liqueur agréable et digestive

concessionnaire' du Produits de l'Abbaye de st-Antolne

MALT1NE

Délieieuse liqueur de table

Arquebuse Salait* Antoine Précieux vulnéraire


De Villefranche à Monsols

LA TRAVERSEE

DE VILLEFRANCHE

Nous avons déjà longuement causé de Villefranche, dans notre promenade à Tarare. Pour quoi n'en pas parler encore, quand il nous reste taht de notes intéressantes à recueillir?

Villefranche, la clé du Beaujolais, en est aussi la perle.

Le Beaujolais est, par excellence, on le sait, une terre nourricière et privilégiée. Nous allons, pour nous rendre à Monsols, le traverser dans toute sa longueur et je vous jure que nul n'aura à se plaindre d'avoir tenté cette excursion facile et ravissante. Amphithéâtre naturel et merveilleux, le Beaujolais a réuni, sur ses trois gradins prodigieux, tout ce qui fait la richesse d'un pays. Le relief qui s'élève insensiblement des bords de la Saône, jusqu'aux crêtes des montagnes, présente trois étages de cultures variées. C'est d'abord un tapis ininterrompu de prairies naturelles, qu'ombragent de clairs rideaux 'de saules et de peupliers; au-dessus, la longue file de collines,


chargées de vignes fameuses et que coupent les étroites vallées de l'Ardière et du Morgon; enfin, tout en haut, à la limite des pelouses, des monts dénudés, de robustes bouquets d'arbres, des sapinières orgueilleuses et des forêts séculaires.

Au premier plan, Villefranche, la ruche ouvrière du Beaujolais, et Belleville, la Lunna des anciens; au second, toutes les riches communes du pays, jadis fastueuses villas gallo-romaines Cercié de Celsus, Quincié de Quinctus Juliénas de Julius, Pouilly de Paulus, pour n'en citer que quelques-unes. Le dernier plan renferme les rudes agglomérations ouvrières et agricoles du Perréon, de Vaux, de Thizy et les deux antiques citadelles du Beaujolais, au nord, le vieux castel de Beaujeu, au sud, le fier donjon de Montmelas. Tout est vie et richesse dans le Beaujolais. La nature, toujours en travail, féconde constamment le sol; l'été, parfois accablant, fait couler dans les veines de la vigne l'ardeur. mystérieuse qui lui vient du soleil, et l'hiver, parfois humide, désagrège les roches argileuses et forme le grès qui donne au terroir la séculaire fertilité. Aussi dans ce puissant pays vit une population forte et fière. L'homme comme la terre est vigoureux et le sang mêlé de ses ancêtres en a formé, une race saine, vaillante et cependant homogène, qui a la bonhomie apparente du franc-comtois, la taille haute du bourguignon, le teint sombre et la mobilité naturelle du gallo-romain. L'homme est bien charpenté; la femme est jolie, au visage à l'ovale pur, aux yeux volontaires et brillants.

cc En Beaujolais on est loyal; on y est aussi fin, sans être faux, ni retors », nous a dit M. AI-


bin Delpeuch, avec beaucoup d'esprit et de finesse d'observation. On y a le sentiment de la dignité et l'amour invétéré de l'indépendance.

Hôtel de Yidde de Villefranche,.

Louvet nous dit que les seigneurs de Beaujeu « avaient rendu les habitants de Villefranche tellement libres et fiers qu'avec le temps ils. eurent assez de hardiesse de vouloir arrêter un jour « leur prince Edouard, qui ne voulait pas leur .1 accorder la franchise des péages de la Marche « et de Chavassieu, en sorte qu'ils le poursuivi« rent jusqu'à Bellegarde, lui intentèrent mille « procès au Parlement de Paris et furent enfin « cause de la perte de ses Etats n.


Tel est le Beaujolais, dont le Caladois est une émanation pure.

Aussi, avant de quitter Villefranche pour nous rendre à l'extrémité de la ligne du C.-F.-B. à Monsols, sur les confins de Saône-et-Loire, pendant que notre machine souffle et se prépare, sur le boulevard Louis-Blanc, à la gare, nous irons jusqu'à la croisée des grandes rues, au Promenoir, jeter un coup d'œil rapide sur le curieux spectacle que présente la ville à nos yeux. De ce belvédère on découvre tout le pays; la grande rue s'anime et, coquette, étale son berceau. Tout y est travail et vie et c'est plaisir de voir, le lundi, quand le marché y apporte son contingent d'activité, l'aspect de cette ruche ouvrière.

Papirus Masson a dit que Villefranche a con fi tient une rue si grande, si large et si spacieuse, « qu'il ne s'en peut voir de plus belle dans tout h le royaume, ce qui fait'que la situation présente u la vraie forme d'un navire; tout ce qui est de « puis la porte de Belleville, jusqu'au logis où « pend pour enseigne la Coupe, beau et bon logis, « et le bureau de poste représente la poupe; en « descendant vers les arches de la Pescherie et « l'autre branche de la rivière, jusqu'à l'Hôtel de « Ville, c'est le milieu ou les bancs; d'où jusqu'à « la porte d'Anse, semble être véritablement la « proue et bec du navire ».

Louvet nous fait connaître les anciennes limites de la ville.

« Elle a quatre portes, dont la première, qu'on. « rencontre en venant de Mâcon, s'appelle porte « de Belleville, vis-à-vis de laquelle et dans une « grande et belle distance, est celle d'où l'on va à


Anse et qui en porte le nom; à travers de la ville sont les deux autres portes qui font la « croix; celle qui mène à Riotiers et à la rivière « de Saône s'appelle de Fayette, et la dernière, « qui lui est opposée, s'appelle la porte des Frères, « à cause des Cordeliers qui sont là proche ». L'Hôtel de Ville, dont parle Papirus Masson, est en effet, au centre de la ville, curieuse construction du XIV" siècle, admirablement conservée et entretenue avec soin.

A dire vrai, son antiquité en fait tout son mérite.

Le. monument date, en effet, de 1360, époque à laquelle Antoine de Beaujeu, né à Villefranche, dont il avait fait sa capitale, créa les premiers échevins, en donnant pouvoir aux habitants de choisir parmi eux tous ceux qui, par leur honorabilité et la rectitude de leur jugement, pouvaient être nommés échevins et consuls.

L'Hôtel de Ville fut fondé de ses deniers.

Les premiers échevins nommés furent Geoffroy Peyse, Guichard du Mont, Guionnet de Rivière et Jean Gabriel. Après eux vinrent; en 1398, Guinet de la Bessée, Perronet Rochette, Perronet Gerbault dit Gastier et Jean de Valsonne.

Le peuple procédait à l'élection de l'échevinage, à deux degrés. Il se réunissait par corps de métiers formant huit confréries Sainte-Anne, pour les fabricants de coton et toiliers; Saint-Honoré, pour les boulangers et marchands de menus grains et farine; Saint-Sébastien, pour les tourneurs et bimbelotiers; Saint-Jacques, pour les fripiers; Saint-Joseph, pour les charpentiers et menuisiers; Saint-Eloi, pour les .professions du marteau et de


l'enclume Saint-Crépin, pour les savetiers, et Saint-Simon, pour les corroyeurs.

Chaque confrérie nommait ses délégués qui procédaient à l'élection des quatre échevins, à l'Hôtel de Ville, le dimanche avant la Saint-Thomas. Les échevins nommés étaient reconnus par le sire de Beaujeu, qui recevait leur serment.

Les échevins de Villefranche convoquaient à la Maison de Ville les ofdciers et échevins des châtellenies de Belleville, Beaujeu, Chamelet, Lay, Perreux, Thizy et Amplepuis, pour délibérer des affaires générales de la province., Le bailli ou, en son absence, le lieutenant général, qui requerrait, donnait acte des délibérations, en les faisant transcrire sur le registre de la Maison de Ville par le secrétaire, qui en délivrait copie à tous les réclamants intéressés.

Les échevins avaient encore le privilège de porter le dais dessus le St-Sacrement à la Fête-Dieu; avec le chaperon de velours rouge et violet, et les armes de là ville devaient se confondre avec les leurs sur les cierges que les valets de ville portaient devant eux. Ils avaient une place marquée dans le chœur à gauche, dans l'église de NotreDame-des-Marais et, quand ils marchaient en cérémonie, ils étaient revêtus de leurs insignes et précédés de quatre sergents de ville portant leurs hallebardes, du secrétaire de l'échevinage et suivis des quatre mandevilles portant, leurs manteaux violets.

Ils avaient la garde des clefs des portes de Villefranche, recevaient les.ordres du Roi et de Monseigneur le gouverneur pour faire monter la garde aux portes et donnaient le mot d'ordre du guet.


La qualité d'échevin était donc une haute dignité dans ces temps troublés du moyen âge où l'indépendance des citoyens et leur sécurité reposaient entièrement sur les chefs qu'ils s'étaient librement donnés.

Quiconque avait résidé pendant un an et un jour dans Villefranche, prêté serment de fidélité au seigneur et à la franchise, avait le droit de jouir des mêmes privilèges que tous autres bourgeois; s'il était pris ou détenu par quelqu'un, le seigneur devait le réclamer. Le serf lui-même, qui avait résidé à Villefranche pendant le même temps, sans poursuite de son seigneur, devenait libre et devait être compté au nombre des bourgeois. En revanche, permis de séjour était refusé à Villefranche aux juifs et aux caorcins, ou lombards, usuriers et marchands italiens. Les bateleurs même ne pouvaient y venir jouer et parader. Enfin, les bourgeois de Villefranche poussaient l'amour de leur indépendance et de leurs franchises jusqu'à interdire à ùn chevalier, sauf les plus rares exceptions, d'avoir sa résidence dans la ville. En r40l, Louis II de Bourbon, nommé gouverneur du Beaujolais, obtenait de Charles VI la création d'un siège d'élection auquel fut attribué la connaissance de tout ce qui avait rapport aux faits de tailles, aides, étapes, etc. Villefranche possédait donc, outre le siège de la justice et des lieutenants généraux pour l'administrer, une juridiction nouvelle qui lui assignait une première phice parmi les villes du royaume.

En l'élection de Villefranche avait pour président Jean Boujot, sieur de Meyré; pour lieutenant, Laurent Chazis; pour conseillers du'roi,


Claude Dupuis, Jean Jérôme Ducreux de Tresette, Alexandre Depiney du Peloux, Jean-Pierre Gilbert, Macé de Chai; pour procureur du roi, Etienne Clerjon du Carry..

En le gouverneur de Villefranche était M. Aimé de la Roche; le maire, M. Chattelain Dessertine de Belleroche, procureur du roi en la sénéchaussée; échevins MM. Platet, Delacoste, Denis; receveur secrétaire-greffier, M. Laplate. Le doyen de Notre-Dame-des-Marais était Bernard-Pierre Chattelain Dessertine. La milice bourgeoise comptait huit compagnies, ayant chacune sa couleur par quartier. Le grand bailli d'épée du Beaujolais était le comte d'Escourtils. Les officiers de l'élection. étaient MM. Claude Boujot.de Meyré, Maurice Durret de l'Etang; Etienne Jacqueton procureur. du roi, Clerjon du Carry. Villefranche possédait alors une Chambre pour les manufactures du Beaujolais, dont l'inspecteur était M. Roland de la Platière, qui a laissé un nom illustre dans l'histoire.

Tels sont les souvenirs d'histoire évoqués en nous par le vieil Hôtel de Ville.

Nous ne nous attarderons pas devant la belle église que nous avons déjà visitée en détails et, pressés de partir pour notre destination nouvelle, nous rejoindrons à la gare le train du Beaujolais.

Sur un viaduc audacieux, collé à l'immense pont du nous franchirons le Morgon, aux eaux noircies par la teinture.

C'est le quartier des Fayèttes et de la Quaran-


taine, où s'élevait jadis l'Hôtel des Pestiférés, fondé en aujourd'hui, le pays des splendides usines de teinture de toiles et de doublures et des tanneries de cuir. Les cheminées, tuyaux d'orgues immenses, se dressent compactes vers le ciel. A droite, l'usine à gaz, le moulin de Foncraine, l'ancien Moulin-au-Comte, ayant appartenu, en i3oi, à Thomas Comte, puis au seigneur de la

Station de la forte de Bellcville

Batinière, sur la paroisse de Beligny et le château de Pont-Bichet; au loin, la Saône, avec ses ports si florissants de Riottier, de Frans et de Beauregard, rendez-vous favoris des gourmets.

A notre gauche, Villefranche s'étend dans toute sa longueur.

C'est ainsi que nous arrivons à la porte de Belleville, près des Bâtiments de la burie grasse, où se trouve la gare entourée


d'hôtels fréquentés par les vignerons et les éleveurs du Beaujolais.

Le train siffle et nous voici, laissant à droite la route Nationale, devant le cimetière où se dresse le monument élevé à la mémoire des Soldats des légions d'Alsace et c'e Lorraine, morts, en 1870. On se rappelle que les deux légions d'Alsace créées à Lyon, furent cantonnées pendant la guerre au collège de Mongré, où elles laissèrent le souvenir de véritables vandales. Ce furent, du reste, les seuls exploits accomplis par ces légions qui ne virent jamais l'ennemi.

Mais un autre souvenir se presse, douloureux, sous notre plume, à l'aspect de ce cimetière, le souvenir d'une journée de deuil qui ne s'échap pera jamais de notre mémoire; je veux parler de la triple exécution des soldats de la première lé gion du Rhône, à laquelle-j'assistai, d'une des fe nêtres de l'établissement des Petites Sœurs des Pauvres, qui domine le vaste champ où elle eut lieu, .le 12 novembre 1870.

Permettez-moi de rappeler en quelques mots ce lamentable épisode de la terrible guerre!

Ls deux premiers bataillons de la première légion du Rhône arrivaient à Villefranche, le Il novembre, à deux heures de l'après midi, sous les ordres du colonel Celler. La veille, ils avaient quitté Sathonay, après de nombreux actes d'indiscipline occasionnés par quelques meneurs; puis ils avaient été passés solennellement en revue à Lyon, à Bellecour, et dirigés sur l'Est.

Mais les dispositions nécessaires n'avaient pas été prises à Villefranche pour assurer le logement et la subsistance des deux bataillons.


Saisissant ce prétexte et se plaignant du départ précipité de Lyon, une compagnie du 2' bataillon, casernée au collège de Mongré, oublie qu'elle est sous le régime des lois militaires, se révolte, brise les portes de son casernement et se répand en dé. sordre dans la ville. Entrainé par ce facheux exemple, le 2' bataillon se livre alors à un véritable pronunciamento, menace de déserter en masse et veut reprendre la route de Lyon. Les rues, les établissements publics sont le théâtre de scènes tumultueuses qui répandent dans la ville grand émoi. Les plus exaltés vont même jusqu'à se poster devant l'Hôtel de l'Europe, où était logé le colonel Celler qu'ils injuriaient et menaçaient. Mais le colonel montre une louable énergie et fait entourer les mutins par. les hommes du commandant Valentin, le premier bataillon, qui avait fait preuve d'une véritable discipline militaire. On arrête vingt-six des plus coupables. Une leçon terrible s'impose; car on marche à l'ennemi.

Une Cour martiale, composée d'un chef de bataillon, deux capitaines, deux lieutenants et deux sous-officiers, se constitue à onze heures du soir. Elle s'assemble à trois heures du matin et rend son arrêt à six heures; 23 prévenus sont acquitts trois autres, reconnus â l'unanimité coupables de sédition militaire en campagne et de.rébellion armée, avec circanstanees aggravantes impliquant préméditation, sont condamnés passés Par les armes..

Cet arrêt terrible causa en ville une horrible stupeur.

Ce fut bien pis quant on vit Villefranche envahi


par la troupe régulière, envoyée dans la nuit de Lyon pour maintenir l'ordre.

L'exécution est fixée à neuf heures du matin. Dès huit heures, les ¡or et 2, bataillons de la légion, un demi-escadron de cuirassiers, un bataillon d'infanterie de ligne, un bataillon de chasseurs à pied, deux bataillons de la garde mobile, une batterie d'artillerie et un détachement de gendarmerie se rangent en bataille dans le vaste champ qui longe le cimetière. La population de Villefranche, attristée et muette, suit la troupe pour assister à ce lugubre, spectacle.

Trois pelotons de légionnaires, commandés pour l'exécution, attendent, l'arme au pied, près du mur.

A neuf heures, les trois condamnés sont amenés sur le terrain et adossés au mur. Au commandement de reu! deux de ces malheureux tombent foudroyés. Le troisième, demeuré debout, arrachant son bandeau, s'écrie « Je ne suis pas blessé » D'un accord instinctif, les hommes du troisième peloton d'exécution avaient tiré en do tournant leurs armes.

Une angoisse inexprimable étreint toutes les poitrines.

Malgré les rigueurs des règlements militaires quelques cris de Grâce 1 Grâce 1 se font entendre. Mais la loi martiale est inflexible. Le bandeau est rattaché; les armes sont, de nouveau, chargées, et le troisième condamné tombe à son tour. Les troupes défilent alors devant les cadavres et se retirent suivies de la foule émue et silencieuse.

Après ce terrible exemple, la première légion


ne devait mériter que des éloges pour l'esprit d'ordre et de discipline et le courage héroïque qu'elle montra au milieu des plus dures épreuves. Voilà le souvenir poignant qu'évoque en moi toujours la vue du mur du cimetière de Villefranche.

Aussi, détournons les yeux, pour les porter sur de plus agréables paysages.

Au-dessus de Mongré. s'étale, au milieu de verts ombrages, le château de Vauxrenard, château et fief que posséda longtemps la famille du Sauzey. De. cette famille, Vauxrenard passa à celle des d'Apchier de Corteille, puis, à la mort de Mme d'Apchier, aux mains de M. de Longevialle. La chapelle du château, restaurée par M. Desjardins, est remarquable. Le château est situé dans une position magnifique, sur un petit mamelon qui domine tout Villefranche et la vallée riante de la Saône.

Mais déjà la vapeur nous emporte, laissant à notre gauche les Rousses. Nous sommes à Ouilly. OUILLY

Ouilly (Ougly), n'est pas, à proprement parler, un village, ce n'est qu'une halte pour desservir la route qui monte à Denicé et dans la montagne. Mais combien cette halte est bien située, sur les bords de la gracieuse rivière du Nizerand qui coule, en chantant, sous la verdure, près de la vieille chapelle, seul vestige de l'ancien hôpital de Roncevaux.

Ouilly eut son heure de célébrité et fut une des plus fertiles paroisses du Beaujolais. Comme Li-


mas et Béligny, ses sœurs aînées, elle avait une justice dépendante de la châtellenie de Villefranche. Longtemps, sous Guichard et Antoine de Beaujeu, sa juridiction dépendit de Pouilly-leChâtel, la résidence princière des sires des Beaujeu mais elle ne tarda pas, en 1390, à être réu-

La Chapelle d'OMly

nie à-la prévoté de Villefranche, ville à laquelle elle a été annexée en 1853.

Jadis, Ouilly possédait un ftef, la Chartonnière, aujourd'hui faubourg de Villefranche, sur la route Nationale, qui, en 1539, appartenait à noble Gaspard de la Magdelaine, écuyer, seigneur de Courcelles il passa plus tard aux mains de noble Richard de Serrain, grenetier à Lyon;, en puis


à Delphinis, chevalier du roi, lieutenant particulier et assesseur criminel du baillage de Beaujolais, famille qui donna à Villefranche de nombreux officiers royaux. Les de Chaponay possédèrent à leur tour la Chartonnière qui, de nos jours, n'a conservé aucun souvenir de cette splendeur passée.

Mais nous ne quitterons-pas Ouilly sans parler du fameux hôpital de Roncevaux. Villefranche possédait au XIIIe siècle quatre hôpitaux, la Maladrerie de Saint-Lazare, à Limas et qui a laissé son nom au hameau de la Maladière, la Pescherie, l'hôpital des pestiférés et le Grand Hôpital de Roncevaux, fondé par dame Sybille de Flandres, dame de Beaujeu, épouse de Guichard III, qui y établit les religieux de Saint-Augustin, pris, en Navarre, à l'hôpital de Roncevaux, et qui donna son nom à celui de Villefranche.

En 1556, le roi Henri II, par lettres patentes du 14 septembre, donnait l'administration de l'hôpital à messire Guiot, garde-prêtre. Mais les troubles survenus à cette époque amenèrent la ruine du Grand Hôpital dont il ne resta plus que la petite chapelle et le cimetière qui servit plus tard à enterrer gratis les pauvres gens et artisans de Villefranche.

En t6i5j l'hôpital de Roncevaux ayant disparu, Nicolas Gay, curé de Villefrànche, institua les pauvres ses héritiers universels, sous la condition que ses biens seraient employés à un hôpital. L'année suivante, on jetait les premiers fonde- ments du magnifique Hôtel-Dieu de Villefranche, grâce à l'immense libéralité de. Guillaume Corlin, sieur de Blazeï,


Nous allons maintenant quitter Ouilly et le Nizerand dont le lit était anciennement beaucoup plus bas. Il fut sur les réclamations des moines de la célèbre abbaye de Joug-Dieu, transporté à la proximité immédiate de leurs prés pour les fertiliser. Il coulait auparavant entre la grange Morin et le petit Joug et se jetait dans la Saône, au-dessous des prés de l'abbaye.

LA ORANGE-PERRET ET ARNAS

C'est à travers les prairies et les vignes, cotoyant à gauche les collines du Bas-Beaujolais, que nous arriverons à la halte de la Grange-Perret, sur le territoire d'Arnas.

Voici à notre gauche une antique gentilhommière avec sa vieille tour, aujourd'hui ferme florissante. La colline s'élève sensiblement sur notre gauche, laissant apercevoir te château de Talencé, au milieu des vignes et plus haut les montagnes de Montmelas et de Saint-Bonnet qu'escaladent les vignobles jusqu'à la région des hauts sapins. Le chemin est ravissant, plein de verdure. A notre droite s'étale la grande prairie que coupent la route Nationale et la ligne du P.-L.-M., pour al- 1er jusqu'à la Saône que bornent les balmes de la Dombe et de la Bresse fertile.

La Cjrange-Perret, n'est qu'un important hameau de la commune d'Amas, agglomération de vignerons.

Arnas, Arnacus, du nom gaulois Arinus, trouve des origines bien établies dès le XII siècle, où l'église de Saint-Saturnin-d'Arnas avec toutes ses dépendances est cédée à Itier II, -abbé de Savigny, par Hugues et Bernard, fils de Frédeland.


Humbert de Beaujeu donna à Ulric de Breilens le mas des Rues aujourd'hui aux Pontbichet. Plus tard, une partie de la paroisse fut soumise à la juridiction de Villefranche. Elle était sujette au guet et devait participer à l'entretien des fortifications de cette ville. Le reste appartint en toute justice aux seigneurs de Montmelas, puis vers à Etienne de Couleur, lieutenant de baillage à Villefranche, et, enfin, jusqu'en 1789, à la famille de Bulan.

Arnas possédait deux fiefs, celui de Brameloup, à la famille de la Bessée, plus tard à la famille de Monspey j et le fief d'Herbain, à l'est du village, ayant' maison forte et château et appartenant au XIV' siècle à la famille de Mars. Il passe ensuite dans la famille de Laye, dont le château se voit plus loin dans les bois, près de St-Georgesde-Reneins, et qui appartient aujourd'hui à la famille de Fleurieu.

Jusqu'à la Révolution, le fief d'Herbain était la propriété de la famille d'Espenay. Il a fait retour de nos jours à la famille de Fleuriéu.

Nous citerons encore, autour d'Arnas, le château de Longsard, au nord, qui appartint longtemps à la famille de Glavenas et le château de Miramon, au centre du village..

L'église d'Arnas n'offre rien de bien remarqua ble.

Dans son cimetière, on montre une tombe qui rappelle un fait d'armes de l'invasion de par les Autrichiens. Un combat sanglant eut lieu sur le territoire d'Arnas. Un colonel de cuirassiers qui avait fait toutes les campagnes de l'Empire fut frappé d'une balle ennemie et tomba non


La Grange Perret


loin du village, vers l'Ave.Maria; son corps fut ttansporté et inhumé à Mâcon. Quelques jours après, en représailles, tombait, mortellement frappé d'une balle française, l'un des princes de la famille Schwartzenberg, dont le corps repose à Arnas, sous un mausolé simple et modeste.

Le village propret et entièrement habité par des vignerons s'allonge sur la route de Villefranche à

Amas

Blaceret, entouré de prairies et de vignobles.

Le patois du Beaujolais s'y parle comme, du reste, dans tout le pays, mélange bâtard de mauvais français et d'anciens idiomes. Qu'on en juge par ce premier verset de la parabole de l'Enfant Prodigue, que nous trouvons dans un vieux paroissien' du pays

« Un homot ayet dous enfants

« Lot plus jouainot disit un jor, à son paure

« Pàure.bailléroelapaurtdou bien que dé mé revegny.

« Et lot paure le partageot de on bien, etc., etc.


Ne cherchez pas, 'en Beaujolais, un costume spécial au vigneron A peine affectionne-t-il la veste et le pantalon de velours; les femmes y sont coquettes et attendent avec impatience la fête patronale pour mettre à l'air leurs grands atours. La gaieté, du reste, est de mise dans nos campagnes beaujolaises où le bon vin met le cœur en joie. Chaque auberge de village offre le confort sufflsant; chaque maison- a l'abord accueillant et facile.

Mais cet arrêt à Arnas retarde notre promenade et nous avons encore à dire quelques mots de Denicé, ce riche village qui ,sur notre droite, s'accroche aux flancs boisés de Saint-Bonnet. DENICÉ

Denicé, Daniceus, -Denisiacus, n'est pas très loin de notre ligne; on le rejoint facilement avec quelques enjambées à travers les hameaux et les vignes.

Quel riche pays, quelle plantureuse nature 1 La vigne s'étale partout en lignes serrées; tout respire l'aisance, la. richesse.

En ro86, à la suite d'un don d'Humbert de Beaujeu, l'abbé de Savigny nommait à la cure. La jus.tice dépendait, pour une partie de Montmelas et, pour le surplus, de Villefranche.

En 1789, le duc d'Orléans était seigneur du bas de la paroisse, et M. d'Arod, marquis de Montmelas, seigneur du clocher.

Denicé comptait huit fiefs le grand et le petit Buffavent, Charme, Malleval, Montgiraud, Montromant, Talencé et la Tour,


Le grand Buffavent appartenait, au XVII' siècle, à Perrette, bourgeois de Lyon; le petit Buffavent, aux de la Barmondière; Charme fut donné par Aimé de la Bessée, en 1655, à Gabriel de Sauzey, seigneur de la Vénerie. Il avait appartenu à la maison de Mondard, de Villefranche. Malleval appartenait à Guichard de Serrain, grainetier de Lyon, puis à la famille Mabiez et, au XVIII'' siècle, à la famille de Contanson; Montgiraud était la propriété de la maison de Ferrus; Montromant, du chapitre de Villefranche; Talencé de la famille Lemau La Tour appartenait aux de Gayand.

La Vénerie est aujourd'hui la propriété de M. A. Guinand.

En 18to, l'ancienne commune de Pouilly-le Châtel, où se trouvait le château de plaisance des sires de Beaujeu, fut réunie à Denicé

Le village, assis au fond d'un tertre vert, entre les deux grandes routes de Villefranche à SaintCyr et à Montmélas, offre le plus riant aspect. Partout ce ne sont que caves, cuves et pressoirs. Les maisons bâties solidement en pierres rouges attestent la richesse du pays. Chaque demeure a son jardin et sa vigne; les hôtels sont conforta bles et les cafés nombreux et proprets. A travers les vignobles, sur chaque sommet s'ouvrent les gueules béantes des canons contre la grêle, à côté de la cabane des artilleurs.

Au pied du village coule gaiement sous les arbres le Nherand, se dirigeant des sommets de Rivolet vers'la Saône.

Le spectacle sur la plaine, avec son vaste ho rizon, est merveilleux.


Télégraplae PRI VA TBANK

Banque Privée LYON-MARSEILLE

Il. SJâffe -«M 1HH Bnl do llfiMi-ïllMl

il Suocumlt MARSEILLE, ru« Bt,'erréol, 48

AGENCES Saint-Ëtienne, Grenoble Villefranche, Tarare, Thizy, Peurs, Panissières, Amplepuis, Givors, Chazelles-sur-Lyon, Saint-Just-la Pendue, liomanèohe, le Bots-d'Oingt, Saint-MarcelUn,la Clotat, Boën-surLignon.

il Directeur général L. ROBiN

Ouvertures de comptes-courants. et de oomptes de dépôts. Escomptes et recouvrements. Bons à échéance fixa' partir 'd'un an, intérêts payables suivant la durée du dépôt. Achats et ventes de titres aux Bourses françaises et étrangères. Enoaissement de coupons. Souscriptions. Garde de titres. Location de domparlimonts de ooffres-forts au mois et à l'année. Renseignements flnanoiers sur toutes les valeurs françaises et étrangères.


Maintenant, poursuivons notre route vers le nord et laissons le train nous emporter à Saintjulien. Les étapes sont si courtes que l'œil s'égare, dans lous les replis du terrain sans jamais se fatiguer.

SAINT.JULIEN

Saint-Julien n'a que faire de ses origines, tellement la nature l'a favorisé en l'installant. dans un des coins lis plus gracieux du Beaujolais, au pied dés cimes de sapins noirs, dans un délicieux vallon qu'arrose le Marverand aux eaux claires, jadis peuplées d'écrevisses.

Voulez-vous quelques notes d'histoire, tandis que notre machine fera provision d'eau pour s'apprêter à gravir la rude côte de Blacé ?

On cite Saint-Julien, dans les vieilles archives, au XIII' siècle, à propos de la fondation, sur la terre -de Miribel, de la chartreuse de Polleteins, à laquelle Marguerite de Baugé, la fondatrice, fit don, le i" janvier i25t, du « Maix de la Bèce ès paroisse de Blacé et Saint-Julien-sous-Montme las ». Et c'est tout.

Mais qu'importe 1 Ce pays est assez heureux pour n'avoir pas d'histoire.

On lui comptait quatre fiefs La Roche, la Ri gaudière, le Déaulx et le Colombier. Le château de la Rigaudière avait été bâti, dit-on, sur l'emplacement d'un antique manoir du X' siècle. Aucun document ne confirme cette hypothèse. Il appartenait à la puissante famille lyonnaise des Rigaud. C'est un membre de cette famille qui, au XIII' eiècle, fut archevêque de Rouen, en 1282,


et fit don à son église d'une grosse cloche appelée- la Rigaud, puis d'une vigne sise à Saint-Julien, dont le produit devait être affecté à faire boire ceux qui sonneraient cette cloche. D'où le proverbe bien connu dans la région de cc Boite tire la Rigaud ».

Le vin de Saint-Julien parut si bon à un suc.cesseur de Rigaud, Georges d'Amboise, archevêque de Lyon, qu'il en régala son chapitre. Celuici voulut à son tour s'en approvisionner et, pour ce faire, Georges d'Amboise, devenu premier ministre sous Louis XII, fit exempter les vins du Beaujolais de tout droit d'entrée et de sortie à leurs passages dans les bureaux des fermes générales.

La Rigaudière appartenait au XVIII' siècle au comte de Bourck, qui la remit à Jean Maritz, l'inventeur du forage des canons. Sa fille l'apporta en' dot à un membre de la famille du Peloux. Aùjourd'hui le magnifique parc de la Rigaudière, ou Rigodièie, est la propriété de M. Roche. Le Deaulx appartint aux Nizet et aux Isnard. Quant au Colombier, il était, en 1618, le fief de noble Alexandre Garnier* écuyer, seigneur des Garets et d'Ars, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi.

Le château d'Espagne est la propriété de M. A. Roclie; celui.du Jonchy, de M. de la Borde. Enfin, nous signalerons, à notre droite, sur la hauteur dominant les prairies et les vignobles, le splendide château moderne de Bussy, à M. des Garets, d'où la vue s'étend splendide, depuis Villefranche jusqu'à Mâcon, en suivant tous les méandres de la Saône.


Un homme a illustré Saint-Julien, dont nous devons rappeler la mémoire; j'ai nommé le savant Claude Bernard.

Il y est né, en effet, le 12 juillet 1813, dans cette coquette maison aux volets verts, perdue sous les arbres touffus, qui s'élève sur la colline, à la croi sée de la route du Moulin, de celle de Villefranche et du chemin de Talencé.

St-Julien Château de Bussy

C'est là, sous ces ombrages, que, chaque année, le savant physiologiste venait se reposer de ses travaux; c'est là que je le vis souvent, toujours simple, toujours modeste, toujours dévoué aux paysans qui venaient, sans autre formulé, le consulter pour les maladies de leurs vaches ou de leurs vignes. Il y amendait généralement avec lui son préparateur favori, ami de Gambetta, Paul Bert.

Claude Bernard avait commencé bien simple


ment ses études au collège de Villefranche, pout les continuer au lycée de Lyon, se destinant d'a bord à la pharmacie, qui l'obligea à entreprendre un stage à Vaise. Mais Paris l'attirait; il partit et, après quelques essais littéraires, à la vérité peu heureux, il se lança définitivement dans les études de médecine. Il était reçu interne en 1839, docteur en 1843, docteur ès-sciences en 1853. L'an née suivante, il était pourvu d'une chaire de physiologie générale qui venait d'être créée à la Faculté des Sciences de Paris et nommé membre de l'Académie des Sciences, en même temps que professeur de physiologie expérimentale au collège de France. En 1S6!, il est reçu membre de l'Académie de Médecine; en 1867, il passe au Muséum; en 1868, il y est nommé professeur de physiologie gé nérale et remplace à l'Académie Française un au tre savant, Flourens. Sa réception eut lieu le 27 mai 1869. Son discours fut très remarqué comme exposé des rapports de subordination entre les doctrines philosophiques et la science expérimentale.

On sait l'immense influence exercée par Claude Bernard sur le mouvement de la physiologie en France, par ses travaux, par ses doctrines, par son enseignement et par ses découvertes.

Sa mort, survenue le io février 1878, causa d'universels regrets; la Chambre des Députés, sur la proposition de Gambetta, lui vota des funérailles nationales. Un monument, dû au ciseau de Guillaume, lui fut élevé sur le terre-plein du collège :de France, à Paris. :Un autre monument existe à Lyon dans la grande cour d'honneur de la Faculté de Médecine, près- du quai qui porte


le nom de notre grand savant; enfin Saint-Julien se devait de posséder pour toujours les traits de son enfant si illustre.

St-Julien Statue de Claude Bernard,

enfant du pays

La statue du savant, due au ciseau du regretté sculpteur lyonnais, Arthur de Gravillon, s'élève sur la place du village. Le buste, en marbre, est placé sur un cype devant lequel un jeune enfant présente au savant une couronne de fleurs.


C'est sur cette petite place, devant l'église, au style très moderne, mais coquette, que Claude Bernard venait, aux vendanges, s'entretenir avec ses amis les vignerons, causant simplement avec eux, sur le seuil des cabarets, des récoltes et du vin, tandis que l'antique omnibus de Salles à Villefranche, aujourd'hui détrôné par le C.-F.-B., prenait un instant de repos.

Quelle animation dans ce petit coin de village, au moment des fameuses vendanges I Car SaintJulien est le lieu désigné pour l'une des ff places » les plus importantes de la contrée.

Savez-vous, touristes profanes, ce qu'est un» place en Beaujolais ? On nomme la place, le lieu de réunion, hameau ou village, dans une agglomération de plusieurs communes, où les vignerons vont, pendant les vendanges, louer pour là journée les vendangeurs, ouvriers sans travail, canuts sans ouvrage, souvent rôdeurs et trimards, quand ces bras manquent dans le pays et que la maturité presse la récolte.

Là s'établissent les mercuriales du jour, le prix de la main-d'œuvre pour coupeurs ou porteurs. Il fait nuit bien avant l'aube, les cabarets de Saint-Julien sont envahis par une foule tapageuse^ hommes et femmes confondus autour des tables ou accroupis, à peine éveillés, la tête dans .les mains, sur le seuil, le paquet de hardes enfoncé dans le benot, ou jarlot.

Les vignerons des villages voisins, la canne et la lanterne à la main, se réunissent et se consultent, discutant des prix, causant de la récolte et débattant l'embauche.

Ici une bande de vendangeurs arrive, en un


St-Julien


seul groupe, d'un village où la récolte est plus tardive ils ne se quitteront pas et feront la saison ensemble, sous la conduite du chef qu^ils se sont choisis. Plus loin, des groupes se détachent dans l'ombre, causant avec éclat, se disputant, s'injuriant ce sont les ouvriers sans travail de Villefranche ou de la Croix-Rousse, la terreur des campagnes, la plaie des vendanges.

On boit, on discute bruyamment. Les premiers arrivés ont fait les prix, suivant l'affluence de vendangeurs.

Dans un recoin de la place, quelques gendarmes se promènent, arpentant silencieusement les dalles de la mairie où reposent quelques vauriens qui ont échangés des coups de couteaux pour une fille. On s'est jeté le jarlot à la tête et la fille a fendu la joue d'un de ses agresseurs d'un coup de pouce de fer qui lui sert à détacher les grappes. Enfin les marchés sont passés, les vendangeurs embauchés; le jour va poindre; chaque ouvrier suit, par les sentiers des vignes, son nouveau patron d'un jour qui le conduit à la ferme où déjà les camarades dévorent la ckamourre le plat traditionnel des vendanges puis à la vigne où la récolte attend.

Voilà la place de Saint-Julien tel est l'aspect pittoresque qu'elle présente, chaque matin, pendant la période si mouvementée des vendanges. Je ne connais pas 'pour le promeneur, amoureux de la coquette nature, une excursion plus intéressante et plus facile que celle qui consisterait à quitter Lyon. de très bonne heure pour prendre le C.-F.-B. à Villefranche et se rendre à SaintJulien-sous-Montmélas. De là, après un savou-


reux déjeûner, et un coup d'œil donné aux platanes séculaires qui ornent la cour d'honneur du château de M. Roche, maire de la commune, au centre même du village, on gravirait les côtes ardues de Saint-Bonnet par les vallons ombreux où chante le ruisseau et que peuplent les vergers, au milieu de prairies ruisselantes de rosée.

Bien vite on a dépassé la zone des vignes si riches de leur vin généreux.

On entre sous les sapins noirs; le coup d'oeil est idéal. Sous la mousse s'étalent le champignon rose et la fraise. On grimpe on grimpe toujours; voici les noisetiers que dépouillent en septembre les rudes gars et les jolies paysannes beaujolaises. On arrive au sommet de Saint-Bonnet, au vieux télégraphe, dont les bras pendent brisés, tristes vestiges. Puis, hypnotisés par ce panorama unique, vous redescendrez vers la forteresse de Montmelas, splendide château-fort. Enfin, après un plantureux diner à Rivolet ou à Denicé, vous reviendrez ravis à la gare de Villefranche.

C'est une excursion que je vous conseille, Tentez-là

SAINT-BONNET-LE·CHATEAU

ET MONTMELAS

Que voit-on donc du haut de Saint-Bonnet Ce sommet, d'une altitude de 700 mètres, est le plus merveilleux « signal » qui se puisse imaginer tout à la ronde. De là, la vue se prolonge aux quatre coins de l'horizon sans arrêt. Devant nous, au levant, à nos pieds, Montmelas et ses tours crénelées, l'immense plaine Beaujolaise, -à peine mame-


lonnée, toute verte, toute souriante, où les villages sont si serrés qu'ils ne semblent faire qu'une agglomération perdue dans un parc sans limites. Tout au loin, à travers les peupliers, la Saône déroule capricieusement son ruban d'argent qu'on suit de Neuville à Mâcon. Puis ce sont les collines de la Dombe qu'estompe la brume, et le plateau des forêts et des étangs d'où émergent les clochers d'un nombre infini de villages. Plus loin encore, les monts du Bugey, la vallée de l'Albarine, le cours du Rhône, les rochers de Villebois et de la Balme, les plateaux du Dauphiné. Enfin, fermant notre horizon, les cimes du Jura, le Cret de la Neige (1.723 m.) et le Reculet au-dessus de Gex, l'Aiguille du Chardonnet et celle de Largentière (3.goo m.), l'Aiguille verte, m. que les paysans appellent le Tas de blé, l'Aiguille du Midi, l'Aiguille du Goûter, enfin le géant de ces cimes, le Mont-Blanc perçant le ciel de ses neiges éternelles, à 4.810 m. d'altitude.

La chaîne s'incurve vers la Dent du Chat et la Croix du Nivolet, pour rejoindre les Alpes Dauphinoises. Plus à droite, voici dans leurs moindres détails, les chaînes de Belledone et des GrandesRousses, qui nous dérobent les glaciers de la Grave et les cimes du Pelvoux. Quand les feux du couchant dorent et font resplendir les GrandesRousses on se demande si ce qu'elles cachent pourrait être plus beau.

Une aiguille chargée de neige s'aperçoit entre la Grande-Lance et le Taillefer, c'est le pic de la Muzelle, seul point visible des cîmes de l'Oisans et du Pelvoux. Il domine les immenses glaciers des monts de Lans. Nous nous orientons sensi-


blement vers le midi. Voici l'échancrure de la vallée du Grésivaudan, porte triomphale des Alpes françaises, formée par le roc surplombant de la Dent du Loup et, en face, par le Casque de Néron. Peut-être de Saint-Bonnet voit-on, sinon la ville, du moins les forts de Grenoble. Le Mont-Verdun, moins élevé, est bien en communication, par un poste télégraphique optique, avec le fort de la Bastille.

C'est assez dire que rien ne peut arrêter notre vue de ce belvédère idéal.

Tournant toujours à droite, voici la chaine du • Vercors et le Royannais; puis le Pilat, au-dessus du chainon de Givors; puis les monts de la Loire, les Cévennes; au couchant, les monts superbes du Lyonnais, dans toute leur étendue; enfin, les monts du Beaujolais, étalant leur splendeur à nos pieds pour s'arrêter au nord, au Saint-Rigaud. Si Villefranche est justement fière de sa plus belle lieue de France, elle peut l'être de son observatoire de Saint-Bonnet, d'où se déroule un des plus merveilleux panoramas qui se puisse imaginer.

A qui voudrait suivre nos traces, pour mieux voir encore, nous conseillerions de prendre pour cime plutôt le Chatou, qui commande Saint-Bonnet de 161 mètres. On redescendrait au carrefour pittoresque des routes qui conduisent, soit dans la vallée de l'Azergues à la Feuilletière, à Grandris et à Lamure; soit à Vaulx, soit à Rivolet et Villefranche, soit enfin àMontmelas. Après un arrêt au Cruison chez la Mère Cateland, l'auberge bien connue des chasseurs, près de la croix, à l'étoile des routes, on arriverait comme nous à la forte-


resse, antique manoir hautain qui commande toute la vallée de la Saône et la plaine de Villefranche.

Château de Montmelas,

Planté hardiment sur son promontoir de roc, Montmelas, au comte de Tournon, est un des plus beaux châteaux du département et occupe une des plus fortes positions qu'eût pu ambitionner un seigneur féodal du moyen âge.

On compte dans son enceinte six tours, rondes ou carrées.

Deux de ces tours, à l'encolure puissante, défendent l'entrée principale. La chapelle élève dans les airs sa flèche pyramidale; sa porte, d'un pur style ogival, provenant de l'ancienne église de Gleizé, a été sauvée ainsi de la destruction. On monte par un majestueux escalier sur des terrasses crénelées servant d'assises au château proprement dit. Tout cet ensemble formidable est enfermé dans une enceinte particulière, contenue


elle-même dans une première enceinte aussi crénelée, percée de portes et de poternes et flanquée de tours carrées qu'enveloppe le lierre. Un parc immense, véritable forêt entourée de murs qui la relient à cette enceinte, se développe autour du château, qui est avec le chapitre de Salles, que nous visiterons à son heure, une des perles du Beaujolais.

C'est. des le XI siècle qu'on voit apparaître Montmelas, au pouvoir de la maison de Beaujeu. Au XV° siècle, il passe avec tout le Beaujolais aux ducs de Bourbon. Au XVIe siècle, le connétable de Bourbon vend la seigneurie et le château à Philibert de Crozet sa veuve le revend, en à Philibert de Beaujeu-Linièrés. Louis de Gonzague, duc de Nivernais, et sa femme Henriette de Cèves le revendent à leur tour en dernier lieu, en 1556, à Jean Arod, seigneur de Serfavre, dont le fief et la résidence sont à Cogny. Cette famille s'installe à Montmelas vers le milieu du XVIII' siècle. Sa juridiction s'étendait sur Sâint-Sorlin, qui/ donne aujourd'hui son nom à la commune sur Cogny, Rivolet, Denicé, Saint-Julien, Blacé, Saint-Çyr-le-Chatou, Lamure, Vaux, Lacenas, Arnas, Arbuissonnas et quelques cantons de Saint-Etienne-la-Varenne et de Saint-Georges-de-Reneins.

Au moment de la Révolution, les seigneurs de Montmelas, ne furent pas inquiétés. En 1828, Mlle d'Arad, épouse le marquis de Tournon-Simiane et apporte Montmelas à cette famille qui le possède encore de nos jours.

Souvent et très habilement restauré, le château est à peu près tel qu'il est représenté par nn des-


sin du XVIIO siècle conservé dans les collections deM.deTournon.

A citer dans le château, remarquable dans tous ses recoins, un chapiteau, débris du primitif château, et qui remonte, sans conteste, à Humbert II. Les costumes des seigneurs à cheval, des trois guerriers, comme les autres détails, sont du Xie siècle et offrent une grande analogie avec la fameuse tapisserie de Bayeux, représentant la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant. Mais la visite du château nous retiendrait trop longtemps. Il nous faut, à regret, par une pente rapide, à travers sapins et vignes longeant les rives ombreuses du Marverand, retrouver Saint-Julien et notre train qui s'impatiente à nous attendre.

BLACÉ

Nous grimpons une côte rude; notre locomotive souffle, s'époumonne et siffle. Voici Blacé avec son splendide château moderne construit près de l'église par M. le comte de Culan de Villarson, incendié il y a quelques années et reconstruit sur ses ruines. Blacé, pays de riches vignobles et de belles cultures,ne peut attirer l'attention du chercheur par ses vieux monuments il retient le promeneur par le charme de sa situation ravissante au bas des montagnes de Saint-Bonnet. La végétation y est puissante; le .pays est ondulé, varié, semé de riches hameaux où règnent la santé et le bien-être..4 gauche de la ligne, le village, auquel nous conduit une remarquable allée de vieux tilleuls; à droite, le hameau de Monteiller,


avec sa maison carrée, entourée de vieux arbres, au belvédère si bien situé, d'où la vue se promène sur le vaste horizon de la Saône, ancienne demeure de M. Chapuit, directeur du collège de Vil-

Blad

lefranche, directeur de l'Ecole normale du Rhône puis le « Bas de Blacé » où résida jadis l'architecte lyonnais Dupasquier; plus loin, Grammont, siège d'un ancien prieuré; devant nous, au nord,


Berne et sa curieuse gentilhommière aux tours carrées, aux toits en entonnoir à M. de Miramont. La situation de Blacé est vraiment enviable. Partout s'ouvrent cuviers et caves garnies de vins généreux de diverses valeurs, suivant qu'ils viennent des plaines de Blaceret, de Grammont, du Montpart, ou des cimes de Blacé dorées par le soleil. La juridiction de Blacé appartenait aux Champrenard, ainsi que le prouve son traité d'acquisition par Guillaume Arod de Montmelas et par dame Claudine de Chalmazel, son épouse, le 14 février Les Despinay de Laye leur succédèrent.

Outre le prieuré de Grammont, à Melchior de Mornieu, jadis sis au milieu des bois et dont il ne reste plus'trace, car tout a été défriché et livré à la vigne, prieuré fondé par les seigneurs de Beaujeu qui l'avaient doté d'une partie du Péage de Rogneins et qui était de la nomination du grand prieur de Saint-Etienne-de-Limoges., Blacé qui dépendait de la paroisse de Salles, avait encore un fief noble appelé du Bost, aux seigneurs de La Bastie, de la maison de Damas.

Voilà tout ce que relatent nos chroniques sur cette jolie commune. Le village s'élève en amphithéâtre sur la colline que domine l'église au clocher carré. Près de la gare du C.-F.B. s'étale un vaste hôpital, don généreux de Mme Courajod, décédée en 1896, et qui a été inauguré le 20 septembre par M. A. Bérard, sous-secrétaire d'Etat aux Postes et Télégraphes, sous l'administration de M. Maurice, maire de la commune.


SALLES ET SON PRIEURÉ

Coupant les vignes en tranchée, contournant le coteau, notre voie s'engage sur la gauche, plus au nord; voici, sur une éminence, le château moderne de Paragard, à Mme Morel. La machine siffle et, tout à coup, Salles-en-Beaujolais, avec son prieuré fameux, se découvre dormant dans un amphithéâtre de splendides collines, avec une échappée de vue idéale sur les plaines de SaintGeorges-de-Reneins et de Belleville.

Que n'a t'on déjà dit et écrit au sujet de Salles Un vieux curé de Salles a légué, en 1873, à ses successeurs., un manuscrit très précieux sur le prieuré de Salles, d'autant plus précieux que l'abbé Laurent a habité Salles, de 1830 à- 1873, année de sa mort. Il a connu quelques dames de Salles qui habitaient encore leur ancienne maison dans la cour du chapitre où, avant la Révojjition, elles avaient été jeunes chanoinesses. Ce manuscrit s'appuye sur 'des documents authentiques appartenant au presbytère de Salles dont M. Méhu, architecte à Villefranche, vient d'entreprendre la publication.

La paroisse de Salles sous le vocable de SaintMartin est une des plus anciennes du Beaujolais. Sa position, dans un charmant vallon, où coulent, avec le Sallerin, de nombreuses sources intarissables, la richesse de son sol en font un des plus jolis sites du pays. Mais ce qui doit surtout y at. tirer l'archéologue et le touriste, c'est son vieux chapitre des dames nobles. Qui n'admirerait son vieux cloitre roman, son clocher aux délicates co-


BOUILLIE MICHEL PERRET Bouillie bordelaise sucrée Procédé breveté 8.G.D.G

PAR LES EXPÉRIENCES

d'Aimé GIRARD

8a grande supériorité lui vient de •on adhérence, de sa richesse en enivre aoluble, de la facilité et de l'économie de non emploi.

Les expérienoes, faites sur tous les pointe de la France, par les Viticulteurs et les Professeurs les plus distingués, ont partout confirme les résultats merveilleux obtenue par Aimé Girard et II est permis aujourd'hui ses propagateurs de la présenter oomme l'un des remèdes les plus effioaces et les plus sûrs oontre toutes les maladies oryptogamiques et parasitaires de la vlgne, de la pomme de terre, des arbres et des plantes.

Marque aussi bien que la bouillie ordinaire Il

Pour ReaseJonemems, commandes, Plu, Dindes de RepnMajloo S'ADRESSER A LA

SOCIÉTÉ DE LA BOUILLIE MICHEL PERRET à TULMNS (Isère)


lonnettes, sa cour d'honneur qui porte encore,dans la régularité de son tracé, quelque chose de la majesté de l'ancien régime I Salles est l'un des villages du Beaujolais qui nous offre le plus d'in-

Le chapitre de Salles

térêt au point de vue de l'histoire. Ce n'était qu'un tout petit hameau au XI"sièc1e quand les moines de Cluny vinrent y fonder un prieuré simple sous la protection des Humbert de Beaujeu, seigneurs suzerains et mahres de toute la province. Une fois


fixés dans cette paroisse, les Bénédictins furent chargés de la desserte. Or cet ordre avait en Dombes, depuis le XIIIe siècle, dans l'ile de Grelonges, au (baron de 'Fléchèrete, près Messimy,. sur les bords de la Saône, une maison de dames bénédictines, qui, menacées des inondations de la rivière, durent se réfugier à Salles, aux lieu et plaçe des moines qui n'y laissèrent, en 1301, qu'un prieur et un sacristain. On construisit une voûte dans la nef de l'église pour supporter le nouveau chœur des dames. Cette voûte ne fut démolie qu'en

Qu'étaient donc, dans l'origine, ces dames de Grelonges?

C'était, dit un manuscrit authentique, une société de dames nobles, protégées par les sires de Beaujeu, enrichies de leurs libéralités, qui se réunissaient pour vivre en commun, sans être assujetties ni à un vœu ni à une clôture.

Du reste on a la preuve de leur noblesse dans ce fait qu'en dame Eléonore de Beaujeu, fille de Guichard le Grand et d'Eléonore, princesse de Savoie, était au nombre des dames de Salles. Elles se sont maintenues dans cet état d'indépendance jusqu'en 1647. A cette date, l'abbé de Cluny voulut les assujetir à un règlement religieux et les menaça de les transférer à Lyon. Ces dames, alors, dans la crainte de quitter Salles, consentirent à devenir chanoinesses régulières, de séculières qu'elles étaient. Cette espèce de réforme, jointe à l'incendie des archives de cette maison, en enleva au chapitre son ancienne splendeur. Mais, en Mme de Ruffey, prieure de Salles et fille d'un prébendier au Parlement


de Dijon, obtint du roi des lettres patentes qui exigeaient, pour l'admission au chapitre de Salles, des preuves de neuf degrés de noblesse du côté paternel, et fit réparer l'église et le chapitre qui étaient tombés dans un véritable état de délabrement. Ces réparations donnèrent lieu à un procès curieux porté à Lyon par les habitants de Salles qui craignaient de voir les chanoinesses invoquer ensuite ces réparations pour s'emparer de leur église. Un arrangement eut lieu; les dames du chapitre s'engageaient à faire construire une église indépendante à l'usage des habitants. C'est alors que l'architecte Désarnod entreprit son grand projet que. la Révolution vint interrompre et dont il reste aujourd'hui la cour d'honneur, la grille et les pavillons, les fossés, les maisons des dames qui entourent la cour et probablement les tournelles de Laye.

Malheureusement on a laissé horriblement mu tiler toutes ces constructions si curieuses. Actuel lement, les salles situées au-dessus du cloître ser'vent de greniers et le jour viendra bientôt où les planchers s'effondreront sur le cloître, abandonné lui aussi aux tonneliers et aux vignerons.

Mais on peut juger de l'effet monumental qu'eût produit le projet de Désarnod, par le coup d'oeil si curieux qu'il présente encore avec son point de vue idéal s'étendant jusqu'à Montmerle et l'avenue splendide qu'on ménageait au chapitre jusqu'à Blaceret.

Telles sont les constructions 'si intéressantes que le promeneur trouvera dans sa visite à Salles et qui ne peuvent manquer de le retenir.

Nous reprenons notre route et, franchissant la


vallée sur un viaduc hardi et pittoresque, nous arrivons bientôt à la halte d'Arbuissonnas.

ARBUISSONNAS

On chercherait inutilement le village d'Arbuissonnas, proprement dit; car si l'église, la mairie et le cimetière sont réunis au sommet d'une colline, au centre de la commune, les maisons sont disséminées, au milieu des jardins et des vignes, sur toute l'étendue du territoire, sans aucune agglomération importante.

C'est un pays riche en vignobles, mais qui ne peut nous retenir que par la gaieté de son site et l'intérêt de ses souvenirs.

Jadis, on signalait près de l'église une tour en ruines, avec) des meurtrières, !derniers vestiges, disait-on,de l'ancien prieuré dépendant de l'abbaye d'Ainay.

Le clocher, tout moderne, remonte à i86o..

Arbuissonnas (Albucsona, Albussonas, à votre choix) dépendait naturellement des sires de Beau jeu. On en retrouve des traces au XIII' siècle. Antoine de Rostain, seigneur de Vauchette et d'Arbuissonnas, épousa la sœur d'Antoine de Gondy, le célèbre banquier de Lyon, maître d'hôtel d'Henri II et de François II, père du cardinal de ce nom et du maréchal de Retz.

Le 20 février i6gg a lieu le baptême de la cloche, ainsi que le prouvent les archives du Rhône; le parrain était Jacques Laforest, fils de Pierre et Philippe Crotte et la marraine demoiselle Catherine de Madière, fille de seigneur de Milly et d'Arbuissonnas et de dame noble Catherine Colombi.


En éffet, la justice qui dépendait jadis de Montmelas, avait été vendue, avec celle de Blacé, par Guillaume Arod, en 1651, à noble Guyot de ThyNfill.y. Elle passa ensuite aux Chapuis de Courgenon et aux Carnazet. En le seigneur d'Arbuissonnas était Renaud de Milly.

Une halte encore au fond de Vaulx, à la Talebarde, sur les bords riants de la Vauxonne, jalonnée de hauts peupliers qu'habitent les tourterelles

Arbuissonnas

et entourée de prairies plantureuses et de gras pâturages peuplés de riches troupeaux.

Tout est riant dans ce coin de campagne, au pied des cimes boisées des monts de Chatoux et de Saint-Bonnet. La gorge s'enfonce profondément à gauche dans la montagne, contournant les collines que recherche la perdrix rouge, pour grimper les côtes aux noirs sapins et arriver à la cîme rejoindre la route de la Feuilletière, de Villefranche à Lamure. Le pays est ravissant, la nature y est imposante une Suisse en miniature


r- l'air y est pur, le sol sait y déployer toute sa séduction. Aussi quel rendez-vous favori des chasseurs qui trouvent partout portes et mains ouvertes, bon souper, bon vin et bon gite, le bienêtre et la gaieté sur tous les visages.

VAULX-LE-PERRÉON

Avant de redescendre des cimes, pour demander à Vaux un réconfortant nécessaire, permettez-moi de vous convier à visiter avec moi, sur la montagne, entre Vaux et Lamure, 'le. sommet de l'Auguel (89o m.), ou crêt de Najoux. Le touriste que n'auraient rebuté ni les coursières ni les pentes rapides sera bien récompensé de sa peine par le panorama sans pareil qui se déroulera sous ses yeux. Son regard ravi va des montagnes bleues du Jura aux sommets irradiés des Alpes qui échelonnent à l'horizon leurs pics dentelés. A ses pieds, la vaste cuvette bressane vient se souder, par des ondulations insensibles, au plateau marécageux des Dombes. La Saône ourle le tout de son ruban argenté et coule indolente entre les grasses prairies de sa rive droite et les coteaux de la rive gauche.

La beauté du site n'entra sans doute pas en ligne de compte dans les motifs qui poussèrent nos ancêtres à construire là un refuge, un camp dont on retrouve aujourd'hui l'enceinte. Il faut plutôt chercher sa raison d'être dans la surveillance facile qui pouvait s'exercer, de ce lieu élevé, sur la vallée de la Saône, le grand chemin des bandes pillardes en quête de butin.

L'enceinte du camp de l'Auguel est un vaste


ovale épousant la forme du sommet, mesurant 92 mètres sur son grand axe et 84 sur le petit axe. Formé de pierres sèches, le retranchement est parfaitement reconnaissable à l'ouest et au nord, sur une longueur de 140 mètres. Le reste a été épierré en partie, pour faciliter la culture.

On y retrouve de nombreux débris de briques, de tuiles à rebords, de meules en, lave et en grès,

Le Perréon

de fragments de dalles calcaires. Des sondages exécutés au centre du camp ont mis à découvert les fondations d'une construction rectangulaire, avec mortier contenant de la brique pilée, procédé généralement employé à l'époque romaine.

Deux rampes d'accès, très reconnaissables encore, l'une au nord, l'autre au sud, indiquent deux entrées du camp. Un chemin suivant les crêtes, et qui existe encore de nos jours, reliait au


Vacances ef

Villégiatures

è MEXIMIEUX (Ain)

Une heure de Lyon

FONCÉ EN )a34

Pensions à des prix très modérés, Chambres très confortables et tout nouvellement installées, Cuisine de premierordre,Garagesd'Automobiles. Ecuries, Remises, Chambre noire de Photographes, Voitures d'Excur- sions, Salles de Banquets. Salles de Familles, Grands Hangars, Jardins, Jeux de Boules et Tonnelles.

Pays très Giboyeux, Chasse, Pêche, Esoursiona pittoresques dans la Bresse, la Dombes, le Bugey sur les bords delà rivière d'Ain et du Rhbne.

Hendez-oous favori des Chasseurs et des sociétés de lyon


camp les cols de Montmain et des Places, de chaque côté de l'Auguel. Ce refuge semble, en somme, avoir été construit à l'époque de la pierre polie. Il servit ensuite d'asile aux populatipns menacées par les hordes des Barbares d'Outre-Rhin qui se ruaient à -l'assaut de l'Empire de Rome.

Tel qu'il est de nos jours, le camp de l'Auguel reste encore le but le plus intéressant d'une ex cursion dans la montagne. Pour les Lyonnais, la promenade sera très facile.

Nous n'avons plus qu'à redescendre à Vaux, qui, là-bas, au levant, dort dans le vallon profond.

La famille de Vaux était très ancienne. Milon, doyen de l'église de Lyon, avait acquis par échange, en 1266, une portion de la justice que possédait Jean de Saint-Sorlin. Un autre Milon de Vaux, chevalier, fut nommé, avec Guy de Saint-Trivier,' exécuteur testamentaire d'Eléonore de Savoie, dame de Beaujeu. En reconnaissance de ses services, Guichard de Beaujeu lui fit don, le jour de Noël 1308, de tous ses droits sur la terre et prévôté de Vaux.

Il y avait à Vaux deux maisons nobles, MontRichard et la Terrousière, sans fiefs.

Le village s'étend coquettement, sur les déclivités qui dominent la vallée de la Vauxonne, qui vient de s'enrichir de trois petits affluents la Combe des Fées, les ruisseaux de Fonzelle et de Papilloud.

Les coteaux sont couverts de vignes on y trouve même des marbres réputés, des gisements de cuivre, de la houille, dit-on, et des sources ferrugineuses, au hameau des Balmes.


Vaux


Sur les bords de la Vauxonne, signalons l'ancienne propriété d'André Paul Sain, ancien maire de Lyon, créé baron par Napoléon Ier qui avait érigé la terre en majorat, en y ajoutant le nom patronymique de Vauxonne, titre annulé en 1836 et rétabli en 1862.

Nous sommes donc revenus au Fond-de-Vaux, par une boucle très curieuse à travers les prairies, qui nous avait conduits aux pieds de l'église du Perréon, au fond de la vallée. Là, reprenant la route déjà parcourue, après une halte pour « faire de l'eau », nous retrouvons la Talebarde et la rivière et la ligne dirette un instant délaissée. ST-ÉTIENNE.DES.OULLIÈRES

Après une pente rapide entre les peupliers de la Vauxonne et les vignobles qui dominent à gauche, notre horizon s'élargit et déjà nous entrevoyons la plaine et les coteaux des grands crus du Beaujolais, célèbres dans le monde entier. A droite, au loin, à travers un rideau de verdure, Saint-Georges-de-Reneins, de Rognins jadis, que borde la Saône et qui montre sa vieille église du XIII8 siècle, avec sa tour massive. Le duc d'Orléans, qui avait la juridiction du pays, avait à l'église un banc près du sanctuaire.

Comme ses souvenirs nous paraissent éloignés aujourd'hui, légendaires même Tout auprès le château de Boistrait, au comte de'Colbert, et dans les bois, à cheval sur la voie ferrée du P.-L.-M., le parc et le château de Laye, jadis aux Templiers, ruiné en par les chanoines de Lyon de peur que les Anglais ne vinssent à s'en saisir.


Puis les châteaux de Montchervet et de la Vaiiere, aux Monspey, enfin le château de Marsangue aux Laye-Espinay et qui leur servait d'auditoire de justice et de prison.

A la Révolution, Saint-Georges fut appelé Reneins-les-Sables. C'est aujourd'hui un village gai,

St-Etienne-des-Oullières

heureux, peuplé de vignerons, où la vie est facile et la nourriture plantureuse.

Mais Saint-Georges est loin et notre train, filant toujours, après des haltes sans intérêt, arrive à Saint-Etienne-des-Oullières, commune distraite en 1867 de celle de Saint-Etienne-la-Varenne, sa voisine. Un petit ruisselet, affluent de la Vauxonne,


le Falcon, arrose le village. La création du bourg avec son église, au clocher pointu, au porche à colonnades, est due à M, Durieu de la Carelle. A droite, sur une haute éminence, le château à tourelles de Néty, autrefois Netis, ancienne paroisse de la Talebarde, aujourd'hui propriété depuis de longues années de M. Charrin, Avant la Révolution, un monastère existait à la place du château; il fut démoli et du coup Néty perdit toute son importance,

St-Etienne-les-Oullières Ckdteau de Néty

De la terrasse du château de Néty, la vue s'étend au loin, ravissante sur les montagnes et sur toute la plaine du Beaujolais.

Plus bas, le château de Pougelon, à Mme veuve Lacroix, fief de la famille de la Font au XVIIO siècle; la fille d'Hugues de la Font l'apporta en dot, en 1688, à Guichard Gnil1in du Montet, qui


prit le nom de son nouveau domaine et le conserva jusqu'en z789.

Un autre domaine mérite de nous arrêter un instant, c'est le château dé Milly, à droite de notre route, sur le ruisseau du Falcon. Nous avons déjà oité la famille Thy-Milly. Le château appartient de nos jours à Mme veuve Second.

ST-ETIENNE-LA-VARENNE

D'un village à l'autre il n'y a, à proprement parler, qu'une enjambée.

St-Etienne-la-Varenne Les Tours

Du reste, les deux pays se touchent et la ligne des maisons-gaies, proprettes,toutes pimpantes,habitations de riches commissionnaires en vins, ne s'arrête pas. Notre train les suit, au milieu de la route, passant sans interruption d'un village l'autre.

Aussi arrivons-nous rapidement au hameau des Tours, propriété de M. Peter, jadis ayant appar-


tenue aux chanoinesses de Salles, qui l'avaient reçue de la famille de Beaujeu-Linière. Un acte de 1540 indique qu'à cette époque le manoir consistait « en une vieille tour et quelques bâtiments Il n'a rien changé de nos jours à son aspect pittoresque.

Près du domaine coulait une fontaine miracu-

St-Etienne-la-Varenne Eglise

leuse connue autrefois sous le nom de Fontaine. des-Sarrazins, mise depuis quelques années sous la protection de Saint-Jean; On y venait pour les coliques infantiles; la foi se chargeait d'opérer le miracle.

On y a trouvé dans les fouilles, de nombreux couteaux, flèches, ustensiles, provenant assurément d'une station de la pierre polie.


St-Rtienne-la-Varenne


Au-dessus des tours se dresse le village de Saint Etienne, au pied des crètes boisées, renommé pour son bon vin.

Le château de Bluizard, tout à côté, appartient à M. de Saint-Charles, diplomate et écrivain distingué i

Le domaine du Bluizard tire son nom de ses possesseurs au XVB siècle, les pères Bluizard, Antoine et Fleury, dont on retrouve les noms dans d'anciens titres. La maison a pris le nom de ses propriétaires par cette évolution si fréquente et si intéressante qui fait donner à la terre le nom de l'homme qui fut son maître. Le Bluizard appartint plus tard, comme la Douze, ou château de la Chaize, que nous rencontrerons plus loin, aux Trouilleur de la Vaupierre, d'où il passa aux de Saint-Charles qui le possèdent encore aujourd'hui, de père en fils, depuis La maison actuelle fut bâtie par le grand-père de M. Fleury de Saint-Charles, le président Durieu, qui a laissé à la Cour de Lyon de si grands souvenirs. Elle fut terminée par M. Edmond de Saint-Charles, ancien vice-président du Conseil de préfecture du Rhône.

a Vieilles maisons, vieux papiers n, a dit notre confrère, M. G. Lenôtre on voit que le Bluizard, cette vieille maison beaujolaise, possède toujours du pur sang beaujolais.

ODENAS ET BROUILLY

Les villages se succèdent sans apporter beaucoup de changement au paysage, toujours entre vignes et coteaux, toujours intéressants cependant,


captivants même, par l'air pur qu'on y respire et le bien-être qu'on y devine.

Odenas (Audona, Oudonnans, de Aldiniacum), jadis, que Louvet, dans son Histoire du Beaujolais, écrite, il est vrai, il y a plus de deux cents ans, nous représente comme ce sablonneux et maigre n, produit un des meilleurs vins de ce qu'on appelle communément « les bons Beaujolais », pour les distinguer des « petits Beaujolais », de la plaine de Villefranche et des « grands Beaujolais », que nous visiterons dans un instant.

Assis sur les derniers échelons de la côte Beaujolaise, au pied de mamelons couverts de vignobles, il n'offre rien de l'aspect que lui donne Louvet et l'on est en droit de s'étonner de l'affirmation de cet auteur, pourtant consciencieux, surtout si l'on songe que, dans un testament de messire Guichard de Varennes, dressé en septembre 1287, il est déjà question « d'une vigne de la Dou2e nom primitif d'une partie du territoire d'Odenas.

On trouve, plus haut encore, Rainulphe d'Oudonnas, partant en terre sainte en avec Herbert de Sennecey, qui lègue à l'église collégiale de Beaujeù, pour le repos de son âme, les terres qui! possède à Vaux, Lacenas et Oudonnas en Beaujolais, « consistant en vignes, prés et terres labourables ».

En 1620, Guichard de la Douze signe la charte des privilèges accordés aux bourgeois de Villefranche par Guichard V.

Au commencement du XVI0 siècle, la Douze appartenait à Lyonnet de Thy. Sa fille Guillemette la vendit, en 1573, à noble Hugues Charre-


ton, seigneur de la Terrière, à Cercié. Au milieu du siècle suivant, le fief passait à la famille de la Ronzière, puis à Jacques Trouilleur, seigneur d'Amareins et de la Vaupierre, président au Parlement de Dombes, qui le vendit enfin à François de la Chaise d'Aix, capitaine des gardes de la porte du roi. Ce dernier donna son nom à la terre de la Douze, qui fut érigée en comté. Le château de la Chaise actuel remplace donc l'ancien fief de

Odenas et la montagne de Brouilly

la Douze. On sait avec quelle, magnificence il fut construit en 1680. Mlle de la Chaise d'Aix, qui avait épousé Hyacinthe-Louis de Pellevé, comte de Flers, étant morte, la Chaise passa aux mains des Montaigu qui possèdent encore le domaine. François de la Chaise d'Aix était le neveu du célèbre confesseur de Louis XIV, le père jésuite la Chaise, qui séjourna souvent dans le splendide château d'Odenas.

Rien de plus imposant que la façade du châ-


teau, qu'on aperçoit de la ligne de notre chemin de fer, à travers les ombrages, tout à fait derrière le village, entouré d'arbres séculaires et d'immen ses prairies où rien n'arrête la vue. Devant le perron, de magnifiques jardins à la Française. A l'intérieur, on peut voir la salle des gardes décorée de panoplies d'armes et de portraits de famille; on y montre les appartements « du roi » et « de la reine », celui du père La Chaise.

Un autre homme illustre y est venu souvent se reposer de ses travaux et de ses campagnes, un neveu célèbre de Mme de Montaigu, le maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, qui fut président de la République.

Une avenue superbe conduit au château à travers le parc,

A gauche de l'avenue s'étendent de vastes caves, des cuviers modèles, agencés avec tous les perfectionnements nouveaux du matériel et des accessoires. Là, peuvent trouver place des milliers de pièces beaujolaises et les acheteurs du monde entier s'y donnent rendez-vous, pieux pèlerinage de dégustateurs, attirés autant par le choix des vins que par l'accueil qu'on y reçoit et par la splendeur du paysage.

Une autre seigneurie se montre, à droite d'Odenas et il. gauche de notre route, l'ancienne seigneurie de Pierreux, ou de Perreux, jadis maison forte à la famille Thibault de la Roche-Thalon, qui possédait également au XVIIIO siècle, le château de Lantignié.

Un héritage transmit Pierreux aux Maghin de Vertpré, qui en prirent le nom. Un second héri-


tage le céda aux de la Salle-Vigoussat, d'Auvergne, qui le possédèrent jusqu'à la Révolution. Perreux appartient aujourd'hui aux CharpinFeugerolles.

Près du château de Perreux existe un filon de galène, très anciennement exploité et qui appartint, dit la légende, à Jacques Cœur. Le château occupe le rebord oriental du plateau d'Odenas sur

Odenas Château de la Chaise

un petit vallon d'où sourdent des sources près desquelles furent relevées plusieurs stations préhistoriques. On y trouva entr'autres objets une hache cheléenne amygdaloïde très curieuse, près de la Grange-aux-Lions, et divers instruments intéressants à La Cloche on y trouva aussi une lame d'épée, une bouterolle et des lamelles. Il est bon d'ajouter, pour expliquer ces découvertes, qu'Odenas se trouvait sur l'antique chemin partant du gué de Grelonges, sur la Saône, et qui, par les cols successifs de la Poyebade, Crie et Champ-


joint, donnait accès dans les plaines du Charollais et le bassin de la Loire. Ce chemin existait encore sur le vieux plan cadastral de t8io.

Citerai-je encore la Vierre, ancienne maison forte située près de l'église, flanquée de tours et défendue par des fossés le château des Escloux, derrière celui de la Chaise, près de la Grangeaux-Lions, jadis aux Favre, bourgeois de Beaujeu, acheté par François de la Chaize; le fief de l'üéronde, à Jean Vaginay, de Claveisolles, prévôt des marchands de Lyon?

Mais trêve d'érudition Le temps presse. Nous avons à grimper à Brouilly, à Bruihie, comme Louvet nomme cette montagne.

Nous laissons donc Odenas et ses maisons blanches à l'ouest, les sommets du Saburin (656 m.) et du crêt de Molière (636 m.), couverts en partie des grands bois dela. Chaise, composés de sapins et de chênes. Cette couronne de verdure, du plus pittoresque effet, attire les promeneurs par les odeurs balsamiques de la montagne et par la vue splendide qui s'étend sur la vallée de la Saône. La même vue, plus étendue même, parce que rien ne la limitera, nous sera donnée du haut de Brouilly (Bruailles), sur ce pic de porphyre dominant la plaine, devant la petite chapelle élevée à la Vierge, en 1857, lieu de pélerinage favori du Beaujolais.

Le pic est semé de hameaux riches et de belles « maisonnées » aux vieilles tourelles, aux plantureux vignobles.

Tout à l'entour de la montagne, de coquettes ravines, que gâte une exploitation minière avec ses appareils et ses wagonnets.


Avant la construction de la chapelle, les pélerins se rendaient en remiage autour de la source du Nème (Nemosus), dont les eaux rares, mais glaciales, possèdent, parait-il, la propriété de guérir les maux d'yeux. Cette antique fons sacrée a été fréquentée dès la plus haute antiquité.

La Chapelle de BrouiUy

Puis la légende s'est transformée, et c'est ainsi qu'on raconte à Brouilly les exploits du géant Gargantua, le « très horrifique père de Pantagruel » et dont on montre plus loin le tombeau à


Vauxrenard, sur la rive droite du ruisseau la Mauvaise, au pied du Montgourry, tombeau grandiose, s'il en fut, mais où le fils de Gargamelle et de Grangousier doit se trouver bien mal à l'aise. En Beaujolais, c'est Gargantua qui a façonné les montagnes et une seule de ses hottées a suffi pour former le mont Roimont (543 m.), entre Chénas et Juliénas. M. Claudius Savoye, qui a étudié sur place, à Odenas, ces souvenirs du Beaujolais préhistorique, avec une compétence indiscutable, nous raconte que c'est encore aux travaux surhumains de Gargantua qu'on doit le lit de la Saône. Les pierres arrachées du sol et amoncelées formèrent Brouilly; les sables constituèrent le territoire de Saint-.Georges-de-Reneins.

Avec sa taille colossale, il posait un pied sur Brouilly, l'autre sur le Saint-Bonnet, à ro kilomètres de là, et buvait dans la Saône. S'étant oublié un jour sur la montagne, en débouclant son ceinturon, il créa ainsi le village de Létra, d'où le nom de M. donné aux habitants de cette commune par leurs peu charitables voisins.

Aujourd'hui, le culte a remplacé la légende. Le 8 septembre, les vignerons accourent de tout le Beaujolais sur la Sainte-Montagne, pour. faire bénir le plus beau sarment de la récolte. Aussi est-ce ce jour-là grande fête à Brouilly et à Odenas. Les paysannes s'y rendent en grandes toilettes campagnardes et fapageuses, sur leurs chars-à-banc où leurs charrettes à bœufs. La coquetterie des atours le dispute à l'envie d'exhiber le plus fameux sarment.

Et le soir, quand la chapelle s'illumine, jetant ses flammes de couleurs à tous les coins de l'ho-


rizon beaujolais, ce sont, dans les auberges de la route, où sous les branches, force beuveries et chansons. Ainsi, se termine, du reste, chaque fête dans cette riche contrée.

C'est que nous sommes au milieu des crus les plus réputés du pays et nous n'avons qu'à laisser promener nos yeux sur ce panorama sans limite, pour trouver à nos pieds les noms les plus connus de l'Armorial des vignobles du monde entier. Au midi, d'abord, Charentay, de l'ancienne famille des Vemeys, avec son antique fief d'Arginy, qui, en 1523, appartenait à Jean Camus, échevin de Lyon; les Camus le possédèrent jusqu'en époque à laquelle la terre passa aux de Monspey. Louis-Alexandre-Elysée de Monspey, brigadier des armées du roi, fut élu représentant de la noblesse du Beaujolais aux Etats-Génércaux de le château de Sermezy, aujourd'hui à M. Germain de Montausan; le château de Monternot, au baron d'Alérac, anciennement aux Belet de Boitret. Là, en se livra une grande bataille contre les Autrichiens.

En face de nous, au levant, la Saône et les collines de la Dombe, Belleville, l'antique Lunna des Romains, si riche par son histoire et par ses monuments, son. église du XII" siècle, qui ppssédait jadis les tombeaux somptueux des princes et des princesses de Beaujeu de la première race, qui faisaient de Belleville le Saint-Denis de la maison de Beaujeu.

Car Belleville eut son heure de grande splendeur, avec son enceinte garnie de hautes murailles et de larges fossés remplis d'eau-vive. Il s'y


tint, au dire de Paradin, un concile provincial sous Saint-Louis.

Que de sièges n'eut pas à soutenir cette villeforte, ravagée au VI siècle par les troupes d'Attila. Anéantie, en 732, par les musulmans d'Espagne, elle trouve son nom de Bellavilla à la fin du Xl' siècle. Plus tard, elle tombe entre les mains des Tard-Venus. En 1363, Edouard II, seigneur de Beaujeu, s'y voitj assiégé par Philippe-le-Hardi, à qui il a refusé l'hommage. A cette époque, les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem y possédaient un temple. En 1408, Aimé de Viry, aventurier au service du duc de Bourgogne, met Belleville à sac. Enfin, la ville est détruite et brûlée, en 1567, par les Huguenots conduits par M. de Ponsenas.

Jamais elle ne .s'est relevée de ces désastres. Nous aurons l'occasion sans doute de revenir sur ces intéressantes chroniques.

Le 5 pluviosc, an II, Belleville prit le nom de Belluna, décision qui ne fut pas ratifiée par la Convention.

Tout près de Belleville, voici le château de l'Ecluse, où Louis Racine a composé son poème La R$Ugion,

Plus près de nous, Saint-Lager et le château Brac de la Perrière, Cercié et le château de la Terrière que dessert la petite ligne du chemin de fer de Belleville à Beaujeu; puis, au loin, Durettes, Villié-Morgon, Fleurie, Romanèche-Thorins, Chiroubles, célèbre par ses navets estimés de tous les gourmets. Villefranche s'étend au loin dans la brume; à gauche, Mâcon s'estompe.avec les col-


lines de Saône-et-Loire et les plaines verdoyantes de l'Ain.

La Saône se promène devant nous, dormeuse à travers ses saulaies.

Au nord, Beaujeu et la vallée de Monsols que nous' allons parcourir; au couchant, les monts du Beaujolais et les cimes d'Ajoux, aux noirs sapins, aux verts châtaigniers. Et toujours au fond, au levant, les Alpes aux neiges éternelles.

Voilà ce que nous montre le pic de Brouilly, aux vins renommés, vins si réputés qu'Humbert III de Beaujeu, condamné par le pape à faire une fondation pieuse en punition de la rupture de ses vœux de templier, dut doter l'abbaye de Belleville du a clos des vignes de Brulliez (Brouilly). Du reste, pourquoi vanter ici des crus si réputés ? Cela doit paraître à bon droit bien superflu. Nous quitterons donc la chapelle de Brouilly pour reprendre le C.-F.-B. et nous rendre à Quinclé, autre bon pays de vignobles.

Notre route fuit à travers des tranchées profondes creusées dans les vignes.

QUINCIE

La ligne va bientôt rejoindre le chemin de fer P.-L.-M. et la route départementale de Belleville à la vallée d'Azergues, route établie en 1618, de Beaujeu à la Saône, par François de Nagu, maréchal de camp et chevalier des ordres du roi;

La famille de Nagu posséda longtemps le château de Varennes, que nous apercevons, à gauche, sur les coteaux boisés que baigne la petite rivière des Samsons. Il est aujourd'hui la propriété de


M. Charvériat. Mais au XVI8 siècle, la terre de la Palud était le fief de Guillaume Barjot, procureur au baillage de Mâcon. Son fils Philibert Barjot ayant embrassé la religion protestante, le duc de Mayenne confisca le fief au profit de Jean de Nagu de Varennes, qui le céda plus tard à l'abbaye des Chazeaux, de Lyon.

Qt4incié-Château

Elle lui appartint jusqu'à la Révolution.

Le château de Varennes, dans les bois, très bien conservé avec ses vieilles tours à entonnoirs, son donjon et sa galerie à arcades, est fort remarquable et digne de l'attention des visiteurs.

Nous arrivons ainsi à-la halte de Montmay, sur les bords de l'Ardière, le grand affluent de la


Saane, après avoir laissé, sur notre droite, Durette et le château des Maisons-Neuves, à M. du Roure, et le château de la Pierre avec ses grosses tours dans les futaies, qui résistèrent si vigoureusement aux attaques du baron des Adrets.

Sur un pont hardi, nous traversons l'Ardière, A droite, à gauche, partout s'étalent les vignes. On ne peut rêver paysage plus riche et plus gai. Le train file, monte, souffle et siffle.

Nous sommes à Beaujeu.

BEAUJEU

Beaujeu! Beaujeu! Que de souvenirs évoqués par ce nom et par cette accorte devise, A tout venant Beaujeu/ de la capitale d'une de nos plus petites mais plus riantes provinces de France, monde exigu ayant ses grasses plaines riveraines de la Saône, ses vallées profondes, ses hautes montagnes et ses collines ensoleillées aux bords de la Loire. C'est ainsi que le décrit notre excellent écrivain Ardoin-Rumazet. Son importance dans l'histoire ne s'expliquerait pas si le défilé de l'Ardière conduisant aux Echarmeaux, d'où rayonnent tant de vallées, n'avait été au temps jadis un des passages les plus courts pour aller du versant de la Saône au versant de la Loire. Quiconque était maître de l'entrée de la gorge devenait maître des communications entre les deux grandes vallées de la France. Voilà sans doute à quoi il faut attribuer cette création d'une capitale dans un vallon étroit, alors que les plaines et les terrasses de la Saône offraient une assiette excellente pour établir une vaste cité.


Notre train nous fait donc pénétrer, avec le pe tit raccord du P.-L.M. de Belleville et la grande route départementale du centre, dans cet étroit défilé où l'Ardière aux eaux claires, très resserrée entre de hautes montagnes, dispute le passage aux maisons. Elle roule torrentueuse de la Combe des Essards, aux monts de Chomay où elle prend sa source, près du col de Crie que nous franchirons

Beau jeu Entrée du cèle de la gare

dans un instant pour nous rendre à Monsols. Ses eaux cristallines arrivent en cascadant sous les frondaisons jusqu'à Beaujeu, où l'industrie va les souiller. Puis peu à peu, elles se purifieront sur les graviers de la plaine, pour s'unir limpides aux eaux de la Saône, près de Saint-Jean-d'Ardière, en amont de Belleville, en face de Guéreins.

L'entrée de Beaujeu est des plus curieuses. Si nous jetons nos regards au levant, dans l'échancrure du défilé qui regarde les plaines, nous


voyons à nos pieds le point de départ de ces ad-, mirables vignobles qui prolongent jusqu'à Lyon, par le Mâconnais et le Beaujolais cette source de richesse nationale qu'on appelle la Côte-d'Or. Autour même de la petite ville sont nos plus grands crus. La motte féodale elle-même, sur laquelle se dressait le château des CI sirés » de Beaujeu, seigneurs aussi fiers de ce titre que les Coucy et les Rohan, n'a plus que d'informes débris de remparts mais les souches de la vigne montent à l'assaut de la butte et couvrent toutes les hauteurs voisines.

Ruines du Château des Sires de Beaujeu Au-delà de la ville, quand la vallée de l'Ardière s'élargit, ce ne sont que vignes sur toutes les pentes, venant parfois jusqu'à la rivière et, disputant la place aux prairies. Le rideau des montagnes noires et sombres s'est écarté et nous ne


voyons qu'une mer de ceps et d'échalas que barre le mont de Brouilly, enveloppé de vignes en face, les collines ondulées des crus du Morgon, gloire du Beaujolais; au-dessus, s'étageant, les monts d'Avenas et de Vaux-Richard, d'un vert sombre.

L'heure est venue de rappeler les brillants souvenirs de Beaujeu. On connaît ce vieil adage Au royaume de France, il n'y a que deux baronnies Beaujeu et Coucy ». Cela prouve la haute origine des sires dè Beaujeu les alliances qu'ils .contractèrent l'affirment encore. Guillaume II épousa Lucienne de Rochefort, dame de Montlhéry, fiancée de Louis-le-Gros, qui ne put s'unir à elle par empêchement de parenté; Guichard III eut pour femme Sibille de Hainaut, belle-sœur de Philippe-Auguste. Cette maison fonda.son illustration sur les plus hautes dignités occupées par ses membres, nous dit l'historien du Rhône, M. Varnet. Guichard II fut, à ce qu'on croit, ambas sadeur près du pape Innocent III Humbert V fut connétable de France; Guichard IV, ambassadeur en Angleterre Edouard ISP, .maréchal de France et Louis de Beaujeu, connétable.

Les sires de Beaujeu reconnaissaient les rois de France pour suzerains, mais ils avaient droit de haute justice sur leurs terres.

Les vers suivant donnent les armes de Beaujeu.

Un lion nai en champ d'ora

Les ongles roges et la quotla reverpa

Un lainbry roge sur la jota

Y sont les armes de Béjotla,


On connaît les contestations sans fin qu'eurent les sires de Beaujeu avec les rois de France et aveè l'archevêque et le Chapitre de Lyon, pour réclamations de droits d'hommages et de propriété qu'ils revendiquaient. Ils firent à maintes repri.ses .cri d'aide aux seigneurs de Lay, de Miribel, au comte d'Albon, Dauphin de Viennois qui, cha·cun en droit soy, leur envoyèrent réconfort. Que de fois alors, avec leurs vassaux, firent-ils des incursions en Lyonnais, incendiant manoirs, ravissant graines et bestiaux, commettant partout insignes violences, dont aucun à force ne pouvoit à soy défendre. A telle enseigne que l'Archevêque de Lyon fit défense de célébrer l'office divin, d'ensifulturer les morts, de sonner les cloches, de fournir des aliments ou boissons aux hommes d'armes, sous peine d'excommunication, sur les terres de Beaujeu et spécialement contre les chefs qui, dans lespace d'un mois, n'auraient pas quitté l'armée des réprouvée.

On n'a pas oublié l'aventure amoureuse d'Etdouard II de Beaujeu, qui enleva à Villefranche la fille de Guionnet de la Bessée et se vit, de ce fait, confisquer sa seigneurie.

Les sires de Beaujeu habitaient, sur la montagne, un château extrêmement fortifié, entouré de fossés et flanqué de cinq grosses tours, que sa position rendait inexpugnable. Il fut démoli, en 1611, par suite d'une mesure générale prise par le cardinal de Richelieu.

Louvet trouve l'origine de Beaujeu dans Baujbu a à cause de jeu qui signifie, en langue celtique « ou gauloise, colline ou montagnette et, par cor- « ruption d'un o en e a été appelé Baujeu et en-


« suite Beaujeu et le pays, Beaujolais n. Le même auteur veut que le château ait été donné jadis « par nos rois à quelque cadet de la maison de « Flandre pour garder la frontière et réprimer « l'insolence des seigneurs de Tourvéon qui étaient « ennemis de la France, à cause de l'assiette de

Beaujeu Fontaine sur la place du Marché « leur château qui n'est éloigné de celui de Beaujeu que d'une lieue et l'un et l'autre sur le che« min royal ».

En somme, l'origine des seigneurs de Beaujeu est assez obscure Paradin et Severt, après Belleforest, ont signalé Artaud, comte de Lyon et Forez, qui avait deux frères, Etienne, comte de Fo-


rez et Humbert, seigneur de Beaujeu, ainsi que le prouve une épitaphe jadis conservée dans l'église Saint-Irénée, de Lyon « Hfc jacet Artaudus, « comes Lugdunem et comes Forensis et dominus « Bellijoci, armo ççj. » Leurs tombes portaient gravées les armes de Beaujeu.

André Duchesne, dans son Histoire de Bourgogne, écrite au XVI8 siècle, veut que le premier seigneur de Beaujeu ait été un Vuischard ou Guichard, en l'an io32, mari de Ricoaire de Salornay et père de Béraud, fondateur de l'église collégiale de cette ville.

Guichenon se rapproche au contraire de la version de Paradin et de Severt, en prétendant que le premier seigneur fut Béraud, mort en 961, fils d'Omphroy ou Umphred, aventurier ou fils de Gérard, comte de Lyon.

Laissons les savants disserter entre eux.

Leurs querelles sur ce point n'enlèveront rien à l'illustration de la maison de Beaujeu.

Après avoir décrit le château,Louvet nous donne cet aperçu curieux de Beaujeu au XVIIO siècle. « La ville ou bourg est au-dessous du château et dans une grande rue qui contient près d'un « quart de lieue, à prendre en venant de Belle« ville, montant le long de la rivière l'Ardière. « On entre par la porte de l'hôpital, qui est à a main gauche de ladite rue et c'était autrefois le faubourg qui venait jusqu'à une autre porte «où il y a une tour qui était autrefois les prisons « du seigneur de Beaujeu et qui sert aujourd'hui « de colombier au président Carrige; ensuite on « rencontre l'église paroissiale de Saint-Nicolas, toujours à main gauche; car l'autre côté de la


« rivière est borné de la montagne des Andilliés « et de Gonty et, au-dessous, il n'y a que quelques cc moulins et la blancherie de M. de Bussières, « procureur du roi en l'élection du pays, puis Is cc long du grenier à sel, chez M. le président Dubost; de là, au marché et aux halles, jusqu'au pont de Paradis qui conduit au château. De ce carrefour, on monte jusqu'à la Pescherie, qui

Beaujeu Eglise St-Nicolas

« appartient au sieur chanoine Favre; sa maison u faite en forme de porte de ville, sous laquoll-î « il faut passer pour aller à la boucherie, qui est « une halle couverte, tout au travers de la rivière laquelle appartient au sieur chanoine Barjo;. « Plus avant, on .rencontre le pont Neuf d'où la « ville se fourche en deux rues, dont l'une jus« qu'au pont de la Ghevroterié, proche les Péni« tents Blancs, dans la place qu'on appelle h


(( Beurie j après il n'y a plus de maisons, sinon ci des jardins et prairies pour les teinturiers, de (( l'autre côté de la rivière qu'ils traversent sur des planches. Les montagnes produisent de très « bons vins, mais aussi portent beaucoup d'in« commodités à la ville par les ravines d'eau qui « charrient beaucoup de sable qu'il faut nettoyer u de temps en temps, autrement la ville se trju « verait à la fin ensablée comme est déjà l'hô- u pital et la porte de la ville,y joignant qu'on ne « peut passer à cheval, à moins que de baisser la tête. u

Telle était, d'après Louvet, la ville de Beaujeu il y a trois cents ans.

C'est maintenant une ville coquette, animée, pleine de bien-être et de richesse, qui n'a gardé hélas de son antique splendeur que son égliss Saint-Nicolas, dont! le clocher roman, peut-être un peu lourd, n'est pas sans valeur; la pureté des arceaux et surtout l'abside méritent l'attention du touriste. On sait que Saint-Nicolas fu: bâti au commencement du XII" siècle par Gui chard II, en mémoire de son fils qui s'était noyé, dit-on, dans un étang formé par les eaux de l'Ardière la tradition rapporte, nous disent MM. E. de Rolland et Clouzet, dans leur excellent Dictionnaire illustré des Communes du Rhône, que l'étang fut desséché et l'église édifiée à l'endroit même où l'on avait retrouvé le corps de l'enfant. La consécration de la paroisse avait été faite, en tt29, par le pape Innocent II.

Aujourd'hui, grâce aux diligences, aux chemins de fer qui viennent de tous les points de la montagne et de la plaine prendre ou déposer les voya-


geurs, Beaujeu est un centre considérable d'in dustrie et de commerce. On le devine aux magasins bordant sa rue longue de deux kilomètres, aux vastes entrepôts de vins qui en font un des marchés les plus importants du Beaujolais.

Du reste, Beaujeu, depuis le règne d'Henri IV, après les désastres des guerres, des épidémies, de la famine qui enleva les deux tiers de la population, était devenu très prospère; les lettres y étaient en honneur; une imprimerie y avait été installée dès le commencement du XVI* siècle; son collège jouissait d'une certaine réputation; l'industrie s'y déployait. Cette prospérité dura jusqu'à la mort de Mlle de Montpensier, qui institua, pour son héritier universel, Monsieu-, frère unique de Louis XIV. Dès lors, l'histoire des sires de Beaujolais se confond avec celle des princes de la deuxième maison d'Orléans.

Parmi les curiosités de Beaujeu nous voudrions citer le magnifique taurobole de marbre blanc, qui existait jadis dans son ancienne église collégiale et qu'on admire aujourd'hui au musée de Lyon. Ce monument représente un sacrifice ancien. Le prêtre, revêtu de ses ornements pontificaux, est assis et tient sur l'autel une coupe où sont les entrailles des bêtes immolées.; les taureaux, les pourceaux, les brebis qui vont servir de victimes sont représentés les uns conduits au sacrifice, les autres déjà mis à mort.

A présenter encore aux promeneurs érudits deux ou trois curieuses maisons gothiques, avec sculptures du XIV siècle, et en particulier celle qui fait l'angle de l'ancienne place Beurie et qui fut construite, en 1793, avec les débris de la vieille église


collégiale. Dans le vestibule se trouve un fragment de sculpture qui est, assurément, un reste du rétable de Notre-Dame-de-Grâce, ancienne chapelle fondée par Louis de Saint-Romain, en 1516, « d'un travail précieux et dans le plus beau genre arabesque

Beaujeu L'Ardière

C'est une élégante tourelle de pierre de i m. 50, percée d'ouvertures que garnissent des grillages et des portes curieusement travaillées. A moitié de sa hauteur, sur une galerie en encorbellement figurait une suite de personnages aujourd'hui mutilés. Ce débris de la collégiale de Beaujeu, par son ornementation et le fini un peu cherché des détails, est un curieux spécimen de la patience et de. l'habileté des artistes de la Renaissance.


La traversée de la grande rue, qui s'allonge dans la vallée, ne sera certes pas sans intérêt. A droite, en arrivant, voici le vieux couvent des sœurs de la Sainte-Famille, aux mutailles hautes comme une forteresse.

Plus loin, le Grand Hôtel-Dieu, d'une belle ar-

Beaujeu Pont Paradis

chitecture, aux vastes proportions et dont l'historien érudit, l'enfant de Beaujeu, l'abbé Longin, a écrit l'histoire documentée.

La chapelle des Ursulines, fermée aujourd'hui, est elle-même un reste précieux de l'ancien châ-


teau des sires de Beaujeu. Après sa démolition, en les religieux du tiers-ordre de Saint-François furent autorisés par Mlle de Montpensier, baronne de Beaujeu, à prendre pour la construction de leur couvent les pierres de la chapelle à la condition que celle-ci conserverait son nom primitif de u Chapelle du Prince », qu'on lit encore de nos jours sur le fronton de l'édifice.

On cite sur le territoire de Beaujeu les fiefs des Etoux à la famille de ce nom; d'Escrots, à la famille de Brosses Bérot et Malleval, à Guillaume Barjot, en 1537, puis aux de Brosses, jusqu'à la Révolution. Sur la haute colline dominant Beaujeu, à droite, le vieux manoir gothique, appartenant aujourd'hui à M. de Mongolfier dont nous rencontrerons, aux Dépôts, les grandes fabriques de papier,

Notre train longe Beaujeu à droite sur toute sa longueur.

La vue plonge sur la ville dans le fond de la vallée, découvrant les tanneries, la mairie, la vieille église.

Ce panorama rapide est très curieux.

Nous franchissons le grand viaduc de Paradis, hardiment jeté sur un quartier de Beaujeu et, après une halte rapide à Roche-Gachot, un simple faubourg de la ville, nous entrons en plein dans' la montagne.

ST-DIDIER-SUR-BEAUJEU

ET LES DÉPOTS

Tout d'abord, à gauche, Saint-Didier-sur-Beaujeu nous apparaît dans les frondaisons, seigneu.


rie jadis du duc d'Orléans. On rapporte que Michel Nostradamus habita longtemps cette commune. De là, le célèbre astronome allait souvent sur la montagne de Tourvéon, contempler les astres et préparer ses prophéties.

Louvet dit ironiquement à ce propos « Comme « celui qui se vantait que le roi lui avait parlé « en lui disant Ote-toi de là, coquin; l'habitant Il de Saint-Didier dit que Nostradamus a demeuré

Beaujeu Les Dé fats

« dans sa maison, comme si cet événement devait « l'avoir anoblie, vu qu'il dit qu'il y vivait en « coquin et qu'il n'avait pas de quoi pouvoir payer « sa dépense; et cependant on sait en Provence « comme quoi cet illustre personnage a vécu, qui « avait si bien de quoi se passer d'autrui qu'il proie diguait le sien et a laissé un très bel héritage « à ses enfants qui ont leur domicile à Salon-de« la-Craux, on peut avoir pris renard pour martre


Met quelque vendeur de baume pour Nostrada« mus ».

Nous dirons plus loin comment c'est à SaintDidier-sur-Beaujeu, sur l'emplacement même de l'église actuelle, construite en mémoire de cet événement, que vint s'arrêter, roulant de la montagne, le tonneau hérissé de clous dans lequel avait été enfermé et lancé'du Tourvéon, par l'ordre de Louis le Débonnaire, le fameux Ganelon.

En 1793, Saint-Didier prit le nom de Mondai rla-Montagne.

Nous arrivons ainsi aux Dépôts qui ne sont qu'une dépendance de Beaujeu, gros hameau peu plé de rièhes maisons, que le train traverse cn entier, à la jonction des routes des Ardillats et de Monsols, sorte de cité ouvrière arrosée par l'Ai. dière, au pied des monts d'Avenas.

La rivière alimente des papeteries, des usines. Du reste, de tout ce groupe du Saint-Rigaud ruissellent des sources. Autour de la montagne verte naissent le Sornin, la Grosne, l'Ardière, l'Azergues, d'autres ruisseaux encore qui vont à la Loire ou à la Saône. Ce massif est bien vraiment le « père des eaux », comme disent les Arabes, pour une grande partie de trois départements.

A droite, la route départementale, large et belle avenue, plonge dans la vallée.

LES ARDILLATS

On monte toujours et l'on arrive, en pleine montagne, aux Ardillats, au pied de la roche d'Ajoux, dont les flancs boisés de taillis dominent


de vastes champs de genêts. Le Saint-Rigaud étale sa croupe puissante; les vignes viennent de ces. ser; mais la température est encore très clémente. Les haies se couvrent de fleurs d'églantines le paysage est ravissant.

Sur un piton, à notre gauche, les Ardillats ap-paraissent, village fort humble, qui disparaît en partie dans les châtaigniers et les noyers et dont il ne surgit que son clocher blanchi et sa flèche d'ardoise.

Le Château des Ardillats

Les montagnes, vues de ce cirque, sont splendides, malgré leur modeste altitude. A gauche, le Tourvéon et la montagne de Crochet (820 m.); puis les bois d'Ajoux et le col des Echarmeaux qui conduit à Chauffaillesj à droite, le Monet (1.000 m.), la Croix du Puits et les monts d'Ouroux.

Toutes ces cimes boisées forment une cuvette admirable de verdure et de vie, dominant la val-


lée où des fumées et de grands toits signalent les usines et l'approche d'une ville.

Mais ne croyez pas que les A'rdillats aient rien conservé de leur nom d'origine Arailiacus, lieu plein de broussailles. Non, le pays est gai et fleuri. Il dépendait jadis, au XVIe siècle, des de Noblet qui avaient obtenu du duc d'Orléans, en i6o3, le triste privilège d'y faire dresser des fourches patibulaires à deux piliers.

On cite déjà, au XVI, siècle, la création aux Ardillats d'importantes papéteries.

Les AriiUais

Son château, à droite, sur l'autre flanc de la vallée, appartenait, en 1787, à Claude René Thibault, marquis de la Roche-Thulon, mestre de camp d'infanterie, seigneur des Ardillats, élu membre de la noblesse à l'Assemblée provinciale de Lyon.

Notre route escalade l'es cîmes, festonnant tous les méandres de la montagne et en fouillant tous les recoins. A chaque détour de la voie, c'est un nouvel aperçu dans la montagne et sur les verts pâturages inondés de rosée. Le paysage est ravis-


sant et rappelle les sites les plus recherchés du Dauphiné.

De loin en loin une fumée blanche et mince s'élève des noirs sapins, révélant l'industrie des charbonniers cachés sous les frondaisons.

On monte on monte toujours. La machine gronde, souffle, halette.

Voici tout à coup au loin, vers la sortie de la vallée de l'Ardière, une ouverture féerique sur la Saône et sur les plateaux de la Dombe. Au milieu du paysage, s'érige, dans le fond, la chapelle de Brouiily. L'œil se perd dans ce ravissant pano rama, tandis qu'un vent frais vous fouette le visage.

CHENELETTE ET AVENAS

Soudain apparaissent les châtaigniers, signal des hautes cimes; à leurs pieds, les genets, les vertes fougères et les bruyères aux touffes violettes.

Chenelette se devine, à gauche dans la montagne il n'a qu'une halte sur le C.-F.-B. C'est que le village est assez éloigné de la voie, sur un col entre l'A'zergues et l'Ardière, à peu de distance de la limite du département de la Loire. De là, on domine les deux versants. Du côté de l'Ardière, un petit vallon se creuse très profondément, bordé de belles prairies. Là, dans Ulieexpo. sition riante est le joli château de Chenelette, abrité des vents du nord par le massif boisé du Saint-Rigaud. Le paysage est exquis, grâce au contraste des bois de sapins, des bordures de frê.nes, des prairies semées de châtaigniers. Dans ces


verdures, aux tonalités si diverses, de petits hameaux de cinq ou six feux sont semés, mettant la vie et la gaieté dans une nature un peu sévère. L'ensemble du site est grandiose, avec ses forêts de sapins dont les branches étalées en palmes sont disposées en lignes régulières dans les bois. En face, le cône du Tourvéon se dresse d'un jet, jaune de la fleur de ses genêts. Le Tourvion, ?'urrir Vidonis, a, vous le savez, sa légende avec son fier château de Ganes ou Ganelon, le traître qui se vantait d'avoir des fossés « si profonds que le roi de France n'avait pas de quoi les remplir de paille n.

Château de Chenelette

Chenelette était. aussi la propriété des de Noblet, famille noble, qui « avait entrée et voix déli« bérative dans les assemblées de la noblesse du « pays de.Mteonnais et y jouissait de tous droits, n privilèges et immunités attribués à l'ancienne « noblesse de ce royaume eux et leur postérité, « nés et à. naître en légitime mariage, tant et si « long qu'ils ne feraient acte dérogeant et qu'ils


AU MYOSOTIS Cours Vitton

EXPDS1TIOM

UNIVERSELLE

LION

lit*

M" J. Berlot-Deny s

..Hautes Nouveautés de Paris Modes de Grand Stylé

Deuils et Fantaisies


« seraieht inscrits au catalogue des gentilshommes du département ».

Le château de Chenelette fut d'abord connu sous le nom de fief des Pcrriers. Il ne possède, extérieurement du moins, aujourd'hui, rien qui mérite d'être signalé.

Je ne quitterai pas la halte de Chenelette sans inviter les promeneurs à pousser avec nous une pointe jusqu'au village d'Avenas, notre droite, sur la montagne qui porte son nom. Ils pourront y admirer le vieil autel de la petite église, exposé avec beaucoup de succès, en aquarelle à Paris, aux Artistes Français, par M: Méhu, architecte à Villefranche.

C'est un des spécimens les plus curieux d'un art primitif, on peut dire barbare. Une inscription retrouvée indique le nom d'un roi Louis sur lequel les archéologues ont longtemps discuté

Rex Ludovicus pius et virtutis amitus

Offert eccUsiàm. Recefk Vincentius istam

Lampade bissèna fitixûrus Julius ibat

Mors fugat obpoçitunt Regis ad interitum.

« Louis le Pieux, ami de la vertu, offre cette « église, Vincent la reçoit. Après douze soleils, « juillet allait commencer son cours. La mort « écarte les gages présentés pour conjurer le déci ces du roi Avouons que le sens de l'inscription reste assez obscur. Est-ce Louis I", Louis VII ou Louis IX ? On a, paraît-il, adopté finalement Louis VII et il semble qu'on ait eu raison, à en juger par le caractère des personnages et des chapiteaux de ce vieux monument historique. L'église aurait été construite en reconnaissance de la vic-


toire remportée sur Ganelon. L'édifice fut commencé au col du Fut-d'Avenas sur les ruines de l'antique monastère de Pelages, détruit par les sarrasins, monastère qui avait remplacé lui-même une mansion, auberge sur la voie romaine secondaire, reliant Lunna 1¡. Augustodunum (Autun), Les travaux n'avançaient pas; chaque matin les ouvriers trouvaient dispersés 'les matériaux utilisés la veille. Le maître à'tewvre y vit la main de Dieu et, réunissant ses compagnons, leur dit qu'il allait jeter son marteau dans la vallée et que là où il s'arrêterait on construirait l'église. Le marteau, lancé d'une main vigoureuse et soutenu par une force magique, alla tomber à 1.200 mètres du pic d'Avenas, au milieu d'un buisson d'aubépine, qui croissait auprès de la fontaine des Fées. La construction de l'église recommencée en ce lieu s'acheva sans difficulté.

C'est que les fées avaient dans ces montagnes un pouvoir surnaturel. Leur fontaine d'Avenas, aux eaux thermales, dédiée ensuite à la Vierge; était en grande vénération. On y accourait de la Dombe, du Mâconnais, le 15 août, pour se guérir de la fièvre paludéenne et chaque pélerin n'avait garde d'oublier d'emporter un litre d'eau de la fontaine pour les accès à venir.

Du reste, les légendes foisonnent dans ces montagnes.

N'y entend-on pas, au milieu des tempêtes nocturnes, passer la chasse de Ganelon, le traître de la chanson de Roland? Ne montre-t-on pas, dans les ruines même du château, le puits enchanté dans lequel Ganelon, se sentant poursuivi par Louis le Débonnaire et se voyant perdu, jeta


son casque d'or et un plat de même métal, que garde aujourd'hui un dragon. Nul de ceux qui ont voulu ravir le trésor, n'a revu la lumière.

De nos jours même, on trouve encore des sorciers et des naïfs croyant à leurs sortilèges pour jeter ou conjurer les sorts et guérir les bêtes au moyen des mômeries les plus grotesques.

Il est triste de constater avec quelle tenacité les habitants de ces montagnes continuent à prendre au sérieux ces grossières pratiques de charlatans, alors qu'ils abandonnent à l'envi les curieux tostumes provinciaux et oublient les traditions symboliques de leurs pères qud semaient un peu de poésie au milieu de leurs durs labeurs.

Mais les vignes nous ont quittés. Ce ne sont plus que châtaigniers, aux chenilles de safran, fougères aux vertes ramures, boqueteaux de noirs sapins, vertes prairies qu'inondent les sources. L'air est vif le ciel pur, que tachent les noirs oiseaux de proie, étale son bleu limpide sur les pointes arrondies des montagnes.

Dans un pré verdoyant, aux Essarts, près des monts de Monet et de Chonay, s'échappe l'Ardièr re dont la source limpide et timide, cascade gaiement pour s'augmenter dans la vallée d'autres sources et faire presque, aussitôt le cours d'eau généreux qui enrichit le pays en faisant vivre son industrie.

A voir ce ruisselet, qui devinerait sa puissance 1 Mais notre train s'arrête brusquement.

Est-ce pour nous permettre d'admirer l'échancrure merveilleuse taillée dans les montagnes et qui nous découvre l'Orient et ses plaines? Est-ce pour nous montrer plus longtemps l'amphithéâtre


unique de montagnes qui nous entoure et fait de ce coin du Haut-Beaujolais un lieu aussi gai, aussi pittoresque que tous les sites' classiques prônés par les guides?

Non notre machine va « faire de l'eau », pour se faciliter l'escalade du col de Crie.

Elle stoppe simplement dans la montagne et, sans souci, s'accroche à une source, si abondante que l'eau coule à pleins bords dans les coffres qu'elle remplit en un instant.

Tout près de nous, sous les hauts châtaigniers, se dresse une vaste maison de pierre et, en contemplant ce paysage calme, cette riche nature, en respirant cet air vivifiant et sain, je me promets de signaler cet emplacement à quelque hôtelier lyonnais à la recherche d'une.crête pour installer une maison d'été et de cure d'air. Je défie. qu'on trouve dans notre région lieu plus gai, plus sain, plus propre aux excursions. Tout autour de nombreuses fermes sous les futaies rompent la solitude. Tout y est frais et riant.

Avec peu de dépenses on ferait de ce coin de. montagne un refuge pleins de gaieté et d'attraits autour d'excursions splendides.

MONSOLS

Nous voici donc au col de Crie, à cheval sur deux versants en pleine montagne, à 679 mètres d'altitude. La brise souffle plus vive en caressant les visages. On se sent vivre; on respire à pleins poumons. Comme on se croirait volontiers à cent lieues de Lyon qu'on a quitté il y a trois heures à peine. La montée pour nous est finie et, sans ef-


fort, notre train descend la côte, à gauche, sous les châtaigniers, pour s'arrêter au -filage de Monsols, point terminus de la ligne.

Qui reconnaîtrait dans Monsols, ou M ontsoulx, de nos jours, le « bon pays à blé de la juridiction de Mademoiselle et de la châtellenie de Beaujeu dont parle Louvet? Le bourg est situé à la base nord-est du Saint-Rigaud (i.oi2 m.) entre les montagnes de Chonay, de la Charenze et de la

Une rue de Monsols,

Teissonnière. A l'ouest, les monts d'Ajoux, M« lovis, bien connu, où s'étaient installés, dès les premiers siècles, des moines de l'abbaye de Cluny. Ogier rapporte que dans un hiver très rigoureux, ayant été cernés longtemps par les heiges, ils périrent tous de froid et de faim. Si la tradition est menteuse, la position topographique du lieu suffit pour lui donner toute apparence de vérité. Il est assez curieux de relater comment, au X siècle, le prieuré de Monsols fut mis sous la juridiction d'Humbert I" de Beaujeu. Saint-Mayeul.


abbé de Cluny en 954, avait paraît-il à se venger d'Humbert. Au lieu de l'excommunier, comme il voulait le faire, il lui recommanda et mit sous sa protection quatre obéances que Cluny possédait en Beaujolais, « soit Ajoux ou Monsols, (Monsou), Poule, Cussoles et Arpayé ».

a La façon que vous les défendrez contre les ci méchants et les hommes pervers, dit l'abbé, « vous tiendra lieu d'amendes pour lesquels nous « voulions vous excommunier. Mais ne pourrez en « exiger aucun cens. Si passez en l'une de ses « obéances avec six ou dix chevaliers et que le « religieux vous prie y venir, pourrez y prendre « votre repas, après lequel vous en irez sans que « puissiez coucher. u

Humbert signa et approuva.

De la gare du C.-F.-B., sur la croupe, on domine Monsols, bâti en amphithéâtre aux flancs de la vallée.

Une ruelle en pente rapide nous conduit sur la route et à gauche, sur la place du village où s'élève une croix et une fontaine, sorte d'obélisque de pierre ronde sur un fût à pans coupés. Au tournant de la grande-rue, qui s'étale sur la grande route, voici l'église et son toit pointu, autour duquel se pressent les maisons des agriculteurs. Ce qui attire surtout à Monsols c'est sa situation unique au pied du Saint-Rigaud.

On ne peut rêver ascension plus ravissante et plus facile que celle du géant des cîmes du HautBeaujolais.

On s'égare avec joie sous les sapins, aux fûts altiets gigantesques, que percent difficilement les


rayons du soleil pour donner au paysage un caractère plus fantastique.

,0n se rend à Font-Froide, ou à la Fontaine des pèlerins, entourée des rustiques croix votives. Du sommet de Saint-Rigaud la vue plonge ravie sur tout le cirque des montagnes, et, sans obstacle,

Morisols Vieux Châtaignier dans ln montagne,

l'œil se perd à admirer ici les confins de la Loire, là, les gras pâturages du Charollais, au levant, le Beaujolais et ses plaines, la Saône et ses méandres, les plateaux de Dombes et de Bresse.

Monsols Vieux Chttaignier dans la montagne, On redescendra de la montagne, sous les sapins et sous les châtaigniers séculaires où s'abritent les


sources, pour se reposer au village et prendre des forces pour de nouvelles excursions. Car nous n'avons pas encore épuisé notre itinéraire.

Il sera loisible d'aller visiter, un peu plus haut que Monsols, le château de la Carelle, à mi-chemin d'Ouroux.

Puis, profitant de son séjour dans la belle montagne, le touriste poussera jusqu'à ce village, pour y admirer les restes de sa vieille et magnifique église, malheureusement mutilée en z832 par des architectes vandales qui la trouvaient CI trop gothique ».

C'est dans la chapelle de Saint-Antoine que les paysans avaient coutume, le jour du' pélerinage annuel, de jeter dans un tonneau en guise d'aumône, à la porte de l'église, des pieds de porcs que le curé distribuait aux pauvres de la paroisse. Plus loin, nouvelle excursion à Saint-Mamert, où s'élève une curieuse église gothique construite par les moines de Cluny, -un des plus beaux spécimens de ce style architectural.

Enfin, prolongeant notre course, nous nous porterons encore jusqu'à Jullié pour visiter le château de la Roche, un des plus beaux du Beaujolais, actuellement au comte Henry de Monspey. Sa construction fut commencée sous Louis XIII, par Aimé Charrier, mort en 1676. Son fils, Jean-Baptiste Charrier, prévôt des marchands de Lyon, comme furent quatre de ses frères et neveux, donna au château le style grandiose du temps de Louis XIV et décora le vestibule de merveilleuses' statues grandeur nature en marbre blanc, mutilées, hélas, sous les différentes révolutions, mais très habilement restaurées de nos jours.


Ces statues, dues à des artistes italiens assurément sont Vénus au collier et au Dauphin Vénus et l'Amour Le Temps avec sa faulx tenant un Amour dans ses bras Diane chasseresse un Apollon une autre Vénus.

La chapelle du château a été également restaurée par Mme la comtesse de Monspey. On y admire dé superbes bas-reliefs en bois, de toute grandeur, l'histoire de Jacob, et de merveilleux pendentifs en plein bois. Le style de la chapelle est Louis XIV, blanc et or. Une profusion de statues, grandeur nature, en pierre ou en bois, malheureusement en bien mauvais état, la décorent au dehors et au dedans. Espérons que toutes ces belles œuvres pourront être reconstituées

On sait que les Charrier, prévôts ou échevins de Lyon, étaient des amis des arts. Leur hôtel, à Lyon, rue Boissac, était occupé dernièrement encore par les dames du Sacré-Cœur, et orné de trumeaux et de tympans peints par Sarabat.

Les Charrier, originaires d'Auvergne, vers 1295, quoique étant surtout de noblesse de robes, ayant donné un évêque à Orléans, des abbés vers 1437 et des dignitaires au Chapitre d'Ainay, eurent bon nombre d'officiers à l'armée depuis le règne de Louis XIII.

Un Charrier, député du detgé aux Etats-Généraux, en 1789, devint évêque de Versailles et premier aumônier de Napoléon !"̃

La famille de Monspey, qui descend des Charrier, est représenté par le marquis de Monspey, colonel du 2 S' dragons, chef de la maison. Le comte de Monspey, son fils, habite le château de Montchervet, à Saint-Georges-de-Reneins.


Le comte Henry de Monspey demeure au château de la Roche.

Voilà tout ce qu'on peut admirer, avec beaucoup d'autres choses, aux environs de Monsols.

Nous avons terminé notre course.

Bientôt la ligne du C.-F.-B. se soudera à La Clayette, à la ligne de Lyon à Paray-le-Monial. C'est, du reste, ce que vient de décider la commission interdépartementale des Conseils généraux du Rhône et de Saône-et-Loire.

Monsols L'Eglise

Une autre branche ira rejoindre, à Sainte-Cécile-la-Valouze, près Cluny, la ligne du P.-L.-M. de Mâcon à Paray-leMonial et à Moulins.

Le circuit sera donc complet.

On pourra, en une seule excursion merveilleuse, quittant Lyon, se rendre à Villefranche, de là re-


joindre La Clayette par Monsols, pour revenir par la splendide vallée d'Azergues.

Eri attendaat,nous avons indiqué aux voyageurs sur cette ligne du C.-F.-B. de Villefranche à Monsols, plusieurs buts ravissants de promenades Saint-Julien, le château de Montmelas et la cime de Saint-Bonnet Vaux, le camp de l'Auguel et les monts de Lamure Brouilly et les plaines Beaujolaises Beaujeu, Chenelette et le col des Echarmeaux enfin Monsols, Ouroux, Saint-Mamers et la Roche.

Ces promenades diverses peuvent contenter les touristes les plus difficiles, qui ne soupçonnent pas les beautés cachées dans nos riches provinces du Lyonnais et du Beaujolais.

BILE, GLAIRES Constipation opiniâtre, Digestion pénible ,(gonflements, ballonnements, âge critique) et DOULEURS en général, disparaissent immédiatement par 1 emploi de la

Tisane Saint-Jean

Antibilieuse

Dépurative et Rafraîchissante

PRIX UN FRANC

Envoi franoo oontre mandat-poste ou timbres de 1 fr. 15.

Dépôt Général Pharmaoie J. BERGER. i8, rue St-Jean, LYON.

Dépôts Viliefranohe, pharmacie Bost, 160, rue Nationale Beaujeu, pharmacie Franooz et toutes pharmacies.


DU CHOIX D'UN JOURNAL FINANCIER

Jamais Je Capitaliste et le Rentier n'ont eu plns besoin d'un organe financier et industriel impartial et parfaitement informé.

Jamais le nombre des valeurs, anciennes et nonvelles, placées dans le pnblic, ri été aussi consij> déraille. Jamais il n'a été aussi difficile de bien placer son argent telle râleur, <ru'on eroit de tout re| pos, est mauvaise; teUe autre, délaissée, est avantaï eeuse à acheter.

Le choix d'an Journal financier est donc 1 très Important de ce choix dépend la fori tune on la ruine!

Le Moniteur des Capitalistes et des (< Sentiers se recommandesoédalement par la s<îre«e s de ses informatiam,fatsoa indépendance absolue, et par les soins apportes i l'étnde des valeurs et des l affaires.

I le Monttenr des Capitalistes et des Bentiers (K" année) a des documents complets sur

tontes les affaires créées depuis sa fondation. Tous les dimanches, il donne une étude impartiale des valeurs la cote complète officielle de toutes les valeur tous Jes tirages des informations des con- seils de placements; se charge de Ja surveillance des portefeuilles et satisfait ainsi à tontes les exi- gtnces de ses abonnés. L'abonnement est de cinq francs par an; mais, à titre d'essai, etpmir permettre à tous de l'appré- cier, Le Moniteur des Capitalistes et des Kentiers sera envoyé, pendant on an, moyennant un. franc, à tonte personne qui en fera la demande. Les Capitalistes et les Rentiers qui ne feraient pas le sacrifice de un t rane pour recevoir chaque semaine, pendant toute une année, un journal anssi complet, anssi important, aussi bien informé, ne peuvent s'en prendre qu'à eux, si. par négligence ou par ignorance, ils amvent à compromettre leur fortune, souvent si péniblement acquise. |

On s'abonne sans frais à LYON, 11, rue Président-Carnot, à la succursale de la BANQUE l GÉNÉRALE FRANÇAISE, au Siège social à PANS, Sa- Bonlevard Haussmann, et à la succursale de LILLE, 13, rue Jean-Boisln.


De Lozanne à

Paray-le-Monial

Le 6 octobre 1895, M. Dupuy-Dutemps, ministre des Travaux publics, inaugurait le premier tronçon de la ligne de Givors à Paray-le-Monial, depuis si longtemps attendue et qui sera bientôt complétée par la mise en exploitation du tronçon de Givors à Lozanhe.

Avec la ligne de Villefranche à Tarare, de la Compagnie des chemins de fer du Beaujolais, voilà donc cette riche région reliée, comme il convenait, à tous les grands centres de production et de commerce, par un réseau de voies ferrées si bien tracé qu'il correspond à tous les besoins des populations desservies, et que les départements voisins nous l'envient sans pouvoir l'égaler.

Depuis lors, la belle vallée de l'Azergues s'est vue visiter par quelques touristes. Elle méritait mieux,

En effet, .il ne suffit pas de reconnaître les services rendus par la ligne de Lozanne à Paray-leMonial économie dans les tarifs, rapidité dans


les transports, etc., il est encore besoin d'apprendre à nos compatriotes quel panorama superbe le ruban de fer collé aux flancs de cette belle rivière de l'Azergues déroule aux yeux du touriste émerveillé

Car on ne saurait trop le répéter nous ignorons complètement les richesses de notre pays, tandis qu'il est de bon ton de iouer outre-mesure les beautés que la nature a offertes à nos voisins des Alpes ou de la Suisse, sans se montrer pourtant trop parcimonieuse à notre égard.

Le Haut-Beaujolais n'a rien à envier au Vercors, à la Matésine ou au Trièves.

S'il n'a pas les cimes inaccessibles des sommets éternellement neigeux il a les hauts plateaux, les belles forêts de sapins, l'air pur, les horizons sans limite, les gras pâturages, les profondes vallées. Nul ne soupçonne, autour de nous, ce nid charmant caché dans nos riches montagnes beaujolaises. Eh bien 1 ce panorama doit être déroulé devant vous. Les Lyonnais, les habitants des plaines verdoyantes de la Saône doivent savoir qu'il y a tout près d'eux, quelques heures de route, un pays ravissant, méconnu, où tout respire la paix, le travail, le bien-être où l'alpinisme n'a pas encore laissé son empreinte; où le voyageur est reçu à bras ouverts, comme le veut le tempérament franc et loyal de ces belles populations beaujolaises et charolaises; où les hôtels offrent tout le confort.voulu et les cuisines les recettes les plus savoureuses; où l'élevage donne ses produits les plus réputés, les fermes leur généreux laitage; où les fruits s'étalent dans les vallées, le poisson dans les étangs, l'écrevisse dans les ruisseaux et le gi-


bier dans les bruyères; un. pays splendide, en somme, que nous allons parcourir.

LOZANNE

Tout d'abord, la voie ferrée nous conduit de Lyon, par Saint-Germain-au-Mont-d'Or, à Lozanne ou coule l'Azergues. Cette gare est appelée à prendre une extension considérable. Elle dessert déjà la ligne de Lyon à Roanne. Bientôt viendra se souder à elle le tronçon de Givors.

Lozanne trouve ses origines dans le cartulaire d'Ainay qui, au XO siècle, cite « Lozanna ». Il avait, au XVIII, siècle, pour seigneur M. de Rivérieulx de Varax. Camille de Neuville, archevêque de Lyon, vendit, en 1654, le château de Lozanne et sa seigneurie à André Artheaud de Boisslt.

Là coule l'Azergues, calme, docile, parfois impétueux, arrosant à gauche le village, laissant à sa droite de verts coteaux. Au pont Dorieu, il a reçu la Brevenne qui, venant de la Loire après un parcours de 42 kilomètres, lui donne ses eaux grossies de celles de la Turdine.

Un petit tunnel marque le départ de notre excursion dans le Haut-Beaujolais et nous en ouvre les portes.

Voici une vallée nouvelle qui s'offre à nous, avec ses hameaux perchés sur les crêtes, autant de petits bien-être semés au milieu des vignobles. La ligne coupe la rivière et tout à coup se dressent devant nous les grandes ruines de Châtillon.


Le Pont de Laponne


CHATILLON-DAZERQUES

Sur leur croupe mamelonnée, les ruines ont un aspect merveilleux. On dirait un décor dessiné hardiment par Gustave Doré.

Aux pieds du château coule l'Azergues, dont nous allons remonter le courant presque jusqu'à la source.

Le panorama est splendide et s'étale, dans une harmonie merveilleuse de coloris, sous un ciel en repos.

On attribue à Châtillon une origine romaine. Qu'importe Nous sommes assez riches de pius proches souvenirs I En 1173, Châtillon appartenait aux comtes de Forez, qui le cédèrent à l'archevêque de Lyon; au commencement du XIII8 siècle, les seigneurs de Châtillon se réclamaient de la famille d'Oingt.

Les ruines du vieux château, qui découpent l'azur du ciel, sont des plus remarquables. Peuton mieux commencer une excursion sur cette ligne, qui nous fera connaître à la fois le HautBeaujolais et le Charolais, qu'en nous arrêtant devant ces ruines imposantes qui abritèrent suc cessivement les familles d'Oingt, Jossaid, de Va. tey, d'Albon, de Balzac, Camus et Dufournel î Jean d'Enguimbert de Pramiral en devint seigneur par son mariage avec Marie Dufournel, en 1682. Sa petite-fille/ baronne de Châtillon et de Bayère, épousa Augustin de Foudras. M. Durand, trésorier de France, secrétaire du roi, en devint seigneur en 1753, et sa petite-fille l'apporta en dot à M .de Chaponay.


Le château de Châtillon-d'Azergues est un des monuments les plus remarquables de l'architecture militaire du moyen-âge en Lyonnais. En effet, ce qui le distingue des autres châteaux-forts de cette époque, c'est que, tout en faisant partie du bourg qu'il commande, il en est complètement indépendant. Il protégeait If. bourg, et le bourg, dévalant au flanc du coteau, entouré d'une enceinte continue dont la partie basse, était défendue par un fossé que remplissait une déviation de l'A'zérgues, ajoutait à sa force en lui servant de première ligne de défense. Entre le bourg 'et le château, se trouvait une seconde enceinte qui enveloppait une esplanade formant la basse-cour de la forteresse et renfermant la chapelle seigneuriale. Cette chapelle; morceau d'architecture remarquable du XII' siècle, est aujourd'hui classée parmi les monuments historiques.

Chaque siècle a laissé sur les murs du vieux manoir l'empreinte du style de son architecture et de ses mœurs.

C'est ainsi que la partie la plus ancienne du monument, qui fait face à la chapelle et qui, comme elle, doit remonter au XII8 siècle, se signale par ses arcatures à plein cintre, reliant les contreforts plats qui divisent cette façade en quatre travées. Les feuilles de fougères et les arêtes de poisson que l'on retrouve notamment dans les murs voisins du donjon symbolisent bien leur époque. C'est, sans doute, en cette partie de l'édifice que consistait uniquement la forteresse primitive, le castellum, qui a donné son nom au village. Hélas la forteresse eut, elle aussi, comme tant d'autres, à supporter bien des attaques du temps


et des hommes Souvent assiégée par les seigneurs voisins, puis, au temps des guerres nationales contre les Anglais, enfin pendant les guerres de religion, la forteresse de Châtillon était petit à petit tombée dans un état de délabrement inquiétant. En 1758, l'avant-dernier seigneur de Châtillon déclarait que « le château était, devenu inhabitable »̃

La Révolution eut donc peu à faire pour en achever la destruction. Depuis, rien ne fut épargné tout fut enlevé, beaux matériaux, grillages de fer, cheminées de pur style.

Mais le château a gardé sa grandeur.

Quand, aux premiers rayons- du soleil levant, ses hautes tours se colorent, Châtillon éclate dans toute sa splendeur et défie la palette des maltres. 11 semble renaltre de son passé; ses ruines s'animent, se peuplent et le riant paysage qui l'entoure s'étend comme un océan de verdure autour de la vieille forteresse démantelée.

Que ne pouvons-nous visiter en détail ces ruines merveilleuses, cette chapelle avec sa devise grecque pleine de haute philosophie « Lave tes péchés, et non pas seulement ton visage analyser ces écussons des d'Albon, des Chaponay, des Montmorency, dés Cossé-Brissac Le peintre ne peut se rassasier; l'archéologue y doit faire la plus abondante moisson. Quel dommage qu'un château, moderne soit venu là, tout près, nous gâter l'harmonie de ces vieilles murailles

Mais déjà la vapeur nous a entraînés loin des hautes tours, couleur de rouille, et nous emporte vers Chessy.


Une antique ferme, dans la prairie, montre ses tourelles sur notre droite.

CHESSY

Nous arrivons à Chessy, dont les mines, épuisées hélas sont connues de toute notre région. Un peu d'histoire, si vous le voulez, en passant. On se sent mieux préparé ensuite pour admirer le paysage. On a appelé jadis le village Cassiacus et Cheyssiaco. Le 1 avril 968, Arod et sa femme Angèle font don de la seigneurie aux abbés de Savigny. On voit encore, dans le château qui domine le village, la grosse tour ronde qu'ils firent élever au XII' siècle. Elle produit dans le paysage un très bel effet.

Dans les arbres touffus, sur les bords de l'Azergues, le vieux château de Courbeville, aux tourelles en éteignoirs, qui appartint à la famille chevaleresque de Varenhes.

L'église de Chessy est d'un joli style ogival; elle remonte à 1485. Son vieux porche conserve un cachet tout particulier. A signaler aussi un antique bénitier formé de quatre colonnes torses. Les mines de cuivre de Chessy auraient été, si nous en croyons les chroniques, exploitées par les Romains et, au XVe siècle, par Jacques Coeur. Il est bien établi qu'elles étaient fort riches en minerai, puisque les sires de Beaujeu entretenaient des officiers spécialement chargés de leur surveillance. Au commencement du XIXO siècle, elles fournissaient encore, par an, x5o.ooo kilogs de métal. Aujourd'hui, elles semblent à peu près


L'Eglise de Chessy


abandonnées. Chessy est la patrie. d'Alphonse Du.pasquier, médecin et chimiste réputé, mort à Lyon le 13 mai 1848.

Nous laissons, derrière son voile de hauts peupliers, à gauche, Le Breuil et sa curieuse maison à croisillons.

Une vallée riante, fertile s'ouvre à nos yeux. LE BOIS.D'OINQT-LEQNY

Deux villages pour une seule gare, comme cela se présente souvent dans les montagnes.

Légny, à droite, s'aperçoit à peine, derrière une croupe verdoyante.

Legniacùs, jadis oh combien, jadis avait pour seigneur haut-justicier M. Cropet de Varissan, baron de Bagnols, une famille ancienne du Lyonnais. Son dernier seigneur fut M. Giraud de Montbellet de Saint-Try. Le village est situé sur le versant d'une colline qui contourne la route de Villefranche à Tarare. L'Azergues coule à ses pieds.

À droite de Légny, le château de Tanay, dont les belles tours en ruine rappellent le souvenir de Philibert de Chavrières.

Nous coupons la ligne de Villefranche à Tarare, et le Bois-d'Oingt se montre tout en haut, dans les vignes et les gras pâturages.

C'est un pays très important par son transit et ses récoltes de bons vins. On y respire partout le bien-être et l'aisance acquise par le dur labeur. Nous avons atteint déjà une altitude à 361 mètres. Le Bois-d'OiBgt était jadis une seigneurie avec enceinte. Son château fut possédé, au XIV. siècle,


par les sires de Thoire-Villars. En 1746, Jean II, duc de Bourbon, donna la terre du Bois-d'Oingt à Pierre de Bourbon, fils naturel de Charles Ier. Combefort était un château situé à l'extrémité occidentale de la paroisse, chef-lieu de la seigneurie. On retrouve à peine quelques vestiges du château qui appartint, au XVIO siècle, à François Gro-

Le Bois-d'Oingt-Légny

lier, un nom connu de l'histoire lyonnaise, hé au Bois-d'Oingt, le Il novembre

A gauche de la ligne, Saint-Vérand, en face du Bois-d'Oingt, avec son magnifique château de la Flachère, reconstruit par Viollet-Ledue, apparte nant à M. le marquis de Chaponay.

VQYABEUHS XPiKeéohaufrantdes HOtels parles pluBAIGNEURS TOURISTES 1 Pharmacies.Dépôtgén.Pftarmao/eOaSost,


ST-LAURENT-D'OINGT

A notre droite, tout en haut, qui appartenait jadis à dame Gervais de Saint-Laurent.

Nous arrivons, ainsi, charmés par le pittoresque inattendu du paysage, à Ternand.

Ternand

TERNAND

Ager Tarnantensis, au Xe siècle, à notre gauche, sur un haut piton; village d'un grand effet décoratif, sur ce fond de montagnes peut-être trop cultivées, aux formes arrondies.


Mais le paysage se fait peu à peu plus agreste les vignes du pays d'Oingt font place aux praines; les rochers se couvrent de mousse l'Azergues bondit, en de jolies colères, sur les barrages; de d'Elleviou repose dans le château. Sa femme est morte en 1871. Le château appartient aujourd'hui à M. le Dr Auguiot.

Un célèbre mathématicien du XVII» siècle, l'abbé Claude Comiers, fut prévost de Ternand.

Vtra

riants vallons s'ouvrent de chaque côté. Le site de Ternand est délicieux.

A droite, le château de ltorizières, qu'a possédé la veuve du chanteur Elleviou, en l813. Le corps C'était un collaborateur du Mercure Galant, q1\e publiait, à Lyon, Thomas Amaulry.

Nous laissons à droite Létra, qui dort dans un beau cirque de vignobles, dominé par une haute tour d'église dont le dôme est couronné par un campanile.


Le parc du château de Létrette, planté de beaux résineux, aux bleuâtres reflets, met une note inat'tendue dans cette plantureuse végétation de vignes. Pendant les guerres de religion les paysans avaient fortifié leur église pour se défendre,

CHAMELET

A la sortie du tunnel, le paysage devient ravissant il se rétrécit. Route, torrent, voie ferrée se disputent la vallée, jusqu'à un nouvel épanouissement du bassin, où une vieille tour carrée, que les martinets environnent de leurs tourbillons et une curieuse bourgade en amphithéâtre nous montrent un nouveau et grandiose tableau. C'est Chamelet, dont les maisons escaladent les collines dans un joyeux désordre.

Sur un mamelon très vert, le château de Longeval, avec ses grandes constructions blanches et sa tour en terrasse, qui rappelle les grandes villas de l'Apennin.

Le seigneur de Chamelet, à la Révolution, était Burtin de Vaurion. Le bourg avait un mur d'enceinte flanqué de tours dont on voit quelques restes. L'église, que domine la tour, était elle-même la chapelle du château. Elle date du XIIIO siècle et a été restaurée en i8go, mélange de style byzantin et ogival.

C'est la patrie de Riche, baron de Prosny, né en 1755, mort en r839, inspecteur général, puis directeur de l'Ecole des Ponts-et-Chàussées, commandeur de la Légion d'honneur, pair de France. Son portrait, œuvre du peintre Cornu, orne la


salle de la mairie de Chamelet. Dans l'église se voit une copie de la Cène, de Philippe de Champaigne, dont l'original est au musée de Lyon.

Chamilrt


Au-dessus, la forêt de la « Dame aux deux têtes », dont on a conté souvent la légende. C'était, dit-on, une ancienne châtelaine venue au monde bicéphale et qui aurait fait vœu de donner ses richesses à l'église et sa forêt à la paroisse, si l'une des têtes ne mourrait pas avant l'autre. La légende ne nous dit pas ce qu'il en advint.

Au Pont du Moulin nous traversons l'Azergues et notre train s'engage en plein dans la montagne, par le tunnel des Brotteaux.

Nous laissons à droite Chambost, à gauche Allières et la Folletière, où la route de Villefranche coupe l'Aiergues sur un pont de pierre.

Dans le haut, Saint-Just-d'Avray, à gauche, au pied des bois de Mollières.

GRANDRÏS

Nous avons atteint, sans y prendre garde, une altitude de 5oo mètres; nous arrivons à Grandris, joli village, à cheval sur la voie ferrée et qui nous rappelle certains jolis coins du Haut Dauphiné, dans le Triève. Grandris est le pays des tissus, des fabriques de toiles et de cotonnades, comme Panissières, sa voisine, à gauche, perchée dans les montagnes. Ce sont ces deux pays qui fournissent un des plus gros appoints du grand marché' de toiles et de doublures de Villefranche.

L'abbé de Cluny nommait jadis à la cure de Grandris, qui avait pour-seigneurs les Burtin de Chamelet.

On y comptait deux fiefs ::LaGardette, ancien château dépendant de la seigneurie de Pramenoux, au marquis de Langhal, et Gondras, à la famille


Philibert des Serpents, chevaliers, barons de Rhodes.

De Grandris se voit une échappée de vue splendide sur les hautes cîmes de St-Bonnet-le-Troncy. Nous entrons vraiment maintenant dans les montagnes élévées du Haut-Beaujolais, aux arètes dentelées de sapins. Mon voisin de compartiment admire, comme moi, ce ravissant paysage et se répand en louanges sur ce panorama splendide. Un gros paysan, que nous avons pris à Ternand, bourre sa pipe, l'allume, nous regarde ftoidement et, sans un geste, avec un flegme d'Anglais, nous jette sur les épaules une douche glacée, avec ces mots

Vo trovi cint ben brove vo n'y vendrio po quand y est to plein de niedze

Que lui répondre ?. Le bonhomme a mille fois raison.

Et, cependant, les Alpes couvertes de neige n'ont-elles pas leurs fervents admirateurs qui, malgré tempêtes et avalanches, au plus fort de l'hiver, vont y accomplir, chaque année, leurs pieux pèlerinages ?

Les montagnes du Haut-Beaujolais doivent offrir, en hiver, aux touristes un spectacle merveilleux. AjouteÆ): cela le confortable partout, nulle part le danger I N'y a-t-il pas de quoi tenter les excursionnistes à la recherche d'émotions faciles?

ABCÈS

Clonii Furonoli», Maux blanos Punari», Guérison rapide par l'Onguent du Samaritain. Prix 0.60. Envoi franoo de t rouleaux oontremandatdoi.SOadres. ,à la Miarmae/e 0MOST, Il «Mooit.


Lamure-sur-Azergues


Mais, poursuivons cette excursion de plein été Le site est le même, seul le décor change en hiver. Nous arrivons à Lamure.

LAMURE-SUR-AZERGUES

Nous sommes parvenus à une altitude honnête de 576 mètres. Déjà l'on sent plus de fraîcheur l'air vif de la montagne s'aspire à pleins poumons, l'atmosphère semble plus légère, le ciel paraît plus clair. Nous avons laissé avant Lamure, aussitôt après la station de Grandris, aux Arnauds, la vieille chapelle de Saint-Roch, édifiée en 1550. Dans le Val vert, si bien nommé, arrosé' par l'Azergues et son affluent, la Boconne un bien vilain nom, pour un si gai ruisseau s'étale Lamure qui a prêté jadis son nom à la famille de l'historien Jean de Lamure, l'auteur de la fameuse « Histoire des ducs de Bourb6n et des comtes de Forez ». Un acte de 974 dit qu' « une dame Aidegarde donna à l'abbaye de Savigny la vicairie de Lamure, au village de Premenulf ».

Il s'agit ici on le devine, de Pramenoux, dont le château domine la vallée et dont les grandes forêts tapissent toutes ces cimes. C'est de cette forêt qui, au siècle dernier, passa en tant de mains diverses qui lui firent subir des coupes aussi sévères que cruelles, que descendaient ces grands convois de sapins magnifiques alimentant les nom breuses scieries de Lamure. Ces bois appartenaient aux seigneurs de Beaujolais qui les vendirent, en x6o4, avec Lamure et son fief, au seigneur de Pra menoux.

Le village est assis d'une façon pittoresque su'


l'Azergues, encadré de montagnes d'où coulent des sources tapageuses.

A droite, de riantes et fertiles vallées.

La voie ferrée grimpe, escalade la montagne aux soufflements grondants de la machine.

SAINT-NIZIER-D'AZERGUES

Saint-Nizier-d'Azergues nous apparaît perché à gauche sur un mamelon, à l'altitude de 50o mètres. C'est un petit paysage alpestre. Le château a appartenu au vicomte de Sécléau qui fut sénateur. Là, le climat est froid sur son sol granitique. Des céréales, des coupes de bois, du tissage de cotonne en boutiques, des brpderies à la main qui occupent les longues veillées d'hiver, forment la richesse de ce petit pays.

C'est dans l'écurie de la ferme que se réunit, dans le Beaujolais, pendant les soirées glacées,. tout le hameau; chacun, à tour de rôle, y fournit l'huile rance qui alimente le quinquet fumeux Lieu de repos pour l'homme et pour la bête.

Sous la tiède haleine du troupeau endormi.

Après Saint-Niziér-d'Azergues commence la fameuse « boucle'de Claveisolles », un « pas de vis » audacieux, comme un Saint-Gothard en miniature. On croirait suivre la ligne de Grenoble à Lus-la-Croix-Haute, qui nous montre trois fois dans ses méandres la gare de Vif dormant dans les bas-fonds. Paysage splendide, œuvre d'art grandiose, qui frappe la vue à l'arrivée à la gare de Saint-Nizier et que nous admirerons jusqu'à la gare de Poule.


En effet, de Saint-Nizier-d'Azergues, la ligne forme une boucle complète, serpentant autour du même sommet.

Elle rencontre, dans son anneau, la gare de Claveisolles, puis revient sur elle-même par une courbe graoieuse et, franchissant un vallon sur un beau viaduc, nous montre encore St-Nizier, bien bas dans la valléej pour entrer enfin, la bou cie terminée, dans le cœur de la montagne.

CLAVEISOLLES

Son altitude oscille entre 400 et mètres, c'est assez dire quels sont ses accidents de terrain. On le nommait, paraît-il, jadis, Clauveyson. Au-dessus de lui, la cime du Soubran atteint 900 mètres.

Les familles de Thy et de Viry sont originaires de ce petit village, arrosé par la rivière de Claveisolles, un affluent de l'Azergues.

A gauche, le château de la Porte, à 640 mètres d'altitude, en face de Claveisolles et près de StNizier-d'Azergues.

A droite le fief du Paquelet ayant appartenu à M. Vaginay, qui fut, au commencement du XVIIIe siècle, le premier président de la Chambre de Commerce de Lyon, procureur général de la Cour des Monnoyes de Lyon, en sortant de la charge de prévôt des marchands à laquelle avait été temporairement attaché le gouvernement de la ville de Lyon, en l'absence du maréchal de Villeroy. Le hasard nous a fait découvrir, dans un vieux bouquin, les a Lettres historiques et galantes » de Mme Dunoyer, imprimées à Cologne


La Boucle de Claveisolles


en 1718, des détails presque inconnus sur la mort du procureur Vaginay.

Au milieu d'une santé parfaite, quoique âge de quatre-vingt-six ans, il marqua le terme de sa vie et se prépara.h mourir au jour qu'il s'était fixé, avec la même certitude que s'il eût été condamné par un arrêt delà Tournelle. Ses amis firçat tous leurs efforts pour l'arracher à une telle obsession, sans cause apparente. Peine inutile. Il ne semblait cependant ni malade, ni débile. Le jour fatalardvé, il il se confessa, communia, se fit porter l'Extrême-Onction; après quoi, il s'habilla et se rendit chez l'archevêque pour le remercier des excellentes relations. qu'il avait toujours eues avec lui et lui demander sa bénédiction. Puis il revint, calme, chez lui, donna à un homme de confiance la somme nécessaire pour faire célébrer, dans une église de Lyon, la messe des agonisants et, dans une autre, une messe des morts.

Son secrétaire exécuta religieusement ses ordres. Quand il revint, il trouva le procureur Vaginay mort. Il. s'était éteint naturellement, sans aucune souffrance.

On composa pour lui, comme' c'était la mode en ce temps, une épitaphe louangeuse qui commençait par ces mots

Ci-gtt qui, d'un pas lent, mais toujours assuré,

Marchoit dans les sentiers de l'austère justice.

Son sublime génie et son profond savoir

Lui donrioient au Palais un souverain pouvoir.

A décider `toujours juste et solide

11 étoit.de Thémis le soutien et le guide.


Pleins de jours {sic), de vertus, chéri du citoyen,

Cet homme rare est mort comme un héros chrétien.

Assurément l'intention de l'auteur de l'épitaphe est plus louable que sa rime. Mais ces quelques méchants vers nous montrent dans quelle haute estime était tenu, par ses concitoyens, le procureur-général Vaginay, ce noble enfant de Claveisolles.

Après cette longue digression, qu'on nous pardonnera en radson de son grand intérêt pour l'histoire de ce petit pays, qui l'ignore peut-être, nous repartons.

La nuit se fait soudain? nous franchissons un petit tunnel, pour entrer dans une vallée profonde qu'enjambe la voie sur un hardi viaduc. Là, les hameaux sont- partout semés dans les replis des vallons qui étalent leurs richesses. L'effet en est charmant. On sent partout le labeur, l'économie et le bien-être. Au lieu des sombres huttes, des pauvres fermes en pierres noires des Alpes, que le chaume couvre de sa lèpre, ici la construction est claire, riante. La tuile rouge pique sa note crue dans le vert des prairies,.comme des coquelicots dans les blés en herbe.

La voie monte, grimpe sans arrêt. De viaduc en viaduc nous parvenons aux crêtes élevées que dominent les noirs sapins, aux futs altiers

Chœur végétal, symphonie, orgue immense,

Qui darde au ciel d'innombrables tuyaux.

C'est là, sans doute, dans ce Beaujolais, qui fut


presque sa patrie, que Pierre Dupont vint étudier et chanter ces

Arbres divins respectés des tempêtes.

Ces sapins verts couvrant un sol sans herbe.

Là, tout charme et captive la grande paix, l'harmonie calme des bois, le oiel limpide, la vallée silencieuse.

Notre route serpente sur la montagne. A chaque détour, c'est un nouveau nid de verdure. Bientôt nous serons sur les hauts plateaux, à 600 mètres d'altitude.

La vue s'élargit; la brise froide nous fouette le visage. De gros oiseaux de proie planent majestueux dans le ciel, décrivant leurs vastes courbes avec un royal dédain du cheval de fer qui nous emporte.

POULE

Nous sommes à Poule, entre 600 et 973 m. d'altitude aux Bois d'Ajoux à droite, le haut Tourvéon. C'est la limite du département du Rhône. Avant de la franchir, faisons une halte prolongée. Nous n'aurons pas à le regretter, croyez-moi C'est la ligne de partage des eaux des bassins du Rhône et de la Loire.

Entre Poule et Chenelette est le château de Fougères, construit au XIIIO siècle. On y voyait aussi jadis un château-fort considérabTè, aujourd'hui transformé en ferme.

Poule n'aurait rien qui nous. retienne si, tou. ristes consciencieux, nous' ne devions pousser


une pointe hardie jusqu'aux Echarmeaux, la par tie la plus pittoresque peut-être de notre excursion.

L'issue fatale d'une mission au cœur de l'Afrique centrale appela dernièrement l'attention de la France sur un malheureux officier, enfant des Echarmeaux.

Le hameau est situé dans les bois d'Ajoux, à la jonction de plusieurs routes jadis très fréquentées, presqu'abandonnées par le roulage depuis l'ouverture de la ligne de Lozanne à Paray-leMonial.

Là se croisent les routes allant à Beaujeu, Lyon, Thizy, Belmont, dans la Loire, Chauffailles et Charolles, dans Saône-et-Loire; car le village se trouve au point de jonction des trois départements, du Rhône, de Saône-et-Loire et de la Loire.

Il occupe, à 718 m. d'altitude, le col même qui fait la limite de ces divisions territoriales.

Longtemps ce passage fut la terreur des voyageurs qui se servaient de la fameuse diligence, if La Charolaise », partant de Lyon, sur le quai de Bondy. Ce dernier échantillon de la carrosserie antédiluvienne stationnait près des anciennes maisons du quai, devant ces vieux cabarets aux rideaux discrets d'andrinople, aux petits carreaux en cul de bouteilles. Tout concourait au décor archaïque de la scène,

Là, entre une 'bouteille de Beaujolais et un « rougeret », les voyageurs qui attendaient le coche se racontaient les histoires des arrestations de la diligence par les voleurs des grands bois des Echarmeaux, les longues stations probables


dans la neige, sur une route devenue souvent impraticable.

Les postillons chargeaient la diligence à des hauteurs invraisemblables, vertigineuses, emplis saient les coffres du courrier des envois recom mandés; on vérifiait l'amorce des pistolets, à portée de la main dans les fontes du cocher et dans les poches du coupé et, après de touchantes

Poule

embrassades, on partait au cliquetis des fouets, au tintement sonore des grelots.

On traversait Villefranche, dans la nuit le lourd véhicule troublait avec fracas le silence de la ville endormie sur le Morgon boueux, et la diligence s'évanouissait dans l'ombre, au trot Jourd de ses lourds chevaux.

Aujourd'hui tout cela n'est plus.

Les Echarmeaux même se sont transformés; le


pays des sabotiers et des rouliers est devenu une station estivale pour les cures d'air.

Il y aurait assurément foule de visiteurs et de touristes car le pays est merveilleux si un petit hôtel confortable venait donner aux excur.sionnistes le luxe nécessaire et la table hospitalière et bien servie. Hélas les Echarmeaux n'ont encore qu'une maison meublée. Nous transmettons ce désir au T.C.F., qui devrait susciter ces initiatives.

Les promeneurs pourront, entre deux courses sur les hauts sommets, à la.recherche des champignons savoureux, des fraises parfumées, des noisettes ou des chauds laitages, y admirer les monuments d'un art naïf qu'y a semés un sabotier nommé Molette, ouvrier illettré, qui avait en lui, inné, le sens de la sculpture que lui avait inculqué la gravure des sabots.

Molette s'essaya à la pierre et, enfin, se haussa au grand art, en taillant cette statue de Napoléon qui se dresse au bord de la route et tourne le dos à la profonde vallée d'Azergues.

C'est une ébauche lourde et fruste, où le grand homme est surtout reconnaissable à sa redingote et à son geste classique de la main dans1 l'échancrure du gilet.

Le piédestal est orné de l'aigle symbolique, dont

lUllMSW» s régime éohauffant des Hôtels par les pilu-


Molette avait pris le modèle sur un de ces grands rois des airs, tué par lui à Tourvéon.

La Stratue de Napoléon aux Echarm0aux

Le « tailleur d'ymaiges » a inscrit ces vers à la base de son oeuvre

0 toi puissant héros que l'univers admire,

0 tôt, qui nous donnas la gloire avec l'Empire,

Supporte que ma main, en ses loisirs, retrace

Et tes nombreux exploits et ton auguste face.

Par J. MOLETTE, flls, sabotier.


Louons la bonne intention, sans chicaner sur le style 1

Molette a tâté aussi de la sculpture religieuse. Ce Christ, qu'il a taillé à la croisée des routes, entouré des quatre évangélistes, avec ses reliefs raides de fruits et de feuillages, ferait croire, si le temps y avait ajouté sa rouille et sa patine, à quelque legs du XIIO siècle. Il en est de même de la statue de la Vierge, sculptée pour couronner la montagne.

Qui sait ce que fût devenu le sabotier Molette, s'il eut été encouragé et guidé?

Du carrefour, sur lequel veille Napoléon, on voit se creuser profondément, entre de belles montagnes boisées de sapins, la vallée de Poule et les méandres de l'A'zergues.

En face, se dresse, nu comme un volcan, le mont Tourvéon, qu'auréole la légende du fameux Ganelon, le chevalier félon des « Chansons de gestes », qui trahit Roland à Roncevaux. Son château, grâce à une coupe de bois, en éclaircie, dans la forêt, montre ses ruines au hameau de la Nuisière, près de la branche orientale de l'Azergues. Le roi Louis-le-Débonnaire vint ici, en personne, assiéger le traître Ganelon qui, fait prisonnier, aurait été, dit la: chronique, enfermé dans un tonneau garni de. pointes de;fei et lancé du haut de la montagne. Le tonneau, toujours d'après la légende, serait allé, en gravissant par l'élan d'autres montagnes, rouler jusqu'aux Avenas. Enfin, devant nous, se dresse le Saint-Rigaud, le géant des monts du Beaujolais, à t.ois mètres d'altitude.


C'est lui qui relie les monts du Beaujolais aux monts du Charolais. Son nom vient d'une fontaine aux eaux miraculeuses, située près de son sommet. Les femmes stériles y vont, m'a-t-on dit, demander la fécondité, et les malades la guérison d'une foule de maux.

Le panorama est idéal. A l'ouest, la ligne bleue des montagnes du Forez et de la Madeleine, dominée par la masse imposante de Pierre-surHaute, 1,640 m. A l'est, les terrasses couvertes de vignes du Beaujolais et, tout au loin, par delà le clair ruban argenté de la Saône, le regard se reposant, charmé, sur la Bresse, les Dombes, les Alpes et le Jura.

Le tunnel des Echarmeaux, un des plus longs de France, nous prive de la lumière pendant des minutes qui semblent des siècles.

Nous entrons soudain dans le département de la Loire, que nous allons rapidement franchir dans sa pointe extrême.

BELLEROCHE

A notre gauche, dans un site agreste, sauvage, aux pieds des grands sapins du Mont-Pinay.

La voie descend rapidement des cimes pour gagner les verts plateaux du Charolais.

BELMONT

Petite gare,- dans la vallée qu'enjambe ie viaduc du. chemin de fer. A gauche, St-Gèrmain-la-Montagne et le mont Chehi^à l'altitude de 663 m.


Nous voici bientôt, par une pente hardie, dans le département de Saône-et-Loire, dont Chauffailles nous ouvre les portes.

CHAUFFAILLES

Grande et jolie bourgade, qui s'étale dans la vallée, sous sa gare en terrasse.

Cette petite ville est d'une propreté remarquable, encadrée par son cirque de verdure, avec une large éclaircie sur la route de Chàteauneuf. Elle mouille ses pieds, la coquette, dans le petit ruisseau du Botoret, frais, ombragé, alimentant moulins et usines, pour se jeter, après de capricieux' contours sous les futaies, dans le Sornin, à StDenis-de-Cabanne, près du château de Gatelier. Chauffailles était, avant la Révolution, une petite commune sans industrie, dépendant du baillage, recette et diocèse de Mâcon, .arçniprêtré de Charlieu. Aujourd'hui elle compte de nombreuses fabriques de toiles, d'importantes filatures de coton, de riches fabriques de couvertures, des blanchisseries. C'est un centre des plus importants du commerce des toiles.

Aussi respiré-t-elle partout'le confort et le bienêtre on_ y sent l'activité unie au travail, avec l'intelligence.

La grande route d'Autun à Beaujeu traverse la

Clous, Furoncles, Maux blanoa, Panaris. Guérison rapide par l'Onguent du Samaritain. Prix 0.80. Envol franoo de rouleaux aontre mandat do 1.30 adres. ,Ma Pharmacie DUBOST, à fflaoon.


ville, ombragée de loin en loin par de beaux arbres, aux berceaux épais, qui créent, autour de Chauffailles, de nombreuses et jolies promenades. Sur la place de l'église se tient un important marché que fréquentent les bonnes vieilles montagnardes, aux bonnets blancs tuyautés, et les Charolais aux longues blouses bleues.

Sans avoir aucun monument qui pique la curiosité, Chauffailles présente un ensemble de. constructions très intéressantes. Partout les hauts toits

Viaduc de St-Germain-la-Montagne

glissants qui chassent la neige et défient les tempêtes. Sur la place du Marché, l'église moderne sans grand style, au clocher élégant. Elle fut construite en 1836, à quelques pas de l'emplacement de l'ancienne église, ainsi que l'indique cette inscription un peu effritée, encastrée dans l'un des deux lourds piliers qui soutiennent le porche E Zoco prioris sacoui quinque mx Éaçsibus distantsm. Sur l'autre pilier, la dédicace Sub titulo


AGENDAS SILVESTRE POUR 4 905

ÉDITION COMPLÈTE

ABENDA dES AGRICULTEURS

Er DES VITICULTEURS

Edition ordinaite,toile soie. 1.25 Par poste 1.50' Edition de luxe, mouton.. 2 D » Edition de bureau. 2.50 »

ÉDITIONS AgENDA DIS

ABENDA DES VITICULTEURS.

ET DES NÉ60ClANTS EH VINS

DES AGRICULTEURS

ET DES INDUSTRIES AGRICOLES

Edition ordinaire, toile soi? 25 Par poste Edition d& luxe, mouton 3 » 3.2S


Sancti Andréa sacra/a, j>roâiit sacellum ante VIII sec. constructum, scej>e refaralum et auctum. La halle est établie précisément sur l'emplacement de l'ancienne église dont il ne reste que la grande nef.

A gauche, l'hôtel de ville, vaste, coquet, avec .de jolies moulures.

Plus bas, sur la grande rue, le couvent des Soeurs de l'Enfant-Jésus, maison-mère et pensionnat. Les constructions ont un grand caractère; dans la cour intérieure s'étend un long cloître. Les premières constructions du couvent datent de 1854. En face, sur là montagne, dans les bois, une petite chapelle sert de lieu de pèlerinage..

Enfin, sur les bords de la rivière, le vieux château, avec ses deux tours en entonnoir, appartenant aujourd'hui à M. Demoulin.

Tous ces monuments sont déjà popularisés par la carte-postale illustrée qui, dans le Charolais, comme partout ailleurs, est plus en vogue que jamais..

C'est un souvenir si agréable à rapporter d'une excursion champêtre 1

Bien de plus riant que lé panorama de Chauffailles vu de la gare.

J'ajouterai qu'on peut trouver, à Chauffailles, le confort, le repas le plus plantureux et la cuisine la plus savoureuse.

C'est un détail qui a bien son importance pour le touriste qui, souvent, hésite à s'embuiquër, redoutant à l'avance les affres de la faim.


MUSSY-SOUS-DUN

Quelques kilomètres séparent à peine Chauf failles de Mussy; c'est un but de promenade très fréquenté.

Car c'est ici que se dresse le plus grand viaduc de la ligne, œuvre d'art audacieuse, grandiose, qui jette ses deux bras à cinq cents mètres de distance, sur les sommets de deux hautes collines, laissant la vallée ombreuse à des profondeurs vertigineuses. Le spectacle est merveilleux, dans ce cirque de montagnes aux gras pâturages. On aperçoit, dit-on, le viaduc de Mussy, de Chalon-surSaône.

Mussy dépendait, jadis, comme Chauffailles, de l'archiprêtré de Charlieu. Le chœur de son église date du XII, siècle.

A droite, au fond, dans la vallée que barre le viaduc, perce le clocher d'A'nglure-sous-Dun. Car, dans cette région, un grand nombre de villages portent, accoté à leur nom, celui de la montagne de Dun, Pagus Dunensis, à 789 mètres d'altitude, entre Mussy, et La Clayette, joli point d'excursion, avec ses tombeaux gaulois et la chapelle coquette construite à son s.'nmet, en t8çç. DUN

Le Charolais.est riche.en vieux souvenirs et en traditions. Qui nous dira l'histoire des antiques forteresses féodales de Suin, Dondin, Dun ou Àrtus, qui eurent, assurément, leurs jours célèbres ? Les vieillards, à la veillée, ne vont-ils pas con-


Chauffantes


tant que Mâcon était jadis situé sur la montagne de Dun. L'ennemi vint, établit ses canons sur la montagne de Dunet et bombarda la ville. Depuis lors,. le trou du Dunet, plein de pierres, s'est tou.jours appelé le a Pote (trou) de l'ennemi ».

La ville fut saccagée, ruinée, brûlée, et l'on re.construisit Mâcon sur les bords de la Saône. La ville de Mâcon, perchée autrefois sur le Dun, bombardée, détruite par le canon, il y a plus de mille ans tout cela semble bien tenir de la légende. La vérité qui s'en dégage est que Dun, par son nom celtique Dunum, par ses ruines, parait fort ancien, et devait être assurément très fortifié par sa situation sur la plus haute montagne du Mâconnais. La forteresse avait deux portes, l'une de Mâcon de là vient la légende l'autre de Saint-Laurent, quatre tours rondes et des murs épais. Philippe-Auguste, -qui Et la guerre aux comtes de Chalon, de Mâcoii et de Beaujeu, pour les punir d'avoir ravagé les terres des moines, en démolit complètement Dun, qui ne se releva jamais de ses ruines.

La tradition populaire met le canon à la place des machines de guerre la tradition n'a pas inventé la poudre et voilà toutl

Une relation. manuscrite, maladroitement recopiée, et à laquelle on ne peut, dès lors, assigner d'âge certain, dit Et fut prise et battue, cette ville de Dun-le-Roi, sur le comte de Mâcon; et sur le comte de Beaujeu furent pris et abattus les forts et ville de Chevagny-le-Lombard. Après ladite démolition, tous les. habitants, bourgeois et principaux officiers de la maison dudit comte de


Yiaduc de Mussy-sous-Dun


Mâcon se retirèrent en la ville du Bois-SaintoMarie. Tout destruit et gasta et prit proies ». Tout fut rasé impitoyablement. L'église seule fut respectée, le choeur tout au moins. C'est autour de ce chœur, restauré avec intelligence et avec goût, que se dresse la chapelle neuve, à la façade simple et élégante, élevée par les soins de M. le comte de Rambuteau.

La porte d'un fort bon style, est encadrée par deux archivoltes en cintre brisé, qui reporteraient plutôt au XIII' siècle qu'à la seconde moitié du XII8. Au milieu de la façade s'ouvre une grande fenêtre en plein cintre, cantonnée de colonnettes. L'église est surmontée, au-dessus du carré du transept, d'un joli clocher, à pyramide de pierre, composé de deux étages, le supérieur ajouré de tous les côtés.

Une charte de Savigny, de 922, fait mention de l'église « Saint-Pierre du monastère de Dun ». Un monastère dans une forteresse?

Des fouilles récentes, très curieuses, ont été faites sur la montagne.

On trouve encore, tout autour, des amoncellements de ruines non fouillées, qui cachent peutêtre des trésors d'archéologie. Car les légendes foisonnent autour de Dun, au sujet des richesses qui y seraient enfouies. Telle la légende de cc la pierre tournante » qui tournait durant l'élévation de la messe de minuit; la cavité restait un moment béante, découvrant dans les flancs d'une caverne des trésors inouïs d'or, d'argent, de pierrenies étincelantes. Une pauvre femme voulut s'emparer de ces trésors. Elle vint donc, une nuit de Noël, tenant son petit enfant dans ses bras, à


La Cha$ells-sous-ûim


Dun, sur la « pierre tournante ». Le moment solennel arrive, la pierre tourne, l'or étincelle. Vite la femme dépose son enfant sur le sol et plonge dans la caverne. Bientôt son tablier est plein d'or. Mais la pierre tourne et reprend sa place. La mère pousse un cri; l'enfant avait roulé dans le trésor. Eplorée, elle courut voir un ermite voisin, qui lui conseilla de retourner, l'année suivante, à Noël, sur la pierre, d'y reporter tout l'or volé, sans qu'il y manquât une piécette. L'enfant devait lui être rendu à ce prix. La légende veut que la mère retrouva, en effet, à minuit, son enfant encore vivant, malgré ce jeûne forcé d'une année. Ne nous inscrivons pas en faux contre ce joli conte ? N'estil pas charmant, dans sa naïveté ? Les sources abondent dans la montagne de Dun.

Tefle la fontaine Saint-Denis qui guérissait, disait-on, l'épilepsie, appèlée « Mal Saint.Jean » dans toute la contrée charolaise.

La légende voulait aussi que les souterrains de Dun fussent habités jadis par une race d'hommes si petits que les Lilliputiens de Gulliver eussent passé près d'eux pour des géants. Ces petits êtres s'appelaient « Faillettes », ou petites fées, comme la peuplade qu'on disait vivre à la petite montagne de Chemineau, dans le voisinage de Dun et qu'on appelle encore « Roches-Faillettes n. Là, le paysan vous montre, parmi les rochers, « le fauteuil de la reine », le « greu » ou berceau de l'Enfant-Jésus, l'écuelle de la Vierge, etc. autant de pierres druidiques qui servaient de refuges aux malignes petites « Faillettes » de Chemineau. Croyez-vous que Dun, avec ses souvenirs et ses légendes, ne méritait pas d'être visité


Après Mussy la voie entre en tranchée. Nous redescendons à l'altitude de 400 mètres. Voici les grands plateaux herbeux où naît cette robuste race de bestiaux du Charolais, la richesse du pays. CHASSIGNY.SOUS.DUN

Pays bien cultivé, avec de jolies collines boisées, une église moderne, style du XIII" siècle, et le'château du Bief. Au fond, dans l'horizon vert, la Chapelle-sous-Dun, ses riches charbonnages, qui occupent de nombreux mineurs, et sa gare à cheval sur la voie unique de la ligne de Chalon à Roanne.

Dans tous les coins de bois sont samés de gracieux hameaux, site pittoresque rappelant nos plus jolis coins des Alpes Dauphinoises. A droite, entre plusieurs tunnels qui nous dérobent quelques points de vue, de grandes échappées sur le Charolais.

Voici le beau viaduc de Gothard et, dans les bois, sa cascade gazouillante, lieu d'excursion des promeneurs de La Clayette.

Car nous sommes ainsi arrivés à cette petite ville, une des plus riches bourgades du Charolais.

nlinuri.n. 1 les deCASCARA BVBOST.Bffieacité, 'TOURISTES I PhTrmaoles.Dépôtgén.Pftarmao/eOBiost, TOURISTES Mâoo/i.Evit.oontrefaQonsetsubstitutions.


LA CLAYETTE

A la bifurcation de la ligne de Roanne à Cluny et à Chalon-sur-Saône, La Clayette étale son amphithéâtre de maisons pittoresques aux toits aigus, sur le bel étang qui la ceinture. C'est un pays heureux et qui le montre par la coquetterie des maisons de sa grande rue, assise sur 1a route de Mâcon à Marcilly par Tramayes, et d'Autun à Beaujeu..

La Clayette est un centre important de commerce de toiles et surtout d'élevage de chevaux et de bestiaux.

De nombreuses usines sont mues par les eaux de l'étang qui anime l'usine d'éclairage électrique dont jouit le pays et qui alimente également Chauffailles.

Ce n'était, au commencement du XIXe siècle, qu'une annexe de Varennes-sous-Dun, dont nous avons déjà parlé à propos des « Faillettes ». On le voit à droite, sur la hauteur.

La Clayette dépendait du baillage de Mâcon et de la châtellenie de Bois-Sainte-Marie, que nous avons citée au sujet de l'antique forteresse de Dun.

L'antique et curieuse église de Saint-Avoilt, sur la grande rue, dans l'ombre des marronniers, avec sa flèche aiguë au milieu du transept, était la chapelle d'un vieux couvent, aujourd'hui détruit. L'église paroissiale est toute moderne, proprette, mais sans caractère.

Sur l'étang, au déversoir, et au bas d'une rue perpendiculaire à l'axe du village qui y accède,


se trouvent les restes de l'ancien château, qui doit avoir été fortifié; un pont-levis crénelé en défend l'entrée et commande la passerelle qui traverse les larges fossés d'enceinte.

Aujourd'hui, c'est un château Renaissance splendide, construit, il y a une dizaine d'années, et appartenant à M. de Noblet. Ses hautes tourelles à clochetons et à girouettes de plomb percent le ciel et jettent une note curieuse sur ce beau décor. La Clayette fut la patrie de Jean-Claude de Lamétherie, né en 1743, qui dirigea, à Paris, le journal de Physique, après le départ de Mongez avec l'expédition de La Pérouse. Il laissa de nombreux ouvrages de science, et fut professeur d'his toire naturelle au Collège de France. Il est mort en',1817. Là aussi naquit Côme-Antoine Geoffroy, député de Saône-et-Loire au Conseil des CinqCents, en septembre 1795, qui fut rayé comme émigré en mai z799, revint en France et entra au Conseil Législatif, où il siégea jusqu'en 1814. Il mourut juge de paix à La Clayette, en 1837. Nous ne quitterons pas cette jolie 'ville sans en vanter la riche végétation et la belle ordonnance. Le climat y est sain; le gibier d'eau peuple l'étang le lièvre et la perdrix abondent dans les futaies. Dans l'étang, sur son fond de. granit, vit une race de carpes rougeâtres délicieuses, nommées, à cause de leur couleur, les « carpes dorées ».

Tout au fond, vers la vieille et coquette chapelle de la Croix-Bouquet, intéressante avec son groupe primitif de Sain-Roch qui en orne le porche, se dresse une grande salle des Fêtes, au milieu des prairies où s'organisent, pluiseurs fois


par an, les concours d'étalons et de pouliches. Car j'ai dit que La Clayette était un des plus riches centres d'élevage du Charolais.

Plus loin s'étend l'hippodrome de Corbigny, où

ba Clayette Porte du Chdteau

se donnent les courses de chevaux de La Clayette, rendez-vous de toute l'aristocratie charolaise. J'en aurai fini, quand j'aurai dit qu'on vit admirablement à La Clayette le touriste y trouve des garages de bicyclettes et d'automobiles, da vastes écuries pour les attelages, d'élégants cafés


La Clayette L'Eglise


pour les oisifs et des hôtels plantureux pour les gourmets.

Il nous restera à conter, à propos du marché aux bestiaux de La Clayette, cette jolie historiette que les vieux se transmettent d'âge en âge et qui dépeint bien les mœurs paysannes du Charolais. Ce sont encore les jolies petites Faillettes de Che.mineau qui en font tous les frais.

Deux pauvres paysans des Noyers possédaignt deux de ces utiles animaux qu'on engraisse et qu'on met au saloir. L'un d'eux, chaque matir, avait pris l'habitude de quitter l'étable et de monter aux Roches-Faillettes. Il engraissait à vue d'ld1 et a faisait bonne fin », comme on dit au pays. Un soir, le paysan dit à sa femme « Il faudra le mener au prochain marché de La Clayette l « Oui, il vaut bien trente écus »

Affaire décidée. Le lendemain matin le porc remonte au Chemineau; il en redescend, le soit, avec, au cou, une bourse contenant trente écur C'était son prix.. Le jour suivant, la bête reprit le chemin des Roches-Faillettes; mais elle ne revint plus; les petites fées l'avaient payée et mise à leur saloir.

Que sont-elles devenues? Il parait que les Faillettes de Dun et de Chemineau se réunirch'. un jour dans la vallée -du Sornin et partirent dans la nuit. Une brave femme, attardée à la recherche de son troupeau, fut témoin de leur exode.

Vous nous quittez pour longtemps? leur ditelle, tremblante.

Nous reviendrons quand les « agrelles défeuilleront.

Or, les « agrelles », les houx, sont à feuilles


persistantes. Nous ne reverrons donc plus les Faillettes.

Telle est La Clayette, une des perles du Charolais.

BEAUDEMONT

A gauche en face de La Clayette; puis le château de la Dré, un Versailles en miniature, à 7 kilomètres de La Clayette. Il appartient au marquis de Croye; plus loin, à droite, Saint-Symphoriendes-Bois, aù milieu de grands bois de chênes, dans un cirque verdoyant, semé de villages.

DYO

Nous arrivons à Dyo, sur les hauts plateaux du Charolais, un pays qui ressemble beaucoup au Trièves, dans le Dauphiné. On le nommait jadis Dyon, Dio, Diocùm; il faisait partie du baillage de Mâcon. C'était une baronnie qui donna son nom à une très ancienne et illustre famille du Maçonnais. Philibert de Dyo fut président au Parlement de Paris, sous Charles IX. Claude Palatin de Dyo et Jacques de Dyo-Montperroux furent élus de la noblesse, le premier, aux Etats de le second en 1622. En 1778, un Dyo-Montperroux était commandant de Chalon. Le château de Dyo, au milieu des bois, tombe en ruines. On ne voit, de la gare, que le clocher du village, perçant à gauche dans les futaies.

A droite, le Charolais se découvre tout entier. Au loin, le château de Veau datant du XVIII" siècle.


SAINT-JULIEN-CHANGY

Deux communes assez éloignées l'une de'l'autre et réunies dans la même gare.

Saint-Julien-de-Civry possède une église avec son chœur du XV siècle.

A droite, le château de Marcilly, au village de Marcilly-la-Gueurce, du nom des seigneurs de Gueurche.

Changy, à droite, dans les arbres, était défendu jadis par deux châteaux-forts, situés à Aubin et à Rabutin; il n'en reste aucun vestige. Le hameau de Rabutin a donné son nom à la famille du comte de Bussy-Rabutin, dont la vie aventureuse et galante est connue de tous. Maréchal de camp, commandeur du Nivernais, mestre de camp, général de la cavalerie légère, disgracié par Louis XIV, il- mourut à Autun en 1693, après avoir écrit, entr'autres pamphlets, sa fameuse « Histoire amoureuse des Gaules ».

Changy avait un ancien. couvent de Bénédictines, dévasté pendant les guerres de religion. Au hameau d'Espinassy se trouvait une commanderie de Malte; plus loin, Terzé et son château én ruines.

Laissons à droite Vaudebarrier, au loin la forêt de Charolles et, par une route large et rapide, poussons une pointe jusqu'à la capitale du riche pays de Charolaisl


CHAROLLES

Un temps de trot et nous sommes à Charolles, sur la lisière des grands bois qui le couronnent. La gracieuse cité est assise sur deux rivières, la Semence et l'Arconse. On l'a baptisée, jadis, de bien des noms Kadrillae, Kadrellœ, Cadrillœ, Quadrilla, Quadrigellse, Carolea, Caroleia. Cette énumératioa fastidieuse vous dira assurément peu de choses. Son histoire est beaucoup plus intéressante.

La ville fut fondée, dit-on, en 929, par le roi Raoul, après la bataille gagnée à cette date sur les Hongres. Elle reçut, en i3ot, ses franchises et privilèges de Robert, comte de Clermont et de la. comtesse Béatrix, sa femme. Courtépée en fait mention dans la description du duché de Bourgogne. Son baillage fut établi, en 1477, par Louis XI. Un des princes du Charolais s'amusait, au milieu même du XVIII» siècle, à tuer à coups de fusils, les ouvriers qu'il apercevait sur les toits. Il appelait cela « Abattre les couvreurs ». Louis XV s'en indigna. Le comte lui demanda grâce. Le roi lui répondit « Je signe également la grâce de quiconque vous tuera en représailles. u La forteresse de Charolles fut souvent assiégée et prise sous les premiers ducs de Bourgogne, sous Louis XI et pendant les troubles de la Ligue. Tout le Charolais et, notamment la partie basse de la contrée, était, pour ainsi dire, hérissé de châteaux-forts. Tous furent renversés, les uns par ordre de Louis XI, les autres pendant les guerres civiles.


fn yente partout

Almnnach du Lyonnais Articles humouristiques

Contes drolatiques

Petit dictionnaire de Médecine Conseils pratiques

ILLUSTRATIONS NOMBREUSES

Foires et Marchés

des départements de la région

Beau volume de 416 pages

Px»lx s fr.

6, plaça Sollecour, LYON


Avant la Révolution, Charolles comptait dite nombreux ordres religieux un prieuré de Bénédictins, un monastère de religieuses de Picpus, un couvent de Sainte-Claire, des religieuses de la Visitation, enfin' des chanoines desservant la paroisse, jouissant d'une jolie prébende, et qui devaient être « enfants du pays ». Il n'en restait que trois en

Charolles possède encore ses deux tours du'XV4 siècle, aux toits pointus, qui dominent la rivière, des maisons intéressantes du XV siècle et les restes d'un château des, comtes de Charolais, sur l'éminencé.

Un poète charolais, du siècle dernier, écrivit la Ballade du Château de Charolles

De l'antique château le voyageur qui passe

D'un regard curieux en vain cherche trace;.

Sous son pied destructeur le temps l'a renversé

Seules, quand les débris s'entassent autour d'elles,

Ses tours, encore debout, comme deux soeurs jumelles,

Semblent regretter le passé,

Mais, si le château féodal a disparu, le pays étale autour des ruines une richesse merveilleuse. C'est le pays par excellence de l'élevage et du dressage des pur-sang charolais, race solide, fière, une des plus belles de France. Là tout respire le bien-être et le confort.

Cependant le temps nous presse; il nous faut rejoindre la voie ferrée à Changy; car Charolles possède sa gare sur la ligne de Mâcon à Paray-leMonial.

De Changy, la ligne tourne rapidement à gauche et s'enfonce dans les bois.


LUGNY-LES-CHAROLLES

Luniac um ad Quadragéllas, sur les bords de l'Arconse, cette jolie petite rivière qui prend sa source dans l'étang de Rousset, canton de la Cuiche, du nom de cette. famille illustre. L'Arconse arrose et fertilise le Charolais, traverse Charolles pour se jeter, après mille détours capricieux, dans la Loire, au-dessous de Digoin.

Lugny, sur la route de Paray à La Clayette, était une des quatre anciennes baronnies du Charolais, appartenant, depuis le XVO siècle, à la maison de Lévis.

Il possède un beau château, restauré en à droite, avec un parc splendide, dans un paysage merveilleux. Devant le château, une petite église, très coquette, s'étalant au milieu des prairies, dans ce cadre ravissant de verdure.

La voie descend rapidement.

Autbur de nous, plus de montagnes, mais des plateaux superbes, de gras pâturages, des bois épais.

Nous sommes enfin arrivés à Paray-le-Monial; but de notre promenade.

PARAY-LE-MONIAL

Pareid, Paré, Pareu, Paroi, Paredum, Parareium, d'après une charte de Philippe le Hardi, en '1274, et combien de noms bizarres encore I Petite ville charmante, de plus de 4.000 habitants, gracieusement assise' sur la Bourbince, au milieu


du « Val d'Or ». Elle partage la distance qui sépare Moulins de Mâcon.

Des fragments d'antiquités romaines prouvent

Paray-le-Moreial La Canal

que le lieu où cette ville a été bâtie était habité dans les temps anciens.

En 973, Lambert, comte de Chalon, y fonda un prieuré de l'ordre de Saint-Benoît et lui donna, comme c'était l'usage, le nom d' « Orval » ou de


« Val d'Or n. La charte de fondation constate qu'il existait sur cet emplacement un ancien temple alors en ruines, qui servit de base à la basilique moderne.

Le site de Paray est ravissant, avec la double ceinture qui l'entoure, la Bourbince et le Canal du Ceatre: Celui-ci réunissant, on le sait, la Saône à la Loire, débouche dans la Saône à Chalon et dans la Loire à Digoin. Il s'appella d'abord, canal du Charolais et fut projeté par François I"r, par Sully, par Louis XIV; il fut commencé en 1785 et terminé en 1793. Son développement total est de 120 kilomètres 900 mètres.

Les environs de Paray-le-Monial sont charmants. Des routes ombragées de hauts platanes en forment les diverses avenues.

Mais, la batellerie du canal exceptée, qui pique une note gaie dans le paysage, il semble qu'un voile de. brume, d'ennui profond s'étend sur cette ville, pourtant si coquette.

Et, cependant, quelle activité y régnait avant la révocation de l'Edit de Nantes Depuis, ses manufactures disparues ont tari la source où elle aurait pu puiser de nouvelles richesses. Cependant on y vit bien, paisiblement, sans souci du commerce et des affaires. Tout y respire l'aisance et la quiétude parfaite.

La deuxième ville de l'ancien Charolais est, aujourd'hui, le rendez-vous d'un des pèlerinages les plus suivis de France. Aussi, voyez, avec quel soin jaloux elle soigne les monuments de son histoire 1

Sa basilique, coquettement assise sur les bords ombreux de la rivière, est un bijou de sculpture


byzantine. La porte principale, avec ses lourds piliers et les deux portes du transept sont chargées d'ornements de la plus grandè beauté. 'on y admire aussi les colonnes du pourtour du choeur, surmontées de chapitaux romans fort remarquables.

Paray-U-Monial

Deux tours carrées, accouplées, sont posées de.vant la façade principale. Leurs fenêtres à plein cintre, cantonnées de colonnettes, rappellent le style de Cluny et de Saint-Philibert de Tournus.


Au premier abord, elles semblent faire partie de l'édifice, tant elles en sont tapprochées; mais, en examinant avec un peu d'attention, on ne tarde pas à remarquer que leur plan n'est ni dans l'axe ,de la basilique, ni dans le parallélisme de ta façade. Evidemment, l'église et les deux tours n'ont pas été édifiées à la même époque. Les tours devaient faire partie du temple païen édifié avant notre ère.

L'une des tours porte le nom de Tour du Moine-Gare ».

La légende veut que, pendant la construction de la basilique, un ouvrier laissa tomber de la tour une poutre sur la tête d'un jeune élève du séminaire qui n'avait pas eu te temps de profiter de l'avertissement « Moine, gare Il fut tué sur le coup. Mais, saint Hugues, abbé de Cluny, qui se trouvait. à Paray, le prit par la main et le rendit à ses frères, sain et sauf,- d'où le nom de «'.Tour du Moine-Gare ».

Tous les détails intérieurs de la basilique sont d'un' beau roman pur. Une troisième tour, octogone, plus haute, s'élève à la croisée. Dans une des chapelles, à l'intérieur, le tombeau de Jean de Damas de Digoin, chevalier de la Toison-d'Or, mort en 1468.

On lisait autrefois sur l'un des piliers; ces deux vers latins

Stet domus hœc donec fluctus formtca marinos Ebibat, et totum testudo ¢esambulet orbem. Le palais abbatial, commencé en 1480, par Jean de Bourbon, avec son beau cloître à l'intérieur et sa jolie façade sur la rivière, ne fut terminé, par Jacques d'Amboise qu'en 1516. Il servit de refuge


à Louis XI, encore Dauphin, fuyant la cour de son père, et qu'une grave maladie y retint longtemps. On voyait encore, en 1730, dans le palais, des fresques représentant les armoiries du Dauphin et exécutées sur son ordre,'avec celles du duc de Bourgogne et des principaux seigneurs qui

Paray-le-Monial Là Basilique

t'accompagnaient, comme les sires de Digoin, de Damas, de la Guiche, de Vienne et de Beauf remont. Le palais abbatial appartint ensuite aux Larocliefoucault. Il fut réparé par les soins. du cardinal de Bouillon, disgracié par Louis-.XIV et exilé à Paray en 1704. On admirait encore, avant


la Révolution, les beaux jardins. tracés par le cardinal.

De l'abbaye au monastère de la Visitation il n'y a qu'un pas. Là, réside toute la fortune de Parayle-Monial. C'est dans le jardin de la Visitation, au milieu du célèbre bosquet de noisetiers, que protège aujourd'hui une enceinte de fer barbelé, qu'apparût le Sacré-Coeur à Marguerite-Marie Alacoque. C'est dans la chapelle du monastère qu'affluent, chaque année, de tous les coins du monde catholique, des milliers de pèlerins, pour qui a été élevé sous les grands arbres le coquet autel de bois de l'avenue de Charolles. Dans cette chapelle se montrent de splendides ex-voto, entre autres une magnifique reproduction, sur soie et or, do l'étendard des zouaves de Patay.

Une autre église ancienne, très belle, existe à Paray, l'église de Saint-Nicolas, qui sert de Palais de Justice, avec sa haute tour et sa chapelle au toit pointu. Dans une rue transversale on voit la tour Saint-Nicolas et son pignon; en face, au midi de l'église, se trouve une des maisons les plus remarquables qu'aient léguées à la France les siècles passés.

Il s'agit de la fameuse maison de Pierre Jaillet qui appartenait, au commencement du XIX, siècle, à M. Ribaillier et qui est aujourd'hui l'hôtel de ville de Paray-le-Monial.

Elle a été pieusement conservée par ses divers propriétaires. Le rez-de-chaussée seul semble avoir été approprié aux usages modernes, mais on a respecté, dans les .deux étages supérieurs, les fenêtres gothiques et les nombreux ornements qui en décoraient la façade. Cette maison se distingue


essentiellement des constructions particulières de cette époque qui nous sont parvenues, et dans lesquelles il entrait beaucoup de bois, assez sou- vent travaillé avec art. Celle-ci est entièrement en pierres de taille. On y remarque plusieurs statues, qui représentent probablement les souverains de l'époque Charles-Quint, François Ier, etc. et un grand nombre de portraits des hommes célèbres du temps. Deux personnages placés en regard, dans des cadres particuliers, paraissent être le fondateur et sa femme. Il existait aussi une inscription, malheureusement illisible aujourd'hui, ou l'on trouvait le nom de Pierre Jaillet et la date de 1515. Ce monument de la Renaissance vaudrait, à lui seul, la visite de Paray.

Plusieurs' légendes se rapportent à cette maison. On veut qu'à l'époque où le pape et Calvin avaient chacun leurs partisans à Paray, Pierre Jaillet, riche fabricant de serges et protestant, voyant un catholique, son rival, édifier en face l'église de Saint-Nicolas, résolut de l'emporter sur lui, en plaçant tout près sa somptueuse demeure. D'autres soutiennent, au contraire, que la malice doit être attribuée au catholique, qui ne construisit l'église que pour masquer la vue à la maison fastueuse du disciple de Luther. Choisissez à votre goût entre les deux versions! Peu nous cbaut 1 La maison est là et c'est une merveille.

On s'étonne que tous ces monuments nous soient parvenus si bien conservés, malgré les troubles qu'ils ont dû supporter autour d'eux, les luttes entre le Charolais et le Bourbonnais, les assauts des Ecorcheurs et des Maltôtiers d'An toine de Chabannes et de tant d'autres.


Paray souffrit beaucoup des troubles qui suivi. rent la mort de Charles-le-Téméraire, en 1744. En Poncenal et Saint-Aubin, chefs des Cal.. vinistes, avaient pillé et ruiné la ville; la peste de 1347 en avait détruit la population presque ea. tière.

Ses armoiries sont d'argent au Paon fouant d'aaur, becqué et patté de gueules ».

De nombreux personnages célèbres ont illlustré Paray-le-Monial. Tout d'abord la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque, née en -:64y, au ha-, meau de Hautecourt, près de Vérosvres, non loin de Paray, sur la ligne de Mâcon. Elle entra, à 20 ans, au couvent de la Visitation et mourut en t6go.

Guy de Paray, abbé du fameux monastère de Citeaux, cardinal et lïgat âu pape Célestin III en Allemagne, en archevêque de Reims en 1204. Antoine Malteste, né en 1520, lieutenant général du baillage de Charolles et du comte du Charolais.

Brice Bauderon, né en 1539, mort à Mâcon en 1623, reçu très jeune docteur en médecine à Montpellier et qui acquit une très grande réputation son fils, Gratien Bauderon, sieur dé Sénecey, moins connu que son père; son petit-fils, lieutenant général au présidial de Mâcon, et son arrière petit-fils, poète distingué et avocat, premier valet de chambre de la: reine Marie-Thérèse en 1673, mort à 94 ans, sont également originaires de Paray-lB-Monial.

Guillaume-Bénigne Bouillet, né en 1699, procureur général de la Chambre des comptes de Di-


jon, et chancelier de l'Académie de cette ville, mort en 1776.

Claude Bouillet, maire de Paray, tué, en i58l, à la tête de ses concitoyens, dans une charge con. tre les Calvinistes qui avaient surpris la ville. Philibert Boyer, procureur au Parlement de Paris, jurisconsulte.

Le P. de la Colombière, jésuite, célèbre par J?s prédications à la cour du roi Jacques, et dont Marguerite-Marie Alacoque prédit la mort.

Pierre Moreau, explorateur célèbre et écrivain de talent, mort en 1660.

Le P. Vavasseur, né en i6o5, mort à Paris le décembre 1681, savant jésuite, linguiste éminent.

Jean Viridet, médecin célèbre, protestant, ré- fugié en Suisse.

Charles Gravier, comte de Vergennes, mort A Paris en ^^successivement ambassadeur à Cofts- tantinople, à Stockolm, et ministre des Autres étrangères sous Louis XVI.

Ici s'arrête notre promenade de Lozanne à Paray-le-Monial. On a pu juger.de tout son attrait. Quand- nous aurons dit qu'un express, pariant, en été, do Lyon-Perrache à 7 heures du matin; nous fait accomplir cette ravissante promenade en trois heures, nous aurons suffisamment indiqué cette belle route aux promeneurs et aux touristes. Tous droits de reproduction absMttmim V^r ̃ <vès.



Carte 3 Préface 5 10 89 189 Table des noms de lieux cités. Noma de lieux cités dans le Guide

181 88 Anse. 171 134 si

TABLE DES MATIÈRES

Page.

Pages

Pages

(Loire). M9 145 Cerclé 164 Chaise (la) Charolles.


Chautiailles 220 Si Clayette (la) 9 Croit Dépôts (les). 237 (les). (la). 204 46 Fleurie. 154 97 33 9 Graves 25 Joug-Dieu, 104

Pages

9 30 Létra. Liergues. 9 Mâcon, 154-226 119 Néty. US Ouroux 184 Pommiers. Pont-Dorieu 191


page%

Poule 213 Pramenoux. Quincié 155 salles 127 Saint,Bonnet 119 lui Didier-sur-Beaujeu 129 Julien. 111

Pages

Saint Loup 62 208 Rigaud. 18R 63 48 37 Terres-Grasses 50 31 Tours (les) .«. Tourvéon 170-218 Tuileries (les) 46 134 20 Vénerie (la) 109

trop. P. LEOBNDM & 0", Lyon.


GRAND BAZAR DE LYON

Rue de la République, 3 LYON

Jouets, Voitures d'enfants

Jeux de Jardins, Boules

Articles pour cyclistes et. Automobilistes Bijouterie, Orfèvrerie, Photographie

Parfumerie, Articles de ménage et de Chauffage Articles de Voyage

Fournitures pour Èlectricité

CHAUSSURES, CONFECTIONS pour Hommes, Dames et Enfants

Bonneterie, Ganterie

Ombrelles, Parapluies, Cannes, Lingerie. Modes Plantes et Fleurs artificielles

Mercerie, Rubans, Tissus

Ameublements, Porcelaines, Cristaux Sellerie, Articles d'Écurie

Voir les Splendldes sous-sols ENTRÉE LIBRE


LA CASCARA DUBOST se vend en poudre, 2fr.; en pilules, Z /f.25,- M. J.-P. DUBOST, pharmacien à Mdcon, l'envoie franco contre mandat ou timbres. On la trouve dans toutes les bonnes pharmacies. s